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UNIVERSITE MONTPELLIER I CENTRE DU DROIT DE LA CONSOMMATION ET DU MARCHE Master II Droit privé économique L'EFFICACITÉ ÉCONOMIQUE DES SANCTIONS DE L'INEXÉCUTION DU CONTRAT ÉTUDE COMPARATIVE DE DROIT ANGLAIS ET DE DROIT FRANÇAIS Par Mlle Meryl BIER Mémoire réalisé sous la direction de M. Daniel MAINGUY Professeur à la Faculté de droit de Montpellier Année universitaire 2013-2014

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UNIVERSITE MONTPELLIER I

CENTRE DU DROIT DE LA CONSOMMATION ET DU MARCHE

Master II Droit privé économique

L'EFFICACITÉ ÉCONOMIQUE DES SANCTIONS DE

L'INEXÉCUTION DU CONTRAT

ÉTUDE COMPARATIVE DE DROIT ANGLAIS ET DE DROIT FRANÇAIS

Par Mlle Meryl BIER

Mémoire réalisé sous la direction de M. Daniel MAINGUY

Professeur à la Faculté de droit de Montpellier

Année universitaire 2013-2014

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

REMERCIEMENTS

Mes plus vifs et sincères remerciements vont à :

Monsieur Daniel Mainguy, Professeur à la Faculté de droit de Montpellier et

Directeur du Master II Droit privé économique, pour m'avoir permis de suivre ce

parcours exceptionnel et riche d'enseignements. M’accordant sa confiance pour

connaître de ce sujet et acceptant de diriger mes recherches, j’espère rendre une étude à

la hauteur de ses attentes.

Monsieur Malo Depincé, Maître de conférences à la Faculté de droit de

Montpellier, pour l'ensemble des enseignements dispensés dans le cadre de l'année

universitaire 2013-2014.

Également Monsieur Rémy Cabrillac, Professeur à la Faculté de droit de

Montpellier, qui par ses enseignements a contribué à m’ouvrir au droit comparé.

L'ensemble des membres de l'équipe pédagogique du Master II Droit privé

économique, pour leur soutien et leur aide à l'occasion des ateliers mis en place dans le

cadre de la formation.

Mes relecteurs, en particulier ceux dont le droit n’est pas la matière.

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« Le droit, c'est l'autonomie de l'être humain »

C. BEUDANT, Le droit individuel et l’État,

3e éd., Paris, A. Rousseau, 1920

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LISTE DES ABRÉVIATIONS

AC

aff.

All ER

Bull. civ.

Ch.

Civ.

Co.

coll.

Com.

D.

D

E&B

éd.

ER

Exch.

GAJC

Gaz. Pal.

HL

KB

Ltd.

obs.

QB

Appeal Cases

affaire

All England Law Reports

Bulletin des arrêts des Chambres civiles de la Cour de cassation

Law Reports, Chancery Division

Arrêt d'une Chambre civile de la Cour de cassation

Company

Collection

Arrêt d'une Chambre commerciale de la Cour de cassation

Recueil Dalloz ( Dalloz )

Dyer's King's Bench Reports

Ellis & Blackburn's Queen's Bench Reports

Édition

English Law Reports

Exchequer Reports

Grands arrêts de la jurisprudence civile

Gazette du Palais

House of Lords Cases

King's Bench

Limited

observations

Queen's Bench

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RDC

RLDC

RTD Civ.

v.

WLR

Revue des contrats ( Lextenso )

Revue Lamy droit civil ( Lamy )

Revue trimestrielle de droit civil ( Dalloz )

versus

Weakly Law Reports

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SOMMAIRE

INTRODUCTION p.6

PREMIÈRE PARTIE - L'OCTROI DE DOMMAGES-INTÉRÊTS

COMPENSATOIRES p.18

TITRE I - La définition du dommage juridiquement réparable p.19

Chapitre 1 - L'évaluation du dommage de la victime de l'inexécution p.19

Chapitre 2 - La fonction a priori compensatoire des dommages-intérêts p.28

TITRE II - L'efficacité économique de l'exécution forcée par équivalent p. 36

Chapitre 1 - L'efficacité économique de la sanction conditionnée par le devoir

de minimisation du dommage p.36

Chapitre 2 - Les conséquences du devoir de minimisation du dommage dans le

cadre de l'octroi de dommages-intérêts compensatoires p.44

TITRE III - Les difficultés rencontrées dans la mesure du dommage

juridiquement réparable p.51

Chapitre 1 - La méthode d'évaluation du dommage de la victime de

l'inexécution p.51

Chapitre 2 - Les difficultés dans l'évaluation des coûts et bénéfices liés à

l'exécution ou inexécution p.59

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DEUXIÈME PARTIE - LA RÉSOLUTION EFFICACE OU L'EXÉCUTION

FORCÉE EN NATURE p.66

TITRE I - La résolution judiciaire du contrat p.67

Chapitre 1 - La résolution judiciaire pour violation efficace du contrat p.67

Chapitre 2 - La résolution anticipée, un mécanisme alternatif nécessairement

efficace p.80

TITRE II - L'exécution forcée en nature p.93

Chapitre 1 - L'efficacité économique de l'exécution forcée en nature p.93

Chapitre 2 - L'efficacité économique de l'exécution forcée en nature

relativisée p.109

CONCLUSION GÉNÉRALE p.124

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INTRODUCTION

1. - Considérant que du fait de la mondialisation, « le droit est, lui aussi,

soumis à la recherche du meilleur rendement dans un marché concurrentiel » et

« largement pris en compte dans les choix des investisseurs internationaux »1, il

apparaît fondamental que la politique juridique ne soit pas qu'une affaire de valeurs

mais également de logique, tant juridique qu'économique. Le caractère adéquat d'une

sanction dépendant des conséquences de son application et des incitations qu'elle créée,

les sanctions de l'inexécution du contrat ne devraient alors pas avoir une unique finalité

punitive mais également et a priori, viser une allocation optimale des ressources leur

conférant une certaine efficacité économique.

2. - Selon la théorie initiée par Ugo Mattei2, les droits qui concilient le mieux

les valeurs d'efficacité économique et de justice sont ceux qui servent de modèle pour

l'élaboration et l'évolution des autres droits. Ainsi, il serait un marché international des

droits, ouvert à la concurrence3, sur lequel les droits les plus efficaces seraient choisis

par préférence aux autres. Les droits délaissés, pour être concurrentiels sur ce marché,

convergeraient alors vers les droits préférés.

1 G. CANIVET, L'efficience des systèmes juridiques, Colloques et conférences juridiques et judiciaires franco-tchèques, année 1999/2000, publication de l'Ambassade de France en République tchèque, p. 50.

2 U. MATTEI, Comparative Law and Economics, Ann Arbor, The University of Michigan Press, 1998.3 Y.-M. LAITHIER, Le droit comparé et l'efficacité économique, in L'efficacité économique en droit,

dir. S. BOLLEE, Y.-M. LAITHIER et C. PERES, Economica, 2010.

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Toutefois, l'efficacité économique d'une règle juridique ne justifie pas à elle seule,

son adoption par d'autres ordres juridiques. Une règle économiquement efficace dans un

pays, ne peut être simplement transposée dans un autre, l'environnement juridique dans

lequel la règle se situe participant de son efficacité4.

Néanmoins, la notion connue, stable et universelle d'efficacité économique,

permet la détermination des systèmes qui seraient les plus efficaces à cet égard. C'est

dans cet esprit que la Banque Mondiale évalue chaque année depuis 2004, l'efficacité

économique des différents droits, qu'elle publie dans ses rapports Doing Business. Si la

recherche de la justesse de la théorie est nécessaire, se priver de ses apports serait

insensé5. La règle économiquement efficace devrait donc inspirer les législateurs

d'autres pays mais il est nécessaire que son mécanisme soit adapté à l'environnement

juridique national du pays d'accueil, en considération notamment de son Histoire, de son

idéologie dominante ou encore de son environnement institutionnel. L'analyse

économique du droit peut donc se placer comme une norme créant des incitations

législatives.

3. - Le système de common law est parfois considéré comme étant plus

efficace économiquement, en raison de ce qu'étant un droit jurisprudentiel par

opposition au droit codifié, notamment français, il permettrait une sélection naturelle

des règles de droit économiquement efficaces. Il est alors nécessaire de constater que si

au Moyen-Âge le droit anglais des contrats retenait l'exécution forcée en nature comme

sanction de l'inexécution de l'obligation contractuelle, cette sanction est désormais

abandonnée au profit de la compensation. En outre, le droit anglais ayant été influencé

4 Y.-M. LAITHIER, Le droit comparé et l'efficacité économique, in L'efficacité économique en droit, dir. S. BOLLEE, Y.-M. LAITHIER et C. PERES, Economica, 2010.

5 E. MACKAAY et S. ROUSSEAU, Analyse économique du droit, coll. Méthodes du droit, Dalloz, 2008.

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par l'existence d'une économie de marché6 et l'utilitarisme7, il est traditionnellement

considéré comme étant plus directement en phase avec les exigences du marché et par

suite, comme étant plus efficace et compétitif sur le marché des droits. À cet effet

notamment, le coût des sanctions de l'inexécution du contrat y est pris en considération

dans leur détermination8. Que comprendre alors de la faible importance accordée à la

specific performance comme sanction de l'inexécution des obligations contractuelles,

celle-ci n'étant ordonnée que lorsque la compensation apparaît comme n'étant pas

idoine ?

A contrario, il résulterait de la prise en considération par le droit français, de la

faute du débiteur de l'obligation révélée par son inexécution et de l'héritage culturel

français, notamment de l'importante influence qu'a eu le christianisme sur ce droit9, que

ce droit accorde une place prépondérante à l'exécution forcée en nature du contrat, qui

serait la sanction de principe.

Il est alors intéressant de vérifier la pertinence de la considération de l'exécution

forcée en nature comme étant une sanction économiquement peu efficace, suggérée par

le fait que le droit anglais recherchant l'efficacité économique des sanctions de

l'inexécution du contrat, lui préfère la compensation pécuniaire. Néanmoins, la règle de

droit n'étant efficace qu'en considération de l'environnement juridique dans lequel elle

s'insère, il convient également d'étudier l'efficacité économique de l'exécution forcée en

nature dans le cadre juridique français. Une analyse comparative du droit anglais et du

droit français est donc nécessaire dans le cadre de la détermination de la sanction qui

serait la plus efficace économiquement.

6 E. A. FARNSWORTH, Legal Remedies for Breach of Contract, Columbia Law Review, 1970, Vol. 70, n° 7, pp. 1145-1216, « All seven of choices have been influenced, to some extent at least, by the free entreprise economy within which the system of remedies operates. »

7 S. ROWAN, Remedies for breach of contract, A comparative analysis of the protection of performance, Oxford University Press, 2012.

8 Y.-M. LAITHIER, Étude comparative des sanctions de l'inexécution du contrat, LGDJ, 2004.9 Ibid., note précédente.

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

4. - De l'inexécution contractuelle - C'est effectivement l'inexécution

contractuelle qu'il convient ici d'étudier, « l'exécution n'[ayant] guère d'épaisseur

juridique [ … ] c'est l'inexécution qui est intéressante »10.

Selon le professeur Treitel11, « a breach is committed when a party without lawful

excuse fails or refuses to perform what is due from him under the contract, or performs

defectively or incapacitates himself from performing ». L'inexécution contractuelle peut

donc revêtir plusieurs formes.

Tout d'abord, l'inexécution peut ou non, présenter une excuse licite. L'inexécution

est licite, tant en droit français qu'en droit anglais, notamment lorsqu'elle intervient en

tant qu'exception d'inexécution. En d'autres termes, lorsqu'une partie au contrat a rompu

unilatéralement celui-ci, l'autre partie peut ne pas s'exécuter. L'inexécution est encore

licite en cas de force majeure, constitué par un obstacle à l'exécution de l'obligation

qualifié d'irrésistible, imprévisible et extérieur. Pour être sanctionnée, l'inexécution doit

donc être réalisée sans excuse licite.

En outre, l'inexécution peut être totale lorsque le débiteur de l'obligation n'a pas

agi ou partielle lorsque le débiteur a commencé l'exécution de son obligation mais n'en

est volontairement ou non, pas venu à bout. L'inexécution peut de même être définitive

soit qu'elle sera impossible à réaliser dans l'avenir soit que le débiteur ne désire plus

l'exécuter, ou temporaire.

Ces quatre caractéristiques de l'inexécution peuvent être combinées de différentes

façons. Ainsi, lorsque l'inexécution est temporaire, qu'elle soit partielle ou totale, elle ne

constitue qu'un retard dans l'exécution. Cette hypothèse ne sera pas ici étudiée en ce que

l'exécution pourra toujours avoir lieu, sans nécessaire intervention judiciaire, le débiteur

n'ayant pas l'intention de ne pas s'exécuter. Tout au plus, l'exécution sera ordonnée sous

astreinte pour qu'elle intervienne rapidement. Les hypothèses qui retiendront notre

10 Ph. THERY, L'exécution forcée, in Les concepts contractuels français à l'heure des Principes du droit européen des contrats, dir. P. REMY-CORLAY et D. FENOUILLET, Dalloz, 2003.

11 E. PEEL, Treitel : The law of contract, Sweet & Maxwell, 12th ed., 2007.

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attention sont celle d'une inexécution partielle et définitive, qui constitue une mauvaise

exécution de l'obligation, ainsi que celle d'une inexécution totale et définitive de son

obligation par le débiteur, qui doit être considérée comme une absence pure et simple

d'exécution du contrat.

5. - Des aménagements conventionnels peuvent exister mais ne seront pas

étudiés en ce qu'ils sont spécifiques au contrat en cause et doivent être analysés de façon

individuelle. Ce sont par exemple les clauses de garantie, les clauses pénales ou encore

les clauses limitatives de responsabilité.

6. - Des sanctions étudiées - La méthode de résolution de l'inexécution

diffère s'agissant des obligations résultant des contrats synallagmatiques et des contrats

unilatéraux. La nature de la sanction de l'inexécution du contrat prend une plus grande

importance dans le cadre de l'inexécution d'une obligation résultant d'un contrat

synallagmatique, en raison de ce que dans ce type de contrat, une partie s'engage à

exécuter son obligation en échange de l'exécution d'une autre obligation par son

cocontractant. On comprend dès lors, l'importance accordée à l'exécution de son

obligation par chacune des parties.

7. - L'exécution forcée est une sanction visant l'exécution du contrat. Elle se

définit comme étant l'« exécution d'une convention ou d'un jugement imposée au

débiteur sur sa personne ou sur ses biens par le ministère d'un officier public

compétent, et, au besoin, de la force armée, en observant les formalités prescrites par la

loi »12. En droit français, l'exécution forcée sera en nature toutes les fois qu'elle

n'implique pas la personne même du débiteur. Dans une telle hypothèse, l'exécution

12 G. CORNU, Vocabulaire juridique, 9e éd., coll. Quadrige, P.U.F., 2011.

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forcée se fera par équivalent monétaire.

S'agissant de l'exécution forcée en nature de droit français, il est nécessaire de

rappeler afin que cette étude conserve son intérêt d'analyse de l'efficacité économique

des sanctions de l'inexécution du contrat, que l'article 1134 alinéa premier du Code civil,

n'établit pas l'exécution forcée en nature comme étant la sanction de principe de

l'inexécution contractuelle et par suite, n'établit aucune hiérarchie des sanctions13. La

force obligatoire du contrat ne doit pas être présentée comme induisant l'exécution

forcée en nature du contrat comme sanction d'une inexécution mais comme signifiant

que le contrat doit être exécuté, sous peine de sanction par le droit14. L'article 1134 du

Code civil pose l'existence de cette sanction et l'article 1142 de ce même code édicte

l'une d'elles. Le principe est également reconnu en droit anglais et exprimé notamment

par Lord Justice Holmes, selon lequel « the duty to keep a contract at common law

means a prediction that you must pay damages if you do not keep it, and nothing

else »15.

Il convient également de préciser dès à présent, que le droit anglais ne traite pas

l'exécution forcée en nature d'une obligation de payer une somme d'argent comme étant

une specific performance mais comme une action pour le prix convenu équivalente à

une exécution forcée en nature16. Les conditions de son accord par les juges sont

cependant similaires à celles de la specific performance. Également, la specific

performance, correspondant à l'exécution forcée en nature d'une obligation de faire, doit

être différenciée de l'injunction, qui est l'« ordre donné par une juridiction à une

13 Y.-M. LAITHIER, Étude comparative des sanctions de l'inexécution du contrat, coll. Bibliothèque de droit privé, LGDJ, 2004 ; Y.-M. LAITHIER, La prétendue primauté de l'exécution en nature, RDC, 1 janv. 2005, n°1, p. 161.

14 Y.-M. LAITHIER, Étude comparative des sanctions de l'inexécution du contrat, coll. Bibliothèque de droit privé, LGDJ, 2004.

15 O. W. HOLMES, The Path of the Law, Harvard Law Review, 1897, Vol. 10, n° 457. V. également E. A FARNSWORTH, Legal Remedies for Breach of Contract, Columbia Law Review, 1970, Vol. 70, n° 7, pp. 1145-1216.

16 S. WHITTAKER, Un droit à la prestation plutôt qu'un droit à l'exécution ? Perspectives anglaises sur l'exécution en nature et la réparation, RDC, 1 janv. 2005, n° 1, p. 49

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personne de ne pas faire telle chose, en accord avec ses obligations contractuelles »17.

8. - La résolution est une sanction visant l'anéantissement du contrat qui aura

par conséquent pour effet de remettre les parties dans la situation dans laquelle elles se

trouvaient avant la conclusion du contrat. Elle se définit comme étant

l'« anéantissement en principe rétroactif d'un contrat synallagmatique qui, fondé que

l'interdépendance des obligations résultant de ce type de contrat, consiste à libérer une

partie de son obligation, lorsque l'obligation de l'autre ne peut être exécutée, soit du

fait de celle-ci, soit par l'effet d'une cause étrangère »18. Elle peut intervenir que

l'inexécution du contrat soit totale ou partielle, d'une obligation principale ou

accessoire19.

9. - Selon Richard Posner, la sanction doit être considérée comme un prix

entrant dans le calcul de la proportionnalité coût/bénéfice réalisé par l'auteur de

l'inexécution contractuelle afin d'apprécier s'il trouve un avantage à s'exécuter ou non20.

Plus cette sanction sera importante, moins le débiteur aura tendance à ne pas exécuter

ses obligations contractuelles. La nature et le montant de la sanction influent donc

directement sur l'exécution ou inexécution du contrat.

10. - De l'efficacité économique - L'efficacité d'une sanction ne signifie pas

que celle-ci est juste ou non. Toute idée de morale est absente dans la définition de

l'efficacité. Celle-ci se veut être purement objective. Également, l'efficacité d'une norme

17 S. WHITTAKER, Un droit à la prestation plutôt qu'un droit à l'exécution ? Perspectives anglaises sur l'exécution en nature et la réparation, RDC, 1 janv. 2005, n° 1, p. 49

18 G. CORNU, Vocabulaire juridique, 9e éd., coll. Quadrige, P.U.F., 2011.19 Y. BUFFELAN-LANORE et V. LARRIBAU-TERNEYRE, Droit civil, Les obligations, coll. Sirey

Université, Sirey, 13e éd., 2012.20 S. HARNAY et A. MARCIANO, Posner, L'Analyse économique du droit, coll. Le bien commun,

Michalon, 2003.

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

doit être distinguée de son efficience. Est efficace le « moyen qui permet d'atteindre le

résultat souhaité »21. Est en revanche, « efficient » le « dispositif [ … ] qui atteint le

résultat souhaité au moindre coût ». Ce dernier adjectif qualifie donc « un rapport entre

des moyens et une fin au regard des coûts »22.

La règle de droit économiquement efficace peut alors être définie comme celle

permettant de maximiser le bien-être social, équivalant à la somme du bien-être de

chaque individu. Celui-ci peut être défini comme étant la somme du surplus des

individus composant une collectivité, surplus lui-même défini comme étant la différence

entre le consentement de l'individu à payer ( willingness to pay ) pour un bien donné et

le prix de marché de ce bien23. Ainsi, si un individu estime que la possession d'un bien

lui procurerait un bénéfice de 1 000 euros et que ce bien se trouve à 700 euros sur le

marché, alors son surplus étant égal à la différence entre son consentement maximum à

payer et le prix du bien sur le marché, il sera de 300 euros. On peut également évaluer la

valeur qu'un individu octroie à un bien ou service en fonction de son consentement à

accepter ( willingness to accept ), défini comme la somme qu'il serait prêt à accepter

pour abandonner ce bien ou service24. Ce critère suppose donc que toute préférence peut

se traduire en termes monétaires, parant ainsi aux difficultés de mesure du bonheur de

l'utilitarisme.

11. - Il existe deux critères principaux permettant la mesure du bien-être social

qui doivent être combinés afin de réaliser une mesure la plus juste possible.

L'économiste Vilfredo Pareto, considère l'efficacité économique ( profit

21 A.-L. SIBONY, Du bon usage des notions d'efficacité, in L'efficacité de la norme juridique, Nouveau vecteur de légitimité ?, dir. M. FATIN-ROUGE STEFANINI, L. GAY et A. VIDAL-NAQUET, Bruylant, 2012.

22 Ibid., note précédente.23 S. HARNAY et A. MARCIANO, Posner, L'Analyse économique du droit, coll. Le bien commun,

Michalon, 2003.24 Ibid., note précédente.

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

maximization ) atteinte lorsqu'on ne peut améliorer la satisfaction d’un individu sans

réduire la satisfaction d’un autre. Cet optimum de Pareto correspondrait au sens

juridique commun de la notion d'efficacité économique, selon lequel est

économiquement efficace ce qui, sans gaspillage des ressources, permet l'obtention

d'une richesse25. Mais cette analyse utilitariste pose le problème de la distribution

initiale de la richesse en ce que lorsqu'un individu possèdera toutes les richesses, une

allocation différente de celles-ci sera impossible car elle causera un préjudice à

l'individu les détenant a priori. Cette difficulté de justice distributive se trouve en raison

de ce que cette analyse se fonde sur la mesure du bonheur et non des richesses.

En poussant alors l'analyse plus en avant, il apparaît que ce critère de Pareto peut

être « contraint » dans sa définition juridique afin d’être plus praticable et efficace. C'est

alors en pratique, le test de Hicks-Kaldor potentiel qui s'applique et définit au mieux

l'efficacité économique d'une sanction ( wealth maximization ) en ce qu'il se fonde sur la

mesure des richesses. Ces richesses ou ressources peuvent être définies comme « la

somme de l'ensemble des biens et services tangibles et intangibles définie en termes

monétaires ou équivalents »26. Par suite, si l'efficacité économique au sens pur du test de

Hicks-Kaldor se trouverait atteinte dès lors qu'au terme d'une mise en mesure des

bénéfices et préjudices des différents acteurs considérés, le bilan économique serait

positif, sa définition diffère lorsqu'elle intervient comme critère de Pareto contraint.

L'efficacité économique d'une sanction se définit alors comme celle qui, quoique

modifiant l'allocation des richesses, génère un gain de bien-être pour la collectivité dès

lors que ceux qui gagnent à ce changement sont en mesure de dédommager les perdants

tout en conservant un gain net. En d'autres termes, est économiquement efficace la

nouvelle allocation des richesses qui permet l'amélioration de la situation d'au moins un

individu après compensation par celui-ci du préjudice des autres, qui se retrouvent alors

25 Y.-M. LAITHIER, Étude comparative des sanctions de l'inexécution du contrat, coll. Bibliothèque de droit privé, LGDJ, 2004.

26 S. HARNAY et A. MARCIANO, Posner, L'Analyse économique du droit, coll. Le bien commun, Michalon, 2003.

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

dans une situation inchangée.

12. - La sanction économiquement efficace se définit alors comme celle

permettant l'allocation optimale des richesses, comparable à la maximisation des

richesses considérée par Richard Posner27. La mesure du bien-être social, à travers la

maximisation des richesses, dépend donc de l'évaluation faite du bénéfice que retire le

créancier de l'exécution de l'obligation et du bénéfice que retire le débiteur de

l'inexécution de celle-ci ainsi que réciproquement, du coût que l'inexécution ou

l'exécution leur causera. De la détermination de ces valeurs dépend la détermination du

niveau du bien-être social et la qualification de la sanction la plus efficace devant être

adoptée.

13. - Une telle définition impose également de prendre en compte le coût

social de la sanction pour l'évaluation du bien-être social, de l'allocation optimale des

richesses. Ce coût social est la somme du coût interne, privé, propre aux parties au

contrat, et du coût externe qui est le coût de la sanction pour la collectivité. Ce dernier

ne doit pas être négligé.

Le droit anglais par exemple, considérait l'exécution forcée en nature comme

présentant un coût externe élevé, résultant des coûts de transaction ex post nécessaires

pour l'effectivité de la sanction. Ce sont les coûts de constant supervision notamment,

liés à la nomination d'un agent supervisant l'opération28. Le mécanisme de l'astreinte,

présent en droit français mais absent en droit anglais, permettrait la réduction du coût

social de l'exécution forcée en nature par le biais de la réduction du coût pour la

collectivité qu'elle génère.

27 R. A. POSNER, Economic Analysis of Law, Little, Brown and Company, 1972.28 S. ROWAN, Remedies for breach of contract, A comparative analysis of the protection of

performance, Oxford University Press, 2012.

16

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

14. - Au regard de cette définition de l'efficacité et au vu de l'intérêt que

présente l'analyse économique comparative des droits et des règles en elles-mêmes, la

question se pose de la mesure et comparaison de l'efficacité économique des sanctions

de l'inexécution du contrat en droit français et en droit anglais.

À cet effet, il conviendra d'étudier l'efficacité économique de la sanction de

principe de droit anglais qu'est l'octroi de dommages-intérêts compensatoire ( Première

Partie ), puis de s'intéresser à la sanction de principe de droit français qu'est l'exécution

forcée par équivalent, intervenant ici comme à défaut de résolution efficace du contrat

( Deuxième Partie ).

17

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

PREMIÈRE PARTIE

L'OCTROI DE DOMMAGES-INTÉRÊTS COMPENSATOIRES

15. - Le droit anglais considérant que l'indemnisation pécuniaire du préjudice

est équivalente pour la victime de l'inexécution à l'exécution en nature de l'obligation,

l'octroi de dommages-intérêts compensatoires, synonyme de l'exécution forcée par

équivalent en droit français, y est la sanction de principe.

16. - Pour que l'efficacité économique de la sanction qu'est l'octroi de

dommages-intérêts compensatoires soit révélée ( Titre 2 ), il est nécessaire que le

dommage juridiquement réparable soit défini avec précision ( Titre 1 ). De l'entière

indemnisation de la victime de l'inexécution dépendra la qualification de la sanction

comme étant économiquement efficace. Or, force est de constater que des difficultés

subsistent dans la mesure du dommage juridiquement réparable ( Titre 3 ).

18

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

TITRE I

La définition du dommage juridiquement réparable

17. - La fonction donnée aux dommages-intérêts a une grande importance dans

la détermination du mode d'évaluation du dommage de la victime de l'inexécution

( Chapitre 1 ) et par suite, dans la qualification de la sanction comme étant

économiquement efficace. Effectivement, la sanction économiquement efficace est celle

permettant l'augmentation du bien-être social par le biais d'une meilleure allocation des

ressources, cette dernière nécessitant l'amélioration de la situation d'une partie au

contrat, tout en ne détériorant pas celle de l'autre partie.

La fonction uniquement compensatoire des dommages-intérêts paraît donc être

celle permettant l'efficacité économique de la sanction qu'est l'accord de dommages-

intérêts compensatoires. Si cette fonction leur était a priori accordée, il semble qu'elle

soit désormais quelques peu remise en cause ( Chapitre 2 ).

Chapitre 1 - L'évaluation du dommage de la victime de l'inexécution

18. - La fonction accordée à la sanction qu'est l'octroi de dommages-intérêts

compensatoires a une incidence certaine dans l'évaluation du coût que représente

l'inexécution pour le créancier ( Section 1 ). Si cette fonction dépend de la politique

juridique adoptée par le pays en cause, les politiques juridiques nationales semblaient

suggérer des sanctions autres à l'inexécution du contrat ( Section 2 ).

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Section 1 - L'incidence de la fonction de la sanction dans l'évaluation du coût de

l'inexécution

19. - Les sanctions de l'inexécution du contrat sont le révélateur de

l'orientation des politiques juridiques du droit des contrats, des finalités poursuivies par

l'adoption de certaines règles par préférence à d'autres29. Principalement, la sanction de

l'atteinte à la justice peut être l'une des finalités du droit des contrats, que cette justice

soit corrective et vise le rétablissement de l'équilibre du contrat, rompu par l'inexécution

de l'une des parties ou qu'elle soit distributive et vise alors à la protection de la partie

faible au contrat. Cette finalité s'oppose à celle créatrice de richesses, en conséquence de

laquelle les sanctions du contrat sont déterminées en fonction de considérations

économiques. L'une pouvant être relativisée par l'autre.

Les secondes principales finalités qui s'opposent sont celles d'incitation du

débiteur à l'exécution du contrat ( Paragraphe 1 ) et de protection des intérêts du

créancier ( Paragraphe 2 ). Si la première pose la problématique de la détermination du

degré d'incitation nécessaire, la seconde pose celui de la définition de l'intérêt du

créancier.

Paragraphe 1 - Les sanctions incitant à l'exécution du contrat

20. - Lorsque les sanctions auront pour objet d'inciter le débiteur à l'exécution

du contrat, de le contraindre afin de prévenir la rupture contractuelle, elles devront alors

le priver de tout bénéfice pouvant résulter de l'inexécution du contrat, voire le

29 Y.-M. LAITHIER, Étude comparative des sanctions de l'inexécution du contrat, coll. Bibliothèque de droit privé, LGDJ, 2004.

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sanctionner pour cette inexécution. Le coût que représentera l'inexécution de son

obligation pour le débiteur devra donc être supérieur à celui de l'exécution.

C'est alors le restitution interest30 qui est envisagé. Celui-ci peut être défini

comme la sanction imposant au débiteur de restituer le gain qu'il a réalisé aux dépens de

son créancier et peut s'apparenter à des restitutives damages lorsque ce gain est adressé

au créancier. Cette sanction vise donc à placer l'auteur de l'inexécution dans la situation

dans laquelle il était avant de ne pas s'exécuter afin de l'inciter à s'exécuter. Elle permet

également de prévenir l'enrichissement injuste du débiteur, réalisé aux dépens du

créancier grâce à l'absence d'exécution31. Le restitution interest apparaît donc comme la

méthode de détermination des dommages-intérêts permettant de qualifier la sanction

comme étant la plus idoine lorsque l'objet des sanctions de l'inexécution du contrat est

véritablement de sanctionner le débiteur afin de le dissuader de ne pas s'exécuter. Elle

semble en outre, préférable à l'exécution forcée en nature en ce qu'elle permet de ne pas

avoir à contraindre le débiteur, directement ou non, à s'exécuter.

Cependant, cette sanction n’apparaît pas comme étant économiquement efficace

en toute hypothèse. Effectivement, le gain que retire le débiteur à ne pas s'exécuter est

parfois supérieur au préjudice que subit la victime de ce fait. Par suite, le

dédommagement de la victime est envisageable grâce à une partie seulement du gain du

débiteur. Bien qu'ayant dédommagé sa victime, le débiteur trouve donc toujours un

intérêt à ne pas s'exécuter, ce qui permet de qualifier la rupture comme étant efficace en

ce qu'elle permet une meilleure allocation des richesses. Il serait donc malheureux de

dissuader le débiteur de ne pas s'exécuter dans de telles hypothèses, ou encore de le

sanctionner et de priver ainsi la population d'une augmentation du bien-être social.

En outre, l'objet des sanctions de l'inexécution, tant en droit français qu'en droit

30 E. A. FARNSWORTH, Legal Remedies for Breach of Contract, Columbia Law Review, 1970, Vol. 70, n° 7, pp. 1145-1216.

31 L. L. FULLER et W. R. PERDUE, The Reliance Interest in Contract Damages, Yale Law Journal, 1936.

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anglais, n'est pas uniquement d'inciter à l'exécution, il vise également la protection des

intérêts du créancier. À défaut, les victimes d'inexécution n'agiraient pas en justice étant

donné qu'elles n'y trouveraient aucun intérêt personnel, l'exécution de l'obligation ne

leur y étant pas accordée, que ce soit en nature ou par équivalent32. Afin que les auteurs

d'inexécution soient sanctionnés, ce qui semble nécessaire à la préservation de l'effet

incitant à l'exécution du contrat, l'action en justice devrait alors être exercée par le

ministère public, rappelant ainsi l'action en matière pénale. Or, la fonction première des

actions en matière civile est l'indemnisation de la victime et non la sanction de l'auteur

de la faute, qui ne pourra intervenir qu'à titre secondaire.

21. - La sanction devrait alors être protectrice des intérêts du créancier.

Paragraphe 2 - Les sanctions protectrices des intérêts du créancier

22. - La liberté contractuelle étant définie tant par la liberté de contracter que

de se désengager, l'objet des sanctions de l'inexécution contractuelle est principalement

de protéger les intérêts du créancier victime de l'usage de sa liberté contractuelle par le

débiteur. La problématique est alors celle de la définition de l'intérêt du créancier. Celui-

ci peut être l'exécution de la prestation. Afin d'indemniser le créancier du fait de

l'inexécution, il faudrait alors le placer dans la situation dans laquelle il aurait été si le

contrat avait été exécuté, de la même façon que tend à le faire l'exécution forcée par

équivalent. Le coût que représentera l'inexécution pour sa victime sera alors celui

32 E. A. FARNSWORTH, Legal Remedies for Breach of Contract, Columbia Law Review, 1970, Vol. 70, n° 7, pp. 1145-1216.

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correspondant à l'expectation interest33 ou performance interest, au gain net qu'il aurait

perçu si le contrat avait été exécuté, en d'autres termes au gain manqué. Cette somme

devra lui être adressée pour que l'inexécution ne se fasse pas à son détriment et que

l'efficacité économique ne soit pas atteinte. Les expectation damages étant les plus

complets en ce qu'ils comprennent les gains inhérents au contrat, sont en effet, les seuls

dommages-intérêts incitant les deux parties au contrat à s'exécuter34. L'expectation

interest est ainsi retenu en droit anglais, au titre duquel lorsqu'une partie subit un

préjudice du fait de l'inexécution du contrat, elle doit être placée dans la même situation

que si le contrat avait été exécuté35. Le choix de l'expectation interest comme définition

des attentes légitimes du créancier permet ainsi de parer au sentiment de la victime de

l'inexécution de privation de ce qui était sien en raison du contrat et par suite, de parer

au sentiment d'injustice résultant de la violation contractuelle36 et de l'absence

d'exécution en nature de l'obligation.

Le reliance interest37, correspondant à la somme nécessaire au replacement du

créancier dans l'état qui était le sien antérieurement à la conclusion du contrat, apparaît

au regard de l'analyse économique comme étant une solution moins efficace.

Effectivement, celle-ci permettra uniquement le remboursement des frais engagés par le

créancier croyant à l'exécution du contrat par le débiteur, en d'autres termes de la perte

subie, et peut donc être assimilée à l'hypothèse d'une résolution du contrat, quand les

expectation damages s'apparentent plus à l'exécution forcée par équivalent de droit

français. L'intérêt au contrat qu'avait le créancier n'y est donc pas assuré, privant

33 E. A. FARNSWORTH, Legal Remedies for Breach of Contract, Columbia Law Review, 1970, Vol. 70, n° 7, pp. 1145-1216.

34 G. KLASS, Efficient Breach, in The Philosophical Foundations of Contract Law, dir. G. KLASS, G. LETSAS et P. SAPRAI, Oxford University Press, 2013.

35 Robinson v. Harman [ 1848 ] 1 Exch. 850, [ 1843 – 60 ] All ER Rep 383, 154 ER 363, « where a party sustains a loss by reason of a breach of contract, he is [ … ] to be placed in the same situation [ … ] as if the contract had been performed ».

36 L. L. FULLER et W. R. PERDUE, The Reliance Interest in Contract Damages, Yale Law Journal, 1936.

37 E. A. FARNSWORTH, Legal Remedies for Breach of Contract, Columbia Law Review, 1970, Vol. 70, n° 7, pp. 1145-1216.

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également d'intérêt le contrat en tant qu'instrument juridique, en ce qu'il ne sera plus

considéré comme un instrument juridique sûr. En outre, le reliance interest sera plus

difficilement évaluable que l'expectation interest, en ce qu'il nécessite notamment la

prise en compte de la perte des opportunités qu'avait alors le créancier de contracter

avec d'autres individus38. Toutefois, le créancier pourra parfois y trouver un intérêt, par

exemple lorsque le contrat se révèle in fine, comme ne lui étant pas favorable ou

susceptible de lui causer une perte en cas d'exécution, ou encore lorsque l'intérêt qu'il

trouvait au contrat se révèle moindre que celui qu'il aurait pu trouver en contractant

avec un autre individu par préférence à celui en cause. Dans de telles hypothèses

cependant, le créancier se trouverait alors dans une situation plus favorable à celle dans

laquelle il aurait été si le contrat avait été exécuté. Le reliance interest ne peut donc pas

être accordé.

23. - La protection des intérêts du créancier par le biais des expectation

damages semble donc plus efficace économiquement. Toutefois, les politiques

juridiques nationales anglaise et française sembleraient présumer une sanction autre.

Section 2 - Une politique présumant une sanction autre ?

24. - Au regard des politiques juridiques de droit anglais ( Paragraphe 1 ) et de

droit français ( Paragraphe 2 ), la sanction de l'inexécution du contrat pourrait être

différente.

38 A. BURROWS, Remedies for torts and breach of contract, 3thd ed., Oxford University Press, 2004.

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

Paragraphe 1 - La politique de droit anglais

25. - En droit anglais, la sanction de principe est l'accord de dommages-

intérêts compensatoires. Ce n'est que lorsque cette sanction paraitra inadéquate que la

specific performance sera ordonnée. La préférence pour cette sanction plutôt que la

specific performance réputée comme étant plus protectrice de l'intérêt du créancier, le

devoir qu'a le débiteur de minimiser son dommage et l'absence d'indemnisation de son

préjudice moral pourraient suggérer que la politique juridique anglaise n'est pas de

protection des intérêts du créancier. Ce serait alors ignorer les difficultés résidant dans la

détermination de l'intérêt du créancier, celui-ci étant évolutif et subjectif. L'intérêt de la

victime de l'inexécution n'est pas nécessairement l'exécution de l'obligation. Lorsque

celle-ci devait être exécutée à une certaine date, une exécution ultérieure pourra ne plus

présenter d'intérêt par exemple. En outre, le devoir de minimiser son dommage

incombant au créancier ne lui est pas nécessairement préjudiciable, étant considéré

qu'avant d’être indemnisé, le créancier subit effectivement ce préjudice et a donc intérêt

à ce que celui-ci soit minime. D'autant plus étant considérés les délais souvent

importants précédant l'indemnisation effective. Enfin, la victime de l'inexécution étant

considérée en droit anglais comme indifférente à l'accord de dommages-intérêts plutôt

qu'à la specific performance39, cette compensation, dès lors qu'elle est adéquate, n'est

pas considérée comme atteignant aux intérêts du créancier.

C'est donc uniquement en raison de la peur des juges à l'égard des contrats

d'esclavage et pour des raisons tant historiques qu'économiques que les dommages-

intérêts sont préférés à la specific performance en droit anglais. L'octroi de dommages-

intérêts s'est effectivement développé en premier pour des raisons pratiques et

économiques liées à la rapidité des affaires. Ce n'est qu'au XVIe siècle que la Court of

39 S. ROWAN, Remedies for breach of contract, A comparative analysis of the protection of performance, Oxford University Press, 2012.

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

Chancery a véritablement été instaurée comme étant une juridiction parallèle d'equity et

qu'elle a créé la sanction de specific performance et l'injunction, lorsque l'intérêt des

parties l'imposait40. Le caractère d'equity de la specific performance a demeuré lorsque

les juridictions se sont rapprochées, expliquant sa qualité d'exception. Cette

prédominance de l'accord de dommages-intérêts a également permis une évolution et

définition précise du dommage juridiquement réparable, permettant la totale

indemnisation du préjudice subi par la victime de l'inexécution sous forme d'expectation

damages. Notamment, si le dommage moral n'est pas indemnisé pour lui-même, les

liquidated damages agissent en quelque sorte comme des dommages-intérêts

symboliques, permettant la compensation de ce préjudice.

Toutefois, l'évolution récente du droit anglais semble donner une nouvelle

orientation à la politique juridique anglaise. L'introduction des gains-based damages

suggère effectivement une volonté d'incitation du débiteur à l'exécution en ce que ceux-

ci interviendront afin de le priver de tout ou partie du bénéfice qu'il tire de son

exécution, dénuant ainsi l'inexécution d'un quelconque intérêt. La redistribution de ce

bénéfice au créancier ne permet cependant pas d'affirmer la volonté de sanction de

l'auteur de l'inexécution par le biais de ce mécanisme, seulement de le supposer.

Paragraphe 2 - La politique de droit français

26. - L'exécution forcée en nature est la sanction de principe en droit français

en raison notamment de ce que celle-ci permet la parfaite satisfaction des intérêts

légitimes de la victime de l'inexécution. L'objectif serait donc de protection des intérêts

du créancier.

40 S. WHITTAKER, Un droit à la prestation plutôt qu'un droit à l'exécution ? Perspectives anglaises sur l'exécution en nature et la réparation, RDC, 1 janv. 2005, n° 1, p. 49.

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Or, les expectation damages plaçant le créancier dans la situation dans laquelle il

se serait trouvé si l'obligation du débiteur avait été exécutée, ils paraissent suffisant à la

protection des intérêts de la victime de l'inexécution. Le choix de l'exécution forcée en

nature comme sanction de principe peut alors également être considéré comme

révélateur d'une politique incitant le débiteur à l'exécution de ses obligations par le

créancier. Effectivement, du fait de l'exécution forcée en nature, l'auteur de l'inexécution

est privé de tout bénéfice pouvant en résulter. Cette exécution lui étant ordonnée en tant

que sanction, l'exécution forcée lui sera plus coûteuse qu'en cas d'exécution volontaire

en raison des différents frais y afférant, comme les frais liés au litige notamment. Par

suite, le débiteur sera incité à exécuter volontairement ses obligations, sans chercher à

tirer profit d'une quelconque inexécution. L'exécution forcée en nature est également

retenue comme étant la sanction de principe afin que la force obligatoire du contrat soit

respectée, ainsi que la parole donnée. C'est donc en quelque sorte pour des

considérations morales que l'exécution forcée en nature est ordonnée, afin de punir le

débiteur qui ne s'est pas exécuté, rompant ainsi sa promesse, quoique cette sanction soit

d'un degré restreint.

27. - Il convient cependant de garder à l'esprit les difficultés résidant dans la

détermination de l'intérêt du créancier. Le droit anglais et le droit français paraissant en

retenir une définition différente, l'adoption de sanctions de principe également

différentes semble normale et ne pas atteindre à la politique de protection des intérêts du

créancier, quoique celle-ci soit teintée d'un certain effet dissuasif. Le droit anglais

considérant que la victime de l'inexécution est indifférente à l'exécution en nature ou

l'octroi de dommages-intérêts compensatoires, l'accord de ces derniers ne démontre pas

nécessairement l'absence de volonté de protection des intérêts de la victime de

l'inexécution. Inversement, le droit français considérant les intérêts du créancier comme

ne pouvant être pleinement satisfaits que par l'accord de l'exécution forcée en nature, la

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primauté de cette sanction n'intervient pas nécessairement comme révélateur d'une

politique d'incitation du débiteur à l'exécution.

28. - Les politiques juridiques de droit français et de droit anglais semblent

donc aller dans le sens d'une protection des intérêts du créancier. Toutefois, la part de la

politique incitative voir dissuasive, semble augmenter, remettant ainsi en cause la

fonction purement compensatoire des dommages-intérêts.

Chapitre 2 - La fonction a priori compensatoire des dommages-intérêts

29. - Si le droit français laisse à croire que seuls les intérêts du créancier sont

pris en considération, le droit anglais semble aller dans un sens totalement inverse.

Ainsi, si dans chacun de ces droits le comportement des parties est pris en considération

dans l'évaluation du montant des dommages-intérêts ( Section 2 ), c'est en droit anglais

que la fonction compensatrice des dommages-intérêts paraît être la plus outrepassée

( Section 1 ).

Section 1 - La fonction compensatrice des dommages-intérêts outrepassée

30. - La fonction strictement compensatoire des dommages-intérêts

nécessiterait que tout le dommage et uniquement le dommage soit réparable

( Paragraphe 1 ). Toutefois, la récente introduction des gains-based damages en droit

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anglais semble remettre en cause cette fonction ( Paragraphe 2 ).

Paragraphe 1 - Le dommage uniquement et entièrement réparable

31. - En droit français comme en droit anglais, suivant la politique a priori de

protection des intérêts de la victime de l'inexécution, l'entier préjudice que subit celle-ci

du fait de l'inexécution de ses obligations par le débiteur doit être réparé. Mais c'est

uniquement ce préjudice qui doit être indemnisé afin que la sanction ne devienne pas

punitive et que les inexécutions efficaces puissent se substituer aux exécutions

inefficaces. Le montant des dommages-intérêts doit donc être fixé d'après le préjudice

subi par la victime de l'inexécution et non d'après la faute du débiteur. C'est alors le

principe de la réparation intégrale qui s'applique, nécessaire afin que l'efficacité

économique soit atteinte.

La sanction économiquement efficace nécessite en effet une allocation optimale

des ressources, réalisée lorsqu'elle permet l'amélioration de la situation d'une partie,

sans que celle de l'autre soit atteinte, ce qui est possible grâce à l'entière indemnisation

du préjudice subi par la victime de l'inexécution. Il est donc important, pour que les

dommages-intérêts soient une sanction efficace, que leur montant soit déterminé avec

précision, afin que la victime de l'inexécution ne subisse aucun préjudice, du moins

aucun préjudice non indemnisé, permettant la préservation de sa situation initiale.

32. - Un mécanisme apparu récemment conduit cependant à teinter les

dommages-intérêts d'un aspect punitif.

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Paragraphe 2 - L'introduction des gains-based damages en droit anglais

33. - Depuis l'affaire Lipkin Gorman contre Karpnale Ltd.41, des gains-based

damages sont admis en droit anglais lorsque le débiteur s'est injustement enrichi par son

inexécution contractuelle, aux dépens de la victime de l'inexécution, que cet

enrichissement soit positif par le biais d'un gain ou négatif en ce que le débiteur aura

évité une dépense42. Cet injuste enrichissement sera alors reversé au débiteur en qualité

de restitutionary ou disgorgement damages. Mais ceux-ci ne sont alors plus basés sur le

principe de droit anglais selon lequel les dommages-intérêts compensent les pertes et le

préjudice de la victime de l'inexécution43. Ils interviennent véritablement pour

sanctionner le débiteur du profit qu'il a tiré de l'inexécution quand les juges

considéraient avant l'affaire Attorney General contre Blake44 que la question n'est pas

d'aboutir à ce que le débiteur restitue le bénéfice qu'il a tiré de son inexécution mais

d'indemniser le créancier45. La fonction de ces dommages-intérêts n'est pas

compensatrice puisqu'elle permet à la victime de l'inexécution de percevoir plus que ce

qu'elle aurait obtenu par le biais des dommages-intérêts compensatoires. Leur fonction

est comminatoire46.

Quand bien même les gains-based damages seraient octroyés comme l'exige le

droit anglais, uniquement lorsque l'inexécution du débiteur n'a lieu que dans le but de

réaliser un profit et que les dommages-intérêts ne sont pas adéquats47, ils permettent

41 Lipkin Gorman v. Karpnale Ltd. [ 1991 ] 2 AC 548 ( HL ).42 A. BURROWS, Remedies for torts and breach of contract, 3thd ed., Oxford University Press, 2004.43 I. TEHAL, The nature and basis of disgorgement damages for breach of contract, Oxford University

Undergraduate Law Journal, 2013, I. 2, p. 74, « they are not based on the general principle in English law that damages compensate for loss or injury ».

44 Attorney General v. Blake [ 2001 ] 1 AC 268 ( HL ).45 Tito v. Waddell ( No 2 ) [ 1977 ] Ch 106, « [t]he question is not one of making the defendant

disgorge what he has saved by committing the wrong, but one of compensating the plaintiff ».46 D. MAZEAUD, Le droit des obligations et l'efficacité économique, in L'efficacité économique en

droit, dir. S. BOLLEE, Y.-M. LAITHIER et C. PERES, Economica, 2010.47 A. BURROWS, Remedies for torts and breach of contract, 3thd ed., Oxford University Press, 2004.

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parfois à la victime de l'inexécution d'obtenir des dommages-intérêts, quand

l'inexécution ne lui aura pas nécessairement causé un préjudice. L'exemple le plus

connu est celui de l'affaire Attorney General contre Blake48, dans laquelle un ancien

agent secret britannique avait publié des informations confidentielles dans son

autobiographie, informations qu'il s'était contractuellement engagé à ne pas dévoiler. Or,

celles-ci étaient déjà connues du public. Le créancier n'avait donc subi aucun préjudice

résultant directement de cette inexécution49. L'auteur de l'inexécution fut pourtant

condamné à restituer les profits résultant de la publication de son autobiographie, au

créancier. Plus qu'un dédommagement de son préjudice, puisque celui-ci est souvent

inexistant dans le cadre de l'octroi de gains-based damages, c'est véritablement l'intérêt

du créancier qui est ici protégé, au détriment du débiteur.

Une telle sanction ne semble pas économiquement efficace en ce qu'elle empêche

les violations efficaces du contrat. Effectivement, en privant le débiteur des gains

résultant de son inexécution, il ne trouvera que plus rarement un intérêt à ne pas

s'exécuter. Toutefois, les gains-based damages ont également un effet prophylactique en

ce qu'ils incitent le débiteur qui souhaitait ne pas s'exécuter afin de bénéficier du profit

qu'il aurait pu en tirer, à s'exécuter. La sanction semble donc efficiente50.

34. - Le dépassement de la fonction compensatoire des dommages-intérêts est

également illustrée par l'incidence qu'a le comportement des parties au contrat sur le

montant des dommages-intérêts.

48 Attorney General v. Blake [ 2001 ] 1 AC 268 ( HL ).49 Attorney General v. Blake [ 2001 ] 1 AC 268 ( HL ) [ 279 ] « [T]hese awards cannot be regarded as

conforming to the strictly compensatory measure of damage for the injured person's loss unless loss is given a strained and artificial meaning ».

50 Sur la distinction entre l'efficacité et l'efficience d'une mesure, voir A.-L. SIBONY, Du bon usage des notions d'efficacité, in L'efficacité de la norme juridique, Nouveau vecteur de légitimité ?, dir. M. FATIN-ROUGE STEFANINI, L. GAY et A. VIDAL-NAQUET, Bruylant, 2012.

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

Section 2 - L'incidence du comportement des parties au contrat sur le montant des

dommages-intérêts

35. - Quoique la fonction compensatoire des dommages-intérêts imposerait le

contraire, la faute de l'auteur de l'inexécution ( Paragraphe 1 ) et le comportement de la

victime de celle-ci ( Paragraphe 2 ), ont une incidence sur le montant des dommages-

intérêts.

Paragraphe 1 - L'incidence de la faute de l'auteur de l'inexécution

36. - Les dommages-intérêts intervenant afin de compenser le préjudice de la

victime de l'inexécution et ayant par suite une fonction uniquement réparatrice, la faute

du débiteur ne devrait pas être prise en considération dans la détermination du montant

de ceux-ci. Toutefois, elle influence parfois les juges51. Ainsi, en droit français

l'inexécution intentionnelle aggrave la responsabilité du débiteur, sans qu'il soit

nécessaire que son intention de nuire soit prouvée52. La faute dolosive notamment, a

pour conséquences la réparation du dommage imprévisible et la mise à l'écart des

limitations légales et clauses élusives ou limitatives de responsabilité.

Or, que l'inexécution soit volontaire ou non, faite dans l'intention de nuire ou non,

le dommage en résultant pour le créancier demeure le même. La faute de l'auteur de

l'inexécution ne devrait donc avoir aucun effet sur le montant des dommages-intérêts

octroyés au créancier. Prendre en considération cette faute revient à punir le débiteur

51 Y. BUFFELAN-LANORE et V. LARRIBAU-TERNEYRE, Droit civil, Les obligations, coll. Sirey Université, Sirey, 13e éd., 2012.

52 Y.-M. LAITHIER, Étude comparative des sanctions de l'inexécution du contrat, coll. Bibliothèque de droit privé, LGDJ, 2004.

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quand les sanctions de l'inexécution du contrat, pour être économiquement efficaces, ne

doivent avoir pour objet que la protection des intérêts du créancier par le biais de

l'exécution contractuelle, qu'elle soit en nature ou par équivalent, ce afin d'aboutir à une

meilleure allocation des richesses lors de laquelle le préjudice causé à chacun est

entièrement compensé et uniquement ce préjudice. Dans cette optique, les sanctions de

l'inexécution du contrat devraient même autoriser les violations efficaces du contrat,

impossibles ou du moins restreintes lorsque la faute du débiteur est sanctionnée.

L'autorisation de telles violations interdirait par suite, la punition du débiteur pour la

faute qu'il a commise en refusant de s'exécuter. Seule l'indemnisation du créancier serait

autorisée.

En outre, l'augmentation du montant des dommages-intérêts accordés à la victime

de l'inexécution du fait de la faute du débiteur, permet alors l'enrichissement sans cause

de celle-ci étant donné que son dommage aura déjà été indemnisé par les dommages-

intérêts compensatoires. À tout le moins, il serait donc nécessaire de distinguer les deux

sommes et que la partie des dommages-intérêts résultant de la faute du débiteur ne soit

pas accordée à la victime mais au Trésor public par exemple.

37. - Aux fins d'une plus importante justice et révélant en partie la prise en

considération de l'efficacité économique, le comportement de la victime de l'inexécution

a également une incidence sur le montant des dommages-intérêts auxquels elle peut

prétendre.

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

Paragraphe 2 - L'incidence du comportement de la victime de l'inexécution

38. - La prise en considération du comportement de la victime paraît parfois

plus évidente et concordante avec l'idée d'un caractère uniquement indemnitaire des

dommages-intérêts.

Notamment, en droit anglais la victime de l'inexécution a l'obligation de

minimiser son dommage. Ainsi, seul le dommage qui n'était pas raisonnablement

évitable sera indemnisé. Ceci s'explique par le fait que les dommages-intérêts sont

accordés pour le dommage résultant de l'inexécution du contrat, comme le confirme le

fait que seul le dommage prévisible peut être indemnisé. La négligence ou l'inaction de

la victime de l'inexécution suite à celle-ci ne peut être prise en considération dans le

montant des dommages-intérêts notamment en raison de ce que le débiteur n'a plus

d'emprise sur les événements suivant l'inexécution de son obligation. Cette obligation de

minimisation de son dommage par le débiteur est particulièrement efficace

économiquement dans le cadre de l'octroi de dommages-intérêts en ce qu'elle évite un

gaspillage des ressources. Nous y reviendrons plus amplement dans la suite de nos

développement.

Enfin, dans un même esprit de prévisibilité du dommage et de réparation de

l'unique dommage causé par le débiteur du fait de son exécution, la négligence du

créancier qui aura contribué à son dommage et les éléments qui auront été la cause de

celui-ci, plus que ne l'aura été la violation de ses obligations par le débiteur, ne devront

pas être pris en considération pour l'établissement du montant des dommages-intérêts53.

Le lien entre le dommage et l'inexécution ne doit pas être trop flou. À défaut, les

dommages-intérêts n'auraient plus un caractère uniquement compensatoire et

augmenteraient injustement et de façon illégitime la sanction pesant sur le débiteur.

53 A. BURROWS, Remedies for torts and breach of contract, 3thd ed., Oxford University Press, 2004.

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

39. - Si l'efficacité économique de la sanction se trouve donc atteinte par la

remise en cause de la fonction strictement compensatoire qu'elle devrait avoir, une part

de cette efficacité est retrouvée grâce au devoir de minimisation de son dommage

incombant à la victime de l'inexécution.

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

TITRE II

L'efficacité économique de l'exécution forcée par équivalent

40. - L'efficacité économique de la sanction qu'est l'exécution forcée par

équivalent ou compulsion, est conditionnée par le devoir de minimisation du dommage

pesant sur la victime de l'inexécution ( Chapitre 1 ). En l'absence de ce devoir,

l'efficacité économique de la sanction est restreinte.

Toutefois, une sanction devant être considérée dans son environnement juridique

afin d'apprécier son efficacité économique réelle, les conséquences résultant

nécessairement de l'admission du devoir de minimisation du dommage dans le cadre de

l'octroi de dommages-intérêts compensatoires, doivent également être étudiées

( Chapitre 2 ).

Chapitre 1 - L'efficacité économique de la sanction conditionnée par le devoir de

minimisation du dommage

41. - L'efficacité économique de l'exécution par équivalent ou compulsion,

réside dans le devoir de minimiser son dommage incombant à la victime de

l'inexécution ( Section 1 ), ce mécanisme étant d'une grande efficacité économique

( Section 2 ).

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Section 1 - Le devoir de minimiser son dommage incombant à la victime de

l'inexécution

42. - Le devoir de minimisation du dommage est un principe originaire du

droit anglais ( Paragraphe 1 ), actuellement adopté par de nombreux droits étrangers.

Toutefois, le droit français ne connaît encore qu'une possibilité de remplacement offerte

à la victime de l'inexécution ( Paragraphe 2 ).

Paragraphe 1 - Le principe de droit anglais expliqué

43. - Le devoir54 de minimiser son dommage incombant à la victime de

l'inexécution en droit anglais, signifie que celle-ci pourra recevoir des dommages-

intérêts compensatoires uniquement pour le préjudice qu'elle n'aurait pas pu

raisonnablement éviter. Plus précisément, il signifie que la victime de l'inexécution

devra prendre toutes les mesures raisonnables afin de réduire son préjudice résultant de

la rupture et lui exclu la possibilité de réclamer toute partie du dommage résultant de sa

négligence à prendre de telles mesures afin de le minimiser55. Ainsi, l'acheteur qui ne

sera pas livré d'un produit devra sans délais déraisonnables se procurer le bien auprès

d'un tiers si celui-ci se trouve sur le marché56. Inversement, le vendeur se voyant refusé

54 Notons que le devoir de minimiser son dommage n'est pas considéré par une partie de la doctrine comme étant une obligation au sens propre mais plutôt une « incombance ». Voir à ce sujet l'article de S. PIMONT, Remarques complémentaires sur le devoir de minimiser son propre dommage, RLDC, n° 10/2004, 2004.

55 British Westinghouse Electric & Manufacturing Co. Ltd. v. Underground Electric Rlys Co. of London Ltd. [ 1912 ] AC 673 ( HL ), the principle « imposes on a plaintiff the duty to taking all reasonable steps to mitigate the loss consequent of the breach and debars him from claiming any part of the damage which is due to his neglect to take such steps ».

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l'acceptation du bien par l'acheteur devra le vendre à un tiers sans tarder57. L'équivalent

quantitatif et qualitatif de l'objet de l'obligation devra donc être disponible sur le marché

et aussi facilement qu'utilement quérable par le créancier.

Toutefois, les mesures raisonnables ne nécessiteront pas obligatoirement le

remplacement du créancier auprès d'un tiers. Il a ainsi été reconnu dans l'affaire Payzu

Ltd. contre Saunders58 que la modification du moment et du moyen de paiement dans un

contrat de vente est une mesure raisonnable, nécessaire à la minimisation du dommage.

Il est important de noter que les mesures prises doivent seulement être raisonnables. Le

créancier ne devra pas nécessairement recourir à tous les moyens possibles pour

minimiser son dommage. Il ne devra pas par exemple, mettre en danger sa réputation

commerciale59, ni se procurer un substitut inadéquat. Par suite, et bien que ceci soit

rarement reconnus par les juges, les mesures déraisonnables ayant augmenté le

dommage ne seront pas indemnisées60. Le caractère raisonnable ou non d'une mesure

demeure donc une question de faits.

Par conséquent, l'auteur de l'inexécution ne sera également responsable que du

dommage ainsi minimisé, quand bien même il n'était pas raisonnable pour le créancier

de minimiser son dommage61, ce en raison du principe selon lequel les dommages-

intérêts ne peuvent qu'indemniser la victime de l'inexécution pour son préjudice et non

56 Sale of Goods Act, 1979, Chap. 54, Part. VI, art. 51 « (3) Where there is an available market for the goods in question the measure of damages is prima facie to be ascertained by the difference between the contract price and the market or current price of the goods at the time or times when they ought to have been delivered or (if no time was fixed) at the time of the refusal to deliver », disponible sur internet à l'adresse : www.legislation.gov.uk/ukpga/1979/54

57 Sale of Goods Act, 1979, Chap. 54, Part. VI, art. 50 « (3) Where there is an available market for the goods in question the measure of damages is prima facie to be ascertained by the difference between the contract price and the market or current price at the time or times when the goods ought to have been delivered or (if no time was fixed for acceptance) at the time of the refusal to accept », disponible sur internet à l'adresse : www.legislation.gov.uk/ukpga/1979/54

58 Payzu Ltd. v. Saunders [ 1919 ] 2 KB 581 ( CA ).59 James Finlay & Co. Ltd. v. NV Kwik Hoo Tong Handel Maatschappij [ 1929 ] 1 KB 400 ( CA ).60 S. ROWAN, Remedies for breach of contract, A comparative analysis of the protection of

performance, Oxford University Press, 2012.61 British Westinghouse Electric & Manufacturing Co. Ltd. v. Underground Electric Rlys Co. of

London Ltd. [ 1912 ] AC 673 ( HL ).

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

l'enrichir. En d'autres termes, l'exécution de son devoir de minimisation par le créancier

au delà de ce qui était nécessaire, n'est pas indemnisée.

Paragraphe 2 - La faculté de remplacement de droit français

44. - En droit français, la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation,

par deux arrêts du 19 juin 200362, a rejeté l'existence d'une potentielle obligation de

minimisation du dommage. Toutefois, un mécanisme qui paraît semblable est admis,

consistant en la possibilité pour le créancier de se remplacer63. Les effets

économiquement positifs de la minimisation sont donc également effectifs dans cette

hypothèse. Toutefois, l'importance de ceux-ci est moins grande en ce que le débiteur

doit demander l'autorisation du juge préalablement à son remplacement, sauf en cas

d'urgence où le contrôle se fera a posteriori, ainsi que dans le cadre des contrats

commerciaux. Les coûts de transaction suite à cette demande sont donc plus élevés et

réduisent d'autant l'efficacité économique de la mesure. Également, ce remplacement ne

constitue qu'une possibilité pour le créancier de l'obligation. Le préjudice qu'il pouvait

raisonnablement éviter sera donc indemnisé, même s'il n'a pas usé ou tenté d'user du

mécanisme de remplacement, ce qui serait impossible si le remplacement était une

obligation. On peut alors supposer que la nécessité de demander l'autorisation du juge

pour effectuer celle-ci découragera en partie la victime de l'inexécution de recourir à ce

moyen. Par mauvaise foi, elle ne tentera peut-être pas du tout de minimiser son

62 Civ. 3, 10 juill. 2013, n° 12-13.851, D. 2013, n° 2658, note M. BACACHE et Civ. 2, 19 juin 2003, n° 00-22.302 et n° 01-13.289, Bull. civ. 2003, n° 203 ;D. 2003, n° 2326, note J.-P. CHAZAL ; RTD civ. 2003, n° 716, note P. JOURDAIN ; D. 2004, n° 1346, note D. MAZEAUD, « Attendu que l'auteur d'un accident est tenu d'en réparer toutes les conséquences dommageables ; que la victime n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable ». Soulignons cependant que cet arrêt en rendu en matière de responsabilité civile et qu'il n'est pas certain qu'une telle solution serait applicable à la matière contractuelle.

63 Article 1144 du Code civil.

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

préjudice, sans pour autant l'aggraver.

La minimisation du dommage fondée sur l'obligation de bonne foi64 incombant à

chacune des parties au contrat au titre de l'article 1134 alinéa 3 du Code civil, pourrait

être introduite en droit français sur ce fondement. Il serait en effet, déloyal de la part du

créancier de laisser son dommage empirer quand une solution raisonnable se trouve à sa

portée qui permettrait de minimiser celui-ci. Ce serait alors la « passivité déraisonnable

du créancier »65 qui serait sanctionnée par le biais de la bonne foi, aboutissant in fine à

une obligation de minimisation de son dommage incombant à la victime de

l'inexécution.

45. - En raison de l'efficacité économique que présente la minimisation du

dommage, une réflexion autour de son adoption pourrait être plus vive.

Section 2 - L'efficacité économique de la minimisation du dommage

46. - L'efficacité économique de la minimisation du dommage révélée par la

volonté d'adoption de ce devoir en droit européen et français ( Paragraphe 3 ) se trouve

tant dans le gaspillage des ressources qu'elle permet d'éviter ( Paragraphe 1 ) que dans

l'accroissement des hypothèses d'inexécution efficace qu'elle permet ( Paragraphe 2 ).

64 Y.-M. LAITHIER, Étude comparative des sanctions de l'inexécution du contrat, coll. Bibliothèque de droit privé, LGDJ, 2004.

65 Ibid., note précédente.

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

Paragraphe 1 - Le gaspillage des ressources évité

47. - La minimisation du dommage par la victime de l'inexécution permet

d'éviter que les ressources ne soient gaspillées en exigeant de celle-ci qu'elle évite

l'aggravation et l'accumulation des pertes, qui ont in fine un coût social élevé puisque

ces ressources auraient pu être utilisées à des fins productives ou à tout le moins, être

utiles à un autre individu. Les dommages-intérêts qu'aura à verser le débiteur au

créancier pour un dommage qui aurait pu être raisonnablement évité par ce dernier,

auraient notamment pu être utilisés par celui-ci afin de contracter avec un tiers ou autre.

La mesure est donc économiquement efficace puisqu'elle permet une meilleure

allocation des ressources. Elle requière alors du créancier qu'il se préoccupe et agisse

pour son propre bien-être66 puisque le préjudice qu'il subit est amoindri et indirectement

pour le bien-être social.

Le créancier lui-même ne subit pas de pertes ou n'est pas contraint du fait de ce

devoir de minimisation, permettant d'écarter les critiques selon lesquelles il serait

injuste de faire peser ce devoir sur lui. Effectivement, la mesure que le créancier aura

adoptée pour réduire son dommage devant être raisonnable, elle ne devra pas constituer

une charge pour lui et devra n’être que peu coûteuse. Ces frais engagés par le créancier

pour minimiser son dommage ou tenter de le minimiser seront indemnisés par le

débiteur, en sus du préjudice qui n'était pas raisonnablement évitable. La victime de

l'inexécution n'a donc pas à faire passer les intérêts du débiteur avant les siens. En outre,

bien qu'étant qualifié de « duty », le devoir de minimiser son dommage incombant à la

victime de l'inexécution ne signifie pas que celle-ci pourra être poursuivie en justice

pour ne pas avoir exercé ce devoir67. Enfin, il sera plus aisé pour le créancier de

minimiser son dommage et notamment de se remplacer sur le marché, que ne pourrait le

66 S. ROWAN, Remedies for breach of contract, A comparative analysis of the protection of performance, Oxford University Press, 2012.

67 A. BURROWS, Remedies for torts and breach of contract, 3thd ed., Oxford University Press, 2004.

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faire le débiteur à sa place.

48. - La minimisation du dommage permet également l'augmentation des

hypothèses d'inexécution efficace du contrat.

Paragraphe 2 - L'accroissement des hypothèses d'inexécution efficace

49. - En diminuant son dommage, la victime de l'inexécution réduit également

le montant des dommages-intérêts que le débiteur aura à verser afin de ne pas s'exécuter.

Par suite, les hypothèses dans lesquelles après avoir indemnisé le créancier le débiteur

trouvera toujours un intérêt à ne pas s'exécuter, seront plus nombreuses.

Dès lors que la victime de l'inexécution est totalement indemnisée du préjudice

qu'elle subit de ce fait et par suite, que ses attentes légitimes sont satisfaites, aucun motif

relatif à l'efficacité économique ne semble réellement s'opposer à la violation de ses

obligations par le débiteur, violation qui est alors qualifiée d'économiquement efficace

en ce qu'elle permet une meilleure allocation des ressources, ce que nous verrons plus

amplement dans la suite de nos développements. La minimisation de son dommage par

le créancier en augmentant les hypothèses de violation efficace du contrat, permet une

meilleure allocation des richesses. Ainsi, lorsque le devoir de minimiser son dommage

est présent et la violation efficace de ses obligations par le débiteur autorisée, la

sanction qu'est l'exécution par équivalent des obligations paraît être d'une grande

efficacité économique.

Mais certains auteurs ont pu voir ceci comme atteignant à la sécurité juridique en

ce que, par la limitation du niveau de compensation qu'il induit, le devoir de

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minimisation du dommage réduit les chances d'exécution des obligations.

Effectivement, lorsqu'il sera moins onéreux pour le débiteur de ne pas s'exécuter et de

payer des dommages-intérêts compensatoires que de s'exécuter, le risque sera élevé que

celui-ci ne s'exécute pas. Ceci démontre la faiblesse de la sanction qu'est l'exécution

forcée par équivalent. Si celle-ci n'est efficace que lorsqu'elle est combinée à l'obligation

du créancier de minimiser son dommage mais que cette dernière conduit à une certaine

insécurité juridique, les effets économiquement positifs qu'elle présente s'annihilent

d'eux-mêmes.

Pourtant, la large adoption du devoir de minimisation du dommage semble

démontrer l'efficacité du mécanisme.

Paragraphe 3 - L'adoption de la minimisation du dommage démontrant l'efficacité du

mécanisme

50. - L'adoption du devoir de minimisation de son dommage par certains

projets de loi et par un nombre important de pays, démontre la pertinence de ce principe

et, à l'heure d'une plus intense concurrence des droits encouragée par les rapports Doing

business, l'efficacité économique que présente ce devoir.

Ainsi au niveau européen, le Draft Common Frame of Reference en son article III,

3:70568, les Principes de droit européen des contrats en leur article

68 Draft Common Frame of Reference, Projet de loi de la Commission européenne, oct. 2009, art. III, 3:705 « (1) The debtor is not liable for loss suffered by the creditor to the extent that the creditor could have reduced the loss by taking reasonable steps. (2) The creditor is entitled to recover any expenses reasonably incurred in attempting to reduce the loss », disponible sur internet à l'adresse : ec.europa.eu/justice/policies.civil.docs.dcfr_outline_edition_en.pdf

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

9:50569 ainsi que les principes d'UNIDROIT en leur article 7.4.870, imposent au débiteur

le devoir de minimiser son dommage.

S'agissant des projets de loi de droit français, l'avant projet Catala dispose

également en son article 137371 que « lorsque la victime avait la possibilité, par des

moyens sûrs, raisonnables et proportionnés, de réduire l'étendue de son préjudice ou

d'en éviter l'aggravation, il sera tenu compte de son abstention par une réduction de

son indemnisation, sauf lorsque les mesures seraient de nature à porter atteinte à son

intégrité physique ». Toutefois, le projet de loi relatif à la modernisation et à la

simplification du droit72 n'en traite pas.

Chapitre 2 - Les conséquences du devoir de minimisation du dommage dans le

cadre de l'octroi de dommages-intérêts compensatoires

51. - L'admission d'un devoir de minimiser son dommage incombant à la

victime de l'inexécution, quoique étant une mesure d'une grande efficacité économique,

69 Principes de Droit européen des contrats, nov. 1998, art. 9:505 « (1) Le débiteur n'est point tenu du préjudice souffert par le créancier pour autant que ce dernier aurait pu réduire son préjudice en prenant des mesures raisonnables. (2) Le créancier a droit au remboursement de tous les frais qu'il a raisonnablement engagés en tentant de réduire le préjudice », disponibles sur internet à l'adresse : www.lexinter.net/JF/principes_europeens_des_contrats.htm

70 Principes d'UNIDROIT relatifs aux contrats du commerce international, version 2010, art. 7.4.8 « 1 ) Le débiteur ne répond pas du préjudice dans la mesure où le créancier aurait pu l'atténuer par des moyens raisonnables. 2 ) Le créancier peut recouvrer les dépenses raisonnablement occasionnées en vue d'atténuer le préjudice », disponibles sur internet à l'adresse : www.unidroit.org/french/principles/contracts/principles2010/integralversionprinciples2010-f.pdf

71 Avant-projet de réforme du droit des obligations et du droit de la prescription, dit Avant-projet Catala, 22 sept. 2005, disponible sur internet à l'adresse :www.lexinter.net/JP/avant_projet_de_reforme_du_droit_des_obligations_et_de_la_prescription_(projet_catala).htm

72 Projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, transmis à l'Assemblée nationale le 14 mai 2014 pour une nouvelle lecture, disponible sur internet à l'adresse : www.assemblee-nationale.fr/14/projets/pl1729.asp

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doit également être considérée en fonction de l'incidence qu'elle aura sur le reste de la

législation en matière de sanctions de l'inexécution du contrat étant donné que

l'évaluation de l'efficacité économique se fait au regard de l'ensemble de

l'environnement juridique national.

Il est alors nécessaire de constater que ce devoir aura un impact en particulier à

l'égard des autres sanctions de l'inexécution ( Section 1 ), de la date d'évaluation du

préjudice ( Section 2 ), ainsi qu'à l'égard de la politique de protection du créancier

exprimée par l'évaluation du dommage en fonction du performance interest

( Section 3 ).

Section 1 - Minimisation du dommage et autres sanctions

52. - Les règles de droit devant être considérées dans leur environnement

juridique, il est intéressant d'étudier l'incidence qu'a le devoir de minimisation du

dommage sur l'exécution forcée en nature ( Paragraphe 1 ) et sur la résolution du contrat

( Paragraphe 2 ).

Paragraphe 1 - Minimisation et exécution forcée en nature

53. - Lorsque la sanction de principe est l'exécution forcé en nature,

l'imposition du devoir de minimisation de son dommage au créancier, n'a pas

d'incidence sur celle-ci comme nous le verrons dans la suite de nos développement.

Cependant, lorsque l'exécution par équivalent est la sanction de principe comme elle

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

l'est en droit anglais afin que le devoir de minimisation du dommage soit pleinement

mis en œuvre, les hypothèses dans lesquelles l'exécution forcée en nature pourra être

ordonnée seront réduites73.

L'exécution forcée en nature pourra effectivement être refusée au créancier, dès

lors qu'il existera un marché de remplacement pour le produit ou la prestation

contractuellement promise74, de même qualité et quantité et que l'objet de l'obligation y

sera raisonnablement accessible. L'existence d'un tel produit ou prestation de

remplacement exige en effet que le créancier y recours afin de minimiser son dommage.

S'étant remplacé, l'exécution en nature de la part du débiteur ne présentera plus aucun

intérêt pour lui et ne sera donc pas ordonnée. Plus encore, son inertie face à la

possibilité de remplacement afin d'obtenir l'exécution forcée en nature sera considérée

comme l'inexécution du devoir de minimisation de son dommage qui lui incombe. Il

sera alors indemnisé uniquement pour les frais qu'il aurait dû engager afin de se

remplacer. Ayant connaissance de ceci, le créancier se remplacera nécessairement,

réduisant ainsi les hypothèses dans lesquelles l'exécution forcée en nature pourra être

ordonnée.

54. - Le devoir de minimisation du dommage a également une incidence dans

le cadre de la résolution du contrat.

73 B. FAUVARQUE-COSSON, Regards comparatistes sur l'exécution forcée en nature, RDC, 1 avr. 2006, n°2, p. 529.

74 D. MAZEAUD, Le droit des obligations et l'efficacité économique, in L'efficacité économique en droit, dir. S. BOLLEE, Y.-M. LAITHIER et C. PERES, Economica, 2010.

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Paragraphe 2 - Minimisation et résolution du contrat

55. - Le devoir de minimisation de son dommage incombant à la victime de

l'inexécution du contrat pourra avoir pour conséquence une augmentation des cas de

rupture du contrat. Effectivement, si le créancier doit minimiser son dommage, dès lors

qu'il aura une connaissance certaine de ce que le débiteur n'a pas l'intention de

s'exécuter, il devra lui-même cesser l'exécution de ses obligations, de façon définitive ou

provisoire75. Poursuivre l'exécution de ses obligations alors que le débiteur l'a informé

de ce qu'il ne s'exécuterait pas ou a déjà réalisé une exécution défectueuse de

l'obligation, aggravera inutilement le dommage de la victime de l'inexécution et pourrait

même aller jusqu'à révéler sa mauvaise foi dans certaines hypothèses, entraînant en ces

deux hypothèses une réduction de l'indemnisation du créancier au seul préjudice qui ne

pouvait raisonnablement être évité. Lorsque la connaissance certaine de l'inexécution du

débiteur interviendra en amont d'un commencement d'exécution de ses propres

obligations par le créancier, une rupture anticipée du contrat pourra être envisagée,

intervenant en tant que mesure visant à minimiser le dommage du créancier. Il serait

déraisonnable d'exiger du créancier qu'il exécute sa part du contrat pour ensuite engager

un procès coûteux et à l'issue incertaine, quand la rupture anticipée du contrat lui

assurerait une situation sûre et un dommage moindre. Cette possibilité de résolution

anticipée du contrat est admise en droit anglais à certaines conditions et est d'une

importante efficacité économique, à laquelle nous reviendrons plus amplement dans la

suite de nos développement. Cette affirmation est comme souvent à relativiser.

Effectivement, suivant les circonstances de l'espèce, la poursuite du contrat et

l'exécution de ses obligations par le créancier sera la mesure la plus raisonnable à mettre

en œuvre afin que celui-ci minimise son dommage.

75 Y.-M. LAITHIER, Étude comparative des sanctions de l'inexécution du contrat, coll. Bibliothèque de droit privé, LGDJ, 2004.

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

56. - En outre, l'inexécution du contrat étant efficace lorsque le débiteur

trouvera toujours un intérêt à ne pas s'exécuter après avoir totalement indemnisé le

créancier pour le préjudice qu'il a subi du fait de l'inexécution, plus le préjudice de la

victime sera faible, moins le débiteur aura à l'indemniser et plus il aura d'intérêt à ne pas

s'exécuter. La réduction du dommage de la victime de l'inexécution grâce à la

minimisation de celui-ci permettra donc l'augmentation des hypothèses d'inexécution

efficace du contrat, à l'égard desquelles la résolution du contrat est la sanction la plus

économiquement efficace, comme nous le verrons plus amplement dans la suite de nos

développements.

57. - La minimisation du dommage a également une incidence sur la date

d'évaluation du préjudice subi par le créancier.

Section 2 - Minimisation du dommage et date d'évaluation du préjudice

58. - En l'absence de devoir de minimisation du dommage ou lorsque celle-ci

est impossible ou déraisonnable, et afin de respecter le principe de réparation intégrale

du dommage, le préjudice de la victime de l'inexécution devrait être apprécié et évalué

au jour du jugement. Les contours du préjudice seront alors plus certains et son montant

par suite, plus facilement évaluable que s'il était considéré plus en avant. C'est la

solution adoptée par le droit français pour lequel le devoir de minimisation est absent.

Toutefois, si la victime s'est déjà remplacée ou a réparé le bien défectueux, l'évaluation

se fera au jour du remplacement ou de la réparation. Ces mesures peuvent s'apparenter

aux mesures raisonnables prises en exécution du devoir de minimisation du dommage.

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À cet égard, il convient de noter que l'évaluation du dommage est souvent réalisée

un certain temps après que la valeur de l'obligation ait été contractuellement fixée,

l'inexécution intervenant elle-même à une date relativement éloignée de celle de la

formation du contrat. Par suite, afin de réparer le dommage de la victime de

l'inexécution de façon intégrale et de lui conférer le même pouvoir d'achat que celui

contractuellement prévu, il sera nécessaire de prendre en considération l'inflation

monétaire dans la détermination de la valeur monétaire du dommage.

Lorsque le devoir de minimisation du dommage est présent, possible et

raisonnable, l'évaluation du dommage devra alors être effectuée au moment où le

créancier aurait dû connaître l'inexécution du débiteur et/ou à la date à laquelle le devoir

de minimiser le dommage est né76.

Section 3 - Minimisation du dommage et performance interest

59. - Le devoir de minimisation du dommage incombant à la victime de

l'inexécution est vue par certains comme restrictif des dommages-intérêts perçus par

celle-ci et par suite, comme atteignant à son indemnisation par l'octroi du performance

interest.

Effectivement, lorsqu'il est aisé pour la victime de l'inexécution de minimiser son

dommage et qu'elle parvient à le minimiser totalement ou presque, les dommages-

intérêts qu'elle aurait dû percevoir suite à l'inexécution du contrat seront nuls ou

presque, tout comme l'est le préjudice que subit la victime de l'inexécution. Il est alors

argué que le créancier ne sera pas placé dans la situation dans laquelle il se serait trouvé

76 Y.-M. LAITHIER, Étude comparative des sanctions de l'inexécution du contrat, coll. Bibliothèque de droit privé, LGDJ, 2004.

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

si l'obligation avait été exécutée, par le biais des dommages-intérêts correspondant au

performance interest. Selon Patrick Atiyah77, le créancier est alors face à un dilemme.

Soit il minimise son dommage et risque alors de n'obtenir que le dédommagement des

frais qu'il a engagés suite à la poursuite judiciaire de son débiteur. Soit il choisit de ne

pas minimiser son dommage et les dommages-intérêts qu'il percevra seront réduits de la

même sorte. Pourquoi alors ferait-il un effort pour minimiser son dommage ?

Mais dans ces critiques plusieurs éléments ne sont pas considérés. Le premier est

que si le créancier s'est effectivement remplacé lors de la minimisation de son

dommage, il a in fine obtenu ce pour quoi il avait contracté, quoique d'un tiers. Les

dommages-intérêts n'ayant pour objet que la compensation du préjudice subi par la

victime de l'inexécution, il est normal que celle-ci ne les perçoive pas lorsque son

préjudice est absent. Accorder des dommages-intérêts au créancier n'ayant subi aucun

préjudice, à la charge du débiteur, leur insufflerait alors un caractère punitif. Sauf à

reconnaître ce caractère aux dommages-intérêts compensatoires, la minimisation du

dommage ne paraît pas restreindre le performance interest. Le second élément oublié

tient à l'admission en droit anglais de gains-based damages, permettant d'accorder des

dommages-intérêts au créancier alors que celui-ci n'a subi aucun dommage, en imposant

au débiteur de lui restituer une partie du profit qu'il a tiré de son inexécution, ainsi que

la possibilité pour les juges d'accorder à la victime de l'inexécution des nominal

damages indemnisant l'atteinte aux droits du créancier.

60. - Quoique que le mécanisme de la minimisation du dommage accorde une

importante efficacité économique à la sanction qu'est l'octroi de dommages-intérêts,

celle-ci se trouve remise en cause en raison des difficultés se trouvant dans la mesure du

dommage juridiquement réparable.

77 P. S. ATIYAH, The Liberal Theory of Contract, in Essays on Contract, Clarendon Press, 1988.

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

TITRE III

Les difficultés rencontrées dans la mesure du dommage

juridiquement réparable

61. - L'importance de la juste évaluation du préjudice subi par la victime dans

le cadre de la détermination de l'efficacité économique de la sanction a été de

nombreuses fois soulevée. La sanction ne pourra effectivement être efficace dès lors que

le préjudice subi par la victime du fait de l'inexécution du débiteur ne sera pas

entièrement indemnisé, et uniquement ce préjudice.

Toutefois, dans difficultés se trouvent encore dans la méthode d'évaluation du

dommage de la victime de l'inexécution à adopter ( Chapitre 1 ) mais également et plus

généralement, dans l'évaluation elle-même des coûts et bénéfices liés à l'exécution ou à

l'inexécution du contrat pour chacune des parties à celui-ci ( Chapitre 2 ).

Chapitre 1 - La méthode d'évaluation du dommage de la victime de l'inexécution

62. - En droit français comme en droit anglais, les outils de mesure du

dommage résultant de l'inexécution de son obligation par le débiteur ( Section 1 ) sont

semblables mais utilisés de façon différente, rendant la détermination d'un unique outil

comme étant le plus économiquement efficace demeure difficile ( Section 2 ).

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

Section 1 - Les différents outils de mesure du dommage résultant de l'inexécution

63. - Afin de placer la victime dans la situation dans laquelle elle aurait été si

le débiteur s'était exécuté par le biais d'expectation damages, il peut lui être octroyé la

somme nécessaire à ce qu'elle se place dans cette position et la détermination de son

dommage se fera alors par le biais du cost to complete ( Paragraphe 1 ). Mais la somme

correspondant au préjudice qu'elle subit de ne pas se trouver dans cette position, en

d'autres termes la diminution in value, peut également lui être octroyée et de manière

plus économiquement efficace ( Paragraphe 2 ).

Paragraphe 1 - La détermination du dommage par le biais du cost to complete

64. - Le cost to complete ou cost of cure peut être défini comme étant « the

additional financial sacrifice that the injured party would have had to incur in order to

obtain a substitute performance considered adequate to put him in the desired

hypothetical position »78. En des termes similaires, il correspond à la somme que le

créancier devra engager afin d'obtenir la substitution lui permettant de se placer dans la

situation dans laquelle il aurait été si le contrat avait été exécuté.

Ce calcul paraît être la solution la plus adéquate en ce qu'il permettra in fine au

créancier d'obtenir la prestation ou le bien qu'il désirait auprès d'un tiers, grâce à la

somme qui lui sera accordée, satisfaisant ainsi parfaitement ses attentes. Ce mécanisme

permet d'atteindre un résultat semblable à celui d'une exécution forcée en nature, tout en

évitant le caractère coercitif, l'atteinte aux libertés fondamentales que peut présenter

78 E. A. FARNSWORTH, Legal Remedies for Breach of Contract, Columbia Law Review, 1970, Vol. 70, n° 7, pp. 1145-1216.

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

cette sanction.

La détermination du dommage par le biais du cost to complete peut cependant

aboutir à l'octroi à la victime de l'inexécution de dommages-intérêts d'un montant

supérieur au préjudice qu'elle subit réellement. L'affaire Ruxley Electronics and

Construction Ltd. contre Forsyth79 est probante. Dans celle-ci le débiteur avait construit

une piscine pour le créancier, qui s'est avérée avoir une profondeur maximale inférieure

de 45,72 centimètres par rapport aux stipulations contractuelles. Cette inexécution

n'affectant pas l'utilisation de la piscine, ni sa valeur, l'exécution de ses obligations par

le débiteur était d'une valeur égale à celle promise. La diminution in value que nous

verrons dans la suite de nos développement était donc été nulle. En revanche, le cost to

complete, en d'autres termes le coût pour agrandir la profondeur de la piscine était

estimé à 21 000 livres.

Accorder au créancier une somme supérieure à son préjudice irait alors à

l'encontre du principe selon lequel l'entier préjudice de la victime de l'inexécution et

uniquement ce préjudice, doit être indemnisé80. Le créancier profiterait alors d'un injuste

enrichissement. Ceci pénaliserait également le débiteur, d'autant plus lorsque la

minimisation du dommage n'est pas une obligation pour le créancier. La somme

nécessaire à ce qu'il puisse se placer dans la situation dans laquelle il aurait été si le

contrat avait été exécuté risque dans cette hypothèse d’être excessive par rapport au

préjudice qu'il subit réellement.

Cet outil de calcul du dommage nécessite également pour conserver un intérêt,

qu'un substitut soit disponible sur le marché ou puisse être accordé. Or il n'existe pas

nécessairement ou est impossible. Le bien peut être unique ou l'obligation personnelle et

nécessiter réellement l'intervention du débiteur. Les services de tel peintre pour la

réalisation d'un tableau par exemple, sont irremplaçables. Il peut également être trop

79 Ruxley Electronics and Construction Ltd. v. Forsyth [ 1996 ] AC 344 ( HL ).80 A. BURROWS, Remedies for torts and breach of contract, 3thd ed., Oxford University Press, 2004.

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tard pour que l'obligation soit réalisable, lorsque par exemple la victime de l'inexécution

avait requis les services d'un traiteur pour une réception. Celle-ci passée, la réalisation

du service devient impossible.

En outre, quand bien même ce substitut serait présent, le retard dans l'exécution

devrait également être compensé. Or, l'évaluation précise du dommage résultant de ce

retard est presque impossible.

65. - La diminution in value paraît alors être un outil plus efficace.

Paragraphe 2 - L'efficacité économique supérieure de la diminution in value

66. - La diminution in value se définit comme étant la perte que subit le

créancier du fait de ne pas se trouver dans la position dans laquelle il aurait été si

l'obligation avait été exécutée81. Elle nécessite donc l'évaluation de l'avantage qu'aurait

retiré le créancier à se trouver dans la situation dans laquelle il aurait été si le contrat

avait été exécuté, ainsi que celle de son actuelle position.

L'appréciation de ce dommage nécessite donc une analyse in concreto de la

situation dans laquelle se trouve le créancier et dans laquelle il aurait pu se trouver si le

contrat avait été exécuté. Les besoins personnels et les ressources de la victime de

l'inexécution seront donc pris en compte, le dommage devant être indemnisé étant celui

que subit la victime de ne pas être dans la situation dans laquelle elle aurait été si le

contrat avait été exécuté. La diminution in value accorde donc une indemnisation totale

81 E. A. FARNSWORTH, Legal Remedies for Breach of Contract, Columbia Law Review, 1970, Vol. 70, n° 7, pp. 1145-1216, « the loss of advantage to the injured party that resulted from his not being in that position »

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du préjudice que subit le créancier en accord avec ses attentes, et uniquement de ce

préjudice, ne faisant pas peser sur l'auteur de l'inexécution une charge supplémentaire à

celle nécessaire à la compensation du préjudice subi par la victime. Ceci permet de

qualifier l'efficacité économique de la mesure.

Les dommages-intérêts résultant de la diminution in value représenteront tant le

préjudice émanant directement de la rupture du contrat ( loss on the bargain ) que celui

en ressortant indirectement ( other loss ), tel que l'atteinte physique au créancier ou à sa

propriété par exemple. Le préjudice émanant directement de la rupture du contrat peut

être défini comme la perte de valeur de l'obligation du débiteur ( loss in value ), en

d'autres termes comme la différence entre la valeur de l'obligation que devait exécuter le

débiteur et la valeur de ce qu'il a réellement exécuté, que cette exécution soit absente,

partielle ou totale, cette perte de valeur devant être diminuée des coûts évités par le

créancier ( cost avoided ) par le biais de la minimisation du dommage par exemple.

Effectivement, au fait de ce que le débiteur avait cessé l'exécution de son obligation ou

ne désirait plus l'exécuter, le créancier aura pu cesser l'exécution de sa propre

obligation. Ces coûts évités peuvent donc être calculés en déduisant les frais déjà

engagés par le créancier pour l'exécution de son obligation ( cost of reliance ), du coût

de l'exécution complète de celle-ci ( cost to complete performance ).

Ainsi :

Dommages-intérêts = loss on the bargain + other loss

= ( loss in value – cost avoided ) + other loss

= [ loss in value – ( cost to complete performance – cost of reliance ) ]

+ other loss

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

67. - Lorsque les attentes du créancier résultant du contrat sont purement ou

principalement de réalisation d'un profit, l'évaluation du montant de la diminution in

value sera alors relativement aisé. Lorsque la créance est une somme d'argent,

notamment dans le cadre d'une vente dont le vendeur est la victime de l'inexécution, la

perte de valeur de l'obligation qu'a exécuté le créancier sera déjà évaluée en termes

monétaires par le biais du prix que l'acheteur devait au vendeur.

Lorsque le bien est acheté par un professionnel dans le but d’être revendu par

exemple, mais que le vendeur a été défaillant dans l'exécution de son obligation ou ne

l'a pas exécutée, la perte pour le créancier résultant de l'impossibilité de contracter avec

d'autres sera également prise en considération. De même que les coûts résultant

indirectement de l'inexécution contractuelle. Ainsi, dans l'hypothèse dans laquelle le

contrat porterait sur la construction d'une usine, les frais engagés par le créancier de

celle-ci afin de la faire fonctionner une fois livrée, comme les frais d'embauche de

personnel ou encore l'achat de machines, seront également pris en considération pour le

calcul de la diminution in value.

68. - Cependant, en dehors du monde des affaires, des considérations autres

que pécuniaires interviennent lorsqu'une partie s'engage dans le contrat. Ces

considérations seront alors plus difficiles à évaluer lorsque le montant des dommages-

intérêts sera calculé grâce à la diminution in value. En outre, un préjudice n'est parfois

pas subit par le créancier du fait de la violation de ses obligations par le débiteur82,

comme nous venons de le voir. Des difficultés subsistent donc dans la détermination de

l'outil économiquement efficace.

82 V. notamment l'aff. Attorney General v. Blake [ 2001 ] 1 AC 268.

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

Section 2 - Les difficultés subsistant dans la détermination de l'outil économiquement

efficace

69. - Le dommage pouvant résultant de la violation de ses obligations par le

débiteur, n'est pas nécessairement pécuniaire, il peut également être moral, résulter de ce

que ses attentes ou envies plus personnelles ne seront pas satisfaites. Le calcul proposé

par la diminution in value afin de calculer ce dommage paraît alors insuffisant.

L'opinion d'experts ou l'analyse des prix du marché pour le même bien ou la même

prestation ne peuvent prendre en compte précisément les attentes personnelles du

créancier. Effectivement, lorsque le contrat porte sur la vente d'un bien immobilier,

l'évaluation du préjudice de la victime de l'inexécution en fonction du prix de ce bien

sur le marché ne sera qu'approximative étant donné que, outre la considération du prix,

le choix du créancier se sera porté sur ce bien pour des raisons qui lui sont plus

personnelles, comme l'architecte ayant créé le bien, son emplacement ou encore le fait

qu'il ait appartenu à une certaine personne. Le risque est alors que la victime de

l'inexécution ne soit pas entièrement indemnisée, le préjudice subjectif qu'elle aura subi

étant difficilement évaluable et la preuve de celui-ci dont elle a la charge, ne pouvant

également pas être aisément apportée. Par suite, l'efficacité économique de l'outil qu'est

la diminution in value est atteinte dans de telles hypothèses et la politique de protection

du créancier adoptée en matière d'octroi de dommages-intérêts est restreinte. L'outil

qu'est le cost to complete interviendra alors en tant que montant plafond du dommage,

en ce que, comme nous l'avons précédemment relevé, cet outil peut aboutir à une sur-

indemnisation du débiteur. Le prix du marché qui pourra être inférieur au dommage subi

par le débiteur en ce qu'il ne prend pas en considération les attentes personnelles de

celui-ci, interviendra alors comme montant plancher dans l'évaluation du dommage.

Mais une telle solution n'est pas efficace économiquement car les risques de sous-

indemnisation ou sur-indemnisation subsistent. Or, pour que la sanction soit

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

économiquement efficace, elle doit permettre l'indemnisation totale du préjudice que

subit la victime de l'inexécution mais uniquement l'indemnisation de ce préjudice. Une

sur-indemnisation du créancier serait injuste pour le débiteur en ce qu'elle interviendrait

en tant que punition et non comme compensation du préjudice du créancier, et serait

inefficace puisqu'elle permettrait l'attribution des richesses à une personne qui n'en fera

pas la meilleure utilité. Enfin, ceci permettrait également l'enrichissement injuste du

débiteur. Ainsi, comme le font les juges anglais, lorsque le cost to complete est utilisé

afin de déterminer le montant du préjudice de la victime, il doit être vérifié qu'il n'est

pas disproportionné par rapport au bénéfice que la victime de l'inexécution en retire83.

Ce contrôle de proportionnalité n'est en revanche pas exercé par les juges français lors

de l'attribution de dommages-intérêts compensatoires. Seulement dans le cadre de

l'octroi de la somme résultant du cost to complete, le choix entre la réparation et le

remplacement de l'objet de l'obligation devra porter sur la solution la moins onéreuse84.

Les juges anglais prennent également en considération la volonté par le créancier de

réellement utiliser cette somme pour se remplacer ou non. Dans le cas où cette volonté

est absente, le cost to complete est préféré.

70. - Afin que la sanction soit reconnue comme étant économiquement

efficace, il est fondamental que la victime de l'inexécution soit indemnisée de son entier

préjudice. Ce n'est qu'à la condition que la situation du créancier a priori affectée par la

violation contractuelle, soit compensée pour in fine, demeurer inchangée, tout en

permettant au débiteur la conservation d'un gain suite à son inexécution, que la sanction

pourra être considérée comme permettant une meilleure allocation des ressources et

richesses.

83 S. ROWAN, Remedies for breach of contract, A comparative analysis of the protection of performance, Oxford University Press, 2012.

84 Y. BUFFELAN-LANORE et V. LARRIBAU-TERNEYRE, Droit civil, Les obligations, coll. Sirey Université, Sirey, 13e éd., 2012.

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

Or, il apparaît que le montant des dommages-intérêts compensatoires, qu'ils

interviennent en qualité de compensation en droit anglais ou exécution par équivalent en

droit français, est encore difficilement évaluable, relativisant l'efficacité économique de

la sanction. Des difficultés atteignant à l'efficacité économique de la sanction, se

trouvent également dans l'évaluation des coûts et bénéfices liés à l'exécution ou

l'inexécution du contrat pour chacune des parties à celui-ci.

Chapitre 2 - Les difficultés dans l'évaluation des coûts et bénéfices liés à l'exécution

ou inexécution

71. - Si le test de Hicks-Kaldor admet que l'indemnisation totale de la victime

ne soit que potentielle, qu'elle n'a pas à être effectivement réalisée pour que la sanction

soit qualifiée d'économiquement efficace et que la dimension économique du droit est

une réalité indiscutable, le droit ne se réduit pas uniquement à des considérations

économiques. Il est une science humaine pour laquelle les valeurs morales sont

importantes. Par suite, la sanction devra assurer l'indemnisation effective de la victime

de l'inexécution afin d’être considérée comme étant économiquement efficace. Or

actuellement, l'évaluation du dommage non-pécuniaire de la victime reste difficile

( Section 1 ).

L'efficacité économique de la sanction requière également que l'une des parties y

trouve un avantage ou du moins, ne subisse aucune préjudice. Le bénéfice et le coût

résultant de l'exécution ou de l'inexécution doit donc être évalué à l'égard de chacune

des parties. Toutefois, le coût que représente l'inexécution pour le débiteur semble être

fréquemment sous-estimé ( Section 2 ).

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

Section 1 - L'évaluation du dommage non-pécuniaire

72. - Si le dommage moral résultant de l'inexécution et la valeur subjective

que présente l'obligation pour chacune des parties demeurent imparfaitement

exprimables en termes pécuniaires ( Paragraphe 1 ), la preuve de l'existence de ceux-ci

n'en est pas plus aisée ( Paragraphe 2 ).

Paragraphe 1 - L'expression pécuniaire imparfaite du dommage moral et de la valeur

subjective de l'obligation

73. - Le principe général en droit anglais est que les dommages moraux ne

sont pas indemnisables, comme il l'a été reconnu dans l'affaire Sunley Ltd. contre

Cunard White Star Ltd., au terme de laquelle « in an action founded on breach of

contract the only kind of loss [ … ] which is a subject for compensation is a financial

loss »85. Ces dommages moraux peuvent être la déception de la victime de l'inexécution

de ne pas avoir obtenu l'objet de l'obligation, sa souffrance physique ou morale, le heurt

à ses sentiments du fait de l'inexécution ou encore la contrariété résultant du procès ou

de la recherche d'un moyen de se remplacer. L'entière indemnisation de la victime de

l'inexécution est donc impossible alors même que l'octroi de dommages-intérêts

compensatoires est la sanction principale de droit anglais, celle ordonnée toutes les fois

qu'elle n’apparaît pas comme étant inadéquate. Ceci peut s'expliquer notamment par

l'admission de gains-based damages à l'encontre du débiteur, dont le montant est

accordé à la victime de l'inexécution et qui permettent de compenser l'absence de

préjudice juridiquement indemnisable, ainsi que l'admission de liquidated damages

85 Sunley Ltd. v. Cunard White Star Ltd. [ 1939 ] 2 KB 791.

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

s'apparentant à des dommages-intérêts symboliques. Pourtant, la tendance semble

lentement s'inverser86 pour certains de ces préjudices87, démontrant l'importance de leur

prise en considération dans l'évaluation du montant des dommages-intérêts.

La valeur subjective de l'obligation ( consumer surplus ) doit également être prise

en considération afin que l'indemnisation du préjudice soit entière. Celle-ci se définit

comme la valeur que le créancier accorde à l'objet ou la prestation contractuellement

promise et se distingue, tant dans sa définition que dans son montant, de la valeur sur le

marché de l'objet de l'obligation. Effectivement, cette valeur subjective ne résulte pas de

considérations économiques mais d'affections purement personnelles. Il est par

conséquent difficile d'évaluer ce consumer surplus de façon pécuniaire.

74. - La preuve du dommage non-pécuniaire est également difficile à rapporter

pour le créancier.

Paragraphe 2 - La preuve du dommage non-pécuniaire

75. - Qu'il s'agisse du dommage moral ou de la valeur que le débiteur accorde

à l'exécution de l'obligation, la preuve de l'existence et du montant de ceux-ci pourra

difficilement être apportée par le créancier, à la charge duquel celle-ci incombe.

Effectivement, prouver tout d'abord une souffrance physique, bien que la technologie

médicale soit évoluée, demeure une chose difficile. Mais quantifier cette douleur,

86 S. ROWAN, Remedies for breach of contract, A comparative analysis of the protection of performance, Oxford University Press, 2012.

87 Watts v. Morrow [ 1991] 1 WLR 1421 ( CA ) : deux catégories de dommages moraux sont indemnisés. La première se trouve lorsque l'objet du contrat était de procurer du plaisir, une certaine relaxation, la tranquillité d'esprit ou la libération d'une contrainte. La seconde se trouve lorsque l'inexécution contractuelle cause au créancier un désagrément et une douleur physiques.

61

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

l'atteinte aux sentiments ou la contrariété de la victime de l'inexécution de façon précise

et juste afin de l'exprimer en valeur monétaire l'est plus encore. Il en va de même

s'agissant de la valeur subjective de l'obligation qui ne peut être justement évaluée par

des experts ou en fonction de sa valeur sur le marché.

C'est par conséquent une simple estimation qui est faite de ce montant, qui pourra

être à la baisse, atteignant ainsi à l'efficacité économique de la sanction en ce qu'un

agent verra sa situation dégradée, ou à la hausse, diminuant également l'efficacité

économique de la sanction en faisant peser sur le débiteur une somme pouvant être

analysée comme une sanction en ce qu'il n'en sera pas à l'origine. Le raisonnement est le

même s'agissant de la valeur subjective qu'accorde le créancier à l'obligation. Comment

son montant peut-il être évalué en monnaie de façon juste et précise ? Le droit français

n'estime pas cette difficulté d'évaluation comme étant suffisante pour ne pas accorder de

tels dommages-intérêts pour le préjudice moral de la victime de l'inexécution,

notamment en raison de la faible importance du montant de ceux-ci, de la possibilité

d'octroi de dommages-intérêts symboliques, du principe de réparation intégrale du

préjudice, mais également en raison de ce que cette sanction n'intervient que lorsque

l'exécution forcée en nature, sanction de principe en droit français, ne peut être accordée

au créancier, réduisant ainsi les hypothèses d'accord de tels dommages-intérêts par les

juges. L'atteinte à l'efficacité économique de la sanction de ce fait, si elle est d'une

moindre importance, n'en est pas moins réelle.

76. - Si le préjudice de la victime de l'inexécution est donc imparfaitement

évalué, le coût de l'inexécution pour le débiteur est également fréquemment sous-

estimé.

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

Section 2 - La sous-estimation du coût de l'inexécution pour le débiteur

77. - L'orientation politique des sanctions de l'inexécution du contrat vers la

protection des intérêts du créancier et la volonté des partisans de l'efficient breach

theory de voir cette hypothèse fréquemment reconnue88, conduit souvent à la sous-

estimation du coût que représente l'inexécution pour le débiteur. Or, pour que la

sanction économiquement efficace soit justement déterminée, il est nécessaire que les

profits et dommages résultant de l'exécution et de l'inexécution du contrat, soit

justement évalués pour chacune des parties. La définition de la sanction

économiquement efficace ne pourra se faire qu'une fois ces montants éclairés, afin de

constater si la violation doit être encouragée ou du moins, ne pas être découragée en

raison de son efficacité économique ou si l'exécution forcée doit être ordonnée car cette

sanction permet une allocation optimale des richesses.

Il convient alors tout d'abord de rappeler que la violation de ses obligations par le

débiteur préjudicie à sa réputation. La violation répétée de ses obligations par le

débiteur le fera paraître aux yeux de potentiels futurs cocontractants comme n'étant pas

une personne sûre, respectant ses promesses et par suite, à éviter autant que possible

dans le domaine contractuel. L'atteinte à sa réputation sera donc importante et s'en

ressentira sur ses affaires. Un tel comportement, cette fois non-nécessairement répété,

dans certains milieux d'affaires fermés, pourrait le conduire à l'exclusion du marché

concerné. Ou encore, suite à une inexécution contractuelle par le débiteur, certains de

ses cocontractants pourraient mettre fin à leurs relations d'affaires suivies pour l'avenir,

afin de parer à une telle situation89. Si ce préjudice porté aux intérêts économiques de

l'auteur de l'inexécution n'est parfois pas considéré, lorsqu'il est pris en compte dans

l'évaluation du coût que représente pour lui l'inexécution du contrat, étant subjectif, il

88 Y.-M. LAITHIER, Étude comparative des sanctions de l'inexécution du contrat, coll. Bibliothèque de droit privé, LGDJ, 2004.

89 Ibid., note précédente.

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sera difficile d'évaluer précisément son montant en monnaie, faussant ainsi son

évaluation.

En outre, les coûts de transaction générés par le procès et non seulement la

condamnation en résultant, doivent également être considérés dans l'évaluation du coût

que l'inexécution représente pour son auteur. En droit français, les coûts purement

pécuniaires du litige notamment, pourront être reportés sur le débiteur fautif,

alourdissant ainsi le coût de son inexécution. Ces charges s'expriment également par le

temps perdu dans le traitement du litige. De plus, la publicité qui en sera faite pourra

renforcer l'effet dépréciatif de la réputation de l'auteur de l'inexécution. L'admission de

restitutions à des fins punitives, pouvant s'apparenter à des dommages-intérêts punitifs

en ce qu'elles ne viendraient nullement compenser le dommage de la victime de

l'inexécution, augmentera également le coût de l'inexécution pour le débiteur.

Enfin, le calcul des avantages et inconvénients que retire le débiteur de son

inexécution doit être réalisé concomitamment au calcul réalisé envers la victime de

l'inexécution. Si le dommage de cette dernière est évalué au jour du jugement, il doit en

être de même pour le débiteur, les intérêts et la situation de chacun étant généralement

évolutifs90.

78. - Conclusion - La sanction qu'est l'octroi de dommages-intérêts ou

l'exécution par équivalent, semble donc d'une importante efficacité économique

lorsqu'elle est associée au devoir de minimisation du dommage. Cependant, en raison

des difficultés toujours présentes dans l'évaluation précise du montant des dommages-

intérêts devant être accordés au créancier et de leur fonction partiellement punitive,

l'efficacité économique qu'ils présente est restreinte et ne permet donc pas a priori, de la

90 Y.-M. LAITHIER, Étude comparative des sanctions de l'inexécution du contrat, coll. Bibliothèque de droit privé, LGDJ, 2004.

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

qualifier comme étant la sanction la plus économiquement efficace.

79. - Il convient alors de s'intéresser à la résolution efficace du contrat qui

serait, selon la théorie de l'efficient breach of contract, la sanction la plus efficace

économiquement, à défaut de laquelle l'exécution forcée en nature, sanction de principe

en droit français, devrait être accordée.

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

DEUXIÈME PARTIE

LA RÉSOLUTION EFFICACE OU

L'EXÉCUTION FORCÉE EN NATURE

80. - « Le régime des sanctions doit [ … ] être établi de manière à conduire le

débiteur à adopter entre l'exécution et l'inexécution, le comportement dont les effets

seront les plus bénéfiques socialement et économiquement. En d'autres termes, la

responsabilité contractuelle doit être suffisamment lourde pour empêcher une violation

qui appauvrisse le créancier et suffisamment limitée pour empêcher une exécution

inefficace du contrat, de telle sorte que le bien ou service [ … ] parvienne toujours à un

coût optimal entre les mains de celui qui le valorise le plus »91.

Au regard de ceci, le régime des sanctions économiquement efficace devrait être

celui permettant la résolution du contrat ( Titre I ) lorsque celle-ci est efficace mais

sanctionnant l'auteur d'une inexécution inefficace par le biais de l'exécution forcée en

nature ( Titre II ) qui le privera alors du bénéfice de son inexécution tout en protégeant

les attentes légitimes du créancier.

91 Y.-M. LAITHIER, Étude comparative des sanctions de l'inexécution du contrat, coll. Bibliothèque de droit privé, LGDJ, 2004.

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

TITRE I

La résolution judiciaire du contrat

81. - Si l'efficacité économique de la résolution judiciaire du contrat paraît

restreinte en ce qu'elle ne pourra être reconnue qu'en cas de violation efficace du contrat

( Chapitre 1 ), la résolution anticipée du contrat paraît être un mécanisme alternatif

nécessairement efficace lorsque les conditions de sa mise en œuvre sont respectées

( Chapitre 2 ).

Chapitre 1 - La résolution judiciaire pour violation efficace du contrat

82. - Quoique la résolution du contrat puisse présenter une efficacité

économique certaine ( Section 1 ), celle-ci ne sera présente que dans le cadre de

violations efficaces du contrat auxquelles de nombreux obstacles s'opposent

( Section 2 ).

Section 1 - L'efficacité économique de la résolution du contrat

83. - Si l'admissibilité de la violation efficace du contrat ( efficient breach of

contract ) est controversée ( Paragraphe 2 ), elle est pourtant indispensable à l'efficacité

économique de la sanction qu'est la résolution du contrat ( Paragraphe 1 ).

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Paragraphe 1 - L'efficacité économique de l'inexécution indispensable à celle de la

sanction

84. - L'inexécution efficace du contrat - La théorie de la violation efficace

du contrat a été introduite par Robert Birmingham dans son article Breach of Contract,

Damage Measures, and Economic Efficiency, paru en 197092. Son succès est cependant

dû à sa promotion dans l'ouvrage Economic Analysis of the Law de Richard Posner, paru

en 197293. Selon cette théorie, la violation efficace du contrat est l'inexécution

contractuelle permettant l'enrichissement du créancier, ce de façon légitime en ce qu'elle

ne cause pas l'appauvrissement de sa victime, celle-ci étant parfaitement indemnisée du

préjudice qu'elle a subi de ce fait. C'est donc parce que le droit anglais considère que les

parties sont censées avoir contracté dans un but économique révélé par la

consideration94 et par suite, parce que l'unique raison d’être du contrat est la recherche

du profit95, que le contrat peut être violé lorsque cette inexécution est source d'un plus

grand profit pour l'une des parties, sans atteindre à celui de l'autre. Les coûts de

transaction liés au litige, au recouvrement des dommages-intérêts, à la révélation de

certaines informations ou encore à la négociation du contrat, doivent également être pris

en considération dans l'évaluation de la situation la plus économiquement efficace, en

d'autres termes, dans l'analyse de ce que l'exécution ou l'inexécution apportera un plus

grand bien-être social par le biais d'une meilleure allocation des ressources.

La violation efficace du contrat est donc facilitée lorsque le droit est stable et

prévisible, bien qu'il suive l'évolution de la vie économique et sociale96. Cette stabilité et

92 R. L. BIRMINGHAM, Breach of Contract, Damage Measures, and Economic Efficiency, Rutgers Law Review, 1970, n° 24, p. 273.

93 R. A. POSNER, Economic Analysis of Law, Little, Brown and Company, 1972.94 C. POPINEAU-DEHAULLON, Les remèdes de justice privée à l'inexécution du contrat, étude

comparative, coll. Bibliothèque de droit privé, LGDJ, 2008.95 D. MAZEAUD, Le droit des obligations et l'efficacité économique, in L'efficacité économique en

droit, dir. S. BOLLEE, Y.-M. LAITHIER et C. PERES, Economica, 2010.96 B. DEFFAINS et E. LANGLAIS, Analyse économique du droit, Principes, méthodes, résultats, coll.

Ouvertures économiques, De Boeck, 2009.

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prévisibilité permettent d'éviter un certain nombre de litiges, les parties au contrat

s'orientant alors vers la négociation, induisant des coûts de transaction moins élevés que

ces premiers. Connaissant l'issue probable du litige en fonction de la jurisprudence et

des règles relativement constantes, les parties au contrat seront effectivement plus à

même de négocier. Ceci permet également au débiteur d'éviter le risque d'une

inexécution inutile et coûteuse en ce qu'il sera in fine condamné à l'exécution en nature

par les juges, moyennant des coûts de transaction supplémentaires et une probable

condamnation à des dommages-intérêts indemnisant le créancier du retard dans

l'exécution.

L'hypothèse d'une violation efficace du contrat se trouve principalement lorsque

l'auteur de l'inexécution a reçu une meilleure offre de la part d'un tiers97. Celle-ci lui

permet de rétribuer ses richesses à un individu qui, accordant une plus grande valeur à

l'obligation, en aura une satisfaction supérieure à celle que le créancier initial en aurait

eu, tout en percevant lui-même une contrepartie supérieure à l'exécution de son

obligation que celle qu'il aurait obtenue en exécutant le contrat initial, bien qu'ayant

totalement indemnisé la victime de son inexécution. L'allocation des ressources est alors

meilleure étant considéré que deux individus, le débiteur et le nouveau créancier, voient

leur situation améliorée, quand celle de la victime de l'inexécution demeure inchangée.

L'inexécution du débiteur pourra également être efficace lorsque son exécution lui serait

plus préjudiciable que son inexécution, ce en raison d'une modification des

circonstances économiques ou d'une mauvaise évaluation de la valeur des obligations

réciproques lors de la formation du contrat98, et quand bien même il aura totalement

indemnisé le créancier du préjudice qu'il aura subi du fait de l'inexécution.

97 Y.-M. LAITHIER, Étude comparative des sanctions de l'inexécution du contrat, coll. Bibliothèque de droit privé, LGDJ, 2004.

98 Ibid., note précédente.

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85. - La violation efficace du contrat permet donc une meilleure allocation des

richesses en ce qu'elle améliore la situation d'un individu, sans détériorer celle d'un

autre, augmentant in fine le bien-être social. La sanction économiquement efficace serait

donc celle permettant sa mise en œuvre.

86. - L'efficacité économique de la sanction - « Fonder le droit des contrats

sur la notion d'efficacité permet[trait … ] de distinguer les engagements qui doivent

être tenus de ceux qui peuvent ne pas l’être, sur la base d'une comparaison entre les

coûts et bénéfices respectivement associés au respect et à la rupture du contrat »99. Par

suite, les sanctions de l'inexécution du contrat devraient autoriser la violation efficace de

ses obligations par le débiteur, afin d’être elles-mêmes considérées comme étant

économiquement efficaces. La qualification de la résolution du contrat comme étant une

sanction efficace dépend donc de ce qu'elle autorise ou non les violations efficaces du

contrat mais uniquement ce type d'inexécution. Notons alors que le droit anglais

n'accorde pas de résolution dans de telles hypothèses mais la résiliation du contrat100,

celle-ci n'ayant effet que pour l'avenir.

L'inexécution inefficace sera celle ne permettant pas une meilleure allocation des

richesses que celle initialement prévue par le contrat. Admettre la résolution du contrat

dans le cadre de ce type d'inexécutions que l'on peut qualifier comme étant purement

lucratives, serait préjudiciable tant pour le créancier aux dépens duquel l'inexécution

aura lieu, que pour le bien-être social en général. Lorsque l'inexécution n'est pas

économiquement efficace, la résolution du contrat ne devrait donc pas être autorisée,

l'une des fonctions des sanctions de l'inexécution du contrat étant d'éviter que des

transactions économiquement inefficaces ne se substituent à des transactions

99 S. HARNAY et A. MARCIANO, Posner, L'Analyse économique du droit, coll. Le bien commun, Michalon, 2003.

100 S. ROWAN, Remedies for breach of contract, A comparative analysis of the protection of performance, Oxford University Press, 2012.

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économiquement efficaces101.

Paragraphe 2 - L'admissibilité de la résolution du contrat pour inexécution efficace

87. - Considérations d'ordre juridique - Les opposants à la théorie de la

violation efficace du contrat ont soulevé à son encontre qu'elle serait contraire au

principe de la force obligatoire du contrat. Que par suite, l'inexécution de ses obligations

par le débiteur, qu'elle soit ou non efficace, demeure une faute, une comportement

blâmable que le droit doit sanctionner. Rappelons toutefois que ce principe ne signifie

pas que les parties sont contraintes de s'exécuter mais qu'elles doivent s'exécuter sous

peine de sanction du droit102. Les initiateurs de la théorie sont allés jusqu'à affirmer que

l'obligation contractuelle n'est pas nécessairement une obligation d'exécution mais

plutôt l'obligation de choisir entre l'exécution du contrat ou le paiement de dommages-

intérêts103. Le principe de la liberté contractuelle s'oppose également à l'interprétation du

principe de la force obligatoire du contrat telle que soulevée par les opposants à la

théorie de la violation efficace du contrat, en ce que s'il signifie la liberté d'engagement

des parties, il contient également la liberté de sortir du contrat.

L'impossibilité de mesurer précisément les différentes valeurs nécessaires à

l'évaluation de la sanction efficace est également soulevée. Il est effectivement difficile

comme nous l'avons vu, de déterminer la valeur pécuniaire précise de considérations

subjectives. Mais il paraît étrange de laisser au juge le choix de la sanction de

101 S. HARNAY et A. MARCIANO, Posner, L'Analyse économique du droit, coll. Le bien commun, Michalon, 2003.

102 Y.-M. LAITHIER, Étude comparative des sanctions de l'inexécution du contrat, coll. Bibliothèque de droit privé, LGDJ, 2004.

103 R. A. POSNER, Economic Analysis of Law, Little, Brown and Company, 1972 ; R. L. BIRMINGHAM, Breach of Contract, Damage Measures, and Economic Efficiency, Rutgers Law Review, 1970, n° 24, p. 273.

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l'inexécution du contrat quand cette « loi » est déterminée, créée par les parties au

contrat. Celles-ci seraient alors peut-être plus à même de déterminer la sanction que

serait la plus économiquement efficace, en fonction de la valeur qu'elles accordent aux

obligations en résultant. Mais ce choix devrait alors intervenir au moment de la

formation du contrat, lorsque les parties sont relativement objectives, négocient le

contrat et peuvent répercuter le coût du choix de telle sanction plutôt qu'une autre sur

leurs obligations réciproques. Or, il est difficile de postuler que les parties ont alors

toutes les connaissances nécessaires à la réalisation de ce choix. D'autant plus que les

circonstances pourront avoir évolué entre la formation du contrat et l'inexécution de son

obligation par le débiteur, modifiant ainsi les préférences des cocontractants.

Une critique liée à la précédente est celle portant sur le fait que la théorie de la

rupture efficace du contrat postule une totale transparence entre les parties afin que le

débiteur notamment, puisse présumer de ce que son inexécution sera ou non efficace.

Or, il est effectivement rare qu'une partie soit au fait de ce que son inexécution lui

coûtera, comme à l'autre partie104.

88. - Considérations d'ordre moral - Quoique la morale n’intéresse a priori

pas le droit, la critique selon laquelle il serait injuste de permettre au débiteur de ne pas

s'exécuter étant fréquemment soulevée, il convient d'y répondre. Pour ce faire,

rappelons que la notion de justice demeure subjective et évolutive. Afin d'analyser ce

qui est juste ou ne l'est pas, il convient donc de se placer non pas uniquement du point

de vue du créancier mais également du point de vue de l'auteur de l'inexécution. Ainsi,

pour les défenseurs de l'exécution forcée en nature comme étant la solution la plus

efficace, le créancier a la possibilité de comparer la valeur qu'il octroi à l'exécution

d'avec le coût qu'elle représente pour le débiteur, en d'autres termes, la perte du gain que

104 G. KLASS, Efficient Breach, in The Philosophical Foundations of Contract Law, dir. G. KLASS, G. LETSAS et P. SAPRAI, Oxford University Press, 2013.

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ce dernier trouverait à l'inexécution, afin de demander une sanction plutôt qu'une autre.

Inversement, dans le cadre de la violation efficace du contrat, c'est le débiteur qui peut

comparer le coût qu'implique l'exécution de son obligation par rapport à la valeur de

l'exécution, évaluée par le biais des dommages-intérêts nécessaires pour placer le

créancier dans la situation dans laquelle il aurait été si l'obligation avait été exécutée105.

Une situation ne parait pas plus équitable que l'autre. Admettre un droit à l'exécution

pour le créancier comme c'est le cas en droit français ne parait pas plus juste que

d'admettre un droit à l'inexécution pour le débiteur lorsque celle-ci est efficace, et

inversement.

Également, dès lors que les parties sauront par avance la nature de la sanction de

l'inexécution du contrat par l'une des parties, celle-ci sera prise en considération lors de

la négociation du contrat. Ainsi, dans le cadre d'un contrat de vente par exemple, si le

vendeur sait par avance que la sanction de l'inexécution sera l'exécution forcée, le prix

sera augmenté du coût que lui causera l'inexécution, diminué de la probabilité de

l'inexécution106. Le profit résultant de la rupture ne bénéficiera donc pas nécessairement

à son auteur puisqu'il aura été déduit a priori en des termes contractuels plus favorables

pour la victime. Par suite, imposer à l'auteur de l'inexécution des sanctions telles que

l'exécution forcée en nature, des gains-based damages ou encore des dommages-intérêts

punitifs pourrait être préjudiciable à la victime de l'inexécution, en ce que le coût

supérieur de la rupture du contrat imposé par ces sanctions sera répercuté au moment de

la formation du contrat107. Sans compter que l'exécution forcée d'une obligation à

laquelle se refuse le débiteur, risquera d’être mal exécutée. Une nouvelle intervention

des juges sera alors nécessaire, augmentant par suite les coûts de transaction, induisant

105 R. BROOKS, What Efficiency Demands : The Efficient Performance Hypothesis Defended, Yale Law Journal Pocket, juill. 2007, part 14, n° 117.

106 G. KLASS, Efficient Breach, in The Philosophical Foundations of Contract Law, dir. G. KLASS, G. LETSAS et P. SAPRAI, Oxford University Press, 2013.

107 Ibid., note précédente, « the legal rules that govern contractual obligations affect not only decisions about their performance or breach, but also decisions, at the time of formation, about what those obligations will be ».

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un certain gaspillage des ressources, contraire à ce qu'impose l'efficacité économique.

Ceci étant, dès lors que chaque partie conserve l'intérêt initial qu'elle trouvait au

contrat, notamment s'agissant de la victime de l'inexécution par le biais de dommages-

intérêts compensatoires, elles préféreront une sanction de l'inexécution économiquement

efficace, pouvant leur accorder un bénéfice supplémentaire. L'adoption de sanctions

efficaces est donc essentielle, non seulement pour le bien-être social d'une façon

générale, mais également pour celui des parties prises individuellement.

89. - Un certain nombre d'obstacles s'opposent toutefois à la détermination des

violations du contrat comme étant efficaces.

Section 2 - Les obstacles aux hypothèses de violation efficace du contrat

90. - Les hypothèses de violation efficace du contrat sont restreintes dans leur

quantité en raison de l'influence qu'ont sur elles les dommages-intérêts ( Paragraphe 1 )

et les décisions de justice ( Paragraphe 2 ).

Paragraphe 1 - Les dommages-intérêts et la violation efficace du contrat

91. - La nature des dommages-intérêts - L'inexécution efficace d'une

obligation par le débiteur nécessite que le bénéfice qu'il tire de cette inexécution soit

supérieur au coût que celle-ci implique, notamment au coût résultant de l'indemnisation

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de la victime de son inexécution. Par suite, le montant élevé de dommages-intérêts

réduira les possibilités de qualification de l'inexécution comme étant économiquement

efficace. Étant considéré que l'objectif de la sanction de l'inexécution du contrat n'est

pas de punir le débiteur pour son inexécution mais de compenser le préjudice subi par la

victime de l'inexécution108, toute sanction d'une nature punitive réduira illégitimement,

les hypothèses d'inexécution efficace du contrat.

Les dommages-intérêts punitifs notamment, réduisent les hypothèses de violation

efficace du contrat en faisant peser sur le débiteur une somme supérieure à la valeur du

préjudice du créancier109. Ceci paraît non seulement illégitime en ce qu'il ne devrait pas

être de la fonction des sanctions de l'inexécution du contrat de punir l'auteur de

l'inexécution mais également économiquement inefficace, les dommages-intérêts

punitifs réduisant d'autant le bénéfice que le débiteur trouve à ne pas s'exécuter. Le

processus d'allocation optimale des ressources pour une augmentation du bien-être

social est donc entravé.

Les peines privées conventionnelles ont un effet similaire et sont pourtant

autorisées tant en droit français par le biais des clauses pénales, qu'en droit anglais.

Effectivement, quoique ce dernier prohibe la penalty clause en raison de son caractère

coercitif110, il admet en revanche les liquidated damages clauses qui fixent par avance la

somme que recevra le cocontractant de la partie rompant le contrat111. Si elles ont donc

une fin purement indemnitaire, le montant de l'indemnité étant déterminé par les parties

avant que le dommage ne survienne, celle-ci pourra être supérieure ou inférieure au

préjudice subi par la victime de l'inexécution. L'inefficacité réside donc en ce que tout le

108 Co-operative Insurance Society v. Argyll Stores Ltd. [ 1998 ] AC 1 ( HL ) 15, Lord Hoffmann « the purpose of the law of contract is not to punish wrongdoing but to satisfy the expectations of the party entitled to performance ».

109 R. A. POSNER, Economic Analysis of Law, Little, Brown and Company, 1972 « a penalty would deter efficient as well as inefficient breaches, by making the cost of the breach to the contract breaker greater than of the breach to the victim ».

110 Dunlop Pneumatic Tyre Co. Ltd. v. New Garage & Motor Co. Ltd. [ 1915 ] AC 79 ( HL ).111 S. WHITTAKER, Un droit à la prestation plutôt qu'un droit à l'exécution ? Perspectives anglaises

sur l'exécution en nature et la réparation, RDC, 1 janv. 2005, n° 1, p. 49.

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préjudice et rien que le préjudice ne sera pas indemnisé. En outre, si les peines privées

conventionnelles permettent au débiteur d'effectuer un calcul plus sûr du coût que va lui

causer son inexécution, elles n'en diminuent pas moins la charge supplémentaire pesant

sur le débiteur dans la détermination de la violation efficace ou non du contrat.

Également, la possibilité pour le juge de réviser la clause pénale n'aboutit pas

nécessairement à une révision à la baisse de celle-ci, ni-même à sa suppression. Les

effets contraires à l'efficacité économique demeurent donc.

92. - Le montant des dommages-intérêts - L'évaluation elle-même des

dommages-intérêts auquel le créancier a droit pour compenser le préjudice qu'il a subi

du fait de l'inexécution, peut réduire la quantité d'hypothèses dans lesquelles

l'inexécution sera économiquement efficace. Force est alors de constater que les

éléments modulant le montant des dommages-intérêts en droit français vont à l'encontre

de la violation efficace du contrat. L'absence de devoir de minimisation du dommage

incombant à la victime de l'inexécution étant absente, non seulement un gaspillage des

ressources peut avoir lieu mais également, le dommage non-minimisé de la victime de

l'inexécution sera fréquemment plus important que si un devoir de minimisation pesait

sur elle. Le coût de l'inexécution pour le débiteur sera par suite plus élevé et le risque

qu'il ne trouve plus de gain à l'inexécution sera d'autant plus important.

Le caractère intentionnel de la faute constituée par l'inexécution du débiteur a

également une incidence sur le montant des dommages-intérêts que peut percevoir le

créancier. Dans le cadre d'une faute dolosive, l'article 1150 du Code civil permet en

principe, que le dommage imprévisible soit réparé et que les limitations légales et

clauses élusives ou limitatives de responsabilité soient écartées.

Enfin, contrairement au droit anglais et en raison de l'absence de devoir de

minimiser son dommage, l’évaluation du dommage de la victime de l'inexécution n'a

lieu qu'au jour du jugement et non au jour de l'inexécution. Par suite, l'estimation du

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coût de son inexécution par le débiteur est plus aléatoire, ce qui l'incitera à s'exécuter,

diminuant ainsi les hypothèses de violation efficace du contrat.

Les restitutions à des fins punitives ( disgorgement damages ) et notamment les

gains-based damages de droit anglais, sont sans doutes l'expression la plus illustrative

de la mesure annihilant l'intérêt que peut représenter l'inexécution pour le débiteur.

Effectivement, les gains-based damages consistent en la privation de tout ou partie du

gain que retire le débiteur de son inexécution, lorsque les dommages-intérêts

compensatoires paraissent inadéquats. Privé du gain qu'il devait réaliser grâce à son

inexécution, qui aurait pu être économiquement efficace en l'absence des restitutions à

des fins punitives, et constatant par suite, le moindre coût de l'exécution, le débiteur ne

sera pas incité à ne pas s'exécuter quand bien même, une fois encore, l'inexécution

aurait permis une meilleure allocation des ressources et par suite, une augmentation du

bien-être social.

93. - In fine, les dommages-intérêts sous forme de peine privée judiciaire ou

extra-judiciaire ou de restitutions à des fins punitives, sont économiquement inefficaces

en ce qu'ils incitent trop fortement le débiteur à s'exécuter, quand l'inexécution serait

plus efficace112. Ces types de dommages-intérêts ont donc une incidence considérable

sur l'existence d'hypothèses de violation efficace du contrat par le débiteur. Cette

restriction résulte également des décisions pouvant être prises par les juges.

112 G. KLASS, Efficient Breach, in The Philosophical Foundations of Contract Law, dir. G. KLASS, G. LETSAS et P. SAPRAI, Oxford University Press, 2013.

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Paragraphe 2 - La décision de justice et la violation efficace du contrat

94. - La modification du contrat par le juge - L'inexécution efficace du

contrat interviendra notamment et fréquemment lorsqu'un changement des circonstances

économiques diminue l'intérêt du débiteur à s'exécuter à un point tel, que l'inexécution

lui sera plus bénéfique. Or dans une telle hypothèse, si le juge a la possibilité de réviser

le contrat afin de restaurer l'équilibre contractuel, le débiteur ne trouvera alors plus

nécessairement un avantage supérieur dans l'inexécution par rapport à l'exécution de ses

obligations, étant notamment considérés les coûts de transaction. Par suite, les

hypothèses de violation efficace du contrat seront réduites. Si tel n'est pas le cas en droit

français dans l'hypothèse d'un bouleversement imprévisible des circonstances

économiques113, la réfaction du contrat peut avoir lieu dans certaines hypothèses.

Notamment en matière de vente commerciale en cas de non-conformité de la chose

vendue, cette mauvaise inexécution du contrat étant constitutive d'une inexécution.

Le délai de grâce réduit également les possibilités d'inexécution économiquement

efficace du contrat en ce qu'il accorde au débiteur un délai supplémentaire afin que

celui-ci s'exécute114. Les coûts de transaction liés à l'intervention du juge pour accorder

ce délai augmentent à nouveau le coût de l'exécution pour le débiteur, déjà supérieur à

celui de l'inexécution, diminuant par suite l'efficacité économique de la mesure.

L'inexécution du contrat étant considérée une sorte de faveur pour l'auteur de

l'inexécution en droit anglais, il n'est pas permis aux juges d'accorder une « seconde

chance » à celui-ci par le biais du délai de grâce, sauf exceptions115.

113 Civ., 6 mars 1876, Canal de Craponne, GAJC ; D. 1876, 1, n° 193, note A. GIBOULOT.114 Code civil, art. 1244-1, al. 1, « compte tenu de la situation du débiteur et en considération des

besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues ».

115 Buckland v. Bournemouth University Higher Education Corp [ 2010 ] EWCA Civ 121, 2010 All ER ( D ) 299 ( Feb ) ( CA ).

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95. - L'exécution forcée en nature en tant que sanction de principe -

L'admission de la sanction qu'est l'exécution forcée en nature comme sanction de

principe à l'inexécution du contrat, a une incidence certaine sur la quantité des

violations efficaces du contrat. Effectivement, l'exécution forcée en nature de

l'obligation du débiteur le prive des bénéfices qu'il tirait de son inexécution, étant donné

que l'exécution forcée en nature ordonnée, la résolution du contrat ne peut plus avoir

lieu, ni l'inexécution efficace.

Quand bien même l'exécution forcée en nature ne serait que la sanction de

principe et qu'il serait possible au juge d'ordonner la résolution du contrat en cas de plus

grande efficacité de cette sanction, l'effet prophylactique de la sanction116 de principe

réduira les tentatives d'inexécution de la part du débiteur, qu'elles soient

économiquement efficaces ou non. Effectivement, le risque est alors plus grand pour

l'auteur de l'inexécution de se voir imposé l'exécution forcée en nature que si la

résolution était la sanction de principe. Par suite, par peur de la sanction qui in fine, lui

imposera un coût supplémentaire à l'hypothèse dans laquelle il se serait exécuté

volontairement, résultant notamment des coûts de transaction liés au litige, le débiteur

s'exécutera, sans même mettre préalablement en balance l'intérêt qu'il trouve au

maintien et à la résolution du contrat.

En outre, lorsque la sanction de principe de l'inexécution sera l'exécution forcée

en nature, le coût de l'inexécution sera élevé et risque fort d’être intégré lors de la

formation du contrat, dans la détermination des obligations réciproques des parties.

La difficulté résidant en droit français est la possibilité pour le créancier de choisir

entre requérir l'exécution forcée en nature ou la résolution du contrat117. Or nous avons

vu que laisser le choix au créancier de l'issue du litige est aussi injuste qu'accorder ce

choix à l'auteur de l'inexécution. Par suite, le choix ne devrait pas être laissé à l'une ou

116 Y.-M. LAITHIER, La prétendue primauté de l'exécution en nature, RDC, 1 janv. 2005, n°1, p. 161.117 A. BENABENT, Droit des obligations, coll. Domat droit privé, Monchrestien, 13e éd., 2012.

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l'autre des parties qui ne sont que rarement rationnelles et parfaitement informées mais

émaner pleinement du juge. Impartial et objectif, celui-ci devrait alors opter pour la

sanction de l'inexécution la plus efficace économiquement, quoique ceci revienne à

imposer la résolution du contrat quand la victime de l'inexécution aurait préféré

l'exécution en nature de celle-ci. Toutefois, ceci accorderait alors un large pouvoir au

juge, ce que le droit français autorise toujours avec parcimonie pour des raisons

historiques118.

96. - Les hypothèses d'inexécution efficace du contrat étant rares, la résolution

anticipée du contrat apparaît comme être le type de résolution qui sera plus

fréquemment retenu et s'avère être nécessairement efficace.

Chapitre 2 - La résolution anticipée, un mécanisme alternatif nécessairement

efficace

97. - Les importantes difficultés émanant de l'admission de la violation

efficace du contrat ( Section 1 ) pourraient restreindre l'efficacité de la résolution

comme sanction de l'inexécution du contrat. Toutefois, la résolution suite à la certitude

de l'inexécution du débiteur, lorsqu'elle est anticipée présente une grande efficacité

économique ( Section 2 ).

118 Y.-M. LAITHIER, Étude comparative des sanctions de l'inexécution du contrat, coll. Bibliothèque de droit privé, LGDJ, 2004.

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Section 1 - Les difficultés émanant de l'admission de la violation efficace du contrat

98. - Admettre la violation efficace du contrat présente des difficultés d'ordre

morale ( Paragraphe 1 ) mais également économique, le risque étant celui de l'admission

d'une violation inefficace du contrat ( Paragraphe 2 ).

Paragraphe 1 - Les difficultés d'ordre moral

99. - L'atteinte à la justice - L'efficacité économique n'est pas nécessairement

synonyme d'injustice, mais non plus de justice. L'exemple soulevé par le Professeur

Laithier le démontre particulièrement, qui est celui dans lequel le vol d'un bien est

efficace en ce que le voleur en fera une meilleure utilisation que son propriétaire,

améliorant ainsi l'allocation des ressources119. Force est de constater que cet acte,

quoique efficace, reste particulièrement injuste pour la victime et ne peut être toléré.

Le droit étant une science humaine120 dans laquelle les valeurs morales et non-

pécuniaires sont aussi présentes, la politique juridique est souvent considérée comme

visant la paix sociale, la sécurité juridique et la justice, qu'elle soit corrective ou

distributive, quoique la morale n’intéresse a priori pas le droit. Là est la limite de

l'analyse économique du droit. Les résultats qu'elle affirme comme étant

économiquement efficaces ne doivent pas nécessairement être aveuglément adoptés,

seulement être pris en considération lors de l'élaboration du droit. L'analyse économique

du droit ne doit être qu'un outil parmi d'autres, permettant d'établir les solutions

119 Y.-M. LAITHIER, Étude comparative des sanctions de l'inexécution du contrat, coll. Bibliothèque de droit privé, LGDJ, 2004.

120 D. MAZEAUD, Le droit des obligations et l'efficacité économique, in L'efficacité économique en droit, dir. S. BOLLEE, Y.-M. LAITHIER et C. PERES, Economica, 2010.

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juridiques et les règles qui seraient les meilleures mais ne peut en aucun cas se

confondre avec le droit dans son entier pour lui dicter les solutions qu'il doit adopter.

Toutefois, comme nous l'avons précédemment évoqué, la violation du contrat en

elle-même ne doit pas être considérée comme étant injuste, dès lors que le créancier est

justement indemnisé. Le caractère injuste ou non de la possibilité de rompre le contrat

ne doit pas être considéré uniquement du point de vue du créancier, il doit également

l’être du point de vue du débiteur. La liberté contractuelle ne s'exprime pas uniquement

dans le sens suivant lequel les individus sont libres de contracter. Elle signifie également

et par suite, qu'ils sont libres de rompre leur contrat afin notamment de contracter avec

un tiers. En outre, le rapport contractuel ne doit pas être considéré comme l'expression

de deux promesses réciproques et immuables, permettant au créancier d'avoir une

confiance totale en son débiteur. Chacun cherche à agir dans son propre intérêt, ce dont

chacun est conscient.

100. - Cependant, un certain niveau de confiance est nécessaire afin que l'outil

juridique qu'est le contrat conserve un intérêt.

101. - L'atteinte à la confiance et à la sécurité juridique - La possibilité pour

le débiteur de rompre le contrat dès lors que suite à un calcul, il estime qu'il lui sera plus

avantageux de ne pas s'exécuter, peut poser des problèmes de confiance en le marché et

ses cocontractants ainsi que de sécurité juridique. Or, la confiance étant « la condition

du crédit sur lequel repose l'économie libérale moderne »121, son absence serait fatale

pour l'économie et le marché. Une sanction annihilant cette confiance et la sécurité

juridique suite à l'atteinte qu'elle porte à la relative intangibilité des conventions, ne

serait donc pas économiquement efficace car à terme, elle atteindrait au bien-être social.

121 J. GHESTIN, L. GREGOIRE et Y.-M. SERINET, Traité de droit civil, la formation du contrat, 4e

éd., LGDJ, 2013.

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À tout le moins, dans l'hypothèse dans laquelle la résolution du contrat serait

fréquemment accordée puisque étant la sanction de principe, les coûts de transaction

pesant sur les parties au contrat risqueraient d’être plus élevés, affectant l'efficacité

économique par l'augmentation des frais nécessaires pour contracter et de la valeur des

obligations. Effectivement, si cette sanction est fréquemment accordée, les parties

chercheront à y parer ou à en fixer les conditions lorsqu'elles la jugeront inadéquate et

par conséquent, prévoiront contractuellement soit les suites d'une telle rupture par le

biais d'une clause pénale par exemple, soit la faculté de rompre le contrat grâce

notamment à la stipulation d'une clause de desdits.

Rappelons tout de même qu'un tel risque est faible, les hypothèses de violation

efficace du contrat étant rares lorsque les avantages et inconvénients qu'en tirent

chacune des parties sont justement évalués et hors système juridique imposant à la

victime de l'inexécution le devoir de minimiser son dommage. L'atteinte portée à la

sécurité juridique que présente le contrat et la confiance mutuelle que s'accordent les

parties, sera donc nulle ou presque, lorsque cette sanction sera rarement accordée.

L'accord par les juges de la résolution du contrat lorsque celle-ci s'avère être une

sanction économiquement efficace puisque permettant une violation de ses obligations

par le débiteur, elle-même efficace en ce qu'elle permet une meilleure allocation des

richesses, ne peut donc pas être érigée en sanction de principe.

102. - Au delà du risque d'atteinte à la justice, à la confiance et à la sécurité

juridique par l'admission trop fréquente de la violation efficace du contrat, le risque plus

grave encore au regard de l'efficacité économique, est celui de l'admission de violations

inefficaces.

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Paragraphe 2 - Le risque d'admission d'une violation inefficace

103. - L'évaluation erronée du coût de l'inexécution pour les parties au

contrat - La qualification de la violation comme étant efficace dépend de ce qu'elle

permet au débiteur de conserver un profit dû à son inexécution, après avoir indemnisé le

créancier pour la totalité du préjudice qu'il a subi en raison de celle-ci. Par suite, la

qualification de l'inexécution comme étant efficace est étroitement liée à l'évaluation du

coût et du bénéfice que retirent chacune des parties au contrat du fait de l'exécution ou

de l'inexécution de ses obligations par le débiteur. Si ceux-ci sont mal évalués, le risque

est d'admettre de façon erronée que le débiteur réalise un profit du fait de son

inexécution et par suite, que cette inexécution est efficace quand la ré-allocation des

ressources qu'elle effectue n'est pas meilleure à celle que le contrat instaurait.

À cet égard, notons que les partisans de la thèse de la violation efficace prennent

rarement en considération ou de façon seulement élusive, les coûts de transaction que

l'inexécution induit pour le débiteur tels que les coûts de résolution du litige, dont

l'importance dans l'évaluation de l'efficacité économique a pourtant été soulevée par

Ronald Coase122, ni même la valeur subjective que le débiteur accorde à l'obligation. De

même s'agissant du créancier, la valeur subjective accordée à une obligation étant de

façon générale, difficilement évaluable, comme nous l'avons étudié plus en arrière,

celle-ci est souvent sous-estimée. Or, la sous-estimation du préjudice que subit le

créancier du fait de l'inexécution aboutira certainement à l'autorisation de violations

purement lucratives du contrat par le débiteur. Dans cette hypothèse, le débiteur

bénéficierait effectivement d'un profit du fait de son inexécution mais celui-ci serait

réalisé aux dépens de la victime de l'inexécution, dont le dommage sous-estimé, ne

serait pas totalement indemnisé. La violation serait alors purement lucrative en ce sens

que si le dommage du créancier avait été correctement évalué, le débiteur n'aurait alors

122 R. H. COASE, The nature of the firm, Economica, New Series, nov. 1937, Vol. 4, n° 16, pp. 386-405.

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pu tirer aucun profit de son inexécution après avoir indemnisé la victime de celle-ci.

Ces violations purement lucratives sont particulièrement néfastes à l'économie et

plus généralement, au bien-être social. Outre la diminution de confiance, de sécurité

juridique et l'injustice qu'elles représentent, elles ne permettent pas une meilleure

allocation des richesses voir au contraire, diminuent le niveau de cette allocation par

rapport à celui qui résultait initialement du contrat.

104. - Des solutions de lutte contre les violations inefficaces - La résolution

inefficace du contrat, voir purement lucrative, étant néfaste pour l'économie et le bien-

être social, cette sanction dans de telles hypothèses, ne peut être considérée comme

économiquement efficace.

En raison du risque d'accord de résolution du contrat par les juges alors que cette

résolution serait inefficace, cette sanction ne peut être érigée en sanction de principe et

ne peut être admise que lorsque les juges seront certains de l'efficacité de la violation du

contrat par le débiteur. Également, admettre la résolution du contrat comme sanction de

principe lorsqu'elle est efficace, entraînerait un renversement de la charge de la preuve.

Il reviendrait alors au créancier de prouver que l'inexécution du débiteur n'est pas

économiquement efficace, ce qui serait extrêmement difficile pour celui-ci, n'ayant pas

toutes les informations nécessaires concernant le débiteur. Enfin, admettre la résolution

comme sanction de principe pourrait inciter à un trop grand nombre de ruptures,

atteignant ainsi à la sécurité juridique que présente l'instrument juridique qu'est le

contrat et accroissant le nombre de litiges.

Les inexécutions purement lucratives en raison de leur nocivité pour le bien-être

social, devraient alors être durement sanctionnées afin que les débiteurs en soit

dissuadés. Toutefois, la sanction de l'auteur de l'inexécution n'améliorera pas

nécessairement la situation de la victime, qui ne verra pas l'obligation pour laquelle elle

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avait contracté exécutée. La sanction la plus efficace serait alors l'exécution forcée en

nature. Effectivement et comme nous le verrons dans la suite de nos développements,

cette sanction permet de priver le débiteur du bénéfice de son inexécution purement

lucrative étant donné que celui-ci doit s'exécuter. L'inexécution perd alors son intérêt,

incitant les débiteurs à s'exécuter volontairement. L'exécution forcée en nature permet

en outre, l'entière satisfaction des attentes légitimes de la victime de l'inexécution

puisque celle-ci obtiendra alors exactement ce pour quoi elle avait contracté. Lorsque

l'accord de cette sanction sera impossible, alors l'exécution par équivalent pourra être

accordée.

105. - Quoique la résolution du contrat pour inexécution apparaisse comme

n'étant que rarement efficace, la résolution anticipée de celui-ci présente une importante

efficacité économique et pourrait être mise en œuvre dans de plus nombreuses

hypothèses.

Section 2 - La résolution anticipée du contrat

106. - Le mécanisme de résolution anticipée du contrat ( anticipatory breach of

contrat ) étant admissible ( Paragraphe 1 ), l'efficacité économique qu'il présente

commanderait de l'adopter ( Paragraphe 2 ).

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Paragraphe 1 - L'admissibilité du mécanisme

107. - Le principe admis en droit anglais - Depuis l’affaire Hochster contre

De la Tour123, le droit anglais reconnaît la possibilité pour le créancier de mettre fin au

contrat, lorsqu'il est certain de ce que son cocontractant ne s'exécutera pas, que cette

certitude résulte du refus exprès et manifeste du débiteur ou seulement tacite124. Cette

résolution du contrat est faite par anticipation en ce que le créancier n'a pas à attendre la

date d'exigibilité de l'exécution de son obligation par le débiteur pour demander l'octroi

de dommages-intérêts compensatoires. La résolution du contrat par anticipation ne

nécessite pas l'intervention du juge. Toutefois, si le créancier résout le contrat alors que

l'inexécution du débiteur ne relevait que d'une simple erreur de sa part, ou ne constituait

qu'un retard dans l'exécution et que par suite, son intention n'était pas de ne pas

s'exécuter, le créancier engagera sa responsabilité. C'est pourquoi la possibilité de

résolution anticipée du contrat ne peut intervenir que lorsque l'inexécution est certaine

et justifierait la résolution du contrat si elle était caractérisée, qualifiant ainsi une

substantial failure of performance125.

La résolution anticipée du contrat semble n'être qu'une option pour le créancier,

dès lors que son débiteur l'a informé de ce qu'il ne s'exécuterait pas. Comme l'avait

reconnu l’arrêt White and Carter ( Councils ) Ltd. contre McGregor126, le créancier n'est

pas obligé d'accepter la résolution anticipée du contrat, quand bien même l'inexécution

future de son débiteur est certaine. Il peut poursuivre son exécution pour ensuite

demander des dommages-intérêts. Toutefois, cette solution semblait contraire au devoir

qu'a la victime de l'inexécution de minimiser son dommage. Afin de parer cette critique,

Lord Hodson et Tucker avaient ajouté que dès lors que la résolution anticipée n'a pas eu

123 Hochster v. De la Tour [ 1853 ] 2 E & B 678, 118 ER 922 ( QB ).124 C. POPINEAU-DEHAULLON, Les remèdes de justice privée à l'inexécution du contrat, étude

comparative, coll. Bibliothèque de droit privé, LGDJ, 2008.125 Ibid., note précédente.126 White and Carter ( Councils ) Ltd. v. McGregor [ 1962 ] AC 413 ( HL Sc ).

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lieu, le contrat survit. Par suite, le devoir de minimisation du dommage est absent. Pour

une meilleure cohérence du système juridique anglais, Lord Reid a alors posé deux

limites à ce principe. Ainsi, le créancier ne pourra refuser la résolution anticipée et

exécuter sa propre obligation afin de percevoir des dommages-intérêts lorsque cette

exécution nécessitera l'intervention du débiteur127. En outre, le refus de la résolution

anticipée du contrat ne pourra intervenir que si le créancier justifie d'un intérêt légitime

à la poursuite du contrat128. À défaut, la sanction interviendra comme celle de l'absence

de mise en œuvre du devoir de minimisation de son dommage129. Le créancier ne pourra

alors percevoir de dommages-intérêts que pour le préjudice qu'il ne pouvait

raisonnablement éviter.

108. - L'admission restreinte du principe en droit français - En droit

français, la résolution anticipée du contrat est également admise mais de manière plus

restrictive étant donné qu'elle n'intervient pas comme suite du devoir de minimisation

du dommage incombant à la victime de l'inexécution. Le créancier au fait de ce que son

débiteur ne s'exécutera pas ne pourra ainsi résoudre le contrat de façon anticipée que si

le comportement du débiteur apparaît comme étant grave130 ou en cas d'urgence, la

première condition supposant fréquemment la seconde131. L'intervention du juge ne sera

127 White and Carter ( Councils ) Ltd. v. McGregor [ 1962 ] AC 413 ( HL Sc ) « It might be said that [ … ] in most cases the circumstances are such that an innocent party is unable to complete the contract and earn the contract price without the assent or co-operation of the other party ».

128 White and Carter ( Councils ) Ltd. v. McGregor [ 1962 ] AC 413 ( HL Sc ) « it may well be that, if it can be shown that a person has no legitimate interest, financial or otherwise, in performing the contract, rather than in claiming damages, he ought not to be allowed to saddle the other party with an additional burden with no benefit to himslef ».

129 M. H. WHINCUP, Contract Law and Practice, The English System and Continental Comparisons, Kluwer, 2nd ed., 1992.

130 Civ. 1, 13 oct. 1998, n° 96-21.485, Bull. civ. 1998, I, n° 300 ; D. 1999, n° 197, note C. Jamin, au visa de l'art. 1184, « la gravité du comportement d'une partie à un contrat peut justifier que l'autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls, peu important que le contrat soit à durée déterminée ou non ». Voir également, Civ. 1, 20 févr. 2001, n° 99-15.170, Bull. civ. 2001, I, n° 40 ; D. 2001, n° 1568, note C. JAMIN ; D. 2001, n° 3239, note D. MAZEAUD ; Com., 10 févr. 2009, n° 08-12.415, RTD civ. 2009, n° 318, note B. FAGES.

131 A. BENABENT, Droit des obligations, coll. Domat droit privé, Monchrestien, 13e éd., 2012.

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alors pas nécessaire a priori mais un contrôle de la gravité ou de l'urgence ayant

nécessité la résolution anticipée du contrat pourra être exercé a posteriori si une action

est menée devant les juges. Le créancier pourra alors être sanctionné s'il s'avère que

l'urgence ou la gravité du comportement étaient absents.

La résolution anticipée du contrat intervient donc dans des hypothèses

exceptionnelles en droit français, afin de parer un dommage qui serait d'une certaine

importance, quand elle est le principe en droit anglais et ne peut être refusée que dans

des circonstances exceptionnelles. Il peut être supposé que cette admission de façon

restreinte de la résolution anticipée du contrat par le débiteur est liée au risque

d'augmentation des résolutions abusives qu'elle présente. Toutefois, à l'encontre de cette

crainte, il peut être avancé que non seulement la mise en œuvre de la résolution est

encadrée mais encore que la résolution abusive peut être punie, comme nous venons de

l'évoquer132. À ceux soulevant que le mécanisme serait contraire à la force obligatoire du

contrat, il convient de rappeler que celle-ci signifie uniquement que les parties

s'engagent à exécuter leurs obligations, sous peine de sanction par le droit.

109. - Aucune contestation ne semble donc s'opposer à la résolution anticipée

du contrat en tant que sanction de l'inexécution, dont l'admission est souhaitée en raison

de son efficacité économique importante.

132 Y.-M. LAITHIER, Étude comparative des sanctions de l'inexécution du contrat, coll. Bibliothèque de droit privé, LGDJ, 2004.

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Paragraphe 2 - L'efficacité économique de la résolution anticipée du contrat

110. - Le gaspillage des ressources évité - La résolution anticipée du contrat

permet d'éviter le gaspillage de ressources, importantes en raison de leur rareté, lorsque

le créancier est certain de la future inexécution de son débiteur, qu'elle soit volontaire ou

non, ce qui autorise par suite, la qualification de cette sanction comme étant

économiquement efficace. Effectivement, la résolution anticipée du contrat permet à la

victime de l'inexécution de ne pas avoir à exécuter inutilement son obligation, quand

celle-ci devra peut-être être annulée. Un certain gaspillage des ressources est donc évité,

tout comme le risque d'appauvrissement du créancier du fait de sa propre exécution ou

de la poursuite de l'exécution de son obligation qui ne trouvera pas de contrepartie

volontaire. Afin d'obtenir cette contrepartie, un litige sera nécessaire, augmentant

inutilement les frais de transaction, contrairement à ce l'allocation optimale des

richesses impose.

Lorsque la résolution anticipée est possible en revanche, le créancier peut lui-

même se remplacer plus en avant, sans attendre que l'inexécution du débiteur soit

constatée et sans nécessiter l'intervention souvent tardive du juge, facilitant ainsi la

fluidité et la rapidité de la vie des affaires, nécessaires au fonctionnement optimal du

marché. La résolution anticipée du contrat se distingue donc de l'exception

d'inexécution, en ce qu'elle permet au créancier de ne pas attendre inutilement

l'inexécution effective du débiteur pour pouvoir lui-même ne pas s'exécuter et agir en

indemnisation de son préjudice. L'efficacité économique de cette faculté de résolution

anticipée se trouve également lorsque sont concernées des denrées périssables ou que

l'exécution demandée à une certaine date ne pourra plus l’être par la suite ou aura perdu

de son intérêt.

La résolution anticipée du contrat est donc favorable tant à la victime de

l'inexécution qu'à son auteur. Effectivement, quoique le préjudice que subit la victime

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

soit indemnisé par le débiteur suite à un jugement, dans son attente le dommage est

présent et subi par la victime. Il est alors inefficace et contraire à son bien-être, de ne

pas lui permettre de résoudre le contrat et de demander l'indemnisation de son préjudice

plus en avant afin de ne subir qu'un préjudice moindre. D'autant plus lorsque est

considéré le fait que le dommage peut être sous-évalué par erreur ou manque de preuve

de celui-ci. S'agissant de l'auteur de l'inexécution, non seulement la résolution anticipée

du contrat permet plus fréquemment de qualifier son inexécution d'efficace en ce que le

dommage étant restreint, le bénéfice que l'inexécution lui procure est plus important.

Mais elle permet également au débiteur de ne pas avoir à indemniser la victime de

l'inexécution d'un dommage qu'elle aurait pu éviter et aux fins de quoi il l'a informé de

sa future inexécution, pour ainsi allouer ces ressources de façon plus optimale.

Enfin, l'efficacité économique de la résolution anticipée du contrat et la pertinence

de son adoption sont également suggérées par son admission dans plusieurs pays, dans

différents projets européens de codification du droit des contrats, notamment dans les

Principes de droit européen des contrats133, ainsi que dans la Convention des Nations

Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises134 et dans l'avant-projet

Terré135.

133 Principes du Droit européen des contrats, nov. 1998, art. 9:304 « Lorsque, dès avant la date à laquelle une partie doit exécuter, il est manifeste qu'il y aura inexécution essentielle de sa part, le cocontractant est fondé à résoudre le contrat », disponibles sur internet à l'adresse :www.lexinter.net/JF/principes_europeens_des_contrats.htm

134 Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises, Commission des Nations Unies pour le droit commercial international, Vienne, 11 avr. 1980, art. 72 « 1 ) Si, avant la date de l'exécution du contrat, il est manifeste qu'une partie commettra une contravention essentielle au contrat, l'autre partie peut déclarer celui-ci résolu », disponible sur internet à l'adresse : www.uncitral.org/pdf/french/texts/sales/cisg/V1056998-CISG-f.pdf

135 F. TERRE ( dir. ), Pour une réforme du droit des contrats, coll. Thèmes & commentaires, Dalloz, 2008, art. 111, « Si dès avant l'échéance, il est certain que les conditions de la résolution sont acquises, le créancier peut demander au débiteur de l'assurer qu'il sera en mesure d'exécuter dans le temps prévu en précisant que, à défaut, il sera en droit de résoudre le contrat par simple notification  ».

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

111. - La résolution anticipée du contrat et le devoir de minimiser son

dommage - En droit anglais, la résolution anticipée du contrat est un devoir lorsque

l'une des deux exceptions précédemment exposées n'est pas présente. Il n'est alors pas

neutre de constater que l'anticipatory breach se soit d'abord développée en droit anglais.

L'illustration la plus commune de la minimisation du dommage est effectivement le

remplacement de la victime de l'inexécution auprès d'un tiers, comme l'est la suite la

plus fréquente de la résolution anticipée du contrat. C'est parce que le créancier a le

devoir de minimiser son dommage suite à l'inexécution du débiteur, qu'il a également le

devoir de résoudre le contrat par anticipation lorsque ceci lui permettra de minimiser

son dommage. Le lien entre ces obligations démontre l'efficacité économique de la

résolution anticipée du contrat, qui intervient en tant qu'illustration du devoir qu'a la

victime de l'inexécution de minimiser son dommage, devoir lui-même reconnu comme

d'une importante efficacité économique comme nous l'avons précédemment démontré.

A contrario, en droit français où le devoir de minimiser son dommage est absent,

la résolution anticipée du contrat n'intervient qu'en tant que mesure exceptionnelle,

lorsqu'elle est urgente ou que l'inexécution est grave. Mais quoique n'intervenant que

comme une mesure exceptionnelle, la résolution anticipée conserve le même effet de

minimisation du dommage, cette fois sans qu'elle réponde à des considérations

d'efficacité économique, plutôt de bien-être de la victime de l'inexécution. L'hypothèse

la plus économiquement efficace est alors celle dans laquelle la résolution anticipée du

contrat est constitutive d'un devoir, dès lors que le créancier est certain de l'inexécution

de son débiteur et qu'il n'a pas un intérêt légitime et autre que financier à l'exécution en

nature de l'obligation. La victime de l'inexécution sera effectivement incitée à recourir à

cette possibilité lorsque celle-ci ne lui sera pas préjudiciable, étant donné qu'à défaut

d'une telle action, son indemnisation sera limitée au préjudice qu'elle pouvait

raisonnablement éviter.

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

TITRE II

L'exécution forcée en nature

112. - L'exécution forcée en nature, sanction de principe en droit français,

présente une certaine efficacité économique ( Chapitre 1 ) qu'il convient toutefois de

relativiser ( Chapitre 2 ).

Chapitre 1 - L'efficacité économique de l'exécution forcée en nature

113. - L'efficacité économique de la sanction qu'est l'exécution forcée en nature

réside tant en la préservation de l'intérêt de l'outil juridique qu'est le contrat qu'elle

permet ( Section 1 ), qu'en son caractère dissuasif de l'adoption de comportements

économiquement inefficaces de la part des parties au contrat ( Section 2 ).

Section 1 - La préservation de l'intérêt de l'outil juridique qu'est le contrat

114. - L'obligation « étant [ un moyen ] conçu afin d'atteindre un résultat »136,

force est de constater l'importance qu'a son exécution. L'exécution forcée en nature

lorsqu'elle est possible, permet la préservation de l'intérêt que présente l'obligation

comme moyen de parvenir à un résultat, en ordonnant son exécution telle qu'elle était

prévue au contrat ( Paragraphe 1 ) et en préservant la sécurité juridique liée à

136 Y.-M. LAITHIER, La prétendue primauté de l'exécution en nature, RDC, 1 janv. 2005, n°1, p. 161.

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l'instrument juridique qu'est le contrat dans lequel cette obligation est stipulée, sécurité

juridique nécessaire au fonctionnement de l'économie ( Paragraphe 2 ).

Paragraphe 1 - Une sanction permettant le parfait respect de la convention

115. - L’intérêt du contrat préservé - « L'homo economicus [ étant ] un

individu rationnel qui poursuit certains objectifs tout en sachant gérer ses

contraintes »137, les parties à un contrat sont présumées être rationnelles et par suite, agir

par intérêt et librement. Tout contrat serait donc utile. Il convient néanmoins de préciser

dès à présent que cette première affirmation est à relativiser, sans que cela fausse le

raisonnement. En effet, les parties présentent parfois une part plus ou moins importante

d'irrationalité les conduisant à s'engager contractuellement de façon inutile. Également,

les parties ne peuvent anticiper certains évènements futurs, susceptibles de priver le

contrat de l'intérêt qu'il présente pour chacune d'elles138. Toutefois, celui-ci conserve

fréquemment un intérêt pour le cocontractant, qui est l'une des conditions permettant la

condamnation du débiteur à l'exécution forcée en nature de son obligation139. À défaut,

un accord sera trouvé entre les parties, qui pourront rompre le contrat d'un commun

accord. Enfin, l'exécution forcée en nature de l'obligation sera parfois dénuée d'intérêt

pour son créancier en ce qu'elle devait intervenir à une certaine date.

Le prononcé de l'exécution forcée en nature imposant au débiteur récalcitrant la

réalisation de ce pour quoi il s'est obligé permet donc la pleine satisfaction de cette

attente, étant considéré que « l'existence du lien de droit n'a d'intérêt qu'en vue de

procurer un avantage au créancier ; c'est bien dans la satisfaction du créancier par le

137 M. FABRE-MAGNAN, Les obligations, coll. Themis Droit, P.U.F., 2004.138 A. T. KRONMAN et R. A. POSNER, The Economics of Contract Law, Little Brown & Co, 1979.139 M. FABRE-MAGNAN, Les obligations, coll. Themis Droit, P.U.F., 2004.

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débiteur que se situe l'un des traits essentiels de l'obligation »140. Chaque partie s'engage

et promet à l'autre un bien ou une prestation en vue de l'obtention en échange, d'un bien

ou d'une prestation satisfaisant son propre intérêt. La sanction qu'est l'exécution forcée

en nature permet donc la satisfaction des attentes légitimes du créancier, y compris de

l'intérêt non-pécuniaire qu'il trouve dans cette exécution141.

116. - La problématique de l'évaluation de la valeur de l'obligation

écartée - L'exécution de ce qui était contractuellement prévu permet d'éviter les

problématiques d'évaluation de la valeur que représente l'exécution de l'obligation pour

le créancier de celle-ci. Le risque de sous-évaluation de cette valeur ou de l'octroi d'une

compensation insuffisante pouvant être rencontré dans le cadre des sanctions que sont la

résolution du contrat et l'exécution forcée par équivalent, est donc absent lorsque

l'exécution forcée en nature est ordonnée.

Effectivement, comme nous l'avons précédemment relevé, l'évaluation de la

valeur de l'obligation n'est pas aisée. Doit-elle être considérée au moment prévu de

l'exécution de l'obligation ou au moment du jugement ? Est-ce la valeur accordée à

l'exécution de l'obligation ( willingness to pay ) ou celle accordée à l'acceptation de

l'abandon de celle-ci ( willingness to accept ) qui doit être prise en compte ? Or,

l'efficacité économique de la sanction dépend directement de cette évaluation étant

donné que la sanction est économiquement efficace dès lors que le préjudice causé à l'un

pour le bénéfice de l'autre, est entièrement réparé par ce dernier. Le risque d'inefficacité

économique lié à la mauvaise indemnisation du préjudice subi par le créancier victime

de l'inexécution est par conséquent, absent dans le cadre de la sanction qu'est l'exécution

forcée en nature. C'est pourquoi le droit anglais des contrats accorde la specific

performance lorsque les damages paraissent inadéquats en raison des difficultés

140 Y.-M. LAITHIER, La prétendue primauté de l'exécution en nature, RDC, 1 janv. 2005, n°1, p. 161.141 A. BURROWS, Remedies for torts and breach of contract, 3thd ed., Oxford University Press, 2004.

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

rencontrées dans leur évaluation, afin d'éviter leur sous-évaluation, voire

surévaluation142.

117. - Toutefois, l'évaluation du préjudice que coûte l'exécution de son

obligation par le débiteur n'est également pas réalisée, quand cette évaluation

permettrait peut-être de découvrir que l'avantage que trouve le débiteur dans son

inexécution est largement supérieur au préjudice que celle-ci cause à son créancier. La

violation du contrat serait alors économiquement efficace et la sanction ordonnée, pour

être elle-même économiquement efficace, ne devrait pas la priver de ses effets. Ainsi, la

possibilité d'ordonner l'exécution forcée en nature, les facilités qu'elle présente et

l'intérêt qu'y trouve l'une seulement des parties au contrat, ne doivent pas être les seuls

éléments pris en considération pour déterminer cette sanction comme étant la plus

efficace en toute hypothèse. Les difficultés dans l'évaluation de la compensation doivent

être importantes pour que l'exécution forcée en nature du contrat soit accordée et

doivent ne pas permettre l'assurance de ce que cette compensation du préjudice causé

par l'inexécution est effectivement intégrale. Ceci suppose de définir précisément et

totalement le dommage juridiquement réparable, incluant la valeur subjective donnée

par le créancier à l'exécution de l'obligation143.

La sanction qu'est l'exécution forcée en nature du contrat, semble donc efficace

lorsque le préjudice du créancier est difficile à évaluer de façon certaine en raison du

caractère juridiquement irréparable du dommage ou lorsque l'indemnisation apparaît

comme étant insuffisante, ce afin que l'inexécution ne cause aucun préjudice non-réparé

à sa victime.

142 B. FAUVARQUE-COSSON, Regards comparatistes sur l'exécution forcée en nature, RDC, 1 avr. 2006, n°2, p. 529 ; A. BURROWS, Remedies for torts and breach of contract, 3thd ed., Oxford University Press, 2004.

143 S. ROWAN, Remedies for breach of contract, A comparative analysis of the protection of performance, Oxford University Press, 2012 ; Y.-M. LAITHIER, Étude comparative des sanctions de l'inexécution du contrat, coll. Bibliothèque de droit privé, LGDJ, 2004.

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

118. - L'objet de la prestation contractuelle inaccessible ou difficilement

sur le marché - Lorsque l'objet de la prestation est difficilement accessible sur le

marché ou ne l'est pas du tout car le bien est unique par exemple, l'exécution forcée en

nature de l'obligation sera quasi-systématiquement la sanction la plus efficace

économiquement. En effet, la valeur accordée par le créancier à l'exécution de

l'obligation sera alors extrêmement élevée et le préjudice qu'il subira du fait de

l'inexécution du débiteur ne pourra que rarement être compensé par le débiteur tout en

permettant à celui-ci de conserver un avantage à l'inexécution de son obligation.

Lorsque le bien objet de l'obligation est unique, son exécution forcée en nature apparaît

alors comme étant le seul moyen de satisfaire le créancier ou le moyen le moins coûteux

lorsque l'objet est difficilement accessible sur le marché144.

Cette solution est retenue tant par le droit anglais que par le droit français. Ce

premier considère notamment et pour des raisons historiques145, les immeubles comme

étant des biens uniques que l'argent ne permet pas de remplacer. Quand bien même

l'achat de l'immeuble ne serait réalisé que dans un but de revente ou que l'immeuble soit

une maison venant d’être construite partie d'un lot, la specific performance sera

ordonnée146. L'exécution en nature de l'obligation portant sur ces biens uniques ou

difficilement accessibles sur le marché peut donc être considérée comme étant « de

droit ».

Le droit anglais conçoit cependant strictement cette exception au principe de

l'accord de damages en cas d'inexécution contractuelle. Notamment, le Sale of Goods

Act de 1979147 ordonne la specific performance pour les biens « specific or

144 Y.-M. LAITHIER, La prétendue primauté de l'exécution en nature, RDC, 1 janv. 2005, n°1, p. 161.145 S. ROWAN, Remedies for breach of contract, A comparative analysis of the protection of

performance, Oxford University Press, 2012 ; Y.-M. LAITHIER, Étude comparative des sanctions de l'inexécution du contrat, coll. Bibliothèque de droit privé, LGDJ, 2004.

146 A. BURROWS, Remedies for torts and breach of contract, 3thd ed., Oxford University Press, 2004.147 Sale of Goods Act, 1979, Chapt. 54, Part VI, art. 52 « (1) In any action for breach of contract to

deliver specific or ascertained goods the court may, if it thinks fit, on the plaintiff's application, by its judgment or decree direct that the contract shall be performed specifically [ … ] », disponible sur internet à l'adresse : www.legislation.gov.uk/ukpga/1979/54

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

ascertained »148. Également, s'agissant des contrats de vente impliquant un

consommateur, le bien doit être remplacé ou réparé dans un bref délai par le vendeur,

quand bien même le bien serait fongible.

Paragraphe 2 - Une sanction nécessaire au bon fonctionnement du marché

119. - La sécurité juridique préservée - La sanction qu'est l'exécution forcée

en nature du contrat permet de préserver la confiance mutuelle des parties, la confiance

qu'elles ont en la force du contrat qui les lie et la sécurité juridique qu'il présente, dès

lors que la prestation ou le bien attendu sera systématiquement obtenu149. La confiance

étant « la condition du crédit sur lequel repose l'économie libérale moderne »150, le

fonctionnement de l'économie et du marché seraient ainsi assurés, concourant au bien-

être social, à l'intérêt général, démontrant par suite, l'efficacité économique de la

sanction. Une société ne reposant pas sur la confiance serait effectivement vouée au

déclin. « Il [ serait ] impossible d'imaginer une économie dans laquelle les promesses

ne sont pas tenues »151.

À défaut d'octroi aux parties par les juges de ce pour quoi elles ont contracté ou

d'un équivalent pécuniaire, celles-ci risquent soit de ne plus s'engager contractuellement

en raison de l'utilité réduite que présenterait le contrat, soit de prendre un temps

supplémentaire pour négocier celui-ci et y insérer des clauses assurant l'exécution en

nature de l'obligation, augmentant ainsi inefficacement les coûts nécessaires pour

148 Dennant v. Skinner and Collom [ 1948 ] 2 KB 164, « goods identifies and agreed on at the time a contract of sale is made ».

149 E. A. FARNSWORTH, Legal Remedies for Breach of Contract, Columbia Law Review, 1970, Vol. 70, n° 7, pp. 1145-1216.

150 J. GHESTIN, L. GREGOIRE et Y.-M. SERINET, Traité de droit civil, la formation du contrat, 4e

éd., LGDJ, 2013.151 Ph. BRUN, Le droit de revenir sur son engagement, Droit & Patrimoine, 1998.

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contracter152. L'exécution forcée ayant pour fin l'exécution de la prestation et non la

résolution du contrat153, celle-ci doit être accordée au créancier de l'obligation pour que

la sécurité juridique du contrat soit préservée. Plus encore, l'exécution forcée en nature

de l'obligation permet au créancier d'obtenir exactement et directement ce pour quoi il a

contracté. En d'autres termes, elle répond parfaitement aux attentes de celui-ci.

L'exécution forcée par équivalent en revanche, permet à la victime de l'inexécution

d'obtenir uniquement la valeur qu'elle accorde à ce pour quoi elle s'est engagée. Elle

devra alors se remplacer elle-même, effectuer d'autres recherches, perdre un temps

supplémentaire dans la négociation d'un second contrat, pour parfois ne pas obtenir la

prestation ou le bien voulu initialement. L'exécution forcée en nature serait donc plus

respectueuse de la sécurité juridique, des attentes du créancier et incitera les parties à

contracter, celles-ci étant certaines d'obtenir ce pour quoi elles se sont engagées.

120. - L'engagement contractuel probablement plus réfléchi - Néanmoins, il

peut également être soutenu qu'en cas d'accord systématique de l'exécution forcée en

nature par les juges, les acteurs économiques auront une tendance réduite à s'engager

contractuellement et réfléchiront plus amplement avant de s'engager s'ils ne peuvent

sortir du contrat154, notamment lorsque ceci leur serait économiquement favorable.

L'admission de l'exécution forcée en nature de l'obligation comme seule sanction ou

sanction principale aurait alors l'effet inverse à celui attendu et bloquerait les échanges

et le fonctionnement normal du marché. L'exécution forcée par équivalent serait alors

plus efficace en ce qu'elle permettrait aux cocontractants de ne pas s'exécuter en nature,

152 A. T. KRONMAN et R. A. POSNER, The Economics of Contract Law, Little Brown & Co, 1979.153 Sur la reconnaissance de la différence de fins des actions en résolution et en exécution du contrat,

voir Civ. 3, 20janv. 2010, n°09-65.272, Bull. civ. 2010, III, n° 14    ; RDC 2010, n° 935, note Y.-M. SERINET ; D. 2011, n° 472, note S. AMRANI MEKKI « Attendu que l'action en résiliation, qui a pour effet de mettre à néant le contrat de bail, ne tend pas aux mêmes fins que la demande tendant à l'application de clauses de ce contrat, qui le laisse subsister ».

154 E. A. FARNSWORTH, Legal Remedies for Breach of Contract, Columbia Law Review, 1970, Vol. 70, n° 7, pp. 1145-1216.

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

tout en accordant au créancier une compensation financière suffisante pour le placer

dans la situation dans laquelle il aurait été si le contrat avait été exécuté en nature155. La

résolution du contrat serait moins pertinente à cet égard en ce qu'elle ne viserait qu'à

dédommager la victime de l'inexécution et à la replacer dans l'état qui était le sien

antérieurement à la conclusion du contrat, non à lui permettre d'obtenir l'objet de

l'obligation, qu'il soit par équivalent ou en nature. Elle ne devrait donc être octroyée

qu'en cas de rupture efficace du contrat.

À nouveau, la sanction n’apparaît donc que comme étant relativement efficace et

ne devant être systématiquement accordée. Dans certaines hypothèses, elle devra être

autre. Si les violations purement lucratives ne peuvent être acceptées en ce qu'elles

n'apportent pas un bien-être individuel supplémentaire et n'augmentent pas, voire

diminuent, le bien-être social, les violations efficaces permettent l'amélioration du bien-

être social. Les parties au contrat devraient donc avoir la possibilité de se désengager

dans cette hypothèse. Étant peu nombreuses, la confiance nécessaire au fonctionnement

du marché ne sera pas atteinte. Les acteurs économiques conserveront un intérêt à

s'engager car la sortie du contrat sera envisageable lorsqu'elle présentera un intérêt

général, permettant la préservation de l'effet dissuasif de la sanction.

121. - L'exécution forcée en nature du contrat privant le débiteur du bénéfice

qu'il tire de son inexécution, comporte effectivement un effet dissuasif des

comportements économiquement inefficaces.

155 A. T. KRONMAN et R. A. POSNER, The Economics of Contract Law, Little Brown & Co, 1979.

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

Section 2 - La dissuasion de comportements économiquement inefficaces

122. - L'efficacité économique de l'exécution forcée en nature est illustrée grâce

à son effet prophylactique ( Paragraphe 1 ) et à la sanction des comportements purement

opportunistes qu'elle induit ( Paragraphe 2 ), lui permettant de dissuader les

comportements économiquement inefficaces des parties au contrat.

Paragraphe 1 - L'effet prophylactique de la sanction

123. - L'effet incitatif de la sanction, part de l'efficacité de celle-ci -

L'admission de l'exécution forcée du contrat en nature comme étant la sanction de

l'inexécution la plus efficace économiquement et par suite, son accord par les juges de

façon quasi-systématique, aurait un effet prophylactique positif. Certains auteurs

français considèrent que « si la contrainte n'existait pas, nombreux seraient les

débiteurs qui se déroberaient »156. La crainte de la sanction permettrait donc de

dissuader les violations du contrat et conduirait ainsi au respect des prévisions des

cocontractants ainsi qu'à une confiance pleine et entière des parties entre elles. Par suite,

le fonctionnement du marché sera assuré à cet égard et la sécurité juridique préservée.

Plus l'exécution forcée en nature du contrat est octroyée de façon automatique et ses

exceptions rares, plus son effet prophylactique est important. En effet, à quoi bon ne pas

s'exécuter quand cette exécution nous sera imposée par la suite sous forme de sanction,

à un coût supérieur en raison des dommages-intérêts qu'elle engendrera probablement et

des frais de transaction exprimés notamment par les frais de justice, qu'elle causera ?

156 F. CHABAS et H., J. et L. MAZEAUD, Leçons de droit civil, Obligations, Théorie générale, t.2, Vol. 1, 9è ed., Montchrestien, 1998.

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

Les individus étant supposés rationnels157, ce bilan entre les coûts et avantages

engendrés par l'exécution volontaire ou forcée de leur obligation les conduira

nécessairement à s'exécuter volontairement car l'exécution forcée en nature étant

automatique ou presque, il sera fortement probable qu'elle leur soit imposée en cas

d'action en justice du créancier.

L'analyse économique prenant en considération l'effet incitatif de la mesure afin

de la déterminer comme économiquement efficiente ou non, l'exécution forcée en nature

se placerait alors comme étant la sanction la plus efficiente car elle serait celle incitant

le plus à l'exécution du contrat et au respect de la parole donnée. La résolution du

contrat aurait l'effet inverse puisqu'elle permet au débiteur de ne pas s'exécuter et de

conserver les bénéfices de cette inexécution. L'exécution forcée par équivalent n'aura de

même, qu'un effet prophylactique restreint en ce que la compensation pécuniaire

permettra fréquemment au débiteur de conserver une partie du profit de son inexécution.

Il sera alors plus avantageux pour lui d'exécuter son obligation par équivalent qu'en

nature.

Des restitutionary damages ou « restitutions à des fins punitives »158 pouvant être

accordées en matière d'exécution forcée en nature ou par équivalent, permettraient

également d'augmenter ce caractère prophylactique de la sanction. Celles-ci désignent

« la somme d'argent au versement de laquelle le juge condamne le débiteur et qui est

évaluée en fonction de l'enrichissement qu'il s'est procuré en commettant un fait

illicite »159. Cet enrichissement peut être positif et désigner un profit ou être négatif et se

définir comme l'évitement d'un coût. En cas d'absence de bénéfice à l'inexécution,

situation la plus fréquente à défaut de laquelle, nous l'avons vu, la résolution du contrat

paraît la solution la plus efficace, ou en sus des restitutions à des fins punitives, des

157 S. HARNAY et A. MARCIANO, Posner, L'Analyse économique du droit, coll. Le bien commun, Michalon, 2003.

158 Traduction proposée par Y.-M. LAITHIER dans sa thèse Étude comparative des sanctions de l'inexécution du contrat, coll. Bibliothèque de droit privé, LGDJ, 2004.

159 Y.-M. LAITHIER, Étude comparative des sanctions de l'inexécution du contrat, coll. Bibliothèque de droit privé, LGDJ, 2004.

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dommages-intérêts punitifs pourraient également être imposés. Ceux-ci interviendraient

réellement comme sanction de l'inexécution, complémentaire au coût que peut déjà

représenter l'exécution forcée en nature pour l'auteur de l'inexécution. Les coûts de

l'inexécution, ne seraient-ce que probables, paraitraient alors nettement plus élevés que

le bénéfice pouvant en être retiré, incitant plus fortement encore le débiteur à s'exécuter

volontairement, sans qu'un jugement ne doive intervenir.

124. - La recherche de l'effet prophylactique à nuancer - Toutefois, il

convient de conserver à l'esprit l'objet des sanctions de l'inexécution du contrat. Si celui-

ci était l'exécution du contrat, la rupture serait un crime et le débiteur devrait alors être

puni ou à tout le moins, se voir infligé des dommages-intérêts punitifs160. Or l'effet ici

recherché serait l'indemnisation du préjudice subi par la victime du fait de l'inexécution.

L'objet de la sanction serait uniquement de replacer la victime dans la situation dans

laquelle elle aurait été si le contrat avait été exécuté, de protéger ses attentes. Des

solutions inspirées de la faute du débiteur, venant la sanctionner pour l'inciter à ne plus

la reproduire paraissent donc indéfendables. L'exécution forcée en nature étant une

sanction civile, non une peine, sa fonction comminatoire doit être réduite161.

Le droit anglais se refuse ainsi totalement à accorder une quelconque fonction

comminatoire aux sanctions de l'inexécution du contrat. Selon Lord Hoffmann, le but du

droit des contrats n'est pas de punir les fautes mais de satisfaire les attentes du

créancier162. Les punitives damages et clauses pénales ne sont donc pas admis163 en

matière d'inexécution contractuelle. Néanmoins, ces premiers sont parfois accordés dans

160 E. A. FARNSWORTH, Legal Remedies for Breach of Contract, Columbia Law Review, 1970, Vol. 70, n° 7, pp. 1145-1216.

161 Y.-M. LAITHIER, La prétendue primauté de l'exécution en nature, RDC, 1 janv. 2005, n°1, p. 161.162 Co-operative Insurance Society v. Argyll Stores Ltd. [ 1998 ] AC 1 ( HL ) 17, Lord Hoffmann « the

purpose of the law of contract is not to punish wrongdoing but to satisfy the expectations of the party entitled to performance »

163 S. ROWAN, Remedies for breach of contract, A comparative analysis of the protection of performance, Oxford University Press, 2012 ; V. également s'agissant des punitives damages : Addis v. Gramophone Co. Ltd. [ 1909 ] AC 488 ( HL ).

103

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le cadre de l'engagement de la responsabilité délictuelle du fautif. Notamment, la Law

Commission164 considère que les punitives damages ne sont pas favorables à

l'anticipation nécessaire en matière commerciale et qu'ils s'accordent mal avec la rupture

efficace du contrat, les parties étant alors incitées à exécuter leurs obligations par peur

de la sanction, alors même que l'inexécution aurait été efficace. Cependant, ces

arguments n'ont jamais fondé le refus des juges d'ordonner des dommages-intérêts

punitifs. En droit français en revanche, si les dommages-intérêts punitifs ne sont de

même pas autorisés, le caractère délibéré de la rupture a un impact sur le montant des

dommages-intérêts et les clauses pénales sont admises.

Pourtant, la distinction faite entre le domaine civil et le domaine pénal ne se réduit

pas à ce que le droit civil n'aurait qu'une fonction compensatoire, d'indemnisation et le

droit pénal une fonction punitive165. En démontre le droit français qui, de part les

sanctions qu'il adopte de l'inexécution du contrat, notamment l'existence de l'astreinte

absente en droit anglais, a parfois pour objet d'inciter les parties à exécuter leurs

obligations et de dissuader l'inexécution. Le caractère prophylactique de la sanction

qu'est l'exécution forcée en nature ne doit donc pas nécessairement être considéré

comme la faisant sortir du domaine civil et par suite, comme étant injustifiée.

En outre, l'efficacité économique d'une sanction peut également se traduire par

l'effet incitatif qu'elle induit. Richard Posner considère ainsi que les sanctions de

l'inexécution du contrat devraient inciter les parties à un contrat à exécuter leur

promesse166.

164 Law Commission, Aggravated, Exemplary and Restitutionary Damages, n° 247, 16 déc. 1997, disponible sur internet à l'adresse : lawcommission.justice.gov.uk/publications.aggravated-exemplary-restitutionary-damages.htm

165 R. CUNNINGTON, Should punitive damages be part of the judicial arsenal in contract cases ?, Legal Studies, sept. 2006, Vol. 26, n° 3, pp. 369-393.

166 R. A. POSNER, Economic Analysis of Law, Little, Brown and Company, 1972 « contract remedies should [ … ] give the party to a contract an incentive to fulfil his promise ». Notons qu'il n'est toutefois par précisé si le respect du principe est nécessaire à l'efficience ou l'efficacité de la sanction.

104

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

125. - Il convient également de relever que cet effet prophylactique serait en

partie réduit du fait que parfois, l'inexécution traduite par une mauvaise exécution, n'est

pas volontaire, soit que le débiteur n'aura pas conscience de ce qu'il exécute

incorrectement son obligation, soit que l'exécution lui causerait in fine, en raison de

l'évolution des circonstances économiques ou autre, un préjudice trop important par

rapport au bénéfice que retirerait le créancier de l'exécution de l'obligation. La peur de

la sanction n'empêchera donc pas l'inexécution de ses obligations par le débiteur dans ce

type d'hypothèses.

Paragraphe 2 - La sanction des comportements purement opportunistes

126. - L'exécution forcée en nature comme sanction la plus dissuasive -

Certains cocontractants, dans un esprit purement cynique selon certains, cherchent « à

exploiter les vulnérabilités créées par le caractère séquentiel des performances

réalisées dans le cadre du contrat »167 et effectuent une évaluation du coût et des

avantages que leur rapporte l'inexécution de leur obligation afin de ne pas l'exécuter.

Toutefois, ces violations ne sont pas économiquement efficace car le préjudice subi par

le créancier du fait de l'inexécution apparaitra comme étant supérieur au bénéfice que le

débiteur trouve à ne pas s'exécuter et/ou ne pourra être entièrement réparé soit que ce

dommage sera difficilement évaluable, soit que le bien sera difficilement quérable sur le

marché ou unique. La violation du contrat sera donc purement lucrative et non efficace

économiquement, en ce que cette faute permettra à son auteur d'obtenir un profit

résultant uniquement de l'évaluation erronée du dommage du créancier, qu'une

condamnation au paiement de dommages-intérêts, par suite insuffisants, ne suffira pas à

167 S. HARNAY et A. MARCIANO, Posner, L'Analyse économique du droit, coll. Le bien commun, Michalon, 2003.

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faire disparaitre.

La résolution du contrat moyennant une parfaite compensation du dommage subi

par la victime de l'inexécution paraît la solution la plus efficace dans le cadre de

violations efficaces du contrat en ce que la création des richesses sera alors optimale.

Cependant, accorder cette résolution dans le cadre d'une violation lucrative de celui-ci

serait une sanction dénuée de toute efficacité économique puisque le bien-être social

s'en trouverait atteint. De telles inexécutions doivent donc être prohibées. L'exécution

forcée en nature du contrat se place alors comme la sanction la plus efficace à cet effet

en ce qu'elle permettra de faire échec à ces violations purement lucratives et par suite, à

les priver d'effets.

Une fois l'exécution forcée en nature accordée au créancier, celui-ci reste libre de

requérir son exécution ou de négocier avec le débiteur une somme plus élevée que celle

qu'il aurait obtenue grâce aux dommages-intérêts, correspondant à une partie du profit

réalisé par le débiteur grâce à son inexécution. Une part de ce profit sera toutefois

conservée par ce dernier afin que celui-ci trouve toujours intérêt à ne pas s'exécuter.

L'efficacité économique est alors entière, les richesses créées par l'inexécution n'étant

pas perdues comme elles l'auraient été si l'exécution forcée en nature avait été requise.

Ces richesses sont seulement distribuées de façon telle que la victime de l'inexécution

perçoit une part de ce profit et l'indemnisation complète de son préjudice comprenant

notamment la valeur subjective qu'il accorde à l'exécution de l'obligation. Quant au

débiteur, quoique bénéficiant toujours du gain de son inexécution, celle-ci n'est plus

réalisée au détriment de son créancier168.

L'exécution forcée par équivalent serait une solution inefficace dans une telle

situation en raison des difficultés toujours présentes d'évaluation précise du dommage

causé au créancier du fait de l'inexécution. Le risque est effectivement, que celui-ci ne

168 Y.-M. LAITHIER, Étude comparative des sanctions de l'inexécution du contrat, coll. Bibliothèque de droit privé, LGDJ, 2004.

106

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soit pas entièrement indemnisé, l'inexécution étant purement lucrative en ce que ce

dommage est sous-estimé, quand l'exécution forcée en nature permet la réalisation des

intérêts subjectifs et objectifs. À défaut de cette problématique d'évaluation du

dommage, l'exécution forcée par équivalent pourrait également être une sanction

efficace.

127. - La difficile justification de l'imposition de restitutions à des fins

punitives - L'inexécution du contrat étant un fait illicite, son auteur ne devrait être

autorisé à en conserver le bénéfice. Des restitutions à des fins punitives du profit réalisé

grâce à l'inexécution, devraient alors être imposées au débiteur afin d’empêcher qu'il ne

s'enrichisse injustement. Cette sanction est admise en droit anglais lorsque les remedies

ne sont pas adéquats, en d'autres termes lorsqu'ils ne protègent pas complètement les

attentes du créancier et que l'inexécution était à des fins mercantiles169. Ses applications

demeurent toutefois rares. La sanction est également admise en droit français quoique

officieusement170, notamment dans le cadre des actions en contrefaçon et en concurrence

déloyale.

Une telle sanction pose la question de l'évaluation de ce profit réalisé par le

débiteur au détriment de son créancier. Le lien de causalité entre l'inexécution et

l'obtention de ce profit notamment, ne sera pas aisé à révéler avec certitude, le profit

pouvant ne pas résulter en totalité de l'inexécution contractuelle171. D'autant plus que la

charge de sa preuve et de son montant incombera au créancier.

Les restitutions à des fins punitives posent également la problématique de la

justification de l'octroi d'une part de ce profit au créancier. Une telle rétribution a été

vue par certains comme révélant l'enrichissement sans cause du créancier. La

169 Attorney General v. Blake [ 2001 ] 1 AC 268 ( HL ).170 Y.-M. LAITHIER, Étude comparative des sanctions de l'inexécution du contrat, coll. Bibliothèque

de droit privé, LGDJ, 2004.171 A. BURROWS, Remedies for torts and breach of contract, 3thd ed., Oxford University Press, 2004.

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justification de l'attribution à la victime de l'inexécution d'une somme excédant le

dommage qu'elle a réellement subi est effectivement difficile. Le montant des

restitutions à des fins punitives ne devra donc pas nécessairement correspondre au profit

réalisé par le débiteur. Celui-ci ne constituera qu'un montant maximal, modulé

notamment par le comportement de l'auteur de l'inexécution. En outre, la somme

octroyée n'ira pas nécessairement enrichir de façon indue le créancier en excédant son

dommage, par exemple lorsque celui-ci ne comprend pas le préjudice moral dans sa

définition. Également, ce type de restitution apparaitra justifié lorsque dans un contrat

de vente, le bien dont le créancier aura pourtant reçu transfert de la propriété, aura été

vendu à un tiers par le débiteur, solution actuellement retenue par le droit anglais172. Les

restitutions à des fins punitives porteront alors sur le bénéfice de la vente qu'a perçu le

débiteur sans droit, quand le créancier aurait dû l'obtenir. L'octroi au créancier de cette

somme est également économiquement efficace en ce qu'il incitera la victime de

l'inexécution à agir en justice contre les violations inefficaces du contrat, afin d'obtenir

une part de ce profit173.

Si l'on considère que l'inexécution efficace du contrat doit être sanctionnée par la

résolution de celui-ci, afin de ne pas la priver de ses effets économiquement positifs et

que par suite, elle est libérée des restitutions à des fins punitives en raison de l'effet

rétroactif de la résolution, la question de l'exécution forcée en nature ne se pose alors

qu'en cas d'inexécution purement lucrative du contrat. Si les restitutions à des fins

punitives sont dans ce cas théoriquement envisageables, elles ne pourront être justifiées

car le créancier de l'obligation aura alors obtenu ce pour quoi il a contracté. À tout le

plus, il pourra négocier avec le débiteur afin qu'il s'exécute par équivalent moyennant

une somme plus élevée que celle qui aurait été obtenue dans le cadre de dommages-

intérêts, en raison de l'évaluation erronée du dommage, mais permettant au débiteur de

172 E. A. FARNSWORTH, Legal Remedies for Breach of Contract, Columbia Law Review, 1970, Vol. 70, n° 7, pp. 1145-1216.

173 Y.-M. LAITHIER, Étude comparative des sanctions de l'inexécution du contrat, coll. Bibliothèque de droit privé, LGDJ, 2004.

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conserver un intérêt à l'inexécution. L'effet sera équivalent à celui des restitutions

judiciaires à des fins punitives, tout en permettant à celles-ci d’être justifiées.

128. - Quoique l'efficacité économique de l'exécution forcée en nature paraisse

certaine, elle doit toutefois être relativisée.

Chapitre 2 - L'efficacité économique de l'exécution forcée en nature relativisée

129. - L'efficacité économique de l'exécution forcée en nature se trouve

restreinte tant par l'efficacité économique que représenterait son imposition

systématique ( Section 1 ) que par les limitations existantes quant aux possibilités de

l'ordonner ( Section 2 ).

Section 1 - L'inefficacité économique de l'imposition systématique de la sanction

130. - L'imposition systématique de l'exécution forcée en nature serait

économiquement inefficace en ce qu'elle restreindrait les hypothèses de violation

efficace du contrat ( Paragraphe 1 ) dont on a vu l'efficacité économique précédemment,

ainsi qu'en ce que cette sanction systématiquement imposée constituerait un obstacle au

devoir de minimiser son dommage incombant à la victime de l'inexécution

( Paragraphe 2 ).

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Paragraphe 1 - La restriction des hypothèses de violation efficace du contrat

131. - Les violations efficaces a priori écartées - Nous avons pu voir que

certaines inexécutions du contrat sont économiquement efficaces en ce qu'elles

permettent une meilleure allocation des richesses que celle initialement prévue par le

contrat et par suite, l'augmentation du bien-être social. En d'autres termes, l'auteur de

l'inexécution, après avoir totalement indemnisé la victime de celle-ci, trouve toujours un

avantage à ne pas s'exécuter. La sanction économiquement efficace ne devrait donc pas

s'opposer à de telles violations, ni les dissuader, seulement sanctionner les violations

inefficaces afin qu'elles n'aient plus lieu.

Or, l'exécution forcée en nature empêchant les inexécutions purement lucratives

de produire leurs effets, prive également d'effets les ruptures efficaces du contrat.

Effectivement, en cas d'imposition de l'exécution forcée en nature, l'auteur de

l'inexécution perdra le bénéfice qu'il trouvait dans l'inexécution, gain qui ne se serait pas

réalisé au détriment du créancier puisque celui-ci doit pouvoir être totalement indemnisé

par le débiteur fautif pour que l'inexécution puisse être qualifiée d'efficace.

Il pourrait alors être soulevé qu'en cas de détermination de l'inexécution comme

étant efficace, la résolution du contrat devrait être ordonnée par les juges par préférence

à l'exécution forcée en nature, afin de conserver lesdits effets économiquement positifs.

Toutefois, en raison de l'effet prophylactique d'une exécution forcée en nature quasi-

systématiquement ordonnée par les juges en cas d'inexécution contractuelle, le débiteur

s'exécutera nécessairement, par peur de la sanction qui sera pour lui plus coûteuse

qu'une exécution volontaire a priori, quand bien même la rupture du contrat aurait été

économiquement efficace.

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132. - Les hypothèses de violation efficace seulement restreintes - Comme il

l'a précédemment été développé, l'exécution du jugement ordonnant l'exécution forcée

en nature de l'obligation, peut ne pas être requise par son créancier. La victime de

l'inexécution pourrait effectivement négocier avec le débiteur afin que celui-ci lui octroi

une somme part de son profit en sus des dommages-intérêts, afin de ne pas exécuter le

jugement en cause. Le créancier sera alors plus indemnisé que s'il avait requis

l'exécution par équivalent en justice, en raison notamment des difficultés d'évaluation de

son dommage, et le débiteur conservera toujours un intérêt à l'inexécution. L'exécution

forcée en nature ne s'opposerait donc pas nécessairement à la violation efficace des

obligations, celle-ci pouvant être obtenue a posteriori.

Cependant, de telles négociations concernant la somme en cause, après le

jugement ordonnant l'exécution forcée en nature, augmenteront les coûts de transaction,

réduisant par la même les possibilités de qualifier l'inexécution d'efficace et risquant in

fine de bloquer le processus d'allocation des ressources174. Effectivement, le coût de

l'inexécution pour le débiteur ne sera alors plus uniquement celui de l'indemnisation

totale du créancier et du jugement. À ces coûts viendront s'ajouter la part de son profit

résultant de l'inexécution, accordée à la victime de celle-ci, diminuant le gain obtenu par

son auteur, ainsi que les coûts de négociation, s'exprimant notamment en termes de

temps, de contrainte, de déplacement ou encore de rédaction d'un nouveau contrat afin

de formaliser l'accord. Car il est nécessaire de rappeler ici que l'inexécution d'un

jugement par une personne physique est constitutive pour le droit anglais, d'un contempt

of court, susceptible d’être sanctionné par l'emprisonnement de son auteur pour une

durée maximale de deux ans175. L'astreinte, présente en droit français afin de forcer

l'auteur de l'inexécution à exécuter le jugement, n'est valable en droit anglais qu'à

174 S. HARNAY et A. MARCIANO, Posner, L'Analyse économique du droit, coll. Le bien commun, Michalon, 2003.

175 S. ROWAN, Remedies for breach of contract, A comparative analysis of the protection of performance, Oxford University Press, 2012 ; S. WHITTAKER, Un droit à la prestation plutôt qu'un droit à l'exécution ? Perspectives anglaises sur l'exécution en nature et la réparation, RDC, 1 janv. 2005, n° 1, p. 49.

111

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l'égard des personnes morales, qui ne peuvent être emprisonnées.

Plus simplement, ces transactions pourraient ne jamais avoir lieu. L'une des

axiomes de l'analyse économique est effectivement de considérer que les individus sont

parfaitement informés. Or, tel n'est pas toujours le cas. Ainsi, les parties pourront ne pas

avoir connaissance de ce que juridiquement, le jugement ne les engage pas totalement et

que son bénéficiaire peut choisir de ne pas requérir son application afin de mieux

négocier avec l'auteur de l'inexécution, accessoirement en utilisant ce jugement comme

moyen de pression, afin de trouver un accord qui convient à chacune des parties au

contrat.

Également, certains créanciers pourraient se révéler être de mauvaise foi après le

prononcé du jugement et refuser toute négociation proposée par le débiteur. Si l'on

considère que la négociation aboutissant à une compensation augmentée d'une partie du

gain réalisé par l'auteur de l'inexécution est économiquement plus efficace que

l'exécution en nature de l'obligation, lorsque cette première permet une allocation

optimale des ressources, ce refus du créancier pourrait alors être qualifié d'abus de droit

en ce que le créancier poussera son droit résultant notamment du jugement, à l'extrême,

sans intérêt légitime. Mais cet abus, s'il était révélé, serait-il pour autant sanctionné ?

Plus encore, l'abus serait-il réellement caractérisé, lorsqu'il est généralement admis que

l'exécution forcée en nature est la sanction respectant le plus l'intérêt et les attentes de la

victime de l'inexécution ? Certes la sanction serait alors moins efficace

économiquement mais elle respecterait alors l'intérêt des parties. N'est-ce pas en cela

que réside la différence entre le droit et l'économie ?

133. - Quoiqu'elle ne soit pas absente en toute hypothèse, l'efficacité

économique de l'exécution forcée en nature est réduite en ce qu'elle restreint les

possibilités de rupture efficace du contrat mais également en ce qu'elle fait obstacle au

devoir de minimiser son dommage incombant à la victime de l'inexécution.

112

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

Paragraphe 2 - L'exécution forcée en nature comme obstacle au devoir de minimisation

du dommage

134. - L'absence d'incidence de la minimisation du dommage en cas

d'exécution forcée en nature - L'obligation de droit anglais de minimiser son

dommage incombant au créancier d'une obligation, résulte en quelque sorte du devoir de

bonne foi qu'ont les parties au contrat mais également, et de façon plus pertinente dans

le cadre d'une analyse économique des sanctions de l'inexécution du contrat, l'obligation

de minimiser son dommage permet d'éviter le gaspillage des ressources176. Ce principe

impose au créancier le devoir de prendre toutes les mesures raisonnables pour minimiser

le dommage dû à l'inexécution du contrat et l’empêche de réclamer des dommages-

intérêts pour la partie du dommage due à sa négligence dans la prise de telles

mesures177. Il est également applicable en matière commerciale en droit français. Ainsi,

si le bien objet de la créance est disponible et raisonnablement accessible sur le marché,

le créancier aura le devoir de se remplacer. À défaut, le terme « devoir » n'étant pas à

interpréter dans le sens que le créancier pourrait être poursuivi s'il ne minimisait pas son

dommage178, l'indemnisation du préjudice ne sera alors pas complète car seul l'avantage

perdu au moment de l'inexécution sera indemnisé et non celui escompté lors de la

conclusion du contrat179. Le créancier est donc incité à minimiser son dommage pour ne

subir aucune conséquence du fait de l'inexécution, ce qui permet d'éviter un gaspillage

des ressources.

Si un tel raisonnement est applicable en cas d'ordre d'exécution forcée par

176 Y.-M. LAITHIER, Étude comparative des sanctions de l'inexécution du contrat, coll. Bibliothèque de droit privé, LGDJ, 2004.

177 British Westinghouse Electric & Manufacturing Co. Ltd. v. Underground Electric Rlys Co. of London Ltd. [ 1912 ] AC 673 ( HL ), the duty to mitigate « imposes on a plaintiff the duty of taking all reasonable steps to mitigate the loss consequent of the breach and debars him from claiming any part of the damage which is due to his neglect to take such steps »

178 A. BURROWS, Remedies for torts and breach of contract, 3thd ed., Oxford University Press, 2004.179 Y.-M. LAITHIER, Étude comparative des sanctions de l'inexécution du contrat, coll. Bibliothèque

de droit privé, LGDJ, 2004.

113

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équivalent de l'obligation, l'exécution en nature permet au créancier d'obtenir ce pour

quoi il s'est initialement engagé et par suite, l'avantage escompté lors de la conclusion

du contrat. Il est alors inutile pour lui de minimiser ou non son dommage, puisqu'il

obtiendra en toute hypothèse ce pour quoi il a contracté. Plus encore, c'est de mauvaise

foi qu'il pourrait ne pas agir, quand il lui serait possible par exemple de se remplacer

afin de minimiser son dommage par la réduction des effets de l'inexécution.

135. - L'incidence de l'absence de minimisation du dommage - L'un des

effets de l'obligation de minimiser son dommage est d’entraîner le déséquilibre des

situations de la victime de l'inexécution suivant que l'exécution forcée en nature ou par

équivalent sera ordonnée. En effet, lorsque cette seconde sera ordonnée, le créancier

devra minimiser son dommage, sans aller jusqu'à mettre sa réputation commerciale ou

ses relations publiques en danger180. Cette obligation ne pèsera pas sur lui en cas d'ordre

par les juges de l'exécution forcée en nature.

Mais l'incidence de l'absence de minimisation du dommage due à l'ordre

d'exécution forcée en nature est économiquement plus importante. En effet, alors que

l'utilisation des ressources doit être optimale en raison de leur rareté, l'exécution forcée

en nature permettrait de réparer le dommage raisonnablement évitable et par suite,

approuverait en quelque sorte, le comportement inefficace du créancier, voire sa

mauvaise foi lorsque le dommage pouvait raisonnablement être évité ou amoindrit,

révélée par le fait qu'il n'a pas agit, laissant à la charge de son débiteur un dommage

plus lourd à indemniser. Par là même, les hypothèses d'inexécution efficace du contrat

se réduisent, le dommage à indemniser totalement pour que l'inexécution puisse être

qualifiée ainsi, étant plus important. Seul l'exercice d'un contrôle de proportionnalité par

les juges permettrait de remédier à ce problème, afin de ne pas ordonner l'exécution

forcée en nature lorsque celle-ci présente un coût pour l'auteur de l'inexécution

180 James Finlay & Co. Ltd v. NV Kwik Hoo Tong Handel Maatschappij [ 1929 ] 1 KB 400 ( CA ).

114

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disproportionné par rapport à l'intérêt qu'a le créancier à l'exécution.

Section 2 - La limitation des possibilités d'ordre d'exécution forcée en nature

136. - Afin que la sanction de l'inexécution du contrat soit économiquement

efficace, l'exécution forcée en nature ne devrait pas être ordonnée lorsque le coût de sa

mise en œuvre est disproportionné ( Paragraphe 1 ) au regard de considérations

économiques, mais également au regard de considérations morales, rendant l'imposition

de la sanction a priori impossible ( Paragraphe 2 ).

Paragraphe 1 - Le coût disproportionné de mise en œuvre de la sanction

137. - La nécessité d'un contrôle de proportionnalité - Le coût de la mise en

œuvre de l'exécution forcée en nature peut se révéler être extrêmement élevé,

disproportionné par rapport au bénéfice qu'en retirera son créancier, parfois en raison de

l'absence de minimisation du dommage. Le droit français notamment, en reconnaissant

l'exécution forcée en nature comme sanction « de droit »181 pour le créancier lorsque

celle-ci est réalisable, voit parfois aboutir des décisions totalement inefficaces

économiquement car gaspillant les ressources. Dans le cadre de l'inexécution

d'obligations de ne pas faire, des immeubles doivent par exemple être détruits puis

reconstruits, le créancier ayant requis l'exécution forcée en nature de l'obligation.

181 B. FAUVARQUE-COSSON, Regards comparatistes sur l'exécution forcée en nature, RDC, 1 avr. 2006, n°2, p. 529.

115

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L'exemple le plus flagrant est sans doute l’arrêt rendu par la Cour de cassation, le 11

mai 2005182, dans lequel celle-ci censura la Cour d'appel ayant débouté le maître de

l'ouvrage de sa demande de condamnation de l'entrepreneur à démolir puis reconstruire

sa maison. Cette demande avait été introduite au motif que l'immeuble présentait une

insuffisance de 0,33 mètre par rapport aux stipulations contractuelles, quand ladite Cour

d'appel avait relevé que ceci ne rendait pas l'immeuble impropre à sa destination et son

usage et ne portait pas sur les éléments essentiels et déterminants du contrat. Le coût

social de l'ordre d'exécution de telles sanctions est alors élevé, les ressources étant rares

et le bien ou les ressources utilisées pour sa création ayant pu être utilisés par la

communauté.

Le motif du coût important de la mise en œuvre de l'exécution forcée en nature,

est en revanche pris en compte en droit anglais pour n'accorder que rarement l'exécution

forcée en nature lorsque cette sanction nécessiterait une constant supervision pour son

exécution183. Effectivement, le coût représenté par celle-ci serait alors reporté sur la

société, également prise en compte dans la détermination de l'allocation optimale des

richesses et par suite, de l'efficacité de la sanction. D'autant plus que l'ordre de cette

sanction représenterait alors une dépense injuste et économiquement inefficace. Cette

considération est absente en droit français, les frais incombant à la partie défaillante184.

Ils sont toutefois bien réels et s'ajoutent aux coûts générés par la sanction. L'exécution

forcée en nature est également refusée lorsqu'elle nécessiterait de nombreuses autres

interventions judiciaires, notamment lorsque l'obligation est à exécutions successives185.

Afin de vérifier l'efficacité de l'exécution forcée en nature par rapport aux autres

sanctions de l'inexécution du contrat, un contrôle de proportionnalité est réalisé en droit

182 Civ. 3, 11 mai 2005, n° 03-21.136, Bull. civ. 2005, III, n° 103 ; RTD civ. 2005, n° 596, note J. MESTRE ; RDC 2006, p. 323, obs. D. MAZEAUD.

183 S. ROWAN, Remedies for breach of contract, A comparative analysis of the protection of performance, Oxford University Press, 2012.

184 Y.-M. LAITHIER, Étude comparative des sanctions de l'inexécution du contrat, coll. Bibliothèque de droit privé, LGDJ, 2004.

185 V. pour exemple, Co-operative Insurance Society v. Argyll Stores Ltd. [ 1998 ] AC 1 ( HL ) 17.

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

anglais186. Celle-ci est calculée par la différence faite entre l'intérêt du créancier, en

d'autres termes l'avantage qu'il retire de l'exécution en nature ou l'inconvénient qu'il

subit du fait de l'exécution par équivalent, et la charge pesant sur le débiteur suivant les

différentes formes d'exécution187. L'exécution forcée en nature de l'obligation ne sera

alors pas ordonnée lorsqu'elle provoquera un severe hardship au débiteur, comme le

retient le droit anglais188. Cependant, de simples difficultés financières de l'auteur de

l'inexécution ne suffiront pas à constituer un motif suffisant pour que la sanction ne soit

pas accordée car disproportionnée189.

Les Principes du droit européen des contrats en leur article 9:102190 et les

Principes d'UNIDROIT en l'article 7.2.2191, reconnaissent également l'exécution forcée

en nature comme étant la sanction de principe, sous réserve du coût raisonnable de

celle-ci et des possibilités pour le créancier de se remplacer.

138. - L'abus de droit révélé par l'inefficacité économique de la sanction

demandée - La volonté persistante du créancier de voir le contrat exécuté en nature,

alors même qu'il est au fait du coût élevé de sa mise en œuvre et de son caractère

disproportionné, peut s'analyser en un abus de ce « droit à l'exécution » instauré en droit

français. Cet abus de droit peut être défini comme étant la « faute à pousser son droit

186 E. PEEL, Treitel : The law of contract, Sweet & Maxwell, 12th ed., 2007, « the availability of specific performance depends on the appropriateness of that remedy in the circumstances of each case » ; Beswick v. Beswick [ 1966 ] AC 58 ( HL ).

187 Y.-M. LAITHIER, La prétendue primauté de l'exécution en nature, RDC, 1 janv. 2005, n°1, p. 161.188 Denne v. Light [ 1857 ] 8 De GM&G 774 ; Patel v. Ali [ 1984 ] Ch 283.189 A. BURROWS, Remedies for torts and breach of contract, 3thd ed., Oxford University Press, 2004.190 Principes du Droit européen des contrats, nov. 1998, art. 9:102 « (1) Le créancier d'une obligation

autre que de somme d'argent a droit d'exiger l'exécution en nature, y compris la correction d'une exécution défectueuse », disponibles sur internet à l'adresse :www.lexinter.net/JF/principes_europeens_des_contrats.htm

191 Principes d'UNIDROIT relatifs aux contrats du commerce international, version 2010, art. 7.2.2 « A défaut par le débiteur de s'acquitter d'une obligation autre que d'une somme d'argent, le créancier peut en exiger l'exécution [ … ] », disponibles sur internet à l'adresse :www.unidroit.org/french/principles/contracts/principles2010/integralversionprinciples2010-f.pdf

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

jusqu'à l’extrême, sans intérêt légitime »192. Effectivement, si l'indemnisation est

suffisante pour compenser le préjudice que lui cause l'inexécution de l'obligation, le

créancier n'a plus légitimement intérêt à exiger l'exécution forcée en nature du contrat.

La problématique de la juste évaluation du dommage juridiquement réparable est donc

encore présente en ce que l'abus de droit ne pourra être caractérisé lorsque le dommage

sera difficilement évaluable. L'abus de droit pourrait également être retenu en ce qu'il

n'est pas d'intérêt général de requérir l'exécution forcée en nature d'une obligation, de

faire perdurer la relation commerciale par exemple, à perte alors qu'une solution

équivalente est envisageable193.

Mais la possibilité pour le créancier d'exiger une sanction totalement

économiquement inefficace révèle également la dangerosité de reconnaître un « droit à

l'exécution » de l'obligation et de ne pas accorder au juge un pouvoir d'appréciation de

l'opportunité de la sanction. Le truchement de l'abus de droit permettrait alors

d'introduire ce contrôle de proportionnalité en droit français, nécessaire afin de ne pas

ordonner l'exécution forcée en nature d'une obligation lorsque celle-ci est inefficace.

D'autres auteurs caractériseront la demande d'exécution forcée en nature comme la

révélation de la mauvaise foi du créancier lorsque la sanction ne sera pas

économiquement efficace. La bonne foi du créancier se définissant comme le « devoir

de coopérer pour permettre au débiteur l'exécution de son obligation »194, l'insistance du

créancier afin que l'exécution forcée soit effectuée en nature plutôt que par équivalent

pourrait effectivement révéler sa mauvaise foi, en ce qu'il n'aura pas coopéré avec son

débiteur pour lui permettre d'exécuter facilement son obligation.

L'appréciation par les juges de l'opportunité de la demande d'exécution forcée en

nature, pourrait également fonder le refus d'ordonner cette sanction lorsque les coûts

192 A. BENABENT, Droit des obligations, coll. Domat droit privé, Monchrestien, 13e éd., 2012.193 Co-operative Insurance Society v. Argyll Stores Ltd. [ 1998 ] AC 1 ( HL ).194 A. BENABENT, Droit des obligations, coll. Domat droit privé, Monchrestien, 13e éd., 2012.

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

qu'elle implique paraissent disproportionnés195. Le contrôle de l'opportunité de la

demande permet de protéger le débiteur contre une contrainte économiquement

insupportable. Par suite, l'imposition d'une telle sanction par les juges au fait de son

caractère disproportionné, serait synonyme d'une sanction inefficacement et injustement

punitive.

139. - Il est également des hypothèses dans lesquelles l'ordre d'exécution forcée

en nature paraît impossible.

Paragraphe 2 - Une impossibilité a priori absolue d'imposition de la sanction

140. - Le nécessaire respect de la liberté individuelle du débiteur - Outre

l'hypothèse dans laquelle une impossibilité matérielle d'exécuter l'obligation en nature,

par exemple lorsque la date à laquelle elle devait avoir lieu est dépassée, rend

l'exécution en nature inutile, lorsque l'obligation impose une action personnelle de la

part de son débiteur, il paraît impossible de lui ordonner l'exécution forcée de son

obligation qui imposerait de l'y contraindre par la force physique. Or, il est constant,

tant en droit anglais qu'en droit français que nemo praecise potest cogi ad factum.

La limite à l'accord de l'exécution forcée en nature est d'autant plus présente en

droit anglais s'agissant d'obligations personnelles, qu'il y est admis que « les contrats ne

donnent nullement naissance à des obligations de faire ou de ne pas faire ce qui a été

convenu, mais offrent plutôt aux parties un choix entre l'exécution ou le versement de

195 Y.-M. LAITHIER, Étude comparative des sanctions de l'inexécution du contrat, coll. Bibliothèque de droit privé, LGDJ, 2004.

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

dommages et intérêts »196. La sanction qu'est la specific performance est donc une

sanction d'equity, accordée à la discrétion des juges uniquement lorsque la

compensation ne paraît pas être une sanction adéquate. L'exemple le plus probant est

sans doute celui du contrat de travail, dont on ne peut forcer l'exécution par le salarié197.

S'agissant d'une obligation portant sur une somme d'argent, le droit anglais ne

considèrera cependant pas l'exécution en nature de cet award of an agreed sum comme

étant une specific performance198.

L'article 1142 du Code civil disposant que « toute obligation de faire ou de ne pas

faire se résout en dommages et intérêts en cas d'inexécution de la part du débiteur »,

semble admettre de façon relativement large les cas d'impossibilité d'ordre d'exécution

forcée en nature. Cet article est toutefois interprété de façon souple199 en droit français,

s'il n'est pas « désactivé »200. Effectivement, seule l'obligation portant sur la personne

impliquant une réelle intervention de celle-ci est considérée comme ne pouvant voir son

inexécution sanctionnée par l'ordre d'exécution forcée en nature. Cette obligation est

alors qualifiée comme ayant un caractère personnel et est définie par la Cour de

cassation comme étant « celle pour laquelle l'exécution forcée risquerait de porte

atteinte à une liberté jugée essentielle ». En revanche, la contrainte indirecte aux fins

d'exécution de l'obligation est admise et nous y reviendrons.

Cette considération de respect de la liberté individuelle, bien que n'étant pas

purement économique, doit cependant nécessairement être soulevée et prise en

considération car elle est essentielle et ne peut être écartée. Personne ne peut être

196 S. WHITTAKER, Un droit à la prestation plutôt qu'un droit à l'exécution ? Perspectives anglaises sur l'exécution en nature et la réparation, RDC, 1 janv. 2005, n° 1, p. 49.

197 Trade Union and Labour Relations ( Consolidation ) Act, 1992, Chap. 52, S. 236, « No court shall, whether by way of (a) an order for specific performance or specific implement of a contract of employment [ … ] compel an employee to do any work or attend at any place for doing any work », disponible sur internet à l'adresse : www.legislation.gov.uk/ukpga/1992/52/contents.

198 Y.-M. LAITHIER, Étude comparative des sanctions de l'inexécution du contrat, coll. Bibliothèque de droit privé, LGDJ, 2004.

199 M. FABRE-MAGNAN, Les obligations, coll. Themis Droit, P.U.F., 2004.200 Y.-M. LAITHIER et D. MAZEAUD, La nature de la sanction : satisfaction du bénéficiaire par des

dommages-intérêts ou primauté de l'exécution forcée en nature ?, RDC, 1 avr. 2012, n° 2, p. 681

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

contraint à exécuter une obligation impliquant sa personne même, « chacun est [ … ]

libre de refuser l'exécution de ses obligations, sauf les conséquences pécuniaires que ce

refus peut avoir pour lui »201. L'interdiction d'ordonner l'exécution forcée en nature

d'une obligation personnelle est ainsi également reprise par les Principes de droit

européen du contrat en leur article 9 :102202 et par les Principes d'UNIDROIT en leur

article 7.2.2203.

141. - L'astreinte comme solution - La sanction qu'est l'exécution forcée en

nature de l'obligation étant considérée par certains comme étant supérieure aux autres

sanctions de l'inexécution, en ce qu'elle permet de sauvegarder l'entier intérêt du

créancier et de le satisfaire exactement, le mécanisme de l'astreinte a été créé par la

jurisprudence de droit français, puis consacré par une loi du 5 juillet 1972204, afin que

toute obligation, même personnelle, puisse se voir imposé l'exécution forcée en nature.

L'astreinte est une « mesure de contrainte par laquelle un juge condamne un débiteur

récalcitrant à exécuter ses obligations sous peine de devoir verser une somme d'argent

forfaitaire par infraction constatée ou par unité de temps définie »205. Cette somme

toujours proportionnée aux moyens financiers de l'auteur de l'inexécution, étant

cependant supérieure au gain qu'il retire de son inexécution, le débiteur exécutera

généralement son obligation du fait de l'astreinte, sans qu'une contrainte physique doive

être exercée. Le droit anglais ne dispose pas d'un tel mécanisme à l'égard des personnes

201 M. PLAGNIOL, Traité élémentaire de droit civil, t.2, 4e éd., LGDJ, 1952.202 Principes de Droit européen des contrats, nov. 1998, art. 9:102 « (2) Toutefois, l'exécution en nature

ne peut être obtenue lorsque [ … ] (c) elle consiste à fournir des services ou réaliser un ouvrage présentant un caractère personnel ou dépend de relations personnelles [ … ] », disponibles sur internet à l'adresse : www.lexinter.net/JF/principes_europeens_des_contrats.htm

203 Principes d'UNIDROIT relatifs aux contrats du commerce international, version 2010, art. 7.2.2 « A défaut par le créancier de s'acquitter d'une obligation autre que de somme d'argent, le créancier peut en exiger l'exécution, sauf lorsque : [ … ] d) l'exécution présente un caractère strictement personnel [ … ] », disponibles sur internet à l'adresse :www.unidroit.org/french/principles/contracts/principles2010/integralversionprinciples2010-f.pdf

204 Instauré par la Loi du 5 juillet 1972, repris par la Loi du 9 juillet 1991, n° 91-650, art. 33 et s., actuellement présent à l'article L. 131-1 du Code de procédure civile.

205 M. FABRE-MAGNAN, Les obligations, coll. Themis Droit, P.U.F., 2004.

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

physiques, uniquement à l'égard des personnes morales, ce notamment en raison de ce

qu'adresser les sommes résultant de l'astreinte au créancier serait constitutif d'un

enrichissement sans cause206. Cette absence du mécanisme de l'astreinte serait l'une des

raisons expliquant les rares décisions d'accord de la specific performance en droit

anglais207. Il peut également être noté que dans cette hypothèse, les risques de mauvaise

exécution de son obligation par le débiteur sont élevés. Un nouveau recours à la justice

serait alors nécessaire, augmentant les coûts de transaction et diminuant par suite,

l'efficacité économique de la sanction, voire la supprimant totalement.

Le remplacement208 est également considéré par le droit français comme étant

l'exécution forcée en nature de son obligation par le débiteur. Ce mécanisme devant être

autorisé par le juge en dehors des cas d'urgence, permet au créancier de se procurer

l'objet de sa créance auprès d'un tiers, aux frais de l'auteur de l'inexécution. Cette faculté

est économiquement efficace en ce qu'elle permet au créancier de minimiser le

dommage qu'il subit du fait de l'inexécution et par suite, évite un gaspillage des

ressources, tout en évitant la contrainte physique du débiteur. Pour cette raison, le

remplacement est également présent en droit anglais. Il n'y est cependant pas considéré

comme une specific performance209 mais comme faisant partie du devoir qu'a le

créancier de minimiser son dommage.

206 S. ROWAN, Remedies for breach of contract, A comparative analysis of the protection of performance, Oxford University Press, 2012. Une solution afin de parer cette problématique serait alors de verser les sommes en cause à l’État.

207 M. H. WHINCUP, Contract Law and Practice, The English System and Continental Comparisons, Kluwer, 2nd ed., 1992.

208 Art. 1144 du Code civil.209 S. ROWAN, Remedies for breach of contract, A comparative analysis of the protection of

performance, Oxford University Press, 2012. ; S. WHITTAKER, Un droit à la prestation plutôt qu'un droit à l'exécution ? Perspectives anglaises sur l'exécution en nature et la réparation, RDC, 1 janv. 2005, n° 1, p. 49.

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

142. - Conclusion - La résolution du contrat semble donc n’être une sanction

efficace que lorsque l'inexécution du débiteur est elle-même efficace en ce qu'elle lui

permet de générer un gain supérieur à celui que le contrat initial lui procurait, tout en

indemnisant entièrement le créancier du préjudice qu'il subit du fait de l'inexécution.

À défaut, l'exécution forcée en nature devrait donc être ordonnée, en raison de son

efficacité économique, révélée par l'octroi à la victime de l'inexécution d'exactement ce

pour quoi elle avait contracté et de son effet prophylactique à l'égard des inexécutions

inefficaces. Toutefois, l'efficacité de la sanction paraît restreinte en raison de ce qu'elle

ne permet pas la mise en œuvre de mécanismes d'une plus grande efficacité

économique, tels que la minimisation du dommage et la résolution anticipée du contrat.

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

CONCLUSION GÉNÉRALE

143. - Au terme de ce qui précède, lorsque l'inexécution du contrat est

réellement efficace, ce qui n'interviendra qu'en de rares occasions, la résolution du

contrat paraît être la sanction la plus efficace, à condition que l'entier préjudice subi par

la victime de l'inexécution soit indemnisé par le biais d'expectation damages.

À défaut de violation efficace du contrat, l'exécution forcée en nature, lorsqu'elle

est possible, serait la sanction la plus efficace en raison de son effet prophylactique et de

ce qu'elle accorderait à la victime de l'inexécution exactement ce pour quoi elle avait

contracté, sans risque de sous-indemnisation ou sur-indemnisation de son préjudice qui

serait contraire à l'allocation optimale des ressources.

Cependant, l'accord d'une telle sanction va à l'encontre de deux mécanismes d'une

particulière efficacité économique, que sont le devoir de minimisation du dommage

incombant à la victime de l'inexécution ainsi que la résolution anticipée du contrat

lorsque la future inexécution du débiteur est certaine. Ces mécanismes que l'octroi de

dommages-intérêts autorise, permettent d'éviter un gaspillage des ressources, d'éviter au

créancier de subir un trop grand préjudice et accordent aux affaires une plus grande

rapidité. Notons qu'en droit français où l'exécution forcée en nature est la sanction de

principe, ces mécanismes sont plus ou moins absents. Par conséquent, dès lors que

l'exécution forcée en nature ne pourrait être accordée en raison de ce qu'elle ne

présenterait plus aucun intérêt ou autre, l'ordre d'exécution forcée par équivalent ne

devrait pas être restreint et être associé au devoir de minimisation du dommage et à la

possibilité de résoudre le contrat par anticipation.

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

144. - Ceci étant, il apparaît alors qu'une sanction ne peut être définie comme

étant économiquement efficace en elle-même. L'efficacité économique de la sanction

sera toujours relative, chacune présentant des caractéristiques d'efficacité économique et

des qualités qui la remettent en cause.

En outre, cette efficacité dépendra de l'environnement juridique dans lequel la

sanction se trouve, de la structure du marché sur lequel le contrat a été conclu, des coûts

de négociation ou encore des coûts du litige.

Enfin, l'efficacité économique de la sanction dépendra principalement de la

situation de l'espèce et de l'intérêt des parties en résultant. Afin de déterminer la sanction

la plus efficace pour le cas considéré, les parties au contrat devraient intervenir de façon

plus importante, tant en amont du contrat, le choix de la sanction de l'inexécution ayant

une incidence sur la formation et la rédaction du contrat, qu'en aval, à l'occasion de

l'inexécution de ses obligations par le débiteur. La sanction économiquement efficace

permettant à l'une des parties d’accroître ses bénéfices, tout en n'atteignant pas à la

situation de l'autre, les parties au contrat désirent effectivement des sanctions

économiquement efficaces. Sachant ce à quoi elles sont prêtes à renoncer et à quel prix,

elles paraissent être les seules à même de déterminer la sanction qui sera la plus efficace

dans leur situation.

Toutefois, si l'objet de la sanction est uniquement la protection des intérêts de la

victime de l'inexécution, la possibilité pour les parties de choisir des sanctions ayant

alors un autre objet, comme la sanction du débiteur pour son inexécution par exemple,

ce choix devrait être restreint.

L'efficacité économique de la sanction ne doit effectivement pas être le seul

déterminant de la sanction de l'inexécution contractuelle. S'il est nécessaire de la

prendre en considération, d'autres éléments doivent également intervenir dans le choix

de la sanction.

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

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PERROT ( A. ), Les critères d'appréciation de l'efficacité économique de la règle de

droit, in L'efficacité économique en droit, dir. BOLLEE ( S. ), LAITHIER ( Y.-M. ) et

PERES ( C. ), Economica, 2010.

129

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

PIMONT ( S. ), Remarques complémentaires sur le devoir de minimiser son propre

dommage, RLDC, n° 10/2004, 2004.

ROCHFELD ( J. ), Remarques sur les propositions relatives à l'exécution et à

l'inexécution du contrat : la subjectivation du droit de l'exécution, RDC, 1 janv. 2006,

n° 1, p. 113.

SEUBE ( J.-B. ), Option du contractant entre la résolution et l'exécution  : jusqu'à

quand  ?, RDC, 1 juill. 2010, n° 3, p. 909.

SIBONY ( A.-L. ), Du bon usage des notions d'efficacité, in L'efficacité de la norme

juridique, Nouveau vecteur de légitimité ?, dir. FATIN-ROUGE STEFANINI ( M. ),

GAY ( L. ) et VIDAL-NAQUET ( A. ), Bruylant, 2012.

STOFFEL-MUNCK ( Ph. ), Exécution et inexécution du contrat, RDC, 1 janv. 2009, n°

1, p. 333.

THERY ( Ph. ), L'exécution forcée, in Les concepts contractuels français à l'heure des

Principes du droit européen des contrats, dir. REMY-CORLAY ( P. ) et FENOUILLET

( D. ), Dalloz, 2003.

USUNIER ( L. ), Le rapport Doing Business 2012, la concurrence des systèmes

juridiques et l'attractivité du droit français des contrats, RDC, 1 avr. 2012, n° 2, p. 575.

VINEY ( G. ), Exécution de l'obligation, faculté de remplacement et réparation en

nature en droit français, Revue de Droit Henri Capitant, n°3, 30 déc. 2011.

WHITTAKER ( S. ), Un droit à la prestation plutôt qu'un droit à l'exécution ?

Perspectives anglaises sur l'exécution en nature et la réparation, RDC, 1 janv. 2005, n°

130

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

1, p. 49.

II - RÉFÉRENCES PORTANT SUR LE DROIT ANGLAIS OU EN

LANGUE ANGLAISE

A ) Ouvrages généraux, manuels et dictionnaires

BEALE ( H. ), HARTKAMP ( A. ), KÖTZ ( H. ) et TALLON ( D. ), Cases, Materials

and Text on Contract Law, Hart Publishing, 2002.

GARNER ( B. A. ), Black's Law Dictionary, Thomson Reuters, 9th ed., 2009.

MCKENDRICK ( E. ), Contract law, Palgrave Macmillan, 8th ed., 2009.

PEEL ( E. ), Treitel : The law of contract, Sweet & Maxwell, 12th ed., 2007.

WHINCUP ( M. H. ), Contract Law and Practice, The English System and Continental

Comparisons, Kluwer, 2nd ed., 1992.

131

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

B ) Ouvrages spéciaux, thèses et monographies

ATIYAH ( P. S. ), The Liberal Theory of Contract, in Essays on Contract, Clarendon

Press, 1988.

BURROWS ( A. ), Remedies for torts and breach of contract, 3thd ed., Oxford

University Press, 2004.

KRONMAN ( A. T. ) et POSNER ( R. A. ), The Economics of Contract Law, Little

Brown & Co, 1979.

MATTEI ( U. ), Comparative Law and Economics, Ann Arbor, The University of

Michigan Press, 1998.

POSNER ( R. A. ), Economic Analysis of Law, Little, Brown and Company, 1972.

ROWAN ( S. ), Remedies for breach of contract, A comparative analysis of the

protection of performance, Oxford University Press, 2012.

C ) Articles, chroniques et rapports

BROOKS ( R. ) :

– What Efficiency Demands : The Efficient Performance Hypothesis Defended,

Yale Law Journal Pocket, juill. 2007, part 14, n° 117.

– Who Chooses and Who Gets What : Efficient Breach and Efficient Performance

Hypotheses, The Yale Law Journal, juill. 2007, n° 116.

132

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

COASE ( R. H. ), The nature of the firm, Economica, New Series, nov. 1937, Vol. 4, n°

16, pp. 386-405.

CRASWELL ( R. ), In That Case, What Is the Question ? Economics and the Demands

of Contract Theory, The Yale Law Journal, déc. 2002, Vol. 112, p. 903.

CUNNINGTON ( R. ), Should punitive damages be part of the judicial arsenal in

contract cases ?, Legal Studies, sept. 2006, Vol. 26, n° 3, pp. 369-393.

FARNSWORTH ( E. A. ), Legal Remedies for Breach of Contract, Columbia Law

Review, 1970, Vol. 70, n° 7, pp. 1145-1216.

FULLER ( L. L. ) et PERDUE ( W. R. ), The Reliance Interest in Contract Damages,

Yale Law Journal, 1936.

HOLMES ( O. W. ), The Path of the Law, Harvard Law Review, 1897, Vol. 10, n° 457.

KLASS ( G. ), Efficient Breach, in The Philosophical Foundations of Contract Law, dir.

KLASS ( G. ), LETSAS ( G. ) et SAPRAI ( P. ), Oxford University Press, 2013.

KRAUS ( J. S. ), A Critique of the Efficient Performance Hypothesis, Yale Law Journal

Pocket, 2007, n° 116, part 423.

LAW COMMISSION, Aggravated, Exemplary and Restitutionary Damages, n° 247, 16

déc. 1997, disponible sur internet à l'adresse :

lawcommission.justice.gov.uk/publications.aggravated-exemplary-restitutionary-

damages.htm

MARKOVITS ( D. ) et SCHWARTZ ( A. ), The Myth of Efficient Breach, Yale Law

133

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School Faculty Scholarship, Faculty Scholarship Series, 2010, n° 93.

POSNER ( E. ), Economic Analysis of Contract Law After Three Decades : Success or

Failure ?, The Yale Law Journal, déc. 2002, Vol. 112, p. 829.

TEHAL ( I. ), The nature and basis of disgorgement damages for breach of contract,

Oxford University Undergraduate Law Journal, 2013, I. 2, p. 74.

III - LÉGISLATION

A ) Sources de droit international

Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises,

Commission des Nations Unies pour le droit commercial international, Vienne, 11 avr.

1980, disponible sur internet à l'adresse :

www.uncitral.org/pdf/french/texts/sales/cisg/V1056998-CISG-f.pdf

Principes d'UNIDROIT relatifs aux contrats du commerce international, Institut

international pour l'unification du droit privé, version 2010, disponibles sur internet à

l'adresse :

www.unidroit.org/french/principles/contracts/principles2010/integralversionprinciples2

010-f.pdf

134

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

B ) Sources de droit européen

Principes du Droit européen des contrats, Projet de loi de la Commission du droit

européen des contrats, dir. LANDO ( O. ), nov. 1998, disponibles sur internet à

l'adresse : www.lexinter.net/JF/principes_europeens_des_contrats.htm

Draft Common Frame of Reference, Projet de loi du Study Group on an European Code

Civil, dir. VON BAR ( C. ), oct. 2009, disponible sur internet à l'adresse :

ec.europa.eu/justice/policies.civil.docs.dcfr_outline_edition_en.pdf

C ) Sources de droit français

Codes

Code civil, éd. 2013.

Code de procédure civile, éd. 2013.

Projets de loi

Avant-projet de réforme du droit des obligations et du droit de la prescription, dit

Avant-projet Catala, dir. CATALA ( P. ), La documentation française, 2006, disponible

sur internet à l'adresse :

www.lexinter.net/JP/avant_projet_de_reforme_du_droit_des_obligations_et_de_la_pres

cription_(projet_catala).htm

Pour une réforme du droit des contrats, dir. TERRE ( F. ), coll. Thèmes &

commentaires, Dalloz, 2009.

135

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

Projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures

dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, transmis à l'Assemblée

nationale le 14 mai 2014 pour une nouvelle lecture, disponible sur internet à l'adresse :

www.assemblee-nationale.fr/14/projets/pl1729.asp

D ) Sources de droit anglais

Sale of Goods Act, 1979, Chap. 54, disponible sur internet à l'adresse :

www.legislation.gov.uk/ukpga/1979/54

Trade Union and Labour Relations ( Consolidation ) Act, 1992, Chap. 52, disponible sur

internet à l'adresse : www.legislation.gov.uk/ukpga/1992/52/contents

IV - TABLE CHRONOLOGIQUE DES DECISIONS, ARRETS,

JUGEMENTS ET AVIS

A ) Juridictions de droit français

1 ) Première Chambre civile de la Cour de cassation

Civ., 6 mars 1876, Canal de Craponne, GAJC ; D. 1876, 1, n° 193, note A.

GIBOULOT.

136

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

Civ. 1, 13 oct. 1998, n° 96-21.485, Bull. civ. 1998, I, n° 300 ; D. 1999, n° 197, note C.

Jamin.

Civ. 1, 20 févr. 2001, n° 99-15.170, Bull. civ. 2001, I, n° 40 ; D. 2001, n° 1568, note C.

JAMIN ; D. 2001, n° 3239, note D. MAZEAUD.

2 ) Deuxième Chambre civile de la Cour de cassation

Civ. 2, 19 juin 2003, n° 00-22.302 et n° 01-13.289, Bull. civ. 2003, n° 203 ;D. 2003, n°

2326, note J.-P. CHAZAL ; RTD civ. 2003, n° 716, note P. JOURDAIN ; D. 2004, n°

1346, note D. MAZEAUD.

3 ) Troisième Chambre civile de la Cour de cassation

Civ. 3, 11 mai 2005, n° 03-21.136, Bull. civ. 2005, III, n° 103 ; RTD civ. 2005, n° 596,

note J. MESTRE ; RDC 2006, p. 323, obs. D. MAZEAUD.

Civ. 3, 20 janv. 2010, n°09-65.272, Bull. civ. 2010, III, n° 14  ; RDC 2010, n° 935, note

Y.-M. SERINET ; D. 2011, n° 472, note S. AMRANI MEKKI.

Civ. 3, 10 juill. 2013, n° 12-13.851, D. 2013, n° 2658, note M. BACACHE.

137

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

4 ) Chambre commerciale de la Cour de cassation

Com., 10 févr. 2009, n° 08-12.415, RTD civ. 2009, n° 318, note B. FAGES.

B ) Juridictions de droit anglais

1 ) House of Lords

Addis v. Gramophone Co. Ltd. [ 1909 ] AC 488 ( HL ).

British Westinghouse Electric & Manufacturing Co. Ltd. v. Underground Electric Rlys

Co. of London Ltd. [ 1912 ] AC 673 ( HL ).

Dunlop Pneumatic Tyre Co. Ltd. v. New Garage & Motor Co. Ltd. [ 1915 ] AC 79

( HL ).

White and Carter ( Councils ) Ltd. v. McGregor [ 1962 ] AC 413 ( HL Sc ).

Beswick v. Beswick [ 1966 ] AC 58 ( HL ).

Ruxley Electronics and Construction Ltd. v. Forsyth [ 1996 ] AC 344 ( HL ).

Lipkin Gorman v. Karpnale Ltd. [ 1991 ] 2 AC 548 ( HL ).

Co-operative Insurance Society v. Argyll Stores Ltd. [ 1998 ] AC 1 ( HL ).

Attorney General v. Blake [ 2001 ] 1 AC 268 ( HL ).

2 ) Court of Appeal

Payzu Ltd. v. Saunders [ 1919 ] 2 KB 581 ( CA ).

138

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

James Finlay & Co. Ltd. v. NV Kwik Hoo Tong Handel Maatschappij [ 1929 ] 1 KB 400

( CA ).

Watts v. Morrow [ 1991] 1 WLR 1421 ( CA ).

Buckland v. Bournemouth University Higher Education Corp [ 2010 ] EWCA Civ 121,

2010 All ER ( D ) 299 ( Feb ) ( CA ).

3 ) High Court

a ) Queen's Bench Division

Robinson v. Harman [ 1848 ] 1 Exch. 850, [ 1843 – 60 ] All ER Rep 383, 154 ER 363.

Hochster v. De la Tour [ 1853 ] 2 E & B 678, 118 ER 922 ( QB ).

Denne v. Light [ 1857 ] 8 De GM&G 774 ( QB ).

Sunley Ltd. v. Cunard White Star Ltd. [ 1939 ] 2 KB 791.

Dennant v. Skinner and Collom [ 1948 ] 2 KB 164.

b ) Chancery Division

Tito v. Waddell ( No 2 ) [ 1977 ] Ch 106.

Patel v. Ali [ 1984 ] Ch 283.

139

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

TABLE ALPHABÉTIQUE

A

Attorney General v. Blake : 33, 68,

127.

B

Bien-être social : 10-13, 84-86, 91-

92, 103-104, 120

C

Coût de l'(in)exécution : 66, 77,

92, 94-95, 103, 132.

F

Foi :

Bonne foi : 44, 134, 138.

Mauvaise foi : 55, 132, 134-135,

138.

G

Gains-based damages : 25, 33, 59,

73, 88, 92.

Gaspillage des ressources : 11, 38,

88, 92, 110, 134, 141.

I

Inadéquat(e) : 25, 43, 73, 92, 101,

116.

Inexécution lucrative : 86, 103-

104, 120, 126-127, 130.

M

Marché : 10, 43, 69, 101, 118-120.

Moral(e) : 10, 25-26, 69, 73-75, 88,

99, 127.

140

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

P

Punitive damages, punitif : 31, 59,

77, 88, 91-93, 123-124 127, 138.

R

Remplacement : 43-44, 53, 58-59,

69, 73, 110-111, 118-119, 134, 141.

Rupture anticipée : 55, 106-111,

143.

V

Valeur de l'obligation : 58, 66-67,

84, 88, 101, 116.

141

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

TABLE DES MATIÈRES

REMERCIEMENTS p.1

LISTE DES ABRÉVIATIONS p.3

SOMMAIRE p.5

INTRODUCTION p.6

PREMIÈRE PARTIE - L'OCTROI DE DOMMAGES-INTÉRÊTS

COMPENSATOIRES p.18

TITRE I - La définition du dommage juridiquement réparable p.19

Chapitre 1 - L'évaluation du dommage de la victime de l'inexécution p.19

Section 1 - L'incidence de la fonction de la sanction dans l'évaluation du coût

de l'inexécution p.20

Paragraphe 1 - Les sanctions incitant à l'exécution du contrat p.20

Paragraphe 2 - Les sanctions protectrices des intérêts du créancier p.22

Section 2 - Une politique présumant une sanction autre ? p.24

Paragraphe 1 - La politique de droit anglais p.25

Paragraphe 2 - La politique de droit français p.26

142

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

Chapitre 2 - La fonction a priori compensatoire des dommages-intérêts p.28

Section 1 - La fonction compensatrice des dommages-intérêts outrepassée p.28

Paragraphe 1 - Le dommage uniquement et entièrement réparable p.29

Paragraphe 2 - L'introduction des gains-based damages en droit

anglais p.30

Section 2 - L'incidence du comportement des parties au contrat sur le montant

des dommages-intérêts p.32

Paragraphe 1 - L'incidence de la faute de l'auteur de l'inexécution p.32

Paragraphe 2 - L'incidence du comportement de la victime de

l'inexécution p.34

TITRE II - L'efficacité économique de l'exécution forcée par équivalent p.36

Chapitre 1 - L'efficacité économique de la sanction conditionnée par le devoir de

minimisation du dommage p.36

Section 1 – Le devoir de minimiser son dommage incombant à la victime de

l'inexécution p.37

Paragraphe 1 - Le principe de droit anglais expliqué p.37

Paragraphe 2 - La faculté de remplacement de droit français p.39

Section 2 - L'efficacité économique de la minimisation du dommage p.40

Paragraphe 1 - Le gaspillage des ressources évité p.41

Paragraphe 2 - L'accroissement des hypothèses d'inexécution

efficace p.42

Paragraphe 3 - L'adoption de la minimisation du dommage démontrant

l'efficacité du mécanisme p.43

143

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

Chapitre 2 - Les conséquences du devoir de minimisation du dommage dans le

cadre de l'octroi de dommages-intérêts compensatoires p.44

Section 1 - Minimisation du dommage et autres sanctions p.45

Paragraphe 1 - Minimisation et exécution forcée en nature p.45

Paragraphe 2 - Minimisation et résolution du contrat p.47

Section 2 - Minimisation du dommage et date d'évaluation du préjudice p.48

Section 3 - Minimisation du dommage et performance interest p.49

TITRE III - Les difficultés rencontrées dans la mesure du dommage

juridiquement réparable p.51

Chapitre 1 - La méthode d'évaluation du dommage de la victime de

l'inexécution p.51

Section 1 - Les différents outils de mesure du dommage résultant de

l'inexécution p.52

Paragraphe 1 - La détermination du dommage par le biais du cost to

complete p.52

Paragraphe 2 - L'efficacité économique supérieure de la diminution in

value p.54

Section 2 - Les difficultés subsistant dans la détermination de l'outil

économiquement efficace p.57

Chapitre 2 - Les difficultés dans l'évaluation des coûts et bénéfices liés à

l'exécution ou inexécution p.59

Section 1 - L'évaluation du dommage non-pécuniaire p.60

144

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

Paragraphe 1 - L'expression pécuniaire imparfaite du dommage moral et de

la valeur subjective de l'obligation p.60

Paragraphe 2 - La preuve du dommage non-pécuniaire p.61

Section 2 - La sous-estimation du coût de l'inexécution pour le débiteur p.63

DEUXIÈME PARTIE - LA RÉSOLUTION EFFICACE OU L'EXÉCUTION

FORCÉE EN NATURE p.66

TITRE I - La résolution judiciaire du contrat p.67

Chapitre 1 - La résolution judiciaire pour violation efficace du contrat p.67

Section 1 - L'efficacité économique de la résolution du contrat p.67

Paragraphe 1 - L'efficacité économique de l'inexécution indispensable à

celle de la sanction p.68

Paragraphe 2 - L'admissibilité de la résolution du contrat pour inexécution

efficace p.71

Section 2 - Les obstacles aux hypothèses de violation efficace du contrat p.74

Paragraphe 1 - Les dommages-intérêts et la violation efficace du

contrat p.74

Paragraphe 2 - La décision de justice et la violation efficace du

contrat p.78

Chapitre 2 - La résolution anticipée, un mécanisme alternatif nécessairement

efficace p.80

Section 1 - Les difficultés émanant de l'admission de la violation efficace

du contrat p.81

145

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

Paragraphe 1 - Les difficultés d'ordre moral p.81

Paragraphe 2 - Le risque d'admission d'une violation inefficace p.84

Section 2 - La résolution anticipée du contrat p.86

Paragraphe 1 - L'admissibilité du mécanisme p.87

Paragraphe 2 - L'efficacité économique de la résolution anticipée du

contrat p.90

TITRE II - L'exécution forcée en nature p.93

Chapitre 1 - L'efficacité économique de l'exécution forcée en nature p.93

Section 1 - La préservation de l'intérêt de l'outil juridique qu'est le contrat p.93

Paragraphe 1 - Une sanction permettant le parfait respect de la

convention p.94

Paragraphe 2 - Une sanction nécessaire au bon fonctionnement du

marché p.98

Section 2 - La dissuasion de comportements économiquement

inefficaces p.101

Paragraphe 1 - L'effet prophylactique de la sanction p.101

Paragraphe 2 - La sanction des comportements purement

opportunistes p.105

Chapitre 2 - L'efficacité économique de l'exécution forcée en nature

relativisée p.109

Section 1 - L'inefficacité économique de l'imposition systématique de la

sanction p.109

146

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Analyse économique des sanctions de l'inexécution du contratÉtude comparative de droit anglais et de droit français

Paragraphe 1 - La restriction des hypothèses de violation efficace du

contrat p.110

Paragraphe 2 - L'exécution forcée en nature comme obstacle au devoir de

minimisation du dommage p.113

Section 2 - La limitation des possibilités d'ordre d'exécution forcée en

nature p.115

Paragraphe 1 - Le coût disproportionné de mise en œuvre de la

sanction p.115

Paragraphe 2 - Une impossibilité a priori absolue d'imposition de la

sanction p.119

CONCLUSION GÉNÉRALE p.124

BIBLIOGRAPHIE p.126

TABLE ALPHABÉTIQUE p.140

TABLE DES MATIÈRES p.142

147