2
Lecture analytique : « Parfum exotique » Pour l'introduction : -procès Fleurs du mal -valoriser ceux qui ont une idée de la composition du recueil, par exemple en expliquant qu'il y a plusieurs sections. -expliquer titre et projet de Baudelaire -section où se trouve le poème « Spleen et Idéal », définitions des deux termes -poète moderne au croisement des grands mouvements poétiques : distance avec le romantisme / poèmes dédicacés à Gautier (poète romantique puis parnassien), précurseur du symbolisme -Voyage de Baudelaire sur l'île de la Réunion Problématiques possibles : -Comment se manifeste ici l'idéal baudelairien ? -En quoi l'expérience poétique de la rêverie permet-elle de voyager ? -En quoi la femme permet-elle ici un ravissement de l'esprit et des sens ? I)Une évocation sensuelle 1)Un cadre initial intime propice au voyage onirique et à la rêverie : *mis en place par les compléments circonstanciels de temps et de manière du premier vers « Quand, les deux yeux fermés, en un soir chaud d'automne ». Il semble ici que ce soit au moment de l'endormissement que le « voyage » commence, le lecteur peut alors imaginer toutes les raisons possibles à cette « fatigue »... *Le cadre agréable et éminemment voluptueux est révélé par la polyptote : « chaud » vers 1 et « chaleureux » vers 2 et se poursuit par le champ lexical de la chaleur dans le reste du poème « feux v.4 ; soleil v.4 ; climats v.9 ». 2)La femme, source d'inspiration : Jeanne Duval la « Vénus noire » selon les mots du poète, mulâtresse et muse de l'auteur est certainement la femme ayant inspiré ce texte au poète. Poème lyrique (présence du pronom personnel « je » v.2, v.3, v.10 ; « m' » v.13 + musicalité, contemplation d'un monde imaginaire et transcription des émotions : « mon âme ») où le poète parle à la femme aimée notamment par des adresses directes traduites par le déterminant possessif « ton » répété deux fois. 3)Une rêverie provoquée par l'odeur de la femme *C'est la femme qui initie ce rêve (par son odeur) et qui sert de guide (poète passif ? Lui aussi gagné par la langueur tropical ?) notamment par la répétition lexicale vers 2 « je respire l'odeur » et vers 9 « par ton odeur ». *odeur de la femme stimule un autre sens ==> correspondances entre ceux-ci (cf le poème « Correspondances » de Baudelaire). *Sensualité d'un tel contexte, le lecteur est invité à s'interroger sur le sens du nom commun « sein ». Est-ce comme le révèle le Trésor de la Langue Française « la partie antérieure du thorax humain qui s'étend de la base du cou jusqu'au creux de l'estomac et où se trouvent situées les mamelles » ; la « poitrine, le buste de la femme » ; ou bien « la mamelle de la femme » ? 4)L'attaque misogyne La proposition subordonnée relative « dont l'oeil par sa franchise étonne » ayant pour antécédent « Des femmes » constitue une attaque misogyne. En effet si cette franchise étonne ici, c'est qu'elle n'est pas habituelle, courante. Ainsi Baudelaire réactive l'idée que la femme (surtout sous le climat parisien...) est une créature perfide dont l'oeil n'est pas franc. A la beauté physique des hommes répond les qualités morales des femmes. A la nudité des hommes correspond la transparence des âmes. Ce poème évoque donc un pays fantasmatique, vierge de la corruption qui souille l'Europe. II)Un paysage idéal 1)La quête de l'harmonie qui passe par une forme très régulière : celle du sonnet français (ABBA CDDC EEFGFG) ; structure enjambante (une phrase pour les deux quatrains ; une phrase pour les deux tercets : impression de fluidité) et par une musicalité fondée sur la répétition : richesse de la rime ; système de répétition en début de vers « je vois » (anaphore) ; répétition lexicale : « odeur » ; assonance :[eu] dans le premier quatrain, et allitération en [m] dans le dernier vers ; parallélisme de construction « Des arbres singuliers et des fruits savoureux ». Échos sonores et effet de paronomase : « climats, ts, marines » ; « tamariniers, narine, mariniers » (à chaque fois les termes sont à la rime). Pas de rejets / contre-rejets (qui sont des dissonances) ; coupe et césures régulières. 2)L'idéal Baudelairien : un tableau exotique (l'hypotypose) *L'ancrage du titre mettait déjà le lecteur sur la piste de l'exotisme si cher à Baudelaire. Le titre du poème rappelle aussi indirectement le titre du recueil Les fleurs du Mal et révèle l'importance que le poète accorde aux odeurs et aux parfums. Relire pour s'en convaincre le poème « La Chevelure ». *Lieu idéal qui prend la forme d'une île, paysage qui est en fait un topos de la littérature (relever champ lexical de la mer). La mer (et plus généralement les étendues d'eau) va être un thème qui va inspirer le artistes. La modernité baudelairienne

Lecture analytique : « Parfum exotiquefrantzmuller.fr/.../uploads/sites/3/2018/04/LA-Parfum-exotique.pdf · Lecture analytique : « Parfum exotique » Pour l'introduction : -procès

  • Upload
    ngotu

  • View
    224

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Lecture analytique : « Parfum exotiquefrantzmuller.fr/.../uploads/sites/3/2018/04/LA-Parfum-exotique.pdf · Lecture analytique : « Parfum exotique » Pour l'introduction : -procès

Lecture analytique : « Parfum exotique » Pour l'introduction : -procès Fleurs du mal -valoriser ceux qui ont une idée de la composition du recueil, par exemple en expliquant qu'il y a plusieurs sections. -expliquer titre et projet de Baudelaire -section où se trouve le poème « Spleen et Idéal », définitions des deux termes -poète moderne au croisement des grands mouvements poétiques : distance avec le romantisme / poèmes dédicacés à Gautier (poète romantique puis parnassien), précurseur du symbolisme -Voyage de Baudelaire sur l'île de la Réunion Problématiques possibles : -Comment se manifeste ici l'idéal baudelairien ? -En quoi l'expérience poétique de la rêverie permet-elle de voyager ? -En quoi la femme permet-elle ici un ravissement de l'esprit et des sens ? I)Une évocation sensuelle 1)Un cadre initial intime propice au voyage onirique et à la rêverie : *mis en place par les compléments circonstanciels de temps et de manière du premier vers « Quand, les deux yeux fermés, en un soir chaud d'automne ». Il semble ici que ce soit au moment de l'endormissement que le « voyage » commence, le lecteur peut alors imaginer toutes les raisons possibles à cette « fatigue »... *Le cadre agréable et éminemment voluptueux est révélé par la polyptote : « chaud » vers 1 et « chaleureux » vers 2 et se poursuit par le champ lexical de la chaleur dans le reste du poème « feux v.4 ; soleil v.4 ; climats v.9 ». 2)La femme, source d'inspiration : Jeanne Duval la « Vénus noire » selon les mots du poète, mulâtresse et muse de l'auteur est certainement la femme ayant inspiré ce texte au poète. Poème lyrique (présence du pronom personnel « je » v.2, v.3, v.10 ; « m' » v.13 + musicalité, contemplation d'un monde imaginaire et transcription des émotions : « mon âme ») où le poète parle à la femme aimée notamment par des adresses directes traduites par le déterminant possessif « ton » répété deux fois. 3)Une rêverie provoquée par l'odeur de la femme *C'est la femme qui initie ce rêve (par son odeur) et qui sert de guide (poète passif ? Lui aussi gagné par la langueur tropical ?) notamment par la répétition lexicale vers 2 « je respire l'odeur » et vers 9 « par ton odeur ». *odeur de la femme stimule un autre sens ==> correspondances entre ceux-ci (cf le poème « Correspondances » de Baudelaire). *Sensualité d'un tel contexte, le lecteur est invité à s'interroger sur le sens du nom commun « sein ». Est-ce comme le révèle le Trésor de la Langue Française « la partie antérieure du thorax humain qui s'étend de la base du cou jusqu'au creux de l'estomac et où se trouvent situées les mamelles » ; la « poitrine, le buste de la femme » ; ou bien « la mamelle de la femme » ? 4)L'attaque misogyne La proposition subordonnée relative « dont l'oeil par sa franchise étonne » ayant pour antécédent « Des femmes » constitue une attaque misogyne. En effet si cette franchise étonne ici, c'est qu'elle n'est pas habituelle, courante. Ainsi Baudelaire réactive l'idée que la femme (surtout sous le climat parisien...) est une créature perfide dont l'oeil n'est pas franc. A la beauté physique des hommes répond les qualités morales des femmes. A la nudité des hommes correspond la transparence des âmes. Ce poème évoque donc un pays fantasmatique, vierge de la corruption qui souille l'Europe. II)Un paysage idéal 1)La quête de l'harmonie qui passe par une forme très régulière : celle du sonnet français (ABBA CDDC EEFGFG) ; structure enjambante (une phrase pour les deux quatrains ; une phrase pour les deux tercets : impression de fluidité) et par une musicalité fondée sur la répétition : richesse de la rime ; système de répétition en début de vers « je vois » (anaphore) ; répétition lexicale : « odeur » ; assonance :[eu] dans le premier quatrain, et allitération en [m] dans le dernier vers ; parallélisme de construction « Des arbres singuliers et des fruits savoureux ». Échos sonores et effet de paronomase : « climats, mâts, marines » ; « tamariniers, narine, mariniers » (à chaque fois les termes sont à la rime). Pas de rejets / contre-rejets (qui sont des dissonances) ; coupe et césures régulières. 2)L'idéal Baudelairien : un tableau exotique (l'hypotypose) *L'ancrage du titre mettait déjà le lecteur sur la piste de l'exotisme si cher à Baudelaire. Le titre du poème rappelle aussi indirectement le titre du recueil Les fleurs du Mal et révèle l'importance que le poète accorde aux odeurs et aux parfums. Relire pour s'en convaincre le poème « La Chevelure ». *Lieu idéal qui prend la forme d'une île, paysage qui est en fait un topos de la littérature (relever champ lexical de la mer). La mer (et plus généralement les étendues d'eau) va être un thème qui va inspirer le artistes. La modernité baudelairienne

Page 2: Lecture analytique : « Parfum exotiquefrantzmuller.fr/.../uploads/sites/3/2018/04/LA-Parfum-exotique.pdf · Lecture analytique : « Parfum exotique » Pour l'introduction : -procès

s'exprime cependant ici par l'inversion. Chez les Romantiques c'est le paysage contemplé qui provoque la rêverie (par exemple Lamartine dans son poème « Le Lac », Les Méditations, repense à ses amours perdues lorsqu'il se trouve au bord de l'eau). Ici c'est l'inverse, la femme inspire le paysage. Bien sûr l'exotisme de ce paysage traduit le goût pour l'ailleurs des poètes, le désir de s'évader d'un réel qui opprime l'artiste, mais aussi la nostalgie des voyages passés. * Île qui est presque un nouveau jardin d'Eden, la femme offre au poète un nouveau paradis. Nature bienveillante et nourricière : personnification par le verbe : « la nature donne » ; hypallage : « rivages heureux » ; « jeunes hommes minces et vigoureux » : critique de la l'engraissement bourgeois ? Cette nature généreuse permet l'oisiveté de ses habitants. On est à l'opposé des paysages spleenétiques de certains tableaux parisiens. *Paresse et monotonie : constitutives de l'idéal baudelairien -La paresse de la femme des îles / orientale se manifeste par l'hypallage « une île paresseuse ». Elle est ici un stéréotype et est hérité de l'orientalisme des romantiques. L'apparente nudité laisse supposer un naturel, une innocence dénuée de toute faute. -La monotonie qu'annonce le complément du nom « d'un soleil monotone » est pour le poète nécessaire car permettant la répétition identique et donc l'harmonie (comme dans une mélodie) et forme l'une des conditions de la beauté baudelairienne. III) Un voyage symbolique 1)Un voyage par les sens + la synesthésie (digression philosophique possible sur le sensualisme?) *présence des 5 sens : -vue : « je vois » v.3 ; « qu'éblouissent » v.4 ; « verts » v.12 ; « je vois » v.10 -toucher : « m'enfle la narine » v.13 -goût : « fruits savoureux » v.6 -odorat « m'enfle la narine » v.13 ; « je respire l'odeur » v.2 ; « ton odeur » v.9 ; « le parfum » v.12 -ouïe : « chant des mariniers » v.14 Ces sens permettent la recréation d'un monde sensuel formé des 4 éléments : -feu : « feux » ; « soleil » v.4 -eau : « vague marine » v.11 -terre : « île » v.5 ; « rivage » v.3 -air : « l'air » v.14 L'odorat est cependant le sens le plus sollicité : suprématie de ce sens, c'est le guide le plus sûr pour atteindre l'idéal. Le voyage du poète (mais aussi du lecteur) se conclut par une espèce d'acmé poétique lors de l'extase finale qui finit le poème (le deuxième tercet). Les sens semblent se confondre en un mélange voluptueux. C'est ce qu'on appelle la synesthésie. Les poèmes de Baudelaire l'évoquent très souvent et à sa suite les poètes de la modernité s'y intéresseront également. C'est le cas de Rimbaud et de son « immense et raisonné dérèglement de tous les sens » qui fait de la synesthésie la condition sine qua non de la voyance poétique. 2)L'adjectif qualificatif « singuliers » épithète du nom « arbres » pouvait retenir l'attention du lecteur ===> ce qui plaît au poète ici c'est l'étrangeté de ces arbres qu'il imagine, aussi la singularité est au cœur de l'idéal baudelairien. Le poète écrira d'ailleurs dans Curiosités esthétiques « Le beau est toujours bizarre. Je ne veux pas dire qu'il soit volontairement, froidement bizarre […] Je dis qu'il contient toujours un peu de bizarrerie, de bizarrerie non voulue, inconsciente, et que c'est cette bizarrerie qui le fait être particulièrement beau. ». On sent ici l'influence du romantisme noir sur le poète. 3)La symbolique érotique *Il est possible de voir des symboles sexuels dans les synecdoques « voiles » et « mâts » (attention à cependant faire preuve de nuance, il s'agit d'une interprétation de lecteur) qui rappellent la situation initiale. Cette interprétation se confirme dans l'image de va et vient proposée par « la vague marine » qui explique la fatigue de ceux-là (personnification des mâts et des voiles par l'adj. qual. « fatigués »). Les images de circulation et d'enflure de l'avant dernier vers peuvent également apparaître suspectes à un lecteur attentif. 4)Baudelaire précurseur du symbolisme : ces symboles et le fait qu'on n'ait plus la contemplation d'un paysage réel mais d'un paysage irréel, surgi de l'imagination du poète font de ce texte un poème symboliste. Le poète annonce le symbolisme à venir. Conclusion -Réponse à la problématique -Ouverture : Il est possible de mettre ce poème en lien avec un autre poème de Baudelaire : « La Beauté », où le poète revient sur sa conception du beau. Ce poème pose aussi la question de la nécessité de voyager. Pour s'évader du réel, la rêverie n'est-elle pas en effet supérieure au voyage ? C'est la question que se posera Huysmans par l'intermédiaire de son personnage Des Esseintes dans son roman A rebours.