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L’écosystèmevergerLa culture des fruitiers
(pommiers, cerisiers, pruniers)en Europe occidentale s’estdéveloppée il y a environ3000 ans.Elle s’est progressivementintégrée dans les exploitationset l’économie agricoles enl’associant aux cultures, prairiesde fauche et pâtures. Et si lapremière fonction de ces vergerstraditionnels était la productionalimentaire (et aussi de boisdans un contexte médiévalmarqué par une forte pressionsur la ressource forestière),leur implantation dans lesespaces ruraux leur a très viteconféré d’autres fonctionnalitéspaysagères et écologiques.
4 Vergers menacésLe verger haute tige n’a plus la cote ! En 2003,
la surface recensée sur l’ensemble de la France
représentait 144 000 hectares, soit une dimi-
nution de 42% depuis 1982. En Franche-
Comté, la régression n’est pas aussi forte mais
existe bel et bien. Sur la commune de Van-
doncourt, les effectifs en fruitiers sont passés
de 7 623 en 1995 à 5 771 en 2005 : une baisse
de 25% en dix ans (d’après un travail effectué
par Les Croqueurs de pommes).
Les raisons de cette érosion entamée depuis
plusieurs décennies sont multiples :
— simplification, intensification et mécanisa-
tion des systèmes agricoles ;
— urbanisme, développement des lotissements
et infrastructures aux pourtours des villages ;
— évolutions sociétales : mobilité géogra-
phique, exode rural, rupture de la transmis-
sion des savoir-faire d’une génération à l’autre,
attrait vers d’autres loisirs ;
— stratégie de l’industrie agroalimentaire :
production de masse standardisée de fruits
(4 variétés de pommes assurent 80 % de la
production) à bas coût et au goût uniformisé.
— réglementation sur le droit de distillation.
Mais plus alarmants sont l’état sanitaire et
l’âge des fruitiers encore existants. Sur le Pays
de Montbéliard, on estime en 2010 que le
peuplement d’avenir ne représente que le
tiers de l’existant.
La structuration des vergersL’exemple du village de Vandoncourt (Doubs) et ses alentours,
d’après un travail des Croqueurs de pommes, 1995.
00 Village : forte densité d’arbres et prédominance des pruniers, ainsi qu’autrefois
des noyers. Présence de quelques pommiers et d’espèces plus marginales (cognassiers,
néfliers, poiriers en espalier). Association avec le potager, le poulailler…
11 Première couronne: densité d’arbres encore importante. La
part des pruniers régresse au profit des pommiers. Présence
d’activités agricoles : petit élevage, production
d’herbage pour la basse-cour, maraîchage et autre-
fois chanvre.
22 Deuxième couronne : les pommiers
dominent, les cerisiers apparaissent.
Zones de prairies de fauche et de pâtures.
33 Champs : faible densité d’arbres ;
restent essentiellement les cerisiers.
MILIEUX NATURELS ET PAYSAGES | Vergers Vivants
FICHE22
Une richesse culturelle, alimentaire, paysagère
et écologique
L’intensification agricole,l’urbanisation, les évolutions sociétales menacent à moyen terme les vergers.
Planter un arbre, c’est préparernotre avenir et celui de nos enfants.
00
11
33
22
VILLAGE
FORÊT
CHAMPS
Le verger,patrimoine
à sauvegarder
Verger à Salins-les-Bains (39)Pré-verger à Vandoncourt (25)
— Le patrimoine fruitier de Franche-Comté,
Pascale Guinchard, Observatoire régional de
l’environnement de Franche-Comté, 122 p.,
2001. Présentation de quelques variétés origi-
naires ou bien adaptées à notre région.
— Le pré-verger pour une agriculture durable,
Frédéric Coulon, Philippe Pointereau et
Isabelle Meiffren, Solagro, 186 p., 2005. Une
référence pour aborder l’écosystème verger
dans ses dimensions productive, écologique,
paysagère et culturelle.
Contacts − Les Croqueurs de pommes (arboricul-
ture et variétés anciennes), plusieurs sections
en Franche-Comté :
www.croqueurs-de-pommes.asso.fr
− L’association bisontine de pomologie
(arboriculture et variétés anciennes) :
abpomologie.free.fr
− La maison de la nature de Brussey
(accompagnement et intervention pédago-
gique sur entre autres le thème des fruits et
vergers : www.cpie-brussey.com
− Vergers Vivants, association pour la pré-
servation et la valorisation du patrimoine
fruitier : www.vergers-vivants.fr
− Établissement pédagogique, muséogra-
phique et convivial : La Damassine, maison
des vergers, du paysage et de l’énergie (Van-
doncourt, Doubs) : mettez vos sens en éveil et
venez, tout en dégustant les produits des
vergers, parfaire votre découverte de ces
milieux! Ce bâtiment dépend de la commu-
nauté d’agglomération du Pays de Montbé-
liard.
Rédaction : Vergers Vivants.Relecture : Michel Thentz, FondationRurale Interjurassienne.Réalisation : Franche-Comté Nature Environnement avec le soutien financierdu Conseil régional de Franche-Comté.Crédit photos : Martine Landry, Florence Lagadec,
Emmanuel Riat, Claude Nardin, Luc Bettinelli,
Croqueurs de Pommes, Vergers Vivants, Arnaud
Chaillet. Illustrations : Desmond Bovey.
Le temps des cerises?La préservation des vergers haute tige ne pas-
sera que par une politique volontariste et la
reconsidération de nos modes de consomma-
tion et de production. Le pré-verger, et d’une
façon générale les systèmes agroforestiers, sont
des pistes sérieuses dans notre recherche d’une
agriculture durable.
Pour aller plus loin— Arbres et biodiversité, Arbres et eaux, Arbres et
paysages, Philippe Pointereau, Solagro, 3 bro-
chures de 32 pages présentant de façon fort
bien illustrée (photos, dessins et schémas
pédagogiques) le rôle des arbres champêtres.
— Aux origines des plantes – des plantes et des
hommes, sous la direction de Francis Hallé et
Pierre Lieutaghi, éditions Fayard, 665 p.,
2008. Les chapitres 2 et 3 traitent de l’appari-
tion du fruit dans l’agriculture et de l’arbori-
culture aujourd’hui. Le chapitre 5 resitue le
pré-verger dans les systèmes agroforestiers.
Le fruit, cultivé depuis 12000 ans…Dans noscontrées, depuis3000 ans.
Du verger traditionnel au verger intensifLe verger traditionnel, extensif 11, est
com posé essentiellement d’arbres de «haute
tige », c’est-à-dire d’arbres dont le houppier
(partie supérieure à branchage) se développe
à partir de 1,80 m environ. La densité d’ar-
bres est variable, excédant rarement deux
arbres à l’are (100 m2), sauf dans le cas des
pruniers qui peuvent avoir une densité un
peu plus élevée.
Le verger intensif 22 est quant à lui conduit
avec des arbres de «basse tige» (embranche-
ment dès 0,5 m) facilitant l’exploitation (ré-
coltes, soins et traitements). La densité d’arbres
y est élevée (6 à 7 arbres à l’are, voire plus).
Les vergers vont également se différencier par
les espèces et les variétés cultivées, ainsi que
par l’âge et le mode de conduite des arbres. Les
vergers traditionnels sont beaucoup plus di-
versifiés que les vergers intensifs. Ceci s’ex-
plique par une plus forte variation des facteurs
abiotiques (pédologie, exposition, climat) en
mode extensif qu’en mode intensif où l’on
recherche une parcelle la plus homogène pos-
sible. La diversité résulte aussi des autres utili-
sations de l’espace agricole permises dans les
vergers extensifs (pâture, fauche).
arboré. Dans les espaces urbains, l’arbre frui-
tier s’intègre très bien au bâti et habille les
vieilles façades (arbres en espalier 33) ou donne
une unité aux différents jardins d’agrément 44.
Une diversité écologiqueLes vergers ont plusieurs fonctionnalités
écologiques.
— Un arbre, fruitier ou non, facilite l’infiltra-
tion des eaux et limite le ruissellement et
l’érosion. Les racines recyclent les éléments
minéraux lessivés et réduisent donc le risque
de pollution des eaux.
— Dans les parcelles agricoles, les arbres per-
mettent le maintien de la teneur en matière
organique des sols (une teneur élevée réduit
les effets de l’érosion). Ce stockage de matière
organique est par ailleurs très important pour
la régulation de l’effet de serre. La décompo-
sition des fruits au sol libère des sucres favo-
rables au développement des champignons,
acteurs essentiels de la vie du sol.
— La présence d’arbres dans une parcelle agri-
cole entraîne une gestion hétérogène de cette
parcelle (fauche plus tardive à leur pied par
exemple) diversifiant les milieux, et rompt la
Fonctionnalitéspaysagères et écologiquesUne disposition géométriqueou aléatoireLes arbres fruitiers, au même titre que les
arbres isolés, les haies, les bosquets… sont
des éléments à part entière du paysage. Utili-
sés pour délimiter les parcelles, les fruitiers
(poirier, néflier, aubépine…) sont souvent
disposés en alignement, soit en limite, soit
au centre. Au sein d’un verger, la répartition
géométrique facilite aussi le repérage des
différentes variétés plantées.
Peu développée en Franche-Comté, la planta-
tion aléatoire (souvent résultat d’un semis de
hasard) donne des configurations de type parc
les vergers
simplification à outrance des paysages menée
depuis la mécanisation et le développement
de l’agriculture intensive. L’arbre offre divers
habitats (souche, bois mort, cavités) qui
constituent des micro-écosystèmes. C’est par-
ticulièrement vrai chez les fruitiers suite aux
opérations de taille. Les espaces arborés
jouent un rôle important dans l’accueil
(niches écologiques) et la circulation (corri-
dors écologiques) de certaines espèces végé-
tales et animales. Une trentaine d’oiseaux
nichent et se développent favorablement
dans les pré-vergers : huppe fasciée, mésanges,
pics, rouge-queue à front blanc, pie-grièche
écorcheur, pie-grièche à tête rousse, chouette
chevêche, torcol fourmi-
lier… Il en est de même
pour certaines chauves-
« ravageurs » (tordeuse, carpocapse, pucerons,
campagnol…) des cultures et des fruitiers par
ce que l’on appelle les espèces « auxiliaires »
(rapaces, chauves-souris, coccinelles, syrphes).
— Le verger traditionnel est aussi le lieu d’une
forte diversité génétique. Arboriculteurs ama-
teurs et professionnels travaillent depuis plu-
sieurs siècles au développement, à la sélection
et à la diffusion des variétés fruitières présen-
tant des caractéristiques intéressantes (goût,
résistance aux maladies, conservation…).
Certaines de ces variétés sont de nos jours uti-
lisées pour en produire de nouvelles.
souris (grand murin, petit et grand rhino-
lophes, minioptère de Schreiber…), certains
reptiles (lézard agile) et insectes.
— La densité des arbres au pré-verger influe
sur la composition floristique du milieu en
favorisant le développement des plantes qui
apprécient l’ombre (sciaphiles).
— La fonctionnalité écologique des vergers
traditionnels varie selon la densité des arbres,
leur disposition et agencement par rapport
aux autres éléments du paysage. En écologie
du paysage, les termes de connexion et de
maillage sont utilisés pour caractériser ces
agencements. Le pré-verger assure aussi bien
la fonction de gîte (développement de niches
écologiques) que de couvert (maintien d’une
chaîne alimentaire équilibrée). Le niveau de
biodiversité est un indicateur du bon fonc-
tionnement de cet agro-écosystème. Le main-
tien de chaînes alimentaires équilibrées
favorise le contrôle des populations de
2 3
Verger extensif 11
Verger intensif 22
Du plaisir de croquer lespommes et autres fruits !Les Croqueurs de Pommes sont des gour-
mands militants regroupés au sein d’une
association qui travaille depuis plusieurs
décennies à la préservation des variétés
fruitières. Ce mouvement né dans le
Pays de Montbéliard est
aujourd’hui national : 6 000
adhérents répartis dans plus
de 50 sections œuvrent à
la préservation de ce patri-
moine génétique par des
actions de sensibilisation 77,
formation, création de ver-
gers de sauvegarde, etc.
Une fonctionnalitéspatiale et paysagèreest l’organisationet le fonctionnementdes espaces naturelset humains pour l’architecte-paysagiste.
Des espèces menacées dans les vergers de Haute-Saône
Il existe dans la vallée de l’Ognon, entre Villersexel et Saulnot,
l’autre Pays de la Mirabelle ! Ces vergers se sont développés sur
les terres à vignes décimées après l’attaque du phylloxera
(insecte qui a donné le nom à la maladie qu’il provoque) à la fin
du XIXe siècle. Conduits de façon extensive, ces pré-vergers
composés essentiellement de mirabelliers 55 (le sol leur est
favorable) abritent une population importante de torcols
fourmiliers et de rouge-queues à front blanc 66. Pour ces deux
oiseaux, la Ligue pour la Protection des Oiseaux de Franche-
Comté a observé une densité d’autant plus forte que la superficie
de vergers est importante. Ce secteur est ainsi un site régional
remarquable pour ces deux espèces menacées.
Une fonctionnalitéécologique est le maintiend’un tissu vivantfavorisant la reproduc tion,le repos, la nourriture, le déplacement des popu lations animales etvégétales pour l’écologue.
Les vergers, essentiels pourl’eau, le sol, les corridors écologiques, la biodiversité…
Chouette chevêche et torcol fourmilier,
espèces nichant dans les vergers.
Plantation à Bavans(25) par l’association de sauvegarde des fruitiers de Bavans
33 Pêcher en espalier
44 Pommieren ville
66 Rouge-queue à front blanc, un oiseau menacé présent dans les vergers de la vallée de l’Ognon en Haute-Saône.
55
77