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1 Premiers poèmes (2006 – 2008)

L'Enseigne Perdue, Recueil

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Premiers poèmes

(2006 – 2008)

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19 Marche dans la rue Marche dans le cœur du soir Rentre dans ton crâne l’odeur des restaurants A défaut de te nourrir Rentre dans ton crâne la clientèle des terrasses agréables Regarde la fumer, boire, rire De ce côté-ci de la Seine de l’autre côté tout n’est que brume Prends garde aux vagabonds aux chiens errants Car ils reniflent le cœur des hommes Traverse traverse Le feu est rouge l’orange est mûre Les rues méditerranéennes de Paris sont emplies d’un parfum d’agrume Sur les pelures souris aux fantômes gris A ceux qui tendent leur verre à la santé des trottoirs Trinque tu n’as d’autre raison de les éviter Que d’être infiniment seul avec la ville Déjà les bouteilles de rouge vont vers le ciel Le vin des vrais exclus Et pourtant même eux ont trouvé compagnons d’infortune Galériens crachant des glaires gros comme ton poing Maudissant le destin et ses fils mal rasés TSS TSS TSS fait la vieille sorcière accoudée à la fenêtre J’en vois défiler moi des p’tits cons Des comme toi et parfois moins TSS TSS TSS z’avez rien de mieux à faire RÊVEURS C’est vrai Evite le seau d’eau et la cendre de cigarette Ta tête est lourde ne montre pas trop ton visage Sain et sauf ne t’arrête pas La nuit approche si vite que tu n’as pas vu le jour Des filles des monuments des magasins de souvenirs Brillent dans tes yeux Il y a là une musique des verticalités Un quelque chose sourdant à la surface des choses Que seuls les fous ou les simples d’esprit peuvent comprendre Mais continue ne t’arrête pas Le pont s’avance avec la démarche d’un géant maladroit Un géant de pierres C’est un rayon de route tendu comme une corde Va il t’appelle n’hésite pas Il oscille mais ce sont les péniches qui tremblent Ce sont les poissons qui meurent d’overdose sur la berge Mélangés aux seringues et aux touristes aveugles Ha ! les eaux noires de la capitale ! Tu les vois circuler sous les étoiles Elles transportent quelques marchandises quelques alcools

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Voilà pour la brocante parisienne Qu’attends-tu Plonges-y tes pensées ta dépendance à la vie Mais ce fichu pont qui part en vrac Tu ne recolleras pas les morceaux du temps brisé Tu ne dévieras pas la course des atmosphères Fichu fichu virage

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Rêve 5 Il y a une île au nord de mon royaume Qu’on ne nomme pas Sur laquelle la nuit ne tombe pas Une petite île, pas plus grande que ça En bois fragile, en toits de chaume Que le vent et la brume, la brume et le vent Ont déserté à la naissance A qui ni l’océan ni les arbres entortillés Ne portent jamais reconnaissance Pour qui foin du cri des gorilles en rut Ou de l’onde et des chants sur les huttes Ni gorilles ni musique L’île cramée sans flammes humaines Battue sans fin par sel et soleil Sans palmes, sans falaises pour respirer Victime désignée de toute une éternité Quelle île, quelle île L’île au nord de mon royaume L’île qu’on ne nomme pas Sur laquelle la nuit ne tombe pas Ni les chants ni les voix.

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L’Australia 1 La nuit, enfin, ouvre le chapitre. Le vent glisse sans âge sur le bois, apportant simplement les lueurs, l’évidence. Les planches craquent sans le moindre pas et pourtant un millier de chants déjà emplissent l’atmosphère comme deux paumes s’étonnent et comprennent deux autres paumes. Un seul regard contient toutes les terres, sans ciller, à l’abri des cartes, des règles graduées. Il suffit d’un œil pour écraser l’assemblage des îles, des continents, et tracer les courbes ocres comme le désert est amoureux. et confondre doucement le nom des mers.

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L’Australia 2 Ses habitants n’ont pour dieux que les passages craquelés parcourus par toutes les rumeurs du ciel. La charrette du brocanteur porte encore l’odeur des têtes, des souvenirs, et du cuivre échangé. Cet air ancestral qui monte des choses comme un feu central qui élève et allonge les ombres cet air, comment pourrait-il disparaître ? Ma terre est un sentiment tremblant et lointain. Je la porte dans mon cœur depuis la naissance ma terre inconnue, du creux de mes mains. Je n’en connaîtrai jamais le chemin mais je puis dire entre deux verres que le soir, sous les ponts quand trois princes se retirent Sept lunes sont sur ma terre.

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Il a dit Il a dit j'ai marché dans un pays étonnant à l'envers Il a dit je ne laissais que du sang sur le passage des ormes Il a dit mon karma s'est effondré au son de l'adepte Il a dit tout semblait aboli aucun chacal nu au poteau Il a dit que deux fleuves se croisaient roulant le sein dur du temple vide Il a dit j'ai mis de l'ombre sur les vieilles breloques sur le chiendent traînant Il a dit seul le coeur respire dans les mains de l'adepte Il a dit j'ai marché hors du temple laissant là l'ombre Il a dit j'ai laissé mon coeur sans surveillance Je suis le sang et l'orme maintenant

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J’étire mes membres pour en finir avec le tour de l’Univers. J’entame une traversée de la mer, sans boussoles ni escales, dans un monocoque de chair. Chers tropiques, colliers d’étoiles, démarcations des zones de vide et de plein ma tête est une météorite lancée dont je ramasse les débris comme le marin descend aimer la ville en fin d’après-midi.

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Le vieux facteur de campagne est déjà mort La maison carillonne à l’heure des bisous dans le cou les plafonds tombent dans des lueurs molles maman maman le four est blanc et ma tête gonfle avec le poulet maman maman les dalles parlent mal je n’ai plus d’oreilles pour entendre les injures pipi caca boudin d’étoiles découpées plus qu’un cœur et des cerises sur des becs jaunes attendant perchés sur le frigo mécanique la fin. On ne sonnera pas à la porte le postier est déjà mort ce soir j’ai mangé les lettres et j’ai brûlé le sac j’ai été amoureux de la lettre d’amour le cachet je l’ai enlevé comme la fumée sur le toit. J’ai lu que la guerre commence, ou termine dans le sang hétéroclite de campagnards et que les alouettes chantent même sur des charognes et que le vin est parfois rouge et meurtrit parfois et que les tranchées sont noires comme les mains. J’ai pleuré l’été qui est chaud dans la lettre d’or comme quand je n’étais pas, avec des bois sur la tête une auréole de robe à carreaux de vent des avants bras tièdes d’étreinte des visages bons creusés au marteau cavalier des grillons verts le facteur est mort comme un brave sous son trop plein de passé de fleuve maritime. Maman maman il est l’heure de dormir de sortir la tête du facteur du four ma tête de la boîte aux lettres blanche ramasser les débris de cheveux et de bombes dans le ciel pour garder du bleu pour dormir il est temps j’ai été amoureux c’est la guerre l’ancien temps est mort c’est la guerre dans mon cerveau pendu au plafond tiède les bisous mous dans la maison perdu mon cou ton cou sur les toits pourquoi mon cœur fume et a des crises je veux dormir maman maman.

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L’eau dans le mur Coule sans interruption On croirait les larmes d’une fille. Le plâtre tourne tourne Comme un cadeau Offert aux marchands de nuit opaque. C’est un déluge d’eau de plâtre et de merveilles Qui se concentre dans le cœur Construction des vies, femme des joies.

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Hommes d’impasse L’immeuble ne veut pas se rendre Et les feuilles se brisent contre les murailles Poupées mortes désossées Leurs robes de soie brûlent encore Regarde ces yeux Regarde Cette cage d’ascenseur L’homme pâle d’où revient-il Personne ne sait vraiment Un endroit à l’envers et bleu comme la terre ? Un abri de fumées et de mensonges Quand tout le reste s’écoule entre nos mains Aux remparts s’écoule ; aux fortins.

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Tu rentres dans ma voiture, et je t'aspire. Tu ressortiras différent, avec des traits neutres et immensément abattu, tu seras un peu tué, tu recommenceras à sentir l'air sur ta peau, tout ira bien, tu sortiras de ma voiture et je t'oublierais, tu oublieras, tu n'auras qu'à retenir un souvenir et un visage qui ne veulent plus rien dire.

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Faces de roc et gueules de glaise

Faces de roc et gueules de glaise Laissez-moi rire Viles momies débandées Une paire de ciseaux multiforme Et je découpe des expressions Celui-là De ces dents que reste-t-il maintenant ? Poupées aux cheveux de paille Brûlerez-vous L’affiche en paravent s’est envolée Avec le temps J’ai décrypté le froid mécanisme de vos yeux - C’est un scandale - Je n’étais pas préparé Vaches, objets non démoulés, Il demeure toujours cette marque Ce tatouage silencieux comme la pierre

Même qu’une maladie s’est emparée du vent Ce soir

Que que quoi Qué qué qué Quelle langue dois-je parler ? Dix trains passent avant toute chose Dix raisons d’étayer l’absurde Et je ne sais combien de cris Où sont passés tous leurs bagages Techniques tactiques tragiques Comiques Hic-hic-hic- hic Un jeu de construction éclaté De zéro à je ne sais quoi d’années

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Je ne construis pas Je ne me construis pas

Alors les autres Sont en pièces Un vrai carnage dans le ciel Un vrai carnage sur les terres Gravats et étincelles Gulte Groune Giste Gloume Enchanté Ici l’écho L’écho descendu de vos bouches amorphes Mais je n’ai rien d’autre Que des noms vides Mon langage je l’ai haï ce chien Fils de prospectus Petit-fils de la Gaule Et je l’ai dépouillé des artifices Mais je n’ai rien d’autre Que des noms vides… …Pourtant des gens brillent parfois Ca peut même ne jamais s’arrêter Ils brillent et Boum boum petits coins Brisures de roc

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Chhhuuu chhhuuu chhhuuu Murs et becs Mollis…

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La beauté sauvera le monde La beauté c’est le monde Un jour Quand ça ne prévient pas En chaque chose, chaque minuscule chose En chaque être, en chaque crasse La création explose Les yeux n’en reviennent pas Les yeux de l’esprit s’ouvrent, s’écarquillent Devant les misères d’une vie en toc Chaque fibrille de vous la vie La lente ascension du souffle Le lent recul de l’autocar Un jour c’est simple Tout apparaît enfin Avec l’air le seul air de vérité Convulsif Fugace Eternel Qui arrache tout oui arrache tout Puis repart vous laisse

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ce ciel uniformément aveugle filtre une lumière grise et blanche très bas comme pour écraser les mémoires tant de particules droguent notre vision tout un fleuve calme les nuages se composent et dessinent notre esprit dans l’esprit de l’air du temps

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Idioties, Prophéties

sous le lampadaire m'attend le chevalier géométrie

il tend une horloge en l'air et cache ses yeux sous son casque poli

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A genoux A genoux, je n'ai pas l'idée de Dieu, je n'ai pas l'idée de la nature ou du soleil. Dans la forêt sur mon vélo, pour moi, aucun instant éternel ! Aucun unique personnel ! Mouvements, sons et couleurs dorment tous et s'associent sans le moindre sens. J'accepte les Informations, la Culture et la Science ! Peut être même un jour monterais-je dans cet étrange et triste char à voile tête couverte de sable, pensées frappées d'enchantements, ivre sous l'immensité de la toile; à genoux, nous-mêmes l'oubli, nous-mêmes le firmament ! Les coudées franches, le dos courbé, fils de la lumière.

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Je dois descendre directement des serfs, des nègres fouettés torses luisant dans les champs de coton, des esclaves égyptiens croulant sous le poids des pyramides, des galériens de toutes races, de tous les animaux abrutis et asservis par l’homme. On m’a mis à l’école. J’apprenais car il fallait apprendre. Sans jamais rien comprendre. Je suis resté ce que j’ai toujours été ; on ne change pas le fond de son âme. La mienne est une âme d’esclave, de bête humaine ; une âme de boue infâme. Enculturé, je souffre. La république tord mon cœur diabolique. Moi que seul le puissant courant de la vie pourrait faire glapir, hurler à la lune… comme un loup, comme un vieux sorcier nègre en transe devant ses idoles de vie et de mort adorées, léchées par les flammes et le sang des poulets égorgés… Moi qui n’entends que la vieille rumeur des clochers de campagne à l’aube, le grondement de la Mer lointaine déferlant sans jamais s’arrêter, les imprécations impérieuses du curé en haut de l’estrade, les coups redoublés de la hache et du feu sur le bûcher… Où voyez-vous la cruauté et la Foi ? où voyez-vous la magie et les Rois ?Moi, je ne les vois pas. Mes oreilles souffrent d’hypocrites leçons de morales données par de tièdes enculés acéphales. Je descends d’une lignée, j’en suis sûr, d’hommes écrasés par le pouvoir et le sacré, je descends d’une lignée, j’en suis sûr, d’hommes battus par le vent, le sel, et le maître magnifique, sans réelles pensées. Je verse de chaudes larmes sur mes leçons de morale, de littérature et de mathématique, bouleversé par la pureté perdue de mon esclavage antique. Il a beau y avoir eu des générations pour m’en séparer, faites de mélanges et de consanguinités, on ne change pas le fond de son âme ; enculturé, je souffre. La république tord mon cœur diabolique. Je verse de chaudes larmes, devant l’esclavage de paix qui m’attends, sans violence, sans amour, sans sacre et sans panache. La révolte, en plus, m’est inconnue ; je verse de chaudes larmes, devant l’esclavage de paix qui m’attends, sans violence, sans amour, sans sacre et sans panache.

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Chanson d’argent Combien d’argent Me faudra-t-il Combien d’oseille facile Combien d’argent D’oseille de cash de thune Je suis un être fainéant La tête tout le temps dans la lune Combien d’argent Me faudra-t-il Combien d’oseille facile Des pantalons ralph lauren Des chemises aussi Je suis encore si jeune Souvent trop aigri Donnez-moi la liberté De dépenser selon mes désirs Un manoir dans un domaine éloigné A mes pieds tous les plus grands vizirs Cent sirènes qui chantent Pour moi Une rivière éclatante Qui me traverse sans poids Combien d’argent me faudra-t-il Combien d’oseille facile Tous les jours je prie Les choses ont tellement de prix Tous les jours je suis là A mettre au passif de la vie le nombre de mes pas Combien d’argent me faudra-t-il Combien d’oseille facile J’ai déjà beaucoup de retard J’ai beau avoir le nom d’un tsar Rien ne vient en claquant des doigts J’ai beau garder secret tout ce que je n’oublie pas Combien d’argent me faudra-t-il Combien d’oseille facile Combien d’argent D’oseille de cash de thune Je suis un être fainéant La tête tout le temps dans la lune Combien d’argent Me faudra-t-il Combien d’oseille facile

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Sur Oméga ou ici c’est pareil L’être manque cruellement d’oseille Imagine les baisodromes sur Saturne Sur Alpha du Centaure les étranges turnes Où se marient les rois L’espace enroulé autour des bras Je veux bien plus encore Des choses si chères à mon coeur Rien à battre des ors De la Terre et de ses peurs Combien d’argent me faudra-t-il Combien d’oseille facile Pour acquérir le sublime Donnez moi un prix Et rangez vos maximes Je vous l’ai dit je prie J’attends une réponse au-delà des idées Matérialisable et instantanée Acquérir les pouvoirs de la mort Et bien plus encore Combien d’argent me faudra-t-il Combien d’oseille facile Combien d’argent D’oseille de cash de thune Je suis un être fainéant La tête tout le temps dans la lune Combien d’argent Me faudra-t-il Combien d’oseille facile (x 10)

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Loosers Nous avons Faim et soif L’escalier tourne Et nous ramène Devant la chambre Que nous ne voulions jamais revoir Faim et soif Nous avons La gorge sèche et les dents longues Faites pour mordre les bouées Lancées par des alliés compatissants Types de couloir qui passent Un instant En caressant la rampe d’escalier Faim et soif Nous avons Condamnés à tourner Encore et toujours Frôler l’œil des portes Où rient Pleurent Et dansent Les voisins anonymes Faim et soif Nous avons Barrant des épaules A droite Et à gauche Le cœur des images Tourne Dans le pli de nos vestes Faim et soif Nous avons Un bras trop court Ratant de peu à chaque fois Le coche Toucher est un art Et échouer est notre affaire A chaque fois Faim et soif Nous avons Choisi les emmerdes

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Semble-t-il De façon Presque naturelle Et l’heure qui tourne Encore et toujours Nous le rappelle Faim et soif Nous avons L’avant-goût de Dieu Pas plus Des cris de carpes et des coups de revolver Sortis tout droit de bédés noires Pour seule poésie Faim et soif Nous avons Délibérément Raté Les entreprises Tapant des mains divers conseils Bons à prendre Ramassant les vieux tickets par terre Et d’autres vieilles choses Oubliées Là Sur les marches Faim et soif Nous avons Prêt à tous les coups Tricheurs même De peur de perdre le peu de réel Qui nous est gratuitement laissé Parfois Dans une légère déviation d’escalier

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JAGITE LES MAINS POUR FAIRE DU VENT SUR LE DOS DE LA DEESSE DE LAMOUR ON ENTEND LES BATTEMENTS QUI DISENT TOUJOURS TOUJOURS CA VA VENIR CA NE SAURAIT TARDER A VENIR SUR LE DOS DE LA MUSIQUE ETERNITE ETERNITER JE SUIS EN PLEIINE CREATION ALCHIMIQUE MON DIEU QUI EXISTEZ JE SUIS UN ETRE UNIQUE PASSIONNE JUSQUA LEPINE EXTATIQUE MON PERE DU MONDE QUELQUUN SORT UN SAXO ET JOUE LA TRANSE A LA RONDE DES VIOLENTS HEROS JE TAIME COMME UN AMERICAIIN QUI PLANTE UN DRAPEAU SUR VULCAIN JE TAIME COMME UN ADO ROSEMONDE TU DISAIS JUSQUA ATTEINDRE LA ROSE DU MONDE JE VAIS METEINDRE AVEC UN PLAN ENCORE INACHEVE DANS MON SAC A DOS 9…

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MILF Il y a des oiseaux qui chantent dans les arbres Et en bas une femme avec des talons bleus Qui donne le sein à un bébé tout rose Le bébé tète comme un aspiro furieux Les mamelles pleines de sa maman C’est une femme avec des talons bleus Assise sur un banc de jardin vert bouteille Sous un grand saule pleureur Des oiseaux chantent Perchés tout en haut des branches leurs plumages orangés se découpent dans le feuillage devant le ciel plein de nuages en forme de pays et de dragons crachant le feu Et ses seins blancs gonflés de lait Veinés de verts et de bleus Sont happés par un bébé tout rose Assoiffé d’énergie et joufflu Il a trois cheveux sur le crane Et deux grosses billes claires au milieu du visage On dirait un mutant venu des étoiles Et moi je suis assis en face d’elle Sur un banc de jardin vert bouteille Je la regarde sans pudeur aucune J’embrasse du mieux que je peux toute la scène Bandant ! Sous les oiseaux qui chantent Je voudrais être à la place du mutant des étoiles Mes yeux durs et métalliques et vagues Avalent toute la scène et imaginent le lait Déborder de mes lèvres sur mon corps pâle Sur son corps de foyer central Tiède et nu Sur nos corps enfin soudées dans une étreinte finale Et mon âme Contre un téton tout rose Les oiseaux chantent A dos de dragons C’est une femme avec des talons bleus Qui lève ses beaux yeux noirs vers moi Toujours tétée Sur un banc de jardin vert bouteille Sa jupe à frange immaculée flotte

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Le vent me montre sa petite culotte Couleur chair Je bande mes yeux sont métalliques Durs et vagues Ils imaginent couler des torrents de lait Creusant des fleuves dans les nuages en forme de pays Qui passent C’est une femme avec des talons bleus Qui me regarde dans le parc lumineux Elle érige des désirs sur les ailes des dragons Et tatoue en signes blancs le front D’un mutant des étoiles Qui ressemble furieusement à un bébé tout rose Les oiseaux chantent en volant parmi tous les pays Pour la saluer La reine du monde Et moi aussi Maintenant Je bande du mieux que je peux Pour la saluer L’érotique milf du parc Qui fait rêver les petits et les grands Avec des talons bleus Et des seins géants

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Lettre idiote Retrouvée dans une vieille malle en osier dans un vieux grenier d'un village de Provence. ""A Mademoisellle la Doussse, la Merveillleuse, L'Elegantée, Ma petitte …, "-Je ne te connais pas. -Tu ne m'en voudras pas." (Dialogue entendu dans une pièce de théâtre dégoûtante.) Que je sache ! Un visage, un objet, quelque chose de palpable, d'amical... Qui me soutienne... C'est aujourd'hui que tout se passe... Que je sache ! Toujours ! Prendre une photo solide de l'ensemble, avoir une image mentale, un plan stratégique... Si c'est la vérité, elle irradie... Toujours ! Je te parle on se connaît ? Tu me pardonneras. Prend soin de toi... - Haut les mains ! taisez-vous ! il y en a un qui va chanter, car il ne sait que dire, se souvenir; Sous mes menus problèmes Accrochez un emblème Une tête de tétard Ouvrez la porte du placard Et prenez-y tous mes vêtements Jetez les dans l'étang Méchamment ...En fuyant les touristes de ce monde comme la peste... Je m'ennuie. Je décroche des téléphones. Qui est là ? pour quoi ? Je m'ennuie. Les ondes sont mauvaises pour la santé. Prend bien soin de toi... Je ne voudrais pas que tu tombes malade agitée de soubresauts L'hôpital n 'est pas la porte à côté Tu nies mais tu sais qu'il me faudra Crier, faire un feu, et gratter la mer Tu seras transférée sur un cargo clandestin Il y a toujours des esclaves même en dehors de France Celui qui relie les îles du Sud Je prierai pour ton salut j'abandonnerai un lourd tribut à la peur Avec tous ces cahots de vagues et tous ces immigrés dans la soute avec toute cette drogue planquée et toutes ces armes Pour la révolution la police maritime si elle arrive couvrira tout le monde de balles Et les caisses exploseront Les flammes s'empareront du navire Tu seras recouverte de poudre blanche tu deviendras une boule dénérgie incontrolable Tu sauteras dans l'eau brûlante et nous ne nous verrons plus jamais Ce message prendra tout son sens dans le Futur, ma petite…, Nous devons nous retrouvé après après demain là où tu sais, Je viendrai seul. Avec mon sabre et mon sourire. Là où tu sais, Signé : Ton..."

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Au paradis On mange des rivières d’arc-en-ciel Et on se baigne dans une barbe blanche infinie Au paradis Avec des hommes qu’on mettra l’eternité A connaître Comme de vrais frères Il y a un train qui emmène tout le monde Sur des échiquiers géants Visiter des plaines anglaises insoupçonnées Où on rencontre des vers géants irradiés de feu Et des rois de cœur qui en un regard Change votre façon de voir de sentir d’aimer Au paradis On n’a plus besoin d’augmenter son amour Son espoir, sa foi Parce qu’ils remplissent tous les poumons Et qu’on respire Qu’on ne respire Que le souffle absolu Froid comme les glaciers du pôle Chaud comme la braise de la dernière bougie qui nous réchauffa Le plus beau soir de notre vie Le plus simple soir Le souffle absolu le souffle clin d’œil En mitraillette dans une spirale qui enivre Au paradis la nostalgie Se découvre enfin de son chapeau Elle qui tenait du manoir et du souvenir teinté d’automne Tient désormais du torse solaire doucement De la chapelle sacrée au cœur de tous les croyants Le silence se fait au son du chœur sacré du passage des âmes Dans cette chapelle La nostalgie A parlé, enfin En nous Et c’étaient les mots de la mère que nous attendions toujours De retrouver C’étaient les mots de la mère que nous voulions ceindre sur notre front Pour préparer le champs des baisers salvateurs Nos premières heures au paradis C’étaient la durée d’un instant de grâce Jeanne d’Arc versant regardant au ciel extatique Devant Artaud le Momo dans le film C’étaient les heures, toutes nos heures C’était pas le temps c’étaient l’instant de grâce Pour ce qu’il est vraiment C’était pas du temps

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Au paradis Le sadisme de Dieu est une théorie Tant mieux Nous ne rétorquons plus Nous vivons Notre réponse est notre vie Au paradis.

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Le château sans fin Le château sans fin >la défense est très importante Tours crachant des flèches ou des boulets disposées stratégiquement derrière la lourde herse par exemple aux angles des murailles faire ce dessin avec application les plans du ch^â^teau sans fin près d'une rivière des geôles aux opposants un fou pour la critique un jongleur de temps en temps des troubadours chantant dans l'ivresse du vin des femmes aux perles de dent soupesées élégantes des mollets aux courbes parfaites les sculpteurs peuvent partir mille maîtresses je ne veux pas d'amour unique pourtant fidèle à une femme dans la préséance et le cœur ma reine une reine à la peau pale presque blanche qu'elle ait des yeux grands bleus une chevelure noire qu'elle tienne une place de choix, respectée consultez moi alliances et trahisons architectures soudaines puis éternelles voûtes d'églises nef transepts couleurs explosives parfois sur les tapisseries des chambres royales mille miroirs au plafond mille fresques relatant la colère des dieux et la naissance de géants de soleils prions

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la Table Ronde de légende une nouvelle légende par des poètes aux armes compagnons colère et rythme et grâce à la grâce de dieu visons vivons nous des élus tenant conciliabules contre les pierres des couloirs à la cave les bibliothèques de l'alchimie contre la mort la pierre philosophale les théories tantriques des sages d'orient et « lalumière » de l'étoile mystérieuse géométrie importante cause de travaux

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LES PIGEONS, LA GUERRE Je suis l'Ennemi de la race des pigeons A Moi Tout Seul Nous nous sommes déclarés la Guerre Hier dans les rues de la Capitale Il m'a volé dans la tête l'autre avec une patte en moins L'autre tout déplumé l'autre rachitique l'autre Pesteux Picoreur de miettes de trottoirs Ces empafés me dégoûtent Je leur vous une Haine Universelle Chacun de leur battement d'aile m'angoisse Rats Volants Misère grise et plate Métaphore de la ville de la banlieue des habitants Du Monde Commerce Nous nous sommes déclarés Une Guerre Totale Hier Dans les rues de la Capitale !

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Mon ami le marchand de ventres Je connais un ami qui est marchand de ventres, mais à moi, il ne veut jamais en vendre. Chaque jour pourtant il fait bonne recette, dans son petit magasin de banlieue, très loin du centre ville et de ses tristes clochettes, attirant un nombre dingue de personnages curieux. Une fois même il me raconta avoir reçu un véritable roi. Issu de l'immigration tardive, habillé de rolex, cette altesse sérénissime montrait un énorme complexe ; son bas-ventre était bas, trop bas pour pouvoir s'adonner aux fades plaisirs des ébats. Alors il choisit un ventre de fer pointant son sceptre avec autorité et contrôle et d'une voix discordante de spectre fit par son pauvre esclave donner son ordre : « J'exige ce ventre et aucune autre, j'ai de l'or, et je payerai comme tous les autres. » C'est une grande histoire lui dis-je, mais tu veux donc me narguer ? Qu'y puis-je si mes envies de ventre sont des envies de détraqué ? Hé Oui je veux un ventre de cendre qui puisse avaler le monde entier, d'un seul coup, que le monde entier glisse et soit digéré comme on digère les fous. Je suis un fou et un malade, je suis malade du ventre, malade de peur, c'est l'escalade des maux dans le coeur de ma pauvre petite antre, tous les jours j'attends sur le trottoir et tu ne me donnes rien, chien, je regarde jusqu'à ce qu'il fasse trop noir par ta vitrine, en vain. Si tu me donnes un nouveau ventre de diamant, tu sais que je ne t'épargnerai pas, mais je ferai en sorte, calmement, en me régalant, de penser à toi; et tu sais ce que cette pensée vaut dans le coeur d'un ventre sans lois. Mon ami, il vent des ventres de pigments éclatants, du rouge au violet au vert, tous sont ventres charmants, moi, derrière la vitrine, j'attends mon heure

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en accumulant des souvenirs, j'attends, j'espère, et je dors sur une poubelle en regardant l'univers.

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Ta gueule et avale Paris Saurez-vous donner la couleur de la voiture qui fonce droit sur vous Boulevard Malesherbes Et des dents du taxi arabe dans la pénombre Stalingrad il pleut il pleut Stalingrad Des verts des rouges des presque quelque chose mais pas encore Tout à fait quelque chose Racailles & cabotins soldés foire d'empoigne Visière baissée drogué ou meurtrier à la dérive Petite parcelle d'un visage sous la lumière néon Porte Pantin il pleut il pleut Porte Pantin C'est l'été Une chaleur qui gagne le coeur du vomi devant la boîte de nuit Il est stupide de s'avérer être là quand on est toujours ailleurs Coup de téléphone Qu'est-ce qu'on boit demain J'ai une de ces soifs moi Par ici la monnaie par là c'est la chaleur encore Il pleut il pleut A la télé il pleut y'à quoi à perdre je sais pas On verra demain Si soif si soif & rien pour étancher Pas vu de baiseurs dans les buissons des quais Dommage peut-être la prochaine fois Erection gigantesque A la Défense sûrement un sacrifice pour l'esprit des Tours DImension supplémentaire entre les Tours & derrière les Halles Près du marchand de bonbons Sur le visage de l'inconnue à la démarche sensuelle Un sacrifice Epicier du coin une bière parle à un mur Sacrifice J'ai vu Doc Gynéco près d'Invalides qu'est-ce qu'il fout là Je veux être célèbre en 2009, me faire un nom, chaleur sur la 1664 Il pleut il pleut Tout l'éclat de la star tombée Moment de stupeur l'Esprit s'en remettra Vos gueules stupides pigeons Dégage toi misèrable Pesteux à la con ta race Dégage J'ai un coucou dans la tête Il a pondu ses oeufs et squatte tous mes rêves Un jour il me tuera à moins que je ne l'emprisonne Pourtant il s'échappera toujours je le sais c'est le coucou Il pleut il pleut Petite Ceinture La limousine emmène des types HEC vers une soirée HEC PLein de champagne Filles avec le chic de putes maquillage de camions volés A mort la conscience moi aussi Je crie A mort la conscience La vie c'est fuir la vie Y'a rien après ça Si ce n'est le coucou Lui ouais il est toujours là Taxi arabe ça fait combien beaucoup de clients

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Je veux baiser ici et maintenant Le double d'une japonaise hyper jolie bien roulée et tout Pantin il pleut il pleut Pantin Je vois venir dans les yeux de l'enfant sirupeux Jésus absent Bye bye moi la bouteille à la hanche Promenade Croisons-nous après tout est-ce si important Tu sens l'air qui te porte, tu te sens fort, bien Traverse pont Neuf là conglomérat de touristes chinois Nos maîtres Oui je vous prends la photo J'immortalise L'essor de la circulation des marchandises Votre femme est l'aide je l'aime je m'en vais Je ne sais plus où je devais aller, si je devais Faire quelque chose comme regagner mon pays Mais il pleut, il pleut mes amis Impossible de rien rentrer C’est l’été et il pleut Ca y est Le coucou est parti.

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Prophétie du réactionnaire en vacances à l’usine Il est venu en invisible pour chaparder toutes nos récoltes, toutes nos vendanges; nous voilà pauvres, et démunis. Il est parti en invisible, nos chiens n'ont rien pu lui soustraire; ses poches sont vides sa tête est pleine, et il ne connaît pas la peur. Un vent de sable court cette vallée depuis deux ans déjà. Qu'allons nous manger ? De quoi allons-nous nourrir nos familles, et nos bêtes ? Nos terres foudroyées ne donnent plus que suies et cendres. Nos habitats sont désoeuvrés, et à nos pieds ne se contemplent plus que des panoramas éteints, comme d'après les volcans. Les idoles, fissurées, ne secourent plus l'homme, les sacrifices n'atteignent plus personne. Sang et images : décochent leurs flèches sans cible. Le toit des monts est silencieux qui accueille les nids d'aigles à 3000 mètres sous les neiges. Et ses silences nous excluent. Les vieillards consument leurs derniers jours en solitaire, retirés dans les grandes bâtisses, malades ou cinglés; il n'y a plus de secrets, plus de passeurs, seul le rire cynique des jeunes générations, ces sans oreilles, ces sans yeux, ces sans coeur. *** Chaque aube nouvelle apporte son lot de désolations Sur nos têtes, Autant de coups de massues cloutées, Autant de tempes pilonnées. Les mariages des jeunes filles se succèdent à un rythme effréné,

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Les amants mortels s'envolent pareils à des mirages, Le temps est indifférent, grises les longues bandes de nuages, Quand soudain frappe l'orage. Nos portes, nos murs, nos maigres barrages Laissent filtrer des poisons encore inconnus. Boire l'eau claire devient chose rare, Et les nouveaux nés vagissent bien faiblement; Le sein des mères contaminé Leur donne du lait tourné. Il est venu l'étranger, de par delà les mers, L'écume aux lèvres, le poing serré, Le front pur barré de tous soucis. Ses deux yeux gris ont signé la catastrophe Et, sans fond, sont partis. Les armes que nous forgeons dépassent l'entendement Et notre ennemi ne connaît pas de frontières, Car il partage notre visage, Nos gestes, nos plus infimes signes. Tout se joint, des ponts mouvants traversent les fleuves de boue, Il est écrit sur les panneaux du fond des plaines : « C'est certain, voilà très proche la fin d'une ère Et son ombre palpable dérive sous la terre ou dans le ciel Des esprits. » La beauté est encore désirable un jour ; Profitons-en, pour ne pas l'oublier, Avant l'oubli. Asseyons-nous devant le spectacle des étoiles En attendant que les lourds couvercles de brumes disparaissent Et que la vérité éclate, comme elle sait faire, Nue et sans draperies brodées. *** Il est venu de loin l'homme que nous ne connaissons pas Pour chaparder toutes nos récoltes, toutes nos vendanges ; Nous voilà pauvres, et démunis. Il a laissé ses stigmates rouges écarlates Sur le sable des marécages Et le linge de nos femmes. Des pics de chaleur ou de glace comblent les catacombes, Lorsque nous tournons nos vibrations, quand nos mains tremblent, Qu'il s'agisse d'une prière informe, d'un violent jet de pierres, L'ombre rampe et s'insinue.

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Nos chiens n'ont rien pu mordre d'elle, Donnons leur des os de poulets fermiers, Des os ou des tibias de cadavres ; Nos chiens n'ont rien pu lui soustraire, Il est venu, il est venu puis il est reparti, Ses poches sont vides, sa tête est pleine; On sent le vent qui depuis deux ans déjà Joue du souffle sur les corps remplis des sèves de vie. *** Maintenant les enfants grandissent dans des passoires épurant toutes connaissances, toutes larmes. Il y a des groupes d'êtres parfois qui se réunissent à un endroit nocturne autour des flammes pour retrouver l'ivresse. Mais la véritable ivresse est toujours plus qu'un verre de gin flambé, qu'une rasade de vin rouge, qu'une drogue esseulée, l'ivresse véritable voyage vers les racines de la terre, dissout la vie, donne. Donner des cartes, battre une pioche innombrable pourvu qu'il n'en sorte que des coeurs : voilà notre credo actuel. Pique, trèfle, carreau sont réfutés d'un même bloc; le joker amer côtoie rois et reines, soldats et valets, couronnes et sceptres, dans la fange. *** Il est venu seul à l'heure exacte, pas une minute en trop, pas un mètre superflu, le coeur rayonnant l'allégresse, chantant bien plus haut que les mille trompettes, un message greffé sur la bouche, immuable. "Ensemble jouons à parler." Il est parti en invisible, nous délivrant, nous livrant aux fin et à la fin;

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nous n'avons rien vu, rien entendu, générations sans yeux, générations sans oreilles, sans coeurs ! *** Depuis se lèvent les charlatans qui eux, ouvrent tout grand la gueule, volant le moindre raté de nos paroles le barattant, le recrachant : et ne pensant qu'à vendre leurs parapluies troués. Nos fils, les fils de nos fils, grandissent cloîtrés, cyniques, tapis comme des sous-hommes dans la tiédeur de leurs tanières. Ils parlent, oui, à travers les oblongs miroirs, les oblongs miroirs qu'ils portent à bout de bras. La langue molle, notre race craint tant la maladie qu'avant de s'éteindre, elle fut malade, sans nausées ni crampes, pas de douleur, de dard d'insecte planté dans la jambe; elle fut malade, malade de tiédeur, et s'éveilla et s'auto mutila en rage. Tu me touches je te touche c'est ainsi quelque chose de nous disparaît. Nous changeons et changeons le monde sans vraiment le vouloir, sans vraiment le savoir. Quelques élus pressentent, chagrinés, pour les uns le suicide, pour les autres la folie ; Pour les plus bénis l’idiotie. *** Il est venu en invisible, sur son passage, juste le vent de maladie; nous voilà pauvres, et démunis. Il est parti en invisible, de sa lumière, il n'y a plus trace; c'est nous qui sommes, devenus la lumière brune des bêtes. Et nous ne connaissons pas la peur. Nous avons choisi, voté, pour la sauvagerie, l'existence-incendie. La conscience s'étiole, et ne nous atteint plus;

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nous courons dans la vallée, en vent de sable, nos chiens à nos côtés. Mangeons des restes cru, des plantes, la sève, J'ai, moi, des rêves de caravanes de fer gigantesques, longeant la facade d'immeubles d'argent grouillant de vers à la bouche circulaire aux dents aiguisées comme le rasoir, une comptine trotte parmi un labyrinthe de ruines, qui parle, je crois, de la lune. Les coudées franches, le dos accroupi, fils de la lumière. *** La loi change, ordre et désordre s'accouplent dans des orgasmes qui nous propulsent aux commandes de machines biologiques. Derrière la cité le paysage est incertain, il joue sur les niveaux d'ors et d'ocres contenues dans l'aurore, dans la nouvelle aurore. C'est au pied du pin humide que nos désirs s'excitent, bizarres et altérés, cent fois plus destructeurs. C'est au pied des grands amas de rocs que les très jeunes garçons perdent leur virginité, serrés aux bras des femmes dont l'âge décline. Chaque soir le toit des monts est silencieux, qui accueille les nids d'aigles, à 400 kilomètres, et c'est dans son silence que les orgies s'achèvent, en cheveux arrachés, en fleurs de ventres tassés. *** Il est venu en invisible pour chaparder toutes nos récoltes, toutes nos vendanges; nous voilà pauvres, et démunis. Un tremblement de terre a éclot; mon peuple et moi avons été secoués par tous les membres. Nous avons préféré choisir le suicide, nous avons réagi, avant que la dernière heure n'arrive, pour ne pas perdre le coeur, les bras croisés, en spectateurs.

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Il est parti en invisible, il a semé le désastre, sonné la cloche, nous n'avons rien vu, rien entendu, nos chiens n'ont rien pu lui soustraire; ses poches sont vides sa tête est pleine, et il ne connaît pas la peur.

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Prophétie du combat pour la lutte du monde Tout a commencé par une destitution cacophonique Le roi des singes est tombé du margousier géant Il a cassé sa queue, La rivière murmurait des sons talismantiques Jusqu'à la gueule béante de l'immense serpent, Et le sceptre taggué dans la boue de son ventre Tapa trois coups de pouces comme un appel théologique... *** Le premier discours politique du premier règne de l'existence A levé son armée de poissons et de plantes Le cycle cataclysmique devait jeter la mort Au bas de son trône magnificient La queue du roi des singes Tomba dans l'océan Pour disparaître des vues d'un ciel qui s'arrachait... *** Le royaume des feuilles s'assécha Les ritournelles et les sagacités Salaces des lézards Le trou des roches minérales Et la biosphère furieuse Un long moment qui ne passera pas ? Quand les cavernes se réunirent en clan Fut décidé l'heure H du lieu et de la formule... *** Les singes déchus bombèrent leurs lèvres Et ruinèrent du sang à l'aune d'anciennes reliques Jamais plus l'espace-temps Alors ne parlera de ses fils D'une langue claire et naturelle Comme l'eau du ruisseau franchit la plaine les contreforts Et finit par crever dans la mer... *** Les boules de poils méditent Des complots orgasmiques La succube envoie ses sandwichs aux épines de cactus Au fond des gorges chaudes les plus austères Brouillant les orages si purs de l'atmosphère VENGEANCE VENGEANCE hurle tout un peuple

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Que n'écoutera plus aucun conciliabule sacré Au son des arbres immenses de la forêt !... *** Dans le chaudron l'empire couve, bouillonne Et les sciences avides déjà sélectionnent Une race apte à ramper dans la merde La multitude des scorpions grattent le dos des rois Les couronnes elles-mêmes envoient En cendres des messages plutoniques De la plus haute dilution On expérimente la chair l'esprit Aux goulags aux camps de concentration... *** Ta merde est la mienne Ma merde est la mienne Nos merdes sont la mienne Une Idée vient des années-lumière dans la bouche d'un singe gris Il réquisitionne l'attention de la planète Pour se sauver Rendez vous dans le fleuve Qui s'en va en changeant ! La vieille prostituée y garde ses pieds sales Qui ne s’assainissent jamais ! Et son troupeau de porcs Paisse là d’heures en heures, d’années en années... ***

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L’enseigne perdue, précédée d’autres poèmes

et de monsieurs monsieurs.

(2009-2010)

avec ma fumée de cigarette je crée des nuages fous

ils me font une bien étrange casquette que je retire et pose sur mes genoux

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Après l’inondation Asseyez-moi sur une chaise en fer dans la chambre disparue Relevez-moi saisissez mes épaules Mesurez ma taille mon tour de tête Choisissez une couleur pour mes yeux et allez-vous en Partez ne revenez plus Je resterai là sans lutter Devant ma table de travail devant mes dessins aux formes inachevées J'essayerai d'éprouver haine et amour Jusqu'à me cogner me réveiller Et transformer le visage de mes murs En lumière – pour toujours

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Robot au soleil Je n’en suis qu’au début qu’au tout début je n’en suis qu’au sommeil Toute ma vie je dors, et cela même pendant l’éveil Je sais maintenant que pour toute rue traversée Mon regard n’a fait que se perdre sur le bitume et le visage des passants pressés Vague comme dans un rêve, esquivant toute implication réelle Ce corps qui suit les pensées de son fantôme charnel Demain encore à franchir le carrefour de choses et d’autres Avec, néanmoins, dans le sang, quelques vieux restes des actes des apôtres Ainsi ma vie passe, dans la grande ville ou en dehors De bouche à bouche, de porc en porc, je chie, je chie Au loin un son de cloche quant à lui Cherche ma boue avec son langage d’or

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Sale soleil Sale soleil sur un mur Qui brûle et qui emballe Le chibre des chevaux dans la plaine Et le charme de la jeune fille en charme Sale soleil qui penche A l’avant dernière heure de l’avant dernier jour de l’avant dernier miracle Prophète sans nom et qui avance dans la plaine La poussière sur le flanc des hommes qui baisent Leurs femmes, leurs filles, leurs amantes Sale soleil qui brille Le complot démasqué des pies qui piaillent Sur le vieux toit d’une vieille maison dans la plaine Et les chevaux qui cabrent et les chevaux qui bandent Région d’adoption de l’amour physique Et les pics verts qui tapent et la prière qui bute Dans la plaine Sale soleil qui brûle Sale soleil qui lève Une ombre nouvelle sur un mur

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La joie le soleil est descendu border quelqu'un que je ne pouvais pas connaître quelqu'un qui ne pouvait être heureux comme on entend ici le bonheur et ses ombres *** il vit de l'autre côté du miroir avec un corps céleste et un esprit de feu (la joie vient après la mort la joie vient après la mort) *** de l'autre côté du miroir les mots ne suffiront plus à me border de faux soleils *** défaire le ver qu'on s'est donné pour seul aliment une pluie d'alcool où tourner, tourner, tourner *** se défaire en épargnant l'innocent *** se réveiller pour toujours ! de l'autre côté du miroir (la joie vient après la mort la joie vient après la mort)

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Une rivière de bougies Une rivière de bougies Où passe la barque des morts Ils chantaient, mes amis, sur quelques ponts Ils chantaient de très vieilles chansons Au milieu des pleureuses Tu as retrouvé ma casquette Je pouvais alors chanter avec vous Nous pouvions la faire, cette grande fête En l'honneur des morts En talisman de paroles Nous chantions, mes amis, sur quelques ponts Nous chantions de très vieilles chansons Les musiciens sont venus prêter main forte Au choeur chaotique de nos voix Combattre à l'image d'une sarbacane Projeter des pierres contre une maison Que nous ne voulions pas Jamais, jamais Quelqu’un joue d’une flûte, un autre d’un tambourin Les processions entrent en transe Ils sortent tous d’on ne sait où Avec du vin dans les yeux A force de jeter les dés Le hasard n'existe plus Nous chantions, mes amis, sur quelques ponts Nous chantions de très vieilles chansons Dans les lumières le soir Un désir qui se lève Dix mille photographies Se détachent des albums de familles <la barque des morts passe elle passe lentement nous la voyons se détacher sur un nouvel horizon vert et jaune les cris fusent et les mains tournent traçant la figure du géant solaire ordonne-nous d'être fous encore

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vert et jaune et or elle s'engloutit, la barque des morts > Il y en a deux qui se sont embrassés Et deux qui ont avalé le soleil Ils chantaient, mes amis, sur quelques ponts Ils chantaient de très vieilles chansons Ils se sont embrassés, ont avalé le soleil Et sont descendus prendre une barque La barque passait lentement Nous la voyons se détacher, mes amis Sur un nouvel horizon

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Royaume de l’amour Je suis un habitant du royaume de l'amour je n'ai jamais aimé personne mais je suis un habitant du royaume de l'amour seul sur mon trône j'ordonne au silence de jouir dans mes oreilles j'ai fait d'un bâton de bois mon sceptre et je tape des orgasmes sur le sol mes veines quadrillent la carte de ce grand monde des embarcations dessus imaginées au fur et à mesure que le temps s'écoule la nuit quand mes cheveux poussent je croise la femme fatale géométriquement parfaite qui ne tourne plus dans aucune vidéo amateur les seins à l'air offerts à vingt spermes différents elle passe en courant d'air parmi les buissons de cartons mon règne ne vieillit pas je suis un jeune homme éternel j'ai les fantasmes de mon époque je m'en moque les bras accrocs à des étreintes soudaines presque pas existantes chaque jour marque le renouveau d'un sentiment plus fort je me prépare à rencontrer la femme fatale impatiemment assis au milieu des peintures, de l'esprit je ne demande qu'un contact qui ne s'arrête plus un frôlement dans un virage, le coin d'un visage un visage, franchement j'ordonne sur mon trône du royaume de l'amour je n'ai jamais aimé personne mais sur mon trône du royaume de l'amour avec mon sceptre de bâton de bois

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Desfois les rayons sont coupés Desfois les rayons sont coupés Ils dérivent pas loin de la boule nucléaire Ca ressemble au visage de Jean Seberg La première fois, Pour toi Personne ne pourra te retirer le feu Le froid fait son oeuvre tout seul Nous on n'a qu'à essayer de tirer d'autres flêches tu appelles ça faire un poème Comme un oeuf poché il y a un cercle jaune qui coule ça ressemble à de l'or tu en as partout autour de toi le corps le blanc qui frit Pour moi La paix ne s'atteint jamais Tout geste, toute parole, tout signe décoché soudain est une lutte il y a des rayons qui se détachent comme ça J'aurais aimé écrire la prophétie des gens éternels Jean Seberg aurait prié sur mes genoux Mais je gratte ma tête en imaginant que c'est la mer Le sel de la terre On en a parlé Il faut une langue Longue comme un amour moderne Pour le lécher Le vent a fini par tant souffler Que les plages sont devenues inhospitalières Des philosophes parlent d'os Des fous préférent parler sur des bancs La lumière, ça doit être blanc On fait comme des snipers Sur des oeuvres déjà créées On tire à la courte paille

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Pour savoir qui portera le chapeau Qui rira, qui tiendra le coup Quelqu'un d'inconnu connaîtra tous les signes il passera frapper à la porte Tu verras ses dents si aiguisées si aiguisées qu'il en aura coupé un rayon L'or coupé te fera du bien

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Temple Fort Vous m'avez toujours attendu là Etrangement calme Juste quand je suis sur le point de faire une crise Je n'aime pas que les autres me voient faire une crise Je ne suis pas faible Je peux pleurer devant vous Je ne sais pas parfois de la tendresse ? ou une pitié infinie ? je ne sais pas ce qui passe en moi révèlez-moi la clé à la main, le disque sur les lèvres, comme celle qui attend toujours le point du jour à venir sur le seuil du Temple Fort. *** Je quitte ma peau trop lourde sur un seul signe de ses doigts Je suis projeté plus bas que la misère et je perfore l'enveloppe du mystère terrible c'était si simple oui si simple elle prend ma main elle m'emmène par une lumière nouvelle *** Voici le lieu de tous les apaisements Où ton être brûle d'une flamme pure Tu m'as guidé à travers tous les couloirs Je t'ai suivi comme un enchantement Je n'aurai plus jamais peur

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La porte s'est ouverte la salle pyramidale Sous les voûtes Etait pleine de silence de ton silence Je l'écoutait avec bonheur Battre les murs *** Tu m'as tendu ton bras Pour que je le morde Qu'as-tu mis dans ton sang ? Qui me rappelle ainsi l'enfance, si loin de mes souvenirs... l'oubli. Je reste collé à toi à ton bras Tu me souris tu sais que je ne suis plus triste collé comme ça ton être est chaud tu diffuses ta chaleur jusque dans mes veines Je ne m'appartiens plus c'est un sentiment très fort Je pourrais être une forme qui passe Mais tu me retiens tu me serres Tu es née pour donner l'amour Au passage des formes. *** Ce que nous voyons devant nous C'est l'origine Le chaos qui rêve Je n'ai pas peur tu m'ouvres les yeux Pendant que j'ouvre les tiens Ce que nous voyons devant nous Rêve Nous Je te vois tu es belle tu es en train de me voir pour la première fois Le chaos se réveille Il voit aussi pour la première fois

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Le désir a étouffé son rêve Le désir va durer longtemps Tout le temps Et la réalité, ce vers quoi il tendait en rêvant, sans le savoir sera à la fin du rêve, dans les derniers débris du rêves, dans les derniers cris d'étouffés Je vois Tu me fais voir le combat Un beau visage Des yeux infinis Dans lesquels se rencontrent jaguar et serpent. *** Les pièces ont disparu Les fondations du temple Dans la nébuleuse Nous courons sous la voûte des arbres La jungle ne ressemble à aucun de nous Mais nous sommes, quelque part, cette jungle Et même certaines lianes portent ton odeur, certaines lianes se croisent comme tes jambes, et m'effleurent naturellement comme tu m'as toujours connu J'écoute le tremblement des feuilles sous la voûte des arbres Tu m'aides il est tellement léger A cause du vent je me sens éparpillé tout autour A cause de toi Je me sens trembler légèrement De tous ces endroits à la fois. *** Je me suis retrouvé sur la terre la face contre la terre j'ai du trop boire Je ne suis pas sauvé Il me semble me souvenir d'une femme Qui gardait un temple Et d'une ombre Disparue dans une forêt Dans cette forêt

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Le Temple Fort S’est rempli – soudain – de musique Peut être que cette musique est éternelle Et que je ne l’entends que pour la première fois Des chœurs de voix montent des profondeurs Des fondations du Temple Nulle image ne me vient à l’esprit Pour l’instant Interdit, immobile Je suis au centre du Temple Dans une pièce vide – grande et carrée – Les voix décalées envoûtent Se marient au silence L’incertain est chassé Dans l’esprit Quand – soudain – tu approches Tu viens vers moi Une seule image toujours vivante Sans ajouter un bruit Vers le centre du Temple Pour me confier le bien le plus précieux Celui qui est sondeur d’âmes Approche Sans ajouter un bruit Vers le centre du Temple.

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Ton index sur ma tempe Ton index sur ma tempe Qui ne tomberait plus Et vice-versa Comme deux statues figées L’une en face de l’autre Au faîte de la courbe du sens La guerre biologique Va Peut bien continuer sans nous Nos gênes de pierre seront observés Par la race future Que comprendront-ils tous Quand l’espoir aura enfin été aboli Quand la gloire ne passera plus par la négation Quels seront leurs gestes Devant nous Qui avons du fuir jusqu’à l’arrêt total Pour connaître un bonheur bizarre Fugace Dans mille ans Imagine Ton index sur ma tempe Fissuré Proche de la ruine Le dernier des signes vains Produit contre l’irréversible

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Par la grâce du coup de vent Par la grâce du coup de vent, Tant pis. Danse du soleil, rayonnement des ombres Sur le tapis des bois qui craquent. Une silhouette multicolore passe, Cela pourrait être toi. Evanouie par amour, une silhouette disparaît Dans la danse du soleil et le jeu des couleurs, Pour le reste du monde. Je fais mon dernier repas des bois qui craquent, Je suis perdu parmi les clairières qui se succèdent; CHacune me sépare plus de toi mais chacune Me rend plus beau et plus sensible ton souvenir. Danse du soleil, rayonnement des ombres, Je me croyais perdu quand je suis toujours là Par la grâce du coup de vent, Plus près de toi Pour le reste du monde.

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Paris, soudain Elle dure depuis si longtemps la bataille perpétuelle. Cheveux noirs dans une encadrure de porte, Souhaits furtifs et insensés. Souvenirs en circuit fermé, Coups de crachins sauveurs dans la ville de tourisme. Musée de siècles, mythes de trottoir, Entre chant étouffé des cathédrales Et tableaux de maîtres en ligne. Sous les pavés la plage Horaire... on sait encore y plaisanter Dans la ville sans frères. Coups de cloches à Notre Dame, Joueur de violon faux et appliqué. Partage des banquiers entre divers assassinats Dans des rêves de cent ans. J’ouvre la tête.

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Cabane dans la forêt La cabane dans la forêt Je suis réapparu tout près La ruche secrète bourdonne Les sabots du sanglier tonnent A deux pas de là le village Je cours de tous mes membres en nage Le vent souffle sur les branches Aucun as n’est caché dans nos manches Le prochain qui se découvre a perdu Qui peut alors savoir ce que j’ai cru

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Ton jardin Tu avais une maison Tu avais un jardin Ta maison avait un jardin Ton jardin t’avait Des légumes poussaient dans ton jardin Beaucoup de légumes de toutes les sortes Poussaient dans ton jardin Ton jardin avait tes légumes Et tes légumes t’avaient Il y avait des allées éclairées par le soleil Dans ton jardin Le soleil avait ton jardin Quand tu parcourait ton jardin Les allées avaient tes yeux Il y avait même des framboises En bas de ton jardin Devant la petite pelouse Ton jardin avait tes framboises Et tes framboises avaient tes mains Tu donnais toujours rendez-vous demain A la culture de ton jardin Tout pouvait s’écrouler Le monde entier pouvait partir en cendres Tu donnais toujours rendez-vous demain A la culture de ton jardin Je n’étais qu’un enfant je jouais Inconséquent dans ton jardin Je courais avec mon frère par les allées Je regardais sans trop savoir tes légumes Je les aimais un peu A cette époque le soleil m’avait Les allées avaient mes jambes Et mes jambes avaient ton jardin Tu savais tout ça Mais jamais une parole en trop Le silence poussait dans ton jardin Plus précieux que les dix mille roses du paradis Ton jardin avait ton silence Ton silence avait ton jardin Tout disparaîtra un jour

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Tu es vieux et tu vas mourir Tu savais tout ça Ton jardin passera en des mains étrangères Mais tu donnais toujours rendez-vous demain A la culture de ton jardin Tu avais une maison Tu avais un jardin Ta maison avait un jardin Ton jardin t’avait Je m’en souviens

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Chez moi Chez moi les panneaux sens interdit se saluent éternellement On dit desfois faire du boucan pour faire du bruit Mais ça revient au même Quand on ne sait pas vraiment se parler Le calendrier a souvent un ou deux mois de retard Et sert plutôt de cendrier Il y a de nombreux début de quelque chose qui naissent Mis bout à bout ça ne fait rien Pourtant c’est grave Un tiroir pas très secret s’ouvre Dedans pas mal de mots une flasque de rhum ambré Suivant les lampes qu’on allume Le liquide devient plus ou moins doré On n’a pas encore vu une seule vraie chauve-souris Mais les cheveux poussent quand même Un miroir est posé contre le mur Pour jouer avec les traces du temps Qu’on n’efface pas, étant fainéant Des bâtons de feu s’élèvent et atterrissent Vers le plus petit aéroport du monde Il n’y a qu’un seul pompier chargé de les éteindre Desfois par terre desfois aussi Sur la date du treize novembre Et du vent passe un peu Il se devine plus qu’il ne se sent Le service de courrier international Distribue toutes les lettres A une seule personne qu’on a choisi Parce qu’on savait ne pas se tromper En lui écrivant ses rêves d’enfance On a du mal à s’assagir Mais on sait qu’un bar au bout des mondes Nous attend quelque part Penser qu’un jour on reverra un ami qu’on n’attendait pas En une poignée de mains Un long frisson qui fait croire que rien ne pèse Sans mentir Impossible de tout noter C’est chez moi

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Lampes Pour ne pas m'éteindre quelqu'un m'a donné une maison une maison où habiter j'y ai toujours au moins une lampe d'allumée si un jour la maison s'éteint alors je n'aurai jamais habité nulle part et tout ça se sera perdu et je devrai porter tout ça enfoui en moi qui pèse car ce qu'on perd ne s'efface pas mais pèse j'ai plusieurs lampes dans chaque pièce et quand je veux faire la noce je dois les allumer toutes mais il est dur de les allumer toutes certaines grésillent et claquent avant que toutes soient allumées donc je cours d'une pièce à l'autre d'une lampe à l'autre ainsi passe mon temps d'une lampe à l'autre d'une pièce à l'autre et quand je veux reprendre mon souffle cassé en deux sur le seuil d'une porte certaines grésillent et claquent avant que toutes soient allumées hier j'ai invité un ami dans ma maison afin qu'il m'aide on se répartit les pièces et ça marche un peu mieux c'est vrai mais pas encore tout à fait malgré toute notre bonne volonté certaines grésillent et claquent avant que toutes soient allumées j'ai invité d'autres gens dans ma maison afin qu'ils m'aident aussi je veux la faire cette noce une bonne fois pour toutes ce que je n'avais pas prévu c'est que tous s'entrechoquent car ils sont trop nombreux

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il y a des accidents à chaque seuil de porte ils renversent des lampes qui s'éteignent sur le sol c'était même mieux à deux avant sans tous ces gens qui ne font que se piétiner certaines grésillent et claquent avant que toutes soient allumées mais comment les renvoyer maintenant qu'ils m'ont pris en affection c'est trop tard et d'ailleurs mon premier ami m'a quitté un jour de grand bazar il s'est pris une lampe sur la tête et il est mort - comme ça je n'ai pas eu le temps de le pleurer j'ai beaucoup trop à faire je vais de pièces en pièces de lampes en lampes pour les remettre sur pieds je suis débordé certaines grésillent et claquent avant que toutes soient allumées je sens que je ne la ferait jamais cette noce décidément les gens continuent à se piétiner et à mourir un par un et même maintenant qu'ils ne sont plus si nombreux ils ont pris l'habitude de se piétiner et continuent à mourir un par un bientôt je serai à nouveau seul à courir et reprendre mon souffle ce ne sera donc jamais terminé certaines grésillent et claquent avant que toutes soient allumées ça y est je suis tout seul presque soulagé tout ces piétinements passés sont comme un mauvais rêve mais mon premier ami me manque car ce qu'on perd ne s'efface pas mais pèse et mon premier ami, je l'ai vraiment perdu contrairement aux autres qui sont passés comme un mauvais rêve je passe de plus en plus de temps à penser à mon ami je le revois courir et s'agiter encore quand moi je me cassai en deux sur le seuil d'une porte

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pour reprendre mon souffle le voir continuer comme ça me remettait tout de suite d'aplomb et je reprenais ma course de dératé de pièces en pièces de lampes en lampes certaines grésillent et claquent avant que toutes soient allumées ces derniers temps je ne cours plus vraiment je déambule plutôt dans ma maison elle est très silencieuse mais résonne encore du souffle de dératé de mon ami je m'arrête souvent pour entendre cet écho ma maison semble bien vide mais porte encore les marques du passage de mon ami je m'arrête souvent devant une lampe mal placée je perds de plus en plus mon temps et j'allume de moins en moins vite mes lampes beaucoup grésillent et claquent avant que toutes soient allumées j'aurai du mal à la faire cette noce que je m'étais promise il y a bien longtemps je m'arrête des heures durant sur le seuil d'une porte et je pense à mon ami j'ai fini un jour par me dire que sans lui la noce serait de toute façon bien vaine que ce ne serait même plus une noce du tout alors je ne cours plus jamais et peut-être que quand la maison finira par s'éteindre en entier je verrai un peu mieux son visage en attendant je garde mes pensées et mon corps ancrés sur le seuil d'une porte je laisse toutes les lampes s'éteindre certaines grésillent et claquent avant que toutes soient allumées

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Tous les coins de la ville Tous les coins de la ville ici Réclament leur dû de perte Tu aurais bien fait de noter La nuit où tu cherchais à marcher à l’envers Près du fleuve Dans un cahier de brouillon Tu as croisé tant d’ombres féminines Et de lumignons Avec un cœur d’autiste et des jambes de champion Frappé par une odeur Qui remonte de trop loin dans le passé Pour y plonger le doigt Arrivé à une impasse pas possible A force de coups du sort et de peine Tu signes le mur de ton nom De scène C'est là, à cet instant Qu'on a ouvert la cage au lion Qu'on a incisé la parole du poème Où tu vas Un règne t’écrase toujours A force de coups du sort et de peines

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Boîte à musique un jour dans un vieux grenier j'ai retrouvé une boite une vieille boite à musique dont on ne pouvait plus tirer aucun son parce que la manivelle était cassée alors je l'ai emmenée chez tous les antiquaires chez tous les artisans perdus de la ville pour la faire réparer mais aucun d'entre eux ne le pouvait je me suis aussi perdu dans la ville avec ma boite à musique aphone c'était vraiment un curieux spectacle pour les gens qui me regardaient assis sur les ponts caressant cette petite boite comme un cadeau d'anniversaire qu'on ne peut pas ouvrir c’est à un de ces moments tristes et rageant à la fois qu’un clodo lunaire est arrivé près de moi sans que je ne l’entende il brillait un peu de la tête et il a fait rajeunir la manivelle du bout des doigts il est parti en souriant comme il était venu sans que je ne l’entende tous les promeneurs s’arrêtaient maintenant tous les loups nocturnes enchantés soulevés dans le temps par une mélodie enfantine et sans âge chacun se rappelait un souvenir différent et tous ces souvenirs et tous ces gens quelqu’un les regardaient assis dans un vieux grenier cosmique pendant l’été de l’univers tenant entre ses mains une vieille boîte à musique en forme de planète Terre

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Plus qu’un son Il ne lui manque plus qu’un son Dans sa collection de bruits Même si personne ne s’y retrouve Il s’arrange toujours pour mener les gens là où il veut C’est comme une ivresse très claire Dont on ne redescend plus Il a l’âge d’un vieux bambin cow-boy L’odeur d’une cigarette de voyou violet On peut lui prêter toute sorte d’excuses En trémoussant les mains vers le ciel Il a un toujours temps d’avance Accoudé ici sirotant son cocktail interdit Pensez à tous ces personnages de dessins animés Qui mieux que lui aurait pu les créer Sa fièvre n’est pas un symptôme de maladie Dans sa fièvre il s’autorise à se faire voler tous ses rêves Sauf celui de son grand amour Ses yeux accouchent de planètes Et sa bouche moqueuse dit merde à tous les comiques de l’univers Quand le soleil explosera Il tapotera la cendre de son pétard géant En inventant une nouvelle recette à base de chair et d’esprit Il connaît le nom de tous les fruits Les œufs sur le plat il les fait cuire sur son nombril Virgule, point, guillemets Il tape dans le verbe comme il lui plaît Les cris des fous électriques l’honorent Et les palpitations phosphorescentes des lucioles le révèlent A la fin toi tu as oublié ton véritable nom Sache que c’est le dernier son Absent de sa collection Et qu’à cause de ça il doit lire le journal Tous les jours Et se pencher sur la hanche des putains En ayant encore faim Mais après tout c’est le pacte tacite que nous avons passé ensemble Pour continuer à exister Dans nos cavernes et nos petites maisons de briques familiales Ensemble, ensemble et chacun de son côté

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Circuit total Dans le circuit total il n'y a ni marches funèbres ni baptêmes Il n'y a que des grésillements Des bruits de portes qui claquent dans des couloirs Des interférences L'eau qui passe et se frotte à l'eau Au pied d'un pont On ne meurt ni ne naît, il n'y a ni cimetières ni maternités Les blouses blanches brûlent, les cadavres copulent avec les vivants A la vitesse d'une vitre frappée par un rayon de soleil Tout le monde part et devance le monde La station assise n'est qu'un degré du mouvement Qui anime la main que le buveur porte à son verre Le rubis du vin se répand en chansons Sur le rythme des tables qui battent Et la parole grise du géniteur Se penche sur la tête de l'enfant pris au piège On remet les couverts dans un meuble Et ce meuble se remet à sa place Dans des soupirs d'amour qui exultent En deux trous enfin confondus Dehors bouge à la fenêtre avec le cri des grillons Posés sur l'herbe d'un village en déménagement Quand les douze coups de cloche de l'église Sont emportés sous le bras du vent Il n'y a ni cordon à couper ni viatique à emporter Dans le circuit total Il n'y a que la musique Des voix qui s'appellent et s'évitent Avec peur et pitié

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Monsieurs monsieurs (hommage à Tardieu) Libertine plein les molécules Drôle de vautour chauve A qui le soleil bronze les plumes Zouave plein d’amour sur les clavicule Monsieur monsieur brave les défis de la vie En restant couché dans son lit Dents de petit caniche orageux Qui veut mordre toutes les feuilles d’assurance Et les oranges et les dessins de maison d’enfance A la recherche du susucre éternel Parce qu’il souhaitait fondre avec Dans une tasse de café noir Bien fort Mmmm Il refait la 3ème guerre mondiale sur le sol De sa chambre avec cent playmobils A qui il a tous enlevé les cheveux A force de les chauffer sous sa lampe de chevet Ils ont tous fondus Les cheveux Mais tant mieux Monsieur monsieur n’en a plus depuis longtemps Et aime fondre sous le soleil de papa et maman En sentant la caresse du vent Sur son crâne chauve Qui n’existe plus non Plus Mmmm Quand il démarre dans son automobile Tous les gens de la ville démarrent Dans leur automobile et allument la radio Où on apprend que tous les gens d’une autre ville Sont d’irrécupérables fascistes A fuir comme la peste mais Monsieur monsieur ne sait pas fuir Ne sait pas conduire à l’envers Ni faire des ronds de fumée Les jeunes qui fument au bas de l’escalier Lui font peur alors

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Il klaxonne il klaxonne Pour jouer un peu de trompette Quand même et ça résonne et ça résonne dans toute la ville Mmmm Monsieur monsieur en gagnant un concours A gagné son poids en chocolat en or L’or étant plutôt difficile à manger Monsieur monsieur a invité chez lui Tous ses amis Pour l’aider à engloutir tout ce bon chocolat doré A gloutonner à boustiffrer A dévorer (Et je n’ai plus assez de verbes) Quelle rigolade mes petits vieux Maintenant la vie c’est plutôt joyeux Chez monsieur monsieur Mmmm Il est amoureux quand il n’est pas l’heure Avec des filles interdites Jamais une mignonne demoiselle d’honneur Il jappe sous une cheminée Si on est assez cruel pour lui montrer des cœurs Des colliers de fleur ou des mots d’amour Monsieur monsieur demande tous les matins à son facteur De déposer de fausses marques de baisers avec du rouges à lèvres Sur les quittances et les créances de loyer dont il a peur Et puis il fait sécher ses grosses larmes En appuyant sa tête ballonnée Contre le fer forgé brûlant d’un radiateur Mmmmm A vélo dans la forêt En train dans le Loiret En avion pour déménager Partout par tout toujours Monsieur monsieur perd le Nord Et la boule

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Parfois on le retrouve à Francfort Il ne peut pas dire comment son corps est arrivé là Son esprit rêvasse encore à Jakarta Mmmmm Monsieur monsieur aussi a été un enfant Qui adorait jouer au chevalier à dos d’éléphant Il savait écraser ses victimes Tout en restant magnanime En récompense embrassait la princesse Celle qui avait la plus belle paire de fesses Du royaume Jardin Banlieusard Et ce n’est peut-être qu’un curieux hasard Mais aujourd’hui encore monsieur monsieur S’oppose aux sorcières communistes et aux gauchistes cracheur de feu Quoi de plus sérieux Quoi de plus sérieux Mmmmm Des hommes qui n’avaient jamais rien fait Passent derrière les vitres grises d’un hôpital En une longue file ininterrompue Certains tiennent la main d’une compagne D’autres celles d’un enfant Aux genoux écorchés Un vieillard porte une fleur de tout à l’heure Sur son béret Et la petite vieille qui le suit Un arrosoir en fer Monsieur monsieur marche parmi eux, bien sûr Celui-là on le retrouve toujours dans ce genre d’endroit ‘Ca sent une odeur de pain grillé et de menthe fraîche.’ Pense-t-il en passant derrière les vitres grises Ca doit sentir un peu pareil Pour tous les autres morts Pourtant Si vous mettez votre nez à une fenêtre En voulant regarder passer la procession De plus près Vous sentirez l’odeur de l’urine et de la chair fatiguée De vivre et par-dessus tout, recouvrant tout L’odeur médicamenteuse de l’hôpital La plus terrible des odeurs

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Et alors quelqu’un vous attrapera par le bout du nez Ou plus simplement, par la main Que vous suivrez, et qui vous suivra Dans un long couloir blanc Maintenant, si vous voyez monsieur monsieur Marcher près de vous dans ce couloir (car on ne sait jamais Celui-là on le retrouve toujours dans ce genre d’endroit) Saluez-le sans hésiter En ôtant votre chapeau fleuri Il vous demandera ‘Vous ne trouvez pas qu’ici ça sent une odeur de pain grillé et de menthe fraîche ?’ Et vous lui répondrez ‘Sûrement. Un peu, oui.’ Votre voix unie à celle d’une mamie pimbêche. Mmmm Monsieur monsieur était sur le point De se brûler la cervelle Avec le pistolet hérité d’un vieil oncle Quand soudain Il a vu le reflet Dans le miroir De sa chambre C’était beau C’était grand C’était infime et éternel Poignant Et pourtant Jusqu’ici Monsieur monsieur ne s’en était Jamais rendu compte à lui-même Oui, oui ! Il y a cet autre monsieur monsieur Dans le reflet Qui l’aime Mmmm Samedi trois avril deux mille dix

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dix-huit heures vingt-trois précisément selon l’horloge atomique de Brunswick il est encore en train de regarder cette photo qui remonte à des siècles et des poussières dans la frise sacrée de la famille il est encore en train de regarder cette photo un petit ahuri jouant à faire sourire la dame dix-huit heures vingt-trois dix-huit heures vingt-trois et des poussières beaucoup de poussières dans les yeux monsieur monsieur se dit soudain que les crachats qu’a essuyé le Verbe qu’essuie encore celui-ci, encore et toujours n’ont pas fini d’engloutir le monde des hommes et les images oui les images nous rendent aveugles sourds et muets et fous mais monsieur monsieur ne déchirera pas la photo c’est comme ça dans le noir de l’abîme ses visages l’éclairent d’une lumière implacable

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L’enseigne perdue

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Tout était calme Tout était calme, serein dans la ville On pouvait entendre des cris d’enfants Jouant, au loin, à des jeux Que nous ne connaissions plus Les cloches d’une église sonnaient Quelques coups dans l’air froid Sacrant et perpétuant des rituels D’un temps autre que notre temps D’une voiture garée sur le trottoir Moteur encore allumé Provenait un refrain pop à la mode Une voix féminine criant qu’elle est libre Nous la croyons à moitié Et échangeons des regards furtifs Qui glissent sur les courbes de nos corps Dont les ombres se touchent presque Quelqu’un est en train d’écrire notre histoire Que nous ne pouvons pas connaître Même avec toute la meilleure volonté du monde Même en fermant les yeux très fort Et en essayant de disparaître un moment Nos voix continuent à nous poursuivre Elles nous parlent sans cesse de notre vie Et entament des dialogues de fou Un jour, peut-être dans un millier d’années Quelqu’un viendra nous délivrer de toutes nos langues Et nous ne serons plus ceux qui ne comprennent pas Un jour, la poésie aura enfin fini de tracer le chemin

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Entrez chez moi Entrez chez moi j’ai ouvert toutes les portes J’ai jeté toutes mes clés dans le même Trou Entrez chez moi J’attends depuis ma naissance votre venue J’ai déjà rejeté mille idoles de métal pour une poignée de mains Franche Entrez chez moi Chaque être humain vous rencontrera Mais je ne veux pas rester dans l’ignorance Je ne veux pas du ‘je ne l’ai pas fait exprès’ Jouons à cache-cache dans les plantes de mon jardin Odorantes Entrez chez moi Ne laissez pas de mots pour les voisins Ils seront au travail ils sont toujours au travail Dans ces moments là je me suis tu Ça fait dix ans que je me suis tu Pour espérer accueillir votre parole Pour espérer être repu Enfin Entrez chez moi Comme un voleur comme un moins que rien Ne vous habillez pas spécialement Portez la même vieille veste, le même vieux cabestan Plein d’étoiles et de scories spatiales Je suis prêt fin prêt Entrez chez moi Il y aura une bouteille de vin Sur le rebord de la fenêtre Et les verres que nous boirons Servirons d’alibi pour tous ceux qui ne comprendraient pas Ce genre d’ivresse Entrez chez moi A pas de loup surprenez-moi pourtant Dans le plus profond des sommeils Tordez mes rêves en sens inverse Obligez-moi à nager dans le fleuve à contre-courant Que toutes nos forces soient projetées dans le même combat Contre le monde faire silence Entrez chez moi Fumez un narguilé en jouant au fantôme de Kafka Les autres diront qu’il n’est pas l’heure qu’il y a Des comptes à faire encore sérieusement Et des étincelles colorées partiront de nos yeux Et feront le tour de ma chambre Entrez chez moi Rejoignez moi enfin apprenez moi A plonger dans l’abîme Pour remonter à la surface avec une double-lumière Entrez, entrez chez moi.

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D’abord la poésie Peu importe les étoiles vieillissant au-dessus de nos têtes Ou le vent qui fait gonfler l’arbre Nocturne de ce quartier Et qui grésille Avec la grêle Sur les fenêtres Peu importe Les attentes d’une certaine dame Au coin d’une rue parisienne Ou ce type qui voudrait fuir Caché Qui le connaît ? Peu importe la course Vers l’avant du jour au-dessus des grilles En fer forgé du jardin Où deux amants se rencontrent enfin Si bien que le soleil Est une boule d’or devenue mirage Peu importe le que faisons-nous et le où allons-nous Il y a quelques idées un nom Né depuis longtemps Qui aimerait devenir brillant Des questions et encore des questions Posées au devin aveugle Des réponses restées sans appel Tourne et tourne dans la tanière Comme dans le ventre d’une mère Perd gagne le jeu de la chair Souffre promet derrière la frontière Il y a l’Ennui noyé dans l’herbe et dans l’alcool A la sortie de l’école La mort d’être limité Sans jamais jamais Avoir creusé assez profond Peu importe le Verbe D’abord il y avait l’émotion La poésie coule dans le sang de l’homme Comme l’eau dans l’eau

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Tourne et tourne dans la tanière Comme dans le ventre d’une mère Perd gagne le jeu de la chair Souffre promet derrière la frontière

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J'aime la poésie elle est comme un fleuve de sirènes qui envoûtent. SUr le fleuve tu prends n'importe quelle galère y'a la musique qui vient des chants tenter tes oreilles. Tu crois que c'est divin et beau mais c'est 'Satan qui pleure sur la beauté du monde'. Alors faut se barrer vite fait à la limite frapper la tête du capitaine avec la rame et instaurer la Nouvelle Strophe. Le chant des sirènes s'estompe au loin, remplacé par celui des hommes.

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Le livre de tous les livres c'est un tout petit livre dont le texte change à chaque fois que je le lis tantôt c'est un poème sur l'âme éternelle des hommes tantôt un roman d'amour où les personnages ne se montrent jamais c'est tantôt un cri d'amour tantôt des monologues de fou quand je veux marquer une page les numéros se mélangent comme si un magicien les agitaient tous ensemble dans un grand bocal c'est un livre qu'on ne peut finir à moins de rêver sa fin mais on a beau rêver le mieux du monde devant le livre, on a tout oublié le lendemain matin c'est un tout petit livre qui passe comme ça de secrets en secrets et de mains en mains un voyageur fourbu le retrouvera dans deux siècles posé sur l'unique table d'un petit bar martien déjà ouvert au milieu comme s'il l'attendait là depuis toujours

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Parler dans le déluge 1 j’ai parlé alors que je n’avais pas trop de chaleur dans la parole j’ai parlé comme ça c’était normal et même si on trouvera toujours une bonne raison moi j’ai parlé c’était comme ça pas autrement avant la raison il faut croire que j’en avais vraiment envie j’ai peut-être eu tort le type m’a répondu pourtant avec une phrase mystérieuse où il mentionnait l’existence d’un vaste complot extraterrestre c’était une phrase très belle qui semblait ne jamais devoir finir le vieux clochard paranoïaque fêlé pour certains ivre pour tous ça fait longtemps déjà que nous nous sommes parlés et même que je ne me souviens plus trop de sa tête de son odeur mais la forme de son discours elle est restée imprimée comme une image de film qu’on se repasse de temps en temps devant les yeux fermés comme la grande tempête si familière que l’enfant évoque dans le noir pour se bercer dans des fureurs et dans des bruits plus anciens que les hommes avant de s’endormir écouter l’aventure qui continue la parole qui essuie le déluge

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2 il y a des gens avec qui on sent que toute discussion sera vaine pour discuter il vaut mieux se reconnaître alors certaines personnes sont incompatibles on voudra leur dire notre pensée sincère et ce sera que du vent je vous assure je connais bien ça quand ce qu’elles veulent elles avant tout c’est de rester à l’aise bien à l’aise entre elles et mort à l’autre qui apporte un fleuve nouveau le barrage doit être solidifié un regard en coin une dose de venin chacun doit rester seul de son côté tes paroles sont trop directes peuvent aller se faire pendre haut et court par le lasso d’un justicier des mots en délire pas faute d’essayer hein mais bon le fleuve croupit et la bouche se tarit à la longue

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3 beaucoup de bouquets de soleils restent coincés en travers de la gorge beaucoup de lumière se brise sur le dos des fontaines faute de pouvoir offrir le meilleur au meilleur du meilleur je me tais ou je lance des débuts de pensées qui tournent toutes au vinaigre sans queue ni tête des branches craquent sous le poids d'un hôte qui voulait jouer l'oiseau en jouant du pipeau quelques miettes me suivent avec ou contre le vent nous avançons vers des plaines plus fécondes

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4 un grand lac tiède comme le bassin de maman où baignent des amphibiens et des ancêtres unicellulaires le singe naît après fusions et concrétions après le passage du bain originel il découvre sa queue et tient de très anciens conseils dans les arbres luxuriants avec ses congénères il goûte pour la première fois aux signes divins marqués du sceau de la première parole que nous ne faisons que poursuivre à travers nos œuvres et nos chansons

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Distribue-nous Distribue-nous encore de tes effluves de fleuve Quand ça nous chante après le bref passage des tunnels Parce que nous sommes les taupes de la nouvelle ère Lointaines parentes des loutres j’ai dit Notre étrange attirance pour l’odeur de l’eau Ho je l’ai dit cent fois cent fois dans la grande légende Et notre nom résonne maintenant Jusqu’aux montagnes glacées du Septentrion Londres Pékin Brisbane ? Les sorciers chantent pour se remplir de mots profanes Et le simple lumineux vient, doucement, doucement Se couler à l’intérieur des mots sacrés Comme un voleur promis à la potence Se délivre de tout en épousant sa corde - Une lyre, voilà une lyre Sur laquelle la plus bossue des bossues de Paris Devient la bluffeuse de Satan Qui s’est surpris à pleurer en passant, dans un coin Maintenant tous les gens satisfaits de leur propre vide Ont été pétrifié, et nous, nous ne respectons plus que les statues de pierre Pas les statues de chair Si tu n’as pas de lumière vivante qui éclaire Avec force tous les gestes et toutes les paroles Qui traverse la vie des hommes à la vitesse d’une balle Pour se loger au cœur de chacun Alors ne me dit pas quoi dire Ne me dis pas quoi faire N’aime pas ton amour non Jamais vide ne fut plus vide Tu ris de mes légendes cassées, de mes jouets de bois De ma religion d’enfant et de mes poèmes irréalistes Tu ris tu dis ‘tout ça pour ne pas vivre’ J’écris un peu avant toute chose Il faut creuser des tunnels dans les mots Attends un peu veux-tu Parce que nous sommes les taupes de la nouvelle ère Et qu’il y a tant de mots vieux comme la nuit Que nous n’avons pas encore découverts

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L’enseigne perdue 1 Les îles qui ont été créées Sur les océans Arrête-toi un moment Qui es-tu Les maisons pleines de bruits Et ma voix dans un cercle de ténébres Guéris-moi Avec tes mains familières On ajoute si peu d’idées Seuls les récits me font revivre Arrête-toi un moment Qui sommes-nous Il y a plusieurs personnes Ici Je ne les aime pas beaucoup J’ai une seule enseigne placardée en moi Elle dit Trop de mots encore Vraiment trop de mots Et ma voix dans un cercle de ténèbres

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2 Des immeubles bâtis Sur la terre Fait pour durer et loger des tas de gens Quel est ton numéro On sonne à ta porte Mais personne n'entend Quoique ce soit Des deux côtés La rue est pleine du bruit de cent langages Il y a eu cinq ou six générations ici Avant toi Tu peux les ressentir dans la moulure des murs Dans les croisées, les clenches et puis le vide-ordure On sonne on sonne Mais personne n'entend Et ma voix dans un cercle de ténèbres

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3 Bla-bla-bla Ici, partout, en bas Et pourtant tout se dit Sans l'ombre d'un doute Une tour plus haute que toutes les autres Elevée dans un futur lointain Mettra fin au langage J'ai faim de vers nouveaux De poésie nouvelle, de poèmes nouveaux Si l'homme a mille âmes Il n'a pas fini d'exulter ou de se taire L'un en face de l'autre Ce sont de très petits rien qui nous ouvrent la bouche Et ma voix dans un cercle de ténèbres

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4 Qui je dois être Peut-être entre les fleurs de la pensée parfois Une certaine couleur qui se fait jour Comme un vrai luxe Qui je dois être Et pas pourquoi Un point né d’une rencontre gratuite Un homme et une femme Je milite pour les droits du secret De ceux qu’on passe de mains en mains En contrebande dès le plus jeune âge Un sexe né Avec le festin du soleil et l’attirance de la lune C’est : qui je dois être Et pas pourquoi Et ma voix dans un cercle de ténèbres

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5 Tout en sachant qu’aucun voleur Ne vivra que de son butin Et que tout retourne toujours de toute façon A la grande poche universelle Il n’y a pas de morale à cette histoire Terreau onirique de tous les contes Et de toutes les épopées Chante-moi quelque chose Qui résonne fort et qui me mette en joie Ou attriste-moi au plus haut point Celui qui mue la peine en grâce Nos vies lancées par des allées bourgeoises Ou des venelles pleines d’un autre stupre Je les regarde comme un tableau torturé au musée Plusieurs minutes passent Puis d’autres détours D’autres tableaux qui parlent encore du tableau Labyrinthe, chansons, gardiens cyclopéens Et ma voix dans un cercle de ténèbres