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Le moi, sujet de l'Histoire Author(s): Nadine Kuperty-Tsur Source: Nouvelle Revue du XVIe Siècle, Vol. 19, No. 1, L'écriture de l'histoire (2001), pp. 63-81 Published by: Librairie Droz Stable URL: http://www.jstor.org/stable/25598938 . Accessed: 15/06/2014 09:53 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Librairie Droz is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Nouvelle Revue du XVIe Siècle. http://www.jstor.org This content downloaded from 195.78.108.199 on Sun, 15 Jun 2014 09:53:08 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

L'écriture de l'histoire || Le moi, sujet de l'Histoire

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Le moi, sujet de l'HistoireAuthor(s): Nadine Kuperty-TsurSource: Nouvelle Revue du XVIe Siècle, Vol. 19, No. 1, L'écriture de l'histoire (2001), pp. 63-81Published by: Librairie DrozStable URL: http://www.jstor.org/stable/25598938 .

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Nouvelle Revue du Seizieme Siecle - 2001 - N? 19/1, pp. 63-81

LE MOI, SUJET DE L'HISTOIRE

Les Memoires naissent a la Renaissance avec les Memoires de

Commynes et constituent des leur apparition une alternative tres prisee a P historiographie traditionnelle. Curieusement, ce que les historiens repro chent aux Memoires est precisement responsable de leur succes, a savoir une ecriture resolument subjective des evenements, mais aussi la dissi dence d'un discours qui, emanant d'une pratique du pouvoir, des armes et des hommes, s'en autorise pour denoncer les comportements fautifs de la monarchie.

Le genre des Memoires a fait l'objet de nombreuses etudes qui portent essentiellement sur les Memoires du XVIP siecle1 et se presentent le plus souvent sous forme de monographies2. II est vrai que chacun des Memoi res represente un monde en soi, fourmillant d'idees et de personnages, suffisamment absorbant pour que le critique s'y consacre entierement.

Or, pour comprendre les raisons de P emergence du genre et sa contribu tion originale a P historiographie precisement a cette epoque3, il semble necessaire de quitter Papproche monographique afin d'embrasser le genre dans son ensemble pour une periode allant grosso modo des Memoires de

Philippe de Commynes a ceux de Marguerite de Valois. On recense une

quarantaine de textes publies dans les collections historiques qui se succe dent rapidement des la fin du XVIIP siecle et pour l'ensemble du XKe sie cle4. Ces textes sont designes par leurs auteurs comme des Memoires, et au dela des specificites propres a chacun, on distingue, pour tous, des traits

caracteristiques qui determinent leur appartenance au genre et contribuent a sa definition.

1 Les etudes desormais classiques figurent dans la bibliographie.

2 Je ne mentionne ici que quelques Etudes a titre d'exemples: la these d'A.Bertiere sur le Cardinal de Retz, memorialiste, Paris, Klincksieck, 1976, l'edition par Gilbert Schrenck de Sa Vie a ses Enfans, d'A.d'Aubigne* ainsi que sa solide introduction qui insere ce texte dans le genre de l'autobiographie.

3 Je me permets de renvoyer a mon livre consacre* a ce sujet: Se dire a la Renaissance, Paris, Vrin, 1997, version 6ditoriale de ma these dirigee par Jean C6ard.

4 L'analyse la plus precise de cette fievre 6ditoriale est menee par Pierre Nora dans son tres riche article sur la contribution du genre des Memoires a la reflexion politique et a l'histo

riographie francaise: ?Les Memoires d'Etat: de Commynes a de Gaulle? in Les lieux de memoire, vol. II, la Nation, Paris, Gallimard, p. 355-400 et en particulier pour les Editeurs des Memoires 1. La memoire des Memoires, p. 356-367. On trouvera a la fin de cet article les intitules des collections historiques ainsi qu'un tableau des Memoires du XVIe siecle.

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64 NADINE KUPERTY-TSUR

1. DU MOYEN AGE A LA RENAISSANCE: APPARITION DE NOUVELLES FORMES D'HISTORIOGRAPHIES

Durant le Moyen Age, l'ecriture de l'histoire reieve du monopole de

quelques uns, en general les clercs et les historiens, lies a une cour

seigneuriale qui en est commanditaire. Sauf quelques rares exceptions qui ne permettent pas de parler de genre, la plume ne fait pas partie des

prerogatives de la noblesse. Mais, habites par une conscience historique et dynastique tout a la fois, les nobles se preoccupent de conserver la memoire de leurs actes glorieux dans d'epais registres qui leur permet tent le temps venu de legitimer ainsi leurs titres et leurs terres. Soucieux de la repartition des taches en fonction de la classe sociale, les nobles confient traditionnellement l'ecriture de leur histoire a qui fait metier d'ecrire en latin et possede, pour Pavoir appris, Part et la maniere de

consigner les faits glorieux en les ornant des fleurs de la rhetorique. Autre type d'historiographie, moins fastueuse, celle des annales qui

s'ecrivent dans les couvents et les monasteres par les moines, en se

relayant, dans un style plus simple et toujours en latin, au jour le jour. Cet

enregistrement regulier des faits vise, avec le recul, a reveler le dessein de la volonte divine dans la serie d'evenements que la myopie d'une

generation ne saurait embrasser. Plus ponctuelles et d'essence plus secu liere sont les chroniques qui retracent un segment d'histoire, comme les croisades par exemple, et qui emanent de P entourage immediat du prota goniste.

Chroniques et annales disparaissent a la Renaissance pour faire place a de nouveaux types de recits historiques emanant d'une autre classe, celle des citadins et en particulier des bourgeois. En temoignent des textes comme ceux du Journal d'un bourgeois de Paris sous Frangois Ier,

anonyme ou encore le Livre de raison de Nicolas Versoris ou encore les

chroniques de Philippe de Vigneules. L'ecriture de l'histoire dans ces textes semble relever d'une initiative gratuite, dans la seule fin de trans

mettre a la posterite les evenements dont le narrateur a ete personnelle ment temoin. Emanant de bourgeois et de citadins, tout en conservant de nombreuses references a Dieu, ce type d'historiographie tend a perdre les

caracteristiques religieuses et seigneuriales du Moyen Age pour se faire le reflet de ce qui est per?u par le sujet, de son point de vue et dans son

milieu. La segmentation des recits est aussi l'un des premiers indices du

changement dans la conception de 1'historiographie: elle abandonne les

pretentions d'un tableau global des origines a nos jours, tels les Miroirs medievaux, et se concentre sur la periode dont l'auteur a reellement et directement eu connaissance.

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LE MOI, SUJET DE L'HISTOIRE 65

Cette situation inedite est en accord avec la nouvelle conception de l'Histoire a la Renaissance telle que la definissent les historiens italiens comme Paul-Emile, Paul Jove et Guicciardini5. Elle s'accorde aussi a

l'esprit de Machiavel en refusant Pingerence de la Providence comme cause des evenements, preferant en rendre compte par des analyses qui relevent de P analyse rationnelle, du bon sens et de la connaissance de la nature humaine.

Si Phistoriographie renaissante delaisse les genres historiographiques medievaux tels les annales, les chroniques et les miroirs, c'est aussi sous 1'impulsion de la redecouverte des oeuvres de Plutarque, Suetone, Tite-Live et Tacite. S'inspirant des modeles antiques et contemporains, la narration historique s'elabore a partir de nouveaux criteres bases sur la verite des faits relates et privilegiant, parmi toutes les sources d'informa tion, celles emanant du temoin direct; en ce sens, elle releve bien d'une

methode6. Les Memoires, genre nouveau, precedent du remaniement de plu

sieurs formes existantes: le terme meme de ?memoires? renvoie etymo logiquement a P accumulation de documents, de proces-verbaux et de notes, pour constituer un dossier en vue de Pinstruction d'une affaire au

tribunal, ou pour conserver, dans les archives personnelles ou familiales, des documents, des relations qu'on gardait pour memoire et qui pou vaient servir le cas echeant a faire-valoir des services rendus ou a prou ver la noblesse des origines. Les Memoires relevent de la chronique dans la mesure ou ils font le recit d'un segment d'histoire precis, mais ils rela tent en plus une carriere de vie7, en accordant au temoignage et au point de vue du narrateur une place inedite qui definira precisement le genre et rendra compte de son succes de la Renaissance a nos jours.

Les Memoires de Commynes, parus a la fin du XVe siecle, marquent la naissance de ce nouveau type de recit historique8: sous pretexte de

5 Marc Fumaroli: ?Memoire et histoire: le dilemme de Phistoriographie humaniste au XVP siecle? in Les valeurs chez les memorialistesfrangais du XVIF siecle avant la Fronde, ed. N. Hepp et J.Hennequin, Paris, Klincksieck, p. 21-45.

6 Claude Gilbert Dubois, La conception de l'Histoire en France au XV? siecle, Paris, Nizet, 1977: ?Mais la renaissance s'est preoccupee de fournir une methode generale, propre a la science

historique consideree dans son ensemble, et de proposer un systeme coherent de processus et de techniques oriente vers l'etablissement du fait vrai et du regroupement consequent des faits.? p. 72.

7 Terme emprunte a Georges Gusdorf, Les lignes de vie, Paris, Odile Jacob, 1990.

8 Aux travaux de Jean Dufournet sur Commynes (en particulier, La destruction des mythes chez Commyne,Gen&ve, Droz, 1966), il faut ajouter les eclairants travaux de Joel Blan chard, Commynes I'Europeen, finvention du politique, Paris, Droz, 1996 qui etudie avec minutie les ecoles historiques, les genres a 1'origine des Memoires de Commynes ainsi que

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66 NADINE KUPERTY-TSUR

rassembler ses souvenirs pour servir a la biographie de Louis XI,

Commynes developpe en fait le recit de sa propre carriere sous Louis XI,

puis sous Charles VIII. II subvertit ainsi le genre historique de la biogra phie royale en derobant au roi la premiere place pour se P attribuer en tant

que narrateur et temoin des evenements relates et faire ainsi la promotion de sa vision du monde et de sa propre histoire.

Philippe de Commynes, ayant longuement frequente les cercles

italiens, a sans doute beneficie de leurs nouveaux modeles d'ecriture, remettant a l'honneur le temoignage et la verite du recit plutot que l'es thetisme de sa facture. Mais a la cour de Philippe de Bourgogne, prece dant Commynes, Jacques du Clerc, conseiller du due, developpe deja dans la preface de ses Memoires des idees analogues soulignant l'inde

pendance de l'historien (en gras dans la citation):

?Je me suis enquis au mieulx que j'ai sceu et pu; et je certiffie a touts que ne Pay fait ny pour or, ny pour argent, ny pour sallaire, ny pour compte a prince qui soit, ny homme, ny femme, qui vescut. Ne voulant ainsi favoriser, ny blasmer nul a mon pouvoir, fors seulement de desclarer les choses advenues; je prie tout prince, chevaliers, et seigneurs, si j'ai en ce mis chose qui desplaise, que sur moy ne le veuillent imputer a mal; car ne l'ai fait a nulle intencion de nuyre, ou vituperer personne par hayne: aussi s'il y a quelque chose qui plaise, qu'il ne m'en soit point sceu de gr?; car ne Pay fait pour l'amour d'aulcun, ny pour en amender.?9

Tout en se defendant de faire oeuvre d'historiens, assez nombreux sont les nobles, tout au long du XVP siecle mais en particulier dans sa seconde

moitie, qui redigent eux-memes le recit de leur carriere au service du

pouvoir et retracent ainsi le plus clair de leur existence. Ils intitulent le

plus souvent leurs recits ?Memoires? et le grand nombre de traits com muns que ces textes partagent, tant sur le plan structural que thematique, les designent comme un genre homogene. L'emergence des Memoires a la fin du XVe siecle temoigne des profonds changements que traverse la societe a cette epoque. L'apparition des Memoires signale en particulier l'acquisition de l'ecriture par une classe sociale qui auparavant n'en usait

pas. En effet une des particularites significative des Memoires par rapport aux textes medievaux est d'avoir ete ecrit par leur protagoniste en

personne et de se consacrer a leur recit de vie. Expliquer l'apparition des Memoires revient a se demander pour quelles raisons les nobles - et quels

Pattitude et la nouvelle vision de la place de l'individu au monde, determinant de ce qu'il appelle a juste titre: ?une nouvelle histoire?. Bien que centres sur Commynes, les resultats de son enquete sont entierement pertinents pour le genre des Memoires a la Renaissance.

9 Memoires de Jacques du Clerq (1448-1467), Paris, Michaud et Poujoulat, lre serie, Tome

III, 1837, p. 606. Tres peu citee et pourtant passionnante, ecrite a la meme epoque mais en

latin, il faut signaler comme autre type d'historiographie personnelle, VApologie de Thomas Basin, decrivant ses relations difficiles avec Louis XI entre 1461 et 1468, Paris, Les Belles Lettres, 1974.

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LE MOI, SUJET DE L'HISTOIRE 67

types de nobles - se donnent la peine d'ecrire eux-memes le recit de leur vie ou plus precisement celui de leur carriere de vie?

Ce genre n'a pas d'antecedents en France avant la Renaissance, et pour des raisons a la fois historiques, culturelles et politiques, il en est le pur produit. II fallait attendre la Renaissance pour voir rassembler a nouveau, au moins trois parametres qui definissent les conditions de l'emergence des Memoires.

1?) La notion d'individu, centrale au genre, s'affranchit progressive ment, des la fin du XVe siecle, des interdits religieux qui inhibent et condi tionnent le discours que la personne peut tenir sur elle-meme. Le genre des Confessions propose, certes, un modele de representation de soi mais dans un contexte qui impose Phumilite et la soumission au christianisme. Le recit, s'organisant autour de la revelation en un avant et un apres, possede une structure binaire qui met l'accent sur un parcours spirituel. II ne peut avoir qu'un seul aboutissement de portee exemplaire. L'im

portance croissante de la vie civile et politique a la Renaissance, permet aux individus particulierement actifs dans ces domaines d'y trouver une definition personnelle et legitime, qui participe a la representation qu'il se font d'eux-memes et qu'ils desirent transmettre. Se considerant comme des serviteurs de l'etat, c'est a ce titre que les memorialistes entendent laisser leur version des faits et Pinscrire dans la memoire nationale. Ainsi, le parcours seculaire que retracent les Memoires se substitue au parcours spirituel, tel qu'il apparaissait dans les Confessions ou les hagiographies, sans toutefois se departir de sa valeur d'exemplarite, car c'est bien le caractere exemplaire d'une existence qui justifie l'ecriture et assure egale ment sa reception mais en depla9ant tres nettement les accents au profit du memorialiste et de sa vision du monde.

2?) La penetration des ideaux humanistes favorise Pacces des nobles a l'ecriture et les expose a des textes qui leur serviront de modeles de

comportement mais aussi de modeles d'ecriture. Entre la fin du XVe siecle et les guerres d'ltalie sous Francois Ier, la

diffusion de l'humanisme met les bonae litterae a la mode: Peducation

livresque de la noblesse est plus soignee10. Par le biais de la traduction, les nobles decouvrent des textes susceptibles de leur servir de modeles et

qui connaissent un immense succes a la Renaissance. D'une certaine

fa9on les images des heros grecs ou des generaux romains, libres et

dignes, proposent une alternative a la conception chretienne de Phomme, pecheur des sa naissance et infiniment miserable devant Dieu. Aux recits

10 Georges Huppert, Les Bourgeois gentilshommes: an essay on the definition of elites in Renaissance France, University of Chicago, 1977 (en particulier le chapitre: ?The pursuit of nobility?).

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des sacrifices et des souffrances salvatrices des hagiographies medieva

les, sont preferes les Vies paralleles de Plutarque, la Vie des empereurs de

Suetone, les Histoires de Tacite, les Commentaires de Cesar, mais davan

tage encore les ecrits des contemporains. Le succes des Memoires temoigne de l'engouement de toute une

generation de nobles pour ces textes d'histoire contemporaine, dont les

protagonistes leur sont proches, qu'ils ont parfois connus et qui permet tent Pidentification et par la une transmission plus profonde de Pensei

gnement politique et moral dont ils sont porteurs. 3?) A ces deux facteurs, il faut encore ajouter le contexte tres parti

culier de la situation politique en France, qui, a l'epoque des guerres de

religions et notamment apres la Saint Bartheiemy, genere aupres des

contemporains un besoin de temoigner d'evenements exceptionnels et traumatisants. De plus, pour ceux qui etaient en charge ou s'etaient trouves

proches de personnages influents, au besoin de temoigner s'ajoute aussi celui de se justifier d'actes precis, ou plus generalement de se disculper d'accusations qui menacent de ternir une renommee cherement acquise: qu'on pense a Monluc, Villeroy ou au due de Bouillon, par exemple.

Ces trois facteurs sont, bien sur intimement lies et jouent tous un role

important dans P apparition des Memoires precisement a la Renaissance. Mais parmi les trois, il semble que Phumanisme tienne une place deter minante car centrale: il est lie aux modifications qui defmiront le nouvel homme de la Renaissance et Pengageront a prendre lui-meme en charge l'inscription de son image dans l'Histoire. L'humanisme n'est pas etran

ger non plus a la revalorisation des domaines de la vie politique, civile et culturelle a la Renaissance. Et, last but not least, il rend compte du nouvel interet des nobles pour l'ecriture.

S'ils se delectent d'histoires anciennes et contemporaines, y trouvant un sens de l'honneur et une conception du heros qui les seduit parce qu'elle les flatte, les memorialistes n'entendent pas faire une oeuvre litte raire. Ce serait deroger a leur statut d'hommes d'epees, d'action et de

pouvoir, superieur a celui des ecrivains qu'ils meprisent pour leur origine modeste, leur existence douillette dans la chaleur des etudes d'ou, ne pou vant qu'avoir une tres vague idee de la realite des combats, ils ecrivent ou plutot deferment l'Histoire sur la base de rapports et d'oui'-dire:

?C'est aux theologiens de faire des livres de la religion, aux jurisconsultes des

loix, aux gens d'Estat des conseils, et aux capitaines des batailles. La narration d'un vaillant experiments est differente des contes de celuy qui n'a jamais eu les mains ensanglantes de ses fiers ennemis sur les plaines armees.?n

11 Memoires de Gaspard de Saulx, seigneur de Tavannes, Nouvelle collection des Memoires

pour servir a l'Histoire de France, Michaud et Poujoulat, Paris, tome 8, 1838, p. 19.

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LE MOI, SUJET DE L'HISTOIRE 69

Pour les nobles, rien ne saurait egaler la gloire du combat et de Paction, la main qui a combattu est celle qui devrait ecrire, le sang noble se fait encre. De la, on comprend que les capitaines s'irritent du succes que rem

portent certains historiens qui, en s'emparant de leurs gestes, gagnent par leurs oeuvres de papier l'immortalite, alors qu'eux, heros, blesses, sou vent mutiles et toujours mal recompenses en vue de leurs services, sont de plus oublies et la part de gloire qu'ils pensaient leur devoir revenir,

supprimee par la faute d'un roi ingrat et versatile, ou pire, ecornee par les

imposteurs qui leur volent (par la plume) la gloire des combats qu'ils remporterent a la force de Pepee.

?Si la verite estoit bien cogneue\ les cavaliers semblables a Monsieur de Tavan nes meriteroient autant de lauriers que les Cesars, pour souvent avoir este contraincts de combattre en mesme temps les ennemis, les envieux et les opinions de leurs maistres...?12

Les Memoires de la Renaissance s'inscrivent dans la logique qui anime l'existence noble, ils sont destines a fixer la notoriete, a rappeler Pheroisme de l'auteur, desireux de s'illustrer et d'illustrer sa famille.

L'apparition des Memoires a cette epoque, temoigne en fait indirecte

ment, mais de fac^on neanmoins significative, de la nouvelle importance qu'acquiert le champ litteraire dans la vie sociale. II se constitue en espace pertinent pour revendiquer une existence et une reconnaissance. Ce desir de reconnaissance qui structure l'ecriture memorialiste equivaut a un combat qui ne peut plus, pour des raisons d'age, de situations financiere, politique et sociale, se mener par Pepee. L'ecriture devient l'ultime

defense, elle s'inscrit dans le prolongement des combats, mais s'engage aussi au moment de la constitution des dossiers pour le tribunal, lorsque les accusations se precisent et qu'il faut se preparer a rendre compte de ses actes devant la justice. Le recit memorialiste s'ecrit dans ce contexte et se place sous le serment de verite mais aussi et surtout de liberte car, a la difference du tribunal, les Memoires constituent Pespace de la parole libre, de l'expression non censuree parce qu'ils restent pour la plupart

manuscrits et que leur diffusion est souvent interdite par les memorialis tes eux-memes13. La liberte d'expression s'autorise du cadre de Pintimite familiale puisque les enfants sont souvent designes comme les uniques

12 Ibid. 13

A.d'Aubigne\ Sa Vie a ses Enfans: ?J'ay encores a vous ordonner qu'il n'y ait que deux

copies de ce livre: vous accordants d'estre de leurs gardiens et que vous n'en laissids aller aucune hors de la maison. Si vous y faillez, vostre desobeissance sera chatiee par vos

envieux, qui esleveront en risee les merveilles de Dieu en mes delivrances et vous feront cuire vostre curieuse vanit6>, preface a Constans, Marie, et Louise d'Aubigne\ Paris, Gallimard, 1969.

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destinataires du texte14, elle s'autorise aussi de l'absence de contraintes

generiques risquant de brider l'expression. L'entree en ecriture d'une classe qui, jusque-la, la meprisait a ete pos

sible grace a la large diffusion de l'humanisme, et rencontre les aspira tions d'un groupe d'hommes, mais aussi de femmes, desireux d'inscrire eux-memes leur role dans l'Histoire de Petat. L'ecriture des Memoires

represente un acte d'affirmation de l'individu et souvent meme Pultime

moyen dont ils disposent pour defendre une reputation entamee par la

diffamation, perpetuer une image positive pour la posterite. Cette volonte de controler son image historique trahit aussi le disaccord, voire le plus souvent la defiance des memorialistes a l'encontre des historiens com

mandites. Les Memoires ne representent jamais un recit historique gratuit, ecrit pour le seul plaisir de conserver les evenements du passe en memoire. Les memorialistes ecrivent en dernier recours quand ils realisent que l'histoire officielle risque de les oublier ou pire encore de les representer sous un jour qui ne leur convient pas. Sous pretexte de laisser a leurs

proches la veritable version des faits, les memorialistes retracent dans le detail toutes les etapes de leur participation a l'Histoire, il s'agit d'ins crire leur histoire dans l'Histoire en repondant point par point aux multi

ples accusations dont ils sont l'objet. Leur recit de vie s'organise done en

plaidoyer pro domo, deployant tous les arguments de leur propre apolo gie qu'ils placent, pour l'accrediter, sous la caution de l'histoire.

2. LA DIMENSION ARGUMENTATIVE DES MEMOIRES

Si les proches sont acquis d'avance a P argumentation parentale, les Memoires s'adressent plus ou moins implicitement par dessus leurs

epaules a la posterite qu'il est vital de persuader. L'ecriture memorialiste releve d'une argumentation d'autant plus calculee que les marges de jeu ne sont pas tres larges. Les faits relates sont plus ou moins connus du

public qui peut les verifier ailleurs par recoupement avec d'autres textes. Pour poser l'historicite du recit, il est essentiel d'en etablir la fiabilite. Les Memoires sont definis en premier lieu comme un temoignage direct mais il faut convaincre de la credibilite du temoin dont les interets ne

14 Les Memoires de Tavannes s'adressent aux ?enfants, neveux, cousins? et s'en justifient des la preface: ?Si l'histoire de ceux qui ne nous touchent accuse nos vices sans flaterie, nous rendent meilleurs et plus advisez, nous montrent ce que les sages ou imprudents manie

ments d'affaires apportent de bien et de mal; le discours, l'exemple des parents est d'autant

plus utile qu'ils sont plus proches, n'estant faits par ostentation, poussez d'un seul instinct de profiter aux leurs.?, op. cit., p. 19.

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coincident pas toujours avec une relation veritable. Des la preface15, le memorialiste multipliera les serments de verite en s'appuyant sur son double statut: celui de temoin direct et meme souvent de protagoniste des evenements dont les fonctions l'ont mis aux premieres loges du segment d'histoire qu'il relate. Dans un premier temps, la valorisation du statut de temoin est destinee a accrediter la fiabilite du recit historique mais elle est de plus etayee par la declaration d'un ethos que revendique avec force le memorialiste afin d'accrediter deux choses: la valeur de son temoi

gnage d'une part et la positivite de son image de l'autre. La force de Pargu mentation se nourrit de cette circularite qui renvoie de l'image au temoi

gnage et reciproquement en renfonjant leur cohesion. Mais c'est aussi la

qu'ethique et esthetique se rejoignent et renforcent Pargumentation memo rialiste16. Dans le sillage des declarations d'incompetence et d'humilite

qui participent du discours prefaciel d'usage, le memorialiste s'excusera de son style brut et sobre, mais cela essentiellement pour Popposer a l'ecriture ornee de l'Histoire. Son style n'est que le reflet de sa nature

d'authentique soldat et non de courtisan effemine et intrigant, et encore moins de clere laborieux, et il le revendique comme sien avec fierte.

?si je voulois parler de l'amour et non de guerre, que je me fusse efforce d'em

prunter de leur boutique du sucre ou du miel, pour le rendre plus gracieux et plus deiicat qu'il n'est pas; mais qu'en traictant et d'armes et de combats, il estoit plus a propos que mon langage sentist le canon et le soldat barbouilie et mal pigne, que le dameret passefilonne?17

Ainsi Phabilete rhetorique, dont il repete a Penvie qu'il en ignore l'usage, devient synonyme de mensonge et de denaturation, tandis que la nuda narratio reflete les valeurs ethiques de l'homme d'honneur, integre, fidele a sa parole. Son recit brut, au naturel est presente comme le reflet direct des evenements, comme si le fait d'y reduire les mediations esthetiques en assurait la transparence. Pla9ant la verite de la relation au dessus de ses propres interets, le memorialiste pose la fiabilite du recit historique au sein duquel il inscrira celui de son propre role. Le recit historique des

Memoires est profondement soumis aux visees argumentatives du memo rialiste qui desire laisser de lui une image favorable. Jean Dufournet

explique les Memoires de Commynes comme motives par sa volonte de

15 Pour une etude plus d&aillee de la poetique des prefaces, je renvoie a mon article: ?La stra

tegic des prefaces dans les Memoires au XVP siecle? in Le genre des Memoires, essai de

definition, M.Bertaud et F.X.Cuche ed., Paris, Klincksieck, 1995, p. 13-25. 16 Cette dimension argumentative est plus detaillee dans ?Justice historique et ecriture memo

rialiste? in Ecriture de soi et argumentation, N.Kuperty-Tsur ed., Caen, Presses Universi taires de Caen, 2000.

17 Memoires de Frangois de Boyvin, baron du Villars, Nouvelle Collection des Memoires pour servir a l'Histoire de France, Paris, Michaud et Poujoulat, tome 9, 1838.

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faire oublier ou de justifier sa trahison lorsqu'il est passe du due de Bour

gogne a Louis XI18. Mais l'entreprise memorialiste ne saurait se limiter a une manipulation mesquine de l'Histoire au profit du narrateur: il cher che le plus souvent et sincerement a faire valoir la pertinence de ses

analyses, meme s'il desire aussi justifier d'un comportement. Joel Blan chard le souligne a propos de Commynes mais sa remarque s'applique aux Memoires en general:

?S'il ne faut pas negliger la dimension apologetique des Memoires, il faut encore moins oublier ce ?je ne sais quoi? de plus eieve, conforme a la haute idee que Commynes a de son role de conseiller, de politique. II a en vue la perennite de l'Etat et le salut du roi. Cette dimension philosophique et politique est essentielle.?19

Dans cette perspective, les Memoires visent a transmettre des valeurs tirees d'une pratique du pouvoir ou de celle des armes et rejoignent par ce biais la valeur pedagogique attribute a l'historiographie. Blaise de

Monluc, par exemple, intitule ses Memoires, Commentaires mais il les

designe egalement comme le manuel du bon soldat.

3. TEMPORALITE DES MEMOIRES/TEMPS DE L'HISTOIRE

Le temps des Memoires est entierement soumis au sujet, a sa memoire, a sa volonte comme a sa rhetorique. Si le temps de l'histoire est assimile a un temps objectif et mesurable, celui des Memoires releve d'une figura tion subjective, d'ou ce terme de temporalite qui decrit plus exactement le traitement assez particulier du temps dans ces textes. Si les memoria listes annoncent des leurs prefaces qu'ils ne respecteront pas la chrono

logie avec les memes scrupules que les historiens, ils ne sont pas toujours conscients de decouper le temps en fonction de P impact affectif des evenements. Ainsi, ils accelerent pour les periodes qu'ils considerent mineures dans leur relation, s'etendant avec complaisance sur les moments de gloire ou de bonheur.

La juxtaposition des evenements, grace a la linearite du recit, donne lieu a toutes sortes de manipulations significatives: elle produit des effets de succession, de causalite, ou introduit des analyses qui ne sont pas intervenues en synchronie avec les evenements, mais sont le fruit d'une

comprehension posterieure. Grace a la possession d'informations reve

18 Cette question est etudiee par Jean Dufournet et Joel Blanchard dans leurs travaux cites en

note 8, j'en traite egalement dans ?L'ecriture de la culpabilite dans les Memoires de

Philippe de Commynes? in La culpabilite dans la litterature frangaise, Travaux de Littera ture tome VIII, publications de PA.D.I.R.E.L., E.Guitton ed., Paris, 1995, p. 43-56.

19 Joel Blanchard, op. cit., p. 403.

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LE MOI, SUJET DE L'HISTOIRE 73

lees apres-coup, ou grace a la reflexion et a la meditation, la comprehen sion des faits passes se met lentement en place. Elle est rarement contem

poraine de l'evenement, ainsi l'ecriture memorialiste s'essaie a combler cette lacune irreversible car la comprehension tardive n'aura pas d'inci dence sur l'histoire, elle en aura en revanche pour le memorialiste qui, en

l'exhibant, redorera son image. Presentant comme simultane, ce qui reieve de chronologies differentes, il se pose, grace au brouillage temporel, comme detenteur du sens du recit et de l'histoire en temps reel.

4. ETAPESDU RECIT

Les Memoires sont tous munis de preface et on ne peut que deplorer qu'elles aient ete si souvent retranchees par leurs editeurs des siecles

passes, car c'est la que le memorialiste definit son entreprise. Les prefa ces consistent a justifier Pacte problematique, car contrevenant a la bien seance, qui consiste a ecrire sa vie et a parler de soi. A fortiori, quand il ne s'agit pas d'une confession humble et repentante mais plutot du contraire: les Memoires font P apologie du memorialiste, dressent la liste de ses actes souvent glorieux au service du pouvoir. Pour justifier cet acte insolite et transgressif pour Pepoque, les memorialistes s'autorisent de l'histoire. Ils ecrivent l'histoire dont ils ont ete les temoins et meme les

protagonistes, assurant a leur recit le prestige de ce genre affilie aux Belles Lettres. Mais avec certaines reserves, significatives en ce qu'elles defini ront precisement la specificite du genre des Memoires par rapport a P his

toriographie renaissante. Les Memoires debutent, selon la tradition aristocratique, par les genea

logies ancestrales, pour preciser P origine du memorialiste, tout comme

pour annoncer le defi que sa dynastie l'oblige a relever en tant qu'indi vidu, s'il veut s'en montrer digne. L'histoire familiale, humble ou glo rieuse, est invoquee comme catalyseur pour partir a la quete de la gloire et de la reussite. Cependant s'ils la briguent, tous les memorialistes ne

peuvent se recommander d'une noblesse tres ancienne, Agrippa d'Aubi

gne, Nicolas de Neufville, seigneur de Villeroy, Philippe de Hurault, comte de Cheverny par exemple se feront eux-memes un nom et une repu tation, et ne desirant pas s'etendre outre mesure sur leurs origines modes tes, ils n'en diront que ce qu'il faut pour souligner leur merite personnel.

Mis a part les Memoires destines a relater un evenement precis20, les

etapes du recit memorialiste retracent celle de l'existence: de l'enfance,

20 Comme par exemple les Memoires de Jacques Pape, seigneur de Saint Auban, ceux d'Achille Gammon sur les guerres de 1560 a 1586 et leurs consequences, ceux de Jean Choisnin pour 1'election d'Henri d'Anjou au trone de Pologne.

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74 NADINE KUPERTY-TSUR

aux succes, de la disgrace a la cloture, chacune de ces etapes participent a l'image que le memorialiste veut transmettre. Le recit d'enfance est

place sous le signe de Paugure annon?ant Pessentiel de la personnalite et du destin du memorialiste: pour Marguerite de Valois, sa Constance catho

lique, pour Agrippa d'Aubigne, la malediction du pere s'il ne se devoue

pas a la cause protestante, pour Henri de Mesme, la brillance intellectuelle, etc. Au sortir de l'enfance, surviennent les premiers succes confirmant les

augures et sorte d'age d'or du memorialiste. Le recit vif, dense et souvent heureux est cependant leste de commentaires et de reflexions d'ordre

politique et moral qui tendent a s'eriger en systeme gouvemant leur choix et leur comportements. C'est alors que survient la disgrace, inattendue,

presentee comme arbitraire, et dont l'injustice discredite l'accusation de fautes graves qu'elle fait peser sur le memorialiste, mais par une habile

rhetorique le texte la retoume contre ceux qui l'ont prononcee. Le climat de dissidence des Memoires atteint son comble, dans ces episodes de

disgraces, par la denonciation des dysfonctionnements du pouvoir et sa versatility. II ne reste pas d'autres issues au memorialiste que la retraite sur ses terres, son entree en ecriture marque un repli plein de dignite sur les valeurs du moi, erigees en morale universelle qu'il elabore au fil du

recit, de pair avec une philosophic du pouvoir appelant a P adhesion du lecteur. II cree ainsi un espace virtuel d'ou il juge et theorise le domaine de Paction politique ou militaire dont il a ete precisement exclu. La dis

grace en mettant fin a la carriere du memorialiste amene ineluctablement le recit vers son denouement.

En toute logique, la mort represente la seule cloture possible du recit de vie. Or, mis a part les Memoires inacheves, ceux du due de Bouillon

par exemple, la plupart des textes ne laissent pas leur fin au hasard. La cloture marque le moment ou le temps du recit a rejoint celui de la vie, le

memorialiste disgracie rumine ses souvenirs, vit dans le passe, le rein ventant a sa guise, n'esperant rien d'autre du present et de ses lecteurs,

qu'une incertaine reconnaissance de son role historique.

5. ENSEIGNEMENT HISTORIQUE DES MEMOIRES

Les Memoires representent des sources premieres d'informations, mais difficilement exploitables telles quelles sur le plan evenementiel, en rai son de leur parti pris de subjectivite mais aussi de l'inevitable tendance

apologetique qui oriente et fausse la relation veritable des faits. Si le recit evenementiel est a lire avec prudence, les Memoires representent en

revanche, un observatoire de premier plan pour suivre l'expression de la

subjectivite et retracer son histoire. L'historicite reelle des Memoires

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LE MOI, SUJET DE L'HISTOIRE 75

reside dans le discours du moi, c'est a dire dans les modalites de la repre sentation et de l'expression du sujet. Les Memoires permettent de repe rer a une epoque donnee, a partir de quelles categories le sujet se decline: comme par exemple, Vethos qu'il construit et les strategies narratives qu'il utilisera pour convaincre son public, son besoin de reconnaissance, le jeu des destinataires ou se lit son rapport a sa famille, sa responsabilite envers ses enfants, ou encore sa conception du role de pere, de mari mais aussi dans le domaine public de serviteur du roi, de l'etat et de Dieu. Tous les

aspects d'une memoire au travail ne sont pas moins feconds en informa tion d'autant plus historiques qu'elles sont le plus souvent involontaires.

Les Memoires livrent la reflexion autonome d'un individu sur son role dans l'histoire de son pays, son regard sur les procedes du pouvoir et sa volonte d'inscrire son opinion independante fondant Phistoriographie dissidente en Occident. S'y dessinent egalement les limites du dicible, on

y designe ce qu'on peut raconter, ce qu'il faut taire, l'importance du

regard de l'autre et de ses proches dans la constitution de son image. En

regard de cette moisson, toujours abondante qui ne se recolte qu'a l'ana

lyse interne des textes, y a-t-il encore lieu de reprocher aux Memoires leurs mensonges constitutifs?

Au terme de ce parcours et loin d'avoir epuise les ressources du genre, il reste a signaler deux variantes au schema general: les Memoires des

protestants et les Memoires des femmes.

6. LA RHETORIQUE PROTESTANTE

Chez les memorialistes protestants la volonte de retracer le cours de leur existence se double d'une volonte de temoigner qu'ils ont ete eius de Dieu comme le prouve, a leurs yeux, le fait miraculeux d'avoir survecu au massacre de la Saint Barthelemy. L'apologie, qui organise tout recit de vie dans les Memoires, prend ici la signification supplemental d'un acte de foi qu'ils redigent a Pintention de leurs enfants, pour leur transmettre les valeurs du protestantisme et les engager a perseverer dans cette voie

(Memoires d'Agrippa d'Aubigne, de Charlotte Duplessis-Mornay, du due de La Force...). Alors qu'a son emergence le genre des Memoires sem blait privilegier le recit de la realisation de l'individu dans le domaine

politico-social, pour souligner sa reussite et Pattribuer a son merite et a son ethique personnelle, les Memoires protestants, en interpretant la rea lisation de l'individu comme un signe de la grace divine, soumettent le

champ social a la volonte divine et reinvestissent ainsi paradoxalement le recit historique de la dimension providentielle dont les Memoires sem blaient precisement vouloir s'affranchir.

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76 NADINE KUPERTY-TSUR

7. MEMOIRES DE FEMMES

Jeanne d'Albret, Marguerite de Valois et Charlotte Duplessis-Momay sont les trois memorialistes femmes recensees pour la Renaissance par les collections historiques21. Elle n'innovent pas entierement dans la

mesure ou Louise de Savoie les avait precedees en tenant un journal centre sur les faits et gestes de son fils Fran?ois, dans une totale identi fication a sa reussite, ainsi qu'en temoigne ce qu'elle inscrit le jour du sacre de celui-ci:

?Pour ce, suis-je bien tenue et obligee a la divine misericorde, par laquelle j'ay este amplement recompensee de toutes les adversites et inconveniens qui m'es toient advenues en mes premiers ans, et en la fleur de ma jeunesse. Humilite m'a tenu compagnie et patience ne m'a jamais abandonee.?22

Sauf Christine de Pisan dont c'etait le metier, les femmes historiennes sont de rares exceptions. L'historiographie est par definition un domaine

masculin, d'abord parce que les documents, souvent rediges en latin, associes a la pensee politique, a l'histoire militaire et a l'exercice du

pouvoir, n'etaient pas accessibles aux femmes qui, sauf les reines, etaient

exclues des conseils et du gouvernement. Pour les personnages de pre mier plan que furent Jeanne d'Albret et Marguerite de Valois, c'est une

evidence, et si leurs memoires sont interessants a plusieurs titres, ils le sont egalement parce qu'ils proposent une expression rare et precoce du

rapport des femmes au politique et notamment au pouvoir. Leur recit

temoigne de leur volonte d'agir en depit d'un contexte general particu lierement hostile a leurs entreprises. Jeanne d'Albret entreprend une lon

gue justification de ses choix en fonction d'un triple role inevitablement

contradictoire, celui de reine, de mere et de protestante. Marguerite de

Valois, farouchement catholique, travaille a se figurer en habile stratege et fine politicienne alors que de tous cotes on s'achame a lui en retirer les

moyens et qu'elle fut finalement neutralisee par 17 annees d'exil a Usson.

Charlotte Duplessis-Momay retrace, pour servir de guide a son fils, le

recit exemplaire de la vie de son mari et de la sienne, entierement consa

crees a la cause protestante en depit des persecutions et des disgraces

21 A signaler a propos des memorialistes feminins l'ouvrage de Natalie Zemon Davies, Juive,

catholique, protestante: trois femmes en marge au XVIP siecle, trad, de 1'anglais par Ange

lique Levi, Paris, Seuil, 1997, qui presente a partir de leurs Memoires respectifs la commer

cante juive allemande, Glikl von Hammeln, Marguerite de Valois et Charlotte Duplessis Mornay.

22 Journal de Louise de Savoie, Nouvelle Collection des Memoires pour servir a l'Histoire de

France, Paris, Michaud et Poujoulat, tome 5, 1838, p. 89.

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LE MOI, SUJET DE L'HISTOIRE 77

erigees par sa rhetorique inebranlable en actes de foi. U apparition de memorialistes feminins prouve la volonte des femmes d'etre associees au meme titre que les hommes a l'histoire de leur pays, sur la base du recit de leurs vie qui en donne une illustration convaincante.

8. HISTORIOGRAPHIE ET MARGINALITE

Les memorialistes sont, au moment de l'ecriture, des personnages que la disgrace a rendus marginaux; dans cette situation d'enonciation par ticuliere, leurs temoignages sont suspects d'esprit de revanche ou de

vengeance. Mais ils sont les premiers a faire un recit historique non

commandite, et la fa?on dont ils represented le pouvoir exprime une

critique virulente de ses pratiques, un temoignage accablant de la part de ceux qui ont ete, de par leurs fonctions, amenes a partager Pintimite des

grands et a observer leur comportement. Les memorialistes ne sont pas seulement les chroniqueurs des dysfonctionnements de la monarchie, ils en sont egalement les juges et les denonciateurs. Des la Renaissance, leurs ecrits frolent le tournant moraliste que prendront les Memoires du

XVIP siecle, en ce que leurs critiques impliquent l'existence d'un sys teme de valeurs morales devant presider a la conduite des gouvernants et

qui recoupe V ethos pose en preface au texte. L'enonciation de l'histoire dans une situation de marginalite emane

d'un individu en conflit avec le pouvoir. Dans un contexte ou le plus souvent les individus ne s'autorisent a faire entendre leur voix que s'ils sont le porte-parole d'un groupe ou d'une ideologic, l'individu qui tien drait un discours marginal sait qu'il n'a pas beaucoup de chances de se faire entendre. II lui faudra situer sa parole dans un cadre argumentatif recevable, ainsi la figuration du memorialiste passe par Pelaboration d'un ethos s'appuyant sur des valeurs morales universelles auxquelles on ne

peut que souscrire. Cet ethos immuable et verifiable tout au long du recit dans le comportement du memorialiste, dans ses choix, dans son discours,

prend en faute les debordements, les transgressions de ceux qui precise ment Paccusent pour lui refuser sa part de gloire, mais tire sa force de ce

qu'il parvient a eriger son apologie en philosophie de l'existence.

Universite de Tel-Aviv Nadine Kuperty-Tsur

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78 NADINE KUPERTY-TSUR

Tableau recapitulatif des principaux Memoires du XVP siecle publies dans les collections historiques du XIXe siecle. Ce tableau ne represente en aucun cas la liste exhaustive de tous les Memoires de la Renaissance mais sans doute un pano rama des plus celebres.

Memoires du due d'Angouleme guerres de religion etat catholique_

Memoires du due de Bouillon guerres de religion protestant/abjuration Memoires de P. de Bourdeille guerres de religion catholique Memoires de Castelnau guerres de religion protestant

Memoires de Cheverny guerres de religion catholique Memoires de Choisnin guerres de religion catholique Memoires de Jacques du Cierq i448-1467 due de Bourgogne Memoires de Ph. de Commynes Louis XI, Charles VII chretien Discours de Gaspar de Coligny 1557 protestant

Siege de saint Quentin Memoires de Conde guerres de religion protestant Memoires des du Bellay Frangois Icr, Henri II catholique Memoires d'Antoine du Puget guerres de religion catholique

_1561-97_ Memoires de Fleuranges Frangois Icr 1499-1521 chretien Memoires de Gamon 1563-86 catholique Memoires de Groulard 1588-1606 protestant Memoires du due de Guise 1547-1563 catholique Frangois de Lorraine

Memoires d'Olivier de La Chastre guerres de religion catholique

Memoires de 1570-77-87-1602 protestant Michel de La Huguerye Memoires d'Olivier de La Marche guerres de religion Bourguignon,

_1435-1489_due de Bourgogne

Memoires de Jacques Nompart guerres de religion protestant de Caumont, due de la Force*

Memoires de La Noue guerres de religion protestant

Memoires-Journaux de Henri II a Henri IV catholique de Pierre de L'Estoile Memoires de Marillac guerres de religion catholique Memoires de Jean de Mergey guerres de religion protestant

Memoires de Merle guerres de religion protestant

_1559-1589_ Memoires d'Henri de Mesmes* guerres de religion catholique

Commentaires de Blaise de Monluc guerres de religion catholique_ Memoires de Charlotte de Mornay* guerres de religion protestante

Memoires de Pape, guerres de religion protestant

seigneur de Saint Auban 1572-1573

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LE MOI, SUJET DE L'HISTOIRE 79

Memoires de Philippi 1561-1590 catholique Memoires de Francois de Rabutin 1551-1586 catholique Memoires de Guillaume Francois Icr chretien de Rochechouart

Memoire de Saint-Auban guerres de religion protestant

Memoires des sages et royales guerres de religion protestant Oeconomies d'Estat et pacification de Henry le Grand (Sully)** Memoires des favannes 1551-1595 catholique Memoires de J.-A. de Thou 1553-1601 catholique Memoires de Marguerite de Valois 1553-1601 catholique Memoires de Villars 1550-1560 catholique Memoires de Francois de 1527-71 catholique Scepeaux, marechal de Vieille ville Memoires de Guillaume catholique de Villeneuve Memoires de Villeroy, guerres de religion catholique seigneur de Neufville

Agrippa d'Aubigne guerres de religion protestant Jeanne d'Albret* guerres de religion protestante

* Les Memoires suivis d'une asterisque n'ont pas ete publies dans les grandes collections dont on trouvera la liste dans la bibliographie, on indiquera ici leurs references.

L Ample declaration, la Rochelle, 1570, publiee sous le titre Memoires et poesies de Jeanne d'Albret, par le baron de Ruble, Paris, 1893.

Memoires de Jacques Nompart de Caumont, due de la Force, Memoires authen tiques, edites par le marquis de La Grange, Paris, 1843 (texte tres remanie par Pediteur).

Memoires inedits d'Henri de Mesmes, seigneur de Malassise, Geneve, Slatkine reprints, 1970 (Paris, E. Fremy ed., 1886). ** Le texte des Memoires de Sully represente un cas de figure un peu particu lier par rapport a la problematique generale des Memoires puisqu'il est dicte a

quatre secretaires et etabli d'apres des memoires ecrits par Sully et qu'ils utili sent a leur tour. L'intervention des secretaires contribue a l'objectivation de P apologie de que represented les Memoires de Sully.

A signaler le curieux texte des Memoires de Charles Gouyon, baron de la Mous saye (1553-1587), ed. G. Vallee et P. Parfouru, Paris, 1901. Ce texte est a mettre a part, dans la mesure ou il semble etre le resultat d'une totale reecriture. La place accordee a la description du bonheur conjugal de l'auteur et des entreprises de construction du couple, entre autres elements, semble relever d'une esthetique et

d'une sensibilite trop romantiques pour etre attributes a la Renaissance.

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Page 19: L'écriture de l'histoire || Le moi, sujet de l'Histoire

80 NADINE KUPERTY-TSUR

BIBLIOGRAPHIE

Listes des principales editions des Memoires:

Collection universelle des memoires particuliers relatifs a l'histoire de France, Londres et Paris: rue d'Anjou-Dauphine, puis Paris: rue de Vaugirard, 1785 1789, puis 1806-1807 (70 vol.).

Collection complete des memoires relatifs a l'histoire de France depuis le regne de Philippe Auguste jusqu'au commencement du XVIP siecle, par C.-B. Peti tot, Paris, Foucault, 1819-1826 (52 vol.).

Choix de chroniques et memoires sur l'histoire de France, par J.-A.-C. Buchon, Paris, A. Desrez, 1836-1838 (17 vol.).

Nouvelle collection des Memoires pour servir a l'histoire de France depuis le XIIP siecle jusqu'a la fin du XVIIP siecle, par MM. Michaud et Poujoulat, Paris, 24, rue des Petits Augustins, 1836-1839 (32 vol.).

Choix de chroniques et memoires sur l'histoire de France, par J.-A.-C. Buchon,

Orleans, Herluison, 1875.

Choix de chroniques et memoires sur l'histoire de France, par J.-A.-C. Buchon, Paris, au bureau du ?Pantheon litteraire?, 1861.

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Joel Blanchard, Commynes, Veuropeen, Geneve, Droz, 1996.

Frederic Briot, Usage du monde, usage de soi, Enquete sur les memorialistes d'Ancien Regime, Paris, Seuil, 1994.

Michel de Certeau, L'ecriture de l'histoire, Paris, Gallimard, 1975.

La cour au miroir des memorialistes, (1550-1682), N. Hepp ed., Paris, Klinck

sieck, 1991.

Claude-Gilbert Dubois, La conception de VHistoire en France au XVF siecle

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LE MOI, SUJET DE L'HISTOIRE 81

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Verlag, Studienreihe Romania 14, 1999.

Nadine Kuperty-Tsur, Se dire a la Renaissance, Paris, Vrin, 1997.

Emmanuelle Lesne-Jaffro, La Poetique des Memoires (1650-1685), Paris, Champion, 1996.

De L'Estoile a Saint Simon, recherche sur la culture des memorialistes au temps des trois premiers rois Bourbons, M. Bertaud ed., Paris, Klincksieck, 1991.

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