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L’anémie ferriprive chez la femme non-ménopausée Virginie Meloche-Dumas, Étudiante de 4e année au baccalauréat en nutrition Lecture complémentaire au congrès Santé de la femme Québec, 13 et 14 février 2014

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L’anémie ferriprive chez la femme non-ménopauséeVirginie Meloche-Dumas,

Étudiante de 4e année au baccalauréat en nutrition

Lecture complémentaire au congrès Santé de la femme

Québec, 13 et 14 février 2014

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Introduction

L’anémie est une condition caractérisée par une carence en globules rouges ou en hémoglobine qui résulte en une capacité insuffisante du sang à transporter l’oxygène pour rencontrer les besoins physiologiques des tissus du corps(1). Elle peut avoir plusieurs causes qui coexistent souvent ensemble(1). Elle peut être le résultat d’infections parasitaires, de désordres inflammatoires, de désordres héréditaires de la structure de l’hémoglobine, de déficiences en vitamines et minéraux tels que la vitamine A, la vitamine B12, les folates et particulièrement le fer qui représente 50 % des causes d’anémie(2, 3).

Les principales causes de l'anémie ferriprive sont un manque de fer dans l'alimentation

et/ou une faible biodisponibilité du fer, une perturbation de son absorption (pathologie de la muqueuse intestinale, gastrectomie, résection de l'intestin proximal, etc.), l’augmentation des besoins en fer (croissance, grossesse) et des pertes sanguines (menstruations abondantes, saignements digestifs, etc.)(3, 4). Parmi les groupes d’individus à risque élevé d’anémie ferriprive, on compte les femmes non-ménopausées en raison de la déplétion chronique en fer engendrée par les menstruations(1). À l’échelle mondiale, il est estimé que la prévalence globale de tous les types d’anémie chez les femmes non enceintes en âge de procréer est de 30,2 %(2). Au Canada, les données de l’Enquête sur les mesures de la santé (2009-2011) ont révélé que la prévalence de l’anémie ferriprive était généralement faible, mais qu’une déplétion des réserves

Faits saillants

Les femmes non-ménopausées sont à risque élevé d’anémie ferriprive en raison de la déplétion chronique en fer engendrée par les menstruations.

Directive de l’OMS (2012) : « la supplémentation intermittente en fer et en acide folique est recommandée chez les femmes menstruées vivant dans des environnements à forte prévalence de l’anémie, afin d’améliorer leur hémoglobine et leur bilan en fer, réduisant ainsi le risque d’anémie. »

Malgré une faible prévalence de l’anémie ferriprive au Canada, cette condition représente un problème de santé à dépister et traiter efficacement lors des examens médicaux, particulièrement chez les individus à risque.

À notre connaissance, la supplémentation intermittente ne semble pas être utilisée en prévention de l’anémie ferriprive au Canada, possiblement en raison de la faible prévalence. La littérature est inexistante à ce niveau. Toutefois, la supplémentation intermittente pourrait être explorée pour traiter l’anémie ferriprive des patientes dans certains cas (voir texte)

La prise en charge nutritionnelle préventive est souhaitable dès que des signes de déplétion des réserves en fer ou des facteurs de risque sont détectés. L’approche nutritionnelle joue un rôle en prévention, mais également durant le traitement d’une anémie ferriprive diagnostiquée.

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en fer était présente chez 13 % des femmes de 12 à 19 ans et chez 9 % des femmes de 20 à 49 ans(5). Les répercussions de la déficience en fer (même avant que l’anémie ferriprive soit confirmée) chez la femme sont nombreuses :

Pour traiter l’anémie ferriprive, la supplémentation quotidienne en fer pendant trois mois

est une pratique courante recommandée(6). Toutefois, les effets secondaires fréquents tels que la nausée, le jaunissement des dents ou la constipation sont des barrières à l’adhérence au traitement(1). En effet, jusqu’à 70 % des patients recevant un supplément de fer par voie orale cesseraient leur traitement au cours des premiers jours en raison des nombreux effets gastro-intestinaux indésirables(7). Quant à la supplémentation en acide folique, qui est souvent associée à la supplémentation en fer, elle permet d’augmenter les taux de folates et de prévenir les anomalies du tube neural chez la femme qui deviendrait enceinte(1).

Une méta-analyse Cochrane effectuée en 2011 a examiné le potentiel de la supplémentation en fer intermittente pour prévenir et réduire l’anémie ferriprive et ses répercussions chez les femmes non-ménopausées, particulièrement dans les pays où la prévalence de cette condition est élevée. Cette revue a permis la publication d’une directive de l’Organisation Mondiale de la Santé en 2012. Ce texte présentera en premier lieu un résumé de la méta-analyse et de la directive. Les implications de ces recherches dans les pays développés au niveau de la pratique du médecin et de la diététiste-nutritionniste seront également discutées.

Un risque accru de développer des infections,

Des performances physiques et professionnelles diminuées

un risque accru de donner naissance à des bébés de faible poids et de souffrir de complications pendant l’accouchement(1).

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Section I : Résumé de la revue Cochrane «La supplémentation intermittente en fer pour réduire l’anémie et ses complications associées chez les femmes menstruées ».

Le mécanisme d’action de la supplémentation intermittente(6)

La supplémentation intermittente consiste à administrer un supplément de fer une, deux ou trois fois par semaine lors de jours non-consécutifs. Ce type de supplémentation se base sur le cycle de renouvellement des cellules intestinales qui est d’une durée de 5 à 6 jours. Ces cellules ayant une capacité limitée à absorber le fer, le fait de supplémenter de façon intermittente exposerait seulement les «nouvelles cellules» à ce nutriment, ce qui en augmenterait l’absorption(8). Parmi les avantages de ce mode de supplémentation, notons une diminution de la fréquence des effets indésirables généralement observés avec une supplémentation quotidienne(9). Conséquemment, cette amélioration augmenterait l’observance au traitement. Un des objectifs de la méta-analyse Cochrane qui est résumée au point 3 était d’évaluer l’efficacité de ce mode de supplémentation en comparaison avec la supplémentation quotidienne(1). Les résultats sont présentés au point 3.2. Il faut rappeler que le fer contenu dans les aliments est insuffisant pour traiter l’anémie(10). Il fait toutefois partie des stratégies de prévention de cette carence et d’optimisation du traitement (pour prévenir une récidive).

Méthodologie(1)

En premier lieu, les auteurs ont sélectionné les études randomisées contrôlées et quasi-randomisées1 contrôlées (randomisation individuelle ou de groupe). Les autres types d’études n’ont pas été inclus dans la méta-analyse. Quant aux participants, il s’agissait de femmes menstruées non-ménopausées, non enceintes ou allaitantes et qui n’avaient pas de conditions affectant la présence des périodes de menstruations. Ensuite, aucune attention particulière n’était portée au statut en fer ou à la présence d’anémie, à l’ethnicité, au pays de résidence et au niveau d’endurance. Les études ciblant des femmes ayant des conditions affectant le métabolisme du fer ont été exclues. Par la suite, les auteurs ont déterminé le risque de biais des études à deux niveaux : le risque à l’intérieur des études et le risque entre les différentes études. Pour le premier, ils ont jugé explicitement les études qui étaient à haut risque de biais en se basant sur les critères mentionnés dans le CochraneHandbook for Systematic Reviews of Interventions (11). Pour déterminer le risque de biais entre les études, les principaux résultats des études ont été exposés dans les tables de résumé des résultats préparées avec le logiciel «GRADE profiler» (12). Les résultats ont pu être triés en quatre niveaux de qualité, c’est-à-dire «élevée», «modérée», «faible» ou «très faible».

1 Les études quasi-randomisées contrôlées sont des études qui utilisent des méthodes systématiques pour assigner les participants aux groupes de traitement telles qu’une assignation basée sur la date de naissance ou numéro de dossier.

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Résultats de la recherche(1) 21 études publiées entre 1997 et 2010 ont finalement été sélectionnées suite aux différentes analyses. Les différences caractéristiques de ces études sont résumées dans le tableau 1. Tableau 1. Caractéristiques des participants et de la supplémentation(1)

Participants Supplémentation

Nombre : 10 258 participants Âge : 6 à 49 ans Sexe : femmes Statut en fer : Anémiques et non-anémiques 4 études : anémie faible à modérée. Origine : 15 pays d’Amérique latine, d’Afrique, d’Asie et d’Europe

Durée : généralement 3 mois, durée maximale 6 mois Type : La plupart des études : supplémentation intermittente 1 fois/semaine 3 études : 2 fois/semaine (jours non-consécutifs) Composition : -Fer combiné à d’autres nutriments dans certaines études -Sulfate ferreux, fumarate ferreux ou chlorure de fer) -Dose maximale 120 mg de fer élémentaire/semaine

La plupart des études incluses dans la méta-analyse se sont penchées sur la prévention

de l’anémie et de la déficience en fer en améliorant les marqueurs du statut en fer. De plus, quelques études ont rapporté des données sur d’autres paramètres secondaires tels que la diarrhée, les effets secondaires, l’adhérence au traitement ainsi que la prévalence de la malaria. Quant à la qualité des évidences présentées dans les études, elle a été évaluée entre «faible» et «très faible» au niveau des deux comparaisons effectuées (voir tableaux 2 et 3 suivants).

Tableau 2. Supplémentation en fer intermittente (seule ou avec d’autres micronutriments) versus aucune supplémentation ou placebo(1)

Résultats primaires Anémie Hémoglobine Déficience en

fer Ferritine Anémie

ferriprive Morbidité

toutes causes

10 études (n=2996) 13 études (n=2599) 3 études (n=624)

6 études (n=980)

Une étude (n=97)

Une étude (n=234)

Les femmes recevant une supplémentation intermittente en fer étaient moins sujettes à être anémiées à la fin de l’intervention que celles recevant le placebo ou aucune intervention.

-Les femmes recevant une supplémentation en fer intermittente avaient 4.58 g de plus d’hémoglobine/L que celles recevant le placebo ou aucune intervention.

-Résultats favorables au groupe supplémenté, mais non significatifs.

-Résultats significatifs en faveur du groupe supplémenté.

-Pas d’évidence de différence entre les groupes.

-Pas d’évidence de différence entre les groupes.

Résultats secondaires

Diarrhée Effets secondaires Adhérence Malaria

Une étude (n=209) 3 études (n=630) 3 études (n=556) 2 études

-Diarrhée rapportée dans cette étude -Pas d’évidence de différence entre les groupes.

-Pas d’évidence de différence entre les groupes.

-Pas d’évidence de différence entre les groupes.

-Pas de différence dans la prévalence et l’incidence de la parasitémie, de la prévalence d’une densité élevée de parasites ni au niveau de la malaria clinique entre les groupes.

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Tableau 3 : Supplémentation en fer intermittente versus supplémentation en fer quotidienne(1)

Synthèse des principaux résultats(1)

D’abord, la supplémentation orale intermittente en fer (seule ou combinée avec d’autres nutriments) a augmenté les concentrations d’hémoglobine et de ferritine et réduit la prévalence de l’anémie chez les participants en comparaison avec ceux recevant le placebo ou aucune intervention. Il n’y avait pas de différence de réponse entre le groupe ayant reçu la supplémentation une fois par semaine et celui l’ayant reçu deux fois par semaine (la durée de l’intervention, le statut d’anémie au départ ou la présence de malaria ne modifiaient pas la réponse). En comparaison avec la supplémentation quotidienne, les femmes recevant une supplémentation intermittente avaient un taux de diagnostique d’anémie plus élevé et avaient des concentrations en ferritine moins élevées. Par contre, les concentrations d’hémoglobines à la fin de l’intervention étaient similaires entre les supplémentations intermittente et quotidienne. De plus, Il n’y aurait pas d’effet de la supplémentation intermittente sur la morbidité (incluant les résultats au niveau de la malaria), sur les effets secondaires, sur la productivité au travail, sur la productivité économique, sur la dépression et sur l’adhérence au traitement. Globalement, les résultats suggéraient que la supplémentation en fer une fois par semaine avec 60 à 120 mg de fer élémentaire était suffisante pour produire une réponse hématologique positive chez des populations avec différents degrés d’anémie.

Conclusion des auteurs(1)

Les auteurs ont conclu que la supplémentation intermittente chez les femmes non-ménopausées était une intervention réaliste dans des situations où la supplémentation quotidienne présenterait des risques d’échec ou serait tout simplement irréaliste. La plupart des études donnaient 60 mg de fer élémentaire ou plus sur une base hebdomadaire et l’effet positif sur le statut hématologique ne semblait pas affecté par la durée de l’intervention. Par contre, un minimum de 3 mois semblait raisonnable pour atteindre la réponse hématologique et refaire les réserves en fer de l’organisme. Le fait d’administrer d’autres nutriments que le fer ne semblait pas affecter la réponse hématologique non plus. La directive de l’OMS découlant de cette méta-analyse (2012) s’énonce comme suit : « la supplémentation intermittente en fer et en acide folique est recommandée chez les femmes menstruées vivant dans des environnements à forte prévalence de l’anémie, afin d’améliorer leur hémoglobinémie et leur bilan en fer, réduisant ainsi le risque

Résultats primaires Anémie Hémoglobine Ferritine

6 études (n=1492) 8 études (1676) 3 études (n=657)

-Prévalence plus faible de l’anémie chez les femmes recevant une supplémentation quotidienne en fer que celles recevant une supplémentation intermittente.

-Pas d’évidence de différence entre les concentrations d’hémoglobine des femmes recevant une supplémentation en fer intermittente et celles recevant une supplémentation quotidienne.

-Concentrations en ferritine plus élevées chez les femmes recevant une supplémentation en fer quotidienne à la fin de l’intervention que celles recevant une supplémentation en fer intermittente.

Résultats secondaires

Diarrhée Effets secondaires Dépression Adhérence

Une étude (n=198) 4 études (n=823) Une étude (n=198) 4 études (n=507)

-Pas d’évidence de différence entre les groupes.

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d’anémie. »(6). Il est toutefois spécifié que cette supplémentation est une stratégie préventive à l’échelle populationnelle et qu’en cas de diagnostic d’anémie chez une femme menstruée, la supplémentation quotidienne est de mise jusqu’à ce que l’hémoglobinémie redevienne normale(6). Tableau 4 : Régime suggéré par l’OMS pour la supplémentation intermittente en fer et en acide folique chez les femmes menstruées(6)

Composition du supplément Fer : 60 mg de fer élémentaire* Acide folique : 2800 ug (2,8 mg)

Fréquence d’administration Un supplément par semaine Durée et espacement des interventions

3 mois de supplémentation suivis de 3 mois sans supplémentation; reprise de la supplémentation ensuite. Si possible, la supplémentation intermittente s’étalera tout au long de l’année scolaire ou de l’année civile.

Population cible Toutes les adolescentes et les femmes adultes menstruées

Contextes Populations dans lesquelles la prévalence de l’anémie parmi les femmes en âge de procréer non enceintes est de 20 % ou plus

*60 mg de fer élémentaire équivalent à 300 mg de sulfate de fer hepahydraté, 180 mg de fumarate ferreux ou 500 mg de gluconate ferreux

L’implantation de programmes de supplémentation hebdomadaire en fer et en acide

folique s’est d’ailleurs avérée un succès dans plusieurs pays (Cambodge, Égypte, Inde, Laos, Philippines et Viêt-Nam) où un total de plus d’un million de femmes menstruées ont pu bénéficier de cette supplémentation(13). En général, l’observance à la supplémentation était élevée et une diminution de la prévalence de l’anémie dans ces pays située entre 9,3 et 56,8 % a été constatée(13).

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Section II : Pays développés

Implications dans les pays développés

L’OMS suggère d’utiliser la supplémentation intermittente en fer comme approche préventive chez les populations dans lesquelles la prévalence de l’anémie parmi les femmes en âge de procréer non-enceintes est de 20 % ou plus(6). En regard de la figure 1, on constate que la prévalence de l’anémie chez les femmes menstruées au Canada est faible, soit entre 5 et 19,9 %. Il en est de même pour les autres pays développés.

Figure 1. Prévalence de l’anémie par pays chez les femmes non-enceintes en âge de procréer(2).

L’implantation de programmes de supplémentation à l’échelle populationnelle ne semble donc pas une mesure nécessaire dans le cas des pays développés. Toutefois, bien que la prévalence de l’anémie soit faible, cette condition représente un problème de santé à dépister et traiter efficacement lors des examens médicaux, particulièrement chez les individus à risque dont les femmes non-ménopausées.

Dépistage

Le CDC (The Centers for Disease Control and Prevention) recommande d’effectuer un dépistage pour les nourrissons et les enfants d’âge préscolaire à risque élevé, pour les femmes enceintes et chez les femmes non-enceintes en âge de procréer(14). D’ordre général, il est suggéré de dépister toutes les femmes non-enceintes lors de l’examen médical de routine à partir de l’adolescence tous les 5-10 ans durant les années où elles sont en âge de procréer(14). Lorsque des facteurs de risque sont présents tels que des menstruations abondantes ou d’autres pertes de sang, des apports alimentaires en fer insuffisants ou une histoire médicale d’anémie ferriprive, il est recommandé de dépister l’anémie annuellement(14).

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Prévention

La prévention de l’anémie ferriprive chez les adolescentes et les femmes non-enceintes en âge de procréer se situe principalement au niveau de l’alimentation(14). Il est donc important de dépister les habitudes alimentaires lors de l’examen médical et de référer le patient à la diététiste-nutritionniste pour une évaluation détaillée. En effet, la prise en charge nutritionnelle préventive est souhaitable dès que des signes de déplétion des réserves en fer ou des facteurs de risque sont détectés (diminution de l’appétit, végétarisme, alcoolisme, menstruations abondantes, etc.). L’approche nutritionnelle joue donc un rôle en prévention, mais également durant le traitement d’une anémie ferriprive diagnostiquée. Tableau 5 : Prise en charge nutritionnelle (préventive ou thérapeutique)

Prise en charge nutritionnelle Intervenants

Dépistage

Entretien avec le patient/Identification des risques

Signes et symptômes physiques

Dépister les habitudes alimentaires (diminution de l’appétit, végétarisme, alcoolisme, etc.)

Md ou intervenant de l’équipe interprofessionnelle

Évaluation nutritionnelle

Évaluer les apports en fer dans l’alimentation (qualité et quantité)

Vérifier la présence de facteurs pouvant influencer l’absorption du fer

Évaluer les paramètres biochimiques

Évaluer les interactions médicament-nutriment

Évaluer les troubles gastro-intestinaux

Md et/ou diététiste-nutritionniste en collaboration

Intervention nutritionnelle

Intervenir sur les causes présumées de l’anémie (ou des réserves en fer diminuées) en favorisant la collaboration interdisciplinaire

Favoriser une absorption optimale du fer (les recommandations alimentaires sont individualisées)

Md et/ou diététiste-nutritionniste en collaboration

Traitement

Pour traiter une anémie ferriprive confirmée, un supplément de fer est de mise. L’approche nutritionnelle, décrite au tableau 4, est également conjointe au traitement médical afin de prévenir une récidive. Le CDC suggère de traiter l’anémie ferriprive chez les adolescentes et les femmes anémiques avec une dose orale de 60 à 120 mg par jour de fer durant 2 à 3 mois(14). La FMOQ (Fédération des omnipraticiens du Québec) a résumé les posologies de fer suggérées dans la revue Médecin du Québec en novembre 2013. L’annexe 2 tiré de cet article présente les posologies qui sont similaires aux suggestions du CDC(7). De plus, il importe de se référer aux apports nutritionnels de référence pour ajuster le traitement nutritionnel suite à la réplétion des réserves en fer (voir annexe 1). Si aucune réponse au traitement n’apparaît après environ 1 mois malgré une observance au traitement et en l’absence d’une condition aigue ou de pertes de sang,

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une évaluation plus poussée de l’anémie devrait être effectuée en utilisant d’autres paramètres(14). Par exemple, chez les femmes d’origine africaine, méditerranéenne ou asiatique principalement, il pourrait s’agir d’anémie falciforme(14). L’hémoglobinémie peut redevenir normale après environ deux mois de traitement(7). Il est ensuite suggéré de poursuivre la supplémentation pendant 6 mois selon la condition du patient(7). À notre connaissance, la supplémentation intermittente en fer ne semble pas être utilisée en prévention de l’anémie ferriprive au Canada, possiblement en raison de la faible prévalence2. La littérature est inexistante à ce niveau. Toutefois, la supplémentation intermittente pourrait être explorée pour traiter l’anémie ferriprive des patientes avec des réserves en fer diminuées (anémie non confirmée ou légère) et pourrait également être une intervention réaliste dans des situations où la supplémentation quotidienne est difficile (ex. effets secondaires, faible observance au traitement).

Conclusion

En conclusion, des réserves en fer diminuées (sans nécessairement une anémie ferriprive diagnostiquée) sont présentes chez les femmes canadiennes et elles engendrent d’importantes répercussions sur la santé. Le dépistage par le médecin omnipraticien est d’une importance primordiale chez ce groupe à risque afin d’intervenir précocement au niveau des causes de la déplétion des réserves en fer et ainsi éviter la détérioration de l’état de santé. À cette fin, les éléments d’ordre nutritionnel doivent entre autres être explorés dans l’évaluation médicale. La collaboration avec la diététiste-nutritionniste permet d’intervenir en prévention de l’anémie ferriprive, mais aussi au niveau de son traitement par l’élaboration d’un plan de traitement nutritionnel individualisé.

2 Selon des diététistes-nutritionnistes sondées en milieux hospitaliers

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Annexe 1 Tableau 6. Posologies de fer élémentaire suggérées pour le traitement de l’anémie ferriprive selon le groupe d’âge(7, 15-17).

Groupe d’âge Posologie

Prématurés ou bébés de faible poids de 1 mois et plus

De 3 mg/kg/j à 6 mg/kg/j en trois doses

Bébés nés à terme (allaitement maternel exclusif ou mixte)

Enfants de 10 ans et plus ayant commencé leur puberté

Hommes et femmes de 19 ans et plus

De 50 mg à 100 mg, 3 f.p.j. (ou de 60 mg à 120 mg, 1 f.p.j. pendant une plus longue période)

Personnes de plus de 80 ans De 15 mg/j à 50 mg/j* *Chez la personne âgée (>80 ans), des doses quotidiennes de fer élémentaire aussi faibles que de 15 mg à 50 mg se sont avérées suffisantes pour corriger le taux d’hémoglobine de façon satisfaisante, tout en étant mieux tolérées.

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Annexe 2 Tableau 7 : Les apports nutritionnels de référence pour le fer(18)

FER

Unité mg/jour

BME ANR/AS AMT

Nourrissons

0-6 mois ND 0,27 40

7-12 mois 6,9 11 40

Enfants

1-3 ans 3,0 7 40

4-8 ans 4,1 10 40

Hommes

9-13 ans 5,9 8 40

14-18 ans 7,7 11 45

19-30 ans 6 8 45

31-50 ans 6 8 45

51-70 ans 6 8 45

>70 ans 6 8 45

Femmes*

9-13 ans 5,7 8 40

14-18 ans 7,9 15 45

19-30 ans 8,1 18 45

31-50 ans 8,1 18 45

51-70 ans 5 8 45

>70 ans 5 8 45

Grossesse

≥18 ans 23 27 45

19-30 22 27 45

31-50 22 27 45

Lactation

≥18 ans 7 10 45

19-30 6,5 9 45

31-50 6,5 9 45

*Il est supposé que les femmes âgées de moins de 14 ans n’ont pas de menstruations et celles âgées de plus de 14 ans en ont. Il est aussi supposé que les femmes âgées de plus de 51 ans sont ménopausées. BME : Besoins moyens estimatifs, ANR : Apports nutritionnels recommandés, AS : Apports suffisants AMT : Apports maximaux tolérables

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