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L'ENFANT, LES LIVRES ET LA SOCIÉTÉ 40 ans de littérature de jeunesse en RDA par Heinz Wegehaupt Au cours de la journée professionnelle organisée par le 6 e Salon de Montreuil, avec la collaboration de la Joie par les livres, un débat sur la situation actuelle du livre de jeunesse dans le monde, a réuni quatre conférenciers : II s'agissait de Caria Heyden, professeur à VEcole des Bibliothécaires de Pittsburg (U.S.A.), Alpha Konaré, ancien ministre du Mali, éditeur, Christian Stottele, éditeur en Allemagne, Heinz Wegehaupt, directeur du Centre de littérature de jeunesse de Berlin. Pensant que la situation de la littérature de jeunesse dans l'ex- République Démocratique Allemande était particulièrement mal connue *, peu d'oeuvres ayant été à ce jour traduites en français, nous reproduisons ici la conférence de Heinz Wegehaupt. P résenter 40 ans de littérature de jeu- nesse en RDA, c'est isoler une période dans l'histoire générale de la littérature de jeunesse de langue allemande. Après la rup- ture politique récente, l'étude du développe- ment de la littérature de jeunesse en RDA au cours de cette période est une tâche difficile. Il ne s'agira donc ici que de remarques, thèses et réflexions qui sont naturellement subjectives. La période de l'après-guerre a commencé avec de grands espoirs ; elle offrait à chacun la perspective d'une reconstruction démo- cratique et sociale. Les écrivains chassés du pays par les fascistes ou volontairement exi- lés revinrent nombreux au pays. Une grande partie des auteurs de gauche comptant sur le renouveau démocratique d'un état socialiste - Bertolt Brecht, Anna Seghers, Arnold Zweig ou Ludwig Renn - revinrent vivre dans la zone d'occupation soviétique. (1) Sur la littérature en RDA, on pourra également se reporter à l'excellent article de Nicole Bary, paru en novembre 1989 dans la Revue « Etudes ». 139PRINTEMPS 1991 / 47

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  • L'ENFANT, LES LIVRESET LA SOCIÉTÉ

    40 ans de littérature de jeunesse en RDA

    par Heinz Wegehaupt

    Au cours de la journée professionnelle organisée par le6e Salon de Montreuil, avec la collaboration de la Joie par les livres,

    un débat sur la situation actuelle du livre de jeunesse dans lemonde, a réuni quatre conférenciers : II s'agissait de Caria Heyden,professeur à VEcole des Bibliothécaires de Pittsburg (U.S.A.), AlphaKonaré, ancien ministre du Mali, éditeur, Christian Stottele, éditeuren Allemagne, Heinz Wegehaupt, directeur du Centre de littérature

    de jeunesse de Berlin.Pensant que la situation de la littérature de jeunesse dans l'ex-

    République Démocratique Allemande était particulièrement malconnue *, peu d'oeuvres ayant été à ce jour traduites en français,

    nous reproduisons ici la conférence de Heinz Wegehaupt.

    P résenter 40 ans de littérature de jeu-nesse en RDA, c'est isoler une périodedans l'histoire générale de la littérature dejeunesse de langue allemande. Après la rup-ture politique récente, l'étude du développe-ment de la littérature de jeunesse en RDA aucours de cette période est une tâche difficile.Il ne s'agira donc ici que de remarques,thèses et réflexions qui sont naturellementsubjectives.La période de l'après-guerre a commencé

    avec de grands espoirs ; elle offrait à chacunla perspective d'une reconstruction démo-cratique et sociale. Les écrivains chassés dupays par les fascistes ou volontairement exi-lés revinrent nombreux au pays. Une grandepartie des auteurs de gauche comptant sur lerenouveau démocratique d'un état socialiste- Bertolt Brecht, Anna Seghers, ArnoldZweig ou Ludwig Renn - revinrent vivredans la zone d'occupation soviétique.

    (1) Sur la littérature en RDA, on pourra également se reporter à l'excellent article de Nicole Bary,paru en novembre 1989 dans la Revue « Etudes ».

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  • Un projet d'éducationdémocratique

    Confiant dans les promesses d'une éducationbien comprise, le pays accordait alors uneattention particulière aux enfants et à la jeu-nesse et la littérature de jeunesse se voyaitinvestie d'un rôle important.Les premiers livres pour enfants après 1945dans la zone d'occupation soviétique furentdes traductions du russe, de Gaidar, Gorki,Pantelejew et d'autres, publiés dans diffé-rentes éditions ; plus tard des livres d'émi-grants comme ceux d'Alex Wedding et MaxZimmering ou des livres publiés en exilcomme ceux de Friedrich Wolf et AugusteLazar. Dans la littérature allemanded'avant 1945, on n'avait rien trouvé à pro-poser aux enfants.

    Avant même la création de la RDA, en juin1949, fut fondée la maison d'édition pour lajeunesse : Kinderbuchverlag, qui devint leplus gros éditeur de livres pour enfants. Sapremière publication ne devait rien auhasard. Ce fut la petite histoire tirée duKalendergeschichten (Calendrier d'his-toires) de Bertolt Brecht, Der verwundeteSokrates (Socrate blessé) : une histoirepacifiste qui tourne en dérision le fauxhéroïsme. Elle était gaiement illustrée parFranz Haacken, un artiste qui vivait enAllemagne de l'Ouest mais illustrait cepen-dant ses premiers livres chez des éditeursd'Allemagne de l'Est.

    Des mesures furent alors prises pour que lesprojets d'éducation soient effectifs. En 1950,fut promulguée une « loi sur la participationde la jeunesse à la construction del'Allemagne de l'Est et à la formation desjeunes à l'école et au travail »qui prévoyaiten particulier plusieurs mesures de soutien àla littérature de jeunesse. La même année futcréé un prix qui devait favoriser la « créa-tion d'une nouvelle littérature de jeunessequi permettrait d'aider à une éducation

    démocratique et de transmettre à la jeunessedes connaissances dans les domaines impor-tants des sciences et des techniques contem-poraines ». Ces prix permirent de découvriret d'encourager de bons auteurs,aujourd'hui très connus : Benno Pludra,Gerhard Hardel, Horst Beseler, LieselotteWelskopf-Henrich et Willi Meinck.De cette époque on peut citer l'ouvrage deErwinn Strittmatter Tïrefeo,1954. Ce livremet en scène un conflit de générations etdécrit en même temps l'évolution écono-mique, les conflits dans les villages et les pro-blèmes des paysans lors du passage à unfonctionnement en société coopérative aprèsla réforme agraire.

    Les livres pour enfants de cette premièrepériode étaient en général fort imprégnésd'un souci éducatif. Benno Pludra le formu-lait ainsi : « Pour améliorer le lecteur, nousavons amélioré les héros... mais l'ennui vintavec la didactique ».

    Thèmes et thèsesPour présenter des modèles à la jeunesse, ondécrivait la vie d'importantes personnalitésde l'histoire nationale et internationale, etsurtout de participants à la résistance contrele fascisme et de dirigeants du mouvementouvrier. De nombreux récits biographiquessur Karl Marx, Friedrich Engels, AugustBebel, Rosa Luxemburg, Werner Seelenbin-der, Ernst Thâlmann, les sœurs Scholl ainsique des récits sur des poètes, artistes, musi-ciens et savants comme Beethoven, Durer,Darwin, Picasso, Heinrich Zille, Rem-brandt, Kâthe Kollwitz, les frères Grimm etd'autres furent publiés. Pour développer laconscience historique, beaucoup de livresparlaient de l'histoire de l'Allemagne,comme les récits de Ludwig Renn parexemple.

    La résistance était le thème le plus fréquem-ment abordé dans les livres pour enfants : de

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  • Karl Neumann, Das Màdchen hiess Gesine(La petite fille s'appelait Gesine), 1966,d'Annemarie Reinhardt, Flucht ausHohenwaldau (Fuite d'Hohenwaldau ),1970, de Gisela Karan, Der gute Stern desJanusz K. (La bonne étoile de Janusz K.),1973, d'Auguste Lazar, Die Bruche vomweissen Sand (Le pont de sable blanc), 1965.Au milieu des années 60 se manifesta ungrand intérêt pour la représentation de lavie quotidienne en Allemagne sous le fascis-me avec tous les problèmes que connut cetteépoque. Cela s'explique par les nombreusesquestions des enfants sur le comportementde leurs pères et grands-pères pendant cettepériode. Une étude faite en 1970 a dénombréplus de 100 titres sur ce sujet.

    Des livres d'aventures furent édités en grandnombre. Dès 1951 fut publiée la trilogie deLiselotte Welskopf-Henrich, Die Sohne dergrossen Bàrin, (Le fils de la grande ourse)une histoire d'indiens, rééditée en perma-nence en raison de son contenu réaliste etplein de suspens. Les livres de Gôtz R.Richter ont pour décor l'Afrique, ceux deSiegmar Schollack les Etats-Unis. Dans leslivres d'aventures revient fréquemment entoile de fond le combat anti-colonial.

    Parallèlement, contes, légendes et poésiespopulaires étaient en permanence rééditésavec de nouvelles illustrations. La maisond'édition Kinderbuchverlag a publié à elleseule plus de 77 éditions différentes descontes de Grimm - que ce soit en recueil oubien en éditions séparées - pour un tirageglobal de 9,6 millions d'exemplaires. Leslégendes et poèmes épiques de l'Antiquité etdu Moyen-Age furent réécrits pour la jeunes-se. Des auteurs qui écrivaient surtout pourles adultes comme Franz Fiihmann, WernerHeiduczek, Stephan Hermlin produisirentdes œuvres d'une grande qualité littéraire.De nombreux auteurs de littérature pour

    Manfred Bofïnger, 1978,in : Children's picture book poster, Ibby, 1986

    adultes écrivirent aussi pour les enfants etélevèrent le niveau linguistique et littérairedes livres de jeunesse. Il faudrait citer iciLudwig Renn, Erwin Strittmatter, PeterHacks, Benito Wogatzki.

    La situation des livres d'humour était depuistoujours difficile en Allemagne. Quelquesauteurs seulement s'y hasardèrent commeGerhard Holtz-Baumert avec son AlfonsZitterbacke, den heiteren Geschichten einesPechvogels (Alfons Zitterbacke ou lesjoyeuses aventures d'un malchanceux) ouPeter Brock et Uwe Kant dont les livrespleins d'humour furent des réussites. Leshistoires fantastiques et le non-sensn'avaient pas non plus bonne presse auprèsdes théoriciens. Une conception étroite, malcomprise du réalisme, entravait leur déve-loppement. Ces genres durent lutter pourjustifier leur existence.

    Les ressources d'unelittérature marginaleDans les œuvres qui reflétaient la situationpolitique et sociale de la RDA., la critiqueofficielle ne louait que les écrits « positifs ».Selon les recommandations du Parti, les

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  • « acquis » devaient être présentés comme lerésultat de la politique de l'état socialiste.Beaucoup d'écrivains ne suivaient pas cesrecommandations, sachant par expérienceque les enfants ne lisent que ce qui leur plaîtet ne les ennuie pas. Par ailleurs, dans leslivres pour enfants, on pouvait toucher auxsujets délicats les plus divers plus librementque dans la littérature pour adultes. Ceciétait et est encore valable pour la littératurede jeunesse soviétique. La littérature de jeu-nesse est certes officiellement un élément dela littérature nationale mais elle n'est, en finde compte, pas prise complètement ausérieux.

    Les auteurs traitaient des problèmes desenfants mais aussi des phénomènes de sociétéqui en raison du comportement des adultesposaient problème aux enfants : le déména-gement de la campagne à la ville, le divorce,la mort d'un des parents, les professions des

    La chanson de Roland, 111. Eva Natus-Salamoun,Kinderbuchverlag, 1988

    parents, les problèmes scolaires, les pro-blèmes d'environnement. Ce faisant, ils écri-vaient d'une manière aussi réaliste qu'ilsestimaient convenir à des enfants, exploranttoujours toutes les possibilités mais en gar-dant « les ciseaux en tête ». Il est en effetinutile d'écrire quelque chose quand on saitpar avance que la censure passera par là.

    Ces dernières années, les livres critiques ontpris une importance accrue : c'est le cas desrécits concernant les enfants orphelins etmarginaux. Dans les années 50 dominait untype de récit dans lequel le non-conformisteétait intégré rapidement dans la communau-té; dans les récits actuels, les inadaptés, lesperdants, les rêveurs, les sensibles et mêmeles marginaux qui jusqu'à maintenant ser-vaient de faire-valoir sont valorisés dansleur différence même.Mai cela n'a pas toujours été facile. Pour lapublication de son livre Umberto (1987), quidécrit le parcours d'un adolescent d'unefamille marginale jusqu'à son affectationdans un foyer d'enfants, Gunter Saalmann adû vaincre toutes sortes de difficultés.Les livres pour enfants ne sont plus exclusi-vement écrits pour les enfants. Ils contien-nent des messages en direction des adultespour les faire réfléchir sur leur attitude faceaux jeunes générations.

    Les histoires de plantes et d'animaux onttraité assez tôt des problèmes d'environne-ment. Dans Die Linde vor Priebes Haus (Letilleul devant la maison de Priebe), 1970 deHorst Beseler et Antenneaugust, 197'5, deKant David, les enfants interviennent enfaveur de la nature menacée. Dans DerKlappwald (La forêt démontable),1978,Edith Anderson peint un tableau fantastico-menaçant. Et ceci se passait bien avant quene naisse en RDA la conscience des pro-blèmes écologiques.

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  • Fonction critique de lalittérature

    Les critiques de l'Allemagne de l'Ouest onten général reproché à la littérature d'avoirjoué un rôle de stabilisateur du systèmeest-allemand. Reproche injuste ! Justementparce qu'aucune discussion ouverte sur lesaffaires publiques n'était possible dans lesmédias, la littérature comme art eut unefonction plus large. Elle montrait ce quiétait inquiétant, critiquable, attiraitl'attention sur les défauts de la société etarticulait les problèmes de société qui sefaisaient jour bien avant que tous lesautres médias publiques ne s'en emparent.Il faudrait citer Christa Kozik, BennoPludra, Gunter Saalmann, Jutta Schlott,Wolf Spillner, Alfred Wellm et d'autres. Ilsmontraient que les enfants ne peuvent passeuls résoudre les conflits dans lesquels ilssont entrés non pas par leur propre fautemais par l'incurie de la société. C'est unedifférence importante avec la littératuredes années 50 et 60 qui proposait un systè-me de valeurs positives.

    Dans les dix dernières années la littératurede jeunesse a soulevé des questions de fond :Dans quelles conditions un individu peut-ilse développer librement selon ses aptitudeset désirs et quelles sont les entraves à celibre développement ? Quel caractère ont lesrelations humaines ?Benno Pludra dans Insel der Schwâne (L'Iledes cygnes) 1980, montre les dangers encou-rus par un enfant victime de mauvaisesrelations dans une famille apparemmentnormale, d'attitudes oppressives dansl'environnement social ainsi que de la bru-talité des relations entre les jeunes.L'adaptation cinématographique du livrequi renforçait encore les éléments critiquesa d'ailleurs été interdite peu de jours aprèssa sortie.

    Christa Kozik dans Der Engel mit demSchnurrbart (L'ange aux moustaches), 1983,fait apparaître un ange dans le monde réel.Il a fui le ciel parce qu'il en refusait lesstructures hiérarchiques dominantes et res-sentait le désir d'aller vers les hommes. Ildisparaît pourtant à nouveau « dans le froidlointain » parce qu'il ne peut pas vivre dansun monde d'intolérance, de destruction bru-tale de l'individualité. La critique a cepen-dant réussi à négliger la remise en cause dela société pour attribuer la faute de la dispa-rition de l'ange à l'attitude égoïste de la peti-te fille.

    On voit ici apparaître la problématique de lacritique littéraire dans un pays totalitaire.Alors qu'une partie des critiques faisait res-sortir l'aspect seulement positif et ne voulaitpas voir l'aspect négatif, la plupart d'entreeux comprenaient parfaitement le messagemais, souvent liés aux auteurs, ils ne vou-laient pas les dénigrer pour ne pas offrir auParti l'occasion d'intervenir. Ils savaientaussi que les lecteurs étaient sensibilisés à lacritique et n'avaient besoin d'aucune aidepour comprendre. Cette situation eut uneffet secondaire négatif : la critique devintdocile, terne, sans intérêt et même peu cré-dible.

    Il y a eu assurément bon nombre d'auteursconformistes qui idéalisaient la réalité, élu-daient tout ce qui posait problème ou n'écri-vaient que des histoires insignifiantes. Maisbeaucoup d'écrivains ont décrit, pourmettre en garde la jeune génération, desphénomènes de société comme l'intolérance,la malhonnêteté. Ils ont, par leurs œuvres,agi en vue d'une amélioration de la sociétésocialiste et n'avaient assurément pas pourobjectif de contribuer à son déclin.

    L'espace clos, le verrouillement du pays onteu des conséquences particulières : il y avait

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  • peu d'importation de livres ; les livres pourenfants de l'Ouest n'étaient pas introduits àl'Est. Il n'y avait des accords éditoriauxqu'avec très peu d'auteurs de l'Ouest. Leslivres de James Kriïss, Otfrid Preussler,Astrid Lindgren, Pierre Gamarra furent édi-tés cependant en RDA. En raison de l'absen-ce de toute concurrence, les maisons d'édi-tion pouvaient pratiquer de forts tirages, enmoyenne 15 à 20 000 exemplaires. Ceci assu-rait aux auteurs de livres pour enfants debons revenus qui leur permettaient de vivrede leur écriture et de s'y consacrer pleine-ment. Même chose pour les illustrateurs.Chaque livre étant illustré, il se développaune pépinière d'illustrateurs qui avec letemps se perfectionnaient toujours. L'aspectesthétique des livres pour enfants avaitatteint un niveau élevé et les livres d'imagesdevinrent des produits exportables. Plus de40 livres d'images de RDA furent publiés enFrance. Les éditeurs de leur côté pouvaientapporter beaucoup de soins au contrôle de lalangue ef à la présentation. L'absence deconcurrence fut positive de ce point de vuelà.

    Quelques chiffresQuel avenir ?En RDA paraissaient 6000 titres par an dont600 pour les enfants. L'éditeurKinderbuchverlag en publiait 450, dont 150premières éditions, avec une productionannuelle de 12 millions d'exemplaires. Elleavait 44 éditions différentes, du livre depoche au livre de collection, du mini aumaxi-livre. 1/5 des titres pour les enfantsprovenaient de traductions de 40 pays, plusde 250 auteurs écrivaient pour la jeunessesans compter les auteurs de documentaires.Plus de 100 illustrateurs travaillaient pourles maisons d'éditions.

    Maintenant tout cela va changer. Les édi-teurs de l'ex-RDA doivent se faire une place

    sur le marché de langue allemande. Ils doi-vent affronter un marché déjà encombré.C'est particulièrement difficile car beaucoupde libraires ont annulé leurs commandes afinde libérer leurs rayonnages pour accueillirles livres de l'Ouest. Les éditeurs doiventréduire leur tirage, ne peuvent plus se per-mettre de si grosses dépenses et la plupartréduisent de deux tiers leur personnel. Peud'auteurs et d'illustrateurs vont encore pou-voir vivre en créant des livres pour enfants.Les achats de livres pour enfants baissent.

    Pour le moment le coût de la vie est devenunettement plus élevé qu'avant et les salaires•et revenus n'ont pas suivi. A ceci s'ajoutel'attrait de nouveaux biens de consommationqui entrent en concurrence avec le livre.

    G. K. Chesterton " Father Brown ",ill. Uwe Hàntsch, der Kinderbuchverlag, 1988

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  • Né du centralisme culturel de l'ex-RDA, unréseau de 32 000 bibliothèques ou centresd'information, avait été installé par l'état,avec un fonctionnement homogène. Uncitoyen sur trois utilisait une des 14 000bibliothèques publiques. Chaque ville,chaque commune disposait d'une biblio-thèque publique.Avec l'organisation des nouvelles régions, lecentralisme disparaît et les décrets et direc-tives dans le domaine des bibliothèques sontsuspendus. L'installation et l'entretien desbibliothèques sont maintenant du ressort descommunes. Et celles-ci n'ayant que peu demoyens financiers choisissent souvent desdépenses plus urgentes dans d'autresdomaines. Dans certains lieux, des biblio-thèques ont été remplacées par des disco-thèques et vidéothèques. Pourtant dans lapréparation des constitutions des régions lescitoyens expriment le souhait du maintiendes installations culturelles et des biblio-thèques.

    Il est à craindre que, là aussi, les anciennesrégions de l'Allemagne de l'Ouest servent denorme. Là 11 % des villes de plus de10 000 habitants ne disposent pas d'unebibliothèque. Un tiers de la population de

    l'Allemagne de l'Ouest habite dans desendroits où il n'y a pas de bibliothèquespubliques. Les communes d'Allemagne del'Ouest refusent des lois qui les obligeraientà installer des bibliothèques.

    Que reste-t-il ? Beaucoup de choses vontcomme ont dit « sombrer ». Cependant jecrois qu'une partie de l'histoire de la littéra-ture de jeunesse allemande a été modelée enRDA, que beaucoup de livres, livresd'images, éditions de contes, légendesréécrites ou documentaires vont subsistergrâce à la beauté de l'illustration.

    Les livres ont été publiés par dizaine de mil-liers d'exemplaires, il en restera toujoursquelque chose. De plus je fais confiance auxbibliothécaires, à leur engagement et à leurdéontologie professionnelle et en particulieraux bibliothécaires pour enfants, comme engénéral à tous les médiateurs du livre pourqui le livre n'est pas encore devenu unesimple marchandise. •

    Traduction de l'allemand de ClaudieGuérin.Conférence prononcée à Montreuil, le3 décembre 1990.

    Geschichten aus der Murkelei, ill. Hans Tieha, Aufbau-Verlag

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