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L'épreuve artistique διάπάντων Author(s): Jean-Yves Strasser Source: Historia: Zeitschrift für Alte Geschichte, Bd. 55, H. 3 (2006), pp. 298-327 Published by: Franz Steiner Verlag Stable URL: http://www.jstor.org/stable/4436818 . Accessed: 02/09/2013 15:55 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Franz Steiner Verlag is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Historia: Zeitschrift für Alte Geschichte. http://www.jstor.org This content downloaded from 205.133.226.104 on Mon, 2 Sep 2013 15:55:43 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

L'épreuve artistique διά πάντων

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  • L'preuve artistique Author(s): Jean-Yves StrasserSource: Historia: Zeitschrift fr Alte Geschichte, Bd. 55, H. 3 (2006), pp. 298-327Published by: Franz Steiner VerlagStable URL: http://www.jstor.org/stable/4436818 .Accessed: 02/09/2013 15:55

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  • L'EPREUVE ARTISTIQUE AIA HANTQN

    A l'epoque imperiale, les palmares recensant les succes d'artistes, ainsi que les catalogues de vainqueurs dans les concours musicaux, mentionnent assez souvent une epreuve dite

    ct'a iarvrv ou, plus rarement, cacav iaivtov, expressions que le francais a pris l'habitude de rendre par . I Malgre la frequence des attestations, le sens meme de l'expression n'a pas ete elucide, tandis que les modalites de deroulement de cette discipline restent pratiquement inconnues. Certains points font cependant aujourd'hui l'objet d'un consensus; ils ont ete recemment rassembles en une synthese commode,2 et nous pouvons nous contenter de rappeler les trois aspects essentiels.

    D'une part, le 6ta' navtov est une epreuve qui met aux prises des artistes se livrant 'a une veritable competition; ce n'est pas, comme on l'a cru parfois, un simple prix offert en plus a l'un des artistes participant au concours, sans qu'il ait eu besoin d'accomplir la moindre prestation. Une inscription de Nysa en Carie est decisive pour etablir le fait. Au milieu du IIe s., les technites dionysiaques reunis a Ephese pour le concours des Ephesea y honorent l'un des bienfaiteurs du sanctuaire des technites 'a Rome, T. Ailios Alcibiade;3 on prend soin de preciser le moment, a l'interieur des Ephesea, oiu l'on proclamera la couronne doree dont il a ete honore: ce sera ev tcti; Toi5 6t'a iacvtov ayd[vo;] iepoupyiat; -re icait aov&at;. Le fait que le 6t& avtwcov y soit un agon 'a part entiere, qui plus est accompagne de rites religieux, implique a la fois une certaine importance et une certaine duree; on ne peut douter du fait qu'on a la affaire a une com- petition veritable, et non a une simple decision d'un jury reuni pour designer l'artiste le plus meritant du concours.

    D'autre part, le 6t'a navrdv n'est ouvert qu'aux vainqueurs des differentes disciplines particulieres representees au concours. Ceux-ci s'affrontent pour devenir, en quelque sorte, le champion des champions. Cette epreuve est donc logiquement la demiere du concours artistique. Elle figure, de fait, toujours en dernier dans les catalogues de vain- queurs, qui, dans l'enumeration des diff6rentes disciplines, semblent respecter l'ordre de deroulement de celles-ci. De plus, une scholie, sur laquelle nous reviendrons, signale: 8t'a navtwv aywv Xkyvrat o eaxaro;. Cette > cloture donc la partie de la fete consacree aux competitions artistiques.

    Enfin, on doit rapprocher le 6ua' narvtwv d'une competition connue par des catalogues de vainqueurs dans des concours beotiens, essentiellement au ler s. av. J.-C. Elle porte le

    1 Par opposition aux epreuves ), qui opposent des artistes pratiquant une meme disci- pline.

    2 N. A. Almazova, Der Schlufiagon bei den griechischen musischen Spielen, Hyperboreus 3, 1997, p. 41-56. Le point de depart de toute analyse reste F. Mie, Uber Si& ircvTiv und 6 vrzviKio; in agonistischen Inschriften, MDAI(A) 34, 1909, p. 1-17.

    3 SEG 4,418, avec L. Robert, Etudes epigraphiques etphilologiques, Paris, 1938, p. 45-53, et le meme dans K. Schefold / J. Pouilloux (ed.), Stele. Melanges Nicolas Kondoleon, Athenes, 1980, p. 10-20 (L. Robert, Opera Minora Selecta [= OMS] VII, p. 578-588), cf. I.Ephesos 22.

    4 On ajoutera aussi l'epreuve [Te?Xvtv]vCo Kotviv aux Tamyneia d'Eretrie, IG XII 9, 91, toujours au ler s. av. J.-C. La restitution n'est toutefois pas certaine, cf. Almazova, Schlujiagon (cite n. 2), p. 55, n. 43.

    Historia, Band 55/3 (2006) ?) Franz Steiner Verlag, Stuttgart

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  • L'epreuve artistique 6ta ntdvmw 299

    nom d'?iuviiKo; (ou F1nviKtKa).4 Comme e'> de l'epoque imperiale, elle est la demiere des concours artistiques, et met aux prises uniquement les concur- rents qui ont, au prealable, remporte une epreuve du concours lors de la celebration en cours. Une exception apparente a requ, selon nous, une explication satisfaisante, qui est passee inaper,ue. Dans le catalogue des vainqueurs aux Charitesia d'Orchomene celebres sous l'archontat de Mnasinos, au debut du ler s. avant notre ere,5 le vainqueur dans l'epinikios est un K(cgQ)66s;, Ei5apXo; Eipo8o't Kopo)vv;;6 on a remarque que ce n'etait pas lui qui avait triomphe dans l'epreuve pour KwWtq,oi des Charitesia, mais un certain Nikostratos de Thebes,7 et l'on en a conclu que les e'tviKta ne devaient donc pas tre ouverts aux seuls vainqueurs des epreuves particulieres. Mais A. Schachter a justement observe que les Charitesia etaient alors associes 'a un autre concours, les Ho- moloia.8 Generalement, les catalogues des vainqueurs aux Charitesia et aux Homoloia sont graves l'un apres l'autre sur la meme pierre. Ce n'est pas le cas dans l'inscription ou apparait Euarchos. Schachter fait l'hypothese que ce demier a ete vainqueur aux Homoloia. Le concours a sans doute bien ete celebre, juste apres les Charitesia, mais soit le catalogue des vainqueurs n'a jamais ete grave, soit il l'a ete sur une autre pierre. L'idee est d'autant plus seduisante que, dans les deux autres catalogues des Homoloia et Charitesia conserves,9 I'FRtVtKtoq n'apparait qu'une fois pour les deux concours, et n'est cite, dans chaque inscription, qu'a la fin de la liste des vainqueurs aux Homoloia, qui elle-meme vient apres celle des Charitesia; cela pourrait indiquer que l'epreuve, unique, etait ouverte a la fois aux vainqueurs des Charitesia et a ceux des Homoloia. De plus, il y a une epreuve pour icnR(6oi dans les deux concours; dans les epreuves pre- sentes a la fois aux Charitesia et aux Homoloia, il arrive qu'il y ait, pour une discipline donnee, un meme vainqueur,10 ou qu'au contraire il y en ait deux diff6rents.11 Sous l'archontat de Mnasinos, Nikostratos de Thebes a donc pu l'emporter aux Charitesia, tandis qu'Euarchos s'imposait d'abord aux Homoloia, dont la liste des vainqueurs n'a sans doute jamais ete transcrite, puis dans 1'E't vilto;. Ainsi disparait la seule excep- tion a ce qui doit etre une regle commune a l'e7utvitKo; et au 6ta ltdvrov: seuls les vainqueurs des disciplines particulieres peuvent y concourir.

    1. Les vainqueurs et leur specialite

    Ces points etant acquis, nous revenons ici sur l'histoire du 6u'a iuvmv et sur les regles qui regissaient cette epreuve, dont nous esperons montrer a quel point elle etait parti- culiere dans le paysage agonistique grec. On commencera l'indispensable inventaire des attestations par un releve des vainqueurs dans l'epreuve.12

    5 IG VII 3195, 1. 25-26. 6 I. E. Stephanis, AlovvltaKoi ruevirai * CvpT/f30 aUniv irpouto7roypaoia rov 9carpov Kail rqgpov-

    ai c4g rOv apXaiwv E)Ir1vav, Heraklion, 1988, n? 924; Euarchos a aussi ete vainqueur aux Mouseia de Thespies et aux Amphiaraia d'Oropos dans la premiere moitie du ler s. av. J-C.

    7 Stephanis, Technitai (cite n. 6), 1868. 8 A. Schachter, Cults of Boiotia I, BICS Suppl. 38.1, Londres, 1981, p. 142-143. 9 IG VII 3196 et 3197.

    10 C'est le cas, a chaque fois, pour 1'epreuve des Kxoupq6oi. I I Cas des Tpayr60oi dans IG VII 3196. 12 La liste fournie par Almazova, Schluflagon (cite n. 2), p. 41. n. 1 et 2, est 1lgerement incomplete,

    mais surtout de tres nombreuses r6ferences epigraphiques doivent etre mises 'a jour. Bien que nous considerions l'EtViVKtOq comme tres semblable, voire identique, au 6ta drovTWV, nous ne traitons

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  • 300 JEAN-YVES STRASSER

    Les vainqueurs du 6ua' a6vwvt ont toujours, rappelons-le, remporte une discipline particuliere dans le meme concours. Ils ne se recrutent que dans quelques specialites. Parmi celles-ci, celle qui a fourni le plus de vainqueurs dans l'epreuve finale est la pan- tomime.13 Le plus ancien temoignage sur un pantomime vainqueur dans le 8idt tav6vov est une inscription de Rome, qui merite un commentaire particulier: 14

    M(arcus) Ulpius Aug(usti) lib(ertus) Apolaustus maximus pantomimorum coronatus aduersus histriones et omnes scaenicos artifices XII

    C'est aussi le plus ancien document attestant des competitions de pantomimes dans un concours de type grec. 15 Apolaustus est un affranchi de Trajan; on considere, sans doute a raison, que le concours ou it a vaincu, ce sont les Sebasta de Naples, probablement les seuls concours avant le regne de Marc Aurele a posseder une epreuve de pantomimes a leur programme.'16 Reste a comprendre 1'expression conservee dans les deux dernieres lignes. Dans son ouvrage sur les artistes de scene dans l'Occident romain, H. Leppin a selon nous parfaitement saisi le sens des mots, sans neanmoins en tirer de conclusion sur le &tad na6v-rv. II s'accorde a y voir une allusion a cette epreuve,17 et propose la seule interpretation acceptable, 'a nos yeux, du chiffre XII:

  • L'6preuve artistique 6ta itavTwv 301

    par pantomimus sui temporis primus, tandis qu'histrio est un mot tout 'a fait attendu pour designer un pantomime. Le sens de scaenicus reste difficile 'a etablir, et le mot a d'ailleurs pu avoir diverses acceptions. I1 n'a pas exactement le sens de GaKfvuco; en grec, ne serait-ce que parce que la structure des theatres romains est differente de celle des grecs: dans les premiers, l'orchestra n'a jamais ete reservee aux artistes. Dans les theatres romains, l'orchestra est devolue au public, et les musiciens, comme les chan- teurs ou les danseurs, se produisent sur 1'estrade devant la scene; celle-ci finit par etre appelee en grec OUtXT1.22 La difference, fondamentale, qu'il y a dans le monde grec entre OfteXtK6; et axicvtK6; n'existe donc certainement pas entre thymelicus et sce- nwcus.23 Un glossaire latin 'tablit du reste l'equivalence entre OUO?uxt.O et scenicus,24 et Isidore, dans ses Etymologies, identifie thymelici et musici scenici.25 Un passage du Code theodosien parle d'un thymelicus et d'une thymelica comme de scaenici.26

    S'il est bien question du 6ta ncvowv dans l'inscription d'Apolaustus, nous ne croyons pas que toute l'expression coronatus aduersus histriones et omnes scaenicos artifices XII se refere 'a la seule victoire dans 1'epreuve finale; au demeurant, cela n'irait pas, puisque seuls les vainqueurs des disciplines particulieres etaient amenes 'a s'affronter dans le concours final: il n'est pas possible qu'Apolaustus ait participe au Mt idavtov aux cot's d'autres pantomimes. On doit comprendre que l'artiste mentionne deux succes, l'un dans sa propre discipline, la pantomime (coronatus aduersus histriones), l'autre dans 1'epreuve finale, contre douze adversaires (coronatus aduersus ... omnes scaenicos artifices XII, equivalent de catra naiVTWV).27 Le chiffre est tout 'a fait vraisemblable. On connalt en effet pour les Sebasta de Naples, 'a travers les palmares et les fragments de catalogues de vainqueurs, quatorze epreuves differentes dans le concours artistique, hors t 'a natvTov.28 Nous verrons infra que l'on n'a aucune raison de supposer que l'une ou l'autre de ces specialites etait exclue du 6ta' iatvtwv. En revanche, dans certaines circonstances, une discipline pouvait ne pas etre representee dans cette competition, ou, peut-etre, deux specialites differentes l'etaient-elles par un meme artiste. En effet, un meme champion pouvait remporter deux epreuves distinctes, par exemple celle de heraut et de tragedien, ou celle de tragedien et de comedien, ou encore les deux specialites de

    22 C. Fensterbusch, RE VI A 1, 1936, col. 700-704; Leppin, Histrionen (cite n. 17), p. 79-84. Ou- piiX est le terme generalement choisi par les pantomimes et les mimes pour designer I'espace oui ils evoluent, cf., par exemple, en dernier, N. Dimitrova / Chr. Karadima-Matsa, Chiron 33, 2003, p. 338-339; les auteurs pensent que la Oeugx1 dont il est question dans 1'epitaphe du mime Isidoros d'Athenes conservee au musee de Kavala (Oug.ka; ApooE OaXcXcax;) est l'orchestra; en cette fin de 1'epoque hellenistique, nous nous demandons si ce n'est pas deja 1'estrade.

    23 Zucchelli, Le denominazioni (cite n. 20), p. 54-55, cf. aussi Leppin, Histrionen (cite n. 17), p. 79- 82.

    24 Corpus gloss. lat. II, Leipzig, 1888, p. 329,1. 52 (0tL.1eXl5K6q scenicus histrio). 25 Isidore, Etymologies 18, 47: thymelici autem erant musici scenici qui in organis et lyris et citharis

    praecanebant et dicti thymelici quod olim in orchestra stantes cantabant super pulpitum, quod thymele vocabant.

    26 Cod. Theod., XV 7, 12. 27 C'est apparemment ce que comprend J. Frei, De certaminibus thymelicis, Bale, 1900, p. 41, n. 1. 28 Cf. M. L. Caldelli, L'Agon Capitolinus. Storia e protagonisti dall'istituzione domizianea al IV

    secolo, Studi pubblicati dall'Istituto italiano per la storia antica 54, Rome, 1993, p. 30-3 1. Ce sont les specialites suivantes: h6rauts, trompettes, citharistes de chceur, citharistes solistes, pythaules, choraules, comediens, tragediens, poetes, poetes lyriques (?), irnoKpiTat tragiques, -6noicpitaz co- miques, encomiographes (c'est-a-dire des specialistes de 1'eloge) et pantomimes.

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  • 302 JEAN-YVES STRASSER

    I'auletique, auletes de chaeur et auletes solistes.29 On ne sait si, dans ce cas, l'auteur d'un tel double avait le droit de se presenter 'a deux reprises dans le concours final, dans les deux specialites o'u il avait vaincu, ou s'il devait choisir l'une d'entre elles. Par ailleurs, des epreuves pouvaient rester sans vainqueur. II reste que le chiffre de treize concurrents dans le 6ta navtov aux Sebasta de Naples est parfaitement plausible, et qu'Apolaustus a, selon nous, vaincu douze adversaires dans l'epreuve finale.

    Quatre ou cinq autres pantomimes connus par les inscriptions ont remporte le 6ta tav6tov:

    - L. Aurelius Apolaustus, sans doute sous Marc Aurele et Lucius Verus.30 - L. Aurelius Apolaustus Memphius, dans le dernier tiers du l1e s.31 - Un catalogue de vainqueurs aux Sebasta de Naples mentionne un A. AiUp(ilkXo;)

    'At6ka'wito; [ME'goo;(?)], qui est peut-etre identique au precedent, mais qui peut aussi etre un homonyme legerement posterieur, connu par ailleurs.32

    - Tti. 'IovXto; 'Anokauato; a vaincu dans deux concours diff6rents sous Com- mode.33

    - M. Aurelius Agilius Septentrio l'a emporte aux Kapetolia, a notre avis en 206.34 On denombre cinq joueurs d'aulos qui ont remporte le 6ta' narvtwv:35 - Ti. Kkavi&o; KakkXiopoo; d'Aphrodisias, sans doute sous Trajan et Hadrien. - Tt4. DXcav&Xtavo; Znapo; de Gortyne, sans doute sous Trajan. - T. A' Xto; Ai5pifXto; [. . .]; OF-66oto; de Nicomedie, sous Antonin. - H. AiXto; 'Avrtyevi6ca; de Nicomedie, sous Hadrien ou Antonin. - Le citoyen d'Antioche en Syrie, aulete specialise dans l'accompagnement du

    chceur, M. Ai'pi1. XIFTr4io; NcRcntav6; 'Avttyu'vi65;, sous Caracalla. Les tpay96oi et Kwgup6oi, que nous qualifierions d'artistes lyriques,36 sont 'a peine

    moins nombreux que les pantomimes et les auletes:

    29 Cf. A. Chaniotis, Zur Frage der Spezialisierung im griechischen Theater des Hellenismus und der Kaiserzeit auf der Grundlage der neuen Prosopographie der dionysischen Techniten, Ktema 15, 1990, p. 89-108, et, pour les auletes, notre article Choraules et pythaules d'Ypoque imperiale. A propos d'inscriptions de Delphes, BCH 126, 2002, p. 97-142.

    30 CIL X 3716 (ILS 5189), cf. cependant Leppin, Histrionen (cite n. 17), p. 207-208. 31 Cf. la note suivante, et encore notre analyse des inscriptions relatives au personnage infra. 32 I.Napoli 54, 1. 3-4, cf. en dernier sur la question M. L. Caldelli, Ancora su L. Aurelius Augg. lib.

    Apolaustus Memphius Senior, Epigraphica 55, 1993, p. 45-57, avec n6anmoins nos remarques dans Inscriptions grecques et latines... (cite n. 13).

    33 Cf. FD III 1, 551 et I.Ephesos 2070-2071, avec notre commentaire sur ces deux inscriptions dans Strasser, Inscriptions grecques et latines... (cite n. 13).

    34 CIL XIV 2977, cf. Nikephoros 14, 2001, p. 127-131. 35 Quatre de ces personnages ont fait l'objet d'une analyse approfondie dans notre article Choraules

    et pythaules... (cite n. 29); pour tous, on trouvera les r6f6rences n6cessaires dans le meme article. 36 Lorsque nous parlons de Kxp(pO6; ou de tpay(p66; pour l'6poque imperiale, nous comprenons

    qu'il s'agit de chanteurs sp6cialis6s dans l'interpr6tation d'extraits de comedies ou de tragedies, g6n6ralement d'epoque classique, sans qu'on puisse exclure une part de >, comme pour nos chanteurs d'opera; cf. P. Ghiron-Bistagne, Recherches sur les acteurs dans la Gree antique, Paris, 1976, p. 119-125, specialement p. 124, et voir pour 1'essentiel, desormais, E. Hall, The Singing Actors of Antiquity, in P. Easterling / E. Hall (ed.), Greek and Roman Actors. Aspects of an Ancient Profession, Cambridge, 2002, p. 3-38, en particulier p. 12-18. Mais l'auteur n'analyse pas le cas des concours, et semble consid6rer qu'on y jouait des reprises de pieces complktes jusqu'au yve s. de notre ere. L'acteur a proprement dit est alors d6sign6 par le terme d'3nroKpitYl;; il interprete des pieces nouvelles, qu'on a continue a ecrire jusque sous l'Empire, cf. C. P. Jones, Greek Drama in the Roman Empire, in R. Scodel (ed.), Theater and Society in the Classical World, Ann Arbor, 1993, p. 39-52.

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  • L'epreuve artistique t&c it6vtov 303

    - A. Beifto; Ixpo; ita; 0wg086;, de Patras, au ler s.37 C'est sans doute le plus ancien vainqueur connu dans le 6ta la6vT(v.

    - rPho; 'IoIXto; Ba'ao; de Milet, heraut, tragedien et comedien, sous Trajan et Hadrien.38

    - Kk. 'AnokkXX&vio; Metkinao; KoI(w 656;, dans le troisieme quart du I1e s.39 - Nous ajouterions un autre enfant comedien. Dans un catalogue de vainqueurs

    aux Kaisareia de Corinthe, date de 127, on a recompense dans le 8ta' ndavrwov non pas le seul vainqueur, mais aussi les second et troisieme de l'epreuve:40

    6iai iad [VTCov] npwTtIov Kopy[hXto; ......w cv Kop.] 8EvrrpCtov E[xt?vSI; ... . ov]

    vacat ['AVacxptavo;] tpttelov A. Bai[kto; . ;.....* 'Aye]-

    vacat [ktavo; KopivOtow; Les editeurs ont considere que le Cornelius vainqueur de l'epreuve finale etait celui qui l'avait emporte dans les deux epreuves d'eloge en prose (1. 22 et 26), en l'honneur, l'une, d'Hadrien, I'autre de Nerva, de Trajan et de la domus imperiale. Mais nous croyons plutot qu'il s'agit d'un autre Kopviato; mentionne par l'inscription, lui aussi Corinthien, vainqueur chez les comediens enfants (1. 42-43); le troisieme, L. Vallius [...] Agelianus,41 est d'ailleurs aussi un enfant, vainqueur de l'epreuve pour citharedes, et

    37 Corinth VIII 3, 272; sur les competitions de Tpayw6oi et K(O)UL ot enfants, E. J. Jory, A iral wwpa- 6sc and the Sit ,rdvrwv, BICS 14, 1967, p. 84-90; I'article de G. Prosperi Valenti, Attori-bambini

    del mondo romano attraverso le testimonianze epigrafiche, Epigraphica 47, 1985, p. 71-82, est in- complet. II nous parait evident que ces categories irzti8e; doivent leur existence d'abord au registre vocal particulier des enfants, d'ailleurs particulierement goGte des Anciens.

    38 G. Voligraff, Mnemosyne 47, 1919, p. 258-260, n? 26 (L. Moretti, Iscrizioni agonistiche greche, Rome, 1953, n? 74; M. L. Caldelli, MAL s. 9, v. 8, 1997, p. 400-401, M3), cf. Caldelli, Agon Capi- tolinus (cite n. 28), n? 32. Rien ne permet de savoir a priori avec quelle specialite Bassos l'a emporte dans le 16a irVTciv, mais il est probable qu'il a participe au concours final dans l'un des deux arts lyriques, cf. infra.

    39 SEG 3, 334, cf. Stephanis, Technitai (cite n. 6), 267. 40 W. R. Biers / M. J. Geagan, Hesperia 39, 1970, p. 79-83,1. 58-63 (Anntpig 1970, n? 587), cf. J. et L.

    Robert, BE 1971, 307. Nous revenons aussi sur ce texte infra. Nous corrigeons le texte des editeurs sur un point: aux 1. 62-63, on n'ecrira pas, comme le font Bears et Geagan, rput0eov A. Bck[klo ;.

    ..... ;'AyrlIXtav6; o Kai Kop.]; 'Ayektav6; n'est pas un ethnique, mais un nom. L'artiste portait un cognomen et un supernomen. Aux 1. 45-46, ia oii apparait la premiere fois ce personnage, on supprimera donc aussi le o6 Kai entre 'AyEktav6; et KopivOto;. On fera d'ailleurs de meme aux 1. 29-30 et 33-34 entre KatuapE-; et TpakcXav6;; 1'ethnique du poete de Tralles Melit6n est en effet simplement Kalacpei); TpaXktav6;. Les editeurs ont manifestement cru a des ethniques doubles, comme aux 1. 104-105 et 135-136, et ont ajoute, a chaque fois, 6 Kai pour des raisons d'espace: ils ont estime que, lorsque le graveur n'avait pas eu la place pour noter tout l'etat-civil d'un vainqueur sur une ligne, et qu'il utilisait donc une seconde ligne, celle-ci commen,ait au meme niveau que les noms d'epreuves, places en retrait par rapport au bord gauche de l'inscription; mais les colonnes B et C montrent que, dans ce cas, le lapicide accentuait encore le retrait vers la droite.

    41 Pour l'origine de ce cognomen, nous ne savons trancher entre deux hypotheses. 'AyEkXav6;, tres rare a notre connaissance, est connu a Athenes, IG 112 2127, 1. 13. I1 peut s'agir d'un derive d"Ay?Xao; / 'AykXca;; ce dernier nom est d'ailleurs atteste a Corinthe. Mais ce peut aussi etre un cognomen forge a partir du nomen latin Agilius (cf. H. Solin / 0. Salomies, Repertorium nominum gentilium et cogno- minum Latinorum, Hildesheim, 1988, p. 9), avec une banale evolution de ['] en le], cf. par exemple

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  • 304 JEAN-YVES STRASSER

    nous avons dej"a cite le cas de L. Vibius Florus, tac; Kwp10606;, vainqueur a plusieurs reprises du 8ta' ndvrow. Nous verrons, infra, qu'il n'est certes pas impossible qu'un auteur d'eloges l'ait emporte,42 mais que c'est aussi tres peu probable. A la 1. 59, on ecrira donc seulement: ltpwTEiov Kopy[ikto; .Kop.], le nom de ce comedien enfant etant perdu.

    Une inscription de Rome tres fragmentaire,43 du Ile s. ap. J.-C., mentionne, pour un artiste dont le nom n'est pas conserve,44 deux victoires dans le &ta atcvTV; s'il a ete tragedien et comedien, il est possible et meme probable que c'est en tant que citharede qu'il a remporte l'epreuve finale a Nicomedie et Pergame,4s mais le caractere lacunaire du texte ne permet pas d'etre categorique.

    On compte un unique motvTii; icpo0o8iou, le citoyen de Thespies EiU'gdppo 'AkX4- av6pou, dans le troisieme quart du Iie s.46

    Enfin, A. lenTtipo; Auip. MapKtavo6; de Nicomedie a ete vainqueur du 6t& iuVtwv dans plusieurs concours.47 Sa specialite n'est pas mentionnee par l'inscription delphique qui nous livre son palmares; on sait du moins qu'il a necessairement exerce celle de trompette ou de heraut. On a pense qu'il avait obligatoirement une autre specialite, 'a cause precisement de la mention du 6ta iarvTwv, mais nous ne le croyons pas.48

    Seules sept specialites sont donc sfurement representees. Encore plusieurs d'entre elles sont-elles proches l'une de l'autre, au point qu'un meme artiste pouvait les prati- quer toutes deux: il s'agit des deux specialites de I'auletique (pythaules et choraules), et des deux arts lyriques (tragediens et comediens). Peu de disciplines ont donc donne des vainqueurs au 6ia tav-vrow. Le plus ancien temoignage est sans doute celui de L. Vibius

    IG X 2 1, 878, qui nous fait connaitre, dans une inscription bilingue conservee a Thessalonique, une Agilleia / 'AyrCXXTa, et, a Hierapolis, le citoyen romain F. 'AyeXilto; 'AroXkXvi6Tj;, W. Judeich, Altertumer von Hierapolis, Berlin, 1898, n? 32. Dans le cas d'un cognomen forge a partir du nomen latin Agilius, on ne peut exclure qu'Agelianus soit un adopte, dont la formule onomastique serait: praenomen et nomen de celui qui l'a adopte, suivis du cognomen d'adopte et de l'ancien cognomen avec le suffixe -ianus, cf. 0. Salomies, Adoptive and Polyonymous Nomenclature in the Roman Empire, Helsinki, 1992, p. 20-22. Agilianus est, par ailleurs, un cognomen connu a Rome, CIL VI 21526 (cf. 1. Kajanto, The Latin Cognomina, Helsinki, 1965, p. 139).

    42 Le second est d'ailleurs un auteur d'e1oges, mais d'eloges en vers, genre qui reste sans doute, a cette date, plus prestigieux que celui des eloges en prose.

    43 IGUR 1 261, cf. Stephanis, Technitai (cite n. 6), 3018; Caldelli, Agon Capitolinus (cite n. 28), no 19.

    44 Nous reviendrons ailleurs sur l'identite du personnage. 45 C'est sans raison que Moretti, Iscrizioni (cite n. 38), p. 217, juge que cette pierre mentionne des cas

    de victoires dans le 6talt avmwv qui n'auraient pas et pr6c6d6es d'une victoire dans une discipline particuli&e. En effet, pour Pergame et Nicomedie, oui le personnage l'a emporte dans l'epreuve finale, nous disposons sur le meme fragment d'attestations sures de succes chez les citharedes. Pour Nicomedie, il convient cependant de rester prudent, compte tenu du caract&e fragmentaire de l'ins- cription: rien ne prouve que la victoire chez les citharedes et celle dans le 8& iravttwv conservees sur le fragment appartiennent a une meme celebration, ni meme que dans la celebration oii I'artiste 1'a emporte chez les citharedes et dans l'epreuve finale, il ne l'a pas emporte aussi dans une autre discipline.

    46 IG VII 1773, cf. Stephanis, Technitai (cite n. 6), 963. 47 L. Robert, CRAI 1970, p. 18-27, fig. I (OMS V, p. 659-668), avec W. Van Rengen, ZPE 8, 1971,

    p. 145-146; cf. Stephanis, Technitai (cite n. 6), 1612; Caldelli, Agon Capitolinus (cite n. 28), n? 57.

    48 Cf. infra. Nous revenons sur le palmares de Markianos dans Nikephoros 17, 2004, a propos des Ant6ninia Pythia de Rome, dont nous situerions l' unique celebration sous Caracalla.

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  • L'epreuve artistique 68t idvTwv 305

    Florus,49 au plus tot au milieu du ler s., pensons-nous. Le plus tardif - les victoires de Markianos - n'est sans doute pas posterieur au regne de Caracalla. Ce n'est en fait ni dans les palmares, ni dans les catalogues de vainqueurs qu'on trouve les plus anciennes attestations de l'epreuve finale sous le nom de 6tau icav-wv.

    2. Les attestations epigraphiques les plus anciennes du 8ta& iavTov

    Malgre le scepticisme de certains savants, nous croyons que la plus ancienne attesta- tion du 6ta iaivtwv dans une inscription se trouve dans un texte de Xanthos en Lycie.50 C'est un decret pour Artapates fils de Stasithemis de Xanthos. Artapates, entre autres actes d'evergetisme, a fait une fondation pour les fetes penteteriques, sans doute les RhOmaia organises par la confederation lycienne 'a Xanthos. Les honneurs qui lui ont ete decernes sont naturellement proclames lors de ces memes fetes, et ce 'a quatre mo- ments differents. L'inscription rapporte le nom de trois d'entre eux: la danse armee dite pyrrhique, la procession et le concours gymnique, exactement apres la course de fond des enfants (dolichos):51

    [-----------Kflpx'a]- [aEa]Oat &6 v[M]oi5o ayowv[o]- [OF_]00o ?'Vr Tn avly1jpt [6t]- [a T]ov Kd[po]Ko; gEtxa tov

    [-** OpTOV ?V Ire T@[. . [...]O)V Kai ?'Vr xu pp[i%Xqt]

    [Ka' ?]IV Tn [n]Og2nt Kai ?'V [,rfl [Yug]VtKOt aiyOvt np'o na'[vI- [rtv I 'rdv adOXov grA?z [rOyv] [06XtIXov -rCv arai&nv.

    L'inscription date sans doute du ler s. avant J.-C.; elle est, en tout cas, anterieure 'a 43 ap. J.-C. et 'a la constitution de la province de Lycie-Pamphylie. C'est sans doute cette date precoce, ainsi que l'origine lycienne, qui font que ni J. et L. Robert,52 ni M. Worrles3 n'ont accepte la restitution cC [6tai I dvrowa]v, suggestion de Zingerle reprise par Kalinka dans les TAM. Pourtant, quels arguments invoquer contre ce supplement, et que resti-

    49 Sa date a fait l'objet d'un debat, mais il est certainement anterieur au regne de Domitien, cf. L. Moretti, MGR 11, 1991, p. 180 et 182, dont la datation est cependant trop precise.

    50 TAM II 261c; voir L. Robert, Documents de l'Asie Mineure meridionale. Inscriptions, monnaies et geographie, Geneve / Paris, 1966, p. 30-39, qui porte sur les parties A et B; p. 31, n. 2, il prfere voir dans C la fin de A, decret en l'honneur d'Artapates fils de Stasithemis; B est le testament du personnage.

    51 D'apres un catalogue des vainqueurs aux Rh6maia de Xanthos publie par L. Robert, RA 1978, p. 277-290,1. 14 (OMS VII, p. 681-694), et qui doit etre date de la seconde partie plus ou moins avancee du le siecle, voire du ler siecle av. J.-C. le dolichos des enfants est de fait la premiere dpreuve gymnique; le concours musical est alors extremement reduit.

    52 J. et L. Robert, Claros 1. Decrets hellenistiques, Paris, 1989, p. 59, n. 309, oiu les auteurs citent l'inscription sans completer la lacune, mais en notant toutefois l'article au datif, Tu,.

    53 M. Worrle, Stadt und Fest im kaiserzeitlichen Kleinasien. Studien zu einer agonistischen Stiftung aus Oinoanda, Vestigia 39, Munich, 1988, p. 233, n. 35:

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  • 306 JEAN-YVES STRASSER

    tuer d'autre? A la fin de la 1. 5, il y a la place pour trois lettres, au debut de la suivante pour trois ou quatre. Tout le nom de 1'epreuve, ou de la partie des Rhomaia rappelee a cet endroit, est donc compris dans la lacune, precedee sans aucun doute possible de l'article tC6; le supplement doit se terminer par un nu, ce qui exclut qu'il s'agisse d'un terme unique au datif. L. Robert a montre que, au tournant de notre ere, 1'epreuve de la pyrrhique, mentionnee a la suite de la lacune, etait particulierement en vogue;54 c'est aussi pour cette raison qu'on choisit ce moment-la pour la proclamation des honneurs. Or, d'une part, une inscription d'Aphrodisiass5 nous montre que la pyrrhique et le 6ta' nLv6 tWv pouvaient etre associes dans un meme concours.56 D'autre part, on a un autre exemple de proclamation dans le 8t6t idvtrv, aux Ephesea d'Ephese, mentionnee dans le document retrouve a Nysa et que nous avons invoque supra. Nous sommes tres mal documentes sur les concours musicaux en Lycie; rien ne permet donc de savoir si l'on peut imaginer une epreuve 6t'a nadv rv aux Rhomaia de Xanthos au tournant de notre &re. Mais le tres modeste concours lycien des Demostheneia 'a Oenoanda en comprend une, des le regne d'Hadrien, ce qui laisse 'a penser que le fondateur ne faisait que suivre un programme bien etabli, dej"a en vigueur dans des concours lyciens plus importants. 11 faut encore remarquer que, si nous n'avions que les palmares pour nous documen- ter sur le &ta natvtv, rien n'aurait permis de penser a l'existence de cette epreuve a Aphrodisias. Mais le silence de nos sources ne doit pas correspondre 'a une rarete dans les faits, car sinon, comment expliquer que le 6ta rdvtwv a ete introduit des le regne d'Auguste dans l'un des principaux concours de l'epoque imperiale?

    En effet, la copie de I'acte de fondation des Sebasta de Naples trouvee 'a Olympie inclut deja le concours final. La partie consacree au programme musical est gravement mutilee, mais on peut restituer sans aucun doute possible:57 ]S to 6a rc[a4v]wv. Cette mention arrive 'a la fin du passage consacr6 aux epreuves artistiques, et juste avant I'enumeration des disciplines hippiques: ce doit etre la derniere competition artistique, et donc le &t'a ncvtov connu par ailleurs. L'inscription de Xanthos est peu ou prou contemporaine du reglement des Sebasta de Naples: c'est encore une raison de ne pas exclure d'y retrouver le 6ta nadvrwv.

    La seule difficulte qui subsiste a notre avis dans le texte de Xanthos tient 'a l'ordre dans lequel sont indiques les deux moments du concours musical o'u seront proclames

    54 Cf. J. et L. Robert, Claros (cite n. 52), dans le d6cret pour Polemaios, col. V, 1. 35-37, dans le decret pour M6nippos, col. III, 1. 28; IG XII 9, 236, 1. 44 46 et IG XII 9, 237, 1. 23; IG XII Suppl. 553, 1. 29-30. C'est une epreuve particuti6rement en faveur a cette epoque; L. Robert y voit toujours la >, mais P. Ceccarelli, La pirrica nell'Antichita' greco-romana. Studi sulla danza armata, Pise, 1998, p. 139, remarque que rien ne le prouve; il pourrait deja s'agir d'un ballet pantomimique.

    55 Ch. Roueche, Performers and Partisans at Aphrodisias in the Roman and Late Roman Periods. A Study Based on the Current Excavations at Aphrodisias in Caria, JRS Monographs 6, Londres, 1993, n? 52iv, col. 1, 1. 5 et 7, cf. Ceccarelli, Pirrica (cit6 n. 54), p. 129-13 1. Le cta rdvrwv figure aussi au programme de plusieurs autres concours a prix d'argent (dit thematiques) d'Aphrodisias, Roueche, op. cit., n? 52i, col. 2,1. 5, n? 52ii, 1. 5, comme la pyrrhique, aux Lysimacheia, Roueche, op. cit., n? 53, col. 3. II est d'ailleurs probable que ce dernier concours s'achevait par une epreuve 8t6t idvTwv.

    56 Dans un premier temps, P. Ceccarelli, Le dithyrambe et la pyrrhique. A propos de la nouvelle liste de vainqueurs aux Dionysies de Cos (Segre, ED 234), ZPE 108, 1995, p. 287-305, ici p. 298, et n. 47, a elle aussi repousse le suppl6ment (), avant de I'accepter, Pirrica (cite n. 54), p. 128-129, pr6cis6ment a cause du parallele d'Aphrodisias.

    57 IvO 56, avec R. Merkelbach, ZPE 15, 1974, p. 193 (SEG 37, 356).

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  • L'epreuve artistique 6t& Jtav6dv 307

    les honneurs pour Artapates: on attendrait plutot la pyrrhique avant le 68t navv, comme a Aphrodisias. A condition toutefois que la pyrrhique soit ici une epreuve du concours, sinon elle peut sans peine figurer apres 1'epreuve finale. Tout depend donc de la nature exacte de la danse armee, 'a cette date, dans la fete en l'honneur de Rome. Ne s'agit-il pas dej"a d'une manifestation en marge de I'axywv, par exemple d'un grand ballet pantomimique organise pour rehausser l'eclat de la panegyrie?

    Quelle que soit la restitution adoptee pour I'inscription de Xanthos, la premiere attestation du 8ta navTwv n'est pas plus tardive que l'an 2 de notre &re, quand sont c6lebres pour la premiere fois les Sebasta de Naples. Cela n'etonne guere, quand on sait que I'epreuve finale dite epinikios est attestee en Beotie des la fin du Iiie s. avant notre &re.58

    3. Les concours

    La liste des concours incluant, d'apres nos sources, le 5ta& navrwv s'etablit donc ainsi: - en Occident, les Sebasta de Naples et les Kapet6lia de Rome; - en Grece, les Kaisareia de Sicyone, les Mouseia de Thespies, les concours organises

    par le koinon des Cretois, les Kaisareia de Corinthe, le Bouclier d'Argos (c'est-a-dire les Heraia), les Asklepieia d'Epidaure et, peut-etre, les Nemea d'Argos;

    - en Asie, les Koina Bithynias 'a Nicomedie, les Koina Asias de Smyrne, les Koina Asias et les Olympia Asklepieia Kommodeia Koina Asias de Pergame, a Ephese les Koina Asias, les Balbilleia et les Ephesea, 'a Cyzique les Olympia, 'a Aphrodisias plu- sieurs concours a prix d'argent, a Oenoanda les Demostheneia, et, selon nous, a Xanthos les Rhomaia.

    L'epreuve finale est incluse aussi bien dans des concours sacres iselastiques59 que dans des concours 'a prix d'argent. Plusieurs de ces ag6nes sont peu connus ou d'un rang tres modeste, mais cela tient sans doute en grande partie au hasard de la documentation. L'absence des plus grands concours, et surtout des plus anciens est, elle, notable: malgre l'abondance des sources, nous n'avons aucun temoignage de 6&a tdvTWv aux Pythia de Delphes, aux Isthmia,60 aux concours d'Athenes (Panathenees, Olympia, Hadrianeia), 58 IG VII 1762, revue par P. Jamot, BCH 19, 1895, p. 333-334, n? 7; cette inscription est la partie

    inferieure subsistante d'un catalogue qui recensait tous les vainqueurs de l'edition des Mouseia sous l'archonte eponyme de la Confederation des Beotiens Lykinos, tandis que le n? 6 de Jamot (revu par P. Roesch, Etudes beotiennes, Paris, 1982, p. 188-189, n? 32, cf. SEG 32, 434) mentionne, pour la meme edition, les seules epreuves de la partie sacree du concours; sur la date de l'archonte Lyki- nos, on verra D. Knoepfler, Chiron 2, 1992, p. 426-427, n? 32; voir aussi les remarques du meme auteur sur ces catalogues, dans A. Hurst / A. Schachter (ed.), La montagne des Muses. Melanges A. Schachter, Recherches et rencontres 7, Geneve, 1996, p. 150 et 164.

    59 Ce sont, avec les concours de la periode, les ag6nes les plus prestigieux; un concours iselastique donne droit au vainqueur, entre autres privileges, a une entrde solennelle sur un char dans sa patrie, cf. entre autres P. Herrmann, MDAI(I) 38, 1988, p. 309-313.

    60 Worrle, Stadt und Fest (cite n. 53), p. 230, n. 16, propose d'expliquer l'absence du 6ta irdvrcov aux Isthmia, absence patente du moins dans les catalogues des vainqueurs, par les liens 6troits entre les Isthmia et les Kaisareia, pour lesquels l'dpreuve finale est attestee par un palmares d'artiste et par un catalogue de vainqueurs. Cette explication pourrait etre confort6e aujourd'hui par le parallele qu'offre le cas des Homol6ia et des Charitesia, concours etroitement lies pour lesquels il semble n'y avoir qu'une epreuve finale commune aux deux, cf. supra. Mais cela peut dventuellement poser le probleme de l'ordre des deux concours celebres par Corinthe, qui n'a pas toujours 6te le meme, cf. Corinth VIII 2, 81.

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  • 308 JEAN-YVES STRASSER

    aux Aktia de Nicopolis. La presence d'Argos et d'Epidaure est presque une surprise; pour les autres concours de vieille Grece, l'explication est simple: les Kaisareia et les concours organises par le koinon des Cretois sont des concours recents, et, aux Mouseia, l'introduction du 6ff a iaEv'rv ne fait que reactiver une vieille tradition commencee avec 1 'epinikios.

    Les concours en l'honneur de l'empereur sont de loin les plus nombreux. Mais on se meprendrait, croyons-nous, en etablissant un lien quelconque entre culte imperial et 'a natvtov, voire entre celui-ci et une quelconque > a travers le culte de l'empereur. En realite, ce sont avant tout les nouveaux concours fondes sous l'Empire - et presque tous sont en l'honneur de l'empereur - qui acceptent le plus vo- lontiers d'integrer l'epreuve finale 'a leur programme.

    4. Les allusions litteraires

    Les textes litteraires nous renseignent fort peu sur les concours artistiques, et sont pratiquement muets pour l'epoque imperiale. Deux documents posent probleme pour la question du St& na6vTov, d'autant plus qu'ils sont bien plus anciens que la premiere attestation epigraphique de l'epreuve.

    On doit sans doute definitivement ecarter un passage de Platon dans la Re6publique comme une simple mention du 6ta laivtwv. Apres avoir longuement defini l'homme royal, le timocratique, l'oligarchique, le democratique et enfin le tyrannique, Socrate demande 'a Glaucon de les classer:61

    "I 5' Rot, ?OV C,w viv ij60 &cp 6 &a itta(vTv KpltTn; anoOaiveTat, Kal cL ourw, rti; ipdTo;i Kcaa T#v aiiv 60'av ?v'atVovia 1acu Ti; 6?Iv5po;, iai TUo; dXXoU; ?5 n?rfvT 63vTa; KpivE, Jaot1tKov, rtpoKpaTtlKOv, 6?tyapXtK6v, 6r)lo- KpaTtKov, TmpaVVtKOV.

    C'est 'a la suite du commentaire d'Adam62 qu'on a voulu y voir un juge de l'epreuve finale des concours artistiques, mais il est evident que l'on attendrait dans ce cas l'article, 6 toi u1 ta na&vT-V Kpvtfl;.63 Ii convient donc de traduire par reste a nos yeux problematique.

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  • L'epreuve artistique 6t6 irdvrwv 309

    superiorite (

  • 310 JEAN-YVES STRASSER

    Le sens meme de l'expression 6o 8i'a na6vtv ayuov n'est pas ici parfaitement clair, et la syntaxe de la phrase pose un probleme qui se reflete dans la diversite des traductions de ce passage.71 Mais l'on ne peut pas ne pas entendre d'abord toi ye 6a' ic6vtv aywdvo; comme l'epreuve finale qui, dans l'esprit du sophiste, va departager les langues comme elle departage tous les artistes vainqueurs de l'dy6wv gonK6';, et prouver que I'attique est un dialecte superieur a tous les autres, en somme le meilleur.

    5. Le sens de l'expression

    Nous avons deja dit, a propos de la scholie 'a Cratinos, qu'on pouvait eventuellement com- prendre que le concours &tza ndvtcv etait le concours >, celui qui surpassait les autres. Mais nous avons aussi souligne, 'a propos des Lois, que cet usage de 8ta dans ce cas precis restait douteux. On ajoutera ceci: l'epreuve finale pour artistes est designee dans le reglement des Sebasta de Naples, au tournant de notre ere, comme le 8ta& ia6vtv. Or, si l'on doit donner le sens de supreme 'a 6ua' ircvTov, l'expression revet un caractere non technique qui parait tout 'a fait inadapte au contexte. En outre, ce 68ita tdv'rwv serait tout bonnement l'ayo'v supreme, c'est-a-dire qu'il depasserait en qualite et en reputation non seulement les epreuves particulieres, mais aussi, si l'on prend l'expression au pied de la lettre, les concours musical, gymnique et hippique d'une fete. Enfin ce concours qui serait reconnu comme supreme - par qui d'ailleurs? - aurait ete purement et simplement exclu du programme d'un grand nombre de concours pendant tout l'Empire. Cela est peu croyable. Que certains artistes - a commencer par les pantomimes -, et plus encore le public, aient pu considerer que le 6ta idivTev, et l'epinikios avant lui, aient ete une sorte d'epreuve superieure, parce qu'elle designait le < vainqueur parmi les vainqueurs >> - pour reprendre l'expression de Boeckh72 -, cela est probable, mais ne doit pas nous inciter 'a conclure que le sens originel de l'expression est celui-la.

    Plusieurs savants ont aussi vu dans le ta itacv'rv une epreuve ou s'affrontent tous les concurrents, o 68ta ndavvow aiyovta-Twv ay6v. Mais, outre que l'epreuve ne met aux prises que les vainqueurs des disciplines particulieres, le grec utilise simplement le genitif, sans preposition, pour designer les participants a un concours.73 En revanche, 1'expression icaTaz aivtcov qu'on trouve parfois pour designer la meme epreuve finale nous montre a notre avis que 6ta ne peut indiquer qu'il y a competition > dif- ferents artistes, sens que peut avoir, de fait, Katd; apres cette demiere preposition, on sous-entendra de preference vtKiqa6v'rov.

    A notre avis, il faut sous-entendre apres o 6ta navrv le terme a'OXplga, et la faqon la plus probable de completer l'expression est celle-ci: o 8ta' navtwv a'0Xfljs6tv ayWv.

    le plan du ton, du debit et de la force, et ne s'en irait pas defait comme, de vrai, un enfant contre un homme fait, pour m'exprimer convenablement? >>

    71 Comment faut-il comprendre la succession de genitifs de la phrase ou apparait 1'expression 5t& nVTWvtv? Une des scholies au texte pense pouvoir preciser: 68t itdvtowv direv, iTot 8tz T6Cv TpIOv Ei&OV T1 p'lTop,Kf;, 8ticavtcous, auppoixetutco-6, navTfyuptKcoT. 1takkov yap T6v ?V &DXoi; Oi IOIOiVTOt TV AOTvaiwv Xoyot EXouc1 rTa uIOKEiJtVva cXTIgaTa, aywva, Tovov, 6p6kov, KpdTo;.

    72 Victor inter victores, a propos de CIG 1585 (p. 768). 73 Les exemples sont innombrables. Lorsqu'une epreuve n'est ouverte qu'a un groupe particulier,

    defini notamment par ses fonctions, ou que, au contraire, l'on veut insister sur la participation de tous, on emploie aussi la preposition 6c, cf. Mie, iber Sick ircivrwv (cite n. 2), p. 5-9, surtout pour cic ,avTtov.

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  • L'6preuve artistique 8t& ndvtov 311

    Un parallele proche pour la formule se trouve chez Herodote. L'historien evoque la repugnance des Egyptiens a adopter les usages grecs; seule ferait exception la ville de Khem-mln. La population honorerait Persee, qui serait originaire de la ville egyptienne; en fait, Herodote assimile abusivement le heros grec au dieu ithyphallique egyptien Min.74 D'apres lui, les habitants de Khem-min

  • 312 JEAN-YVES STRASSER

    des annees 190-170.79 L'inventaire des victoires du personnage, dont le nom ne nous est pas parvenu,80 se presente sous la forme de six couronnes de feuillage rangees sur deux colonnes:

    Couronne de lierre Couronne de lierre AtovicFta 'Hpata

    [a'l] icydAa 'H[p]aQK?X [?v] 'AOivat; EIvptnit6ou

    ['Op]J t ApyicX t [ElIpuci6ou Evptinr6ou

    Couronne de laurier Couronne de che?ne [E(otWpta Naia

    [?V] A0o0i; ?v Aw&6vIt 'H[pJaKUt 'ApX-Xacot EI5ptliriol) Evpt'ti6ou ['Avtat'i 'AXtDxI

    'ApXFarpd,Tou8' Xacipiovo;82 Couronne d'olivier sauvage Couronne de lierre

    [HlXo]qtcaia cai ToUi; Kcam [6v 'AXc_Iav8p6iat no,?t; a'ydva;

    [av]6pac; GKlVlKOOU [nuIy~u'v Aiovvota Kai ?i Tt-

    va" d,Xa; 'optaz; ai no6X?; ijyoaav

    OKt(.

    Le beneficiaire de la base etait un tragedien, qui a, en plus, remporte la boxe aux Ptolemaia d'Alexandrie. Son repertoire de predilection etait Euripide. Comme on I'a

    suppl. 6, Paris, 1980, p. 252, fig. 20, et P. Cabanes, Nikephoros 1, 1988, pl. 12). Nous n'avons pas vu G. Xanthakis-Karamanos, An Inscription from Tegea (S.I.G.3, 1080): Remarks on the Performance of Post-classical Plays, in H7paKrlwd rovt ,B roirlxot avvEpiov apxaSa,5w&v wrovSozV (Mdlanges Merikas), Ath6nes, 1990, p. 129-142.

    79 D'apres la mention des Naia de Dodone, sans doute devenus sacres seulement dans la premiere de- cennie du iie s. av. J.-C., cf. P. Cabanes, Nikephoros 1, 1988, p. 49-84, en particulier p. 62-64 et 78; le sac de Dodone par Paul tmile peut selon toute vraisemblance fournir un bon terminus ante quem; c'est aussi l'un des premiers documents a mentionner les concours d'Argos sous le nom d'Heraia, et non celui d'Hekatomboia, cf. Amandry, lftudes argiennes (cite n. 78), p. 230. La date exacte a et6 ignoree dans les articles sur Archestratos et Chairemon dans le Neue Pauly, respectivement NP 1, 1996, col. 987 [11] et NP 2, 1997, col. 1082 [ 11.

    80 Stephanis, Technitai (cite n. 6), 3003. Si la date que nous indiquons pour l'inscription est exacte, il faut renoncer a l'id6e d'identifier le titulaire du palmares de Tegee avec le tragedien Apollogenbs d'Arcadie, comme le proposent Stephanis, cf. son n? 239, et encore Hall, The Singing Actors... (cite n. 36), p. 12, n. 29.

    81 Mais P. Perdrizet, BCH 24, 1900, p. 286, ecrit:

  • L'epreuve artistique it& tcivmow 313

    remarque, il affectionnait les roles que favorisait un physique d'athlete, que possedait assurement notre homme, puisqu'il a aussi ete un boxeur victorieux. On a generale- ment compris que, en plus de la victoire gymnique, notre artiste avait autant de succ6s dans les concours sacres que de pieces mentionnees, soit sept au total, dans quatre concours differents, les Dionysies, les Heraia d'Argos, les Naia de Dodone et les Soteria de Delphes.83 Une autre interprdtation est possible. Les Dionysia d'Athenes, aussi prestigieux soient-ils, ne sont en effet pas un concours sacre au meme titre que les autres concours mentionnes dans le palmares.84 La victoire au concours athenien, autant que l'on sache, ne donne droit a aucun privilege au vainqueur dans sa patrie, mais seulement a une re-compense a Athenes meme. Pour les trois autres concours, la situation est differente: ils ont ete reconnus sacres par les cites grecques, qui s'engagent par la a offrir certains privileges aux vainqueurs dans leur propre patrie; mais a Argos, Dodone et Delphes meme, ils doivent se contenter de la couronne de feuillage. Ce n'est pas la seule fois o'u un palmares cite un concours dramatique athenien a cote des concours sacres stephanites; a Athenes precisement, le palmares du citharede Nikokles fils d'Aristokl's,85 six fois vainqueur aux Pythia au IIIe s. av. J.-C.,86 mentionne, aux c'tes des concours les plus prestigieux, les Leneennes, ou il n'a pourtant remporte que le dithyrambe, et qui n'est pas un concours iepo;, et les Panathenees, oiu les epreuves artistiques ne semblent pas, a cette date, >?87 On ne sait d'ailleurs pas exacte- ment ce qu'etait cette epreuve de dithyrambe des Leneennes;88 mais si Nikokles a ete vainqueur, ce n'est forcement pas seul, a nos yeux, et il a ete engage, pensons-nous, pour accompagner un chceur.

    Le tragedien de Tegee a, lui, vaincu dans une epreuve des grandes Dionysies athe- niennes, oiu l'on couronne le meilleur interprete dramatique dans des representations de pieces entieres; comme l'indique le monument tegeate, on I'a recompense d'une couronne de laurier. Mais les Dionysies etaient, toujours a cette date, une fete locale et civique, quelles qu'aient ete l'origine et la renommee des artistes venus y participer. Notre champion vainqueur avec l'Oreste d'Euripide n'est que le protagoniste d'une piece presentee pour le concours de tragedie ancienne. Aux Heraia, aux Naia et aux Soteria, il n'a interprete selon nous que des morceaux de pieces tragiques.89 Nous pensons qu'on ne pouvait se contenter d'un role ou d'une piece, mais qu'il fallait chanter des extraits de deux pieces differentes: ainsi aux Heraia notre acteur l'a-t-il emporte une seule fois en , d'une part, le role d'Heracles dans la piece homonyme d'Euripide, et, d'autre part, celui d'Archelaos, toujours d'apres Euripide.90

    83 En premier, R. Herzog, Philologus 60, 1901, p. 442. 84 Voir toujours A. W. Pickard-Cambridge, The Dramatic Festivals of Athens, Oxford, 1988. 85 IG 112 3779. 86 Stephanis, Technitai (cite n. 6), 1839. 87 A. Belis, Cithares, citharistes et cithar6des en Grece, CRAI 1995, p. 1025-1065, ici p. 1053-1054,

    juge que Nikokles I'a aussi emporte dans le dithyrambe aux Panathenees, mais rien ne l'indique, et il y avait une epreuve pour citharedes aux Panathenees.

    88 P. Wilson, in Easterling / Hall (ed.), Greek and Roman Actors (cite n. 36), p. 63, pense a une >, cf. aussi Belis, Cithares... (cite n. 87), p. 1054-1055.

    89 B. Le Guen, in F. Prost (ed.), L'Orient mediterraneen de la mort d'Alexandre aux campagnes de Pompee: cites et royaumes ai l'poque hellenistique, Rennes, 2003, p. 347, parle a propos de l'ins- cription de T6gee de (< reprises >> de pieces anciennes, ce qui nous parait inexact.

    90 Si du moins ii fallait n'interpreter qu'un role.

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  • 314 JEAN-YVES STRASSER

    Cette interpretation nous paralt appuyee par une autre inscription, bien plus tardive, trouvee 'a Corinthe. II s'agit cette fois d'un aulete,91 L. Kornelios Korinthos.92 La haute stele que ses fils ont erigee en son honneur porte un bas-relief representant l'artiste;93 le monument est assurement plus tardif que la carriere de l'aulete,94 qu'il faut placer a la fin du ler s. de notre ere,95 et la stele est tres certainement posthume. L'inscription elle-meme96 est composee de trois parties; dans le bas sont gravees quatre rangees de couronnes consignant de nombreuses victoires de Korinthos. Au-dessus du bas-relief central figurent la dedicace et, tout en haut, la mention des victoires majeures remportees par le champion. Celles-ci sont rappelees d'une part dans trois couronnes, une a cha- que fois pour les Pythia, les Isthmia et les Nemea, et, d'autre part, sur deux boucliers, pour autant de victoires dans le Bouclier d'Argos, ij F "Apyou; oaict;, nom d'usage des Heraia d'Argos, par allusion au prix offert au vainqueur.97 Le haut de la stele se presente donc ainsi:

    Dans une couronne Dans une couronne "Ic0Fu- N -

    a g1a Sur un bouclier Dans une couronne Sur un bouclier

    Tiv [nu- Tiiv C "Apyox (sic) eta ?t "Apyou (sic)

    aiti&x a(alri6a A. KopvXitoq K6ptv0o; KopivOto;

    2 ictOacnXii;, nFpto6ov vixic,, v.Iticaa t,i1v n pt'- o8ov, vwtcrloa; ?c Tiv r 4 "Apyox; &d1it&a ?v't vo6gw, tv a'vtayo-

    4 vtacdCv 6taV vo6got; eXiKtoXv av'OflKav 6i3o xioi A A Kopvi'ktot EaP43vo; ncuOcaUcXi icKa K6ptvOo; XopacnXii;.

    Traduction de la dedicace:

  • L'epreuve artistique Stc ndvt.v 315

    unique, alors que ses adversaires ont execute deux nomes. Ses deux fils ont fait eri- ger (la stele): L(oukios) Komrelios Sabeinos, aulete soliste, et (Loukios Kornelios) Korinthos, aulete de choeur. >>

    Le sens de l'expression Epto6ov_t'Kfl7;, VEKflOaa; Tiv nEpio8ov, VEMlOQa; 8E tiv "Apyou; dakrnia ?Vi vo6Ug, tdv avraywvtaTv 8Uoi vo6gots; sU1XiKcTov a divise les premiers editeurs et commentateurs.98 L'interpretation en reste delicate, mais l'on peut, pensons-nous, proposer une solution satisfaisante. La formule veuici'a; riv lEepio6ov para't au premier abord redondante par rapport au qualificatif de periodonique. Rap- pelons que, pour un artiste, la periode comprend les Pythia, les Isthmia et les Nemea, auxquels s'ajoute le Bouclier d'Argos en lieu et place des Olympia de Pise, qui ne com- prennent pas d' epreuves musicales.99 En realite, il faut lier fermement itepto8ov0'CrJ; a iaOakXn;: voila pour les titres officiels. Les fils de Korinthos ont ensuite mentionne une anecdote qui est un autre motif de gloire: leur pere, deja vainqueur des plus grands concours de son epoque (vet&K1a; tiv ie-pio6ov), est alle ensuite concourir et vaincre a Argos (vstuic#aa; &? tiv "Apyou; akrnti'a), oiu il avait deja remporte une premiere victoire, qui lui avait valu le titre de p6riodonique. II y a reussi l'exploit de l'emporter en ne jouant qu'un seul nome (v't voji),100 alors que ses adversaires en ont execute deux (rdv dcvtayovwt(F6v 8&asi vo'iot; CUeXlK6tcov). On a generalement compris que le concurrent avait le droit de rejouer une seconde fois le morceau qu'il presentait au jury ou de jouer deux nomes, cela afin de racheter d'eventuelles imperfections de sa prestation initiale.101 Mais le texte ne dit pas que Korinthos n'a joue qu'une fois et ses

    98 J. et L. Robert, BE 1971: Belis, Musiciens (cite n. 98), p. 141, propose une autre interpretation: < Lorsque les juges ne parviennent pas a d6partager les concurrents, ils peuvent leur demander de rejouer le morceau. C'est ce qui advint apparemment aux adversaires de Corinthos, qui lui, fut dispense de la chose >>; mais cela voudrait justement dire que Korinthos avait d6ja 6te choisi comme le meilleur interpr6te, donc comme le vainqueur, et il n'y avait pas a faire r6peter le morceau a ses adversaires d6ja battus, et qui n'ont plus rien a esperer, puisqu'il n'y a pas de deuxieme place dans un grand concours comme le Bouclier d'Argos.

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  • 316 JEAN-YVES STRASSER

    adversaires deux fois un meme nome,102 mais que le premier a joue un seul nome, les autres deux. Nous doutons donc que les concurrents aient execute deux fois le meme morceau; il y a d'ailleurs quelque chose de curieux a imaginer ces plus grands artistes du monde grec avoir le droit a 1'erreur et a l'imperfection, et pouvoir repeter une seconde fois le meme morceau, devant un public qui viendrait de l'entendre imparfaitement joue; c'est d'autant plus improbable que le public, a fortiori le jury, ne tolerait aucune faute.103 Nous croyons donc que l'artiste devait presenter generalement deux nomes differents, ce qui lui permettait assurement de mettre en valeur la dexterite et la variete de son jeu, mais sans doute pas de rattraper quelque imperfection.

    Pour Korinthos, ne jouer qu'un seul nome etait une forme de defi a ses adversaires. Satisfait de son premier morceau, suffisamment brillant pour montrer l'etendue de son talent, il a fait l'impasse sur le second, attendant avec confiance le verdict de juges impressionnes par tant d'assurance, et semant ainsi le doute parmi ses adversaires. Quelle demonstration de force, si la victoire est au bout, mais quel echec humiliant s'il est vaincu, lui, le periodonique, qui remet sa suprematie en jeu a Argos ocu il a deja remporte la victoire!

    La repetition de la mention de deux victoires remportees au Bouclier d'Argos dans les couronnes du bas de la stele reste, elle, curieuse, mais peut se comprendre; on aura voulu separer les exploits majeurs: succes dans la periode, suivi de la victoire ?vi vo- go au Bouclier,104 de deux autres victoires a Argos dans ce meme concours, mais plus tardives, et sans l'exploit du triomphe evi vog(p; Korinthos a donc certainement vaincu quatre fois dans le concours d'Hera.

    Si notre interpretation est exacte, les auletes solistes devaient presenter, dans les concours, deux nomes, comme, selon nous, les tragediens et les comediens devaient interpreter deux - ou plusieurs - roles differents, tire's de deux pieces distinctes.105 Un

    102 Dans ce cas, on attendrait une expression du type TrOV aVTayWVtaTC0V 8i; T6V v6pov ?'UXi1K6t)V. Nous remercions P. Chuvin d'avoir attire notre attention sur ce point.

    103 La litterature nous a conserve maintes anecdotes sur le comportement intransigeant du public, qui n'hesitait pas a manifester violemment contre un artiste qui commettait des maladresses, cf. Belis, Musiciens (cite n. 98), p. 236-24 1, et J.-Ch. Moretti, Thedtre et societe dans la Grece antique, Paris, 2001,p. 275-277.

    104 J. et L. Robert ont juge qu'?vi v6oltp portait a la fois sur la periode et le Bouclier d'Argos, ce qui etait plus ou moins necessaire dans le cadre de leur explication. Mais pour exprimer cela, nous croyons que le grec aurait place de maniere plus 6vidente Evi v6.o. en denominateur commun, en tete tres probablement, avec une formule comme vetKciiaa; ?Vit v0po r#v itpio6ov Kai gvrT& TaiPTa (vel sim.) Trv ?t "Apyou; aati&a. Si toutefois ['on devait suivre l'opinion des Robert, la reunion des cinq succes dans le fronton de la stele n'en aurait que plus de coherence, puisqu'il s'agirait de toutes les victoires evi v6gi.

    105 Le papyrus P.Oslo inv. 1413 (Kannicht, TrGF2, F680; E. Pohlmann / M. L. West, Documents of Ancient Greek Music, Oxford, 2001, n? 39 et 40), date des annees 80-120 ap. J.-C., porte deux fragments de pieces tragiques post-classiques avec annotations musicales. Les deux textes conserves n'ont que peu de rapport l'un avec l'autre, et l'on s'est demande s'ils appartenaient veritablement a une meme piece. S. Eitrem et L. Amundsen, in S. Eitrem et alii, Fragments of Unknown Greek Tragic Texts with Musical Notation, SO 31, 1955, p. 1-87, font l'hypothese que le papyrus a pu appartenir a un acteur tragique, p. 29: Mais ils n'envisagent que la possibilite d'un artiste appartenant a une troupe itinerante et faisant des exhibitions. Compte tenu de ce que nous avons dit sur le deroulement des epreuves artistiques dans les concours, ne peut-on imaginer qu'il s'agit de deux morceaux present6s par un meme artiste dans un dy6v?

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  • L'epreuve artistique bt& ndvtov 317

    dernier texte vient apporter une confirmation de cette regle des ay6ivF; toixtnicoi,106 et nous montre en meme temps, pensons-nous, que le fonctionnement etait different dans le 6tau natvtov. I1 s'agit d'une inscription se rapportant au pantomime le plus celebre de son temps, L. Aurelius Apolaustus Memphius Senior, un affranchi de Lucius Verus et Marc Aurele, originaire de Syrie, qui brille a Rome dans le dernier tiers du I1e S.107 Sur une base (?) trouvee a Tibur, erigee dans le temple d'Hercule Victor, on a grave plusieurs textes en latin et en grec relatifs au personnage.108 La dedicace en latin occupe la face anterieure; le texte n'en pose aucun probleme:

    Lucio Aurelio Augg(ustorum duorum) / lib(erto) Apolausto / Memphio, I pantomimo hi /eronicae ter, te[m]/poris sui primo, / yittato Augg(ustorum duorum) / sacerdoti Apolli/nis, Herculano / Augustali. / S(enatus) p(opulus)q(ue) T(iburs). Item / orna- mentis decurionatus honorato.

    Une seconde inscription dans la meme langue occupe l'un des cotes; les lectures de Gordon ont permis de grandement ameliorer le texte, jusqu'alors tres lacunaire a cause d'une importante rasura sur quatre lignes:

    Curante / Musonio Iulio / Antullo, patrono / municipii. / Dedicata V[I]J Id(us) lun(ias) / Anullino / (iterum) et Frontone co(n)s(ulibus). / [[saltante]] / [[L(ucio) Aur(elio) Augg(ustorum) L(iberto) Apolausto]] / [[Memphio Iun(iore)]] / [[Aug(ustali?)]]; edente / L(ucio) Aur(elio) Augg(ustorum) lib(erto) Apolaus[to] / Memphio, / ma- gistro.

    Ce second texte est fermement date par la mention des consuls de 199. Pour des raisons qui tiennent a la carriere d'Apolaustus Memphius Senior et a la difficulte de distinguer entre plusieurs homonymes, on a voulu souvent separer les deux textes de Tibur, pour ne pas dater la dedicace de 199.109 Mais selon Gordon, il n'y a pas lieu de supposer deux lapicides differents, 10 ni meme deux phases dans la gravure; 1 I surtout, le sens de la seconde inscription, bien compris par Gordon, 1 12 exclut pratiquement cette

    106 Regle dont il est evidemment difficile de dire si elle etait commune a absolument toutes les disciplines artistiques.

    107 Nous evoquons aussi le personnage dans notre article Inscriptions grecques et latines... (cite n. 13).

    108 CIL XIV 4254 (ILS 519 1); A. E. Gordon, Album of Dated Latin Inscriptions. Rome and the Neighbo- rhood, 2. A.D. 100-199, Berkeley / Los Angeles, 1964, p. 175-179, pl. 122; L. Nista (pour la base) / R. Friggeri (pour l'epigraphie), dans A. Giuliano (ed.), Museo Nazionale Romano I. Le sculture 3, Rome, 1982, p. 203-207 (VIII, 19).

    109 Voir encore notre article (cite n. 13). Plusieurs pantomimes portent le nom Apolaustus dans la deuxieme moitie du W1e s. L'un d'eux a ete execute sous Commode, et, si l'on veut y reconnaitre l'Apolaustus Memphius Senior de Tibur, il faut evidemment que la dedicace ne date pas de 199.

    110 Gordon, Album (cite n. 108), p. 176. I1I Gordon, Album (cite n. 108), p. 179. 112 Gordon, Album (cite n. 108), p. 176: < The circumstances in which the dedication took place, namely

    a pantomime performance on the part of L. Aur(elius) Aug[g]. I(ibertus) Ap[olaustus] Memphius iun(ior), Aug(ustalis), produced by L. Aur. Augg. lib. Apolaus[tusi Memphius, magister (of the Augustales?). >> Memphius Senior n'est pas, a notre avis, magister des Augustales (meme interpr6tation chez Leppin, Histrionen [cite n. 17], p. 209), meme si un tel titre est atteste (cf. e.g. CIL XIV 2974, AE 1986, 200 [?] et 1949, 215); il est en fait designe ici comme le maitre de Memphius lunior, celui qui lui a appris le tres difficile art de la pantomime; le terme habituellement utilise est doctor, mais on trouve magister applique a l'un des pantomimes portant le nom de Pylade, dans une lettre de la correspondance de Fronton ecrite par Verus, A426, p. 114, 1. 8, ed. van den Hout, Leipzig, 1988.

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  • 318 JEAN-YVES STRASSER

    possibilite: c'est 'a l'occasion d'une exhibition de L. Aurelius Apolaustus Memphius lunior donnee a Tibur que le monument a ete erige en 1'honneur du maitre de l'artiste. Le sens lie fermement les deux inscriptions, qui datent toutes les deux de 199.

    La partie qui nous interesse ici est generalement delaissee. I1 s'agit d'inscriptions en grec gravees sur la partie superieure de la base. Le texte en est aujourd'hui pratiquement efface,113 et l'on doit se baser sur une lecture faite par Kolbe il y a un siecle.114 On a sculpte, sur une ligne, six couronnes agonistiques monumentales;1 15 dans chacune sont inscrites deux lignes en grec:

    'Hpa[KX]eI Tugicavta(aIt;) Tpwxaiov |InX[4oPc[T]Q All. I [-- ] 'Opa' t ir&'vt0[v] |B[K]xat; |6I8tax nav[-rov] ... A[ [-- I---

    On a dej"a maintes fois remarque qu'il s'agissait de titres de pieces tragiques classiques, qui ont servi de base aux livrets sur lesquels Apolaustus a danse; ce sont ici des oeuvres d'Euripide et de Sophocle, qui est assurement l'auteur des Tympanistes. 1 16

    On sait par la dedicace en latin qu'Apolaustus Memphius Senior est trois fois hieronique; il a donc remporte trois fois des concours sacres. Un autre texte permet d'etre plus precis; une base trouvee 'a Rome se rapporte sans aucun doute au meme pantomime: " 7

    L(ucio) Aurelio / Apolausto Memphio, / Aug(ustorum) lib(erto), hieronicae, / co- ronato et ton dia pan/ton, Apollinis sacerdoti / soli vittato, archieri / synhodi et Aug(ustorum) / L. Aurelius / Panniculus qui et / Sabanas patrono / optimo.

    Le titre Apollinis sacerdoti soli et le terme vittato1 18 n'autorisent aucune hesitation: il s'agit de Memphius Senior.119 A premiere vue, il n'est ici que hieronica; mais le haut de la base represente trois couronnes de laurier, assurement une pour chaque victoire dans les concours sacres stephanites. Cette fois, Memphius precise qu'il a remporte aussi 1'< epreuve toutes specialites >>. Bien que seulement trois fois hieronique, il a fait representer six couronnes sur la base de Tivoli: c'est qu'une sur deux se rapporte au

    113 On peut voir la base dans la nouvelle section 6pigraphique du Musee des Thermes, dans la partie consacree aux spectacles.

    114 G. Kolbe dans W. Altmann, Die romischen Grabaltare der Kaiserzeit, Berlin, 1905, p. 241. Toutefois, Mancini, Insc. It. IV 12, 254, ph. p. 118, ecrit AII . I dans la cinquieme couronne.

    115 Generalites sur ces couronnes chez D. Salzmann, Kaiserzeitliche Denkmaler mit Preiskronen. Ago- nistische Siegespreise als Zeichen privater und offentlicher Selbstdarstellung, in M. Lammer (ed.), Agonistik in der romischen Kaiserzeit. Colloquium. Landhaus Rothenberge bei Miinster 25.-27 Oktober 1995, Stadion. Internationale Zeitschrift fur Geschichte des Sports. Sonderband 24.1, Sankt Augustin, 1998, p. 89-99, et maintenant chez J. Rumscheid, Kranz und Krone. Zu Insignien, Siegespreisen und Ehrenzeichen der romischen Kaiserzeit, Istanbuler Mitteilungen 43, Tubingen, 2000, p. 79-89.

    116 Ce ne peut etre la piece d'Autokrates, car ce dernier est un auteur comique, Kassel / Austin, PCG IV (cite n. 67), p. 1819.

    117 ILS 5190; CIL VI 10117 (L. Vidman, Sylloge inscriptionum religionis isiacae et sarapiacae, Berlin, 1969, p. 208, n? 425).

    118 Leppin, Histrionen (cite n. 17), p. 209, sur le sens, difficile a etablir, de vittatus. 119 Leppin, Histrionen (cite n. 17), p. 210, ne relie qu'avec prudence CILVI 10117 a Memphius Senior,

    mais il omet un element essentiel: les trois couronnes gravees.

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  • L'epreuve artistique 8t& ncirvm 319

    6ta it6vtwv, la seconde, la quatrieme et tres probablement la sixieme.120 Memphius a remporte un ou plusieurs concours sacresI21 pour un total de trois victoires comme pantomime et, a chaque fois, le &ta natvTwv, qui, lui, avait un statut different du reste du concours artistique. Les trois couronnes qui ne mentionnent que des titres de pieces sont, de toute evidence, relatives aux seuls succes dans les epreuves pour pantomimes. D'apres nous, ces demiers devaient se produire dans deux prestations diff6rentes,122 comme notre tragedien de Tegee, presque quatre siecles avant Apolaustus.

    En revanche, dans le 6ta iadvt&v, Apolaustus n'a execute qu'une seule danse; sa prestation dans l'epreuve toutes specialites a ete differente de celle qu'il a offerte dans le concours des pantomimes. On peut imaginer qu'il optait dans le concours final pour un morceau de choix particulierement populaire, propre 'a lui attirer les faveurs du pu- blic.

    L'> ne laisse donc qu'une chance a ses participants de convaincre le jury et de conquerir le public. On devait estimer que c'etait suffisant, puisqu'il s'agissait d'une part de comparer des artistes qui ne pratiquaient pas la meme discipline, et que, d'autre part, avec deux prestations pour chaque concurrent, le concours aurait dure tres longtemps.

    7. Un caractere et un statut particuliers

    Des modalites de deroulement distinctes de celles des competitions opposant artistes d'une meme discipline ne sont pas la seule singularite du 8ta icvxow. On peut deja constater, dans la faqon d'indiquer une victoire dans 1'epreuve, un point curieux. En latin comme en grec, la formulation est presque toujours la meme: mention de la discipline ou des disciplines dans laquelle (lesquelles) le champion l'a emporte, puis, lie a ce qui precede par une particule de liaison, rappel de 1'< epreuve toutes specialit's >>. C'est le cas des la plus ancienne attestation dans un palmares: L. Vibius Florus a remporte le concours final dans tous les concours otu il a vaincu en tant que comedien enfant; a chaque fois, le nom du concours est suivi de ican r'ov 68t'a iavwwv; aux Kaisareia de Corinthe, il compte deux victoires consecutives dans sa specialite, et la meme expression est reje- tee apres i; xca-ar TO 'o n; on pourrait alors croire qu'il n'a remporte qu'une fois sur deux le 8ta nacvr(ov, mais d'autres inscriptions montrent que ce n'est pas une conclu- sion necessaire. On remarquera notamment le palmares de l'aulete Kallimorphos;123 celui-ci compte trois victoires consecutives a Pergame et meme quatre aux Balbilleia d'Ephese, mais a chaque fois il n'y a aucune precision sur le nombre de succes dans le Kcta idivtv, alors qu'on a du mal a croire que dans aucun de ces deux concours, il ne

    120 Gordon, Album (cite n. 108), p. 176, a deja propose de restituer [8tcz ir6vrwvl dans la derni&re cou- ronne a droite.

    121 Seuls deux concours peuvent a notre avis etre envisages, les Sebasta de Naples d'une part et les Eusebeia de Pouzzoles de I'autre, cf. notre article Inscriptions grecques et latines... (cite n. 13); mais 1'epreuve 6c irdvr(ov n'est jusqu'a pr6sent pas attestee pour le second concours.

    122 On sait que les pantomimes pouvaient jouer plusieurs roles diff6rents, jusqu'a quatre ou cinq, prevus par les livrets inspir6s des tragedies; mais l'on ignore si, dans les concours, il s'agissait de jouer un seul r6le tire de deux pieces differentes, ou si, pour chacune des pieces, I'artiste devait interpreter plusieurs personnages distincts. Cette seconde interpretation aurait plut6t notre prefdrence, puisque les artistes ne mentionnent pas des r6les, mais des titres de pieces.

    123 Rouechd, Performers and Partisans (cite n. 55), n? 67, cf. BCH 126, 2002, p. 130-134.

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  • 320 JEAN-YVES STRASSER

    l'a emporte qu'une fois. Surtout, le cas du pantomime Apolaustus Memphius montre que l'artiste ne s'est pas soucie d'indiquer le total de ses victoires dans le concours >. Dans l'inscription en son honneur retrouvee 'a Rome,124 ces triomphes sont simplement regroupes sous l'expression coronato et ton dia panton, decalque du grec Kat T6v 6taf ivTow, et formule latine connue par ailleurs.125 Mais, comme nous l'avons vu, la dedicace tiburtine nous revele qu'Apolaustus compte trois victoires 'a son actif dans le ta& iavtwv. On doit en conclure, 'a notre avis, que la formule Kai tov 6Stia icavtv ou son equivalent latin ne nous renseignent aucunement sur le nombre de victoires dans l'epreuve finale.

    I1 y a plus. Dans l'inscription de Tibur, Apolaustus Memphius est simplement de- signe comme hieronica ter, sans mention du dia panton dans la dedicace. Sur la base de Rome, il n'indique certes pas le nombre de ses victoires dans des concours sacres, mais les trois couronnes sculptees indiquent clairement qu'il compte la aussi trois vic- toires. Non seulement Apolaustus accorde assez peu d'importance a ses triomphes dans l'epreuve , si peu qu'il les passe sous silence dans une inscription, mais la base tiburtine nous apprend qu'il n'incluait pas ceux-ci dans les victoires dans des concours sacres, sans quoi il pourrait se qualifier de hieronica sextes. C'est donc que les epreuves 8tau indvwv qu'il a remportees n'avaient pas le statut de concours sacre. C'est tres certainement le cas aux Sebasta de Naples; d'ailleurs, le premier pantomime vainqueur dans l'epreuve >, M. Ulpius Apolaustus, ne peut se vanter d'etre hieronique,126 mais dit simplement qu'il a ete couronne contre ses adversaires, coronatus; il est probable que ni l'epreuve des pantomimes ni celle du 68t nravtv n'etaient, 'a cette date, sacrees.

    D'autres textes nous renseignent sur le statut 'a part de ce concours. On a dej"a cite le catalogue de vainqueurs aux Kaisareia de Corinthe. Ces derniers sont alors sacres.127 Dans chaque epreuve, il n'y a qu'un vainqueur et, lorsque les concurrents n'ont pu etre departages, aucun n'est proclame vainqueur; la couronne est alors offerte 'a la divinite en l'honneur de laquelle le concours est celebre:128 dans le catalogue des vainqueurs, on note, sous l'entree de la discipline conceme'e: itpa. Or, dans le Sta tdvtwv, trois concurrents ont ete recompenses; ici, nous pensons que cette epreuve finale n'avait pas le meme statut que le reste du concours, mais etait sans doute 0EaTtcil, a prix d'argent.129

    124 C'est-a-dire ILS 5190, citee plus haut. 125 CIL X 3716 (ILS 5189): hieronico bis, coronato et dia panton. I1 faut eviter de parler de hieronica

    coronatus comme d'une seule expression toute faite (Caldelli, Leppin), ou l'on pourrait voir une transposition de l'expression grecque i?pOvcilC cEXaveir1;; coronatus n'est pas 1ie, d'apres nous, a hieronica, mais a ce qui suit, et dia panton.

    126 Le terme hieronica est pourtant attest6 des Suetone, un contemporain d'Apolaustus, et doit certai- nement etre entre dans le vocabulaire latin avant lui.

    127 Cf. nos remarques dans BCH 127, 2003, p. 263. 128 On sait, par exemple, qu'aux Rh6maia de Xanthos, la couronne etait deposee sur I'autel de la deesse

    Rome, cf. L. Robert, RA 1978, p. 277-290 (OMS VII, p. 681-694). 129 Precisons qu'en soi l'existence d'un prix pour le second et meme le troisieme n'est pas decisive pour

    determiner la nature du concours, cf. N. B. Crowther, Second-place Finishes and Lower in Greek Athletics Including the Pentathlon, ZPE 90, 1992, p. 97-102; le cas le plus clair est celui des Askle- pieia de Cos, cf. Th. Klee, Zur Geschichte der gymnischen Agone an griechischen Festen, Leipzig / Berlin, 1918, p. 3-19. Dans le cas des Kaisareia de Corinthe, c'est la difference de traitement entre, d'une part, les epreuves particulieres, ou il n'y a que le vainqueur qui est couronne, et, d'autre part, le ta ,t dvTtov, oU trois artistes sont recompenses, qui nous parait determinante.

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  • L'epreuve artistique 8ict niavrwv 321

    Le fait de recompenser les trois premiers n'est pas sans parallele, et precisement dans des concours dotes en argent; aux Demostheneia d'Oenoanda, on pr6voit egalement un prix pour les trois premiers du 8ua' idavtov,130 respectivement de 150, 125 et 50 deniers. Dej"a au debut du ler s. av. J.-C., aux Sarapieia de Tanagra, on recompense les deux premiers de l'Firntvtico;, tandis qu'un prix est accorde aux seuls vainqueurs des epreuves particulieres.

    Une telle difference de nature entre le 6za itdvtwcv et les autres epreuves artistiques du concours sacre explique aussi un passage de l'inscription delphique en 1'honneur du pantomime Tib. Toulios Apolaustos.131 Celui-ci donne une profusion de details sur les victoires qu'il a remportees dans un concours de Pergame:

    4 vtKna[avta t6v] np&rw; axo%0VTa ?v nE?pya6px i?p[6v a^y&va] oiCcotgevtKov jaeXaaotic6v 'Oku[4ta 'AaKki1-] ieia Ko.6kta 6&pacrra iatotv& compris.

    Il est rare de pouvoir conclure ailleurs a la nature du &t& iacvtov. Les concours qu'a remportes Apolaustus Memphius Senior sont certainement les Sebasta, peut-etre les Eusebeia.132 L'epreuve finale n'etait pas sacree 'a Naples, et a donc peut-etre conserve le statut qui etait celui de toute la partie artistique des Sebasta au debut de l'Empire, a savoir un concours a prix d'argent. Dans les cas oiu l'on a affaire 'a la formule stereoty- pee Kic tov &tza iacvTOv, on peut douter du caractere sacre de I'"preuve, meme lorsque celle-ci se rattache 'a un concours sacre, voire iselastique.

    Seuls deux palmares, d'ailleurs pratiquement contemporains, incluent le &ci lacv- Tow dans le decompte total des victoires sans faire de difference apparente entre cette epreuve et les disciplines particulieres. Dans le catalogue des victoires de Bassos,133 les six victoires remportees aux Nemea et au Bouclier d'Argos comprennent aussi le 8ta iatvT&v: V(diov) 'I(oi)Xtov) Bdcwcov VEUCKnpaavta N91gEta Kat Tziiv ? "Apyou; d0ni8a |I s' iKi'p'uxa;, tpaycoS;, &t& idavltov, ctX. Et l'artiste comptabilise expli- citement l'epreuve finale dans ses multiples victoires dans les concours organises par

    130 Dans les disciplines au programme, ce sont deux prix, au plus, qui sont allou6s. 131 FD III 1, 551, cf. Inscriptions grecques et latines... (cite n. 13). Le meme texte se retrouve pratique-

    ment a l'identique dans l'inscription d'Ephese pour Apolaustos, I.Ephesos 2071. 132 Nous doutons en revanche qu'il ait remporte les Kapet6lia, cf. Strasser, Inscriptions grecques et

    latines... (cite n. 13). 133 Cf. n. 35.

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  • 322 JEAN-YVES STRASSER

    le koinon d'Asie 'a tphese, Smyrne et Pergame: xotva' 'Aciaic ta AieyXka Hlepyaiov, 'E0ecoov, Zg1ipvav K&' ev ot; ati &ta iarv-rv. L'aulete Skandilianos134 fait de me pour les concours organises par le koinon des Cretois: KotvOv Kpn[TCv *] i cnx)0auaXa;, xopavka;, 6a iravTwv. Mais il est vrai que, contrairement a ce que l'on rencontre generalement, dans l'une et l'autre inscriptions, les artistes ne precisent pas la nature des concours contenus dans leur palmar6s.135

    Les artistes se sont donc contentes de maniere generale d'une formule un peu eva- sive pour indiquer des succes dans le 6ta iacvtov. Le rang inferieur de cette epreuve par rapport au reste du concours explique en partie cette discretion. 136 Celle-ci est sans doute aussi due aux modalites specifiques de l'epreuve toutes specialites. On a vu que le deroulement lui-meme differait sensiblement de celui des disciplines particulieres. Surtout, nulle autre epreuve n'apparalt si dependante des go'uts du public, des modes du moment, des circonstances dans lesquelles l'epreuve se deroule.

    Comment en effet departager des artistes qui exercent des specialite's tres differentes les unes des autres?137 On pourrait appliquer au 8ta' natvtov la critique menee par Pla- ton dans les Lois, lorsqu'il vilipende la theatrocratie. Dans le dialogue entre Clinias et l'Athenien, ce dernier pose la question suivante: . D'apres l'image que l'on peut se faire du 6ta iaivtw, il en allait d'une certaine faqon de meme dans l'epreuve >.

    Comme on l'a vu, on connalt seulement sept specialites representees chez les vainqueurs du 6ca naivtwv: le concours poetique du lpoao6tov, les deux specialites de l'auletique (solo et accompagnement du chaeur), les deux arts lyriques (comediens, tragediens), la pantomime, et, sans doute, la citharedie. C'est a peu pres la moitie des

    134 Cf. n. 35. 135 On a meme des raisons de croire que Bassos relegue la distinction entre concours sacres et concours a

    prix d'argent au second plan; il rappelle en effet, a la fin de son palmares, qu'il a remporte

  • L'epreuve artistique 8&a iavmwv 323

    disciplines presentes dans les grands concours artistiques. Une comparaison avec les prix offerts dans les concours a prix d'argent est instructive, puisqu'on peut considerer que, de maniere generale, le prix est d'autant plus eleve que l'epreuve est estimee. 138 Par exemple, dans un concours d'Aphrodisias, les Lysimacheia, pour les epreuves dont le prix nous est connu, les montants les plus eleves sont ceux des tragediens (2500 deniers), puis des comediens, choraules, citharistes de chaeur (1500 deniers), ensuite des pythaules et des citharistes solistes (1000 deniers). Quatre des six disciplines (hors pantomimes) dont des representants ont remporte le 6ta' n6vtov figurent parmi les mieux retribuees, et il ne fait pas de doute que la citharedie s'y ajouterait si l'on possedait le chiffre.139 Les autres disciplines generalement presentes dans les concours sacres, trompettes, herauts, eloge, poesie, ont des prix moins eleves. Les autres listes de prix confirment pour les ,le et ,l1e s. la meme hierarchie.140 Celle-ci se reflete aussi dans le choix des epreuves proposees au programme de concours de faible envergure et comportant un nombre restreint d'epreuves. Ainsi les Demostheneia d'Oenoanda, sous Hadrien, incluent des disciplines , trompettes, herauts, auteurs d'eloges, mais les competitions reines sont celles des poetes, et, surtout, celles des choraules,'4' des tragediens, des comediens et des citharedes. Un peu plus tard, un concours d'Aphrodisias a les memes epreuves au programme, avec en plus un concours de pythaules: toutes les disciplines ayant donne des vainqueurs au 8ta& tavtvv, hors pantomimes, sont donc integrees au concours, seule 1'epreuve d'eloge en prose s'y ajoutant. 142 C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous pensons que, dans le catalogue des Kaisareia de Corinthe evoque supra, il est plus probable de retrouver un com6dien enfant qu'un auteur d'eloges. Un dernier cas symptomatique de la hierarchie des disciplines est celui des Mouseia de Thespies; dans la seconde moitie du iie s., le concours comporte jusqu'a dix-neuf disciplines, aux- quelles s'ajoute le 6t6t irvtov.143 Peu apres 212, les Mouseia n'en comportent plus que onze, epreuve finale comprise; on a voulu y deceler un signe de decadence, dementie 'a notre avis par la participation d'artistes originaires de cites diverses et lointaines et par celle de grands champions. 144 II convient plutot d'y voir un recentrage du concours sur

    138 La pantomime ne peut entrer dans ce comparatif, puisque la discipline n'est pas admise dans les concours dont nous possedons les listes de prix. Sur la hi6rarchie des recompenses, voir, pour l'es- sentiel, Wdrrle, Stadt und Fest (cite n. 53), p. 234-236.

    139 Le vainqueur de l'epreuve des citharedes enfants gagne deja 750 deniers. Dans un autre concours d'Aphrodisias, Roueche, Performers and Partisans (citd n. 55), n? 52i, le citharede vainqueur rem- porte 150 deniers chez les enfants, 500 chez les adultes.

    140 Cf. surtout Worrle, Stadt und Fest (cite n. 53), p. 234sq., Roueche, Performers and Partisans (cite n. 55), n? 52-53.

    141 Les choraules deviennent alors plus populaires que les pythaules, ce qui explique l'absence de ces derniers aux Demostheneia, cf. notre article cite n. 29.

    142 L'importance de cette epreuve n'est pas seulement artistique, mais aussi religieuse, puisqu'il s'agit de faire l'e1oge de l'empereur, ou de la divinite tut6laire des concours, lorsque celle-ci n'est pas l'empereur. Sur les concours d'eloge, L. Pernot, La rhetorique de l'eoge dans le monde greo-ro- main, Collection des Etudes Augustiniennes, Serie Antiquite 137-138, Paris, 1993, vol. 1, p. 47-50 et 84-92; l'auteur conclut, p. 91-92:

    143 IG VII 1773. 144 Le pdriodonique P. Ail. Serapi6n (cf. BCH 126, 2002, p. 111-124), ou encore le vainqueur du St&

    1tdvtov, M. A-6pr. ?XitTipto; Nqeatcav6; 'AvTtyevi6S;, en qui nous verrions volontiers un ancien vainqueur aux Kapet6lia de Rome (cf. BCH 126, 2002, p. 114-117).

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  • 324 JEAN-YVES STRASSER

    les epreuves les plus populaires, pour lesquelles on pouvait attribuer des bourses plus importantes. Cinq des sept specialites connues pour le 8t& narvtov sont au programme; encore une sixieme, l'epreuve de poesie, a-t-elle disparu, et il n'est pas etonnant que la pantomime ny figure pas. Quant aux epreuves d'eloge, elles ont ete supprimees.

    Cette concordance entre popularite des disciplines et specialites des vainqueurs dans l'epreuve finale se retrouve dans F'nitvitixo; connu pour la Beotie avant notre ere. En voici les vainqueurs connus:145

    - on denombre trois specialistes de F'art lyrique, le tragedien 'Eitivco;'AkXdv8pou 'AOiivaio;,'46 l'acteur de comedie ancienne Alexandre de Magn'sie du Meandre,147 le comedien Ei'apXo; Eipo6o6 Kopwvei5;.148

    - Trois auteurs dramatiques ont remporte l'epinikios: le motitii; icoRudCov np(- tapxo; HlpwtoPyevou; a1rleisw 149 le K0^Ico8tC0V iOtnu'; 'AX?4av6po; 'ApiarlioVo; 'A&nvato;, 150 et le tpayq6itv icourAi; 'AG AiXvtaL66; IKE?iOu 'AOrvatoS. ; 5'

    - On compte deux citharistes: Hegelochos fils d'Asklepiogenes de Myrina,'52 et MvacaiXkaoo; Doxiv8pou MeyapEU';.'3 Ajoutons que le second de l'epreuve dans une celebration des Sarapieia de Tanagra est aussi un cithariste, Philon de Tarente.154

    - I1 n'y a qu'un citharede, Epikrates fils d'Eukrates.155 - Enfin, un aulete a remporte l'epinikios, 'Epy?a; 'EpyFou 'AvrtoX?o; a'ro Aa6-

    V,q;. 15s6

    - Ajoutons que la specialite d'un vainqueur est inconnue, mais qu'il s'agit sans doute d'un artiste dramatique ou lyrique. 157

    Cet inventaire est en parfait accord avec la hierarchie des recompenses offertes au concours thematique des Sarapieia de Tanagra dans les annees 90-80 av. J.-C. 158 Quatre niveaux de prix sont distingues en fonction des specialites, soit, dans l'ordre decroissant de leur valeur:159

    - aulete, citharede, tragedien, epinikios. - Poete tragique et comique, poete, cithariste, comedien. - Aulode. - Rhapsode, poete satyrique, heraut, trompette, InoKpKuai.a60

    145 Rapide inventaire chez Almazova, Schluflagon (cite n. 2), p. 42, n. 6. L'epreuve est aussi mentionn6e dans IG VII 543, mais les nom et spdcialite des vainqueurs y sont perdus.

    146 IG VII 416, col. 1, 1. 31-32 (I.Oropos 523), cf. Stephanis, Technitai (cite n. 6), 873. 147 IG VII 1761, 1. 11-12, cf. Stephanis, Technitai (cite n. 6), 118. 148 IG VII 3195, 1. 25-26, cf. Stephanis, Technitai (cite n. 6), 924. 149 IG VII 2727,1. 29-30. 150 IG VII 3197, 1. 50-52. 151 IG VII 540 (SEG 19, 335),1. 18. 152 IG XII 9, 91, 1. 11-12, cf. Stephanis, Technitai (cite n. 6), 1048. 153 IG VII 542, cf. Stephanis, Technitwi (cite n. 6), 1716. 154 IG VII 540 (SEG 19, 335),1. 18, cf. Stephanis, Technitai (cite n. 6), 2564. 155 IG VII 1762,1. 14-15, cf. Stephanis, Technitai (cite n. 6), 864. 156 IG VII 3196, 1. 37-38, cf. Stephanis, Technitai (cite n. 6), 886. 157 IG VII 2728, cf. Stephanis, Technitai (cite n. 6), 2847. Le personnage apparait en effet en toute fin

    de cette liste des vainqueurs aux S6teria d'Akraiphia, Ia ou dans IG VII 2727, autre catalogue de vainqueurs, se trouvent precisement les specialites dramatiques et lyriques.

    158 IG VII 540 compl6tee, cf. M. Calvet / P. Roesch, Les Sarapieia de Tanagra, RA 1966, p. 297-332, texte p. 297-300 (SEG 19, 335), tableau du prix des couronnes a la p. 309.

    159 Cf. aussi W. J. Slater, Making Crowns for the Sarapieia, RA 1991, p. 277-280. 160 A ne pas confondre avec les comediens et les tragediens (quelquefois encore appeles i5ioICptTai

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