L'Égyte symbolique revue194

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pour une renaissance philosophique

Art et symbolisme

Le nud dIsis, symbole de vieCivilisations

Thbes, cit du ciel et de la terreSciences

La mdecine en gypteSocit

Peut-on tre heureux dans un monde en crise ?Question philo

La raison empche-t-elle la barbarie ?

DOSSIER

L gyptesymboliqueRevue de Nouvelle Acropole N 194 3 Numro de septembre - octobre 2006

La philosophie un art de vivreDcouvrir la sagesse de lhumanit, la vie, lhomme et le mondeLassociation philosophique Nouvelle Acropole vous propose :

Cours de philosophie dOrient et dOccidentProgramme du cycle de coursDialoguez avec les philosophes de tous les temps sur les questions daujourdhui. Dans ce cycle de 16 sances, vous dcouvrirez la richesse des philosophies compares de lOrient et de lOccident, prsentes dune manire accessible et vivante. Lducation se limite-t-elle la Introduction transmission dun savoir-faire? Quest-ce que la philosophie ? Ethique Quest-ce que lhomme ?Platon et lveil de lme dans la philosophie grecque. Des enseignements traditionnels aux approches contemporaines : une vision globale de lindividu.

Philosopher cest sinterroger, car la vie est une nigme, et les apparences nous cachent souvent lessentiel. Cest aussi apprendre se connatre pour progresser et samliorer. Philosopher cest vivre mieux en tirant parti de nos potentialits et en vivant pleinement chaque instant. Cest aussi partager avec les autres, car vivre en philosophe cest offrir le meilleur de nous-mmes tous ceux qui nous entourent.

Philosophie de lhistoire Lhistoire a-t-elle un sens et une finalit?La logique de lhistoire

Quest-ce que lhomme ?Les plans de conscience de ltre humain dans la philosophie orientale.

Lhistoire se nourrit-elle de mythes?Les liens entre mythe et histoire.

Peut-on raliser ses aspirations profondes ?La voie du bonheur selon Socrate.

Lhistoire se rpte-t-elle toujours?La loi des cycles dans lhistoire et dans les traditions orientales.

Avons-nous un destin?La voie du combat intrieur et de laction juste dans la philosophie de lInde et la Bhagavad-Gt.

Lhistoire nous permet-elle dentrevoir le futur?Le devenir de lhumanit en question.

La souffrance a-t-elle un sens?La voie du dtachement du bouddhisme et des philosophes stociens.

ConclusionLes voies de la connaissance dans les coles de philosophie. Devenir philosophe ou la naissance soi-mme.

Philosophie politique Peut-on raliser ses aspirations dans la socit ?Lidal du citoyen selon Platon.

Dialogue philosophiqueUne initiation au dialogue socratique autour dun thme philosophique choisi par les participants.

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de cette revue les adresses des centres Nouvelle Acropole o se droulent les cours.

Lhomme est-il un loup pour lhomme ?Le totalitarisme et les maladies de notre temps.

Ateliers pratiquesExercices pratiques autour de la connaissance de soi sur le plan du corps, des nergies, du plan motionnel et du plan mental. Un manuel de cours et une bibliographie sont remis chaque participant.

Comment vivre les diffrences dans la socit ?Le sens de la justice chez les philosophes grecs et dans la pense gyptienne.

pour une renaissance philosophique N 194 septembre - octobre 2006 3

NOTRE COUVERTURE : L GYPTE SYMBOLIQUE

Nouvelle Acropole Revue n194 - ISSN 0396-7387 - Dpt lgal septembre 2006. dit par la Fdration Franaise des Nouvelle Acropole, association franaise rgie par le dcret loi du 1er juillet 1901 Sige social Administration : La Cour Ptral, D941, 28340 Boissy-ls-Perche Rdaction 13, rue Pclet 75015 Paris - 01 45 30 01 30 Internet : http://www.nouvelleacropole.org Directeur de Publication : Fernand SCHWARZ - Rdacteur en chef : Isabelle OHMANN - Secrtariat de rdaction : Marie-Agns LAMBERT - Maquette : Sylvie COTS ET Caroline LAFITTE - Crdit photo : Nouvelle Acropole - Impression : Gabel Prix de vente : 3 - Reproduction interdite sans autorisation. http://www.revue-acropolis.com

Sommaire5 Editorial La sagesse des gyptiensPar Fernand SCHWARZ

Prochain numro N 195 : Les anctres Parution novembre 2006

6 Socit Peut-on tre heureux dans un monde en crise ?Par Fernand SCHWARZ

8 Civilisations Thbes, cit du ciel et de la terrePar Laura WINCKLER

10 Sagesses Le nud dIsis, symbole de viePar Sylvianne CARRIE

D O S S I E R

14 10

12 Sciences La mdecine en gyptePar Marie-Agns LAMBERT

14 Rencontre avec Fernand SchwarzPar Marie-Agns LAMBERT

17 Art et symbolisme Lankh, cl de la Vie et de la MortPar Marianne LEFEBVRE

8

18 Psychologie C.G. Jung, le jeu des atittudes et des fonctionsPar Maryse CHATELIER

12

20 Philosophies Hraclite dphsePar Brigitte BOUDON

21 Question philo La raison empche-t-elle la barbarie ?Par Hlne SERRES

22 Philosophie vivre Les quatre saisonsPar Dlia STEINBERG GUZMAN

24 Traditions Traditions et lieux de culte du PerchePar Jean-Pierre LUDWIG

22

27 La page Calliope Le laurats du IXe concours de posiePar Marianne LEFEBVRE

28 lire Philosophies de lthiquePar Marie-Agns LAMBERT

6 24

29 lire 33 Exposition Les Perses Sassanides, fastes dun empire oubliPar Marie-Agns LAMBERT

34 Agenda

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Acropolis est une revue philosophique indpendante. Elle dveloppe une rflexion contemporaine sur la vie et sur lindividu, ancre dans les philosophies et les sagesses traditionnelles. Elle se veut libre de toute publicit. Sabonner ou abonner un ami lui permet de continuer exister.Acropolis est aussi sur internet : www.nouvelleacropole.org Vous pourrez y consulter les articles de votre choix. Sur www.revue-acropolis.com consultez la revue acropolis au format pdf.

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Prochain numro N 195

Les anctresCivilisations : le culte des anctres en Chine Psychologie : La biopsychognalogie Sciences : Le darwinisme en crise Et parmi nos rubriques : Socit : Quelle ducation pour quelle jeunesse ? Philosophies : Lopold Senghor Rencontre avec : velyne Bissone Jeufroy, laccompagnement par le coachingSortie le 1er novembre 2006 - Prix du N: 3

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EditorialLa sagessedes gyptiens est le cur-conscience qui fait que son possesseur coute ou ncoute pas. Si lacte dcouter sans cesse pntre celui qui coute, celui coute devient celui qui entend. Quand lcoute est bonne, la parole est bonne. Celui qui sait couter acquiert la matrise de ce qui est lumineux et utile. couter est profitable celui qui coute, couter est meilleur que tout. Ptah hotep, vers 2500 av. J.-C. Le plus vieux livre du monde est gyptien. Cest ainsi qua t nomm le recueil de sagesse de lminent vizir gyptien de lpoque des pyramides, Ptah hotep. Ses conseils sont dtonnante actualit et remplis de philosophie. Ils sadressent tous ceux qui veulent dvelopper lart de bien vivre avec autrui et apprendre comment tablir dexcellentes relations de travail en quipe et avec sa hirarchie. La premire rgle est dapprendre observer et couter avant dagir, ce qui rclame tout dabord une excellente matrise de soi et le dveloppement de perceptions qui permettent daller au-del des apparences. Cest ainsi que ce prtre de Thot, le dieu de la connaissance chez les anciens gyptiens, encourageait les jeunes de son poque pour pouvoir sintgrer professionnellement dans les rouages dune des civilisations qui encore aujourdhui nous tonne par son savoir-vivre et son humanit. Les gyptiens avaient dvelopp une institution appele la maison de vie, pour former ce que lon appellerait aujourdhui ses cadres, qui dailleurs venaient de toutes les origines sociales, puisquils cherchaient avant tout un recrutement de qualit plutt que de favoriser certains groupes sociaux et des charges hrditaires. Prends conseil auprs de lignorant comme du savant Une parole parfaite est plus cache que la pierre verte ; on la trouve pourtant auprs des servantes qui travaillent sur la meule crivait Ptah hotep. La maison de vie navait pas simplement comme mission la formation intellectuelle, mais comme les prceptes de Ptah hotep lindiquent, lapprentissage des mystres de la vie, par un vcu quotidien qui permet le mieux vivre ensemble. Ceci explique probablement ltonnante longvit de cette civilisation qui a survcu plusieurs crises en tant capable de rebondir pendant des millnaires. De nombreux chercheurs, grecs notamment, furent attirs par les enseignements des maisons de vie gyptiennes, et nous savons aujourdhui que beaucoup de connaissances que nous ont transmis un Thals, un Pythagore, un Platon, ont t rcrites pour la mentalit grecque daprs ces sources gyptiennes. Ainsi ils ont cr une passerelle qui sest habille du mot philosophie pour transmettre des mystres millnaires. Cest ces dcouvertes que nous invitons nos lecteurs, pour leur inspirer dexcellentes perspectives pour votre rentre.Par Fernand Schwarz Prsident de la Fdration franaise Des Nouvelle Acropole

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Socit

Peut-on tre heureuxdans un monde en crise ?Par Fernand Schwarz

CHACUN DENTRE NOUS EST CONFRONT, TOUT AU LONG DE SON EXISTENCE, DES CRISES QUI REMETTENT EN CAUSE NOS CERTITUDES, NOTRE CONFORT, NOTRE SYSTME DE PENSE ET DE CROYANCE. COMMENT EN SORTIR ? PAR LATTITUDE PHILOSOPHIQUECONSISTANT METTRE EN PLACE UNE ACTION ET UN COMPORTEMENT JUSTES POUR RETROUVER LHARMONIE ET LQUILIBRE.ur notre chemin, surgissent rgulirement des obstacles et des vnements non dsirs. Ils provoquent parfois un tat de crise et nous amnent nous questionner.

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agrables ou que lon naime pas.

quoi servent les crises ?Face la crise, nous pouvons ragir de deux faons : soit nous paniquons, perdons nos moyens et devenons vulnrables et ce sont ladversit, les ncessits et les circonstances qui nous emportent et nous garent ; soit nous dveloppons une attitude plus profonde, calme, enracine et parfois mme impartiale, nous permettant de nous concentrer et de nous stabiliser, de mieux nous connatre, de retrouver la confiance en soi et dans les autres. Nous serons donc moins vulnrables. Nous avons en nous deux systmes dadaptation. Le premier est biologique, mcanique, cest linstinct de conservation qui nous permet des adaptations impressionnantes mais dj presque programmes. Le deuxime systme est le rseau de lintelligence, lEsprit disaient les Anciens. Lesprit vient de souffle. Il faut souffler pour respirer, pour sortir de

Quest-ce quune crise ?La crise est une rupture dquilibre. Le modle habituel qui a servi pour travailler, agir dans la vie quotidienne, entrer en rapport avec soi-mme et autrui, ne fonctionne plus et ne donne plus les rsultats escompts. La crise vient du fait que nous sommes devenus figs et immobiles lintrieur de nous. Ds quune vraie crise sannonce nous ne pouvons plus agir par habitude ou par confort. Nous devons changer. Pour les Grecs crisis veut dire dcision. La crise est un vnement qui exige de prendre une dcision, dans une priode importante, voire prilleuse pour nous-mme et notre existence. Cest un acte volontaire de rflexion et non pas un acte impulsif. Il faut agir en prenant les bonnes dcisions, mme si cela exige parfois de supporter des situations peu

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DOSSIERltouffement, pour penser et agir. Il faut mobiliser notre esprit, faire appel cette crativit que nous avons en nous-mmes pour faire tomber les rigidits dues nos cloisonnements et retrouver la volont de vivre. Lintelligence, cest la facult dtre en rsonance avec une chose, trouver son esprit, sa loi, sa propre identit. Lintelligence peut alors aller beaucoup plus loin, elle peut nous faire capter, percevoir des choses au-del de la simple spculation. Parfois certains problmes nont pas de solution, en tout cas pas celle que lon aimerait. Il faut accepter cette ralit et changer notre regard sur les choses. nimaginaient pas que leur empire allait scrouler et il sest pourtant effondr. Il faut donc penser limpensable sans tre fataliste ni pessimiste. Il faut accepter des philosophies dactions diffrentes. Cela nous oblige revoir nos critres, nos options, nos valeurs, notre faon dapprhender le monde, de le connatre, de rentrer en relation avec lui. lon a compris comment faire en reliant les choses entre elles au lieu de les opposer. Selon Socrate, notre ennemi fondamental nest pas lignorance, mais lignorance sans besoin de changement intrieur. Si nous acceptons notre ignorance, nous pouvons nous changer nous-mmes. Sortir de lignorance permet de constater quaucun bonheur durable ne peut dpendre dautrui ou dune chose. Si lon conditionne son bonheur ce que lon doit possder, on peut le perdre. Les grecs appelaient donc eudaemonia le bonheur des philosophes, cet tat dtre, indpendamment des situations que lon vit. Les conditions de ce bonheur impliquent une formation de soi.

Que se passe-t-il en cas de crise ?En cas de crise, nous passons par quatre phases : La premire, cest le choc puisque lon ne lattendait pas. Si nous sommes suffisamment forts malgr le choc, nous rsistons. La seconde tape est celle de la dfense, du retrait, du repli sur soi, cest instinctif. Ensuite nous avons envie de continuer agir comme avant. Mais nous devons examiner les dysfonctionnements, nous remettre en question et tudier ce quil faut garder et changer. Et le changement est obligatoire puisquil y a crise. La troisime tape est celle de lacceptation de la ralit telle quelle est pour pouvoir agir sur elle. Enfin la quatrime phase est celle de ladaptation et du changement dans laquelle arrive un nouveau mode de fonctionnement. Et cela peut prendre du temps.

Un changement de regardLa vie nest jamais ni toute rose ni toute noire et les choses ne sont jamais aussi opposes les unes aux autres. Si certains problmes nont pas de solution, nous devons essayer de comprendre et dagir. Pour rpondre aux Stociens, Jorge Livraga disait : Il ne suffit pas de changer le monde, il suffit simplement de changer la perspective. Si nous pouvons changer notre perspective, notre rapport aux circonstances, nous pouvons envisager les choses autrement pour trouver la bonne position et la bonne orientation. Ainsi, quand nous nous sommes recentrs, quand nous avons chang notre regard et notre manire de voir, nous sommes capables de voir les choses autrement et dacqurir une flexibilit, une adaptabilit face nos raideurs. viter la crise nest pas toujours possible. Sy prparer lavance, avec lucidit, confiance en soi, cest toujours mieux. Il faut penser limpensable, accepter que limpensable puisse arriver et alors limpensable devient plus comprhensible. Personne ne pensait lcroulement du mur de Berlin et pourtant il est tomb. Les Romains

La recherche du bonheurIl faut apprendre dvelopper laction et le comportement justes en mettant en avant certaines vertus et qualits. La premire vertu est le courage, celui de se remettre en question et de changer ses perspectives. Au courage sajoutent la temprance et une certaine forme de prudence, cest--dire la sagesse dagir avec mesure dans lexistence, pratiquer ce qui est juste, quilibr, comme dirait Socrate. Trouver la voie pour retrouver lharmonie et lquilibre. Une autre qualit est la pietas qui est le devoir librement consenti envers autrui et non pas le devoir par contrainte. Faire son devoir, cest faire ce qui est ncessaire pour sortir de la crise. Ainsi le bonheur ne dpend pas des circonstances mais de soi, des vertus et des qualits que lon dveloppe face ladversit, de la prise en main de son propre destin, de la confiance en soi. Si nous pouvons raliser tout cela, alors oui nous pouvons tre heureux dans un monde en crise.

Quapporte la philosophie en cas de crise ?La philosophie permet de slever au-dessus des contraintes, des circonstances, pour pouvoir les regarder dun point de vue plus lev et dans leur ensemble et prendre de la distance. Lobjectif est de voir la situation dans sa globalit, cest--dire, voir ce qui nous arrange et nous drange. Il va falloir intgrer et relier ces deux facettes contraires pour trouver le bonheur. Le bonheur arrive donc non pas parce que les choses se sont arranges mais parce que

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Civilisations

Thbescit du Ciel et de la TerrePar Laura Winckler

THBES, ACTUELLE VILLE DE LOUXOR EN HAUTE GYPTE, FUT AU MOYEN ET AU NOUVEL EMPIRE (VERS 1550-1070 AV. J.-C.), UN DES HAUTS LIEUX MAJEURS DE LHISTOIRE GYPTIENNE. SOUS LA XXIME DYNASTIE, ELLE VACONNATRE UN DCLIN ET SERA DFINITIVEMENT ABANDONNE ET MISE SAC EN 665 AV. J.-C. PAR ASSOURBANIPAL ET LES ENVAHISSEURS SYRIENS. DE SON PRESTIGE, IL NEN RESTERA QUE LES TEMPLES ET LES MONUMENTS.

Thbes, ville cosmique, modle des cits gyptiennesLa ville de Thbes servit de modle toutes les villes gyptiennes. Les gyptiens choisirent le symbole du sceptre ouas du souffle divin et la plume de Mat comme emblme de Thbes (Ouaset, nom gyptien de la ville, signifiant la cit du sceptre ouas). Cet emblme indique le puissant pouvoir cosmique de Thbes. Premire mergence sortie des eaux primordiales, Thbes est lle de la premire fois. Synthse du cosmos, elle fut le sol de la vie o Dieu vint lexistence. lorigine, on lappelle lOrbe du monde entier, car ses pierres dangles correspondent aux quatre poteaux du ciel. Elles soutiennent la vote cleste pour celui dont le nom est cach. Il sagit du dieu Amon. Rgente du monde, Thbes, daprs la ddicace de la porte dvergte Karnak, est le lieu dorigine du souffle pour tout nez cest--dire lendroit o le soleil nat chaque matin pour renouveler la premire fois.

La triade divine ThbesAux temps les plus anciens, une puissance divine nomme Montou, homme tte de faucon, se manifesta dans la province de Thbes. Au Nouvel Empire, il seffaa devant le dieu Amon. Amon a model luimme luf cosmique do il sortit. Il a cr le monde, lev le ciel la largeur de ses bras et largi la terre la mesure de son pas. Il demeure cach et ses formes sont innombrables. Il est dieu du vent, de lair, du souffle vital, mais il est galement dieu de leau, assimil souvent au gnie du Nil Hpy et surtout au noun, locan dnergie primordiale do mane toute vie. Quand il se manifeste sous la forme dAmon-R, il est reprsent par un blier, incarnation de la puissance, ainsi que par loie du Nil dont le cri voque le premier son qui donna naissance au monde. Quand il prend la forme dAmon-Min, il apparat comme un dieu debout, le corps enserr dans un linceul blanc avec un sexe en perpetuelle rection. Il reprsente la capacit de gnrer. Amon a deux pouses complmentaires. La premire Amoni, adopte la forme de la desse Neit de Sas, avec une couronne rouge en forme de mortier do nat une spirale. Elle est ltre neutre do surgissent les multiples formes vitales. La seconde, Mout, signifie mre et mort. Elle est le dbut et le terme. Elle apparat sous la forme dune femme couronne, tte de lionne ou sous la forme dune chatte. Amon cre une vie perptuellement rgnre qui saffirme sous la forme du dieu fils Khonsou dont le nom signifie celui qui traverse le ciel. Portant sur la tte le croissant de la lune, Khonsou fut conu comme un intermdiaire entre la terre et le cosmos. Hritier de la lumire divine, il a pour fonction dentretenir les forces cratrices de lorigine afin quelles ne se dispersent pas dans la manifestation.

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DOSSIERThbes, lintersection de la gographie sacreThbes devint le sige de la ncropole royale pendant toute la priode du Nouvel Empire avec le creusement dans la montagne de dizaines dhypoges royaux. La cit comportait plusieurs temples rpartis sur les deux rives du Nil : la rive orientale et la rive occidentale. Sur la rive orientale de Thbes, se dressaient les maison des vivants, avec au cur de la cit des vivants, le double sanctuaire du dieu Amon, constitu des temples complmentaires de Karnak et Louxor. puissance de fcondit et de reproduction. Le sanctuaire apparat comme le temple du ka (1) royal, la part divine et la puissance cratrice du roi. Le roi nat avec son ka, son me inaltrable. Mais lors des crmonies du couronnement, il est uni au ka royal, hritage qui se transmet de pharaon en pharaon. Les deux temples tracent les deux axes de la gographie sacre qui se croisent au cur de la ville : laxe cosmique est-ouest oriente le temple de la cration dAmon-R Karnak et laxe terrestre nord-sud celui dAmon-Min Louxor. La montagne thbaine louest est le lieu de la rgnration. Les temples de Karnak et de Louxor sont relis par une avenue parallle au Nil, borde de sphinx, le dromos. Le chur du temple de Mout est au sud et reoit la semence dAmon. Dans son sanctuaire, on y a retrouv des dbris de statues de la desse lionne Sekhmet. larrire du temple, un lac en forme de demilune symbolise les eaux primordiales. La Cime de lOccident, cime thbaine ou cime des Transformations, situe sur la rive occidentale, rive des morts et de la rsurrection, est une pyramide naturelle habite par la desse du Silence, Meret Seger qui unit le ciel la terre. Elle est une hypostase dHathor-Mat, desse du droit et de la morale. Le flanc nord de la cime abrite la Valle des Rois et le flanc sud, la Valle des Reines. geant laxe sacr du temple, et se dirige vers le temple funraire de la Reine Hatchepsout. Pharaon passe la nuit prs de la statue divine dAmon pour se rgnrer. Il fait le plein dnergie pour la transmettre son peuple. Cinq mois plus tard, la dcrue, lors de la fte de lOpet, clbre Louxor pour la rgnration du ka des pharaons, une autre procession traverse le Nil. Les prtres portent alors la statue du dieu Amon de Louxor, le protecteur du ka royal, et se dirigent vers le temple des Millions dAnnes de Ramss III, Medinet Habou. L-bas, Pharaon fte le retour de la fertilit et de la prosprit de lgypte. Le parcours des deux statues dAmon recre la croix de vie et de lumire, reliant dune manire dynamique et vivante les deux rives de la cit. Cit des vivants au soleil levant, cit des morts au soleil couchant, la vie manifeste sur le rivage oriental, la vie dans lau-del sur le rivage occidental, miroir du ciel sur terre, cit modle pour toutes les villes, voil ce qui rsume la ville de Thbes qui na pas encore rvl tous ses mystres.(1) Ka : il sagit de la force vitale et cratrice, le double de lindividu, qui dtermine sa personnalit. lire Symbolique de lgypte, naissance de la spiritualit, Fernand SCHWARZ, ditions du huitime Jour, 25 Thbes, Jorge Angel LIVRAGA, ditions Nouvelle Acropole, 1991 Fous dgypte, Florence QUENTIN, Bayard, 189 pages, 20 Une journaliste diplme dgyptologie fait parler trois grands spcialistes de lgypte, J.P. Corteggiani, J.Y. Empereur, Robert Sole, dont la passion porte sur des priodes diffrentes : lgypte pharaonique, hellenistique et moderne.

Le temple de KarnakDans le temple de Karnak (ipet sout), reprsentant le naissance de lunivers, le dieu Amon-R apparat sous les traits du crateur du monde. Situ dans laxe est/ouest, perpendiculaire au Nil, le temple dAmon-R est orient en fonction du solstice dhiver, symbolisant la renaissance de la lumire. Ce jourl, le soleil se lve dans son axe. Il se couchera derrire le temple dHatchepsout (dans le prolongement du temple dAmon sur la Cime Thbaine), le jour du solstice dt. Cette orientation tablit une relation entre les forces de la cration et celle de la rgnration dans lau-del. Dans la partie sud du sanctuaire, se trouve le temple de Khonsou, symbolisant le placenta divin, et associ au ka et la force nourricire de lau-del. Un second axe nord/sud organise lespace, partir dun centre crmoniel circonscrit par quatre oblisques et le relie au centre du temple actuel. Lintersection des deux axes dlimite la partie la plus sacre des salles hypostyles.

Les rites de lunion des deux rivesUne srie de rites annuels relie les deux rives. Au mois de payni (avrilmai), lorsque les forces du chaos paraissent puiser les terres dgypte, la statue du dieu Amon de Karnak sort du temple pour clbrer la Belle Fte de la Valle sur la rive occidentale de Thbes. La procession, guide par Pharaon, traverse en ligne droite le Nil, prolon-

Le temple de Louxor Louxor, Amon se prsente sous la forme dAmon-Min, signifiant sa

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Sagesses

Le nud dIsis symbole de viePar Sylvianne Carri

LE NUD DISIS OU TIT EST UN SYMBOLE GYPTIEN QUI RESTE AUROL DE MYSTRE. LE LIVRE DES MORTS DU NOUVEL EMPIRE LATTRIBUE GNRALEMENT LA DESSE ISIS ET PRCISE MME QUIL SAGIT DU SANG DISIS, CE QUI EXPLIQUE SA COULEUR HABITUELLE ROUGE. QUIL SOIT PORT PAR LES VIVANTS OU LES MORTS, IL ASSURE LA PROTECTION MAIS SON RLE VA BIEN AU-DEL.ivinit bien-aime de lEgypte ancienne, synthse des archtypes fminins, Isis est un principe universel dont les diverses formes dexpression canalisent un aspect du deuxime rayon de la puissance divine, que les Grecs appelaient le Logos. la fois, pouse, desse-mre, magicienne, elle porte le mystre du processus dincarnation de la vie ainsi que les cls de sa libration. Ses reprsentations sont multiples : assise sur son trne, elle est le sige, la matire matrise ; debout, portant lankh ou croix de vie, et coiffe de lescalier dont les trois marches symbolisent lordre du monde, elle signale le chemin. Dans sa forme hathorique, (sa coiffe surmonte de cornes de vache do surgit le soleil), elle allaite lenfant Horus, la lumire renaissante. Origine, flux et reflux sont contenus dans son symbole, le nud dIsis ou Tit.

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dnouer ses attaches mortelles pour accder limmortalit.

Le nud, symbole de rsurrectionIsis est la sur et lpouse du dieu Osiris, dieu du passage, des cycles et de la rsurrection. Ce dernier, originellement associ lge dor de lhumanit, sera trahi, tu et dpec par son frre Seth, principe de dissolution, qui en dispersera les morceaux dans toute lgypte. Alors commencera la longue qute dIsis, la veuve, pour dabord retrouver toutes les parties du corps dOsiris et ensuite lui redonner son intgrit vitale. Cest grce son nud et avec laide de sa sur Nephtys, pardre de Seth, donc en salliant les forces antagonistes de lexistence, quIsis parviendra ranimer magiquement son poux.

Le nud, lien entre le visible et linvisibleLe nom de la desse est form des doubles sons I et S dont les reprsentations hiroglyphiques signifient respectivement lpanouissement de la vie et un verrou ou cordon se rfrant laction de nouer. Dans un nud, les deux parties du lien gardent leur identit propre tout en devenant solidaires dun tout qui les contient sans les rduire. Cest ainsi que les gyptiens concevaient le jeu de la cration, un jeu dassociations, un subtil entrelacs dont la cohrence dans linvisible garantit la vitalit dans le visible. Cest dailleurs laide des nuds dun cordon quIsis va redonner vie Osiris. Isis et Nephtys ont utilis leur magie sur toi avec les nuds dun cordon, dans la ville de Sas (1)

Le nud, canal de lnergieDans lgypte ancienne, le nud a toujours reprsent la relation organique qui unit les hommes et les diffrents plans de la ralit. Les prestidigitateurs modernes qui illusionnent nos sens en faisant et dfaisant des nuds se sont quelque part inspirs de la vieille magie gyptienne : lart du nud ne servait pas qu lagrment dune parure ou larrimage dun navire. Avant tout, le nud tait destin retenir les nergies dont les flux parcourent lunivers. Ainsi limage des cartouches, ufs cosmiques retenus la terre par un nud, porteur des noms sacrs du pharaon. Mais il suggre aussi la possibilit pour lhomme de

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DOSSIERDe mme que le nud du cordon ombilical attache le nouveau-n la terre, lacte de nouer dans linvisible canalise les nergies vitales. La puissance dIsis rside dans son amour : seul lamour possde une force de cohsion unificatrice, aussi lgre que la plume de Mat, aussi rayonnante que la lumire de R. La puissance isiaque peut alors runir les lments disparates sans les confondre, en donnant chaque composante son rle spcifique dans un rapport harmonique avec lensemble. Isis devient elle-mme agent de rsurrection, image vivante de son Tit, quand elle parvient digrer la mort et se purifier des forces de dissolution qui lont accable lors du dmembrement de son poux. Avec laide de sa sur Nephtys, Isis est donc mme de recrer lunit de la vie dans son double aspect de vie et de mort et doprer une transmutation de la matire inerte en corps de lumire capable denfanter dans linvisible : ainsi natra Horus, le faucon de lumire qui loigne les tnbres, conu magiquement. de protection des momies. Il tait alors pos sur les poumons, le cur ou la poitrine du dfunt. Il est aussi le tampon protecteur de lembryon, oprant comme une double matrice invisible.

Le nud, symbole de stabilit et de crationLe hiroglyphe Is, reprsent par un verrou (un nud de corde) sur deux jambes qui marchent, caractrise limpulsion pour aller de lavant : Isis est celle qui est capable de remettre le monde en marche, de transformer linerte en vie. La rsurrection osirienne est son uvre. On trouve souvent le nud dIsis associ au pilier Djed, colonne de la stabilit osirienne, sur les frises des temples ou sur les sarcophages : outre son rle prophylactique, il symbolise alors le pouvoir crateur androgyne du couple primordial, modle alchimique de transmutation. En effet, le Tit harmonise dans les plans subtils, les composantes de ltre humain, du physique, et nergtique jusquau spirituel, librant la puissance ncessaire pour vaincre les preuves de la mort et de la dissolution, ouvrir les chemins de lau-del et regagner lintgrit oprationnelle. Tu as ton sang Isis ; tu possdes ton pouvoir magique, Isis. Tu as la magie, Isis, lamulette qui est la protection de ce grand dieu, qui rprime celui qui lui cause du tort. (2) Investi de cette puissance, liniti peut alors sunir la conscience cosmique et renatre dans lau-del la vie ternelle.(1) Texte des pyramides. (2) Livre de la sortie la lumire du jour, ch. CLVI.

Le nud, symbole magiqueLe nud dIsis ressemble lankh, cl de vie dont les branches horizontales se seraient replies vers le bas comme des bras, le tout suggrant une silhouette humaine. Symbole de la desse, reprsentant un nud de ceinture rouge, gnralement en cornaline ou en jaspe, il voque le sang (vhicule de lnergie vitale) et le pouvoir magique dIsis et constitue une puissante amulette protectrice. Sa mre laurait utilis alors quelle tait enceinte dHorus pour protger rituellement son fils. Le nud est un symbole puissant qui unit les forces positives et repousse les forces malfiques. Le Tit servait aussi bien pour la protection des femmes en couche que dans les rituels de momification et

La desse Isis. Tombeau de Nefertari

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Sciences

La mdecine en gyptePar Marie-Agns Lambert

Lorigine naturelle de la maladieLA MDECINE OCCIDENTALE DOIT BEAUCOUP LA MDECINE GYPTIENNE NON SEULEMENT PAR LAPPLICATION DE TECHNIQUESQUI REMONTENT PLUS DE CINQ MILLE ANS MAIS DANS LA CONCEPTION DE LA MALADIE QUI, POUR LES GYPTIENS, AVAIT UNE ORIGINE NATURELLE ET NON DIVINE.epuis la Haute Antiquit, lpoque du Nouvel Empire, vers 1300 1200 avant J.-C., la mdecine gyptienne jouissait dune incontestable renomme, tant en gypte qu ltranger (auprs de leurs ennemis les Hittites, des Grecs comme Homre, Hrodote, Diodore de Sicile). Mme Hippocrate sinitia aux mystres de cette science en gypte. Il crira, suivant ce quil a appris, dans ses Prolgomnes : Les choses sacres ne doivent tre enseignes quaux personnes pures ; cest un sacrilge de les communiquer aux profanes avant de les avoir initis aux mystres de la science. La puret se traduit en gyptien par le mot ouab qui veut dire prtre pur. Pour recevoir des enseignements, et pratiquer la mdecine, il faut tre prpar et purifi dans tous les sens du terme.

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Les trois types de mdecinsLe premier type de mdecin tait le sounou, mdecin gnraliste lac qui, bien quayant appris sa science dans le temple, vivait dans les villages. Sounou vient du mot sou (lancette de chirurgie,) du mot nou (pot pharmacie) et de la racine soun (souffrance). Le sounou tait celui qui soccupait des souffrants. Guid par le dieu Thot, il tait capable de soigner des fivres, soigner des traumatismes, rduire des fractures, pratiquer des interventions chirurgicales. Certains sounou taient spcialiss dans le traitement de certaines parties du corps : par exemple, le sounou irty, ophtamologiste. Le second type de mdecin tait le wabou-Sekhmet, (ouab), prtre mdecin pur de la desse lionne Sekhmet, qui quand elle tait apaise, tait capable de gurir, ou quand elle tait en colre, pouvait envoyer des maux et des pidmies. Le wabouSekhmet vivait dans la maison de vie, partageant son temps entre sa formation thorique et lexercice de la mdecine. Certaient ouabs parcouraient lgypte trois cinq mois par an.

Face des pidmies, le wabou-Sekhmet tait capable dapaiser la colre de la desse Sekhmet et la transformer en chatte paisible Bastet, en rcitant des formules prophylactiques et magiques. Le wabou-Sekhmet avait pour modle le prtre-mdecin-architecte Imhotep, premier mdecin historique qui aurait organis les coles de mdecine ds lAncien Empire, selon le modle construit Saqqarah. Le troisime type de mdecin tait le sawou, sorcier qui avait pour mission de protger le fluide vital, le double, appel Ka. On recourait lui quand le mdecin ne pouvait pas gurir. En gypte, les mdecins taient encadrs, contrls par un ministre officiel de la sant. La sant (celle de pharaon ou du peuple) faisait partie de lordre de la Mat (1), et la maladie tait considre comme un dsquilibre, une rupture de lordre dont la cause tait naturelle.

La maladie, rsultat dlments corrompusPour les gyptiens, la maladie avait une cause naturelle dont lorigine, la pathologie Oukhedou venait en fait des germes de putrfaction issues des matires fcales et des intestins, qui se rpandant dans les vaisseaux, gagnaient les diffrentes parties du corps, engendrant la maladie, acclrant la vieillesse et la dgnrescence. La thrapeutique avait donc exercer une double action : exorciser lagent pathogne (lments humides, corrompus et impurs) et rparer les dsordres causs par lui. On purifiait le corps en permanence (celui des vivants comme des momies) pour viter quoukehdou ne se rpande dans lorganisme tout entier. On recourait la dittique, aux lavements avec des herbes et des essences, par des techniques similaires la mdecine ayur-vdique. Les gyptiens pratiquaient galement lincubation, technique mystique de soin base sur le jene, les prires, lisole-

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DOSSIERment, linterprtation des rves. Mais il fallait dterminer avec prcision lorigine de la maladie et les traitements appropris.

Les papyri mdicauxIl y avait la bibliothque dAlexandrie une encyclopdie mdicale en six volumes dont il nest rest que le sommaire. Mais limportance de la pratique mdicale tait consigne dans une quinzaine de papyri, crits en langue grecque sacre. Le plus clbre et le plus ancien est le papyrus Ebers, crit en 1550 av. J.-C., dans le Nouvel Empire, regroupant sept cents formules de maladies internes, classes en fonction des organes concerns. Le Papyrus dEdwin Smith tait selon son auteur, une copie du Moyen-Empire du livre dImhotep, intitul le livre secret des mdecins, livre denseignement exotrique et sotrique, dont il ne reste que quelques chapitres, notamment sur le cur mais qui exposait une mdecine objective, scientifique base sur de minutieuses observations et une trs bonne connaissance de lanatomie humaine. Ce livre tait dpos dans la bibliothque de chaque temple.

La consultation mdicaleLa consultation mdicale commenait par un vritable examen clinique avec un interrogatoire trs serr et lexamen de laspect du visage, de la couleur des yeux, des phnomnes particuliers, des odeurs, du pouls la fin de lexamen, le mdecin prononait un diagnostic. Il dcidait des remdes et des prparations avec laide du pharmacien. Dans la pharmacope gyptienne, on trouvait plus de sept cents plantes pour soigner toutes sortes de maladies et les venins et les poisons faisaient galement partie des traitements. En gypte, aucune maladie ntait maudite, honteuse ou le rsultat dun chatiment divin. Les malades taient des tres qui souffrent et quil fallait aider comprendre leur maladie pour quils participent au processus de gurison. Le mdecin racontait au patient lhistoire mythique de la maladie, pour que celle-ci ait un sens dans la ralit de lunivers et quelle devienne plus comprhensible pour lui. Le patient qui comprenait le sens de sa maladie pouvait mobiliser ses dfenses immunitaires et fortifier sa psych. Les gyptiens pensaient que lesprit et la psych agissaient sur la biologie et rciproquement. On sait que les gyptiens pratiquaient la chirurgie notamment Abydos, quils savaient rduire des fractures, appliquer des pansements, pratiquer la trpanation, lopration des yeux, traiter les problmes fminins (lobsttrique dans le temple de la desse Neith Sas, les problmes de strilit au temple de la desse Bastet TellBasta (Bubastis)). Pour soigner, les gyptiens avaient galement recours des papyri mdicaux.

Plus que des techniciens, les mdecins taient de vritables initis capables de comprendre la souffrance et de la traiter dans le respect total de lordre et de lquilibre, et des lois de lunivers appliques lhomme. De vrais philosophes en quelque sorte.(1) Mat est la desse symbolisant la Justice, lquilibre, lordre, la vrit et la rectitude. lire: Essai sur la mdecine de lpoque pharaonique, G. LEFEVRE, PUF, 1953 Magie et magiciens dans lEgypte ancienne, Yvan KOENIG, Ed. Pygmalion, Paris, 1994 La mdecine au temps des Pharaons, B. HALIOUA, d. Liana Levi, 2002

Thot ibiocphale, le dieu magicien. Tombe de la Valle des Reines -QV 66.

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Rencontre avec

Fernand Schwarz

Lgypteberceau de la spiritualitpropos recueillis par Marie-Agns Lambert

ANTHROPOLOGUE ET GRAND SPCIALISTE DE LGYPTE, FERNAND SCHWARZ TUDIEDEPUIS PLUSIEURS ANNES LES STRUCTURES MYTHIQUES ET SYMBOLIQUES DES SOCITS TRADITIONNELLES. IL VIENT DE PUBLIER SYMBOLIQUE DE LGYPTE, NAISSANCE DE LA SPIRITUALIT, AUX DITIONS DU HUITIME JOUR. IL NOUS DVOILE LA CONCEPTION SPIRITUELLE DUN PAYS QUIL CONNAT BIEN POUR LAVOIR PARCOURU ET TUDI DEPUIS PLUS DE TRENTE ANS.Acropolis : Fernand Schwarz, quest-ce qui vous a amen crire ce livre ? Fernand Schwarz : Je mintresse lgypte depuis trs longtemps et jai dj crit plusieurs livres sur le sujet. Mais chaque fois je plonge un peu plus dans le ct mystrieux et fascinant de lgypte, et comme le dit lgyptologue Jean-Claude Golvin, nous avons tous un peu dgypte en nous. Et les rcentes dcouvertes sur les constructions et les documents gyptiens ont considrablement fait progresser la conception que les Occidentaux ont de lgypte, conception qui, jusqu prsent, tait modele par la culture judo-chrtienne et grco-romaine. A : Quelle est la source dont vous vous tes inspir pour crire ce livre ? F.S. : Cest en consultant un ancien papyrus expos au British museum, que jai dcouvert une cl de comprhension nouvelle de larchitecture et de la symbolique gyptienne, notamment travers la maison de vie. Cest un schma qui explique, selon les gyptiens, comment mettre en rapport les puissances divines qui rgissent lunivers et la nature travers toute construction pour quelle devienne une rplique du cosmos tout entier. A : En quoi le regard symbolique sur lgypte est-il complmentaire de lapproche artistique et historique ? F. S. : Il y a diffrentes faons daccder la connaissance dun pays : par son histoire, par ses reprsentations artistiques mais galement par son approche symbolique. Si jtudie une uvre gyptienne, je ntudie pas simplement lobjet. Jessaie den dcouvrir le symbole et par l le sens cach, qui napparat pas au premier abord. Par limagination symbolique, lhomme accde une nouvelle vision, une vision globale du monde qui inclut le Ciel et la Terre et lui permet dapprocher une dimension spirituelle, verticale. Cest cette nouvelle perspective de lgypte que jai voulu transmettre dans mon livre.

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DOSSIERA : En quoi peut-on dire que lgypte est la naissance de la spiritualit ? F. S. : Pour un gyptien, la Terre est le miroir du Ciel, du divin. Cest pour cela que toutes les constructions gyptiennes ont pour but de crer un lien avec lunivers tout entier. Elles sont construites sur un espace orient autour dun centre et deviennent un modle rduit de lunivers. Au dpart, un rite de fondation consacre ldifice, lui donnant un sens mythico-rituel, apportant des repres lhomme et un sens son existence. Toute construction est ordonne autour de ce que jappelle la gographie sacre, qui clbre lunion du Ciel et de la Terre, en des lieux gographiques prcis, points de convergence o se rejoignent les puissances den haut et celles den bas. Ainsi organiss, la cit, le monument, les palais, les maisons et les tombeaux rpandent sur terre une nergie spirituelle qui rend le monde harmonieux et plus habitable. Et cette gographie sacre est un concept universel qui fonde la construction de toutes les grandes cits du monde ; la plupart dentre elles sont orientes selon le mouvement de la lumire et la course du soleil, la lumire symbolisant limage du divin. A : Pour revenir la maison de vie, quel est son modle de construction ? F. S. : Dabord il faut savoir que chaque ville, monument, tombeau ou palais gyptien est construit selon le modle de la maison de vie. Il sagit dun difice compos de quatre constructions disposes en croix autour dun difice central. Les quatre murs sont orients par rapport aux quatre points cardinaux et protgs par un dieu. lest, la naissance, louest la mort et la rgnration, au nord, la gestation et au sud la fcondit. En gypte, le soleil croisant laxe du Nil, dessine une croix oriente galement selon les quatre points cardinaux. Cette symbolique de la croix a galement une dimension verticale qui permet de relier le ciel la terre, engendrant harmonie et stabilit. Et dans la maison de vie, la structure et chaque lment ont un caractre sacr et une dimension magique. A : Alors le symbolisme de la croix viendrait des Egyptiens ? F. S. : La croix est un symbole universel en gypte. Elle est employe comme symbole en gnral invisible de lunion des contraires, capable de connecter les nergies cosmiques au plan terrestre. On retrouve le symbole de la croix, dans la configuration mme du pays. Lgypte est divise en deux parties. Au nord la Basse gypte place sous la tutelle du dieu Horus et de la deesse Ouadjet, au sud la Haute gypte, place sous la tuelle du dieu Seth et de la desse Nekhbet. Le cours du Nil suit laxe sud-nord et partage le pays en deux parties, lune orientale, lautre occidentale. Laxe sud-nord du Nil reprsente laxe de la royaut ou du pouvoir terrestre. Les pyramides sont orientes sud-nord pour que les pharaons y trouvent leur salut ternel. Laxe est-ouest du soleil est laxe des dieux ou laxe cosmique. Le soleil renat chaque jour lest, reprsentant la vie, il se couche louest, reprsentant la vieillesse et la mort. Le soleil croisant quotidiennement laxe du Nil dessine une croix, la mme croix que lon retrouve partout. A : Par rapport la dimension verticale spirituelle dont nous avons parl prcdemment, y a-t-il un rapport avec la pyramide qui ellemme est verticale ? F. S. : Pour reprsenter lunivers, lordre intelligent du monde sorti du Noun (chaos), les gyptiens ont choisi larchtype de la pyramide. Ils disent mme que les pyramides sont des escaliers vers le ciel pour faciliter lascension du roi. La pyramide qui recueille et protge lme du pharaon aprs sa mort, matrialise les rayons du soleil dans la pierre. Pour les gyptiens, la projection des rayons solaires a une forme pyramidale. La pyramide est construite avec de la pierre calcaire polie et du granit, recouverts de poussire dalbtre, lui donnant un aspect poli comme un miroir. La lumire renvoye par la pyramide est visible de loin, comme un rayon de lumire vertical fig lhorizon.

La pyramide synthtise elle seule trois axes : laxe vertical qui unit la terre au ciel, le pharaon son pre le soleil R, laxe nord-sud terrestre parallle au Nil, qui sert de trait dunion entre la Haute et la Basse gypte, et laxe est-ouest du Soleil, cleste ou cosmique. A : Pouvez-vous nous parler du temple gyptien et de sa symbolique ? F. S. : Chaque temple gyptien est une rplique du cosmos et de la cration. Il reprsente lternit et la Mat (1) sur terre. Cest galement un espace de rencontre entre

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Rencontre avecle monde terrestre et le royaume de lau-del. Il est dpt des offrandes. Ensuite, se trouve la salle de la orient selon un axe bien prcis, perpendiculaire au Barque, tabernacle mobile qui servait transporNil, car sa voie sacre le croise. ter la statue du dieu loccasion des ftes Chaque temple est une petite ville, et des processions. Enfin, cest le comme ltaient nos monastres saint des saints, le lieu o sunismdivaux en France. Dans le sent le ciel et la terre. Cest une temple, on retrouve la maison de salle trs troite et ferme qui vie. Chaque temple est ddi contient au fond un taberun dieu. nacle (Naos), abritant la partir de la XVIIme dynasstatue du dieu, celle-ci tie, sous le Nouvel Empire, le tant la hauteur des plan du temple trouve sa yeux, pour faciliter le forme dfinitive. Une voie contact avec les esprits. sacre rectiligne dtermine Le saint des saints raple chemin emprunter pelle trangement le pour aller de lextrieur chur de nos glises lintrieur du temple, de la chrtiennes. partie profane la partie la plus sacre. Au fur et A : Comment lhomme mesure que lon approche gyptien entretient-il dun temple gyptien, il resdes relations avec le semble un oblisque coudivin ? ch ; le sol monte, le plafond descend et les murs se rapproF. S. : Les gyptiens sont chent. Tout converge vers un toujours trs soucieux de resVue de Medinet point unique, le saint des saints, pecter lordre et lharmonie sur Habou au moment du lev du soleil. sanctuaire sacr ou rside le dieu. Terre, celui-ci ntant que le reflet lextrieur du temple, des pylnes de lordre divin (Mat). Et cet ordre (bekhent) dlimitent la partie profane de est recr et entretenu par des rites et ldifice. Un mur qui zigzague, pour rappeler le des crmonies. Le rite se situe entre les mouvement des eaux primordiales (Noun) le protge. deux mondes, invisible et visible, sacr et profane. Derrire le temple, la hauteur de la partie sacre, se Mais pour quil soit efficace, le rite doit tre pratiqu trouve un lac rempli deaux purificatrices du Noun. Le par un initi, seul capable de se relier au monde invitemple merge du Noun. sible et dveiller la nature divine en lui par la thophanie (2). Pour lgyptien, le monde mtaphysique se A : Quel itinraire suit-on dans un temple ? reflte dans le monde physique et lui donne un sens, quil anime par le rite. Aujourdhui, malheureusement, F. S. : Le temple est compos de trois parties. nous avons perdu cette dimension verticale, et cest Dabord on entre dans la cour carre, (Khonit) ciel sans doute ce qui contribue au manque de sens dans ouvert, o le public peut venir. La cour symbolise le nos socits modernes. Je souhaite que ce livre sur monde rel, mais cest galement un lieu de purificalgypte nous aide retrouver non seulement nos tion pour Pharaon ou le prtre. Une deuxime partie racines historiques, mais aussi et surtout nos racines est compose dune salle hypostyle (ouskhit), plus intrieures, spirituelles. large que longue, qui spare le monde profane du (1) Desse de la justice, de la vrit et de lordre cosmique et social (2) Du grec theos, dieu et phainen, paratre, ce mot dsigne la manifesmonde sacr. On y prpare les diffrentes offrandes tation ou lapparition du divin pour le dieu. Les colonnes des salles hypostyles sont lire trs rapproches. Puis on entre dans la salle hypostySymbolique de lgypte, naissance de la spiritualit, Fernand le (khekah) salle des mutations, o Pharaon et les SCHWARZ, ditions du huitime jour, 25 prtres quittent leurs vtements profanes pour Du mme auteur sur lgypte : endosser ceux de grand-prtre. La troisime partie gypte, les mystres du sacr, Editions du Flin, Mat et lactualit de l Egypte ancienne, Lordre dans le dsordre, est le Sanctuaire, saint des saints, qui comprend la Editions Nome salle de la Barque et le Naos. Initiation aux Livres des morts gyptiens, Editions Albin Michel gypte, terre des Dieux, don du Nil, ditions Nouvelle Acropole Plus on sapproche du sanctuaire, plus la voie sacre est en pente montante. Le sanctuaire reprsente le monde de lau-del. On arrive dabord sur un lieu de

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Art et symbolisme

DOSSIER

Lankhla cl de la Vie et de la MortPar Marianne Lefebvre

LE SYMBOLISME DE LA CROIX EST EXTRMEMENT COMPLEXE ET COMPORTE DINFINIES VARIANTES. NOUS LE RETROUVONS DANS TOUTES LES RELIGIONS ET CULTURES COMME REPRSENTATION DE LHOMME SUSPENDU ENTRE CIEL ET TERRE. EN GYPTE, LA CROIX A UNE FORME PARTICULIRE, LANKH, LA CROIX ANSE DES GYPTIENS.

igne hiroglyphique mais galement dcoration rituelle, la cl Ankh tait associ au sceptre Ouas (1) et au pilier Djed. On la retrouve souvent dans les dcorations tombales. Elle accompagne toutes les crmonies rituelles et sert de talisman protecteur. Amon dieu de la vie, (2) la tient dans sa main gauche et les desses Isis et Nephtys la portent en permanence sur elles. Symbole de protection ou dinitiation, la cl Ankh ouvre les portes du mystre de la vie et de la mort.

S

La cl de Vie et de la MortLa cl Ankh se prsente, partir du haut, comme un cercle, symbole de ce qui na ni commencement ni fin, reprsentation du monde cleste, lesprit de Ra, le Soleil des Egyptiens. Ce cercle est comme lanse dune cl, par o la tiennent les dieux qui en sont porteurs. Cette anse sappuie sur la Terre, comme le Soleil sur lhorizon, lorsquil se couche ou quil se lve. Cette ligne horizontale symbolise la matire et nest rien dautre que la

ligne illusoire de lhorizon cre par le regard de lhomme, dont le destin en tant qutre humain ne peut se limiter cette terre. Lgyptien savait que son sjour sur terre ntait que passager et ne reprsentait quune petite partie de sa longue chane dvolution compose de millions de maillons. Enfin, la partie circulaire suprieure est complte par un axe vertical qui symbolise aussi bien la descente ou chute de notre esprit dans la matire que lascension ou remonte. Cest le chemin inverse que lhomme, partir du point le plus bas et chaque fois quil renat en une nouvelle incarnation, doit suivre pour commencer ou poursuivre son ascension. Il veille ainsi sa propre conscience en tant qutre humain, cest--dire son discernement, avec intelligence et volont pour poursuivre sa route, se sentant uni son Ego suprieur, la partie la plus spirituelle ou divine en lui.

donne accs au sens occulte de lternit. Dans les crmonies funbres, tenu par lanse, lAnkh reprsente la cl des portes de la tombe et, plac entre les yeux, il contraint au secret. Il est galement reprsent comme un lien magique qui runit toutes les choses au noeud du centre et qui permet de les maintenir unies. Il porte alors le nom de noeud dIsis (3) et vhicule la notion de relier, comme le Yug des hindous. Isis, deuxime personne de la trinit gyptienne forme par Osiris, Isis et Horus, est la mdiatrice divine. La desse de lAmour et de la Vie runira, selon le rcit mythique, les morceaux disperss de son divin poux Osiris, symbole du Mystre. De mme, lhomme accde la connaissance suprieure en dveloppant sa volont, dans un effort dunion avec son tre intrieur, son tre vritable, o rside la conscience de sa propre immortalit.(1) et (2) Voir article sur Thbes page 8 (3) Voir article sur nud dIsis page 10

La cl de lternitLa cl Ankh ouvre galement les portes du monde des morts et

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Psychologie

C. G. Jungle jeu des attitudes et des fonctionsPar Maryse Chatelier

C. G. JUNG, CLBRE PSYCHANALYSTE, AVANTGARDISTE ET CHERCHEUR DOT DE GRANDE INTUITION,CHOISIT UNE TAPE DE SA VIE DE LAISSER DE CT TOUT SCHMA THORIQUE, POUR SE METTRE LCOUTE DE SON INCONSCIENT. IL CONSIDRE SANS A PRIORI LES IMAGES, CONTENUS, FANTASMES QUI MERGENT ALORS, OUVRANT AINSI LA PORTE DUN JEU SURPRENANT DE COHRENCE ET DE MYSTRE : CELUI DES ATTITUDES ET DES FONCTIONS DE NOTRE PSYCH.

P

our C. G. Jung, le conscient dispose dune double orientation pour aborder le monde : lextraversion et lintroversion : ce sont deux attitudes psychologiques face la vie.

L extraversion et lintroversionLextraversion, ( ne pas confondre avec lextriorisation) est le mouvement de la libido (nergie psychique) vers lextrieur. Lextraverti est celui qui se soumet aux conditions du monde et sinsre dans celui-ci, mais qui ne sadapte pas ncessairement. Il se laisse imprgner et pntrer par la ralit extrieure et suit les rgles sociales (il fait comme il faut, veut faire comme les autres). Il observe, constate, ne va pas chercher changer le monde mais sen laisse imprgner. Sa tendance est conserver les acquis, il innove peu et tend adopter lavis du groupe.

Il ne voudra pas tre chef mais voudra suivre les autres et sen faire accepter dans la mesure du possible. Cest sa part dintroversion (puisque nous possdons les deux en nous), qui pourra apporter une prise de distance par rapport ce monde pour sy adapter vritablement. Si cette nergie dextraversion nest pas assez contrebalance par le ple oppos (introversion), elle devient unilatrale et se manifeste par une accentuation de sa tendance, do des ides toutes faites, un manque de libert personnelle dans le jugement, une rigidit dogmatique avec une tendance rejeter ce qui ne va pas dans son sens. Lintroversion, quant elle, est le mouvement de la libido tourne vers lintrieur. Le point de dpart est le sujet, le je. Lintroverti a une opinion per-

sonnelle des situations, il ne se laisse pas influencer par le monde extrieur ni atteindre par ce qui lentoure. Cest en lui que lintroverti trouve ses repres et ses ressources. Le monde est tel quil lui apparat. La dimension introvertie peut apporter du recul, permettant de prvoir, danticiper. Elle est pulsion de changement l o lextraversion est pulsion de maintenance des choses. L encore, si cette introversion nest pas assez contrebalance par le ple oppos, elle devient unilatrale et nous assistons une inflation du sujet qui a une impression de toute puissance, dont les actes ou propos indlicats, ne tiennent aucun compte dautrui. Il peut mme aller jusqu falsifier la vrit : la fin justifiant les moyens. Il prend ses convictions pour des certitudes et les impose aux autres. Il sagit bien ici dattitudes et non de comportements. Ce qui fait

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quun introverti peut tre extrioris et quun extraverti peut rester silencieux.

Extraversion et lintroversion en lhommeCest lquilibre trouv entre ces deux attitudes a priori opposes, qui va permettre la ralisation du dialogue entre conscient et inconscient nous dit Jung. Nous avons les deux attitudes en nous mais lune prdomine et cette attitude, dite fondamentale est celle o on se sent le plus libre, le moins dpendant. Cest avec elle quon fait les choix importants. Lautre, gnralement moins dveloppe, agit nanmoins dans lombre, donc dans linconscient, sans que nous puissions exercer sur elle notre volont. Pour Jung, notre tche, avec le temps, est dintgrer au conscient cette attitude peu dveloppe, afin de bnficier de toutes les potentialits et les richesses quelle renferme. Prcisons cependant que, suivant la constante loi des opposs, toute part trop nglige ressurgit et se manifeste de faon plus ou moins soudaine sans que nous soyons matre de nous-mmes. Donc, tout dveloppement unilatral reprsente un danger. Tout excs dutilisation unilatrale dune attitude, va entraner le contre-balancement de lautre par compensation. Ces deux attitudes vont sactualiser travers quatre fonctions prsentes en lhomme. Ces quatre fonctions sexpriment chacune avec une activit psychique spcifique. Il y a deux fonctions rationnelles de jugement : pense et sentiment et deux fonctions irrationnelles de perception sensation et intuition.

Ces deux fonctions sont irrationnelles car ce sont des fonctions perceptives qui ne suivent pas les lois de la raison mais de limpression faite par lobjet. Le type sensation, constate, ressent les choses telles quelles sont par lintermdiaire des sens. Il sexprime par ce qui est vu, par le touch mais peut aussi rester sous la dpendance du simple ressenti. Une fonction intuition dominante donne une perception immdiate et directe des choses. La comprhension est spontane, non rflchie. Elle est le produit dune inspiration et non le fait dun acte volontaire. Pour Jung, cest lintuition qui est la plus mme douvrir le chemin de la connaissance de linconscient.

Les quatre fonctions en lhommeChaque tre humain possde les quatre fonctions des degrs dvolution diffrents. La fonction principale sera la plus consciente, la disposition de la volont. Cest la plus dveloppe, celle avec laquelle on est le plus laise pour se diriger dans le monde et sy adapter. Deux autres fonctions plus ou moins dveloppes, dites auxiliaires, (fonctions rationnelles si la fonction principale est irrationnelle et inversement) aident la fonction principale ladaptation du moi au rel, elles viennent colorer ce moi. Quelques exemples : Lintuition en fonction principale, aide du sentiment en fonction auxiliaire, pourra aider au sens artistique. La fonction sentiment paule par la sensation permet une bonne prise en compte de la ralit. La fonction pense aide de lintuition donne une pense intuitive et spculative. La fonction pense aide de la sensation, apporte une pense empirique. Deux fonctions rationnelles ne peuvent pas spauler, elles sont opposes : si le sentiment est la fonction dominante, la pense sera la moins dveloppe et constituera plutt un point faible. De mme les fonctions intuition et sensation seront opposes. Toute luvre de Jung est base sur ce principe de polarit : au conscient soppose linconscient que nous nous devons, tout au long de notre vie de rapprocher, pour une harmonie toujours plus grande de notre tre. Pour Carl Gustav Jung, la prise de conscience par lhomme de sa multiplicit, pour peu quil parvienne lunifier, le mnera lindividuation : cette unit en soi.

Les deux fonctions rationnelles de jugement : pense et sentimentOn les dit rationnelles car elles mettent un jugement soit de lordre de la logique (pense), soit de lordre de laffectif (sentiment). Une personne du type pense pose la question du pourquoi, du comment. Lapproche est logique, le jugement trs prsent. Elle nest pas pour autant, plus intelligente que les autres. Le type sentiment procde par acceptation ou refus de lobjet sans jugement intellectuel mais avec un jugement de valeur : plaisir ou dplaisir, jaime ou je naime pas, cest beau ou cest laid.

Les deux fonctions irrationnelles de perception : sensation et intuition19

Philosophies

Hraclite dphsePar Brigitte Boudon

HRACLITE (550-480 AV. J.-C.), PHILOSOPHE PR-SOCRATIQUE, FUT SURNOMM LOBSCUR EN RAISON DU SENS NIGMATIQUE DE SES ENSEIGNEMENTS. IL EST CLBRE PAR SA PRTENTION SINGULIRE DAVOIR PARL EN COUTANT LA NATURE MME, POUR DIRE DES CHOSES QUE PERSONNE NAVAIT DCOUVERTES AVANT LUI. PHILOSOPHE DU MOUVEMENT ET DU DEVENIR, DE NOMBREUX PHILOSOPHES MODERNES SE RCLAMENT DE LUI (NIETZSCHE, HEIDEGGER, MARX), EN RAISON DE LA PROFONDEUR ET LA PUISSANCE DE SA PENSE.raclite cherche le principe premier des choses et le trouve dans le Feu. Seuls cent trente fragments de son uvre De la nature nous sont parvenus, crits dans un style potique et oraculaire, souvent mystrieux.

H

Un ternel devenir

Hraclite est surtout connu comme le pre du mobilisme universel. Rien nest stable. Tout devient. Lunivers est pour lui un ternel devenir. En tmoigne sa fameuse formule du fleuve : Tu nentrerais pas deux fois de suite dans le mme fleuve, non pas mme une fois de suite. Le Logos Ce clbre fragment rassemble dans une mme Le Logos est selon quoi toutes choses arrivent ; il image les contraires, le mme et lautre. Pour des gouverne le monde et sabrite dans lme. Mais la hommes qui entrent dedans, ces fleuves sont Tu profondeur mme dont il provient ne nous le toujours les mmes, mais dautres et nentrerais pas rend pas totalement accessible : Tu ne saudautres eaux toujours surviennent. Car deux fois de suite dans le rais atteindre les limites de lme, aussi loin Hraclite dcouvre les harmonies mme fleuve, non pas que te porte ta route, tellement est profond caches dans les contradictions de la mme une fois de suite. le Logos quelle abrite. nature. Linstabilit de toute chose est Les mes manent donc du Logos universel laspect le plus populaire de sa doctrine Hraclite dphse et la vraie sagesse consiste fondre la penphilosophique. Le froid se transforme en se individuelle dans la pense universelle. chaud, de mme en va-t-il pour le sec et lhuHraclite retrouve lissue de sa mditation, lidentimide, lombre et la lumire. Lopposition des t essentielle des tres et de lordre du cosmos. contraires est une loi. Le conflit est donc pre et roi de toutes choses. lire Le conflit anime lUnivers, mais se trouve paradoxaleHraclite ou le philosophe de lternel retour, Jean BRUN, Paris, Seghers, 1965 ment engendrer lharmonie suprme. Essais et confrences, Logos (Hraclite, fragment 50), de Martin HEITout se passe selon la guerre et la ncessit. DEGGER, traduit de lallemand par Andr Prau. Paris, Gallimard, 1958 Hraclite, la lumire de lobscur, Jean BOUCHART dORVAL, Les ditions La guerre est le pre. La guerre est le roi.

Cest le conflit des contraires : jour et nuit, vie et mort, jeunesse et vieillesse, beaut et laideur. Gnration et destruction marchent ensemble ; la division provoque la runification. Nuit et Jour, cest Un : antagonisme mais aussi complmentarit des forces opposes qui permet au monde de sdifier. Ainsi se recompose lunit fondamentale, lharmonie. Lorigine de cette fcondit du conflit, de cette secrte harmonie des contraires, vient du fait quune loi divine lie les opposs, loi qui nest autre que celle de la raison, Logos qui, prsent en lunivers, tient en harmonie ses parties.

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du Reli, 1997

Question philo

La raisonempche-t-elle la barbarie ?Par Hlne Serres

LHISTOIRE EST TMOIN DES ACTES DE BARBARIE QUIONT T PERPTRS DE TOUS TEMPS ET EN TOUS LIEUX. PAR QUOI OU AU NOM DE QUOI SONT-ILS DICTS ? LA RAISON PEUT-ELLE LES EMPCHER ?

A

vant de rpondre la question, dfinissons les termes de raison et de barbarie. La raison est la facult propre laborer des concepts, combiner ces concepts en jugements, et les jugements en raisonnements. La barbarie est le manque de civilisation, la cruaut, la frocit, linhumanit, la sauvagerie, la violence animale pousse lextrme.

La barbarie est inhrente au mondeLa barbarie est inhrente au monde, mme lhomme disait Hobbes en affirmant lhomme est un loup pour lhomme. En effet, pour un territoire, pour le pouvoir, pour les richesses, lhomme serait prt tout, commettre des actes les plus barbares, se lancer dans des guerres les plus cruelles, pratiquer la torture Et lhomme barbare ne raisonne pas. Aveugl par son gosme, ses instincts et ses passions, il libre sa violence. Et la violence entrane la violence. Mais parfois, la barbarie peut tre commise au nom dun intrt commun ou de la raison.

La barbarie au nom de la raison ou de lintrt gnralCertains actes de barbarie ont t commis au nom de la raison, de lintrt gnral, dun tat de droit : Les bombes atomiques, les armes

bactriologiques mais galement ce de raison et de lignorance. Il les massacres perptrs pendant faut donc duquer les individus, en le rgime nazi et stalinien, les leur apprenant se servir de leur assassinats commis par la raison pour leur montrer la Je mafia, ceux perptrs voie du Bien et de la vois dans lEurope sous la Terreur... vertu. une barbarie attentiveMachiavel dans son ment ordonne, o lide de Pour Kant, la raison livre Le Prince, va juspratique, celle qui la civilisation et celle de lordre sont chaque jour qu justifier le dicte nos actions, nous confondues. meurtre, loppresimpose dagir moralesion, la trahison pour ment et non pas en foncAndr Malraux affirmer lunit de ltat. tion de nos instincts. La raison vise lefficacit praDe plus, la raison peut nous pertique et subordonne tout, mme la mettre dviter de commettre des morale lobjectif atteindre. erreurs, notamment par une analyCertains vont mme jusqu se des faits historiques, compredmontrer que les guerres sont nant les causes et mettant en place ncessaires pour le dveloppedes actions prventives dans le ment de lhumanit car elles perfutur pour que lhistoire ne se rpmettent un avancement rapide du te pas. progrs technique et du bien-tre Le rle ducatif humain par toutes les inventions de la philosophie quelles gnrent. Sans guerre, il duquer les individus, leur ny aurait pas eu de progrs aussi apprendre dvelopper plus de rapide en temps de paix. conscience dans les lois daction et Mais alors, la raison peut-elle de raction, les aider sortir de empcher la barbarie ? lignorance, pratiquer des valeurs La raison permet dagir suprieures telles que le respect selon des principes de la vie, le Bien, lthique, la resLa raison soppose linstinct natuponsabilit, les vertus, se matrirel dagression et pousse agir servoil lambition de la philososelon des principes, quils soient phie pour sortir de la barbarie et moraux ou lis la vertu. devenir plus humain. Pour Platon, la raison est une faculLa raison peut-elle empecher la t divine qui permet dexprimer les barbarie ? Oui mais si lon y ajoute vertus que sont le Bon, le Beau, le lamour, alorstout est possible Juste et le Vrai. Le mal et linjustice En soi sommeille le civilis et le dcoulent au contraire de labsenbarbare.

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Philosophie vivre

Les quatre saisonsPar Dlia Steinberg Guzman

LA NATURE SUIT LE RYTHME DES SAISONS, DANS UN CYCLE QUI SE RPTE INVARIABLEMENT DANS LE MME ORDRE. LHOMME GALEMENT VIT SELON UN CYCLE, NAISSANCE, VIE, MORT ET RENAISSANCE DONT IL NA PAS PLEINEMENT CONSCIENCE, CE QUI PROVOQUE EN LUI LA DOULEUR.orsque les savants tentent dexpliquer la raison des variations climatiques qui se produisent priodiquement sur notre plante, ils font rfrence linclinaison de laxe de la terre par rapport au plan quelle dcrit en tournant autour du soleil. Cela, ajout un rapprochement plus ou moins important du soleil, selon les moments, fait quil existe diffrents changements au long dune anne, que lon regroupe en quatre et que, traditionnellement, on appelle saisons. Nanmoins, lorsquon joue avec Maya, il ne suffit pas de voir un phnomne ; Maya ne fait jamais rien pour rien. Il est intressant de savoir ce que sest propos Maya le jour o elle a modifi linclinaison de laxe de la Terre.

L

L arrive des saisonsLes anciennes traditions, quon rencontre dans toutes les grandes civilisations, disent quil y eut des poques passes o laxe terrestre ntait pas inclin mais parfaitement vertical. Il y avait alors une frange centrale de la terre qui, du fait de ses conditions climatiques, aurait bien pu tre ce que nous dcrivons habituellement comme le paradis : un ternel printemps, une temprature constante et agrable, des jours gaux aux nuits, et une extrme facilit semer et rcolter presque sans effort. Il est probable qualors, les hommes aussi aient t diffrents de ce quils sont aujourdhui. Les mmes traditions nous parlent dun homme naf, simple, ni trs intelligent ni trs rationnel, dpourvu de grandes expriences et de lastuce qui dcoule de ces exp-

riences. cet homme, seul importait de survivre, et il ne sinclinait avec rvrence que devant limmensit de la nature qui lui permettait davoir lintuition de Dieu. Mais les choses ont chang. Un beau jour, cause de la catastrophe qui en rsulta quenregistrent galement les vieilles traditions tout a chang sur la face de la plante, et les ples ont indiqu une nouvelle direction. Fini, le paradis terrestre. Commena pour les hommes le temps de la souffrance, du travail, de la lente et douloureuse acquisition de la conscience. Cest ainsi que naquirent les saisons, avec leurs renouvellements cycliques. Ainsi quon connut le froid et la chaleur, la lumire et lobscurit, la pluie et la scheresse, les vents et le calme... Ainsi que lhomme eut lutter durement pour soumettre cette nouvelle terre et observer patiemment la nature afin dapprendre le moment propice pour se mettre au travail et rcolter les fruits. Ainsi quil dut se chercher un abri et un lieu o vivre, parce quil y avait des nuits longues et glaciales, et des journes de soleil brlant. Ainsi que commencrent les interminables migrations, courir aprs le rve dun meilleur endroit o sinstaller... La terre, cette grande mre qui nourrit si bien tant de formes diverses de vie, avait propos une fois de plus son propre changement et son sacrifice pour offrir une nouvelle leon. Lhomme qui vint aprs le changement ntait plus innocemment ignorant comme celui davant. En lui, stait veill une tincelle de conscience, et pour que cette tincelle se dveloppe de faon saine, il devait

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surmonter efficacement une longue srie dpreuves. Le travail, la valorisation de sa propre existence, le sens de lutilit des jours de sa vie, constiturent une des preuves. Et peut-tre la plus importante fut-elle de faire lexprience, en soi et dans toute la nature environnante, du rythme du temps, en volution dans la ronde des cycles.

Le cycle annuel qui se rpteSi on devait caractriser le cours des saisons pour mieux les dfinir, on parlerait dun cycle qui se rpte annuellement. Lattention de personne nest attire par le fait que les saisons se succdent selon un rythme tabli, et toujours dans le mme ordre : printemps, t, automne et hiver. Au contraire, notre attention serait attire sil nen tait pas ainsi. Le printemps est la naissance de la vie sur la terre. Cest le moment o tout fleurit et souvre aux bienfaits des rayons du soleil. Cest lveil, le souffle qui commence se manifester. Lt est la plnitude de la vie. Ce qui stait amorc au printemps est maintenant totale ralit.

Cest le moment du fruit mr. En automne, la vie commence dcliner doucement ; les feuilles perdent leur clat et ne peuvent plus rester attaches aux branches ; les fleurs et les fruits cessent dexister. Lor remplace le vert. Et lhiver est la mort de la nature. Tout maintenant dort et se repose, bien que la vie reste latente dans la profondeur des racines. Cest le moment du repos, mais pas dun repos dfinitif. Un nouveau printemps poindra aprs lhiver et ce qui dormait sveillera une nouvelle fois la vie. Cependant ces cycles que nous acceptons si facilement dans la nature savrent trs difficiles appliquer aux hommes. Le jeu de Maya prtend faire sentir aux hommes quils sont une cration trs spciale lintrieur de lensemble, comme sils navaient pas obir aux mmes lois que celles qui rgissent la totalit. Et ces hommes spciaux, dsobissants, restent consciemment hors du systme. Ils vivent les saisons de lextrieur, mais ne peuvent les sentir en eux-mmes. Ils ne sont pas parvenus concevoir que nos propres vies sont sujettes un cycle trs semblable celui des saisons.

Le cycle dans lhommeLhomme aussi nat, se dveloppe, atteint sa plnitude, dcline et meurt. Mais sa ccit lempche de reconnatre que sa mort nest pas dfinitive, pas plus quaucune espce de repos dans la nature. Il ne se rend pas compte que lui aussi renatra avec la mme facilit que le font les arbres, le moment venu. Il ne peut prtendre renatre avec le mme corps, pas plus quun arbre nexige les mmes feuilles que celles de lt prcdent. Nouvelles feuilles, nouveaux corps : les mmes racines, la mme me. Les cycles de temps tournent en cercle, additionnant des expriences qui rapprochent la rotation du centre du cercle. Les saisons tournent inlassablement ; et lhomme tourne inconsciemment, suivant dans la douleur le jeu de Maya de sa propre mort, jusqu ce quil parvienne la conscience de son immortalit.Ce texte est extrait de Les jeux de Maya, Dlia Steinberg Guzman, Les ditions des 3 Monts, 2004 N.D.L.R. Le chapeau et les intertitres ont t rajouts par la rdaction

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Rencontre avec

Traditions et lieux de culte du Perche

pays des CarnutesPar Jean-Pierre Ludwig

LE PERCHE NEST PAS SIMPLEMENT RPUT POUR SES FORTS ET SON RELIEF VALLONN ET VERT. IL POSSDE UNE GRANDE RICHESSE GRCE LA DIVERSIT DES LIEUX DE CULTE SACRS, ET LES NOMBREUSES PIERRES MGALITHIQUES. UNE RGION O LE CONTACT AVEC LINVISIBLE ET LA NATURE SEST DVELOPP DEPUIS LES TEMPS ANCIENS.

e Perche, appel ainsi par les Romains pour ses forts de bois longs, a conserv longtemps de fortes traditions et un lien troit avec la nature et ses forces invisibles. Dans les temps anciens, la cit des Carnutes (1) exerait une influence prpondrante sur la Gaule Celtique. Sa capitale, Autricum, possdait sur lemplacement actuel de la cathdrale de Chartres, lun des sanctuaires les plus vnrs du culte druidique. De plus cest dans la fort des Carnutes que se tenait lassemble gnrale annuelle des druides, regards et respects comme des oracles, mdecins et mages infaillibles.

L

Malgr cette tentative de rcupration par lglise de ces cultes et traditions, il tait vident que ctait moins des saints que des sources, que les mres attendaient la force et la sant qui manquaient leurs enfants. Dautres traditions attribuent aux sources un pouvoir prdictif. Ainsi, la source de la Mesmes prs de Bellme tait une fontaine en grande vnration parmi les cultivateurs ; ils y venaient de loin chaque anne pour consulter ses eaux sur la rcolte future. Lorsque la fontaine jaillit en abondance, cest signe de mauvaise rcolte pour lanne suivante ; en revanche, labaissement de son niveau prvoit avec sret une anne plantureuse.

Le culte des sources et des fontainesComme dans de nombreux pays, les eaux des fontaines et sources naturelles taient ddies des nymphes ou divinits de la nature. Dans son souci dradiquer le paganisme et voyant que les canons de conciles, prdications et menaces restaient impuissants, le christianisme tourna la difficult en consacrant les fontaines la prire chrtienne et chacune delles fut place sous lgide dun saint ou de la Vierge.

Le culte des pierres levesDe trs nombreuses pierres mgalithiques, dorigine celtique ou druidique recouvrent le pays Carnute. Lies, croyait-on aux cultes druidiques, les paysans ne passaient quavec crainte devant ces roches brutes, encore la fin du XIXme sicle. On donnait ces nombreux menhirs, dolmens, cromlechs (cercles de pierres) une origine surnaturelle, lie des fes, lutins ou autres tres surnaturels. Certains

de ces monuments prhistoriques taient encore au dbut du XXe sicle lobjet de rites particuliers destins sassurer le bonheur, lamour ou la fcondit remontant la plus haute antiquit. Ces rites, accomplis clandestinement, varient en fonction du lieu et du vu exaucer, mais ils sont toujours caractriss par le contact dune partie du corps de la personne avec la pierre. Beaucoup de traditions lies ces pierres ont disparu en mme temps que furent utiliss ces mgalithes lempierrement des routes locales. Ces pierres sont souvent associes des phnomnes tranges, telle la Grosse Pierre dYmerville et la Pierre-Couverte, appele aussi la Pierre-qui-vire : tous les ans Nol, au moment o le prtre commenait le chant de la gnalogie, la pierre se mettait tourner sur elle-mme, dcrivait une demirvolution et laissait dcouvert lorifice dun vaste souterrain. Ceux qui avaient le courage dy pntrer, voyaient un trsor. Mais gare celui qui voulait y puiser, car la fin du chant, la pierre sacre reprenait sa position et le malheureux restait enferm jusqu lanne suivante.

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Le culte des arbresLa fort des Carnutes avait un caractre sacr, car elle tait le lieu de la runion gnrale des druides, et tait parseme de dolmens et de menhirs. Elle tait compose de multiples essences dont les chnes, arbres sacrs sur lesquels les druides cueillaient le gui. Le culte des arbres allait de pair avec celui des fontaines et des pierres. Comme pour les fontaines, le clerg lutta contre ces vestiges de paganisme et les conciles ordonnrent aux vques dempcher dadorer les arbres, les pierres et les forts. (Arles 442 ; Auxerre 585 ; etc.). Les mmes moyens furent employs : les arbres vnrs reurent une niche ddie la vierge ou aux saints.

Les ftes

La mdecine religieuse et les voyageusesPour faire face aux maladies, les anciens percherons demandaient leur salut aux saints. Derrire ce culte des saints, se retrouve le fond des cultes anciens aux divinits tutlaires, car le saint ntait pas pri en tant quintercesseur vers Dieu, mais pour son pouvoir propre, signe quil tait lui-mme une force de la nature. Pour se gurir, on devait aller en plerinage dans lglise o se trouvait le saint. La rputation de certains saints stendait trs loin. Le malade ntait pas tenu dy aller lui-mme. Il existait des femmes qui faisaient le mtier de voyageuses. On les consultait dabord sur le genre de mal et sur le saint quil fallait invoquer. Elles indiquaient la maladie, et se mettaient en route. On prte aux voyageuses des vertus particulires et leur renomme tait grande. Bien des malades qui auraient pu eux-mmes accomplir le voyage, prfraient sadresser elles car ils pensaient quelles possdaient des pouvoirs.

Dans le Perche, on trouve comme partout les ftes anciennes lies aux rythmes de la nature et des champs, mais les Lointain souvenir dune solstices taient tout crmonie au Sol Invictus particulirement romain, cette fte est parmi les fts. Au solstice plus tranges de la rgion.Elle a dt, on clbrait la disparu comme beaucoup danforce, la gloire, le ciennes racines la Rvolution. triomphe du Soleil Le 24 dcembre, le peuple de son apoge ; au Dreux, jeun sassemblait sur la solstice dhiver, on place publique, portant la main ftait la renaisun gros bton de chne sch la sance, prparant chaleur du four. cinq heures de le rveil de la laprs-midi, aprs la tombe du nature. jour, on allumait ces brandons quon appelait Flambarts. La procession se mettait alors en marche en criant Nol ! et parcourait la ville pour se diriger, une fois le tour (1) Peuple de la Gaule de la cit termin, vers le cimetitabli entre la Loire et la Seine re. L, chacun se mettait genoux sur le tombeau de ses parents, lire Le Folk-Lore de la Beauce enfonait dans la terre le reste de et du Perche , Flix CHAPIson flambart qui achevait de sy SEAU, Editions J. Maisonneuve, Paris 1902 consumer ; puis on se retirait Trsors des lgendes du aprs avoir fait une prire ; Perche, Association des Amis du Perche, Les cahiers percheplus tard dans la nuit, on rons, numro hors srie, 1984 clbrait la messe de Le folklore de la Beauce, Vol 11, minuit et le retour de la Du berceau la tombe , Traditions et coutumes. CH. MARCELlumire symbolise par ROBILLARD, Editions G-P la naissance de lenMaisonneuve & Larose 1976 fant Jsus.

La fte des La fte des Flambarts Flambarts Dreux Dreux

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DOSSIERS SPCIAUX :

6E DITIONS N OUVELLE ACROPOLE

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La page Calliope

Le laurat du IXe concours CalliopeCHAQUE ANNE, LE CONCOURS CALLIOPE RCOMPENSE LE MEILLEUR POME. EN 2005, LE IX CONCOURS CALLIOPE A DCERN LE PREMIER PRIX DE POSIE MADAME DOMINIQUE PFAFF POUR SON POME SUR LE THME DU TEMPS.

Le TempsTant pis si le tempo est n dun pas de Dieu Qui prit son temps pour orner lespace de son jeu ! Devant lui lternit. Derrire lui aussi. Dans sa nuit, il cra une goutte de lueur, Lourde, pleine, ronde, elle rebondit en apesanteur Goutte goutte, vie vie, vite, elle se multiplie. Sur lchelle courbe du temps, danse trois temps : Celui qui vit, celui qui dort, celui qui meurt Fini ? Non ! Remonte vers la source son heure, Au bout de sa logique joie de renaissant. Aujourdhui, je danse sur le tempo, pas passant Rapide ou lent, qui meut sphres et cadrans. Temps suspendu aux lvres nigmatiques Qui sourient immuables dans la musique Des chefs-duvre inaltrables du temps qui tique.

Xe concours de posie Calliope

La NatureEtudier la nature, vivre prs delle, sen inspirer, la contempler avec des yeux damant, cest ce que fait chaque artiste.

Date de remise des pomes : avant le 31 dcembre 2006Rglement sur le site internet : http://cercle-posie-calliope.org par email : [email protected], ou par courrier : Cercle Calliope/Concours de posie Nouvelle Acropole 13, rue Pclet - 75015 Paris - avec le nom et ladresse du participant, et son adresse email.

Dominique Pfaff

Calliope est le cercle de posie de lassociation Nouvelle Acropole, cr en hommage son fondateur Jorge Livraga, pote et philosophe.

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A lire

Philosophies de lthiqueMarie-Agns Lambert

100 mots sur lthique de SpinozaRobert MISRAHI Les Empcheurs de penser en rond, 409 pages, 15 Baruch Spinoza (1632-1677) est un philosophe hollandais qui eut une influence considrable sur ses contemporains. Il a reu une ducation hbraque avant de souvrir la science de Galile et la philosophie de Descartes. Excommuni par la synagogue portugaise en raison de ses positions rationnalistes, il partagea son temps entre le polissage des verres doptique et la philosophie. Il est surtout connu comme lauteur dun systme (le terme a souvent une connotation pjorative). Au XVIIIme sicle, le qualificatif de spinoziste dsignera abusivement les matrialistes parce quil critiqua la thologie traditionnelle et lide dun Dieu crateur. Partisan de la dmocratie, il vcut pauvrement et perscut. Hegel et Bergson saccordaient pour affirmer que toute philosophie commence par le spinoszisme ou que tout philosophe a deux philosophies : celle de Spinoza et la sienne. Robert Misrahi, propose de dcouvrir Spinoza travers cent mots, permettant de mieux comprendre luvre majeure du philosophe : lthique. En partant du mot absolu, lauteur dmontre que cest labsolu qui a sa raison dtre en soi, qui ne dpend pas de lextrieur puisque rien nest extrieur lui dans la mesure o il est infiniment infini. Ni phmre, ni fragile, ni relatif, ce bien vritable ou absolu sera la batitude, qui en effet, chez Spinoza est la fin suprme et ultime. Le sage spinoziste, apparat comme lhomme libr, serein et parfaitement heureux, totalement intgr lunivers infini et la socit civile o il vit.

La mthode 6 : thiqueEdgar MORIN ditions du Seuil, 240 pages 10 Cest le sixime et dernier volume de la Mthode, uvre majeure de ce philosophe contemporain qui affronte la difficult de penser la complexit du rel. Il traite ici des relations problmatiques entre thique et politique, science et thique. Il aborde les questions du bien et du mal dans un monde incertain. Pour Edgar Morin, travailler bien penser est un enjeu vital pour rsister la cruaut du monde et la barbarie humaine. Le devoir a besoin dun savoir ; faire son devoir nest pas simple mais incertain et alatoire, do la ncessit dune thique complexe alliant pense de lthique et thique de la pense. Ce livre, complt par un vocabulaire qui explicite les concepts utiliss, parcourt la pense dEdgar Morin qui passe dHraclite Montaigne et Pascal, de Hegel aux dernires avances de la recherche scientifique en passant par lexprience du communisme et sa critique de gauche, la frquentation du surralisme et ses propres travaux de sociologie contemporaine. La pense complexe intgre les notions de crise, de dsordre et dorganisation, dentropie, de hasard et dincertitude Cette pense peut tre galement un remarquable outil pour lintelligence en action. Elle peut clairer laction collective, dans le domaine politique, mais aussi dans la pense et la vie quotidienne de chacun. Si la fonction de la philosophie est de nous aider vivre et percer le mystre du monde, la vision dEdgar Morin est de nous proposer les lments dun savoir-penser, dun savoir-comprendre, mais aussi dun savoir-vivre. Sa mthode est un remarquable jeu de cls qui ouvre beaucoup de portes, pour celui qui veut bien les ouvrir.

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A lirePHILOSOPHIESPhilosopher linfiniMarcel CONCHE PUF, 194 pages, 17

Le point de vue dun agrg de philosophie, professeur mrite de la Sorbonne sur Platon, Aristote, Alain, Montaigne Il en ressort une certaine ide de la Nature comme infinie et infiniment cratrice, lhomme tant au cur de la Nature et luimme crateur.

Schopenhauer et Nietzsche sen sont inspirs de faon plus ou moins ouverte. Il faut souligner plus particulirement le premier trait, le hros, puisque Gracian ambitionne avec un livre nain de former un homme gant et en tirer un homme suprieur. Il fourmille de prceptes que daucun qualifient de cyniques, mais que lon trouvera imprgns dun certain idalisme, trs bien mis en valeur par lexcellente traduction de Benito Pelegrin. Un manuel dart de vivre qui na rien perdu de son charme. Une lecture de luvre du philosophe Paul Ricur multifacettes : dun point de vue hermneutique, phnomnologique ou encore dun point de vue de philosophie de la religion, du langage, du droit, de lhistoire Cet essai propose une manire de lire Ricur en se situant prcisment au niveau de laxe central, lattestation du soi, qui unifie la pense du philosophe en apparence disperse. Par un docteur en philosophie, prtre salsien, enseignant la philosophie lInstitut Saint Jean Bosco de Kansebula en Rpublique dmocratique du Congo.

LOnde de vie, celle qui unitHlne CELES Alphe, 153 pages, 13,90

SPIRITUALITESLanthropologue et la BibleMary DOUGLAS Bayard, 320 pages, 29,80

Aristote, De lmeTraduit du grec par Pierre THILLET ditions Gallimard/Folios, 426 pages, 8

Ce trait de physique a exerc une trs grande influence dans lAntiquit et au Moyen-ge, grce la mdiation des philosophes musulmans. Il tudie les effets des tres vivants soumis au mouvement, au changement. Lme est dabord la vie ou le principe de vie.

Traits politiques, esthtiques, thique de Baltasar Gracianprsents et traduits par Benito PELEGRIN ditions du Seuil, 934 pages, 33

Cette tude dun texte de la bible, le Lvitique, invite le lecteur adopter une vision anthropologique dun monde trois dimensions dans lequel le corps, le temps et la montagne du Sina se reconstruisent autour des notions de sacr et de puret. Une rflexion sur les rites, lcrit et la reprsentation du monde.

uvre littraire et potique, ce livre est une mlodie qui porte et propose au lecteur une onde de vie, celle de la connaissance des faits, qui depuis la naissance ont toujours t secrets.

Ltincelle du divinBernard FEILLET Descle de Brower, 133 pages, 15

LEnfant et la SourceCyrille ODON Editions I.E.R.O, 190 pages, 18

Paul Ricur, de lattestation de soiBernard DILUNGA LHarmattan, 394 pages, 31,50

Cest une somme que publie les ditions du Seuil, tant en nombre de pages, prs de mille, que par limmense retentissement queurent ces traits dans lEurope de la Contrerforme. La Rochefoucauld,

Les questions mtaphysiques dun enfant dans toute son innocence qui provoquent des rponses dans la pure tradition de la spiritualit universelle. Un style imag et potique en font une oeuvre conseiller tous ceux qui se posent des questions existentielles sans intellectualisme.

La pense dun authentique marcheur sur le sentier de la spiritualit, qui affirme : nul ne peut dsigner Dieu, linvisible ;

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nul ne peut enseigner Dieu, linconnu. Du cur de lintensit humaine mergent les traces par lesquelles sannonce lattente de la rencontre et saccomplissent les profondes transformations de la maturit spirituelle, dans cet univers silencieux de lintriorit o ce qui ne peut tre dit nest pas ni. : une rvolution dans lunivers des religions.

A lire

nose pour rsoudre des problmes tant physiques que personnels et professionnels.

De lombre la lumireDaniel SEVIGNY ditions de Mortagne, 149 pages, 19,95

lien. Les auteurs ont approch de prs ces trois personnages, reu leurs confidences, partag leur vie et leurs crmonies. Trois visions du monde fondes sur la prophtie, la mdecine et lart.

Pense grecque, culture arabeDimitri GUTAS Aubier, 340 pages, 28

PSYCHOLOGIEPortraits astro-numrologiquesPhilippe de LOUVIGNY ditions Dangles, 451 pages, 13

Shakespeare, Baudelaire). couter les thoriciens (philosophes, mdecins, thologiens) qui ont pris la mlancolie comme sujet dtude. Enfin, prendre connaissance de textes parfois difficilement accessibles o sont traits des thmes particuliers. Telle est lambition de cet ouvrage qui prsente la mlancolie, maladie du corps pour les uns, maladie de lme pour les autres, irruption du diable, tristesse ou dpression. La mlancolie a travers tous les sicles, i