Leo Taxil Diana Vaughan

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    LO TAXIL

    ET

    L'GLISE ROMAINE

    On a rcemment prtendu que dans la pense d'AnthonySayer, de George Payne, du Dr Dsaguliers et des autresfondateurs de l'Ordre maonnique Londres en 1717, l'objetde celte institution tait de dtacher de Rome toutes lesnations catholiques et de prparer une union universelle despeuples sous l'hgmonie de la Grande-Bretagne. S'il est vraique, sous le prtexte allgu de travailler au progrs de la tol-rance, del fraternit et de la concorde, ces hommes aient entre-tenu de si vastes desseins, ils durent prouver une cruelle d-ception. En effet, leur premire succursale sur le sol trangerfut la Loge de Paris, fonde Saint-Germain-en-Laye, enl725,par Lord Derwentwater, le Chevalier Maskelyne, le D rRamsay et divers autres Jacobites, auxquels le mystre del'Ordre offrait un voile propice aux complots catholiques contre lamaison de Hanovre. Le dveloppement de l'institution sur le conti-nent est d en grande partie aux Stuarts exils, qui s'en pro-

    mettaient beaucoup d'avantages pour leur politique toute dvoue Rome. Aussi s'explique-t-on difficilement que le Saint-Sige,presque ds l'origine, ait fait preuve, l'gard de la Franc-Maonnerie, d'une hostilit acerbe, dont la consquence natu-relle fut une animosit rciproque qui dure encore.

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    I

    Hors de l'Angleterre et des colonies anglaises, la croissance dela Franc-Maonnerie fut assez lente. Mais l'glise s'alarma trsvite et, en 1738, Clment XII condamna l'Ordre dans la bulleIn eminenti. Les seules raisons allgues de cette condamnationtaient le caractre secret de l'institution et le fait que deshommes de toutes religions pussent s'y rencontrer, ce qui autorisaitles plus graves soupons ; aussi les membres encouraient-ils uneexcommunication rvocable par le pape seul, en mme tempsqu'il tait enjoint aux vques de les poursuivre et de les punir,comme vhmentement suspects d'hrsie.

    Il est vrai que le Parlement de Paris refusa d'enregistrer labulle et que l'autorit de celte mesure ne se fit gure sentir horsdes tats Pontificaux, si ce n'est en Espagne; mais, l'intrieurde ces tats, la bulle fut rendue effective par un dit du cardinal-secrtaire, dat du 14 janvier 1739. Aux termes de cet dit, de-vaient tre rigoureusement punis de mort non seulement tous lesmembres, mais quiconque encouragerait autrui s'associer l'Ordre ou en favoriserait en quelque manire la propagation,par exemple en louant un immeuble aux Maons. Condamner mort un propritaire qui loue sa maison tait assurment unemesure peu clmente. Heureusement, il n'y eut gure de sangvers; la seule victime de la peine capitale fut, dit-on, un Fran-ais, qui avait crit un livre sur la Franc-Maonnerie.

    En dpit de la rprobation pontificale, le poste de Grand-Matrefut accept en France, en 1742, par Louis de Bourbon, comtede Clermont, prince du sang royal, et l'Ordre continua crotredans ce pays. Lors du Jubil de 1750, lent de plerins accou-rurent Rome pour se faire absoudre de l'excommunicationencourue de ce chef, que Benot XIV s'mut et, le 18 mai 1751,lana la constitution Providas, par laquelle il renouvelait et con-firmait la bulle de Clment XII. 11 faisait spcialement ressortirl'injure que constituait, l'gard de la foi, l'association d'hommesappartenant des religions diffrentes, et il invoquait le concours

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    de tous les princes catholiques pour l'excution des ordres duSaint-Sige. Dans la suite, Rome parait avoir cess d'agir jus-

    qu'au jour o, en 1789, le grand imposteur Cagliostro osa tenterde fonder une loge dans la Cit Sainte. Il fut arrt le 27 dcembrede la mme anne ; mais son procs devant l'Inquisition seprolongea jusqu'au 7 avril 1791, bien qu'il et confess et r-tract ses erreurs et qu'il et offert de signer tout ce qu'on vou-drait en vue de dtromper ses disciples. Ce fut par ce moyen,sans doute, qu'il sauva sa tte, car la sentence porte contre luiconstate qu'il a encouru la peine capitale prvue par l'dit de

    1739, mais qu'une mesure spciale de clmence a commu cettepeine en l'emprisonnement vie dans une forteresse. Emmurau chteau de San Leone, Cagliostro mourut dans sa prison,probablement en 1795.

    Le bouleversement caus par la Rvolution franaise dtournade la Franc-Maonnerie l'attention de la Papaut. Sous le rgnede Napolon Ier, l'Ordre tait un trop prcieux instrument de lapolitique impriale pour qu'on se permt d'y toucher. Mais ds

    que Pie VII fut raffermi dans la chaire pontificale, il lana, le15 aot 1814, le brefSi antiqua, que suivirent deux dits du Se-crtaire d'tat dirigs contre les Maons. Jusqu' cette poque,la Franc-Maonnerie, si rudement attaque, n'avait en apparencerien fait pour provoquer l'hostilit de l'glise ; mais un dangerrel ne tarda pas se manifester sous la forme d'un rameau del'Ordre, la socit secrte des Carbonari, organisation distincte,sans doute, et voue des desseins politiques bien arrts,

    mais constitue nanmoins sur le modle de la Franc-Maonnerie.Comme la secte prtendait n'tre pas vise par les dcrets de Cl-ment et de Benot, Pie VII lana, le 13 septembre 1821, la bulleEcclesiam, tendant aux Carbonari les pnalits portes contreles Maons et leur reprochant, entre autres crimes, de permettre chaque membre de conserver ses opinions religieuses, ce quiconstituait un scandale intolrable. Lon XII, dans sa bulle Quaegraviora, du 12 mai 1825, nous dit qu'au lendemain de son lec-

    tion il a diligemment port son attention sur ces sectes et cons-

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    tat qu'elles se propageaient et menaaient la paix europenne.C'est pourquoi il publie nouveau les dcrets de ses prdces-

    seurs et presse instamment les princes et prlats de veiller larpression du mal. Pie VIII, son tour, lana, le 21 mai 1829,l'encyclique Traditi, confirmant les dclarations, antrieures desPapes contre ces socits secrtes d'o ont surgi, comme desprofondeurs de l'abme, des maux si pernicieux pour la religionet pour l'tat . Quant l'encyclique Mirari vos, publie parGrgoire XVI le 15 aot 1832, on la considre tort commedirige contre la Franc-Maonnerie ; en ralit, c'est plutt une

    violente diatribe contre tout le progrs moderne et contre la pes-tilentielle folie de la prtendue libert de conscience . Il estseulement fait allusion aux socits secrtes, qualifies de cloa-ques de sacrilge; de perversit, de blasphme, source premirede toutes les calamits du temps .

    C'tait, semble-t-il, devenu une habitude que chaque pontifenouvellement lu signalt son avnement par quelque manifes-tation de ce genre. Pie IX, dans son encyclique Qui pluribus,

    du 9 novembre 1846, ritrait contre ces associations clandes-tines l'anathme fulmin par ses prdcesseurs et en ordonnaitla rigoureuse application. Les douloureuses preuves qu'ilsubit pendant les vingt annes qui suivirent expliquent la ragequ'il exhala contre la Franc-Maonnerie dans son allocutionMultiplices inter, du 25 septembre 1865. Il attribue cette insti-tution malfaisante les guerres et les sditions qui ont bouleversl'Europe et caus tant de maux l'glise; si les dclarations du

    Saint-Sige n'ont pu arrter la propagation de la Franc-Maon-nerie, la faute en est aux ignorants qui croient cette associationinoffensive et charitable, et disent que la religion n'a rien enredouter. Le pape se voit donc contraint de lancer une nouvellecondamnation et de confirmer les peines fixes par les constitu-tions apostoliques antrieures. Bien entendu, l'importante bulleApostolicae Sedis, du 12 octobre 1869, portait contre les Maons,les Carbonari et toutes les socits similaires les excommunica-

    tiens latae sententiae, qui ne peuvent tre leves que par le Saint-

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    __ II

    Sige. Finalement, dans l'ptre Scite profecto, du 14 juillet 1873,le pape, donnant un exemple qui fut ensuite trop bien suivi,

    attribue Satan la fondation de la Franc-Maonnerie ; ce ne peuttre que le Dmon, dit-il, l'ternel adversaire de Dieu, auquelincombe cette responsabilit ; c'est lui qui a institu la secte etqui s'emploie la faire prosprer !

    Plus tard, le Grand-Orient de Paris sembla justifier en quelquemesure ces accusations, lorsqu'il limina des conditions nces-saires l'admission la croyance en Dieu et en l'immortalitde l'me et dclara hautement que les conceptions mtaphy-

    siques n'avaient pas intervenir dans les affaires de l'Ordre,Cette tolrance l'gard de l'athisme provoqua bientt unescission : Albert Pike, Grand-Commandeur du Rite cossais auxtats-Unis, et le Prince d Galles, Grand-Matre de la Franc-Maonnerie anglaise, rompirent, par dcrets, toute relationavec les Loges franaises. Lon XIII profita de cette occa-sion, et, le 20 avril 1884, dans la longue et minutieuse ency-clique Humanum genus, entreprit de dfinir l'ensemble de ladoctrine, des mthodes et des desseins de la Franc-Maonnerie,afin qu'on en pt comprendre la nature malfaisante et y opposerune rsistance efficace. Le rsultat de l'enqute du Pape estcondens dans sa phrase initiale : La race humaine est diviseen deux sections, dont Tune sert Dieu et le Christ, tandis quel'autre est le royaume de Satan et combat contre Dieu. C'est cette dernire qu'appartient l'Ordre maonnique, puisqu'il s'ef-force de renverser l'glise de Dieu pour restaurer le paganismed'il y a dix-huit sicles, dsir insens o l'on peut reconnatrel'inlassable haine de Satan contre Dieu, l'insatiable soif, devengeance qui anime le Maudit. En termes solennels, le Papeordonnait tous les vques du monde catholique de dmas-quer les Francs-Maons et d'enseigner aux peuples ce qu'taienten ralit ces sectaires, amis du Diable et ennemis de Dieu.

    Une dclaration formelle et sans rserves, manant ainsi del'infaillible chef de l'glise, ne pouvait manquer de produire surles fidles une profonde impression. Le corollaire ncessaire de

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    cette thse tait d'attribuer la Franc-Maonnerie, comme auxLucifrains d'autrefois, l'Adoration du Dmon. Le fanatismesincre et crdule s'empressa de dvelopper ce thme. Le PreJoseph Millier de Vienne, dans ses Geheimnisse der Hlle (Se-crets de l'Enfer), prouvait que la Franc-Maonnerie tait leculte organis de Satan; Jean Kostka prtendait dmontrer lamme thorie dans son livre Lucifer Dmasqu. L'vque deGrenoble, Mgr Fava, dclarait que la Franc-Maonnerie n'taitpas autre chose que la religion de Satan. L'archevque Meurin,de la Socit de Jsus, dans un ouvrage considrable, LaFranc-Maonnerie, Synagogue de Satan, dclare que Charlestonest la Rome provisoire de la Synagogue satanique, que Satany apparat ses reprsentants et leur donne des ordres; carle Grand-Matre du Concile Suprme de Charleston est le Pape,le Vicaire-gnral de Satan sur la terre. Les rites de ce culte in-fernal ne sont pas seulement rservs aux grands dignitaires :l'auteur anonyme de La Loque noire dclare que le candidatmme, ds sa premire initiation, apprend que Lucifer est leVrai Dieu et, pour effacer le baptme chrtien, reoit le baptme

    du feu, le baptme de Lucifer.

    II

    Cependant le fanatisme sincre ne fut pas seul suivre l'im-pulsion donne par l'encyclique Humanum genus. Le profit pos-sible tirer de la situation apparut promptement aux yeux d'unhomme qui incarna admirablement, dans son cynisme versatile,

    la civilisation dcadente de cette fin de sicle. Gabriel Jogand-Pags, plus connu sous le pseudonyme de Lo Taxil, naquit Marseille en 1834. Il reut, en partie chez les Jsuites, une du-cation soigne et, tout jeune, se consacra au journalisme. Il netarda pas se faire remarquer par son audacieux mpris de lareligion et par ses virulentes attaques contre certaines person-nalits. En 1876, pour viter les effets d'une condamnation huit annes de prison, il s'enfuit Genve; une amnistie lui per-

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    mit de revenir en France et, en 4879, il s'tablit Paris, o sesviolences contre le clerg lui valurent une srie de poursuites et

    de condamnations, dont la plus lourde fut une amende desoixante-cinq mille francs pour un ouvrage scandaleux intitul :Les Amours secrtes de Pie IX. Il fonda une librairie anti-clri-cale; sa plume infatigable produisit une succession de livres ir-rligieux, dont beaucoup eurent un dbit considrable. Puis il litparatre un journal quotidien, lAnti-Clrical, o il prconisaitla fondation d'une ligue de libres-penseurs, association qu'il or-ganisa en effet et qui compta bientt dix-sept mille membres.

    Peu soucieux de la vrit, dou d'une imagination vive et d'une,tonnante audace de parole, Lo Taxil acquit bientt la rputationd'un des plus dangereux ennemis de la foi.

    L'accueil fait dans tout le monde catholique l'encycliqueHumanum genus lui suggra l'ide d'exploiter la crdulit, ter-rain beaucoup plus fertile que l'incrdulit et surtout moinsdangereux cultiver. Un matin, le 24 avril 1885, la lumireinonda soudain son me tnbreuse. Lo Taxil devint le typeaccompli du pcheur converti et repentant. Il ferma sa librairieanti-clricale et dtruisit ses crits sacrilges. Sa conversionapparut comme le triomphe de la grce divine; le nonce du Pape Paris, Mgr di Rendi, daigna absoudre le pnitent, des nom-breuses excommunications qu'il avait encourues. L'ardeur dunophyte en faveur de la foi tait plus vive encore que son hos-tilit del veille; or, l'Encyclique dsignait la Franc-Maonneriecomme but ses pieuses attaques. Il tait entr dans l'Ordre en1881, mais en tait sorti bientt aprs, sans avoir dpass le

    grade d'apprenti. Bien entendu, son ignorance des secretsmaonniques ne le gna nullement dans la rvlation de toutesles horreurs caches de la secte. En 1885 et 1886, il publia unesrie de brochures comprises sous le titre gnral de Rvlationscompltes sur la Franc-Maonnerie. Cette publication eut unsuccs norme. L'ide dominante tait de dmontrer que laFranc-Maonnerie tait un culte satanique, fond sur l'ancienManichisme et sur le Catharisme du moyen-ge. Comme le

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    souci de la vrit n'arrtait jamais l'activit de son invention, ilne fat pas en peine de prouver sa thse en accumulant de pr-

    tendus documents, de prtendus rituels, des fables absurdes,propres alimenter la curiosit populaire. Il consacra un volumeentier aux femmes dans la Franc-Maonnerie, alors que la vri-table Franc-Maonnerie n'admet pas de femmes, et son imagi-nation dvergonde se plut dcrire les scnes qui se passaientdans les loges androgynes . Par toute l'Europe, la pressecatholique accueillit ces uvres avec de grands loges; ondnonait dans cette organisation maonnique le dveloppement

    logique de la Rforme, et le Pre Grber, de la Socit de Jsus,auteur d'une traduction allemande, affirmait que la Franc-Ma-onnerie ne faisait qu'achever la besogne commence parLuther.

    Le champ tait trop vaste et trop fcond pour qu'un seulhomme sufft l'exploiter. Taxil attira lui plusieurs crivainsde mme espce, notamment un certain Dr Hacks qui, sous lepseudonyme de Dr Bataille,, publia une uvre de prs de deuxmille pages, intitule Le Diable au xixe sicle, o tous les Pro-testants taient reprsents comme de vritables Lucifrains.Un autre affili de la bande tait un Italien nomm DomenicoMargiotta. L'uvre capitale de ce dernier est intitule : AdrianoLemmi, chef suprme des Francs-Maons. Une traduction alle-mande de ce livre parut Paderborn; les droits demands parl'auteur se montrent cinquante mille francs. On peut juger ducaractre de ces uvres d'aprs le fait que, pour avoir repro-duit dans le Moniteur de Rome, journal inspir par le Vatican,le scandaleux rcit des pratiques hideuses et bestiales en hon-neur dans les loges, Msr Vglein fut poursuivi et condamn deux mille cinq cents francs d'amende. D'ailleurs, les associsriaient entre eux gorges chaudes de la crdulit sans limitesdu public et s'amusaient rivaliser d'extravagance dans leursinventions. Ils comprenaient le Spiritisme parmi, les pratiquesde la Franc-Maonnerie : si l'un d'eux rapportait qu' une sancede tables tournantes la table s'tait soudain dresse sur deux

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    pieds, pendant que les deux autres pieds saisissaient le mal-heureux mdium la gorge et l'tranglaient, un des confrresreprenait l'histoire en l'agrmentant d'une scne dans laquellela table s'envolait au plafond et redescendait sous la forme d'uncrocodile qui s'asseyait au piano et ravissait par son jeu toutel'assistance. Il n'y avait rien de si absurde qu'ils n'osassent im-primer ; les plus extraordinaires mensonges tait dvotement ac-cepts comme des vrits. Margiolta reut des remerciements etdes lettres de recommandation des vques de Grenoble,d'Annecy, de Pamiers, de Montauban, d'Oran et de Tarentaise,et aussi de l'archevque d'Aix et du Patriarche de Jrusalem.Lon XIII lui-mme le dcora de l'Ordre du Saint-Spulcre.D'ailleurs, le Pape seconda le commerce de Taxil et de ses colla-borateurs en embouchant diverses reprises la trompette guer-rire pour exciter parmi les peuples l'horreur de la Franc-Maonnerie. Dans son encyclique en langue vulgaire DallAlto,adresse, le 15 octobre 1890, au clerg et au peuple d'Italie, ilmontrait l'Ordre Maonnique envahi par l'Esprit du Mal, brlantcomme Satan mme d'une implacable haine contre le Christ. Le8 dcembre 1892, il revint la charge par la lettre Custodi,exhortation dithyrambique aux Italiens, prsentant un terrifianttableau de la guerre engage par les Francs-Maons contre lapatrie cleste et la patrie terrestre, contre la religion de nospres, contre la civilisation. A la mme date, il adressait auxvques italiens l'pure Inimica vis, o il montrait commentl'esprit diabolique des vieilles sectes avait ressuscit en, cetteFranc-Maonnerie qui attaquait les choses les plus saintes, tandisque le peuple des fidles, endormi dans une trompeuse scurit,ne discernait pas le danger qui menaait l'existence mme duChristianisme.

    III

    Dans les diverses publications de la librairie Taxil, deuxsujets spciaux taient traits qui prirent une importance par-

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    liculire dans l'volution du mouvement anti-maonnique.C'tait d'abord le Palladium, l'Ordre le plus secret et le plus

    lev de la Franc-Maonnerie. Stevens, dans sa Cyclopaedia ofFraternities, dit que cet Ordre fut institu en 1730 et introduit debonne heure 1 Charleston. L il sommeilla jusqu'en 1886,poque o il refleurit sous l'aspect nouveau du Palladium reform,pour imprimer une activit nouvelle aux traditions de la HauteMaonnerie. Mais Stevens ajoute que ce Palladium est peu connu,car le nombre de ses membres est trs limit et le plus grandsecret enveloppe ses dlibrations. Cependant le Dr Bataille rap-porte que le Palladium fut fond par Albert Pike le 20 septembre1870, le jour o les troupes italiennes entrrent Rome etmirent fin au pouvoir temporel. Or, dans la combinaison ima-gine par Taxil, Charleston et son Sanctum Regnum avaientt, jusqu' la mort d'Albert Pike en 1891, le quartier gnral dela Maonnerie lucifraine; aussi s'empressa-t-on d'exploiter lePalladium et d'en faire un pouvantail pour les sots. Ses trian-gles , disait-on, constituent les loges intimes dans lesquelles l'Esprit Satanique de l'Ordre s'exhibe sans voiles. C'est la vri-table assemble dirigeante et gouvernante. La crmonie d'ini-tiation au troisime et suprme grade d'un triangle est toujoursprside par le Dmon en personne; en croire l'archevqueMeurin, c'est dans ces triangles que Satan se montre ses ado-rateurs et leur donne ses ordres.

    Pour complter l'histoire, il fallait une grande-prtresse duculte lucifrain : on trouva cette auxiliaire en la personne deMiss Diana Vaughan.

    La gnalogie illustre de cette jeune fille la rendait tout faitdigne de cet honneur. Thomas Vaughan, frre jumeau de HenryVaughan le Siluriste, fut le chef des Rose-Croix, qui se propo-saient comme but le renversement de la Papaut. Le 25 mars1645, il signa avec Satan un pacte par lequel il s'assurait trente-trois ans de vie pour la propagation du Lucifrisme. En 1646, il

    1. Voil le peu que l'on croyait savoir du Palladium ; tout le reste est purmystification. Trad,

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    passa en Amrique et lut domicile au milieu des Lenni-Lenape.1

    En ces lieux il reut la visite de Vnus-Astart qui s'offrit

    partager, sa couche et lui prsenta, onze jours plus tard, unefille. Il donna l'enfant le nom de Diana et la laissa aux soinsdes Indiens, tandis que lui-mme retournait en Angleterre, en1648. Diana pousa le Grand-Chef de la tribu indienne et donnale jour un fils. Celui-ci fut soudain, en 1675, transport pourquelques heures Hambourg auprs de son grand-pre, et,durant ces courts instants, Vaughan reut non moins subitementJe don de parler l'idiome des Lenape; puis l'enfant disparut et

    retourna auprs des Indiens. De cet enfant descendait Diana. Lepre de la jeune fille tait un ardent Palladiste qui fonda, Louisville, le Grand Triangle des Onze-Sept, comptant troismille affilis. Il instruisit soigneusement sa fille dans le Palla-disme. En 1884, aprs avoir pass par les grades infrieurs,Diana fut initie aux rites des Onze-Sept. Tout enfant, elle s'taitfiance au puissant dmon Asmode, et, quand elle eut vingt-cinq ans, le 8 avril 1889, elle fut, sur l'ordre de Lucifer, offi-ciellement prsente son fianc dans le Sanctum Regnum deCharleston. Alors Asmode lui apparut dans sa majestueusebeaut, assis sur un trne enrichi de diamants. Au milieu dmerveilles surpassant toutes les feries des Mille et Une Nuits,il annona Albert Pike qu'il sacrait Diana grande-prtresse etinterprte de ses volonts; puis il enjoignit qu'on lui tmoigntpartout le respect le plus profond.. Pike signa, cet effet, un d-cret qui fut communiqu tous les Triangles.

    IV

    Cependant il existait une autre grande-prtresse, galementd'origine diabolique. Elle avait nom Sophia Walder et tait filleputative de Phileas Walder, pasteur protestant qui occupait ungrade lev dans la Franc-Maonnerie,, mais tait issue, enralit, du commerce de Lucifer avec Ida Jacobsen, femme oumatresse de Walder. Les prdictions annonaient que, pendant

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    - 18 -l't de 1896, elle irait Jrusalem o, le 29 septembre, deuvres du dmon Bitru, elle enfanterait une fille; celle-ci trente-trois ans plus tard, aurait, du dmon Decarabia, une fille qui,

    son tour, trente-trois ans aprs (1962), enfanterait l'Antchrist.Gomme arrire-grand-mre de l'Antchrist, Sophia taitl'objet d'une extrme vnration de la part des Palladistes; elleavait reu, Charleston, d'Albert Pike lui-mme, une ducationspciale et tait doue de divers pouvoirs surnaturels; elletait notamment capable de rendre son corps fluide et de passerau travers d'un mur de pierre. Elle eut une querelle avec Dianalorsque celle-ci, le 25 mars 1885, brigua devant le Triangle Saint-

    Jacques de Paris l'initiation au grade suprme de Matresse-Chevalire-Templire et refusa d'accomplir le crmonial quiconsistait cracher sur une hostie consacre et la transperceravec un poignard, Diana, vaincue dans la lutte, provoqua unschisme dans le Palladium et organisa les Lucifrains Indpen-dants et Rgnrs association destine tre purementLucifraine et non Satanique. Le couvent tenu Londrespar ce Palladium rgnr rsolut d'entamer une propagande

    publique en faveur de la foi nouvelle et confia Diana la directionde cette campagne.

    En consquence, le 21 mars 1895, Taxil lana le premiernumro d'un priodique intitul Le Palladium rgnr et libre.Directrice : Miss Diana Vaughan. En termes intentionnellement blessants pour les Catholiques, cette publication exposaitla doctrine de la secte, curieuse adaptation du Catharismedualiste des Albigeois. Lucifer celui qui apporte la lumire

    est le principe de l'intelligence et de la clart; Adona estle principe de la matire et de la mort. Ces deux tres ontengag une lutte qui remonte une poque bien antrieure lacration des mondes. Le livre Apadno donne la version vri-table de la lgende biblique, en relatant comment Adona cra.lhomme-animal, tandis que Lucifer donnait la crature l'in-telligence et le pouvoir reproducteur. L'me est une manationde Lucifer; Adona cherche sans cesse la sduire. Aprs la.

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    mort, les saints de Lucifer sont runis leur Dieu dans leroyaume du feu ternel; les mes imparfaites subissent une nou-

    velle preuve en passant dans le corps d'animaux ou d'hommes;les saints d'Adona sont prcipits dans le royaume de leurmatre, l'eau, o ils existeront l'tat d'esprits jusqu' la vic-toire finale de Lucifer, aprs laquelle ils seront anantis. Pourl'instant, l'humanit s'est partout affranchie de la loi d'Adona,sauf sur la terre et dans la plante Oolis. Les anges de Lucifer,le vrai Dieu, sont appels dmons et ont les deux sexes; lesprincipaux sont Moloch, Belzbuth, Bal, Asmode, l'Antchrist,

    Astart, Leviathan, Behemoth, etc. Les esprits d'Adona sontinsexus et sont appels malakhs ; leurs chefs sont ceux quiont abandonn Lucifer, notamment Michel, Gabriel, Uriel, Ra-phal, etc. Un des plus malfaisants et des plus puissants estcelui que les catholiques appellent la Sainte Vierge; son nomhumain, chez les Palladistes, est Mirzam; spirituellement, elleest l'abominable Lililh, le dmon des pollutions nocturnes.Jsus, fils des malakhs Joseph et Mirzam, avait de bonnes qua-

    lits qu'il tenait de son anctre Belzbuth ; mais l'orgueil causasa perte. Il trahit le vrai Dieu en, signant l convention du MontThabor et, ds lors, il fit uvre mauvaise. En 1995, l'Antchristse fera connatre; le pape rgnant, qui sera un Juif converti,abandonnera le Catholicisme pour adopter le Lucifrisme. Uneanne de guerre, o les catholiques seront extermins, suivra cetvnement ; puis viendra la lutte cleste entre les dmons deLucifer et les malakhs d'dona, lutte qui s'achvera par le d-

    trnement d'Adona. Le vaincu sera relgu dans la planteSaturne, sous la garde des Esprits de lumire, dj visibles ence lieu, o ils forment les anneaux qui entourent la plante.

    Il parut trois numros mensuels du Palladium, pleins de blas-phmes qui remplissaient d'horreur les fidles et dont l'attraitimpur tait encore aviv par une abondance de mystrieux d-tails. Tout cela n'tait, cependant, que le prologue d'une adroitecomdie. Le Palladium cessa de paratre et, le 1er juillet, fut rem-

    plac par un autre priodique intitul : Miss Diana Vaughan.

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    Mmoires d'une Ex-Palladiste. Le numro s'ouvrait par un rcitde la querelle entre Diana et le convent de Londres, rappelantl'audace avec laquelle cette fille avait tenu tte la puissanteassemble. Puis on annonait sa conversion au catholicisme etla rsolution qu'elle prenait de vouer sa vie la rparation dumal que son aveuglement avait dchan. Cette conversion avaitt hte, le 6 juin, par une visite de Belzbuth, d'Astaroth,de Moloch et d'Asmode, qui s'taient prsents Diane dansleur habituelle et rayonnante beaut, mais qui s'emportrentcontre elle parce que, dans son respect pour Jeanne Darc, elleavait promis de ne pas parler de la Vierge Marie en termes irr-vrencieux. Pour se dfendre contre les dmons, Diana invoquaJeanne Darc ; ils reprirent aussitt leur vraie forme de dmons,leurs cornes et leurs queues, et s'enfuirent en poussant des hur-lements. Elle se retira dans un couvent, o sa conversion s'achevaet o elle fut admise aux mystres de la vraie religion. Sa dvo-tion la foi orthodoxe devait se manifester par la rdaction deson autobiographie, qui allait paratre dans les numros men-suels du nouveau priodique.

    Le monde catholique salua par des acclamations cette nou-velle intervention de la grce divine, si semblable la conver-sion de Taxil lui-mme. Mais, en ce qui concernait Diana, laconversion s'aggravait de la ncessit d'une rclusion rigoureuse,car, disait-on, elle n'aurait pas vcu une heure de plus si lesPalladistes, rendus fous de rage par sa dsertion et sesrvlations, avaient pu l'atteindre par le poignard ou le poison.Seuls quelques amis d'une fidlit prouve devaient connatrela retraite d'o, chaque mois, elle rpandrait dans le monde sesrcits terrifiants et la description des effroyables secretsmaonniques. L'imagination de Taxil et de ses collaborateursdevait tre vraiment inpuisable, pour qu'aprs dix annes descandaleuses rvlations ces hommes fussent encore capables defournir l'insatiable apptit de la crdulit publique un jetcontinu d'lucu-

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    brations merveilleuses des genres des plus divers. Telle est,par exemple, la scne mlodramatique dans laquelle Albert

    Pike, dsillusionn sur son paganisme de jadis et puis parlarecherche hermtique du Grand Arcane, s'enfuit dans un dserto Korah, Dathan et Abiram surgissent d'un rocher massif, leconvertissent au Lucifrisme et lui donnent en prsent quelquesparcelles del pierre philosophale. Le grotesque atteint presqueau sublime dans l'histoire du moine Francisco Barri et de safemme, la salamandre Elkbamstar, et dans celle du mage VanGeer, divisant son corps en menus morceaux qui, placs dans

    un sac, se runissent miraculeusement. Il tait question ausside Frre Hubert, qui avait pour dmon protecteur Arkathapias,le terrible favori de Moloch, et qui possdait le don de allocation,lui permettant de se trouver, au mme moment, en plusieursendroits. L'impudence et l'audace taient pousses leur combledans le rcit des vnements surnaturels qui se passrent dansle Triangle de Malte. On y nommait, titre de tmoins, diversofficiers anglais ; on racontait que le vice-amiral Markham,

    lu Grand-Matre le 6 mars 1893, ayant lu le procs-verbal del'Assemble et exprim son incrdulit ce sujet, fut ins-tantanment transport dans le Sanctum Regnum de Charleston;l, le Baphomet lui avait demand s'il doutait encore et l'ami-ral, s'tant dclar convaincu, avait t ramen Malte par lamme voie.

    Il est humiliant pour la raison moderne qu'un semblable fatrasd'absurdits, publies pendant des mois, ait pu tre accept sans

    hsitation par les dvots. Il faut cependant avouer qu'il en futainsi. Pour prouver son zle de nophyte, Diana composa un petitouvrage de pit, La Neuvaine Eucharistique, et en envoya unexemplaire Lon XIII, en novembre 1895. Sur l'ordre du pape,le Cardinal-vicaire Parocchi transmit l'auteur la bndictionspciale du Souverain Pontife, en y ajoutant sa propre b-ndiction et l'expression de sa sympathie; la conversion deDiana est un magnifique triomphe de la Grce; lui-mme lit

    actuellement, ses Mmoires, qu'il juge d'un intrt palpitant.

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    Diana publia galement, durant l't de 1896, Le 33e Crispi,gros volume de cinq cents pages rvlant tous les secrets de la

    politique et de la Franc-Maonnerie en Italie, Dans une lettredu 11 juillet, Mgr Vicenzo Sardi, un des secrtaires apostoliques,la remercie de l'envoi d'un exemplaire et l'engage continuer dedmasquer la secte infme; c'est pour celle fin que la Provi-dence a si longtemps permis que Diana en ft partie. Cependant ilfait une allusion des bruits calomnieux que l'on rpand etdont l'objet est de contester l'existence mme de la nophyte ;ce sont l, dit-il, les artifices de la Franc-Maonnerie; mais il

    pense que, si Diana dmentait ces faux bruits, ce serait toutprofit pour un trs grand nombre d'mes. Le fait est que trop degens taient dans le secret de l'imposture pour qu'il put trelongtemps bien gard. Vers cette poque, Margiotta et le DrHacks eurent une querelle avec Taxil au sujet du partage desbnfices et commencrent se vanter de la part prise par euxdans la mystification on cours. Pourtant, le plus important or-gane de l'Eglise, la Civilt Cattolica, dirige et rdige par lesJsuites, parle, dans son numro de septembre 1896, de MissDiana Vaughan, appele des profondeurs des tnbres la lu-mire de Dieu, prpare par la Providence divine, arme de sa-voir personnel et d'exprience, s'employant au service de l'Egliseet infatigable dans ses prcieuses publications que rien n'galeen exactitude et en utilit. La Franc-Maonnerie, consterne,pour chapper ses coups, nie l'existence de la jeune fille et latraite de personnage mythique! II faut ajouter qu'une traduc-tion italienne des Mmoires paraissait Rome dans la Rivista An-timassonic, organe officiel de l'Union Anti-Maonnique d'Italie.Pourtant, la crise tait proche. Sous l'influence des dclarationspontificales et des prtendues rvlations, un grand CongrsAnti-Maonnique avait t convoqu Trente pour la fin deseptembre. La convocation fut accueillie avec enthousiasme et lesuccs de la runion tint du prodige. Le prsident honoraire futle Prince-vque de Trente et le prsident effectif le Prince Karlde Lwenstein ; on comptait environ un millier de membres,

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    parmi lesquels se trouvaient trente-six vques et les dlgusd'une cinquantaine d'autres. Il y eut une grande procession laquelle prirent part dix-huit mille personnes. Un tlgrammede Lon XIII apporta l'assemble la bndiction apostolique.On vola une croisade contre la Franc-Maonnerie; le Congrsdclara l'unanimit que la Franc-Maonnerie est la Synagoguedu Satan et que les Franc-Maons reconnaissent Lucifer commeDieu. Lo Taxil fut le hros du jour ; on lui donna mandat d'or-ganiser une ligue universelle anti-maonnique. Mais quatrebraves Allemands eurent la hardiesse d'exprimer des doutesrelativement l'existence de Diana Vaughan, et, le 29 septembre,une sance spciale fut consacre l'examen de cette question.On demanda les dtails de la conversion de Diana, les noms deson parrain, de sa marraine et de l'vque qui avait autoris sapremire communion. Taxil rpondit qu'il avait les preuves enpoche, mais qu'il ne saurait les exhiber sans mettre en pril lavie mme de Diana; tout ce qu'il pouvait faire, c'tait de com-muniquer secrtement un ecclsiastique, se rendant Rome, lenom d'un vque qu'il serait loisible de mander sous quelque pr-

    texte la Curie et qui donnerait au Pape lui-mme les assurancesncessaires. L'vque Lazzareschi fut choisi pour recevoir laconfidence. Taxil alla le trouver le soir mme au palais piscopal.Quelques mois aprs, l'vque Lazzareschi ayant dclar que Taxilavait refus, sous un prtexte frivole, de lui donner le nom pro-mis, il reut de l'imposteur un dmenti formel. Le silence obstinque l'vque avait gard pendant ces quelques mois montrequ'il comprenait la gravit d'une situation o tait impliqu

    l'honneur mme de l'Eglise. Au Congrs, le Commendatore Al-liata, prsident du conseil excutif de l'Union Anti-MaonniqueUniverselle, avait annonc qu'une commission tait spcialementcharge de tout ce qui concernait Diana Vaughan ; on abandonnatacitement cette commission le soin de faire une plus ampleenqute ce sujet.

    D'un bout de l'Europe l'autre, les journaux catholiques com-menaient se rendre compte du ridicule de la situation et d-

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    nonaient Taxil comme l'inventeur d'un mythe. Mais la clair-voyance infaillible de Rome tait en jeu et le Vatican ne pouvait

    admettre qu'on se ft moqu de lui. Le 16 octobre, A. Villard,chapelain domestique du Pape et secrtaire du cardinal Parocchi,crivit Diana pour la fortifier contre la tempte de calomnies quine craignaient pas de nier jusqu' son existence. Il avait, disait-il,les preuves matrielles et morales, non seulement de l'existencede Diana, mais encore de la sincrit de sa conversion; il lapressait de continuer crire ces ouvrages qui fournissaient desarmes pour terrasser l'ennemi du genre humain. Cependant la

    commission d'Alliata poursuivait ses travaux. Les propos tenuspubliquement par certains membres montraient qu'on tait bien-prs de conclure que toute l'affaire tait une fraude; mais desordres suprieurs firent ajourner le dpt du rapport et quand cerapport parut, le 22 janvier 1897, l'embarras de la rdactiontrahit l'vidence la contrainte qu'avait subie son auteur. Il taitdit, par exemple, que la commission n'avait pas qualit pour pro-noncer sur les rvlations de Diana, mais seulement sur ce quitouchait sa personne, et qu'elle n'avait pu obtenir aucunepreuve concluante ni pour ni contre son existence, ni pour nicontre sa conversion et l'authenticit de ses crits.

    Celle prudente rserve ne fui pas imite par la presse catho-lique. Taxil, dans les fascicules mensuels des Mmoires, dut bra-

    vement tenir tte a des torrents d'accusations et d'injures. Mais laplaisanterie touchait sa fin. Il y avait encore quelqueshommes qui soutenaient rsolument la ralit de Diana Vau-ghan et de ses preuves; de ce nombre taient l'vque de Gre-noble, Mgr Fava, et le chanoine Mustel, directeur de la Revue deCoutances. Mais la polmique des journaux devenait de jour enjour plus bruyante et plus hostile : Taxil comprit qu'il fallaitcouper court la mystification. Dans le numro des Mmoiresdu 25 fvrier 1897, Diana annona qu'elle paratrait en public lelundi de Pques, 19 avril, dans la salle de-la Socit de Gogra-phie, et qu'elle y ferait une confrence explicative, avec accom-pagnement de projections lumineuses. La sance tait rserve

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    la presse; tous les journaux de l'Europe et des tat-Unistaient invits s'y faire reprsenter ou y envoyer leurs

    correspondants. Dans les numros suivants parurent un extraitde la confrence promise et l'itinraire d'une longue tourne queprojetait Diana travers les principales villes d'Europe etd'Amrique. Dtail piquant, l'autobiographie se poursuivitjusqu'au bout, avec son luxe ordinaire d'pisodes miraculeux.

    Dans le numro du 15 avril, quatre jours peine avant larunion, Diana rapportait comment, aprs qu'elle eut chapp la mort dans le Triangle de Saint-Jacques, pour avoir refus de

    profaner l'hostie, ce Triangle crivit aux Onze-Sept de Lois-ville, pour les inviter la chasser. Elle courut Louisville,o elle fut miraculeusement prserve du pril qui la mena-ait. La relique la plus prcieuse du Triangle tait la queuedu lion de Saint-Marc, coupe par Asmode pendant une batailleet offerte aux Maons. On conservait cette relique dans une bote ;mais la queue du lion sauta hors de la bote et s'enroula affec-tueusement autour du cou de Diana; la touffe de poils qui ter-

    minait la queue se mtamorphosa en la tte d'Asmode, lequeldclara au Triangle que Diana tait sous sa protection spcialeet conseilla la jeune fille de ne jamais se marier, car il trangle-rait son poux. Puis, comme elle s'affligeait la pense que leTriangle Saint-Jacques ne complterait pas son initiation, Asmo-de, pour la distraire de ses tristes penses, l'emporta en pro-menade sur la plante Mars. Peu d'instants aprs, il la fit flotterdans les airs, grce un diadme d'acier dont il lui fit prsent.

    L'oncle de Diana, qui assistait la scne, saisit son kodak etphotographia le groupe. Des preuves de cette photographie, dis-tribues par elle dans les Loges-Mres du Lotus, avaient produitune norme sensation.

    VI

    Le 19 avril arriva enfin. La salle se remplit de journalistes

    desquels on avait exig, la porte, le dpt des cannes et des

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    parapluies. Au lieu de Diana, ce fut Taxil qui parut ; il pro-nona un discours qui, pour l'effronterie et le cynisme, n'a

    pas d'gal dans la littrature. Il s'avoua coupable d'infanticide,attendu que le Palladisme tait mort et que c'tait lui-mme,son pre, qui l'avait tu. La seule Diana Vaughan qu'il connttait une jeune fille qu'il employait comme dactylographe, moyen-nant un salaire mensuel de cent cinquante francs. Pendant douzeans, son dessein avait t d'tudier fond l'Eglise catholique, l'aide d'une srie de mystifications qui lui rvleraient les secretsdes esprits et des curs dans la hirarchie sacerdotale. Il avaitrussi au-del de ses plus audacieuses esprances. Aprs sa pr-tendue conversion, le moyen de parvenir ses fins lui avait tsuggr par le fait que l'glise voit dans la Franc-Maonnerieson plus dangereux adversaire, et que nombre de catholiques, lePape en tte, croient que le Dmon est le chef de cette associa-tion anti-clricale. Il affirma qu' Rome les Cardinaux et la Curieavaient sciemment et de mauvaise foi patronn les crits publissous son nom, sous le nom de Bataille et de Diana Vaughan ; leYatican connaissait la nature frauduleuse de leurs prtendues r-vlations, mais tait enchant de les utiliser pour entretenir chezles fidles une croyance profitable l'glise. Lvque de Char-leston avait, dclara-t-il, crit au Pape que les histoires relatives cette ville taient fausses ; mais Lon XIII avait impos silence ce prlat, tout comme au vicaire apostolique de Gibraltar, lequelavait affirm qu'il n'y avait pas dans le pays de souterrains o lesMaons clbrassent les rites infmes dcrits par Bataille. Taxilpoursuivit de la sorte, imperturbablement, au milieu des hurle-

    ments et des maldictions de l'auditoire, qui comprit trop tardpourquoi l'on avait confisqu, la porte, les cannes et les para-pluies. A la fin, le public furieux ne tint plus en place. Taxilchappa grce la protection de la police et se retira tranquille- ment dans un caf voisin.

    Pendant quelque temps, il ne resta plus au mouvement anti-maonnique qu' panser mlancoliquement ses blessures. Il yavait pourtant encore quelques personnes, d'une crdulit tenace,

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    qui refusaient de croire l'irralit de Diana, qui insinuaientsous le manteau que, Taxil s'tait dbarrass d'elle ou l'avaitvendue pour une somme norme aux Palladistes; mais ceux-l

    mme finirent par se taire. Le chanoine Mustel, dans sa palinodie,dclara que le jour o l'Enfer engloutirait Taxil, sa proieimmonde, les damns eux-mmes frmiraient de dgot etcourberaient la tte sous le poids de cette humiliation nouvelle.Pour excuser la foi qu'il avait tmoigne l'gard des rvla-tions merveilleuses, le chanoine faisait observer que Taxil con-naissait, mieux que beaucoup de catholiques bien informs, lesprincipes et la pratique de l'glise en la matire difficile etabstruse des manifestations surnaturelles ; le succs de l'impos-

    teur s'expliquait uniquement parce qu'il avait construit sondifice de fraude sur ce solide terrain. Est-ce en raison de cetteconstatation, ou de la conscience d'une scandaleuse complicit,que les uvres de Taxil et de ses collaborateurs n'ont pas tmises l'Index? On peut trouver, cette heure, parmi les livresque prohibe l'glise romaine, des ouvrages tels que l'aimable Viede saint Franois, par Sabatier, et lHistoire de la Littratureanglaise, de Taine ; mais les noms de Taxil, de Bataille, de Mar-

    giotta et de Diana Vaughan y brillent significativement par leurabsence. Les fidles ont donc encore le droit de demander cesautorits difiantes des claircissements sur les mystres dela Franc-Maonnerie !

    FIN

    Reproduction de ldition originale par Spartakus FreeMann pourEzoOccult http://www.ezooccult.net/