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L’ÉPREUVELeLabyrinthe

JAMESDASHNER

Traduitdel’anglais(États-Unis)parGuillaumeFournier

POCKETJEUNESSE

PKJ

Titreoriginal:

TheMazeRunner

Àparaître:L’épreuveT.2(2013)L’épreuveT.3(2014)

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PourLynette.Celivrereprésenteunvoyagedetroisans,ettun’asjamaisdouté.

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Chapitre1Sa nouvelle vie commença dans le noir complet. Il faisait froid, et l’endroit sentait la

poussièreetlerenfermé.

Il entenditungrincementmétallique.Le sol oscilla.Déséquilibré, il tombapuis recula àquatrepattes, la sueurau frontmalgré la fraîcheurenvironnante.Sespiedsheurtèrentuneparoideferqu’illongeajusqu’àuncoin.Ils’assitetramenasesgenouxcontreluienespérantquesesyeuxs’habitueraientbientôtàl’obscurité.

Toutàcoup,lesols’ébranlaetsemitàmonter,commeunvieilélévateurdansunpuitsdemine.

Unfracasdechaînesetdepouliesretentit,résonnacontrelesmurs.L’ascenseurobscursebalançait,et le jeunehommefutprisdenausée; l’odeurd’huilechauden’arrangeaitrien.Ilaurait voulu pleurer mais il avait les yeux secs ; il ne put que rester là, dans le noir, àpatienter.

«Jem’appelleThomas»,sedit-il.

Ce...c’étaitlaseulechosequ’ilserappelait.

Comment était-ce possible? Son cerveau semblait fonctionner, prendre la mesure de lasituation. Tout se bousculait dans sa tête : images, souvenirs, détails sur le monde et lamanièredontiltournait.Ilrevitdelaneigesurlesarbres,uneruejonchéedefeuillesmortes,unhamburgerqu’ilétaitentraindemanger,lalumièrepâledelalunebaignantuneclairière,unlacdanslequelilnageait,unegrandeplacebruyanteavecdescentainesdepersonnes.

Et pourtant il n’aurait pas su dire d’où il venait, ni comment il s’était retrouvé dans cetascenseur,niquiétaientsesparents.Ilnesesouvenaitmêmepasdesonnomdefamille.

La cabine continua à monter en se balançant pendant un long moment; Thomascommençaitàs’habitueraufracasincessantdeschaînes.

Lesminutes passaient lentement.Chaque seconde lui semblait une éternité.Mais en sefiantàsoninstinct,ilcalculaqu’ilmontaitdepuisunedemi-heureenviron.

Curieusement, son appréhension laissa place à une vive curiosité. Il était impatientd’apprendreoùilétaitetcequiluiarrivait.

La cabine ralentit dans un dernier chuintement et émit un déclic sourd avant des’immobiliser.Toutdevintsilencieux.

Uneminute s’écoula.Puisdeux. Il tâtonnadans lenoir à la recherched’une issue; il nesentaitquelemétalfroid.Ilpoussaungémissementdefrustration;lesonrésonna,avecdesaccents de lamentation funèbre. Le silence revint. Il cria, appela au secours, martela lesparoisavecsespoings.

Envain.

Thomasretournas’asseoirdanssoncoin,lesbrascroisés.Ilavaitdesfrissons.Lapeurlegagnaitdenouveau.Soncœurseserra,commes’ilavaitvouluseglisserhorsdesoncorps.

—Ohé!Ilyaquelqu’un?hurla-t-il.

Lesmotsluiarrachaientlagorge.

Un claquement sonore retentit au-dessus de lui. Il leva la tête avec une exclamation de

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surprise. Une ligne mince apparut dans le plafond et s’élargit sous ses yeux. Quelqu’unouvraitdeforcedesvoletscoulissants.Lalumièreluifitmalauxyeux;ildétournalatêteetsecouvritlevisageaveclesmains.

Ilentenditdesvoix.

—Visez-moiunpeucenaze.

—Quelâgeilpeutavoir?

—Ondiraitunplonkdansuntee-shirt.

—C’esttoi,leplonk,espècedeguignol.

—Disdonc,çasentlespiedslà-dedans!

—J’espèrequetuasprofitéduvoyage,lebleu.

—Oui,parcequec’estunallersimple!

Thomas se sentit au bord de la panique. Les voix étaient bizarres, résonnaientcurieusement; certains mots lui échappaient - quand ils ne lui étaient pas complètementétrangers.Ilplissalespaupièresettournalesyeuxversleplafond.Ilnedistinguad’abordquedesombresetbientôtdessilhouettes:penchéesau-dessusdel’ouverture,ellesl’observaientetlemontraientdudoigt.

D’uncoup,lesvisagesseprécisèrent:desgarçons,certainstrèsjeunes,d’autresplusâgés.Thomasétaitdéconcerté.Cen’étaientquedesgosses.Sescraintess’apaisèrentenpartie,pasasseztoutefoispourquelesbattementsdesoncœursecalment.

Onluidescenditunecordeterminéeparuneboucle.Aprèsunehésitation,Thomasglissale pied dans la boucle et se laissa hisser dans les airs. Des mains se tendirent pourl’empoigner par ses vêtements et le soulever. Lemonde parut tournoyer, se fondre en untourbillondevisages,de couleursetde lumière.Desémotionscontradictoires lui tordaientlesentrailles;ilauraitvouluhurler,pleureretvomirtoutàlafois.Lesgarçonss’étaienttus.

Quelqu’unpritlaparole:

—Contentdetevoir,tocard.BienvenueauBloc.

Thomasn’oublieraitjamaiscesmots.

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Chapitre2Desmainssecourables lemirentdeboutet l’époussetèrentde la têteauxpieds.Toujours

ébloui,Thomasvacillasursesjambes.Dévoréparlacuriositémalgrélasensationdenauséequinelequittaitpas,ilvoulutexaminercequil’entourait.

Lesenfantslefixaientenricananttandisqu’iltournaitlentementsurlui-même;certainstendirent lamain pour le toucher. Ils devaient être une bonne cinquantaine, de toutes lestaillesetdetouteslesorigines,lesvêtementscrasseuxetmaculésdesueur.

Thomassesentitsubitementprisdevertige.Sonregardnecessaitd’alleretvenirentrelesgarçonsetl’endroitétrangeoùilsetrouvait:uneesplanadegrandecommeplusieursterrainsdefoot,ceintedemursgigantesquesenpierregrise.Couvertsdelierre,hautsd’unecentainedemètresaumoins,ilsformaientuncarréparfait.Chacunétaitpercéaumilieu,surtoutelahauteur,d’uneouverturequidonnaitaccèsàdelongscouloirs.

—Matezlebleu,ditunevoixéraillée.Ilvasedévissersonsalepetitcouàreluquercommeçadanstouslescoins.

Plusieursgarçonss’esclaffèrent.

—Laferme,Gally!ripostaunevoixplusgrave.

Thomasreportasonregardsurlesdizainesd’inconnusquil’entouraient:ungrandblondàlamâchoire carrée le reniflait sans expression; un petit gros le dévisageait avec de grandsyeux,ensebalançantd’avantenarrièresursestalons;unAsiatiqueàlacarruremassiveletoisait, bras croisés, lesmanches remontées pourmontrer ses biceps; un garçon à la peaunoire - celui qui l’avait accueilli - fronçait les sourcils. Les autres le fixaient en silence.Thomasdevaitfaireunedrôledetête;entoutcas,ilnesesentaitpasdanssonétatnormal.

—Oùjesuis?demanda-t-il.

Ilfutsurprisparlesondesavoix,étrange,plusaiguqu’iln’auraitcru.

—Nullepart,luiréponditlegarçonàlapeaunoire.Etjepeuxtedirequetuvasyresterunmoment.

—Quelmatonilaura?criaquelqu’undanslefond.

— Je te l’ai dit, guignol, rétorqua une voix nasillarde. C’est un plonk, on en fera untorcheur.Jeparietoutcequetuveux.

Legamingloussacommes’ilvenaitdelâcherunebonneblague.

Thomassesentitgagnéunefoisdeplusparlaconfusion:touscesmotsn’évoquaientpasgrand-chosepour lui.«Plonk.»«Maton.»«Torcheur.»Lesautres lesemployaientavectellementdenaturelqu’il lui semblaitbizarredenepas les comprendre.Commesiunpanentierdevocabulaireavaitdisparudesamémoire.C’étaittrèsperturbant.

Des émotions contradictoires bouillonnaient en lui. Perplexité. Curiosité. Peur. Panique.Mais au cœurde tout ça, il y avait surtout un sentiment de désespoir absolu, comme si lemonde avait pris fin et qu’on l’avait remplacé par quelque chose d’épouvantable. Il auraitvoulufuiretsecacher.

Legarçonàlavoixérailléedisait:

—...jetepariemêmeunboutdemonfoie!

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Thomasneparvenaitpasàrepérerquic’était.

—Jevousaiditdelaboucler!rugitlegarçonàlapeaunoire.Continuezàjacassercommeçaetjeréduislaprochainepausedemoitié!

Cedevaitêtreleurchef,pensaThomas.Lasdevoirlesautresledévisagercommeunebêtecurieuse,ilseconcentrasurleBloc,commel’avaitappelélegarçon.

Le solde l’esplanade, faitdegigantesquesdalles, était zébréde fissures envahiespar lesmauvaisesherbes.Àdroite,unebâtisseenboisoffraituncontrastesaisissantaveclapierregrise. Quelques arbres l’entouraient, leurs racines noueuses plongeant comme des doigtsentrelespierres.Àgauche,Thomasaperçutunpotager:dumaïs,desplantsdetomates,desarbresfruitiers.

Devantlui,desencloscontenaientdesmoutons,descochonsetdesvaches.Lederniercoinétaitoccupéparunbosquetdont lesarbres lesplusprochessemblaientmaladesetprèsdemourir. Le ciel était d’un bleu immaculé, mais le soleil invisible. L’ombre des murs nedonnaitpasd’indicationprécisesurl’heure:cepouvaitêtretôtlematinoutardl’après-midi.Enrespirantbienàfondpoursecalmer,Thomassentitdefortesodeursdeterrefraîchementremuée,desapin,depurinetdesrelentsdepourriture-desodeursdeferme.

Il regarda ses ravisseurs, gêné mais désespérément avide de leur poser des questions.«Mesravisseurs...,songea-t-il.Pourquoiest-cequej’aipenséça?»Ilscrutalesvisages, lesexpressions,tâchantdevoirclaireneux.L’undesgarçonslefixaitavecdesyeuxbrûlantsdehaine, commes’ilallait se jeter sur luiavecuncouteau.Quand leurs regardssecroisèrent,l’autresecoualatêteets’éloignaendirectiond’unbancàcôtéduquelsedressaitunmâtenfer.Undrapeaumulticolorependouillaitàlatêtedumât.L’absencedeventnepermettaitpasd’endistinguerlemotif.

Troublé,Thomas suivit des yeux le garçon jusqu’à cequ’il se soit assis.Puis il détournavivementlatête.

Lechefdugroupe,quipouvaitavoirdix-septans,s’étaitavancéd’unpas.Ilportaituntee-shirtnoir,unjean,destennisetunemontreàquartz.CeshabitsbanalssurprirentThomas,qui aurait trouvé cohérent que tout le monde porte quelque chose de plus inquiétant -comme une tenue de prisonnier. Le garçon à la peau noire avait les cheveux courts et lementon rasé de près. Pour le reste, hormis son froncement de sourcils, il n’y avait riend’intimidantchezlui.

— C’est une longue histoire, tocard, commença-t-il. Tu l’apprendras petit à petit. Enattendant...faissimplementattentionàneriencasser.(Iltenditlamain.)Jem’appelleAlby.

Thomas, ignorant samain, sedétournasansdireunmotet s’assitaupiedd’unarbre, ledos contre le tronc. La panique qu’il sentait monter en lui menaçait d’éclater. Il prit unegrandeinspirationetseforçaàaccepter lasituation:«Ilvafalloirm’yfaire.Latrouillenem’aiderapas.»

—Jet’écoute,rétorqua-t-il,ens’efforçantdeconserverunevoixneutre.Raconte-moicettelonguehistoire.

Albysetournabrièvementverslesautresavantdeleverlesyeuxauciel.Thomasexaminadenouveau le groupe. Il n’y avait quedes garçons, d’âgesdivers : encoredes enfantspourcertains, d’autres déjà des jeunes hommes, commeAlby, qui paraissait le plus vieux.À cetinstantThomasréalisaaveceffroiqu’ilneconnaissaitplussonâge.Soncœurseserra.

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—Sérieusement,insista-t-il,abandonnantsonairimperturbable,onestoù?

Alby vint s’asseoir en tailleur face à lui ; les autres garçons s’attroupèrent derrière leurcamarade.Certainsdressaientlatêteetsehissaientsurlapointedespiedspourmieuxvoir.

—Toutlemondeapeur,déclaraAlby,c’esthumain.Situréagissaisautrement,jet’auraisdéjàbalancéduhautdelaFalaiseparcequeçavoudraitdirequetuescinglé.

—LaFalaise?répétaThomas,livide.

Albysefrottalesyeux.

— Plonk! lâcha-t-il. Ce n’est pas comme ça qu’on entame ce genre de conversations...Écoute, je peux te promettre qu’on n’exécute pas les tocards dans ton genre. Essaiesimplementdenepastefairetuer.

Ilmarquaunepause,etThomasréalisaqu’ilavaitdûblêmirencoreplus.

—Pfff,soupiraAlbyensepassant lamaindanslescheveux.Jenesaismêmepasparoùcommencer.TueslepremierbleuquidébarquedepuislamortdeNick.

Thomas écarquilla les yeux.Un garçon s’avança et donna une petite tape amicale sur lecrâned’Alby.

— Attends au moins la visite, Alby, lui conseilla-t-il avec un fort accent. On ne lui apratiquementrienditetlepauvregarsestdéjàauborddelacrisecardiaque.(IlsepenchaettenditlamainàThomas.)Jem’appelleNewt,lebleu,etonseraittousravissituvoulaisbienexcusernotrenouveaucheficiprésent.Iladuplonkdanslacervelle.

Thomasserra lamaindugarçon- ilparaissaitbeaucoupplusgentilqu’Alby. Ilétaitplusgrandégalement,mêmes’ildevaitavoirunandemoins.Seslongscheveuxblondstombaientencascadesursontee-shirt.Lesveinessaillaientsursesbrasmusclés.

—Vate fairevoir,guignol,grommelaAlbyen faisantasseoirNewtàcôtéde lui.Moi,aumoins,oncomprendcequejedis.

Quelques rires fusèrent et tout lemonde resserra les rangs derrière Alby et Newt pourmieuxlesécouter.

Albyécartalesbras,paumesverslehaut.

—Cetendroits’appelleleBloc,d’accord?C’estlàqu’onvit,qu’onmangeetqu’ondort.Etnous,onestlesblocards.C’esttoutcequetuasbesoinde...

— Quim’a envoyé ici ? le coupa Thomas, chez qui la colère prenait le pas sur la peur.Commentest-ceque...?

Mais avant qu’il puisse terminer saphrase,Alby l’empoignait par le tee-shirt et l’attiraitverslui.

—Debout,tocard,debout!gronda-t-ilenselevant.

Thomasselevamaladroitementetreculacontrel’arbre,s’efforçantd’échapperàAlby.

—Arrêtedem’interrompre,c’estcompris?criaAlbysoussonnez.Siontedisaittout,tumouilleraistonfrocavantdet’écroulerraide.Onn’auraitplusqu’àteflanquerdansunsac,ettunenousauraispasserviàgrand-chose,pasvrai?

NewtempoignaAlbyparlesépaules.

—Lâcheunpeulapression,Alby.Onnepeutpasdirequetunousaidesbeaucoup,tusais.

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AlbylâchaThomasetreculaenrespirantfort.

—Onn’apas le tempsde tematerner, lebleu.Tavied’avantest terminée,unenouvellecommence.Apprendslesrègles,ouvregrandlesoreillesettais-toi.Pigé?

Thomas quêta du regard le soutien de Newt. Il se sentait bouillir intérieurement; deslarmesluibrûlaientlesyeux.

Newthochalatête.

—Tucomprendscequ’iltedit,lebleu,pasvrai?

Thomasfulminait.Ilauraitvoulucognerquelqu’un.Maisilsecontentad’acquiescerdelatête.

—Tantmieux,approuvaAlby.C’est tonpremier jour, lebleu. Ilvabientôt fairenuit, lescoureursnevontpastarderàrentrer.LaBoîteestmontéetardaujourd’hui, ilneresteplusassezdetempspourlavisite.Onferaçademainmatin.(IlsetournaversNewt.)Trouve-luiunendroitoùdormir.

—Jem’enoccupe,promitNewt.

AlbyregardaThomasenplissantlespaupières.

—D’iciquelquessemaines, tu tesentirascommechez toi, tocard.Et tuaurasapprisà terendreutile.Aucundenousnesavaitrienlepremierjour.Tanouvelleviecommencedemain.

Albytournalestalonsets’éloignaverslacabaneenbois.LesautressedispersèrentaprèsundernierregardendirectiondeThomas.

Celui-ci ferma les yeux et respira profondément. Une sensation de vide lui noua lesentrailles, bientôt remplacée par une tristesse douloureuse. C’en était trop : où avait-ildébarqué?Quelétaitcetendroit?Uneespècedeprison?Sioui,pourquoil’avait-onenvoyélà,etpourcombiendetemps?Lesgarçonss’exprimaientdemanièrecurieuseetsemblaientse ficher complètement qu’il vive ou qu’il meure. Des larmes lui brûlèrent les yeux denouveau,maisilrefusadeleslaissercouler.

—Qu’est-cequej’aifait?murmura-t-il.Qu’est-cequej’aifait...?pourquoionm’aenvoyéici?

Newtluiposalamainsurl’épaule.

—Écoute,lebleu,onesttouspassésparlà.Lepremierjour,quandonsortdecettefoutueboite,c’esttoujourscommeça.Etjenevaispastementir,çan’irapasens’améliorant.Maistuvast’yfaireetreprendreledessus.Onvoitbienquetun’espasunemauviette.

—Est-cequ’onestenprison?voulutsavoirThomas.

Ilfouilladanssamémoireembrumée,enquêtedesouvenirssusceptiblesdel’éclairer.

—Arrêteunpeuavectesquestions,répliquaNewt.Jen’aipasderéponsessatisfaisantes,pasmaintenantentoutcas.Tiens-toi tranquilleetaccepte lechangement.Pour lereste,onverrademain.

Thomasnedit rien ; il baissa la tête.Deminuscules fleurs jaunespointaient entredeuxdalles,àlarecherchedusoleilquiavaitdisparudepuislongtempsderrièrelesmursduBloc.

— Je vais te confier à Chuck, décidaNewt.Un vrai tocard,mais un brave gars, au fond.Restelà,jereviens.

Newtavaitàpeinefinisaphrasequ’unhurlementstrident,àpeinehumain,résonnadans

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leBloc.QuandThomascompritquececriprovenaitdelamaisonenbois,sonsangseglaçadanssesveines.

Newtavaitsursauté,lefrontbarréd’unplisoucieux.

—Etmerde,grommela-t-il.Foutustoubibsdemesdeux,ilsnepeuventpass’occuperdeluidixminutes?(IlsecoualatêteetpoussagentimentThomasaveclepied.)VavoirChuckieetdemande-luidetetrouverunendroitoùdormir.

Là-dessus,ilsedirigeaverslacabane.

Thomasse laissaglisseraupieddel’arbreetserassitparterre; il fermalesyeux,priantpourqu’onleréveilledececauchemar.

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Chapitre3Thomas resta assis là un longmoment, trop abattu pour bouger. Il finit par regarder à

contrecœurendirectiondelabâtisse.Ungroupedegarçonstraînaientàl’extérieur,enjetantdes regardsanxieuxvers les fenêtresduhaut commes’ils s’attendaientà envoir surgirunmonstredansuneexplosiondeverreetdebois.

Unfroissementmétalliquedanslesbranchesau-dessusdesatêteluifit leverlesyeux;ilaperçutunrefletargentetrouge,quidisparutdel’autrecôtédutronc.Thomasbonditsursespieds et fit le tourde l’arbre, tous les sens enalerte,mais ilne vitquedesbranchesnues,grisesetbrunes,quisedressaientcommelesdoigtsd’unsquelette...etquisemblaienttoutaussimortes.

—Çadevaitêtreunscaralame,fitunevoixdanssondos.

Thomasseretournaetdécouvritungarçon,trapuetgrassouillet,quiledévisageait.Ilétaittrèsjeune-sansdouteleplusjeunedetousceuxqu’ilavaitvusjusque-là,âgédedouzeoutreize ans tout au plus. Ses cheveux bruns lui tombaient dans le cou et lui frôlaient lesépaules.Sesyeuxbleusétaientleseulcharmed’unvisagesansgrâce,flasqueetrougeaud.

Thomaslesaluad’unhochementdetête.

—Unscara-quoi?

—Unscaralame,répétalegarçonenindiquantlesommetdel’arbre.Inoffensifs,tantqu’onn’estpasassezstupidepourlestoucher.(Ilmarquaunepause.)Tocard.

Cederniermotluivintdifficilement,commes’iln’étaitpasencoretoutàfaitàl’aiseaveclejargonduBloc.

Un nouveau hurlement retentit, interminable et déchirant, et Thomas sentit son poulss’accélérer.

—Qu’est-cequisepasselà-dedans?demanda-t-ilenindiquantlabâtisse.

—Aucuneidée,réponditlejoufflu,quin’avaitpasencoreachevédemuer.Benestmaladecommeunchien.Ilsl’onteu.

Thomasn’aimaitpasbeaucoupletonmalveillantqu’ilavaitprisendisantça.

—Quiça,ils?

—Jetesouhaitedenejamaisledécouvrir,réponditlegarçon,quiparaissaitbeaucouptropsereinvulasituation.(Iltenditlamain.)Jem’appelleChuck.C’étaitmoi,lebleu,jusqu’àcequetut’amènes.

«C’estça,monguidepourlanuit?»seditThomas.Ilneparvenaitpasàsedéfaired’unsentimentdemalaise,auquelvenaitsemêleruncertainagacement.Rienn’avaitdesensdanscettehistoire;ilenavaitmalàlatête.

—Pourquoitoutlemondem’appellelebleu?demanda-t-ilenserrantbrièvementlamaindeChuck.

—Parcequec’esttoilenouveau,expliquaChuck,hilare.

Unautrehurlementsortitdelamaison,pareilaucrid’unanimaltorturé.

—Maispourquoituris?repritThomas,horrifié.Ondiraitquequelqu’unestentrainde

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mourirlà-dedans.

—Ils’enremettra.Onnemeurtpasquandonrentreàtempspourrecevoirlesérum.C’esttoutourien:soitonguérit,soitonmeurt.Maisc’estvraiqueçafaitunmaldechien.

—Qu’est-cequifaitunmaldechien?

LeregarddeChuckseperditdanslevague,commes’ilnesavaitpasquoirépondre.

—Ehbien,lapiqûredesGriffeurs.

—LesGriffeurs?

Thomassesentaitdeplusenplusperdu.«Piqûre.»«Griffeurs.»Cesmotsavaientuneconnotationinquiétante,etiln’étaitpascertaindevouloirsavoirdequoiils’agissait.

Chuckhaussalesépaules.

Thomaslâchaunsoupirdefrustrationets’adossaàsonarbre.

—J’ail’impressionquetun’ensaispasbeaucoupplusquemoi,dit-il.

Maisc’étaitfaux,biensûr.Iln’avaitaucunsouvenirprécis,aucunvisageniaucunnomenmémoire.

—Chuck,euh...j’aiquelâge,àtonavis?

Legarçonledétailladespiedsàlatête.

— Je dirais seize ans. Et tu fais un mètre soixante-quinze, au cas où tu te poserais laquestion.Tuas lescheveuxbruns... et tuesmochecommeunmorceaudeviandegrilléauboutd’unbâton.

Ilricana.

Thomasétaittellementabasourdiqu’ilneprêtaaucuneattentionàladernièreremarque.Seizeans?Ilsesentaitbeaucoupplusvieux.

—Tuessérieux?(Ilhésita,cherchasesmots.)Comment...?

Ilnesavaitmêmeplusquoidemander.

—Net’enfaispas.Tuvasresterdansleciragependantquelquesjours,maistuvastefaireàcetendroit.Jem’ysuisbienfait,moi.C’estlàqu’onvit,maintenant.C’esttoujoursmieuxquevivresuruntasdeplonk.(Ilfitlagrimace,anticipantpeut-êtrelaprochainequestiondeThomas.) Le plonk, c’est le caca. À cause du bruit qu’il fait en tombant dans le pot dechambre.

ThomasdévisageaChuck.Iln’encroyaitpassesoreilles.

—Euh...super,bredouilla-t-il.

Il se leva et contourna Chuck pour se diriger vers la cabane.D’une hauteur de trois ouquatre étages, elle semblait sur le point de s’écrouler d’un moment à l’autre. C’était unétrangeassemblagederondins,deplanches,delianesetdefenêtresqu’onauraitditempilésau petit bonheur, adossé à l’immense mur de pierre couvert de plantes grimpantes. Entraversantl’esplanade,Thomashumadesodeursdefeudeboisetdevianderôtiequifirentgargouillersonestomac.Savoirqueleshurlementsétaientceuxd’ungarçonmaladelefaisaitsesentirmieux.Tantqu’ilnepensaitpasàcequil’avaitrendumalade...

—Commenttut’appelles?luidemandaChuckencourantderrièreluipourlerattraper.

—Hein?

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—C’estquoi,tonnom?Tunenousl’aspasencoredit-etjesaisquetut’ensouviens.

—Thomas,répondit-ilmachinalement.

Ses pensées suivaient déjà une autre direction. Si Chuck avait raison, il venait de sedécouvrir un point commun avec les autres garçons. Ils avaient tous subi le même genred’amnésie.Ilsserappelaientleurprénom.Maispourquoipasceuxdeleursparents?Deleursamis?Ousimplementleurnomdefamille?

—Contentdeteconnaître,Thomas,ditChuck.Net’enfaispas,jevaism’occuperdetoi.Jesuis làdepuisunmois et je connais l’endroit commemapoche.Tupeuxcompter surmoi,d’accord?

Thomasavaitpresqueatteintlamaisonquanduneboufféedecolèrelesaisitsubitement.IlseretournafaceàChuck.

—Tun’espascapabledem’expliquerquoiquecesoit.Tuparles,quejepeuxcomptersurtoi!

Ilrepartitverslaporte,biendécidéàtrouverdesréponsesàl’intérieur.D’oùluivenaientcecourageetcetterésolutiontoutàcoup?Iln’enavaitaucuneidée.

Chuckhaussalesépaules.

—Jenevoispascequejepourraistediredeplus, fit-il.Aufond, jesuisencoreunbleu,moiaussi.Maisonpeutquandmêmeêtreamis...

—Jenecherchepasd’amis,l’interrompitThomas.

Ilétaitdevantlaporte:unegrossièreplanchedeboisblanchiparlesoleil.Enlapoussant,ildécouvritplusieursgarçonsrassemblésaupiedd’unescalierbranlant,auxmarchesetàlarambardetordues.Unpapierpeintdecouleursombre,àmoitiédécollé,recouvrait lesmursduvestibuleetducouloir.Lesseulsélémentsdedécorationétaientunvasepoussiéreuxsurune table à trois pieds et la photo en noir et blanc d’une vieille dame en robe blanche.L’ensembleévoquaitundécordemaisonhantée.

L’endroit empestait la poussière et la moisissure. Des tubes au néon grésillaient auplafond.Thomassedemandad’oùpouvaitbienvenirl’électricité.Ildétaillalavieilledamedelaphoto.Avait-ellevécuiciautrefois?S’était-elleoccupéedecesgarçons?

—Tiens,voilàlebleu,lançal’undesplusâgés.

Thomasreconnutlebrunquiluiavaitjetéunregardassassin.

Grandetmaigre,ildevaitavoirunequinzained’années.Sonnezressemblaitàunepommedeterreramollie.

—Àtous lescoupsce tocarda faitdanssonpantalonquand ilaentendu levieuxBennycouinercommeunefille.Tuveuxunecouche,guignol?

—Jem’appelleThomas.

Ildevaits’éloignerdecegarçon.Sansunmotdeplus,ils’avançaversl’escalier,parcequ’ilnesavaitpasquoifaired’autre.Maislegarçonluibarralarouteenlevantlamain.

—Restelà,lebleu.(Ilindiqual’étagesupérieuraveclepouce.)Lesnouveauxn’ontpasledroitdevoirceuxquisesontfait...prendre.NewtetAlbysontcontre.

—C’estquoi,tonproblème?rétorquaThomas,ens’efforçantdemasquersapeuretdenepastropréfléchiràcequel’autrevoulaitdirepar«sefaireprendre».Jenesaismêmepasoù

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onest.Jeveuxjusteunpetitcoupdemain.

— Écoute-moi bien, le bleu. (Le garçon se renfrogna et croisa les bras.) Je suis sûr det’avoirdéjàvuquelquepart.Ilyauntruclouchecheztoi,etjedécouvriraicequec’est.

LesangdeThomasnefitqu’untour.

—Jenet’aijamaisvudemavie.Jenesaispasquitues,etjem’enfouspasmal,cracha-t-il.

Maisenréalité,commentl'aurait-ilsu?Etcommentcegarçonpouvait-ilsesouvenirdelui?

L’autrericana,puisilredevintsérieuxetplissalespaupières.

— Je suis sûr de t’avoir déjà vu, tocard. On n’est pas nombreux ici à pouvoir se vanterd’avoirétépiqués.(Ilindiqual’escalier.)Moisi.JesaiscequecegrosbébédeBennyestentraindetraverser.Jel’aivécu.Etjet’aivupendantmaTransformation.

IltapotaletorsedeThomasavecledoigt.

—EtjeteparietonprochainrepasqueBennynousraconteraqu’ilt’avu,luiaussi.

Thomas soutint son regard mais ne fit pas de commentaire. La panique lui nouait lesentraillesunefoisdeplus.

—LesGriffeurstefontmouillertonpantalon?raillalegarçon.Tunetienspasàtefairepiquer,pasvrai?

Cemot,denouveau.«Piquer.»Thomass’efforçadel’ignoreretindiqual’escalier,paroùleurparvenaientleshurlementsdumalade.

—SiNewtestlà-haut,jeveuxluiparler.

L’autrerestasilencieuxetfixaThomaspendantdelonguessecondes.Puisilsecoualatête.

—Tusaisquoi?Tuasraison,Tommy:jenedevraispasêtreaussidurenverslesnouveaux.Montedonc,jesuissûrqu’AlbyetNewtserontravisdetemettreauparfum.Sérieusement,vas-y.Jesuisdésolé.

Illuidonnaunepetitetapesurl’épauleetluimontral’escalier.Thomasledévisageaavecméfiance.L’amnésienel’avaitpasrenducomplètementidiot.

—Comment tu t’appelles ? luidemanda-t-ilpourgagnerdu tempsavantde sedécideràmonter.

—Gally. Et que les choses soient bien claires, c’estmoi le chef, ici, pas ces deux vieuxtocardsquisontlà-haut.Tupeuxm’appelercapitaineGallysituveux.

Il sourit pour la première fois; ses dents pourries allaient très bien avec son nez. SonhaleinerappelaàThomasunvaguesouvenirhorrible.Ilsentitsonestomacsesoulever.

—D’accord,dit-il,exaspéréparcegarçonqu’ilauraitbiencognéenpleinepoire,capitaineGally.

Il s’inclina profondément devant lui, porté par une bouffée d’adrénaline, conscient qu’ilvenaitdefranchirlalignejaune.

Quelques gloussements fusèrent dans l’assistance, et Gally, le visage écarlate, fusilla duregardsescompagnons.QuandilseretournaversThomas,unplidehaineluibarraitlefrontetilfronçaitsonnezmonstrueux.

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—Vas-y,répéta-t-il.Etévitedeteretrouversurmonchemin.

Ilindiqual’étagesansquitterThomasdesyeux.

—D’accord,capitaine.

Thomasregardaautourdelui,malà l’aiseet furieux.Ilsentait lesangluiempourprer levisage.Personnenefitungestepourl’empêcherdemonter,àpartChuck,deboutàl’entrée,quisecoualatête.

—Tunedevraispas,luidit-il.Tuesencorenouveau,tun’aspasledroit.

—Vas-y,hésitepas,insistaGally.Monte!

Thomas commençait à regretter d’être entré dans lamaison,mais il avait très envie deparleravecNewt.

Ils’engageadansl’escalier.Lesmarchesgrinçaientetpliaientsoussonpoids;silesautresn’avaient pas été là, à le regarder, il se serait arrêté, de peur de passer à travers le boisvermoulu.Ilcontinuaàmonter,grimaçantàchaquemarche.Àl’étage,surlagaucheunpalierdesservaitplusieurschambres.Delalumièrefiltraitsousl’unedesportes.

—LaTransformation!luicriaGallyd’enbas.Tuyaurasdroitbientôt,guignol!

Cette moquerie donna du courage à Thomas. Il s’avança d’un pas résolu vers la porteéclairée, ignorant les grincements du plancher, les rires qui lui parvenaient du rez-de-chaussée et cesmots inconnus qui lui inspiraient de la crainte. Il tendit le bras, tourna lapoignéeenlaitonetpoussalaporte.

Danslachambre,NewtetAlbysetenaientauchevetd’unmalade.

Thomass’avançad’unpas.Cequ’ilvitluiglaçalesang.Ilrefoulaunhaut-le-cœur.

Il n’avait regardé que quelques secondes, mais ce qu’il avait entraperçu sur le lit lehanterait toute sa vie. Une silhouette pâle qui se tordait, parcourue de spasmes, le torsedénudé ; des veines d’unehorrible teinte verdâtre qui saillaient commedes cordes sous lapeau;deshématomesviolacés,destracesdegriffures;desyeuxinjectésdesangquiroulaientdanstouslessens.Cetteimages’étaitdéjàgravéedansl’espritdeThomasquandAlbybonditpourl’empêcherdevoir.Illerepoussahorsdelachambreetclaqualaportederrièreeux.

— Qu’est-ce que tu fiches ici, le bleu ? rugit Alby, les lèvres retroussées et les yeuxmenaçants.

—Je...euh...jecherchaisdesréponses,murmura-t-ilsansconviction.

Au fond de lui, il avait déjà capitulé. Qu’était-il arrivé à ce pauvre garçon ? Thomass’appuyaàlarambardedupalieretfixalesol,ensedemandantquoifaire.

—Ramènetonsalepetitculenbastoutdesuite,luiordonnaAlby.Chuckvas’occuperdetoi.Sijeterevoisavantdemainmatin,jetefaislapeau.Jetebalanceraimoi-mêmeduhautdelaFalaise,compris?

Thomasétaithumiliéetterrifié.Sansunmot,ilpassadevantAlbyetdescenditlesmarchesaussi vite qu’il osa. Ignorant les regards narquois des garçons qui l’attendaient en bas -surtoutceluideGally-,ilsedirigeaverslaporteetattrapaChuckparlebrasaupassage.

Thomasdétestaitcesgens.Tous,àl’exceptiondeChuck.

—Emmène-moiloind’ici,luisouffla-t-il.

IlpritconsciencequeChuckétaitpeut-êtreleseulamiqu’ilavaitencemonde.

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—D’accord,réponditChuck,toutcontentqu’onpuisseavoirbesoindelui.Maisd’abord,ilfautallerdemanderquelquechoseàmangeràPoêle-à-frire.

—Jenecroispasquejepourraiavalerquoiquecesoit.

Pasaprèslascènequ’ilavaitvue.

Chuckhochalatête.

—Maissi,t’inquiète.Attends-moiaupieddel’arbre.Jeteretrouvedansdixminutes.

Tropheureuxdequitterlamaison,Thomass’éloignaendirectiondel’arbre.Ildécouvraitàpeineàquoiressemblaitlaviedanscetendroitetilenavaitdéjàassez.Ilclignadespaupièresàplusieursreprisespourchasserdesonespritlesterriblesimages.

LaTransformation.C’étaitlenomqu’avaitemployéGally.

Thomasfrissonna.

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Chapitre4Thomas s’adossa contre le troncpour attendreChuck. Il balayadu regard l’ensembledu

Blocdanslequelilsemblaitcondamnéàvivre.L’ombres’étaitconsidérablementétirée;ellegrignotaitdéjàlemurd’enfacecouvertdeplantesgrimpantes.

Aumoins,ça luipermettaitdes’orienter : lamaisonenboisoccupait lecoinnord-ouest,plongédanslapénombre,etlebosquetsetrouvaitausud-ouest.Lescultures,oùs’attardaitencoreunepoignéedetravailleurs,s’étendaientsurl’ensembleduquartiernord-est.Ausud-est,enfin,lesanimauxmeuglaientetbêlaientdansleursenclos.

Au centre du Bloc, le trou béant de la Boîte restée ouverte semblait l’inviter à sauterdedanspour rentrer chez lui. Tout près de l’élévateur, àmoinsd’unedizainedemètres ausud,sedressaituneconstructionbasseenbéton,sansfenêtre,avecpourseulaccèsuneporteenferd’aspectmenaçant,commandéeparunvolantd’acier,commedanslessous-marins.Endépit de ce qu’il venait de voir, Thomas était partagé entre la curiosité de savoir ce qui setrouvaitàl’intérieuretlacraintedeledécouvrir.

Ilvenaitdereportersonattentionsurlesimmensesouverturesaumilieudesquatremursdu Bloc quand Chuck le rejoignit avec deux sandwiches, deux pommes et deux gobeletsmétalliquesremplisd’eau.Thomasfutsoulagédelevoir:iln’étaitpascomplètementseulici,aprèstout.

—Poêle-à-friren’étaitpastrèscontentdemevoirdébarquerdanssacuisineaprèsl’heuredurepas,avouaChuck.

Ils’assitsousl’arbreavecsesprovisions.Thomass’installaenfacedelui,pritunsandwich,hésitauninstant;l’imagemonstrueusequ’ilavaitaperçuedanslamaisonluiétaitrevenueenmémoire.Néanmoins,lafaimfinitparl’emporteretilmorditdanssonsandwich.

—Aaah,fit-ilenmâchant.Jemouraisdefaim.

—Jetel’avaisdit,triomphaChuck.

Aprèsquelquesbouchées,Thomasserésolutàposerlaquestionquiletenaillait.

—Qu’est-cequ’ila,ceBen?Iln’apresqueplusriend’humain.

Chuckjetauncoupd’œilendirectiondelamaison.

—Jenesaispas,répondit-ilmachinalement.Jenel’aipasvu.

Visiblement,ilmentait,maisThomasdécidadenepasinsister.

—Çavautmieux,crois-moi,luiassura-t-il.

Ilterminasonsandwichtoutenexaminantlesouverturesdanslesmurs.C’étaitdifficileàvoirde làoù ils se trouvaient,mais les rebordsdepierredes issuesprésentaientunaspectétrange. Thomas fut pris d’une sensation de vertige à force de fixer ces murs colossaux,commes’illesregardaitd’enhautetnond’enbas.

—Ilyaquoi,del’autrecôté?finit-ilpardemanderpourbriserlesilence.Onestdansuneespècedechâteaugéant,ouquoi?

Chucksetortilla,malàl’aise.

—Enfait,euh...jenesuisjamaissortiduBloc.

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Thomasenrestaabasourdi.

—Tumecachesquelquechose,déclara-t-ilenfin.

Lafrustrationden’obteniraucuneréponseàsesquestionscommençaitàluiportersurlesnerfs.

—Pourquoivousfaitestousautantdemystères?

—C’estcommeça.Leschosessontbizarres,parici,etnousnesavonspastout.Loindelà.

Cetaveuneparaissaitpaslecontrarierplusqueça.Thomasn’enrevenaitpas.Onauraitditque Chuck se moquait de ce qui lui arrivait. Qu’est-ce qui ne tournait pas rond chez cesgarçons?Thomasselevaetsedirigeaversl’ouvertureest.

—Bon,jesupposequ’onaquandmêmeledroitd’allerjeteruncoupd’œil.

Ilavaitbesoind’enapprendredavantage,sansquoiilallaitdevenirfou.

—Holà, attends une seconde ! s’écria Chuck en lui courant après. Fais gaffe, elles vontbientôtsefermer.

Ilétaitdéjàhorsd’haleine.

—Sefermer?Dequoituparles?

—Ehbien,desportes,tocard!

—Quellesportes?Jen’envoisaucune.

ThomassentaitqueChuckétaitsérieux,quequelquechoseluiéchappait.Malàl’aise,ilserenditcomptequ’ilavaitralentil’allure.Subitement,iln’étaitplusaussipresséd’atteindrelesmurs.

— Et ces grandes ouvertures, là, tu appelles ça comment ? dit Chuck en indiquant lesfentesbéantesaumilieudechaquemur.

Laplusprochen’étaitplusqu’àunedizainedemètres.

—Des«grandesouvertures»,répliquaThomas.

Ilauraitvoulumasquersonmalaisesouslesarcasmemais ildevaitbiens’avouerqueçanefonctionnaitpas.

—Ehbien,cesontdesportes.Ellesserefermenttouslessoirs.

Thomas,convaincud’avoirmalentendu,levalesyeux,examinalesbordsdechaquemuretsentitmonterenluiunepeurpanique.

—Commentça,ellessereferment?

—Tuvasvoir.Lescoureursvontbientôtrentrer;etaprès,lesmursvontserapprocheretcolmatercesbrèches.

—N’importequoi,maugréaThomas.

Il ne voyait pas comment ces murailles monumentales pouvaient être mobiles. Il sedétendit,convaincuqueChucklefaisaitmarcher.

Ilss’arrêtèrentauseuilde l’ouverture.Lesdallesdepierrecontinuaientau-delà.Thomasrestabouchebéedevantlamasseécrasantedel’édifice.

—Onappelleçalaportedel’Est,indiquaChuckavecuneétrangefierté.

Thomasl’entenditàpeine.Deprès,lemurétaitencoreplusimpressionnant.Largedesept

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mètres environ, l’ouverture se prolongeait jusqu’au sommet, très loin au-dessus d’eux. Sesborduresétaientquasimentlisses,àl’exception,surlecôtégauche,detrousconiquesd’unedizainedecentimètresdediamètrecreusésdansleroctouslestrentecentimètres.

Sur le côtédroit, despointesdemêmedimension saillaient,pile en facedes trous.Leurdestinationétaitévidente.

—Pas possible, s’exclamaThomas, les entrailles nouées par la peur. C’est sérieux ? Lesmurssedéplacentpourdebon?

—Tucroyaisquejerigolais?

Thomasavaittouteslespeinesdumondeàs’enconvaincre.

—Jenesaispas.J’imaginaisunesortedeportebasculanteoucoulissante.Commentpeut-on bouger unemasse pareille ? Cesmurailles sont gigantesques, on dirait quelles sont làdepuismilleans.

L’idéedevoircesmursserefermeretlepiégerdanscetendroitqu’onappelaitleBlocluiglaçaitlesang.

Chucklevalesbrasd’unairexaspéré.

— Je n’en sais rien ! Elles bougent, c’est tout. Et je peux te dire que ça fait un boucanterrible.C’estlamêmechosepartoutdansleLabyrinthe:lesmurssedéplacenttouslessoirs!

Thomassetournabrusquementverslui.

—Qu’est-cequetuviensdedire?

—Hein?

—Tuasparléd’unlabyrinthe;tuasdit:«C’estlamêmechosepartoutdansleLabyrinthe.»

Chuckrougit.

—Allez,j’enaimarre.Jetelaisse.

Ilrepartitendirectiondel’arbre.

Thomasl’ignora,plusintéresséquejamaisparl’extérieurduBloc.Unlabyrinthe?Devantlui,au-delàdelaportedel’Est,despassagess’ouvraientverslagauche,versladroite,etdroitdevant.EtlesmursdecespassagesressemblaiententoutpointàceuxquibordaientleBloc.Lelierreyparaissaitencoreplusdense.Lesolétaitfaitdesmêmesdalles.Àquelquedistance,d’autresouverturesdanslesmursmenaientversd’autreschemins,etplusloinencore,àunecentainedemètresenviron,ilyavaituncul-de-sac.

—C’estvraiqu’ondiraitunlabyrinthe,murmuraThomas,enriantpresque.

Onavaiteffacésamémoireavantdel’envoyerdansunlabyrinthegéant!C’étaittellementdinguequeçaendevenaitdrôle.

Ileutunsursautdesurpriselorsqu’ungarçonsurgitdel’undespassagessursadroiteetfonça dans sa direction au pas de course. Couvert de sueur, le visage écarlate, les habitstrempés,legarçonpassadevantluisansralentirniluiaccorderunregard.IlsedirigeadroitverslebâtimentenbétonàproximitédelaBoîte.

D’autrescoureurssurgirent,danslemêmeétat,etregagnèrentleBlocparlestroisautresouvertures.Celabyrinthenedevaitpasêtreunendroittrèsagréablepourqu’ilsenreviennent

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tousaussiépuisés.

Intrigué, il les regarda se regrouper devant la grosse porte en fer du bâtiment; l’un desgarçonstournalevolantrouillé,engrognantsousl’effort.Chuckavaitparlédecoureurs,toutàl’heure.Qu’allaient-ilsdoncfaireàl’extérieurduBloc?

Laporte finit par sedébloquer, et les garçons l’ouvrirentdansun crissementmétalliqueassourdissant.Ilss’engouffrèrentàl’intérieurpuislarefermèrentderrièreeux.Thomasrestaplantélà,àchercheruneexplication.

Unetractionsursamancheletiradesespensées:Chuckétaitrevenu.

Unflotdequestionsfusadesabouche.

— Qui sont-ils, et qu’est-ce qu’ils fabriquaient là-dehors? Qu’est-ce qu’il y a dans cebâtiment? (Thomaspivota et indiqua laportede l’Est.)Pourquoi vivez-vousdansun foutulabyrinthe?

—Jenetediraiplusrien,répliquaChuck.Jecroisquetuferaismieuxd’aller tecouchertôt.Tuaurasbesoind’êtreenformedemain.Ah!(Ils’interrompit,levaundoigtetdécollasonoreilledroite.)Çavabientôtêtrel’heure.

—L’heuredequoi?demandaThomas,étonnédevoirChucksecomportersubitementenadulteetnonpluscommeungamindésireuxdesefaireunami.

Ungrand«boum»retentit,suiviparunhorriblegrondement.Thomastrébuchaettombaàquatrepattes.Lesoltremblait;iljetadesregardsaffolésautourdelui,paniqué.Lesmursserefermaient - ils se refermaient pour de bon ! - alors qu’il était à l’intérieur du Bloc. Unebouffée de claustrophobiemonta en lui, menaçant de l’étouffer, comme s’il avait de l’eaudanslespoumons.

—Ducalme,lebleu!luicriaChuckpar-dessuslevacarme.C’estseulementlesmurs!

Thomas l’entendit à peine, fasciné par la fermeture des portes. Il se releva et recula dequelquespaspourmieuxobserverlascène.Ilneparvenaitpasàencroiresesyeux.

Lemurgigantesqueàsadroitesemblaitdéfiertouteslesloisdelaphysique.Ilglissaitsurlesolensoulevantdesétincellesetunnuagedepoussière.Legrondementfaisaitvibrersesos.Thomass’aperçutquecemurétaitleseulàbouger;ilserap-piochaitdeceluidegauche.Thomas se tourna vers les autres portes. Sa tête lui donna l’impression de pivoter plusrapidementquesoncorps,etilfutprisdevertige.Partout,seullemurdedroitesedéplaçaitversceluidegauche.

« Impossible! sedit-il.Commentpeut-on faire ça?» Ildut lutter contre l’enviede courirentrelespansavantqu’ilsserefermentetdes’enfuirduBloc.

Ils’efforçadecomprendrelemécanismeàl’œuvresoussesyeux.Uneimagedesonpassélui revintbrièvement enmémoire. Il voulut s’y raccrocher, la retenir, en la complétantpardesvisages,desnoms,unlieu,maiselles’estompaaussitôt.

Unepointedetristessecrevaletourbillondesesémotions.

Ilregardalemurdedroiteterminersacourseet insérersansrésistancesespointesdanslestrouscorrespondants.Un«boum»sonorerésonnaàtraversleBloctandisquelesquatreportesserefermaientpourlanuit.

UncalmesurprenantenvahitThomas;ilpoussaunsoupirdesoulagement.

—Waouh,commenta-t-il.

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— Ce n’est rien, comme dirait Alby, murmura Chuck. On s’y habitue, au bout d’unmoment.

Thomasjetaundernierregardautourdelui.L’atmosphèreétaitdifférente,àprésentquelesmursétaientclos.Ilréfléchitauxraisonsd’unetelleprécautionetsedemandacequiétaitlepire : sedirequ’on les enfermait à l’intérieur, ouqu’onvoulait lesprotégerde cequi setrouvaitàl’extérieur.Cetteréflexionbalayaaussitôtlecalmequ’ilavaitpuressentir,carellesuscitaitunmilliondepossibilités,toutesinquiétantes,concernantcequipouvaitrôderdansleLabyrinthe.

—Amène-toi, luiditChuckenletirantparlamanche.Crois-moi,quandlanuittombe,ilvautmieuxêtreaulit.

Thomasn’avaitpaslechoix.Ilsuivitsoncompagnon.

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Chapitre5Ils gagnèrent l'arriére de la ferme - comme Chuck appelait cet amoncellement

bringuebalantdeplanchesetdefenêtres.

—Oùonva?voulutsavoirThomas.

Ilsesentaitoppresséparlaproximitéécrasantedumur,duLabyrinthe.Ildevaits’arrêterdepenser,sansquoiilallaitdevenirfou.Pourseraccrocherauréel,iltentauneplaisanterie:

—Situespèresunbisoupourlanuit,turêves.

Chucknepritpaslapeinedeseretourner.

—Tagueule,suis-moi!

Thomaspoussaunsoupirethaussa lesépaules. Ilsse faufilèrentsur lapointedespiedsjusqu’àunepetitefenêtrepoussiéreused’oùfiltraitdelalumière.Thomasentenditdesbruitsàl’intérieur.

—Lasalledebains,soufflaChuck.

—Etalors?

—J’adorefaireçaauxautres.C’estmonpetitplaisiravantd’alleraulit.

—Fairequoi?demandaThomas,quivoyaitbienqueChuckpréparaitunesaleblague.Jedevraispeut-être...

—Chut!Regarde...

Chuckgrimpasansbruitsurunecaisseenbois.Ils’accroupitpourquepersonnenepuisselevoirdel'intérieur.Puisillevalamainetfrappadoucementaucarreau.

—C’estdébile,chuchotaThomas.(Lemomentsemblaitvraimentmalchoisipourcegenredefarce.ÇapouvaitêtreNewtouAlbyàl’intérieur.)Jen’aipasenvied’avoirdesproblèmes.Jemetire!

Chuck mit sa main sur sa bouche pour s’empêcher de pouffer. Sans prêter attention àThomas,iltoquaunedeuxièmefois.

Uneombrevintmasquerlalumière,puisquelqu’unrelevalafenêtreàguillotine.Thomasseplaquacontrelamaison.Iln’arrivaitpasàcroirequ’ils’étaitlaisséentraînerdanscegenredegamineries.Ilsavaitque,silapersonnesortaitlatête,ellenemanqueraitpasdelesvoir,Chucketlui.

—Quiestlà?criaunevoixvibrantedecolère.

Thomasretintsonsouffle:Gally!

Tout à coup, Chuck se dressa devant l’ouverture comme un diable hors de sa boîte encriant à pleins poumons. Un grand fracas à l’intérieur indiqua que son stratagème avaitfonctionné,et,àencroirelechapeletdejuronsquis’ensuivit,Gallyn’appréciaitpasdutout.Ilhurla:

—Jevaistefairelapeau!

MaisChuckavaitdéjà sautéde sacaisseetdétalait.Thomasse figeaenentendantGallyouvrirlaporteetseruerhorsdelasalledebains.

Thomasfinitpars’arracheràsastupeuretpartitàlasuitedesonnouvel-etseul-ami.Il

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tournaitlecoinquandGallysortitdelafermeenvociférant,labaveauxlèvres.

IlpointaaussitôtledoigtversThomas.

—Viensici!rugit-il.

Thomas rentra la tête dans les épaules. Tout semblait indiquer qu’il allait prendre uneraclée.

—Cen’étaitpasmoi,jetejure,protesta-t-il.

Etpuis, en regardant approcher le garçon, il se rendit comptequ’il n’y avaitpasdequoiêtre terrorisé. Gally n’était pas si imposant. En fait, Thomas était largement de taille à sedéfendre.

—Pastoi,hein?grognaGally.(Ils’approchalentementets’arrêtajustedevantThomas.)Commentsais-tuqu’ils’estpasséquelquechose,situn’yespourrien?

Thomasneréponditpas,malàl’aise.

—Nemeprendspaspourunetruffe,lebleu,crachaGally.J’aibienreconnucegroslarddeChuckderrièrelavitre.(IlpointaledoigtetmartelaletorsedeThomas.)Maistuasintérêtàdécidervitefaitquituveuxavoircommeamietcommeennemi,tum’entends?Encoreuntruc dans ce genre, et ça va saigner - peu importe que ce soit ton idée oupas.Compris, lenouveau?

AvantqueThomasaitpurépondre,Gallyavaittournélestalons.

—Désolé,murmuraThomas,avecunegrimaceenréalisantàquelpointçadevaitparaîtrestupide.

—Je te connais, grognaGally sans se retourner. Je t’ai vudans laTransformation, et jefiniraiparsavoirquitues.

Thomasleregardarentrerdanslaferme.Samémoireserésumaitàpeudechoses,maisilétaitcertaindenejamaisavoirdétestéquelqu’unaussifort.Ilfutsurprisdeconstateràquelpoint ilhaïssaitcegarçon.Quandilseretourna, ildécouvritChuck,deboutderrière lui,quifixaitseschaussuresavecunairgêné.

—Mercibeaucoup,monpote,luilança-t-il.

—Désolé...,soupiraChuck.Sij’avaissuquec’étaitGally,jenel’auraispasfait,jetejure.

Thomaséclataderire.Uneheureplustôt,ilauraitpariéqu’ilneriraitplusjamais.

Chuckledévisagea,méfiant,puisgrimaçaunsourire.

—Quoi?

Thomassecoualatête.

—Net’excusepas.Ill’avaitbienmérité,cetocard.C’étaitsuper.

Ilsesentaitbeaucoupmieux.

*

Deuxheuresplustard,ThomasétaitallongédansunsacdecouchageàcôtédeChuck.Ilss’étaientinstalléssuruncoind’herbeenborduredupotager:c’étaitunegrandepelousequ’iln’avaitpasremarquéeplustôt,etqueplusieursgarçonsavaientchoisiepourdormir.Thomastrouvait ça étrange, mais, apparemment, il n’y avait pas assez de place à l’intérieur de laferme.

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Leregardperdudanslesétoiles,ilécoutaitlesmurmuresdesconversations.Lesommeillefuyait.Ilneparvenaitpasàsedéfairedudésespoirquiluipesaitsurlecorpsetsurl’esprit-lagaietéengendréeparlebontourjouéàGallyn’avaitpasduré.Ç’avaitétéunelonguejournée,aussiétrangequ’interminable.Iléprouvaitpar-dessustoutuneprofondetristesse.

Chuckinterrompitlecoursdesespensées.

—Ehbien,lebleu,tuassurvécuàtapremièrejournée.

—Toutjuste.

«Pasmaintenant,Chuck,aurait-ilvouludire.Jenesuispasd’humeur.»

ChuckseredressasuruncoudeetsetournaversThomas.

—Tuvasdécouvrirpasmaldechosesaucoursdesprochainsjours.T’inquiète,ons’yfaitvite.

—Hum,jesuppose,oui.Àcommencerparvotreargot.D’oùilsort,d’ailleurs?

Certainesdeleursexpressionsluisemblaientprovenird’unelangueétrangère.

Chuckserallongea.

—Jenesaispas.Jenesuislàquedepuisunmois,tusais.

Thomascommençaitàseposerdesquestionsàproposde

Chuck.Est-cequ’illuidisaitbientout?C’étaitungarçonvif,drôle,etquiparaissaitsansméchanceté,maisest-cequ’onpouvaits’yfier?Aufond,ilétaitaussimystérieuxquetoutcequ’ontrouvaitdansleBloc.

Quelquesminutes s’écoulèrent, et Thomas, enfin rattrapé par la fatigue de cette longuejournée,sentitlesommeill’engourdir.Maissoudain,unepenséejaillitdanssonesprit.Unepenséeinattendue,dontiln’auraitsudired’oùelleluivenait.

Tout à coup, leBloc, lesmurs, leLabyrinthe— tout ça lui semblait... familier.Ungrandcalmeserépanditenlui,etpourlapremièrefoisdepuissonarrivéeiln’eutplusl’impressionque le Bloc était le pire endroit aumonde. « Que s’est-il passé ? se dit-il. Qu’est-ce qui achangé?»Bizarrement,lasensationquetoutiraitbienlemettaitmalàl’aise.

Ilsutalorscequ’ildevaitfaire.Cettesensationétaitétrangeetfamilièreàlafois.Maisilétaitconvaincudenepassetromper.

—JeveuxfairepartiedeceuxquivontdansleLabyrinthe,dit-ilàvoixhaute,ignorantsiChuckétaitencoreéveillé.

—Hein?

Thomasperçutunepointed’irritationdanslavoixdeChuck.

—Lescoureurs,insista-t-il.Jeveuxenfairepartie.

—Tunesaismêmepasdequoituparles,grommelaChuckenroulantsurleflanc.Dors!

Avecuneassurancesurprenante,Thomasdéclara:

—Jeveuxdevenircoureur.

—Oublieçapourl’instant.

Surprisparsaréaction,ThomasprévintChuck:

—Paslapeined’essayerdeme...

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—Thomas,monami,laissetomber.

—J’enparleraidemainavecAlby.

«Uncoureur, songeaThomas.Jene saismêmepas cequec’est. J’aiperdu laboule,ouquoi?»

Chuckritdoucement.

—Espècedegrosplonk.Essaiededormir.

MaisThomasneputs’empêcherdecontinuer.

—Ilyaquelquechose,danscetendroit...untrucfamilier.

—Dors!

PuisThomasfutfrappéd’unerévélation-commesiplusieurspiècesdupuzzlevenaientdes’emboîter.Ilnesavaitpasencoreàquoiressembleraitletableaufinal,maissesparolesluivinrenttoutesseules,commesionlesluiavaitsoufflées:

—Chuck,jecroisque...jesuisdéjàvenuici.

Il entendit son compagnon s’asseoir et lâcher une exclamation de surprise. Mais il luitourna le dos et refusa d’en dire plus, de peur de perdre ce sentiment nouveau, ce calmerassurantquil’emplissaittoutentier.

Ils’endormitbeaucoupplusfacilementqu’ilnes’yattendait.

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Chapitre6Thomasfutréveilléparquelqu’unquilesecouait.Ilouvritlesyeuxd’uncoupetdécouvrit

unvisagetoutprèsdusien.Autourde lui, leBlocétaitencoreplongédans lapénombredupetitmatin.Ilfitminedeparlermaisonluiplaquaunemainfroidesurlabouche.Lapaniquecommençaitàlegagner,quandilreconnutsonagresseur.

—Silence,lebleu.TunevoudraispasréveillerChuckie,quandmême?

C’étaitNewt,celuiquisemblaitfaireofficedelieutenant.

Quoiquesurpris,Thomassesentitaussitôtrassuré.Ilneputs’empêcherd’éprouverdelacuriosité.Queluivoulaitlegarçon?Ilhochalatête,fitdesonmieuxpourdireouiaveclesyeux,jusqu’àcequeNewtretiresamain.

—Amène-toi,luisouffla-t-il.(Illuipritlamainetlemitdebout-avecunetelleforcequeThomaseutl’impressionqu’ilallaitluiarracherlebras.)Jevoudraistemontreruntrucavantquetoutlemondesoitlevé.

Thomasétaitdésormaiscomplètementréveillé.

—D’accord,dit-il,prêtàlesuivreoùilvoudrait.

Ilsavaitqu’ilauraitdûsemontrerplusprudent:aprèstout,iln’avaitaucuneraisondesefieràquiquecesoitpourl’instant;maislacuriositépritledessus.Ilsepenchapourenfilerseschaussures.

—Oùonva?

—Suis-moi,c’csttout.Etresteprèsdemoi.

Ilssefaufilèrententreleurscompagnonsendormis.Thomasfaillittrébucherplusieursfoissuruncorps.Ilécrasaunemain,cequiluivalutuncoupdepoingsurletibia.

—Désolé,chuchota-t-il,ignorantleregardnoirqueluilançaitNewt.

Quandilsatteignirentlesdallesdepierregrise,Newtpartitaupasdecourseendirectiondumurouest.Thomashésita.Pourquoicourir?Puisilsecoualatêteetsuivitlemouvement.

Ilfaisaitencoresombre,maislesraresobstaclessedétachaientcommedesombresnoires,etiln’eutaucunmalàtrouversonchemin.Ils’arrêtaenmêmetempsqueNewt,justeàcôtédumur qui les dominait de toute samasse comme un gratte-ciel - encore une image quivenaitderemonteràlasurfacetroubledesonamnésie.Thomasremarquaicietlàdepetiteslumièresrougessurlemur,quibougeaientetclignotaient.

—Qu’est-cequec’est?murmura-t-ild’unevoixquiluiparutfrêle.

Ceslueursintermittentesavaientquelquechosed’inquiétant.

Newtsetenaitàmoinsd’unmètredurideaudelierrequirecouvraitlemur.

—Quandtuaurasbesoindelesavoir,jeteledirai.

—Bah,c’estunpeudébiledevouloirmemontreruntrucsic’estpournepasrépondreàmesquestions, observaThomas,qui s’étonnait lui-mêmede sonaudace.Tocard, ajouta-t-ilavectoutlesarcasmedontilétaitcapable.

Newtpouffa,maissereprittrèsvite.

—Jet’aimebien,lebleu.Ferme-la,maintenant,etregarde.

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Newt s’avança, plongea les mains dans le lierre et mit au jour un carreau de verrepoussiéreuxdemoinsd’unmètredecôté.Ilétaitopaquepourl’instant,commes’ilétaitpeintennoir.

—Qu’est-cequ’onestcensésvoir?demandaThomas.

—Relax,monpote.Çavavenir.

Plusieurs minutes s’écoulèrent. Thomas piétinait sur place. Comment Newt pouvait-ilresterlà,parfaitementimmobile,àcontemplerlenoir?

Puisilseproduisitquelquechose.

Une lueur fantomatique traversa le carreau de verre ; elle jeta toutes sortes de refletscoloréssurNewt,commes’ilsetenaitaubordd’unepiscineéclairéeparlefond.Thomassefigea,lespaupièresmi-closes,tâchantdedistinguercequisetrouvaitdel’autrecôté.Ilsentitunegrossebouleseformerdanssagorge.«Qu’est-cequec’estqueça?»sedit-il.

— De l’autre côté, c’est le Labyrinthe, chuchota Newt, les yeux écarquillés, comme entranse.NotrevieentièretourneautourduLabyrinthe.ChaquesecondedenotreputaindevieestconsacréeauLabyrinthe,àrésoudreuneénigmequin’apeut-êtremêmepasdesolution,tu comprends ? Je tiens à temontrer pourquoi il faut prendre ça au sérieux.Pourquoi cesfoutus murs se referment tous les soirs. Et pourquoi tu n’as vraiment pas intérêt à teretrouvercoincélà-bas.

Newtserecula,sanslaisserretomberlelierre.IlfitsigneàThomasdeprendresaplaceetderegarderàtraverslecarreaudeverre.

Thomassepencha, lenezcolléà lasurface froide.IlmitunesecondeàdécouvrircequeNewt voulait qu’il voie. Il en eut le souffle coupé comme si un vent glacial l’avait figé englaçon.

Unecréaturemassive,delatailled’unbœufinforme,setraînaitsurlesoldel’autrecôté.Elle glissa sur le mur d’en face, puis bondit sur le carreau de verre avec un choc sourd.Thomaspoussauncriétoufféet se jetaenarrière, tandisque lacréature rebondissait sansdommagesurleverre.

Il respirabienà fond,deux fois,puisrevintsepencheraucarreau. Il faisait tropsombrepourdistinguer tous lesdétails ;des lueursétranges,provenantd’unesource inconnue, luidévoilèrentdesrefletsmétalliquesetdesscintillementsdechair.Desappendicessortaientducorpsdelacréature,terminésparderedoutablesinstruments:unelamedescie,descisailles,delonguestigesdemétalinquiétantes.

La créature était le fruit d’unmélange abominable de bête et demachine. Elle donnaitl’impressiondesentirqu’onl’observait,desavoircequisetrouvaitentrelesmursduBloc,etd’êtredésireusedepénétrer à l’intérieurpour se repaîtrede chair humaine.Thomas sentituneterreurglacéeserépandredanssontorseetl’empêcherderespirer.Ilétaitconvaincuden’avoirjamaisrienvud’aussiépouvantable.

Ilbattitenretraite.Lecouragequ’ilavaitéprouvélaveilleausoirs’étaitdissipéd’unseulcoup.

—Qu’est-cequec’estquecetruc?demanda-t-il.

Ilavaitleventretellementnouéqu’ildoutaitdepouvoirremangerunjour.

— On appelle ça des Griffeurs, lui répondit Newt. Tu parles d’une saloperie, hein ?

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Heureusement,ilsnesortentquelanuit,quandlesmurssontfermés.

Thomasseraclalagorge.Oserait-ilunjours’aventurerdansleLabyrinthe?Sonenviederejoindrelescoureursvenaitd’enprendreuncoup.Etpourtantildevaitlefaire.Illesentaitauplusprofonddesonêtre,mêmeaprèscequ’ilvenaitdevoir.

Newtfixaitlecarreaudeverred’unairabsent.

—Maintenant,tusaiscequirôdeàl’intérieurduLabyrinthe,monpote.Commeça,tuascomprisqu’onn’estpas làpourrigoler.Tevoilàdans leBloc.Oncomptesur toipournousaideràfairecequ’onattenddenous.

—Àsavoir?interrogeaThomas,quiavaittrèspeurd’entendrelaréponse.

Newtledévisageabienenface.Thomasputdistinguerlesmoindresdétailsdesonvisage,desapeauetdesonfrontbarréd’unplisévère.

—TrouverlasortiedecefoutuLabyrinthepourrentrercheznous,ditNewt.

*

Deuxheuresplus tard,alorsque lesportess’étaient rouvertesen faisant trembler le sol,Thomas s’assit, devant la ferme, àune vieille tabledepique-niquebancale. Il songeait auxGriffeurs, à ce qu’ils pouvaient bien faire là, dehors, pendant la nuit. À ce qu’on devaitressentirenfacedecréaturesaussiterribles.

Ils’efforçadechasserleurimagedesatêteetdepenseràautrechose.Auxcoureurs,parexemple. Ils venaient de partir sans unmot : ils avaient couru vers le Labyrinthe à toutevitesseetdisparudanslespassages.Ilselesreprésentamentalementtoutenmangeantsesœufsaubaconsansparleràpersonne,pasmêmeàChuck,quimangeaitensilenceàcôtédelui.Iln’avaitqu’uneenvie:qu’onlelaissetranquille.

C’étaitplusfortquelui,soncerveauneparvenaitpasàdigérerlasituation.Commentuntel labyrinthe, avecdesmursaussi énormes, si vastequedesdizainesdegarçonsn’avaientpaspuentrouverlasortie,pouvait-ilexister?Et,plusimportant,àquoipouvait-ilbienservir?Quefaisaient-ilslà?Etdepuiscombiendetemps?

Malgré toutes ces interrogations, ses pensées revenaient invariablement à l’image duGriffeur.Sasilhouettemenaçantes’imposaitàluichaquefoisqu’ilclignaitdespaupières.

Thomasnecomprenaitrienàtoutcela.Saufunechose.Ilétaitdestinéàdevenircoureur.D’oùluivenaitdonccetteconviction?Surtoutmaintenantqu’ilavaitvucequirôdaitdansleLabyrinthe?

Unetapesurl’épaulelesortitdesescogitations;ildécouvritAlbydeboutderrièrelui,lesbrascroisés.

—Biendormi?luilançacedernier.Ilyavaitunebellevueaucarreau,cematin?

Thomasse leva,espérantque l’heuredesréponsesavaitenfinsonné-ouqu’aumoins ilallaittrouvermoyendes’arracheràsespenséeslugubres.

—Assezbellepourmedonnerenvied’ensavoirplusàproposdecetendroit, répondit-ilavecprudence.Ilnevoulaitpasquel’autreseremetteencolère.

Albyhochalatête.

—Toietmoi,tocard.Enroutepourlavisite!(Iltournalestalonspuiss’arrêta,undoigtenl’air.)Aucunequestionavantlafin,d’accord?Jen’aipasletempsdebavarderavectoitoutelajournée.

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—Mais...(Thomass’interrompitenvoyantAlbyfroncerlessourcils.Pourquoicegarçonsesentait-ilobligéd’êtreaussidésagréable?)Maisalors,dis-moitout.Jeveuxtoutsavoir.

Ilavaitdécidélaveilleausoirdeneplusparleràpersonnedesasensationd’êtredéjàvenudanscetendroit.Mieuxvalaitsansdoutegarderçapourlui.

—Jetediraicequej’auraienviedetedire,lebleu.Allons-y.

—Jepeuxvenir?demandaChuck.

Albysepenchaetluitorditl’oreille.

—Aïe!s’écriaChuck.

—Tun’asriendemieuxàfaire,têtedepioche?Tun’aspasdutorchagequit’attend?

Chucklevalesyeuxauciel,puissetournaversThomas.

—Amuse-toibien.

—Jevaisessayer.

Il se sentait soudain désolé pour Chuck. Il aurait bien voulu que les autres le traitentmieux.Maisiln’ypouvaitrienpourl’instant:ilétaittempsdepartir.

IlemboîtalepasàAlby.

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Chapitre7Ils commencèrent par la Boîte, fermée pour lemoment. Le jour s’était levé; les ombres

s’allongeaientdansladirectionopposéeàcelledelaveille.Thomasn’apercevaittoujourspaslesoleil,maisilallaitsûrementpointerd’uneminuteàl’autreau-dessusdumurest.

Albyindiqualaporteàdoublebattant,dontlapeintureblanches’écaillait.

—Ça, c’est laBoîte.Une fois parmois, elle nous amèneun bleu comme toi. Çane ratejamais.Unefoisparsemaine,ellenouslivredumatériel,desvêtements,delanourriture.Onn’apasbesoindegrand-chose,onproduitpratiquementtoutcequ’ilnousfaut.

Thomashochalatête,dévoréparl’enviedeposerdesquestions.

—Enfait,onnesaitrienàproposdelaBoîte,poursuivitAlby.Nid’oùellevient,niparoùellepasse,niquilacharge.Lestocardsquinousl’envoientnenousdisentrien.Onestfournisen électricité et en vêtements, et les animaux et le jardin nous procurent l’essentiel de lanourriture.OnaessayéderenvoyerunnouveaudanslaBoîte,unefois:cettesaletén’apasvouluserefermeravantqu’onlesortedelà.

Thomasauraitbienvoulusavoircequ’ilyavaitsouslesbattantsdelaporteenl’absencedelaBoîte,maisilretintsalangue.

Albycontinuaàparler,sanssedonnerlapeinedesetournerversThomas.

— Le Bloc se divise en quatre parties: le jardin, l’abattoir, la ferme et le terminus, luretiendras?

Thomassecoualatête,confus.

Alby clignadespaupières avantde continuer; onaurait dit qu’il avaitmille foismieux àfairequed’êtreici.Ilindiqualecoinnord-est,oùsetrouvaientleschampsetleverger.

—Le jardin : là où on fait pousser les fruits et les légumes.L’eau arrivepardes tuyauxdans le sol, sinon on serait tousmorts de soif depuis longtemps. Il ne pleut jamais ici. (Ilindiqualecoinsud-est,aveclagrangeetlesenclos.)L’abattoir:oùonélèveetoùontuelesbêtes.(Iltenditledoigtverslacabanebringuebalante.)Laferme:deuxfoisplusgrandequ’àl’arrivée des premiers d’entre nous, parce qu’on n’arrête pas de l’agrandir àmesure qu’onnousenvoieduboisetdumatériel.Ellenepaiepasdemine,maisc’estmieuxquerien.Detoutemanière,laplupartd’entrenouspréfèrentdormirdehors.

Thomas se sentit pris de vertige. Tant de questions tournaient dans sa tête qu’il neparvenaitplusàs’yretrouver.

Albyindiqualecoinsud-ouest,lebosquetbordéd’arbresmaladesetdebancs.

—Là, c’est le terminus.Lecimetière se trouveau fond,aumilieudesarbres.Pasgrand-choseàendire.Onvient làpours’asseoiret soufflerunmoment,ou traînerunpeu,selonl’humeur. (Il se racla lagorge,visiblementdésireuxdechangerde sujet.)Tuvaspasser lesdeux prochaines semaines à bosser pour chaque maton, jusqu’à ce qu’on sache ce qui teconvient le mieux. Torcheur, briqueton, ensacheur, sarcleur. On trouvera bien. On trouvetoujours.Amène-toi.

Albypartit endirectionde laporte sud, située entre le terminus et l’abattoir.Thomas lesuivit en fronçant le nez à cause de l’odeur de bouse qui lui parvenait des enclos. « Uncimetière ? se dit-il. Pourquoi un cimetière, alors qu’il n’y a que des ados ici ? » Il faillit

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interrompresonguidemaiss’obligeaàgarderlesilence.

Frustré,iltournasonattentionverslesanimaux.

Plusieurs vaches se pressaient autour d’unemangeoire remplie de foin. Des cochons sevautraientdansunemaredeboue;seulsleurspetitsmouvementsdequeuedetempsàautreindiquaientqu'ilsétaientenvie.Unautreenclosrenfermaitdesmoutons,etonvoyaitaussiune basse-cour avec des poules et des dindes en cage. Des garçons s’affairaient parmi lesbêtes.Ilsdonnaientl'impressiond’avoirtravaillédansunefermetouteleurvie.

«Pourquoijemesouviensdecesanimaux?»s’étonna

Thomas. Il connaissait chacun, ce qu’ilsmangeaient, à quoi ils ressemblaient. Pourquoigardait-ilenmémoirecegenredechoses,alorsqu’ilneserappelaitplusoùilavaitbienpuvoirdetellesbêtes,niavecqui?Lacomplexitédesonamnésieledéroutaitcomplètement.

Albyluiindiqualagrange,dontlapeinturerougedélavéeprenaitlacouleurdelarouille.

— C’est là que travaillent les trancheurs. Sale boulot, ça. Vraiment.Mais si tu aimes lesang,çateplairapeut-être.

Thomas secoua la tête.Lenomne luidisait rienqui vaille.Tandisqu’ils continuaient lavisite,iltournasonregardverslapartieduBlocqu’Albyavaitappeléeleterminus.Àmesurequ’ilsétaientplusprochesducoin,lesarbrespoussaientplusdruetlesbuissonsdevenaienttouffus.L’ombreétaitprofondesouslesbranches.Enlevantlatête,Thomasputenfinvoirlesoleil,maisilletrouvabizarre,plusorangequ’iln’auraitdû.

Unexempledeplusdesonamnésiesélective.

Il regarda de nouveau le terminus - le disque brillant restait imprimé sur sa rétine - etsoudainilaperçutdenouveauleslumièresrouges.Ellesscintillaientetclignotaientdanslestaillis.«Qu’est-cequec’estqueça?»sedemanda-t-il,agacéqu’Albyneluiaitpasdonnélaréponse.Touscesmystèresdevenaientinsupportables.

Albys’arrêta.Ilsavaientatteintlaportesud;lesdeuxmursquilabordaientlesdominaientdetouteleurhauteur.

Les pierres grises étaient craquelées, couvertes de lierre, plus vieilles que tout ce queThomaspouvaitimaginer.Ilsedévissalecoupourobserverlesommet,etileutlasensationétrangederegarderenbasetnonenhaut.Ilreculad’unpas,impressionnéunefoisdeplusparlamasseécrasantedelastructure,puissetournaversAlbyquisetenaitdosàlaporte.

—Dehors,c’estleLabyrinthe,déclaracelui-ci.

Au-delàdesmursduBloc,onapercevaitd’immensescouloirssemblablesàceuxqu’ilavaitvuslematinparlecarreau.Ilfrissonna,commesiunGriffeurrisquaitdeleurfoncerdessusd’unmomentà l’autre. Il fitunpasenarrièreavantmêmedeserendrecomptedecequ’ilfaisait.«Ducalme!»sedit-il,gêné.

Albycontinua.

—Çafaitdeuxansquejesuislà.Jesuisleplusancien.Ceuxquiétaientlàavantmoisonttousmorts. (Thomas sentit son pouls s’accélérer.)Deux ans qu’on s’escrime à chercher lasortie.Tuparles!Cesfoutusmurssedéplacentpendantlanuit,commelesportes.Pasfaciled’endresserleplan,çanon.

Il indiqua d’un coup dementon le bâtiment de béton dans lequel les coureurs s’étaientengouffréslaveilleausoir.

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Une barre douloureuse s’enfonça dans le crâne de Thomas - il devait absorber trop dechoses d’un seul coup. Ils étaient enfermés là depuis plus de deux ans ? Les murs duLabyrinthesedéplaçaientaussi?Combiend’entreeuxétaientmorts?

Il s’avançamachinalementpour jeteruncoupd’œildans leLabyrinthe,commes’ilallaittrouverlesréponsesàsesquestionsimpriméessurlesmurs.

Albyluiposalamainsurletorseetlerepoussa.

—Pasquestiondetelaissersortir,tocard.

Thomasravalasafierté.

—Pourquoiça?

—Tucroisquejet’aienvoyéNewtcematinuniquementpourleplaisir?Mec,c’estlarèglenuméro un, et tu as plutôt intérêt à te la rentrer dans le crâne. Personne - personne, tum’entends?-n’aledroitdepénétrerdansleLabyrintheendehorsdescoureurs.Situyvas,etquetunetefassespastuerparlesGriffeurs,c’estnousquiteferonslapeau.Pigé?

Thomashochalatêteenbougonnant,convaincuqu’Albyenrajoutait.Enfin,ill’espérait...Maisdésormais,ilenétaitsûr,ilallaitdeveniruncoureur.Riennel’enempêcherait.Aufonddelui,ilsavaitqu’ildevaitsortirduBlocets’enfoncerdansleLabyrinthe.Malgrétoutcequ’ilavaitappris,toutcequ’ilavaitvu,ilenéprouvaitunbesoinviscéral,plusfortquelasoifoulafaim.

Unmouvementdiscretsurlemuràgauchedelaportesudcaptasonattention.Surpris,ilsetournajusteàtempspourapercevoirunrefletargenté.Lachosedisparutsouslelierre.

Thomaspointaledoigtverslemur.

—Qu’est-cequec’étaitqueça?s’écria-t-il.

Albynesedonnapaslapeinederegarder.

—Pasdequestionsjusqu’àlafin,tocard.Combiendefoisjevaisdevoirtelerépéter?(Illâchaunsoupir.)Unscaralame-c’estcommeçaquelesCréateursnousobservent.Tun’aspasintérêtà...

Il fut interrompupar lemugissementd’unesirènequi semblaitprovenirde toutes lesdirections. Thomas se boucha les oreilles en regardant autour de lui; son cœur cognaitfollementàl’intérieurdesapoitrine.QuandilseretournaversAlby,ilsefigea.

Albynesemblaitpaseffrayé.Plutôt...confus.Surpris.Lasirènecontinuaitàmugir.

—Qu’est-cequisepasse?demandaThomas.

Ilcommençaitàselasserdecesmomentsdepaniquesuccessifs.

—C’estcurieux...,réponditsimplementAlbyquiexaminaitleBlocenplissantlesyeux.

Thomas vit que les garçons dans les enclos levaient la tête eux aussi, l’air tout aussiperplexes.L’und’eux,unpetitmaigrichoncouvertdeboue,criaàAlby:

—C’estquoi,cetteembrouille?

IlregardaitThomasendisantça.

—Jemeledemande,murmuraAlbyd’unevoixdistante.

MaisThomasn’ytenaitplus.

—Alby!Qu’est-cequisepasse?

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—LaBoîte,guignol,laBoîte!réponditl’autreavantdepartird’unpasvifverslecentreduBloc.

—Ehbien,quoi?insistaThomassursestalons.

«Parle-moi!»avait-ilenviedehurler.

MaisAlbyn’ajoutariendeplusetneralentitpas.Àmesurequ’ilsserapprochaientde laBoîte, Thomas vit des dizaines d’autres garçons accourir de partout. Il s’efforçait de seconvaincrequetoutiraitbien,qu’ilyavaitforcémentuneexplicationraisonnable.IlaperçutNewt.

—Newt!Tusaiscequ’ilya?cria-t-il.

Newtjetauncoupd’œildanssadirection,puishochalatêteets’approcha,étonnammentcalmeaumilieudelaconfusion.Illuidonnaunebourradedansledos.

—Ilyaqu’unnouveauvasortirdelaBoîte.(Ilmarquaunepause,commes’ils’attendaitàcequeThomassoitimpressionné.)Toutdesuite.

—Etalors?

ThomasserenditcomptequelecalmeapparentdeNewtétaitenréalitédel’incrédulité...peut-êtremêmedel’excitation.

—Etalors?répétaNewt,bouchebée.Onn’ajamaisvudeuxnouveauxdébarquerdurantlemêmemois,etencoremoinsàunjourd’intervalle.

Là-dessus,ilpartitaupasdecourseverslaferme.

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Chapitre8Lasirènes’arrêtaenfin.Unepetitefoules’étaitrassembléeautourdesportesmétalliques

queThomasavaitfranchiesseulementlaveille.«C’étaithier?songea-t-il.Jenesuislàquedepuishier?»

Onluitouchalecoude;enlevantlatête,ilvitqueChuckl’avaitrejoint.

—Commentçava,lebleu?luidemandaChuck.

— Impeccable, répondit-il,même si rien n’était plus éloigné de la vérité. (Il indiqua lesportesdelaBoîte.)Pourquoitoutlemonderéagitcommeça?Onesttousarrivésparlà,non?

Chuckhaussalesépaules.

—Jenesaispas.Jusqu’àmaintenant,lesarrivéesonttoujoursétérégulières.Unefoisparmois, lemême jour.Peut-êtrequeceuxqui tirent les ficelles se sontaperçusqu’ilsavaientcommisuneerreuravectoietontenvoyéquelqu’und’autrepourteremplacer.

IldonnaàThomasuncoupdecoudedanslescôtes.Celui-ciluijetaunregardnoir.

—Tucommencesàmegonfler,jetejure.

—Oui,maisonestcopainsmaintenant,non?

Chuckritpourdeboncettefois,enreniflantbruyamment.

—Tunemelaissespasvraimentlechoix!

Mais l’autre avait raison: Thomas avait besoin d’un ami et Chuck ferait parfaitementl’affaire.

Legarçoncroisalesbras,l’airtrèssatisfaitticlui-même.

—Contentquecesoitréglé.Onatousbesoind’uncopainparici.

ThomasempoignaChuckparlecold’unairfaussementmenaçant.

—D’accord,monpote,alorsappelle-moiThomas.Sinon,jetebalancedansletrouaprèsledépartdelaBoîte.(Voilàquiluidonnaituneidée.)Attendsuneseconde,est-cequevousavezdéjà...?

—Oui,onaessayé,l’interrompitChuck.

—Essayéquoi?

—DedescendredanslaBoîteaprèsunelivraison,repritChuck.Çanemarchepas.Elleneserefermequesielleestcomplètementvide.

Thomassesouvintqu’Albyleluiavaitdéjàdit.

—Oui,jelesavais,maisest-cequevousavez...?

—Onaessayéaussi.

Thomasseretintdegémir;sonnouvelamicommençaitàl’agacer.

—Tusais,c’estpénibledediscuteravectoi.Vousavezessayéquoi?

—De descendre dans le trou après le départ de laBoîte. Impossible.On peut ouvrir lesportes,maisiln’yaqueduvide,riend’autre.Pasdecorde,nada.

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Commentétait-cepossible?

—Est-cequevousavezessayéde...?

—Oui.

Cettefois-ci,Thomasgeignit.

—D’accord,quoi?

—Dejeterdestrucsdansletrou.Onnelesajamaisentendustoucherlefond.Etpourtant,onaécoutélongtemps.

Thomasmarquaune pause avant de continuer: il n’avait pas envie de se faire couper laparoleunefoisdeplus.

—Tuestélépathe,ouquoi?

—Non,simplementtrèsintelligent,réponditChuckavecunclind’œil.

—Àl’avenir,évitelesclinsd’œil,l’avertitThomas,amusé.

Chuckavaitbeaul’énerver,ilyavaitchezluiquelquechosed’attachant.Thomasrespiraungrandcoupetsetournaverslafoulerassembléeautourdutrou.

—Onvadevoirattendreencorecombiendetemps?

—Engénéral,unedemi-heureaprèslasirène.

Thomasréfléchituninstant.Ilsavaientforcémentnégligéundétail.

—Tuessûr,pourletrou?Est-cequevousavezdéjà...?(Ilattenditl’interruption,envain.)Est-cequevousavezdéjàessayédefabriquerunecorde?

—Oui,ilyalongtemps.Avecdulierre.Unelonguecorde.Onpeutdirequeçan’apastrèsbienmarché.

—Commentça?

—Jen’étaispaslà,maisonm’aracontéquelepauvregarsquis’étaitportévolontaireestdescendusurtroismètresenvironavantdesefairecouperendeux.

—Hein?(Thomass’esclaffa.)Jenetecroispas.

—Ahoui?J’aivusesos,grosmalin.Tranchésnet.Onlesaconservéspourrappelerauxsuivantsdenepasrecommencerlamêmebêtise.

Thomass’attendaitàvoirChucksourireouéclaterderire.Maisriennevint.

—Tuessérieux?

Chuckledévisagea,l’airgrave.

—Jene tementiraispas, lebl... enfin,Thomas.Viens,allonsvoir la têtedunouveau.Jen’arrivepasàcroirequetuneserasrestéunbleuquependantunejournée.Saleveinard.

Alorsqu’ilss’approchaientdutrou,Thomasposalaseulequestionqu’iln’avaitpasencoreformulée.

—Commentsais-tuqu’ilnes’agitpasdeprovisionsoudematériel?

—Lasirènenesedéclenchequepourlespersonnes,réponditChuck.Lesprovisionssontlivréeschaquesemaineàlamêmeheure.Tiens,regarde.

Ils’arrêtapourluimontrerquelqu’undanslafoule:Gally,quilesfusillaitduregard.

—Ben,monvieux!gloussaChuck.Ilpeutvraimentpast’encadrer,lui!

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—Oui,grommelaThomas,jem’enétaisrenducompte.

Etc’étaitréciproque.

Chuckluidécochaunnouveaucoupdecoudeetlesdeuxamisrejoignirentl’attroupement.Thomaspatientaensilence;lavuedeGallyluiavaitcoupél’enviedeparler.

—Pourquoituneluidemandespasquelestsonproblème?suggéraChuckavecunairdedéfi.

Thomassecroyaitsuffisammentcourageuxpourça,maiscette idéene luidisaitrienquivaille.

—Parcequ’ilaplusdecopainsquemoi.Ceneseraitpastrèsmalindemebattreaveclui.

—C’estvrai,maistuesplusintelligent.Etjepariequetuesplusrapide.Jesuissûrquetupourraisteleprendreavectoussespotes.

L’undesgarçonsquisetenaientdevanteuxleurjetaunregardsombre.

«SansdouteunamideGally»,seditThomas.

—Etsitulabouclaiscinqminutes?souffla-t-ilàChuck.

Uneporteclaquaderrièreeux.Thomasseretournaetvit

AlbyetNewtvenirdelaferme.Ilsavaientl’airépuiséstouslesdeux.

ThomasserappelaBenetlespectacleépouvantabledesasouffrance.

—Parle-moi de cette histoire de Transformation.Qu’est-ce qu’ils fabriquaient là-dedansaveccepauvreBen?

Chuckhaussalesépaules.

—Jenesaispasexactement.LesGriffeursontunsaleeffetsurleursvictimes,untructrèsdouloureux qui les secoue de la tête aux pieds. Ceux qui sont passés par là ne sont plusjamaislesmêmes.

Thomasflairal’occasiond’obtenirenfinuneréponsevalable.

—Commentça?EtquelrapportaveclesGriffeurs?C’estdeçaqueparlaitGallyquandildisaitavoirétépiqué?

—Chut!

Chuckposaundoigtsurseslèvres.

Thomasfaillitcriersafrustration.IlsepromitdefaireparlerChuckplustard,quel’autreenaitenvieounon.

AlbyetNewtfendirentlafoulejusqu’aupremierrang,justedevantlesportesdelaBoîte.Tout lemondesetut,etThomasputentendre lesgrincementset lecliquetisde l’élévateur,quiluirappelèrentsontrajetcauchemardesquedelaveille.Unegrandetristessel’envahit.Ilrevécut ces quelques minutes terribles quand il avait repris connaissance dans le noir,complètement amnésique. Il se sentait désolé pour le pauvre garçon qui allait bientôt lesrejoindre.

Unchocsourdannonçaquel’étrangeascenseurétaitarrivéàdestination.

ThomasallongealecoutandisqueNewtetAlbyvenaientseposterdepartetd’autredesportes. Une fente barra le rectangle de métal en plein milieu. Deux poignées en arceauxétaientfixéesdechaquecôté.Ilstirèrentdessusenmêmetempsetlesportess’ouvrirentavec

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ungrincementmétalliquetandisqu’unnuagedepoussières’élevaitautourdeladalle.

Unsilencecomplets’abattitsurlesblocards.Newtsepenchaau-dessusdelaBoîte.

—Nomde...!souffla-t-il.

Albyregardaàsontour.

—Pascroyable,murmura-t-il,commes’ilétaitentranse.

Lesquestionsfusèrentdetouteparttandisquela foulesebousculaitpourserapprocherdel’ouverture.«Qu’est-cequ’ilpeutbienyavoirlà-dedans?»sedemandaThomas.

—Vosgueules!criaAlby.

Ilseredressa.

—Deuxnouveaux endeux jours.Etmaintenant, ça.Ça fait deux ansque c’est lamêmeroutine,etmaintenant,ça!(IlsetournaversThomas.)Qu’est-cequisepasseici,lebleu?

Thomasleregarda,lesjouesrougesetleventrenoué.

—Commentveux-tuquejelesache?

—Alby,dis-nouscequ’ilya,putain!s’écriaGally.

D’autresmurmuress’élevèrent.

—Fermez-la,bandedetocards!gueulaAlby.Dis-leur,Newt.

Newtjetaunderniercoupd’œildanslaBoîtepuissetournaverslesautres,levisagegrave.

—C’estunefille,annonça-t-il.

Toutlemondesemitàparlerenmêmetemps;Thomassaisitquelquesbribes.

—Unefille?

—Tudéconnes!

—Dequoielleal’air?

—Quelâgeellea?

Thomasseretrouvaitplongédans laconfusion laplus totale.«Une fille?» Ilnes’étaitmêmepas encore demandépourquoi il n’y avait quedes garçonsdans leBloc.À peine s’ilavaiteuletempsdes’enapercevoir.

Newtréclamalesilenceunefoisdeplus.

—Et...et...,bafouilla-t-il,avantdetendreledoigtverslaBoîte.J’ail’impressionqu’elleestmorte!

*

Deuxgarçonsempoignèrent lescordes tresséesavecdu lierreet firentdescendreAlbyetNewtdanslaBoîtepourqu’ilsensortentlafille.Lesblocardsétaientsouslechoc;ilsallaientetvenaientautourdutrou,levisagegrave,enshootantdansdescaillouxsansunmot.

Gallyétaitl’undeceuxquitenaientlescordes,prêtsàhisserAlby,Newtetlafille.Thomasl’étudia de près. Une lueur inquiétante brillait dans ses yeux, une sorte de fascinationmalsaine.Soudain,Thomaseutpeurdelui.

Lavoixd’Albyleurcriadufonddutrouqu’onpouvaitlesremonter,etGallyetlesautressemirent à tirer sur les cordes. Quelques grognements plus tard, le corps inerte de la filleémergeaitaugrandjour.Ilsl’allongèrentsurlesol.Aussitôt,toutlemondesepressaautour

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d’elle. Seul Thomas resta en tenait. Le silence sépulcral lui donnait le frisson, comme s’ilsvenaientderouvrirunetomberécente.

Néanmoins,ilavaiteuletempsd’apercevoirlafille.Elleétaitmince,mesuraitàpeineunmètresoixante-dix.Âgéedequinzeouseizeans,elleavaitdescheveuxd’unnoirdejais.Maiscequifrappaitsurtoutchezelle,c’étaitsonteinttrèspâle,d’uneblancheurlaiteuse.

Quelques instantsplus tard, lesgarçonss’écartèrent,etThomasvitNewtqui lemontraitdudoigt.

—Amène-toi,lebleu,fit-ilrudement.

Thomassentitsonpoulss’accélérer.Ilavait lesmainsmoites.Qu’est-cequ’onluivoulaitencore?Ils’avançaàcontrecœur.«Oh,relax!Tun’asrienfaitdemal»,pensa-t-ilpourserassurer.Maisilavaitlasensationétranged’avoirquelquechoseàsereprocher...

Il rejoignitNewtetAlbyagenouillésauprèsde la fille.Endépitdesapâleur,elleétaitplutôtjolie.Trèsbelle,même.

Des cheveux soyeux, une peau parfaite, des lèvres délicates, de longues jambes... Ça lerendaitmaladededétaillerunemortedecettefaçon,maisilneparvenaitpasàdétournerlesyeux.«Ellenevapasresterlongtempscommeça,sedit-il.

Ellevabientôtpourrir.»Cettepenséemorbidelesurprit.

—Tulaconnais,tocard?demandaAlby,quiparaissaitàcran.

Thomasfutchoquéparcettequestion.

—Hein?Biensûrquenon.Jeneconnaispersonne.

— Ce n’est pas ce que..., commença Alby, avant de s’interrompre avec un soupir defrustration. Je veuxdire: est-ce qu’elle te rappelle quelqu’un ?Tun’as pas l’impressiondel’avoirdéjàvue?

—Non.Pasdutout.

Thomascontemplaseschaussures,malàl’aise,puisilramenasonattentionsurlafille.

Albyfronçalessourcils.

—Tuessûr?

IlnecroyaitpasunmotdecequeluiracontaitThomas.Ilparaissaitencolère.

«Qu’est-cequ’ils’imagine?»songeaThomas.IlregardaAlbybienenfaceetluiréponditfermement:

—Oui.Pourquoi?

—Oh, la ferme,marmonnaAlby en se penchant sur le corps inerte. Jene crois pas auxcoïncidences.Endeuxjours,deuxbleus,l’unvivantetl’autremort...

Thomassesentitgagnéparlapanique.

—Vousnecroyezquandmêmepasquec’estmoi...,com-mença-t-ilenbredouillant.

—Arrête,l’interrompitNewt.Personnenet’accusedel’avoirtuée.

Thomasfutprisdevertige.Ilétaitconvaincuden’avoirjamaisvucettefilleauparavant...Pourtant,unepointededoutes’insinuadanssonesprit.

—Jevousjurequec’estlapremièrefoisquejelavois,leurassura-t-ilnéanmoins.

Ilenavaitmarrequ’onl’accusedetout.

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—Est-cequetu...?

AvantqueNewtaitputerminersaquestion,lafilleseredressabrusquementsurlesfesses.Elle respira un grand coup, ouvrit les yeux et cligna des paupières en découvrant la foulerassembléeautourd’elle.Albypoussauncrietbasculaenarrière.Newt,bouchebée,recula.Thomasn’esquissapasungeste;lesyeuxrivéssurelle,ilrestapétrifié.

Lafillejetaitdesregardsaffolésautourd’elle.Seslèvresrosestremblotaienttandisqu’ellemarmonnaitdesproposincompréhensibles.Puiselledéclarad’unevoixcreuseetrauque:

—Toutvabientôtchanger.

Thomasladévisageaavecstupéfactiontandisqu’elleretombaitsurlesol,lesyeuxvitreux.Sonbrasdroitsetenditd’unmouvementsecvers leciel.Elleserraitunpapier froissédanssonpoing.

Thomasessayad’avalersasalive,maisilavaitlabouchesèche.Newts’avançaetdesserralesdoigtsdelafillepourrécupérerlepapier.Illedépliad’unemaintremblante,puissemitàgenouxpourl’étalersurlesol.Thomassepenchapar-dessussonépaule.

Quelquesmotsétaientgriffonnésenlettresnoires:

C’estladernière.

Iln’yenaurapasd’autre.

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Chapitre9Lesilences’abattitsurleBloc.Onauraitditqu’unventsurnaturelavaitbalayélacouren

aspiranttouslessons.Newtavaitlulemessageàvoixhautepourceuxquinepouvaientpaslevoir.Lesblocardsrestaientlà,bouchebée.

Pasdecris,pasdequestions...Tousavaientlesyeuxrivéssurlafille,quisemblaitdormiràprésent.Sapoitrinesesoulevaitetretombaitàunrythmerapide.Contrairementàcequ’ilsavaientcru,elleétaitbienvivante.

Newtseleva.Thomasespéraitqu’ilallaitleurfourniruneexplicationcalmeetrassurante.Au lieudequoi ilsecontentade froisser lepapierdanssonpoing.Lesveinessegonflèrentsurledosdesamain.Thomasavaitlagorgenouée.

Albymitsesmainsenporte-voixetcria:

—Medjacks!

Deux garçons plus âgés s’avancèrent: un grand, avec une coupe en brosse et un nezénorme,l’autrepluspetit,dontlestempesgrisonnaientdéjà.

—Qu’est-cequ’onfaitd’elle?demandalegrandd’unevoixétonnammentaiguë.

—Qu’est-cequej’ensais?rétorquaAlby.C’estvouslesmedjacks,tocards!Àvousdemeledire.

«Medjacks,serépétaThomas.Cedoitêtrecequiserapproche leplusd’unmédecinparici. » Le petit s’agenouillait déjà auprès de la fille pour lui prendre le pouls et coller sonoreilleàsapoitrine.

—Hé!Pourquoic’estClintquipasseenpremier?criaquelqu’undans le fond.(Plusieursriresgrass’élevèrent.)Après,c’estmoi!

« Comment peuvent-ils plaisanter là-dessus ? songea Thomas, écœuré. Cette fille est àmoitiémorte.»

Alby plissa les paupières ; il retroussa les lèvres en un rictus dépourvu de toute traced’humour.

—Celuiquimet lesmainssurcettefille,prévint-il, je l’envoiedormirdansleLabyrintheencompagniedesGriffeurs.C’est lebannissement,direct ! (Ilmarquaunepauseetpivotalentementpourquechacunpuissevoirsursonvisagequ’ilneplaisantaitpas.)Personnen’ytouche,c’estcompris?Personne!

C’étaitbienlapremièrefoisqueThomassefélicitaitd’entendreunemiseengarded’Alby.

Lepetitmedjackachevasonexamenetseredressa.

—J’ail’impressionqueçava.Larespirationestcorrecte,etlepoulsnormal.Unpeulent,peut-être.Àmonavis,elleestdanslecoma.Jeff,aide-moi,onvalaporteràl’intérieur.

Legrandmedjacksepenchapour la souleverpar lesaisselles tandisqueClint l’attrapaitparleschevilles.Thomasauraitbienvoulupouvoirfairequelquechose.Ildoutaitdeplusenplus de ce qu’il avait affirmé auparavant. Il avait bien l’impression de connaître cette fille,mêmes’ilneserappelaitrienàsonsujet.Cetteidéeletroublait,etil jetaunregardinquietautourdelui,commes’ilavaitpeurqu’onnelisedanssespensées.

—Àtrois,prévintJeff.(Ilavaitl’airridiculeavecsagrandecarcassepliéeendeuxcomme

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unemantereligieuse.)Un...deux...trois!

Ils lasoulevèrentd’uncoup,si fortqu’ils faillirent la lanceren l’air.Thomasseretintdeleurcrierdefaireattention.

—Onvalamettreenobservation,annonçaJeff.Onpourratoujoursluifaireavalerdelasoupesielleneseréveillepasdanslesheuresquiviennent.

— Contentez-vous de garder unœil sur elle, dit Newt. Elle doit avoir quelque chose despécial,sinononnel’auraitpasenvoyéeici.

Albysepenchaau-dessusdelafillependantqu’onl’emportait.

—Mettez-ladanslachambreàcôtédecelledeBenetsur-veillez-lajouretnuit.Siellefaitquoi que ce soit, je veux être prévenu.Qu'elle parle dans son sommeil ou qu’elle aille auxchiottes,jem’enfiche,venezm’avertirtoutdesuite.

—D’accord,bougonnaJeff.

Clint et lui s’éloignèrent avec la fille endirectionde la ferme, tandisque lesblocards sedispersaientenéchafaudanttoutessortesd’hypothèses.

Thomasobservalascèneensilence.Lesaccusationsàpeinevoiléesqu’onluiavaitlancéesquelquesminutesplustôtprouvaientquelesautressoupçonnaientquelquechose,maisquoi? Ilnesavaitdéjàplusoù il enétait, êtreaccusédecettemanièrene faisaitqu’empirer leschoses.Commes’ilavaitludanssespensées,Albys’approchaetlesaisitparl’épaule.

—Tunel’avaisjamaisvueavant,hein?

Thomashésitaavantderépondre.

—Non...Enfin,jecroispas.

Il espérait que sa voix ne trahissait pas son trouble. Et s’il la connaissait bel et bien ?Qu’est-cequeçavoudraitdire?

—Tuessûr?insistaNewt,justederrièreAlby.

—Je...Non,jenecroispas.Fichez-moilapaixavecça,d’accord?

Thomasavaithâtequelanuittombe,pourqu’ilpuisseêtretranquilleetallerdormir.

Albysecoualatêtepuislâchal’épauledeThomasetsetournaversNewt.

—Ilyauntruclouchelà-dedans.Convoqueunrassemblement.

IlavaitparlésibasqueThomasfutprobablementleseulàl’entendre.Çaneluidisaitriendebon.AlorsqueNewtetlechefs’éloignaient,ilfutsoulagédevoirapprocherChuck.

—Chuck,c’estquoi,unrassemblement?

Sonamisefitunplaisirdeluirépondre:

—Une réunionde tous lesmatons. Ils font ça chaque foisqu’il arrivequelque chosedebizarreoudeterrible.

— Ah, d’accord... J’imagine que les événements d’aujourd’hui rentrent dans les deuxcatégories.(LeventredeThomassemitàgargouiller,interrompantlecoursdesespensées.)Tucroisqu’onpourraittrouveruntrucàgrignoter?Jemeursdefaim.

Chuckledévisageaenhaussantlessourcils.

—Voircettefilletomberdanslespommest’adonnéfaim?Tuesencorepluscingléquejelepensais.

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Thomassoupira.

—Trouve-moiuntrucàmanger,c’esttout.

*

Lacuisine,bienquemodeste,contenaittoutlenécessairepoursepréparerunbonrepas.Ungrandfour,unmicro-ondes,unlave-vaisselle,quelquestables.Toutsemblaitvieuxetusé,mais l’endroit était propre. En voyant l’équipement électroménager et la dispositionfamilière,Thomaseutl’impressionquedessouvenirs-dessouvenirstangibles-étaientsurle point de resurgir dans sa mémoire. Mais une fois encore, il lui manquait les élémentsessentiels:lesnoms,lesvisages,leslieux,lesévénements.C’étaitàs’arracherlescheveux.

—Assieds-toi,luiditChuck.Jevaisnousdénicherquelquechose.Maisjetepréviens,c’estladernièrefois.TuasdelachancequePoêle-à-frirenesoitpaslàparcequ’ilahorreurqu'onpillesonfrigo.

Thomasétaitcontentqu’ilssoientseuls.Iltiraunechaisedevantunetableenplastiqueets’assit.

— Cette histoire est complètement dingue. Comment on a pu se retrouver là? Il y aquelqu’unquinousaenvoyés.Quelqu'undemalintentionné.

—Çanesertàriendeseplaindre,réponditChuck.Prendslasituationcommeelleestetn’ypenseplus,c’esttout.

—Benvoyons.

Thomas regarda par la fenêtre. Le moment lui paraissait le bon pour poser Tune desinnombrablesquestionsquisebousculaientsoussoncrâne.

—Alors,dis-moiunpeuquinousfournitl’électricité?

—Ons’enfiche,dumomentqu’onTa.

«Pasderéponse,songeaThomas.Çanem’étonnepas!»

Chuckposadeuxassiettesdesandwichesetdecarottessurlatable.Lepainétaitépaisetblanc, les carottes orange vif. Thomas se mit à saliver; il attrapa son sandwich et morditdedansàpleinesdents.

—Mmm,fit-il,labouchepleine.Aumoins,labouffeestbonne.

Thomas put terminer son casse-croûte sans que Chuck prononce un seulmot.Heureuxd’avoirpuprofiterdecesquelquesinstantsdesilence, ildécidaqu’àpartirdemaintenantilallaitcesserderâleretprendreleschosesenmain.

Aprèssadernièrebouchée,ils’adossaàsachaise.

—Alors, Chuck, lança-t-il en s’essuyant la bouche avec une serviette, dis-moi unpeu cequejedoisfairepourdeveniruncoureur.

—Tunevaspasrecommencer?protestaChuck.

—Albym’a conseillé de fairedes essais auprèsdesdifférentsmatons.Quand est-cequej’auraimachanceaveclescoureurs?

ThomasattenditpatiemmentqueChuckluirépondeenfinquelquechosed’utile.

Celui-cilevalesyeuxauciel,pourbienmontreràquelpointlaquestionétaitstupide.

—Ilsserontderetourdansquelquesheures.Tun’aurasqu’àleurdemanderàcemoment-

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là.

—Quefont-ilsquandilsrentrenttouslessoirs?Danscebunkerenbéton?

—Desplans.Ilsmettentleursnotesaupropreetseréunissentavantd’oubliercequ’ilsontvu.

Descartes.Thomasenrestaabasourdi.C’étaitlapremièrefoisqu’ilentrevoyaituneissuepotentielleàleursituation.

—Ilsdiscutent,analysent leursdécouverteset tout ça. Il fautdirequ’ilspassentplusdetempsàcourirqu’àprendredesnotes.C’estbienpourçaqu’onlesappelledescoureurs.

Thomasréfléchit.Sepouvait-ilqueleLabyrinthesoitsivastequ’ilsn’enaienttoujourspastrouvélasortieauboutdedeuxans?Çaparaissaitimpossible.Etpuis,ilsesouvintdecequeluiavaitditAlbyausujetdesmursquisedéplaçaient.Ets’ilsétaientcondamnésàresterlàtouteleurvie?

«Condamnés.»Cetteidéeluiinspiraunsentimentdepanique,etl’étincelled’espoirquelerepasavaitalluméeenluis’éteignitaussitôt.

—Chuck,tucroisqu’onestdescriminels?Jeveuxdire,qu’onauraitputuerdesgens,ouquelquechosecommeça?

—Hein?(Chuckledévisageacommes’ilavaitperdulatête.)D’oùtusorsuneidéepareille?

—Réfléchisuneseconde.Onesttousamnésiques.Onvitdansunendroitsansissue,gardépardesmonstresassoiffésdesang.Çanetefaitpaspenseràuneprison?

L’hypothèseluiparaissaitdeplusenpluscrédible.

—Jedoisavoirdouzeans,protestaChuckenpointantledoigtsursontorse.Treizeans,àtoutcasser.Tucroisvraimentquej’auraispucommettreuntrucquim’auraitvalulaprisonàvie?

—Peut-êtrepas,maiscequiestsûr,c’estquetuteretrouvesenferméici.Tucroisqu’onestdansuncampdevacances,là?

Chuckréfléchitunmoment.

—Jenesaispas.C’esttoujoursmieuxque...

—Oui,jesais,quedevivresuruntasdeplonk.

Thomas se leva et repoussa sa chaise sous la table. Il aimait bien Chuck, mais il étaitimpossible d’avoir une discussion intelligente avec lui. Sans parler de la frustration et del’agacementqueçafaisaitnaîtreenlui.

—Bon,jevaisfaireuntour.Àcesoir!

Thomasquitta lacuisineavantqueChuckneproposede l’accompagner.Dans leBloc, lavie avait repris son cours normal: chacun vaquait à ses activités, les portes de la Boîtes’étaientrefermées,lesoleilbrillait.

Commesavisiteavaitétéécourtée,Thomasdécidad’explorer leBlocpar lui-même.Ilsedirigead’abordverslecoinnord-est,oùlesmaïssemblaientprêtsàêtrerécoltés.Ilvitaussid’autres plantations: des tomates, des laitues, des petits pois, et bien d’autres qu’il nereconnutpas.

Ilprituneprofondeinspiration,savourantlesodeursdeterreretournéeetdevégétation.Il

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s’attendaitàcequecelaranimechezluidessouvenirsagréables,maisnon.Ens’approchant,ilvitplusieursgarçonsbinerleschampsetarracherlesmauvaisesherbes.L’und’euxlesaluadelamainetluiadressaunsourire.Unvraisourire.

«Cetendroitn’estpeut-êtrepassimal,aprèstout,songeaThomas.Ilnepeutpasyavoirquedescrétins.»Ilseremplitlespoumonsunedernièrefoispuiss’arrachaàsespensées;illuirestaitencorebeaucoupdechosesàvoir.

Ilserenditdanslecoinsud-estetobservadenouveaulesenclosdefortune.Iln’yavaitpasde chevaux. « Dommage, se dit Thomas. Des cavaliers auraient été plus rapides que descoureurs.»Ilavaitdéjàdûtravailleraucontactd’animauxavantd’aboutirauBloc,parcequeleursodeursetleurscrisluiparaissaientfamiliers.

L’endroitnesentaitpasaussibonquelepotager,maisç’auraitpuêtrebienpire.Aufildesavisite,ThomasmesuraitàquelpointleBlocétaitbienentretenu.Ilétaitimpressionnéparl’organisationetletravailquecelasupposait.Onimaginaitfacilementàquellevitesseleursconditionsdeviesedégraderaientsilesblocardssemontraientparesseuxoustupides.

Pour finir, il se dirigea vers le coin sud-ouest. Arrivé au petit bois, il fut surpris par unmouvementfugaceàsespieds,suivid’unesériedecliquetis.Ilbaissalesyeuxjusteàtempspour entrevoir un objet métallique - une sorte de rat robot - scintiller au soleil avant dedisparaîtreentre lesarbres.Lachosesetrouvaitdéjààplusdetroismètresquandilréalisaqu’ilnes’agissaitpasd’unrat,maisplutôtd’uneespècedelézard,avecaumoinssixpatteslelongdesontorseargenté.

Unscaralame.«C’estcommeçaquelesCréateursnousobservent»,avaitditAlby.

Unelueurrougebalayalesoldevantlacréature,commesielleprovenaitdesesyeux.Lalogique souffla àThomasque sonesprit lui jouaitdes tours,mais il aurait juréavoir vu lemotWICKED—méchant-écritengrosseslettresvertessursondos.Undétailaussiétrangeméritaitqu’ons’yintéressedeplusprès.

Thomascourutaprèslabestiole.Quelquesinstantsplustard,ilpénétraitdanslebois.Touts’assombritsubitement.

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Chapitre10Thomasfutsurprisparl’obscurité.DepuislecentreduBloclepetitboisneparaissaitpassi

vaste-unhectare,toutauplus.Néanmoinslesgrandsarbresavecleurstroncsépais,serréslesunscontrelesautres,etlefeuillageformaientunécranimpénétrableau-dessusdesatête.Il y régnait une lumière verdâtre crépusculaire, comme s’il ne restait plus que quelquesminutesdejour.

C’étaitmagnifiqueetunpeueffrayantàlafois.

Thomass’enfonçaàtraverslesfourréssansralentir.Desbranchagescinglèrentsonvisage.Untapisdefeuillesetdebrindillescrissaitsoussespas.

Il gardait l’œil rivé sur le scaralamequidétalait au rasdusol.Plus il s’enfonçaitdans lebois,plussalueurrougedevenaitvisible.

Thomas avait parcouru ainsi une dizaine de mètres, en perdant du terrain à chaqueseconde,quandlescaralamebonditsurunarbreimposantetsemitàescaladerletronc.LetempsqueThomasparvienneaupieddel’arbre,labestioleavaitdisparudanslefeuillage.

Ill’avaitperdue.

Une brindille craqua quelque part sur sa droite et il tourna vivement la tête dans cettedirection.Ilretintsonsouffle,touslessensenéveil.

Unautrecraquementretentit—plusfort,cette fois,commesiquelqu’unavaitcasséunebranchesursongenou.

—Quiestlà?interrogeaThomasàhautevoix.

Un frisson de peur lui chatouilla l’échine. Sa voix roula sous les branches et résonna àtraverslesous-bois.Ilrestaimmobile,pétrifié,tandisquelesilences’imposaitàl’exceptiondugazouillisdequelquesoiseaux.Maispersonneneluirépondit.Puisiln’yeutplusaucunbruitsuspect.

D’instinct, Thomas partit dans la direction d’où était venu le craquement. Il écartait lesbranchages sur son chemin et les laissait retomber bruyamment derrière lui. Il plissa lespaupièresletempsquesesyeuxs’habituentàlapénombrecroissante;ilregrettaitdenepasavoirdelampetorche.

—Ilyaquelqu’un?appela-t-il.

Il était un peu rassuré que le bruit ne se soit pas répété. Sans doute n’était-ce qu’unanimal.Unautrescaralame,peut-être.Àtouthasard,illança:

—C’estmoi,Thomas.Lenouveau.Enfin,jusqu’àcematin.

Il fit la grimace et secoua la tête.Mieux valait prier pour que personne ne l’entende: ildevaitpasserpourunidiotcomplet.

Toujourspasderéponse.

Ilcontournaungrandchêneets’arrêtanet.Unfrissonglacé luiparcourut ledos.Ilétaitparvenuaucimetière.

La petite clairière, d’une dizaine de mètres carrés tout au plus, était envahie par lesmauvaisesherbes.Thomasyvitplusieurscroixdefortune,faitesdemorceauxdeboisliésparuneficelle.Onlesavaitpeintesenblanc,entoutehâte,commeenattestaientlescoulureset

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lespartiesoubliées.Desnomsétaientgravésdanslebois.

Thomas s’avança d’un pas hésitant pour s’agenouiller devant la croix la plus proche. Ilfaisait tellementsombrequ'ilavait l’impressionderegarderà traversunebrumenoire.Lesoiseaux s’étaient tus, et le bruit des insectes était presque inaudible. Thomas se renditcompte à quel point l’atmosphère était lourde et humide : des gouttelettes de sueur seformaientsursonfrontetsurledosdesesmains.

Ilsepenchasurlapremièretombe.Elleparaissaitrécenteetportait lenomdeStephen-terminé par un « n »minuscule, juste au bord, parce que celui qui l’avait gravé avaitmalestimélaplacenécessaire.

«Stephen, songeaThomas, saisid’unsentimentde tristesseauquel ilnes’attendaitpas.Qu’est-cequiabienput’arriver?Chuckt’atellementsoûléquetuenesmort?»

Il se redressa et marcha jusqu’à la tombe suivante, presque entièrement recouverte debroussailles.Quel que soit celui à qui elle appartenait, il avait dû être l’un des premiers àmourir,carellesemblaitlaplusancienne.LacroixportaitlenomdeGeorge.

En regardant autour de lui, Thomas compta une douzaine de tombes. Deux semblaienttout aussi fraîches que celle de Stephen. Un reflet argenté attira son attention. Cela neressemblait pas au scaralame qui l’avait entraîné dans le bois, mais c’était tout aussiintrigant.Ils’avançaentrelescroixetparvintdevantunetomberecouverted’uneplaqueenplastiqueouenverre,auxcontourssouillésdeterre.Ilplissalespaupièrespourdistinguercequisetrouvaitderrière,puisouvritdegrandsyeuxencomprenantcequ’ilvoyait: lesrestesd’uncorpsendécomposition.

Malgrésonécœurement,Thomassepenchaplusprès,poussépar lacuriosité.La tombe,étonnammentpetite,necontenaitquelapartiesupérieuredudéfunt.IlserappelalerécitdeChuckàproposdugarçonquiavaittentédedescendredanslaBoîteauboutd’unecorde,etquis’étaitlaitcouperendeux.Ilyavaitdesmotsgravéssurlaplaque.Thomaslesdéchiffraavecdifficulté:

Untocardavertienvautdeux:onnepeutpass’échapperparlaBoîte.

Ilfaillitricaner:cetteépitaphemoqueuseluiparaissaittropridiculepourêtrevraie.Ils’envoulut aussitôt. Secouant la tête, il se dirigea vers les autres croix. Soudain, une nouvellebrindillecraqua.

Puisuneautre.Etuneautre.Deplusenplusprès.Ilfaisaitdeplusenplussombre.

—Quiestlà?cria-t-ild’unevoixtremblante.

Ildevaitbienadmettrequ’ilétaitterrifié.

Au lieu de répondre, la personne qui l’espionnait renonça à toute discrétion et semit àcourirversThomas.Ill’aperçutenfin:ungarçondécharné,quiboitaitbizarrement.

—Qu’est-ceque...?

Legarçonjaillitd’entrelesarbresavantqu’ilaitpufinirsaphrase.ÀpeineThomaseut-illetempsdedistinguersapeaublafardeetsesyeuxexorbitésqu’ilpoussaungrandcriettentade s’enfuir. Trop tard ! L’autre bondit et s’abattit sur lui, l’empoignant par les épaules.Thomasroulaausol.Ilsentitunecroixluiinfligeruneécorchureprofondeavantdesebrisersoussonpoids.

Ilsedébattaitcommeunfou,tandisquesonagresseurs’efforçaitdeluigrimperdessusen

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agitant sesmembres squelettiques.On aurait dit unmonstre de cauchemar,mais Thomassavaitqu’ildevaits’agird’unblocard,sansdouteunmalheureuxquiavaitperdularaison.Ill’entendaitclaquerdesdents-unbruithorrible,clac,clac,clac!Puisunedouleurfulguranteletraversaquandlegarçonrefermasesmâchoiressursonépaule.

Thomaspoussaunhurlement;ladécharged’adrénalineluiavaitdonnéuncoupdefouet.Ilposa lesdeuxmainsàplatsur le torsedesonagresseuret le repoussa, lesbras tendus, lesmusclesbandés.L’autrefinitparlâcherprise.Ilbasculaenarrière,etuneautrecroixsebrisasouslui.

Thomasseredressa,lesoufflecourt,etputenfindévisagersonagresseur.

C’étaitlemaladedelaferme.

Ben.

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Chapitre11Ben ne portait qu’un short, et sa peau très blanche était tendue sur ses os. Ses veines

saillaient, animées de pulsations. Ses yeux injectés de sang fixèrent Thomas avec uneexpressionféroce.

Bens’accroupit,prêtàselancerdenouveauàl’attaque.Uncouteaufitsonapparitiondanssonpoingdroit.Thomas,terrorisé,avaitdumalàréaliserqu’ilnerêvaitpas.

—Ben!

Thomaslevalesyeux.Albysetenaitàl’oréedelaclairière,simplefantômedanslalumièredéclinante.Le soulagement l’envahit, carAlby tenait un grand arc, avecune flèchepointéedroitsurBen.

—Ben,répétaAlby.Arrêteçatoutdesuitesituveuxvivre.

ThomassetournaversBen,quijetaitunregardhaineuxà

Alby;ilpointaitlalangueentreseslèvrespourleshumecter.«Qu’est-cequinevapaschezlui?»sedemandaThomas.Legarçons’étaitchangéenmonstre.Pourquoi?

—Tutetrompesdecible,hurlaBen.(IlsetournaversThomas.)C’estcetocardqu’ilfautéliminer!

Savoixétaitempreintedefolie.

—Nesoispasidiot,Ben,ditcalmementAlbysansbaissersonarme.Thomasvientàpeined’arriver;tun’aspasàt’enfairepourlui.C’estlaTransformationquit’amislatêteàl’envers.Tuauraisdûresteraulit.

—Iln’estpasdesnôtres!rugitBen.Jel’aivu...il...c’estuneordure.Ilfautletuer!Laisse-moiluimettrelestripesàl’air!

Malgrélui,Thomasfitunpasenarrière,horrifiéparcequ’ilvenaitd’entendre.QuevoulaitdireBenenracontantqu’ill’avaitvu?Pourquoiletraitait-ild’ordure?

Alby,imperturbable,continuaitàtenirBenenjoue.Sesmainsnetremblaientpassurl’arc,àcroirequ’ilavaitprisappuisurunebranche.

—Laisse-nousendécideraveclesautresmatons.Enattendant,ramènetonculàlaferme.

— Il veut nous emmener avec lui, insista Ben. Il veut faire sortir tout le monde duLabyrinthe.AutantsauterdirectementduhautdelaFalaise!Autantnousétriperlesunslesautres!

—Maisqu’est-cequeturacontes?intervintThomas.

—Tagueule!vociféraBen.Fermetasalegueuledetraître!

—Ben,prévintAlbyd’untoncalme,jevaiscompterjusqu’àtrois.

—Ordure,ordure,ordure...,murmuraBen,presquecommeuneincantation.

Il sebalançaitd’avant enarrière, en faisantpasser son couteaud’unemaindans l’autre,l’œilrivésurThomas.

—Un.

—Ordure,ordure,ordure...

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Bensourit.Sesdentsbrillaientd’unelueurverdâtredanslalumièrepâle.

Thomasauraitvoulus’enallerloind’ici.Maisilenétaitincapable;ilétaithypnotisé,tropeffrayépourbouger.

—Deux,comptaAlbyd’unevoixlourdedemenace.

—Ben,repritThomasens’efforçantdeprendreuntonraisonnable,jenesuispas...Jenesaismêmepasdequoitu...

Benpoussaunhurlementétrangléetbondit,lecouteaubrandidevantlui.

—Trois!criaAlby.

Laflèchefenditl’airensifflant,puisatteignitsacibledansunhorriblebruit.

LatêtedeBenpartitviolemmentverslagauche.Iltombasurleventre,sansémettreaucunson.

Thomas courut vers lui. La flèche sortait de la joue de Ben. Son sang, beaucoupmoinsabondantqueThomasnel’auraitcru,suintait,noircommedel’huiledanslapénombre.Bennebougeaitplus;seullepetitdoigtdesamaindroitetressaillaitencore.Thomasseretintdevomir.Benétait-ilmortàcausedelui?Était-cesafaute?

—Viens,luiditAlby.Lescoffreurss’occuperontdeluidemain.

«Ques’est-ilpassé? sedemandaThomas,prisdevertige, encontemplant le corps sansvie.Qu’est-cequej’avaisfaitàcepauvretype?»

Illevalatêteenquêtederéponsesetconstataqu’Albyétaitdéjàparti.

*

Éblouiparlesoleil,Thomasfermalesyeuxenémergeantdubois.Ilboitait;sachevilleluifaisaitunmaldechien,bienqu’ilnesesouviennepasdesel’êtretordue.Iltâtadoucementd’unemainl’endroitoùBenl’avaitmordu,toutensetenantleventredel’autre.IlrevitBen,la tête inclinée sur le côté,avec la flèchequipointaitde sa joueet le sangqui s’écoulait lelongdelahampejusqu’ausol...

Iltombaàgenouxaupiedd’unarbrenoueuxetvomit,agitédespasmes.Ilfrissonnaitdetoutsoncorps.Ilavaitl’impressionquesesnauséesnes’arrêteraientjamais.

Etpuisuneidéelefrappa.

Il se trouvait auBlocdepuis àpeine vingt-quatreheures.Une journée.Pasplus. Il fit lecomptedetoutesleschoseshorriblesquis’étaientproduitesdepuissonarrivée.

Çanepouvaitques’améliorer.

*

Cettenuit-là,Thomasrestaallongéfaceaucielétoilé.Chaquefoisqu’ilfermaitlesyeux,ilrevoyait l’imagemonstrueusedeBenentrainde luisauterdessus, levisagedéformépar lafolie.Même les yeuxouverts, il aurait juré entendre le bruit atrocede la flèchequand elleavaittraversélajouedumalheureux.

Iln’oublieraitjamaiscesquelquesminutesterriblesdanslecimetière.

—Dis-moi quelque chose, implora Chuck pour la cinquième fois depuis qu’ils s’étaientinstallésdansleurssacsdecouchage.

—Non,réponditThomas.

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—Tout lemonde sait ce qui s’est passé. C’est déjà arrivé, tu sais, un tocard qui se faitpiquerparunGriffeur,quipètelesplombsetquisejettesurquelqu’un.Nevapascroirequetusoisspécial.

ThomastrouvaqueChuck,enplusd’êtreagaçant,devenaitfranchementinsupportable.

—Chuck,tuasdelachancequejen’aiepasl’arcd’Albysouslamain.

—Eh,jevoulaisjuste...

—Laferme,Chuck!Essaiededormir.

Thomasn’avaitvraimentaucuneenviedediscuterpourl’instant.

Auboutd’unmoment,son«copain»finitpars’endormir,etlesautresaussi,àencroirelesronflementsquirésonnaientdansleBloc.

Quelques heures plus tard, Thomas était le seul encore éveillé. Il aurait voulu pleurer,maisilseretint.IlauraitvouluallertrouverAlbyetlecogner,sansraison,maisilseretint.Ilauraitvouluhurler,ruer,cracher,ouvrirlaBoîteetsauterdansletrou,maisilseretint.

Il ferma les yeux, refoula les images et les idées noires qui l’assaillaient, et finit pars’endormiràsontour.

*

Le lendemain matin, Chuck dut arracher Thomas de son sac de couchage et le traînerjusqu’auvestiaire.Thomasse laissa fairemollement,enproieà lamigraineetnesongeantqu’à retourner se coucher. Le petit déjeuner passa comme un rève; une heure plus tard,Thomas ne se souvenait même plus de ce qu’il avait mangé. Il avait l’impression quequelqu’unluitapaitdirectementsurlecerveau.

Hélas,d’aprèscequ’ilavaitcrucomprendre, lessiestesétaient trèsmalvuesauBloc,oùtoutlemondetravaillaitdur.

IlsetenaitavecNewtdevantlagrangedel’abattoir,prêtàdébutersapremièreséancedetravail sous les ordres d’un maton. Malgré son réveil difficile, il était excité à l’idéed’apprendrequelquechose,etaussid’oublierBenetlecimetière.

Les vachesmeuglaient, lesmoutons bêlaient et les porcs couinaient tout autour de lui.Nonloindelà,unchienaboya,et

Thomas se prit à espérer que Poêle-à-frire n’avait pas l’intention de donner unesignificationnouvelleauxmots«hotdog».«Unhotdog,songea-t-il.Quandest-cequej’enaimangéunpourladernièrefois?Etavecqui?»

—Oh,Tommy,tum’écoutes?

Thomass’arrachaàsarêverieetseconcentrasurNewt,quiluiparlaitdepuisunbonboutdetemps;iln’avaitpasretenuunseulmotdesondiscours.

—Euh,oui,désolé.Jen’aipratiquementpasfermél’œildelanuit.

Newtgrimaçaunsourire.

— On ne peut pas te le reprocher. Tu as passé un sale quart d’heure, hier. Tu doismeprendrepouruntocard,devouloirtefairetrimeraprèsunépisodepareil.

Thomashaussalesépaules.

—C’estprobablementcequej’aidemieuxàfairepourpenseràautrechose.

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Newthochalatête,unvraisourireauxlèvres.

—Tuesunmalin,Tommy.C’estpourçaqu’onveilleàcequetoutlemondetravailleici.Ceuxquiselaissentallercommencentàdéprimeretbaissentlesbras.C’estaussisimplequeça.

Thomasacquiesçaenshootantmachinalementdansuncaillou.

—Commentvalafille?

Siquelquechoseavaitpénétrélebrouillarddecettelonguematinée,c’étaitbienl’imagedelafille.Ilvoulaitensavoirplusàsonsujet,etcomprendrel’étrangelienquilesunissaittouslesdeux.

—Toujoursdanslecoma.Elledort.Poêle-à-frireluipréparedessoupesquelesmedjacksluidonnentàlapetitecuillère.Elleal’aird’allerbien,sinon.

—C’estvraimentbizarre.

Thomasétaitconvaincuque,sansl’agressionetlamortdeBenaucimetière,ilauraitpenséà la jeune fille toute la nuit. Il aurait voulu savoir qui elle était et s’ils se connaissaientvraiment.

—Oui,admitNewt,jecroisque«bizarre»estlemot.

Thomaschassalafilledesonespritetregardapar-dessusl’épauledeNewtlagrangeauxmursrougedélavé.

—Alors,parquoioncommence?Partrairelesvaches,ouparzigouillerlespetitscochons?

Newtrit,etThomasserenditcomptequec’étaitlepremierrirequ’ilentendaitdepuissonarrivée.

—Lesnouveauxcommencenttoujoursparunstagechezlestrancheurs.Net’inquiètepas,la découpe de la viande pour Poêle-à-frire n’est qu’un aspect du boulot. Les trancheurss’occupentdetoutcequiaunrapportaveclebétail.

—Dommagequejenemerappelleriendemonanciennevie.Siçasetrouve,j’adoraistuerlesanimaux.

Il voulait plaisanter, mais Newt ne parut pas sensible à son humour. Il lui indiqua lagrangedumenton.

—Tuserasbientôtfixé.Viens,jevaisteprésenterWinston;c’estluilematon.

*

Winston était un garçon couvert d’acné, petit et râblé, qui semblait beaucoup tropapprécier son boulot. « On l’a peut-être envoyé ici parce que c’était un tueur en série »,songeaThomas.

Durantlapremièreheure,Winstonluiprésentalesanimauxetluifitdécouvrirlagrange.Lechien,unlabradornoirdunomdeBrailleur,pritThomasenaffectionetrestacolléàsesbasquesduranttoutelavisite.QuandThomasluidemandad’oùilsortait,Winstonréponditquelechienétaitlàdepuisledébut.Onavaitdûl’appelercommeçapardérision,parcequ’ilétaitplutôtcalme.

La deuxième heure se passa au contact des bêtes : les nourrir, les panser, réparer unebarrière,ramasserleplonk.Leplonk.Thomass’aperçutquel’argotduBlocluidevenaitpeuà

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peufamilier.

Latroisièmeheurefutlapluspénible.ThomasdutregarderWinstonégorgeretdépecerunporcpour lacuisine.Ens’éloignantpour lapausedemidi,Thomassepromitdeuxchoses :d’abord,qu’ilnedeviendraitpasuntrancheur ;etensuite,qu’iln’avalerait jamaisplusrienquiprovienned’uncochon.

Winston lui avait dit de partir sans l’attendre, car il comptait rester encore un peu àl’abattoir.CelaconvenaittoutàfaitàThomas.Cegars-làluidonnaitfroiddansledos.

Il passait devant la Boîte quand il eut la surprise de voir un coureur déboucher duLabyrinthepar laporteouest:unAsiatiqueauxbrasmusclés et aux cheveuxbruns coupéscourt,quisemblaitunpeuplusâgéquelui.LegarçonfittroispasdansleBlocpuiss’arrêta,pliéendeux,lesmainssurlesgenoux,essoufflé.Avecsonvisageempourpréetsesvêtementstrempésdesueur,onauraitditqu’ilvenaitdecourirunmarathon.

Thomasledévisagea,dévoréparlacuriosité.C’était lapremièrefoisqu’ilavait l’occasiondeparleràuncoureur.Etpuis,àenjugerparcequ’ilavaitpuconstaterdepuisdeuxjours,celui-làrentraitdebonneheure.Thomass’avança,biendécidéàluiposerdesquestions.

Maisavantqu’ilaiteuletempsd’ouvrirlabouche,legarçons’écroulasoussesyeux.

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Chapitre12Thomas demeura pétrifié pendant quelques secondes, ne sachant pas s’il devait

s’approcher.Etsilegarçonavaitunsérieuxproblème?S’ilavaitété...piqué?Etsi...?

Thomassesecoua;detouteévidence,lecoureuravaitbesoind’aide.

—Alby!cria-t-il.Newt!Quequelqu’unailleleschercher!Ilpiquaunsprintjusqu’augarçonets’agenouillaauprèsdelui.

—Hé...çava?

Le coureur, la tête au creux du bras, respirait bruyamment. Il était conscient, mais ilsemblaitépuisé.

—Je...jevaisbien,haleta-t-ilenreprenantsonsouffle,avantdeleverlesyeux.Ettoi,tuesqui,tocard?

—Jesuisnouveauici.

Thomasserenditcomptealorsquelescoureurs,étantdansleLabyrinthetoutelajournée,n’avaientpaspuassisterauxderniersévénements.Cegarsétait-ilaucourantpourlafille?Sansdoutequ’onluienavaitparlé.

—Jem’appelleThomas.Jesuisarrivéilyadeuxjours.

Lecoureurseredressaenpositionassise.Sescheveuxnoirsétaientpoissésdesueur.

— Ah oui, Thomas, souffla-t-il. Le nouveau. Toi et la fille. Alby s’approcha au pas degymnastique,visiblementinquiet.

—Qu’est-cequetufaislà,Minho?Ils’estpasséuntruc?

—Relax,Alby,rétorqualecoureurquisemblaitreprendredesforces.Rends-toiplutôtutileetvamechercherdel’eau,j’ailaissétombermonsaclà-dehors.

Albyfitminedenepasavoirentendu.IlflanquauncoupdepieddansletibiadeMinho-tropfortpourquecesoitamical.

—Qu’est-cequis’estpassé?

—Jepeux à peineparler, guignol ! s’écriaMinhod’une voix enrouée.Vame chercher àboire!

Albyjetauncoupd’œilàThomas.Il luiadressaunbrefsourirequis’effaçaaussitôtsousunairsévère.

—MinhoestleseultocardquipeutmeparlersurcetonsanssefairebalancerduhautdelaFalaise.

Surquoi,iltournalestalonsetpartitaupasdecourseverslaferme.Thomasn’enrevenaitpas.

IlsetournaversMinho.

—Iltelaisseluidonnerdesordres?

Minhohaussalesépaules,puiss’essuyalefrontd’unreversdemain.

—Quoi,tuaspeurdecettegrandegueule?Vafalloirt’endurcirunpeu.Sacrésnouveaux...

CettepiquevexaThomasplusqu’ellen’auraitdû,comptetenudufaitqu’ilneconnaissait

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cegars-làquedepuistroisminutes.

—Jecroyaisquec’étaitlechef?

—Lechef? (Minhopoussaungrognement sarcastique.)Oui, tupeux l’appeler chef si tuveux.Oupeut-êtremêmeElPrésidente.Ou,encoremieux,l’amiralAlby.Ça,c’estbien.

Ilsefrottalesyeuxenricanant.

Thomasnesavaitplusquoipenser.Iln’auraitpassudiresiMinhoétaitsérieuxounon.

—Alorsquiestlechef,sicen’estpaslui?

—Quand on ne comprend rien, on la ferme, le bleu. (Minho soupira, puis continua enmarmonnantdanssabarbe.)

Pourquoitouslestocardsquis’amènenticiposenttoujourslesmêmesquestionsdébiles?C’estsoûlant.

— Qu’est-ce que tu voudrais qu’on fasse, alors? riposta Thomas, qui commençait às’énerver.

— Que vous écoutiez ce qu’on vous dit en évitant de vous la ramener. Voilà ce que jevoudrais.

Minhol’avaitregardéenfacepourlapremièrefois,etThomaseutunmouvementdereculmalgrélui.Ilcompritaussitôtqu’ilavaitcommisuneerreur:l’autrenedevaitpass’imaginerqu’ilpouvaitluiparlercommeça.

Ilseredressasurlesgenouxdemanièreàtoiserlegarçon.

—Oui,jesuissûrquec’estexactementcequetuasfaitquandc’étaittoilenouveau.

Minholedévisageaavecattention,puisdéclara:

—J’aiétél’undespremiersblocards,têtedepioche.Fermeunpeutonclapettantquetunesaispasdequoituparles.

Thomas, demoins enmoins intimidé et surtout fatigué d’être pris pour un imbécile, selevapourpartir.Minholeretintparlebras.

—Assieds-toi,mec.Je te faismarcher,c’est tout.C’est tropmarrant.Tuverras,quand leprochainnouveau...(Ils’interrompit,lefrontbarréd’unplisoucieux.)Saufqu’iln’yauraplusdenouveau,pasvrai?

Thomassedétenditets’assit,surprisparcebrusquechangementd’attitude.Ilrepensaàlafilleavecsonbilletquilesprévenaitqu’elleseraitladernière.

—J’imaginequenon.

Minhol’examinaentresespaupièresplissées.

—Tuasvulafille,hein?Toutlemondeal’airdecroirequetulaconnais.

Thomasfutaussitôtsurladéfensive.

—Jel’aivue,maisjen’aipasl’impressionqu’onseconnaisse.

Ilsesentitcoupabledementir,mêmesicen’étaitpasungrosmensonge.

—Elleestmignonne?

Thomashésita.Ilnepensaitpasàelleencestermesdepuisqu’elles’étaitredressée,sonmessageàlamain,endéclarant:«Toutvabientôtchanger.»Maisilsesouvintàquelpointill’avaittrouvéebelle.

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—Plutôtmignonne,oui.

Minhoselaissaretombersurledos,lesyeuxclos.

—J’enétaissûr.Àconditiond’aimerlesfillesdanslecoma,évidemment.

Ilricana.

—Évidemment.

Thomas avait bien du mal à déterminer s’il appréciait Minho ou non ; sa personnalitésemblaitchangerd’uneminuteàl’autre.Auboutd’unlongmoment,ilserisquaàdemander:

—Alors...tuastrouvéquelquechosed’intéressant,aujourd’hui?

Minhoouvritgrandlesyeux;sonregardseposasurThomas.

— Tu sais quoi ? D’habitude, c’est la question la plus débile qu’on puisse poser à uncoureur.(Ilrefermalesyeux.)Maispasaujourd’hui.

—Commentça?demandaThomas,toutexcité.

«Uneréponse,songea-t-il.Enfinuneréponse,s’ilvousplaît!»

—Attendonsleretourdel’Amiral.J’aihorreurdemerépéter.Enplus,iln’aurapeut-êtrepasenviequetusoisaucourant.

Thomassoupira.Iln’étaitpassurpris.

—Danscecas,dis-moiaumoinspourquoituasl’airaussifatigué.Tucourstouslesjours,non?

Minhoseredressaengrognantets’assitentailleur.

—Oui, lebleu, tous les jours.Disonsque jemesuisunpeuexcitéetque j’aicouruplusvitequed’habitude.

—Pourquoi?insistaThomas,désespérémentavided’enapprendredavantagesurcequisepassaitdansleLabyrinthe.

Minholevalesmains.

—Jetel’aidit,mec,patience!Onattendl’amiralAlby.

LetondesavoixadoucitladéceptiondeThomas;ildécidaqu’ilaimaitbienMinho.

—C’estbon,jelaboucle.Maisassure-toiqu’Albymelaisseécouterlesnouvelles.

Minholedévisageauneseconde.

—D’accord,lebleu.C’esttoi,lepatron.

Alby revint quelques instantsplus tard avecun grand gobelet enplastique rempli d’eau.Minholeluipritdesmainsetlevidad’untrait.

—Bon,ditAlby,jet’écoute.Qu’est-cequ’ilya?

Minhohaussalessourcils,avecuncoupdementonendirectiondeThomas.

—Net’enfaispaspourcetocard,repritAlby.Tupeuxparlerdevantlui,jem’enfiche.

Thomas prit son mal en patience tandis que Minho se levait en grimaçant à chaquemouvement.Toutdanssonattitudecriaitsafatigue.Lecoureurs’appuyacontrelemuretlesdévisageafroidementl’unetl’autre.

—J’aitrouvéuncadavre,annonça-t-il.

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—Hein?s’exclamaAlbyUncadavredequoi?

Minhosourit.

—UncadavredeGriffeur.

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Chapitre13Albyavaitl’airincréduledeceluiàquionvientd’apprendrequ’ilpeutsefairepousserdes

ailesets’envoler.

—Jenesuispasd’humeuràrigoler,prévint-il.

—Écoute,répliquaMinho,àtaplacejeseraissceptique,moiaussi.Maistupeuxmecroire,j’enaivraimenttrouvéun.Ungros,enplus!

«Çan’estjamaisarrivéavant»,songeaThomas.

—TuastrouvéunGriffeurmort...,répétaAlby.

—Oui,Alby,s’impatientaMinho.Àtroiskilomètresd’icienviron,prèsdelaFalaise.

AlbyregardaleLabyrinthe,puisMinho.

—OK...maispourquoitunel’aspasramenéavectoi?

Minhoeutunpetitrire,entrelegrognementetlegloussement.

—Tuasforcésurlabibineouquoi?Cesmachinsdoiventpeserunedemi-tonne,mec.Detoutefaçon,necomptepassurmoipourytoucher.Mêmesionm’offraitunbilletdesortiepourpartird’ici.

Albyinsista.

— De quoi il avait l’air? Ses piquants étaient rentrés ou sortis ? Est-ce qu’il bougeaitencore?Est-cequesapeauétaitencoreluisante?

ToutessortesdequestionssepressaientdanslatêtedeThomas.Pourtant,iltintsalangue.Il ne voulait pas leur rappeler sa présence et risquer qu’ils décident de poursuivre ladiscussionenprivé.

—Ilfaudraitquetuvoiesçapartoi-même,réponditMinho.C’est...bizarre.

—Bizarre?

Albysemblaitperplexe.

—Écoute, jesuiscrevé, j’ai faimet lesoleilme tapesur lecrâne.Maissi tuveuxyallertoutdesuite,ondoitpouvoirfairel’aller-retouravantlafermeturedesmurs.

Albyconsultasamontre.

—Mieuxvautattendredemain.

—Ça,c’estlaréflexionlaplusintelligentedelasemaine,approuvaMinho.

Il s’écarta dumur, décocha àAlbyunpetit coup sur le bras puis partit vers la ferme enboitant.Ilsemblaitavoirmalpartout.Illeurlançapar-dessussonépaule:

— Je devrais retourner dehors,mais tu parles ! je vais plutôt aller taper un peu dans leragoûtdePoêle-à-frire.

Thomasressentitunecertainedéception.Minhoavaitsansdoutebienméritédesereposeretdemangerunmorceau,maisilauraittellementvouluenapprendredavantage.

Albysetournaversluietlesurpritenluidisant:

—Situsaisquelquechoseetquetunemeledisespas...

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Thomascommençaitàenavoirassezd’êtreaccusésansarrêt.

Ilregardal’autrebienenfaceetluidemandaavecfranchise:

—Pourquoitumedétestesàcepoint?

Dansl’expressiond’Albysemêlaientlaperplexité,lacolèreetlechoc.

—Tedétester?Mec,tun’asvraimentrienapprisdepuisquetuessortidelaBoîte!Çan’arienàvoiraveclahaine,l’amour,l’amitié...Laseulechosequicompte,c’estdesurvivre.Alorsarrêtedejouerleschochottesetfaisfonctionnerunpeutoncerveau!

Thomaseutl’impressiond’avoirétégiflé.

—Mais...tun’arrêtespasdem’accuser...

— Parce que je ne crois pas aux coïncidences, tête de pioche! Tu débarques ici, et lelendemain,c’estletourdelafilleavecsonbillet.Après,Benessaiedetemordreetontrouvelecadavred’unGriffeur.Jenevaispasresterassislesbrascroisésjusqu’àcequejedécouvrecequisepasse.

—Jenesais rien,Alby.Jenesaismêmepasoù j’étais ilya trois jours,etencoremoinspourquoiMinhoesttombésurlecadavre.Alors,lâche-moi!

AlbysepenchalégèrementenarrièreenregardantThomasd’unairabsent.Puisildit:

— Tranquille, gamin. Il va falloir grandir un peu et te mettre à réfléchir. Personne net’accuse de quoi que ce soit. Mais si tu te rappelles quelque chose, si tu as la moindreimpressiondedéjà-vu,tuasintérêtàm’enparlertoutdesuite.Promets-le-moi!

« Quand j’aurai retrouvé la mémoire, songea Thomas. Et seulement si j’ai envie de temettreaucourant.»

—D’accord,jeveuxbien,mais...

—Promets-le-moi!

Thomashésita,dégoûtéparl’attituded’Alby.

—C’estbon,capitula-t-il.Tuasmaparole.

Là-dessus,Albytournalestalonsets’éloigna.

— Thomas se trouva un bel arbre à Torée du bois, qui donnait beaucoup d’ombre. PasvraimentpressédereprendreletravailauprèsdeWinstonleBoucher, ilavaitsurtoutenviederesterseulunmoment.Deplusc’était l’heuredudéjeuner.Adosséautronc, ilpriapourqu’unebriseselèvemaisiln’yavaitpaslemoindresouffledevent.

IlvenaitàpeinedefermerlespaupièresquandChucktroublasatranquillité.

— Thomas! Thomas! cria le garçon en courant vers lui, très agité, le visage brillantd’excitation.

Thomas se frotta les yeux en gémissant; il aurait donné n’importe quoi pour faire unesieste d’une demi-heure. C’est seulement quand Chuck s’arrêta devant lui, hors d’haleine,qu’ilconsentitenfinàleverlatête.

—Oui?

Chuckluiannonçalanouvellemotàmot,entredeuxrespirationshaletantes.

—Ben...Ben...n’est...pas...mort.

ToutetracedefatiguedisparutaussitôtchezThomas.Ilbonditsursespiedsetseretrouva

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nezànezavecChuck.

—Quoi?

—Il...estencore...envie.Lescoffreursontvoululerécupérer...laflèchen’avaitpastouchélecerveau...lesmedjacksl’ontretapé!

Thomassetournaverslebois,danslequellemaladel’avaitattaqué.

—Turigoles?Jel’aivu...

Thomas éprouvait unmélanged’émotions contradictoires: soulagement, confusion, peurd’unenouvelleagression...

—Ehbien,moiaussi,rétorquaChuck.Pourtant,ilestenferméaugnouf,avecunénormepansementquiluicachelamoitiéduvisage.

Thomasluifitface.

—Augnouf?

— Tu sais, la prison. Au nord de la ferme. (Chuck indiqua la direction.) Comme on l’aboucléaussivite,lesmedjacksontdûlesoignerlà-bas.

Thomassefrottalesyeux.Ilressentituneintenseculpabilité:ilavaitétésoulagéqueBensoitmort,desavoirqu’iln’auraitplusjamaisàl’affronter.

—Qu’est-cequelesautrescomptentfairedelui?

— Lesmatons se sont réunis cematin; leur décision a été unanime, apparemment. J’ail'impressionqueBenvaregretterquelaflèchel’aitraté.

Thomasplissalespaupièresavecperplexité.

—Commentça?

—Ilserabannicesoir,pouravoiressayédetetuer.

—Banni?Qu’est-cequeçaveutdire?

Thomas n’avait pu s’empêcher de poser la question. Ça ne devait pas être trèsencourageantsiChuckestimaitquec’étaitpirequelamort.

Chuckneréponditpas;ilsecontentadesourire,malgrél’annonceinquiétantequ’ilvenaitdefaire.Legarçonpartitencourant,sansdoutepourraconterlanouvelleàunautre.

*

Lesoirvenu,NewtetAlbyconvoquèrenttouslesblocardsàlaporteest,environunedemi-heureavantsafermeture,alorsquelespremièresombresducrépusculeserépandaientdansleciel.Lescoureursétaientrentrésets’étaientenfermésdanslamystérieusesalledescartes,enclaquantlaportederrièreeux;Minholesyavaitprécédés.Albyleuravaitdemandédesedépêcher,parcequ’ilvoulaitqu’ilssoienttousrevenusvingtminutesplustard.

Thomas n’avait pas encore digéré le sourire de Chuck quand il lui avait appris lebannissement de Ben. Il ne savait pas exactement en quoi consisterait ce châtiment,maiscelaneluidisaitrienquivaille.Surtoutmaintenantqu’ilsétaienttousréunisàquelquespasdu Labyrinthe. « Ils ne vont quandmême pas le jeter dehors, aumilieu desGriffeurs ? »songea-t-il.

Lesautresblocardsdiscutaientàvoixbasse.Thomas,lesbrascroisés,nedisaitpasunmot.Il attendait que le spectacle commence. Il resta immobile jusqu’à ce que les coureurs

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ressortentde leurbâtiment, visiblement épuisés, encoreperdusdans leurspensées.Minhofutlepremieràapparaître.Thomassedemandas’iln’étaitpaslematondescoureurs.

—Amenez-le!criaAlby,l’arrachantàsesréflexions.

Thomas,laissantretombersesbraslelongducorps,chercha

Bendesyeuxàtravers leBloc,gagnépar l’appréhension.Queferait legarçonquandil leverrait?

Troisdesblocardsparmilespluscostaudsémergèrentdel’arrièredelaferme,entraînantBensurlesol.Lepauvreétaitenhaillons;unépaisbandage,tachédesang,luienveloppaitlatêteetlamoitiéduvisage.Refusantdeposerlepiedparterrepouraidersesgeôliers,ilavaitl’airaussimortqueladernièrefoisqueThomasl’avaitvu.Àundétailprès.

Ilavaitlesyeuxécarquillésdeterreur.

—Newt,murmuraAlby,apportelaperche.

Newthochalatêteetsedirigeaaussitôtverslacabaneoùl’onrangeaitlesoutilsdujardin.Detouteévidence,ils’attendaitàcetordre.

ThomasramenasonattentionsurBen.Lemalheureuxnecherchaitmêmepasàrésister.Quand ils rejoignirent la foule, lesgardiens redressèrentBendevantAlby, leur chef, tandisqueBeninclinaitlatête,refusantdecroiserlemoindreregard.

—Tul’asbiencherché,Ben,déclaraAlby.

Puisilhochalatêteetsetournaverslacabaneàoutils.

Thomas suivit son regard juste à temps pour voir Newt en ressortir. Il tenait plusieurstubesd’aluminium,quis’encastraientlesunsdanslesautrespourformeruneperchedesixouseptmètresdelong.Quandileutterminédelesassembler,ilempoignauncurieuxobjetàuneextrémitéetrevintverslegroupeentraînantletoutderrièrelui.LetintementmétalliquedelaperchesurlesdallesarrachaunfrissonàThomas.

Toutecetteaffairel’horrifiait.Ilnepouvaitpass’empêcherdesesentirresponsable,mêmes’iln’avaitrienfaitpourprovoquerBen.Maislaculpabilitéétaitlà,commeunemaladiedanssonsang.

Newt s’arrêta devant Alby et lui remit la perche. Thomas put enfin distinguer ce qui setrouvait à son extrémité: une boucle en cuir, fixée aumétal par un rivet. Un gros fermoirpermettaitdel’ouvriretdelarefermer.Safonctionétaitévidente.

Ils’agissaitd’uncollier.

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Chapitre14ThomasregardaAlbyouvrirlecollierpuislefixeraucoudeBen.Cedernierlevaenfinles

yeux quand le fermoir claqua avec un bruit sec. Des larmes brillaient dans ses yeux. Lesblocardsl’observaientsansunmot.

— S’il te plaît, Alby, implora Ben d’une voix si tremblante que Thomas ne pouvait pascroirequec’étaitlemêmegarçonquiavaittentédeluiouvrirlagorgeavecsesdents.C’étaitàcausedelaTransformation,jetelejure.Jenel’auraisjamaistué.J’aipétélesplombsdurantuneseconde,c’esttout.Jet’enprie,Alby,jet’ensupplie.

ChacundesesmotsfrappaitThomascommeuncoupdepoingdansleventre,renforçantsaculpabilitéetsaconfusion.

Sansrépondre,Albytirasurlecollierafindes’assurerqu’ilétaitbienfermé.Ils’éloignadeBen en faisant glisser sa main sur toute la longueur de la perche. Parvenu au bout, ill’empoigna fermement et se tourna face à la foule, les yeux injectés de sang, le visagedéforméparlacolère,lesoufflecourt.Thomasluitrouvatoutàcoupunairmaléfique.

Alby prit la parole d’une voix grave, presque cérémonieuse, s’adressant à tout lemondesansregarderpersonneenparticulier.

— Ben des bâtisseurs, tu es condamné au bannissement pour avoir tenté d’assassinerThomas.Lesmatonsont rendu leur verdict, et leurdécision est irrévocable.Tunepourrasplusrevenirparminous.Jamais.(Ilmarquaunelonguepause.)Matons,venezprendreavecmoilaperchedubannissement!

Thomass’irritadecelienétablienpublicentreBenetlui...aveclaresponsabilitéquecelafaisait peser sur lui. Se retrouverdenouveau au centrede l’attention généralen’éveilleraitque de nouveaux soupçons. Sa culpabilité se changea en colère. Il ne voulait plus qu’unechose:queBendisparaisse,etqu’onenfinisse.

Un à un, plusieurs garçons sortirent des rangs et s’avancèrent vers la perche; ilsl’empoignèrentàdeuxmains,commepourunjeudetiràlacorde.Newtétaitparmieux,ainsiqueMinho,confirmantàThomasqu’ilétaitbienlematondescoureurs.WinstonleBoucherlesrejoignitégalement.

Quandilsfurenttousenplace-dixmatonsàintervallesréguliersentreAlbyetBen-,ungrand calme s’abattit sur leBloc.Onn’entendaitplusque lespleurnichementsdeBen,quis’essuyait lenez et les yeux. Il jetait des regards affolés à gauche et àdroite, tandis que lecollierl’empêchaitdeseretournerpourvoirlapercheetlesmatons.

Les sentiments de Thomas évoluèrent. Quelque chose ne tournait pas rond chez Ben,c’était évident.Avait-il vraimentmérité sonsort?N’aurait-onpaspuessayerde le soigner?Thomasallait-ilpasserlerestantdesesjoursàs’envouloir?

—Pitié!hurlaBenendésespoirdecause.Jevousensupplie,aidez-moi!Vousnepouvezpasmefaireça!

—Tagueule!rugitAlby.

MaisBenl’ignoraetcontinuasessupplicationstoutenessayantdedétachersoncollier.

—Ausecours!Aidez-moi,s’ilvousplaît!

Ilregardaitsesancienscompagnonsavecdesyeuximplorants.Toussedétournèrentdelui.

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Thomas se rangea vivement derrière un garçon plus grand que lui pour s’épargner laconfrontationavecBen.«Pasquestiondecroisersonregardencoreunefois»,sedit-il.

— Si on avait laissé des tocards comme toi commettre ce genre de trucs, lançaAlby, onn’auraitjamaissurvécusilongtemps.Matons,préparez-vous!

—Non,non,non,marmonnaitBen.Jevous jureque jene le feraiplus.Plus jamais !Jevousenprie...

Soncriaigufutcouvertparlefracasdelaporteentraindeserefermer.Lemurdedroitecoulissaverslagaucheavecungrondementcaverneuxenfaisantjaillirdesétincelles.LeBlocserefermaitpourlanuit...Lesoldepierretremblaitsousleurspieds,etThomassedemandas’ilauraitlaforced’assisteràlascènejusqu’aubout.

—Maintenant!criaAlby.

Lesmatonspoussèrent laperchevers leLabyrinthe,et la têtedeBenpartitenarrière. Ilcria plus fort que le bruit de la porte et se laissa tomber à genoux;mais lematon le plusproche,uncostaudauxcheveuxbrunsetauvisagegrimaçant,lerelevasansménagement.

—Non!hurlaBen,labaveauxlèvres,tandisqu’ilsedébat-taitentirantsursoncollier.

Cependant, la force desmatons, irrésistible, poussait le condamné hors du Bloc dont laporteétaitpresquerefermée.

—Non!répéta-t-il.Nooooon!

Il s’efforça de planter ses pieds sur le seuil, mais ne put résister qu’une fraction deseconde.LaperchelepropulsadansleLabyrintheavecunesecousse.Ilseretrouvaunmètrehors du Bloc, à se débattre furieusement avec son collier. Les murs de la porte étaientquasimentscellés.

Au prix d’un ultime effort, Ben parvint à pivoter pour faire face aux blocards. Les yeuxfous,leslèvresécumantes,lapeautenduesurlesveinesetlesos,iln’avaitpratiquementplusriend’humain.

—Tenezbon!criaAlby.

Benpoussaalorsunhurlementinterminable,siperçantqueThomassecouvritlesoreilles:un cri bestial, démentiel, qui avait sûrement dû lui déchirer les cordes vocales.Au derniermoment, lematon leplusprochedétacha l’ultime tronçonde laperche et ramena l’outil àl’intérieur du Bloc, abandonnant le pauvre garçon à son bannissement. Les criss’interrompirentquandlemurachevadecoulisserdansunterriblebruit.

Thomasfermalesyeux.Ildécouvritavecsurprisequ’ilavaitlesjouesinondéesdelarmes.

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Chapitre15Pour ladeuxièmenuitd’affilée,Thomassecouchahantépar l’imagedeBen.Vivrait-ilsa

situationautrementsileursroutesnes’étaientpascroisées?Thomasparvenaitpresqueàseconvaincre qu’il serait heureux, très excité par l’apprentissage de sa nouvelle existence,concentrésursonobjectifdedevenircoureur.Presque...Car,aufonddelui,ilsavaitbienqueBennereprésentaitquel’undesesnombreuxproblèmes.

Àprésent,BenétaitbanniparmilesGriffeurs,quiavaientdûl’emporterdansleurtanièreet lui infliger le sort qu’ils réservaient à leurs proies.Malgré les nombreuses raisons qu’ilavaitdeluienvouloir,Thomasnepouvaits’empêcherdeleplaindre.

D’après lesatrocesderniersmomentsdeBen, ilnedoutaitplusde l’importancede cetterègle fondamentaleselon laquelleseuls lescoureurspouvaientsortirdans leLabyrinthe,etuniquementdans la journée.SansoublierqueBenavaitdéjàétépiqué,etqu’ilsavaitpeut-êtremieuxquequiconquecequil’attendait.

«Pauvregars»,songeaThomas.

Il frissonna et roula sur le côté. Plus il y réfléchissait, moins la carrière de coureurparaissaitséduisante.Etpourtant,inexplicablement,ellel’attiraittoujoursautant.

*

Le lendemainmatin, l’aube commençait à peine à colorer le ciel que les bruits du Blocl’arrachaient au sommeil le plus profond qu’il avait connudepuis son arrivée. Il s’assit, sefrottalesyeuxpouressayerdechassersonengourdissement;puisilrenonçaetserecouchaenespérantquepersonneneviendraitledéranger.

Çanedurapas.

Uneminuteplus tard, on le secouait par l’épaule.Quand il rouvrit les yeux, il découvritNewtpenchésurlui.«Quoiencore?»sedit-il.

—Debout,flemmard.

—C’estça,bonjour.Quelleheureest-il?

—Septheuresdumatin, lebleu, réponditNewtavecun souriremoqueur.Après tout cequetuassubicesdeuxderniersjours,jemesuisditquejepouvaistelaisserdormirunpeu.

Thomass’assit,trèscontrariédenepaspouvoirtraînerencoreuneheureoudeux.

—Tum’aslaissédormir?Vousaveztousdeshorairesdepaysans,ouquoi?

Les paysans, comment se faisait-il qu’il se rappelle autant de choses à leur sujet ?Décidément,sonamnésieluiréservaitbiendessurprises.

—Ehbien,maintenantquetuenparles...

Newt s’assit en tailleur à côté de lui. Il resta silencieuxunmoment, à regarder le va-et-vientdesblocards.

—J’ai l’intentionde temettreavec les sarcleurs,aujourd’hui.Pourvoir si ça teconvientmieuxquelecharcutagedespetitscochons.

Thomasenavaitplusqu’assezd’êtretraitécommeunbébé.

—Tunepourraispasarrêterdem’appelercommeça?

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—Quoi,petitcochon?

Thomassecoualatêteavecunsourireforcé.

— Non, « le bleu ». Je ne suis plus le nouveau, maintenant. C’est la fille. Moi, c’estThomas.

L’imagede la fille inanimées’imposaà luiet luiremitenmémoireson impressionde laconnaître.Latristessel’envahit,commesielleluimanquaitetqu’ilavaithâtedelarevoir.«C'estridicule,songea-t-il.Jeneconnaismêmepassonnom.»

Newthaussalessourcils.

—Mincealors!Tut’estrouvéunepairedecouillespendantlanuit?

Thomasl’ignoraetdemanda:

—C’estquoi,unsarcleur?

— Un gars qui se casse le cul à bosser dans le jardin, à biner, arracher les mauvaisesherbes,planterlesgrainesettoutça.

Thomashochalatête.

—Quiestlematon?

—Zart.Ungarssympa,saufpour les feignants.C’est lecostaudquisetenaitdevanthiersoir.

Thomasnerelevapas.LebannissementdeBenlemettaitmalàl'aise;ilpréférachangerdesujet.

—Pourquoitum’asréveillé?

—Quoi, tun’aimespas commencer la journée endécouvrantmonvisage amicalpenchésurtoi?

—Passpécialement.Alors...

Maisavantdepouvoirterminersaphrase,ilfutinterrompuparlegrondementdesportesquis’ouvraientpourlajournée.Ilsetournaverslaporteest,s’attendantpresqueàdécouvrirBendeboutdel’autrecôté.AulieudequoiilvitMinhoentraindes’étirer.Celui-cis’avançaetramassaquelquechose.

C’était l’extrémité de la perche avec le collier au bout.Minhone parut pas y prêter unegrandeattention ; il se contentade la jeter àunautre coureur, quipartit la rangerdans lacabaneàoutils.

Thomas, perplexe, se tourna vers Newt. Comment Minho pouvait-il se montrer aussinonchalant?

—Qu’est-ceque...?

—Iln’yaeuquetroisbannissements,Tommy.Tousaussipéniblesqueceluiauqueltuasassistéhiersoir.Etchaquefois,lesGriffeursontlaissélecolliersurlepasdelaporte.J’enaifroiddansledosrienqued’ypenser.

Thomasdutenconvenir.

—Quefont-ilsdeceuxqu’ilsattrapent?

Newthaussalesépaules.Iln’avaitpasenviedeluiraconter.

—Bon,alors,parle-moidescoureurs,suggéraThomas.

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Il voulait tout savoir à leur sujet.Même après la scènede la veille au soir,même aprèsavoirvuleGriffeuràtraverslecarreau,ilenavaitbesoin.

Newtledévisagead’unairsoupçonneux.

—Cesgars-làsontlesmeilleursd’entrenous.Toutreposesureux.

Ilramassauncaillou,lelançaetleregardaricochersurlesdalles.

—Pourquoitun’enespasun?

NewtramenavivementsonregardsurThomas.

—Je l’étais, jusqu’à ce que jemeblesse à la jambe il y a quelquesmois. Je neme suisjamaiscomplètementrétabli.

Ilsebaissapoursemasserd’ungestemachinallachevilledroite,avecunebrèvegrimace.Thomaseut l’impressionquesadouleurétaitduedavantageausouvenirqu’àuneséquellephysique.

—Commentest-cequetut’esfaitça?demandaThomas.

IlsedisaitqueplusilferaitparlerNewt,plusilapprendraitdechoses.

—EnvoulantéchapperauxGriffeurs,qu’est-cequetucrois?Ilsétaientàdeuxdoigtsdem’avoir.(Newtmarquaunepause.)Quandjepensequej’aifaillisubirlaTransformation,j’enaiencorefroiddansledos.

LaTransformation.C’étaitlesujetidéalpourtâcherd’obtenirdesréponses.

— Parle-moi de ça, tiens. Qu’est-ce qui se transforme ? Est-ce qu’on devient forcémentcinglé,commeBen?

—Benétaituncasextrême.Jecroyaisquetuvoulaisparlerdescoureurs?

Thomas comprit au tondeNewtqu’il valaitmieuxnepas insister.Ce refusd’aborder laquestionne fitquerenforcersacuriosité,mêmes’iln’étaitpasmécontentd’enrevenirauxcoureurs.

—D’accord,jet’écoute.

—Commejetel’aidit,cesgars-làsontlesmeilleurs.

—Commentsont-ilschoisis?Vousfaitespasserdesépreuvespourvoirquisontlesplusrapides?

Newtluijetaunregarddedégoûtavantdegrogner.

—Jetecroyaisplusmalinqueça,lebleu...ouTommy,commetupréfères.Lefaitdecourirviten’estqu’unaspectdelaquestion.Etpasleplusimportant.

—Commentça?

—Quandjedis«lesmeilleurs»,c’estdanstouslesdomaines.PoursurvivredanscefoutuLabyrinthe,ilfautêtreastucieux,rapideetfort.Ilfautsavoirprendredesdécisionsenunclind’œil,peserlesrisques.Iln’yapasdeplacepourlescasse-counilestimides.(Newtallongealesjambesets’appuyasurlesmains.)C’estl’enfer,là-dehors,tusais?Çanememanquepas.

—JecroyaisquelesGriffeursnesortaientquelanuit?

—Engénéral,oui.

—Alors,qu’ya-t-ildesiterribledansleLabyrinthe?

Qu’est-cequ’ilignoraitencore?

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Newtsoupira.

—Lapression. Le stress. Ladispositiondesmurs qui change tous les jours, alors qu’onessaiedes’enfaireuneimagementalepourtrouverlasortie.Lamémorisationdecesfoutusplans.Lepire,c’estqu’onn’estjamaissûrdepouvoirrevenir.Dansunlabyrinthenormal,ceseraitdéjàdur.Maisaveccelui-là,quisemodifietoutletemps,ilsuffitd’uneerreurpourseretrouverenfermédehorsaveclesbestioles.Cen’estpasunboulotpourlespetitestêtesoulesenfantsgâtés.

Thomas fronça les sourcils. Il ne comprenait pas sesmotivations. Surtout après la nuitdernière.Maisellesnefaiblissaientpas.Ilenavaitdesfourmisdanslesjambes.

—Pourquoitoutescesquestions?voulutsavoirNewt.

Thomashésita,rechignantàformulersonsouhaitàvoixhaute.

—Jeveuxdevenircoureur.

Newtledévisageabienenface.

—Çanefaitmêmepasunesemainequetueslà,tocard.Tuasdéjàenviedemourir?

—Jesuissérieux.

Celaparaissaitabsurde,mêmeàsesyeux,maisThomassesentaitsûrdelui.Enfait,sonenvie de rejoindre les rangs des coureurs était la seule chose qui le faisait tenir, qui luipermettaitd’acceptersonsort.

Newtcontinuaàlefixer.

—Moiaussi.Laisse tomber.Personnen’estdevenucoureurdès lepremiermois, encoremoinsdèslapremièresemaine.Tudoisd’abordfairetespreuves.Après,onterecommandeaumaton.

Thomasselevaetentrepritderoulersonsacdecouchage.

—Newt,jenerigolepas.Jenevaispasarracherdesmauvaisesherbestoutelajournée,jedeviendraiscinglé.Jenesaispascequejefaisaisavantdedébarquerici,maisjesensaufonddemoiquejesuisfaitpourêtreuncoureur.J’ensuiscapable.

Newtledévisagea.

—Personneneditlecontraire.Maisoubliepourl’instant.

—Mais...

—Écoute,Tommy,fais-moiconfiance.Situcommencesàraconterpartoutquetuestropfortpourfairelepaysan,quetutesensprêtàrejoindrel’éliteettoutça,tuvastefairepleind’ennemis.Laissetomber.

SefairedesennemisétaitbienladernièrechosequeThomasvoulait.Malgrétout,ildécidad’essayeruneautreapproche.

—Trèsbien,j’enparleraiàMinho.

—Bonnechance,tocard.Lescoureurssontélusparl’assembléedesmatons,etsitupensesquejesuiscoriace,eux,crois-moi,ilsvontterireaunez.

—Maisjepourraispeut-êtredevenirunexcellentcoureur.Onperddutempsàattendre.

NewtselevaàsontouretagitasondoigtsouslenezdeThomas.

—Écoute-moibien,lebleu.Ouvregrandtesoreilles,OK?

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Curieusement, Thomas ne se sentait pas du tout intimidé. Il leva les yeux au ciel, puishochalatête.

—Tuferaismieuxdegarderçapourtoiavantquetoutlemondesoitaucourant.Ici,çanefonctionnepascommeça,etnotresurvieàtousdépenddelabonnemarchedusystème.

Ilmarquaunepause.Thomasneditrien,redoutantlesermonquiallaitsuivre.

—L’ordre,continuaNewt.L’ordre!Répète-toicefoutumotencoreetencoredanstapetitetête.Cequinousévitedeperdrelaboule,ici,c’estdenousdéfoncerautravailetdemaintenirl’ordre. C’est pour ça que Ben s’est fait bannir: parce qu’on ne peut pas accepter que descingléssebaladentenessayantdemer lescopains.C’est fondamental. Iln’estpasquestionquemviennesbousillerça.

Thomascompritqu’ilnefallaitpasinsister.

—D’accord,bougonna-t-il.

Newtluidonnaunetapedansledos.

—Onvapasserunmarché,touslesdeux.

—Ahoui?ditThomas,reprenantespoir.

— Tu n’en parles plus à personne, et je te mets sur la liste des candidats dès que tucommencesàconnaîtretoutlemonde.

Situl’ouvres,parcontre,jeferaiensortequeçan’arrivejamais.Qu’est-cequetuendis?

Thomasdétestaitl’idéedepatientersanssavoirpourcombiendetemps.

—Ilpue,tonmarché.

Newthaussalessourcils.Thomasfinitparacquiescer.

—C’estbon,jemarche.

—Viens,allonsvoircequenousapréparéPoêle-à-frire.Enespérantqu’onnes’étouffepasavec.

*

Ce matin-là, Thomas rencontra enfin le fameux Poêle-à-frire. Le garçon était occupé ànourrirunearméedeblocardsaffamés.Àseizeansàpeine,ilétaitdéjàvelucommeunsinge,avec une vraie barbe et des poils drus qui s’échappaient de ses vêtements maculés denourriture.Çanesemblaitpaslegarslepluspropredumondepours’occuperd’unecuisine.Thomassepromitdeguetterlaprésencedepoilsnoirsdanssonassiette.

NewtetluivenaientderejoindreChuckàunetabledepique-niquedevantlacuisinequandun groupe de blocards se leva et partit d’un pas vif vers la porte ouest, en discutant avecanimation.

—Qu’est-cequisepasseencore?demandaThomas.

Sa nonchalance l’étonna lui-même. Les nouveaux événements faisaient partie de sa viedésormais.

Newthaussalesépaules.

— Ils vont assister au départ deMinho et Alby; ils veulent aussi jeter un coup d’œil aucadavreduGriffeur.

—Ah,fitChuckencrachantunpetitmorceaudebacon.J’avaisunequestionlà-dessus.

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—Oui,Chuckie?lançaNewtsuruntonsarcastique.Vas-y,posetafoutuequestion.

Chuckseplongeadansuneprofonderéflexion.

—OnatrouvéuncadavredeGriffeur,c’estça?

—Oui,réponditNewt.Onestdéjàaucourant.

Chucktapotamachinalementlatableavecsafourchette.

—Quiabienputuercettesaleté?

«Excellentequestion»,pensaThomas.Ilattenditlaréponse,envain.Detouteévidence,Newtn’enavaitpaslamoindreidée.

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Chapitre16Thomaspassa lamatinéeencompagniedumatondu jardinà«sedéfoncerau travail»,

comme aurait dit Newt. Bien que Zart ne soit pas un bavard, il donna suffisammentd’indications à Thomas pour que celui-ci puisse se débrouiller. Arracher les mauvaisesherbes, tailler un abricotier, planter des courges et des courgettes, ramasser les légumes...toutçaneluiplaisaitpasbeaucoup.D’unemanièregénérale,ilnesympathisaguèreaveclesautressarcleurs,maiscen’étaitpasaussiterriblequeletravailàl’abattoirsouslesordresdeWinston.

Zart et luinettoyaientune rangéede jeunespoussesdemaïsquandThomas se risquaàengagerlaconversation.Cematonsemblaitbeaucoupmoinssévèrequelesautres.

—Euh,Zart?commença-t-il.

Lematonlevalatêteverslui,puisrepritsontravail.Avecsespaupièrestombantesetsonvisageétroit,ildonnaitperpétuellementl’impressiondes’ennuyer.

—Oui,lebleu,qu’est-cequetuveux?

—Combienya-t-ildematonsentout?demandaThomas,enaffectantdenepasyattacherd’importance.Etquellessontlesoccupationspossibles?

—Ehbien, tuas lesbâtisseurs, les torcheurs, lescoffreurs, lescuistots, lescartographes,les medjacks, les sarcleurs et les trancheurs. Et les coureurs, évidemment. Plus quelquesautres,sansdoute.Maisjem’intéressesurtoutàmapartie.

Certainsdecestermesnes’expliquaientpasd’eux-mêmes.

—Lestorcheurs?

ThomassavaitqueChuckenétaitun,maislegarçonnevoulaitpasenparler.

—Cestocardstoutjustebonsàpasserlaserpillière...Ilsnettoientlestoilettes,lesdouches,lacuisine,l’abattoir...tout,quoi.J’aipasséunejournéeaveceux.Jepeuxtedirequeçam’acoupél’enviedecontinuerdanscettevoie.

ThomaséprouvaunepointederemordsensongeantàChuck;ilétaitdésolépourlui.Lepauvre aurait voulu être ami avec tout lemonde,mais personnene semblait l’appréciernimêmefaireattentionàlui.Certes,ilétaitbavardets’emballaitunpeuvite.ToutefoisThomasn’étaitpasmécontentdepouvoircomptersurlui.

—Etlessarcleurs?demanda-t-ilenarrachantunegrossetouffed’herbeenmêmetempsqu’unemottedeterreaccrochéeauxracines.

Zarts’éclaircitlagorgeet,toutencontinuantsontravail,répondit:

—Nousfaisonslegrosœuvredanslejardin.Nouscreusonslesfossés,toutça.Lerestedutemps,nousnousoccuponsailleursdans leBloc.En fait, laplupartdesblocards cumulentplusieursfonctions.Onnetel’avaitpasdit?

Thomasignorasaquestionetcontinua,bienrésoluàobtenirleplusderéponsespossible.

— Et les coffreurs ? Je sais qu’ils s’occupent des morts, mais il ne doit pas y en avoirsouvent,non?

— Ce sont les gros bras du Bloc. Ils jouent aussi les gardiens, les flics. On les appellecommeçapardérision.Amuse-toibienlejouroùilstechopent,monpote!

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Pourlapremièrefois,Thomasl’entenditrire;iltrouvaçaplutôtsympathique.

Ilavaitencorebiendesquestions.Chucketlesautresblocardsrefusaientdeluirépondre.Et voilà que Zart se montrait tout à fait disposé à satisfaire sa curiosité. Mais soudain,Thomasn’eutplusenviedeparler.L’imagedelafillevenaitdeluirevenirentête,commeça,ainsiquecelledeBen,etilpensaitaussiàlamortduGriffeurquiauraitdûêtreunebonnenouvellemaisquetourlemondesemblaitconsidérercommedemauvaisaugure.

Décidément,sanouvelleexistencen’étaitpasrose.

Ilpoussaunlongsoupir.«Travaille»,sedit-il.Etilredoublad’efforts.

*

Quandvint enfin lapausede l’après-midi,Thomasétait aubordde l’épuisement: toutesces heures, courbé ou à genoux dans les sillons, l’avaient achevé. L’abattoir et les jardins,deuxessaisaussipeuconcluantsl’unquel’autre.

« Coureur. Je veux devenir coureur », songea-t-il. Aussi absurde que cela paraisse, sarésolutionnefaiblissaitpas.

Ereinté,courbatu,ilserenditàlacuisinepouravalerunmorceauetboireunverred’eau.Il auraitpuengloutirun repasentier,bienqu’il aitdéjeunédeuxheuresplus tôt.Même leporcredevenaitappétissant.

Il croquadansunepomme, puis se laissa tomber commeun sac à côté deChuck.Newtétaitlà,assisdansuncoin,sansprêterattentionàpersonne.Ilavaitlesyeuxinjectésdesanget le front barré d’un pli soucieux. Thomas le regarda se ronger les ongles, chose qu’il nel’avaitencorejamaisvufaire.

Chuckleremarqualuiaussi.

—Qu’est-cequ’ila?chuchota-t-il.OndiraittoiquandtuessortidelaBoîte.

—Jenesaispas,réponditThomas.Tudevraisallerluidemander.

— J’entends tout ce que vous dites, les avertit Newt à voix haute. Pas étonnant quepersonneneveuilledormiràcôtédevous,tocards.

Thomas eut l’impression d’être pris en faute. Pourtant, son inquiétude était sincère, carNewtétaitl’unedesrarespersonnesduBlocqu’ilappréciaitvraiment.

—Sérieusement,qu’est-cequ’ilya? insistaChuck.Sansvouloir tevexer, tuasvraimentunesaletête.

—Pourtant,toutroule,ironisaNewt.

Il se tut et son regard se perdit dans le vague durant un long moment. Thomas allaitl’interrogeràsontour,quandilreprit:

—C’est la fille.Ellen’arrêtepasdegémiretdebafouiller toutessortesde trucsbizarres,maiselleneseréveilletoujourspas.Etlesmedjacksontbeaulanourriràlapetitecuillère,ellemangedemoins enmoins. Je vous ledis, toute cettehistoirepue l’embrouille àpleinnez.

Thomasbaissalesyeuxsursapommeetcroquadedans.Illuitrouvaungoûtamer.Voilàqu’il se faisait du souci pour la fille et qu’il s’inquiétait pour sa santé. Comme s’il laconnaissait.

Newtpoussaunlongsoupir.

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—Enfin,cen’estpascequim’embêteleplus.

—C’estquoi,alors?voulutsavoirChuck.

Thomassepenchaenavant,sicurieuxqu’ilenoubliamomentanémentlafille.

Newtplissalespaupièresenobservantl’unedesportesduLabyrinthe.

—AlbyetMinho,grommela-t-il.Ilsauraientdûrevenirdepuislongtemps.

*

Thomas reprit bientôt l’arrachagedesmauvaisesherbes, en comptant lesminutesqui leséparaient de la fin de cette corvée. Il regardait à tout moment vers la porte ouest, dansl’espoirdevoirAlbyetMinho.Newtluiavaitcommuniquésanervosité.

SelonNewt, lesdeuxblocardsauraientdûêtre rentrésdepuismidi : largement le tempsd’aller jusqu’au Griffeur, d’explorer les alentours une heure ou deux et de rentrer. Pasétonnantqu’ilsefassedusouci.QuandChuckavaitsuggéréqu’ilsprolongeaientpeut-êtrelapromenade pour le plaisir, Newt lui avait jeté un regard si incendiaire que Thomas avaitcraintdelevoirs'enflammerspontanément.

Jamaisiln’oublieraitl’expressionquis’étaitaffichéeensuitesurlevisagedeNewt.QuandThomasluiavaitdemandépourquoiluietd’autresneserendaientpasdansleLabyrintheàlarecherche de leurs amis, le garçon s’était pétrifié d’horreur; ses joues s’étaient creusées etremplies d’ombre. Il s’était repris rapidement, en expliquant qu’on n’envoyait jamais degroupes de recherche dans le Labyrinthe, pour ne pas risquer de perdre encore plus demonde.Thomasn’étaitpasdupe.

NewtétaitterrifiéparleLabyrinthe.

Quoiqu’illuisoitarrivé,là-dehors,ç’avaitdûêtreépouvantable.

Thomass’efforçadenepasypenseretseconcentrasurlesmauvaisesherbes.

*

Le dîner se déroula dans une atmosphère maussade qui ne devait rien à la nourriture.Poêle-à-frireetsescuistotsleurservirentunrepassomptueuxavecdessteaks,delapuréedepommesdeterre,desharicotsvertsetdespetitspainstoutchauds.ThomasavaitviteapprisànepasprendreausérieuxlesplaisanteriesdesblocardsconcernantlacuisinedePoêle-à-frire.D’habitude,toutlemondefinissaitsonassietteets’empressaitdedemanderdurab.Mais,cesoir-là, les blocardsmangeaient avec autant d’appétit qu’un condamné lors de son dernierrepas.

Lesautrescoureursétaientrentrésàl’heure.Thomasétaitdevenudeplusenplusinquietà force de voirNewt courir les accueillir d’uneporte à l’autre, sans chercher àmasquer sapanique. Alby etMinho ne réapparaissaient toujours pas. Alors queNewt avait envoyé lesblocards prendre leur dîner, lui-même était resté faire le guet. Personne n’en parlait,maisThomassavaitquelesmursnetarderaientplusàserefermer.

Ilavaitobéicommelesautres,àcontrecœur,etétaitallés’asseoirausuddelafermeàlamêmetablequeChucketWinston.Auboutdequelquesbouchéesseulement,ilneputplusrienavaler.

— Désolé, je ne peux pas rester assis là tranquillement alors qu’ils sont quelque partdehors,s’excusa-t-ilenlâchantsafourchette.JevaislesattendreavecNewt.

Ilselevaetsedirigeaverslaporte.Chuckluiemboîtalepas.

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IlsretrouvèrentNewtàlaporteouest,quifaisaitlescentpasensepassantlesmainsdanslescheveux.Ilsetournaverseuxquandillesentenditapprocher.

—Maisqu’est-cequ’ilsfoutent?s’exclama-t-ild’unevoixtendue.

Thomasfuttouchédelevoiraussiinquietdusortd’AlbyetMinho,commes’ilsétaientdesafamille.

—Pourquoionn’iraitpasàleurrecherche?suggéra-t-il.

Cela lui paraissait tellement stupide de rester là, à se torturer, alors qu’ils auraient pusortiretlesappeler.

—Nomde..., commençaNewt avantde s’interrompre. (Il ferma les yeuxune seconde etrespiraprofondément.)C’estimpossible.OK?Laissetomber.Ceseraitcontraireàtoutesnosrègles.Surtoutquecesfoutuesportesvontbientôtserefermer.

— Mais pourquoi ? insista Thomas, qui ne comprenait pas l’obstination de Newt. LesGriffeurs vont leur tomber dessus s’ils ne rentrent pas. Est-ce qu’on ne devrait pas fairequelquechose?

Newtsetournaverslui,levisageempourpré,lesyeuxbrillantsdecolère.

—Ferme-la,lebleu!rugit-il.Çanefaitmêmepasunesemainequetueslà!Tucroisquej’hésiteraisunesecondeàrisquermaviesionavaitunechancedelessauver?

—Non,je...Désolé.Jenevoulaispas...

Thomasnesavaitplusquoidire;ilsouhaitaitsimplementlesaider.

Newtseradoucit.

—Tunecomprendspas,Tommy.Sortirlanuit,c’estdusuicide.Çaneserviraitàriend’ensacrifier d’autres. Si ces deux tocards ne rentrent pas... (Il marqua une pause, comme s’ilhésitaitàformuleràvoixhautecequ’ilspensaienttous.)Ilsontprêtéserment,commenoustous.Toiaussi,tuprêterassermentàtonpremierrassemblement,quandtuseraschoisiparunmaton.Ilnefautjamaissortirlanuit.Quoiqu’ilarrive.Jamais.

ThomassetournaversChuck,quiétaitaussipâlequeNewt.

—PuisqueNewtn’yarrivepas,déclaraChuck,c’estmoiquivais ledire.S’ilsnerentrentpas, c’est qu’ils sontmorts.Minho a tropd’expériencepour se perdre. Impossible. Ils sontmorts.

Newtn’ajoutarien.Chucktournalestalonsetrepartitverslaferme,latêtebasse.«Morts?»songeaThomas.Ilnesavaitpluscommentréagir,enproieàunegrandesensationdevide.

—Ilaraison,cetocard,fitNewtsuruntonsolennel.Voilàpourquoiiln’estpasquestiondesortir.Onnepeutpassepermettred’aggraverlasituation.

Il posa lamainsur l’épauledeThomas,puis laissaretombersonbras.Ilavait lesyeuxremplisdelarmes.Thomasétaitsûrden’avoirjamaisvuquelqu’und’aussitriste.Lesombresdu crépuscule, de plus en plus denses, correspondaient parfaitement à l’évolution de sonhumeur.

—Lesportesvontbientôtserefermer,ditNewt.

Cetteannonce,aussisuccinctequedéfinitive, flottadans l'aircommeun linceulemportéparlabrise.PuisNewts’éloignasansunmot,lesépaulesvoûtées.

ThomassecoualatêteetsetournaversleLabyrinthe.IlconnaissaitàpeineAlbyetMinho.

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Mais sa gorge se serrait quand il les imaginait perdus dehors, tués par une créatureabominablecommecellequ’ilavaitaperçueparlecarreaulorsdesonpremiermatinauBloc.

Unfracasdetonnerrevenudetouteslesdirectionslefitsursauter.PuisThomasentenditle grincement caractéristique de la pierre sur les dalles. Les portes se refermaient pour lanuit.

Lemurdedroitecoulissaitsurlesol,enprojetantdelapoussièreetdescaillouxsursonpassage.Larangéeverticaledepointes,sinombreusesqu’ellesparaissaientmonterjusqu’auciel, glissait vers les trous correspondants sur lemurde gauche, prête à sceller l’ouverturejusqu’aumatin.Unefoisdeplus,Thomasdemeurastupéfaitdevantlamasseenmouvement.Celaparaissaitimpossible.

Puisunmouvementdiscretcaptasonattention.

QuelquechosebougeaitdansleLabyrinthe,auboutdulongpassagequiluifaisaitface.

Audébut,lapaniques’emparadelui; ilfitunpasenarrière,croyantqu’ils’agissaitd’unGriffeur.Puisdeuxsilhouettesapparurent,quis’avançaiententitubantverslaporte.Quandle voiledepeur sedissipa enfin,Thomas se rendit compteque c’étaitMinhoqui soutenaitAlby.MinholevalatêteetaperçutThomas,quilefixaitavecdesyeuxexorbités.

—Ilsl’onteu!cria-t-ild’unevoixétrangléedefatigue.

Àchaquepas,ildonnaitl’impressiond’êtresurlepointdes’écrouler.

Abasourdiparlatournuredesévénements,Thomasmitunmomentàréagir.

—Newt!hurla-t-il.Ilsarrivent!Jelesvois!

Ils’arrachaenfinàlacontemplationdesdeuxblocardspoursetournerverslaferme.

Il savait qu’il aurait dû se ruer dans le Labyrinthe pour les aider, mais l’interdictionformelledesortirduBlocleparalysait.

Newtavaitpresqueatteintlaferme.AucrideThomas,ilpivotasursestalonsetaccourutenclaudiquant.

QuandThomasseretourna,unfrissondepeurleparcourut.AlbyavaitéchappéauxbrasdeMinhoetglisséausol.ThomasvitMinhoquis’efforçaitde lerelever,puis,endésespoirdecause,l’empoignaitparlesaissellesetletraînaitdanslapoussière.

Ilssetrouvaientencoreàunetrentainedemètres.

Lemurserapprochaitrapidement.Ildonnaitl’impressiondecoulisserdeplusenplusvite,alors que Thomas aurait voulu le ralentir par la seule force de sa volonté. Dans quelquessecondes,ilseraittroptard.AlbyetMinhon’auraientplusaucunechancederentrer.

Thomasjetauncoupd’œilversNewt,quiboitillaitcommeilpouvaitpourlerejoindre.

Thomas regarda le Labyrinthe, le mur qui se rapprochait. Il n’était plus qu’à quelquesmètres.

Minhotrébucha,puiss’écroula.Ilsnerentreraientplus.Troptard!C’étaitfini.

ThomasentenditNewtcrierdanssondos:

—Arrête,Tommy!Nefaispasça!

Lespointesdumurdedroiteparurent se tendre commedesbras vers les trousoù ellesviendraientselogerpourlanuit.Legrondementdelaporteemplissaitl’air,assourdissant.

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Plusquedeuxmètres.Unmètreetdemi.Unmètre.

Thomasn’avaitpaslechoix.Ils’élança.Ilseglissaentrelespointesàladernièresecondeets’engouffradansleLabyrinthe.

Lemurserefermaderrièreluidansunbruitsourd;l’échoroulasurlespierrescouvertesdelierre,commeunriredémentiel.

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Chapitre17Pendantquelquessecondes,Thomaseut l’impressionquelemondes’était figéautourde

lui.Un épais silence suivit le grondement caverneux de la porte, et un voile sombre parutrecouvrirleciel,commesimêmelesoleilavaitpeurdecequirôdaitdansleLabyrinthe.Lesoir tombait; lesmurailles ressemblaient à d’énormes pierres tombales dans un cimetièregigantesque envahi de mauvaises herbes. Thomas s’adossa à la paroi, submergé parl’énormitédesonacte.

Etterrifiéparlesconséquencespossibles.

Un cri strident d’Alby lui fit dresser la tête ;Minho gémit. Thomas courut rejoindre lesdeuxblocards.

Minho s’était relevé péniblement. Il avait une mine épouvantable: en sueur, crasseux,griffédepartout.Alby,étenduparterre,étaitencoreplusmalenpointavecsesvêtementsenlambeauxetsesbrascouvertsd’entailles.Thomasfrissonna.Albyavait-ilétéattaquéparunGriffeur?

—Jenesaispascequetut’imaginaisensortantcommeça,luilançaMinho,maislaisse-moi te dire que c’était le truc le plus débile que tu pouvais faire. Tu es fichu,maintenant,commenous.

Thomassentitlacolèremonter;ils’attendaitàplusdegratitude.

—Jenepouvaisquandmêmepasresterlàsansbouger!

—Etçanoussertàquoiquetusoislà?(Minholevalesyeuxauciel.)Enfin,tantpispourlarèglenuméroun!Situveuxtesuicider,tueslibre.

—Derien,lesgars.Jevoulaisjustevousdonneruncoupdemain.

Minho eut un rire amer, puis s’agenouilla à côté d’Alby. En l’examinant de plus près,Thomascompritàquelpointleursituationétaitdésespérée.Albysetrouvaitàdeuxdoigtsdela mort. Sa peau sombre était d’une pâleur inquiétante, et sa respiration était brève etsaccadée.

Ledécouragements’abattitsurThomasetluifitoubliersacolère.

—Ques’est-ilpassé?

—Jeneveuxpasenparler,réponditMinhoenprenantlepoulsd’Albyavantdecollersonoreilleàsapoitrine.DisonsjustequelesGriffeurssaventtrèsbienfairelemort.

CettedéclarationsurpritThomas.

—Quoi,ils’estfait...mordre?Piquer?IlvasubiruneTransformation?

—Tuasencoreuntasdechosesàapprendre,rétorquasimplementMinho.

Thomasseretintdehurler.Évidemmentqu’illuirestaituntasdechosesàapprendre,c’estbienpourçaqu’ilposaittoutescesquestions!

—Est-cequ’ilvamourir?s’enquit-ilàcontrecœur.

—Vuqu’onn’estpasrentrésavantlecrépuscule,oui,sûrement.Ilenapeut-êtrepouruneheure. Je ne sais pas combien de temps il te reste quand tu ne prends pas le sérum.Remarque,onserabientôtmortstouslestrois,alorspaslapeinedepleurer.

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IlditcelaavecunetelledésinvolturequeThomaseutdumalàsaisirlavraiesignificationdesesmots.

Maisbienvite, la réalitéde la situation luiapparutdans toutesacruautéet il sentit sonventresetordreatrocement.

—Onvavraimentmourir?demanda-t-il,incapabled’acceptercetteidée.Tuesentraindemedirequenousn’avonsaucunechance?

—Pasuneseule.

Cedéfaitismepermanentcommençaitàl'énerversérieusement.

—Allez, il y a forcémentquelque choseà faire.CombiendeGriffeurs vontnous tomberdessus,àtonavis?

Il scruta le passage qui s’enfonçait dans le Labyrinthe, comme s’il s’attendait à voirapparaîtrelescréaturesàl’instant,aitiréesparlasimplementiondeleurnom.

—Jen’ensaisrien.

Thomasfronçalessourcils,cherchantàtoutprixunelueurd’espoir,aussimincesoit-elle.

—Etilyenabeaucoupquisesontfaitcoincerdehors?

Minho baissa la tête, un coude en appui sur le genou. Il semblait épuisé et répondaitcommeunautomate.

—Unedouzaineaumoins.Tuasvulecimetière?

—Oui.

«Alorsc’estcommeçaqu’ilssontmorts»,songea-t-il.

—Etencore,ça,c’estceuxqu’onaretrouvés.Ilyenad’autresquiontdisparusanslaisserdetrace.(MinhoeutungestevagueendirectionduBloc,del’autrecôtédumur.)Cen’estpaspourrienqu’onamiscefoutucimetièreaufonddubois.Pensertouslesjoursauxcopainsquisesontfaitmassacrer,iln’yariendemieuxpourteruinerlemoral.

MinhoselevaetempoignaAlbysouslesaisselles.

—Attrape-leparlespieds,dit-il.Onvalemettredevantlaporte.Çaleurferatoujoursuncorpsdemoinsàrechercherdemainmatin.

CecommentairemorbidelaissaThomaséberlué.

—Non,maisc’estpasvrai!s’écria-t-ilentournantsurlui-même.

Pourlapremièrefois,ilsesentaitsurlepointdeperdrelaraison.

—Arrêtedechialer.Ilfallaitobéirauxrèglesetresteràl’intérieur.Allez,prends-leparleschevilles.

Thomas s’approcha avecune grimace.À euxdeux, ils traînèrent le corps inaniméd’Albysurune trentainedemètres jusqu’à la fenteverticalede laporte.Minho l'appuyacontre lemurenpositionassise.Letorsed’Albysesoulevaitetretombaitpéniblement.Ilétaittrempédesueur;ilnetiendraitsûrementplustrèslongtemps.

—Oùest-cequ’ilaétémordu?l’interrogeaThomas.Tuasvulaplaie?

—Cessaletésnemordentpas,tocard;ellespiquent.Jen’aipasvulaplaie.Ilenapeut-êtredesdizainessurtoutlecorps.

Minhocroisalesbrasets’adossaaumur.

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—Ellestepiquent?Commentça?repritThomas.

—Écoute,ilfaudraitquetuenvoiesunepourcomprendre.

ThomasindiqualesbrasdeMinho,puissesjambes.

—D’accord,alorscommentçasefaitquetun’aiespasétépiqué,toi?

Minhoécartalesmains.

—Jen’ensaisrien.Peut-êtrequejevaism’écroulerd’unesecondeàl’autre.

—Quoi,ilst’ont...?commençaThomas.

Iln’achevapas.Iln’étaitpascertainqueMinhoaitparlésérieusement.

—Iln’yenavaitqu’unseul,celuiquejecroyaismort.Ils’estréveilléd’uncoupetilapiquéAlby avant de détaler. (Minho regarda le Labyrinthe, plongé à présent dans un noir quasicomplet.)Mais je suis sûr qu’il va revenir avec ses petits copains pour nous achever avecleursaiguilles.

—Leursaiguilles?

Thomassesentaitdeplusenplusnerveux.

—Oui,leursaiguilles.

Thomaslevalesyeuxverslesmursénormescouvertsdeplantesgrimpantes.

—Est-cequ’onnepourraitpasescalader?(IlsetournaversMinho,murédansunsilencemaussade.)Lelierre,Minho,onpeutgrimperdessus?

Minhopoussaunsoupirdefrustration.

—Bonsang,lebleu,tunousprendsvraimentpourdesdébiles.Tucroisêtrelepremieràavoircetteidéeformidabled'escaladerlesmurs?

Thomassentitlacolèremonterenlui.

— J’essaie de trouver une solution,mec. Tu ne voudrais pasm'aider un peu au lieu dericaneràtoutcequejedis?

MinhobonditsurThomasetl’empoignaparsontee-shirt.

—Tunecomprendsrien!Tunesaisrien,et tumesoûlesàchercherencoredesraisonsd’espérer.Onestmorts,tucomprends?Morts!

Lucetinstant,Thomasnesavaitpasquelsentimentétaitleplusfortchezlui:lacolèreoulapitié.Minhocapitulaittropfacilement.

Quandcedernier s’en rendit compte, il rougitdehonte. Il lâchaprise et recula.Thomasdéfroissasontee-shirtd’ungestededéfi.

— Oh, nom de Dieu, nom de Dieu !murmuraMinho en s’effondrant contre lemur, levisageenfouidanslesmains.Jen’aijamaiseuaussipeurdemavie,mec.Jetejure!

Thomasallaitrépondrequandilentenditlebruit.Minhodressalatête; ilsetournaversl’undescouloirsplongésdanslenoir.Thomassentitsonsouffles’accélérer.

Ça venait du fond du Labyrinthe : un son grave et sinistre, une sorte de crissementaccompagné d’un tintement métallique toutes les deux ou trois secondes, comme enproduiraientdescouteauxqu’onaiguiseraitl’uncontrel’autre.Lebruitserapprocha,bientôtsuivi d’une succession de cliquetis inquiétants. Thomas songea à de longs ongles quitapoteraient une vitre. Un gémissement caverneux résonna, puis un bruit qui évoquait un

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fracasdechaînes.

LepeudecouragequeThomasavaitpurassemblercommençaàluiéchapper.

Minhoseleva,levisageàpeinevisibledanslapénombre.

Quandilparla,Thomasl’imaginalesyeuxécarquillésdeterreur.

—Onsesépare...c’estnotreseulechance.Net’arrêtepas,compris?Net’arrêtesurtoutpas!

Là-dessus, ilpartitencourantetdisparutaussitôt,avaléparleLabyrintheplongédanslanuit.

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Chapitre18Thomasfutprisd’unehainesoudaine.Minhoétaitunvétérandeslieux,uncoureur,alors

que Thomas était encore un nouveau, qui n’avait passé que quelques jours au Bloc etquelquesminutes dans leLabyrinthe.Et pourtant, c’étaitMinhoqui cédait à la panique ets’enfuyaitaupremiersignededanger.«Commentpeut-ilm’abandonnerici?»

Lesbruitss’intensifièrent.Ungrondementdemécaniquerouilléesemêlaauxcliquetisdechaînesetd’engrenagesqui faisaientpenseràunengind’unevieilleusine.Puisuneodeurd’huile chaude lui parvint. Thomas se demanda ce qui l’attendait; il avait déjà aperçu unGriffeur,maisbrièvement,àtraversuncarreaucrasseux.Qu’est-cequ’ilsallaient lui faire?Est-cequeceladureraitlongtemps?

«Arrête!»sedit-il.Ilyavaitsûrementmieuxàfairequed’attendrelamiseàmort.

Il se tourna vers Alby, qui n’était plus qu’une silhouette noire dans la pénombre. Ils’agenouillaprèsdelui,cherchasoncou,puisluitâtalepouls.Ilcrutsentirquelquechose.CommeMinhoavantlui,ilcollal’oreilleàsapoitrine.

Ta-doum,ta-doum,ta-doum.

Albyétaitencoreenvie!

Thomass’appuyasursestalons,puiss’essuyalefrontd’unreversdemainpourenleverlasueur.En l’espacedequelques secondes, il venaitd’apprendrebeaucoupde choses sur lui-même.SurleThomasqu’ilétaitavant.

Ilnepouvaitpasabandonnerunami.Pasmêmequelqu’und’aussidifficilequ’Alby.

Il s’accroupit dos à lui puis enroula ses deux bras autour de son cou. Prenant le corpsinanimésursondos,iltentadesereleverengrognantsousl’effort.

Mais Alby était trop lourd. Thomas s’écroula face contre terre, tandis qu’Alby roulaitpesammentsurlecôté.

LesbruitsdesGriffeursserapprochaientàchaquesecondeenrésonnantcontrelesmursduLabyrinthe.Thomas crut voirdes faisceauxde lumière s’agiter au loin et balayer le cielnocturne.Iln’avaitaucuneenviederencontrerlasourcedeceslumièresoudecesbruits.

Essayantunenouvelleapproche, il saisitAlbysous lesaissellesetsemità le traînerparterre.Maisauboutdequelquesmètres,ilcompritqueçanelemèneraitnullepart.Oùaurait-ilbienpualler?

IlramenaAlbyauniveaudelafissurequimarquaitlaporteduBlocetl’assitcontrelemurdepierre.

Lui-même s’installa à son côté,horsd’haleine, réfléchissant à toute vitesse. Il scruta lesrecoins sombres duLabyrinthe.Onn’y voyait presque plus rien et il savait,malgré ce queMinholuiavaitdit,qu’ilauraitétéstupidedesemettreàcourirdanslenoirmêmes’ilavaitpuporterAlby.Nonseulementilrisquaitdeseperdre,maisilrisquaitdeserapprocherdesGriffeurs.

Ilpensaaumuretauxplantesgrimpantes.Minholuiavaitclairementditqu’onnepouvaitpaslesescalader.Pourtant...

Une idéeprit formedans sonesprit.Toutdépendraitdes capacitésdesGriffeurs,dont il

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ignoraittout,maisc’étaitlaseulequ’ilavaittrouvée.

Il longea le mur sur quelques pas et s’arrêta au pied du lierre qui recouvrait la quasi-totalitédumur. Il sepenchaaurasdusoletempoigna l’unedes lianes.Plussolideetplusépaisse qu’il ne s’y attendait, elle mesurait un bon centimètre de diamètre. Quand il tiradessus, elle se détacha du mur et continua à mesure qu’il reculait. Il s’écarta ainsi deplusieursmètres, jusqu’à ce qu’il perde de vue la liane au-dessus de lui; elle disparaissaitdansl’obscurité.Maisellenes’étaittoujourspasdécrochée,fixéequelquepartau-dessusdeThomas.

Hésitant,Thomasserralesdentsettirasurlalianedetoutessesforces.

Elletintbon.

Desdeuxmains,iltiraànouveau.Puisils’ypenditdetoutsonpoidsetsebalança.

Lalianetintbon.

Avec rapidité,Thomassaisitd’autres lianeset lesdécolladumurà leur tour. Il les testal’uneaprèsl’autre:toutesserévélaientaussisolidesquelapremière.Encouragé,ilretournaauprèsd’Albyetletraînaaupieddeslianes.

Un craquement sinistre retentit dans le Labyrinthe, suivi d’un horrible froissementmétallique.Thomassursautaetpivotaendirectiondubruit.Obnubiléparlelierre,ilenavaitoublié lesGriffeurs; il fouilla l’obscurité dans toutes les directions. Il ne vit rien,mais lesbruitsserapprochaienttoujours.Peuàpeu,lanuitsemblaits’éclaircir;ildistinguaitplusdedétailsquequelquesminutesauparavant.

Il se souvint des lumières étranges qu’il avait observées depuis la fenêtre du Bloc encompagniedeNewt.LesGriffeursétaienttoutprès.Çanefaisaitaucundoute.

Thomasrepoussalesentimentdepaniquequilegagnaitetsemitautravail.

Ilsaisit l’unedes lianeset l’enroulaautourdubrasdroitd’Alby.Commelaplanten’étaitpasaussilonguequ’ill’auraitsouhaité,ildutredressersoncompagnonlepluspossiblepourqueçafonctionne.Aprèsplusieurstours,ilfitunnœudàlaliane.Ensuite,ilenprituneautrequ’il enroula autour du poignet gauche d’Alby, après quoi il attacha ses deux jambes, enserrantbien lesnœuds. Il s’inquiétaitunpeuà l’idéede luicoupersacirculationsanguine,maisildécidadecourirlerisque.

Thomas saisit ensuite une liane à deux mains et se mit à grimper, juste au-dessus del’endroitoùilavaitattachéAlby.Lefeuillageépaisluiprocuraitdebonnesprises,etlesfentesentre lespierres,des supportspoursespieds.L’escaladeserait tellementsimples’iln’avaitpasàsepréoccuperde...

Ilrefusad’allerauboutdesonidée.Pasquestiond’abandonnerAlby.

Parvenuàunmètre au-dessusde son ami,Thomas s’enroulaune liane autourdu torse,plusieurs fois, en la calantbien sous ses aisselles.Puis, lentement, il lâcha lesmainsmaisgardalespiedssolidementcalésdansunefissure.Lesoulagementl’envahitquandilconstataquelelierretenaitbon.

Leplusdifficileallaitpouvoircommencer.

Les quatre lianes qui maintenaient Alby étaient tendues. Thomas attrapa celle quidescendaitjusqu’àsajambegaucheettiradessus.Illasoulevadequelquescentimètresavantdelalâcher:Albyétaittroplourd.C’étaitimpossible.

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Il redescendit et décida de pousser Alby d’en bas plutôt que de le tirer d’en haut: toutd’abord,illuilevalajambegauchequ’ilattachaàuneautreliane;puislajambedroite.Aprèsquoi,ilprocédadelamêmefaçonaveclesbras.

Àboutdesouffle,Thomaspritdureculpourjugerdurésultat.

Albypendaitaumur,àunmètrecinquantedehauteur.

Thomasseremitautravail.

Procédant de la même façon, il fit monter lentement Alby. Il se tenait juste sous lui,s’enroulait dansune liane, poussaitAlby le plushaut possible et l’attachait avecune autreliane.Puisilrépétaitleprocessus.

Grimper,s’enrouler,pousser,attacher.

Parchance,lesGriffeursnesemblaientpastrèsrapides,cequiluidonnaitdutemps.

Ilssehissèrentainsi,mètreaprèsmètre.L’effortéreintait

Thomas:ilsoufflaitcommeunbœufetruisselaitdesueur.Sesmainsmoitesglissaientsurleslianes.Ilavaitmalauxpiedsàforcedelescoincerentrelespierres.Lesbruitsterrifiantsserapprochaienttoujours.Thomascontinuaitmalgrétout.

Parvenuàunedizainedemètresau-dessusdusol,ils’arrêtaetselaissapendreauboutdesaliane.Prenantappuisursesbrasdouloureux,ilpivotafaceauLabyrinthe.Unefatiguequ’iln’aurait pas crue possible emplissait chaque particule de son être. Il tremblait; tous sesmusclesprotestaient.Ilsn’iraientpasplushaut.

C’étaitlàqu’ilssecacheraient,ouqu’ilslivreraientleurderniercombat.

Conscientdepuisledébutqu’ilsneparviendraientpasausommet,ilespéraitmalgrétoutquelesGriffeursnepourraientpaslesrejoindreounepenseraientpasàregarderenl’air.Aupire, il valaitmieux les affronter d’enhaut, l’un après l’autre, qued’être encerclé au sol etsubmergéparlenombre.

Thomas ne savait absolument pas à quoi s’attendre. Verrait-il le soleil se lever ? Peuimportait:c’étaitici,accrochésdanslelierre,qu’Albyetluiferaientfaceàleurdestin.

Quelquesminutess’écoulèrent,auboutdesquellesThomasvitunelueuréclairerlesmursduLabyrinthedevant lui.Lessonsépouvantablesquiserapprochaientdepuisuneheuresefondirentenunstridentcrissementmécanique.

À sa gauche, un reflet rouge sur le mur attira son regard. Il se retint de hurler: unscaralame se tenait à quelques centimètres de lui, émergeant du lierre sur ses pattesarachnéennes. La lumière émise par ses yeux l’aveugla. Thomas plissa les paupières et seconcentrasursoncorps.

Son torse était formé d’un cylindre argenté d’environ sept centimètres de diamètre etvingt-cinqdelongueur.Douzepattesarticuléesétaientalignéesdepartetd’autre,luidonnantl’allured’unlézard.Satête,difficileàdistingueràcausedel'éclatéblouissantdesesyeux,neparaissaitpasbiengrande.

C’est alors que Thomas remarqua un détail qui lui glaça le sang. Il avait déjà crul’apercevoirunepremièrefois,auBloc,quandunscaralameluiavaitfilésouslenezpoursecacherdanslebois.Àprésent,ilenétaitsûr:lesyeuxrougeoyantsjetaientunelueursinistresursixlettrestracéessurledos,sansdouteavecdusang:WICKED

Thomasnevoyaitpasl’intérêtd’inscrire«méchant»surlacréaturesinonpourannoncer

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auxblocardsquelleétaitdangereusepoureux.

C’étaitforcémentuneespionnetravaillantpourlecomptedeceuxquilesavaientenvoyéslà.Albyluiavaitexpliquéquelesscaralamesservaientd’observateursauxCréateurs.Thomassefigeaetretintsonsouffle,enpriantpourquelacréaturenedétectequelemouvement.Delonguessecondess’écoulèrent.Ileutbientôtlespoumonsenfeu.

Ilyeutun«clic»,un«clac»,puislacréaturedisparutsouslelierre.Thomasinspiraunegrandegouléed’air,puisuneautre.Ilsentaitlalianeluirentrerdansletorse.

Le crissement métallique était tout proche à présent, suivi d’un bourdonnementmécanique.Thomasse laissapendremollementauboutdesa lianeenessayantd’imiter lecorpsflasqued’Alby.

Puisuneombres’avançadansleurdirection.

Une chose indescriptible qu’il avait déjà vue, mais derrière la protection d’une vitreépaisse.

UnGriffeur.

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Chapitre19Thomasregardaavecterreurlamonstruositéquiprogressaitdanslelongcouloir.

On aurait dit le fruit d’une expérience qui aurait horriblement mal tourné. Un vraicauchemar.Mi-animal,mi-machine,leGriffeurroulaitencliquetantsurlesdalles.Soncorpsévoquaitunelimacegéantequienflaitetserecroquevillaitdemanièregrotesqueaurythmedesarespiration.Riennedistinguait la têtede laqueue; lacréaturemesuraitprèsdedeuxmètresdelongetunmètrevingtaupointlepluslarge.

Toutes les dix à quinze secondes, des pointes métalliques dardaient de sa chairboursouflée, puis la bête se mettait en boule et roulait sur elle-même. Après quoi elles’arrêtait-pours’orienter,apparemment-toutenrétractantsespiquants.Elleprogressaitparétapesd’unmètreenviron.

Plusieurs bras mécaniques, disposés ici et là, en dépassaient. Certains d’entre eux seterminaientparunpointlumineuxaveuglant;d’autres,pardelonguesaiguillesmenaçantes.L’un d’eux était doté d’une pince à trois doigts qui s’ouvrait et se refermait sans raisonapparente. Durant ses roulades, le monstre repliait ses bras pour éviter de les écraser.Thomassedemandaquiavaitbienpucréerdesentitésaussirépugnantes.

L’origine des bruits devenait plus claire.Quand leGriffeur se déplaçait, il produisait uncrissementmétallique. Les piquants et les bras articulés expliquaient les tintements sur lapierre. Mais le plus effrayant, c’était le gémissement lugubre de la créature quand elledemeuraitimmobile.Onauraitcruentendrelerâledesmourantssurunchampdebataille.

Thomasavaitdumalà imagineruncauchemarplushideuxqueceluiqu’ilavaitsous lesyeux.Illuttacontresapeurets’obligeaàresterparfaitementimmobileaumilieudulierre.Ilétaitconvaincuqueleurseulechanceconsistaitànepassefaireremarquer.

«Peut-êtrequ’ilnenousverrapas»,sedit-il.Maislaréalitélefrappacommeuncoupdepoing dans le ventre. Le scaralame avait déjà indiqué au Griffeur la position exacte de saproie.

LeGriffeur continua à s’approcher.À chaque arrêt, il déployait ses bras et les agitait entoussens.SeslumièresjetaientdesombresfantastiquesàtraversleLabyrinthe.Unsouvenirdiffusenvahitl’espritdeThomas:desombreseffrayantessurunmur,alorsqu’ilétaitenfant.Ilregrettadenepaspouvoirretourneràcetteépoquebénie,auprèsdesonpèreetdesamère,dontilespéraitbienqu’ilsétaienttoujoursenvie,quelquepart,entraindelechercher.

Uneforteodeurdebrûléparvintàsesnarines,desrelentsécœurantsdemoteursurchaufféetdechairgrillée.

Lacréatureprogressaittoujours.

Brrrrrrr.

Clic-clic-clic.

Brrrrrrr.

Clic-clic-clic.

Thomasjetauncoupd’œilverslebassansbougerlatête:leGriffeuravaitenfinatteintlemur auquel Alby et lui s’accrochaient. Il marqua une pause devant la porte du Bloc, àquelquespasdedistance.

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«Parpitié,reparsdansl’autresens»,l’imploraThomas.

LeGriffeursortitsespiquantsetroulaversAlbyetThomas.

Brrrrrrr.

Clic-clic-clic.

Puisils’arrêtaaupieddumur.

Thomas retint son souille.LeGriffeur se tenait juste endessousd’eux.Legarçonauraitvoulubaisser la tête,mais lemoindremouvementrisquaitde les trahir.Les lumièresde lacréaturebalayaientlesalentours,defaçonaléatoire,sansjamaiss’arrêternullepart.

Soudain,ellesdisparurent.

LeLabyrinthesetrouvaplongédans lenoircomplet.Onauraitditque lacréatures’étaitéteinte.Ellenebougeaitplus,nefaisaitplusaucunbruit;mêmesesgémissementslancinantss’étaienttus.

Thomas se remit à respirer à petites bouffées par le nez; son cœur palpitant avaitdésespérément besoin d’oxygène. Le Griffeur pouvait-il l’entendre oumême le flairer? Lasueur lui poissait les cheveux, lesmains, les vêtements... Une terreur comme il n’en avaitjamaisconnul’envahittoutentier.

Ilnepercevaittoujoursaucunmouvement,aucunelumière,aucunson.Çalerendaitfoud’essayerdedevinerlaprochaineactionduGriffeur.

Plusieurs secondes s’écoulèrent.Plusieursminutes.La liane s'incrustait dans la chairdeThomas, ilne sentaitplus son torse. Il faillit crierà la créature:«Tue-moiunebonne foispourtoutes,ouretournedanstontrou!»

Soudain,dansuneexplosiondelumièreetdebruit,leGrif-feurrevintàlavie.

Etsemitàgrimpersurlemur.

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Chapitre20LeGriffeur plantait ses épines dans lemur en projetant du lierre et des éclats de roche

danstouteslesdirections.Sesbrass’agitaientcommelespattesduscaralame;ceuxterminéspar des crochets lui assuraient une prise solide entre les pierres. L’une de ses lampes sebraquadirectementsurThomas,maiscettefoislefaisceaunes’écartapas.

Thomassentitsondernierespoirl’abandonner.

Ilne luirestaitplusque la fuite.«Désolé,Alby»,songea-t-ilendéroulantd’unemain lalianequiluienserraitletorse,tandisquedel’autreilseretenaitaufeuillageau-dessusdelui.Impossibled’allerverslehaut:ilrisquaitd’attirerleGriffeurenpleinsurAlby.Etverslebas,ilneferaitqueserapprocherplusvitedelamort.

Ildevaitprendresurlecôté.

Iltenditlebrasetsaisitlalianelapluséloignée.Ill’enroulaautourdesonpoignetettiradessusd’uncoupsec.Elletintbon.UnbrefregardverslebasluiindiquaqueleGriffeuravaitdéjàréduitdemoitiéladistancequilesséparait;lacréatureprogressaitplusviteàprésent,etsansjamaiss’arrêter.

Thomas lâcha la lianeavec laquelle il s’étaitenrouléetsebalança le longdumur.AvantquesonmouvementdependuleneleramèneversAlby,ilempoignaàdeuxmainsuneautrelianeetsetournademanièreàpouvoirplantersestalonsdanslemur.Ilsepropulsaleplusloinpossible,puislâchapriseetsaisituneautreliane.Puisuneautre.Ilcontinuaainsi,ensebalançantcommeunsinge,beaucoupplusvitequ’iln’auraitosél’espérer.

Sonpoursuivantcontinuaitsonvacarme,auquels’ajoutaientlescraquementsdelapierrefendue.Thomasosaenfinregarderenbas.

LeGriffeuravaitmodifiésatrajectoire,délaissantAlbypourvenirdroitsurlui.«Enfinunebonne nouvelle ! » se dit Thomas. Poussant le plus fort possible sur ses pieds, il reprit sacoursedelianeenliane.

LeGriffeurgagnaitduterrain.Ilfallaitqu’ilredescendeauplusvite.

Au balancement suivant, il laissa filer la liane entre ses mains durant une fraction deseconde.Ilsebrûlalespaumes,maislesols’étaitrapprochéd’unmètre.Ilprocédademêmelafoissuivante.Auboutdetroisbalancements,ilavaitdescendulamoitiédelahauteur.Unedouleurdéchiranteluiremontaitdanslesbras;ilavaitlesmainsàvif.

Ilfaisaitsinoirqu’ilvittroptardlemurquisedressaitdevantlui: lecouloirformaituncoudeversladroite.

Ilheurtalaparoietlâchaprise.Ilcherchadésespérémentàseraccrocheràquelquechosepour interrompre sa chute.Aumême instant, il vit du coinde l’œil que leGriffeur arrivaitpratiquementsurlui.

À mi-chemin, Thomas réussit à se cramponner à une liane. Il manqua se déboîter lesépaules.Àl’instantoùleGriffeurtendaitversluisapinceetsesaiguilles,ils’écartadumurleplusloinpossibled’unepousséedesdeuxpieds.Illuidécochauncoupdepiedquiatteignitlebrasrattachéàlapince.Ilfutrécompenséparuncraquementsonore,maissonsentimentdevictoirenedurapas:sonmouvementdeva-et-vientleramenaitenpleinsurlacréature.

Tremblant,Thomasramenasesgenouxcontresontorse.Dèsqu’ilentraencontactavecle

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corps du Griffeur, il détendit brusquement ses jambes et se tortilla pour échapper auxaiguilles qui fondaient sur lui. Il s’échappa vers la gauche, puis bondit sur le mur duLabyrinthe, en cherchant à s’accrocher à une autre liane. Les instruments du Griffeurcliquetèrentderrièrelui.Ilreçutuneentailleprofondedansledos.

En se réceptionnant sur le lierre,Thomas trouvaune liane et s’y cramponna juste assezpourralentirsachute;ilselaissaglisserjusqu’enbas,malgrélabrûlureatroce.Àpeineeut-iltouchélesolqu’ilsemitàcourir.

Unchocsourdrésonnaderrièrelui,bientôtsuividesbourdonnementsetdesclaquementsdu Griffeur. Mais Thomas, sachant que chaque seconde comptait, refusa de regarder enarrière.

IltournaàunangleduLabyrinthe,puisàunautre.Ilcouraitdetoutessesforces.Dansuncoin de son esprit, il s’efforçait de mémoriser le chemin, dans l’espoir de vivre assezlongtempspourpouvoirregagnerlaporte.

Ilcontinuasacourse,lecœuràdeuxdoigtsd’exploser.Ilsentaitbienqu’ilnetiendraitplustrès longtemps. Il se demanda s’il ne serait pas plus simple de s’arrêter et d’affronter sonpoursuivantunebonnefoispourtoutes.

Entournantàuncoin,ils’arrêtanet,pétrifié.

TroisGriffeursluibarraientlarouteetroulaientdroitvers

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Chapitre21Thomas se retourna et constata que son poursuivant avait ralenti un peu; il fermait et

rouvraitsapincemétallique,commepoursemoquerdelui.

«Ilsaitqu’ilsmetiennent»,songea-t-il.Malgré toussesefforts, il seretrouvaitencercléparlesGriffeurs.C’étaitfini.Aprèsmoinsd’unesemaineauBloc,savies’achevaitdéjà.

Anéantiparlechagrin,ilpritladécisiondemourirencombattant.

Jugeantpréférabled’affronterunseuladversaireplutôtquetrois,ils’élançaàlarencontredesonpremierpoursuivant.Lamonstruositéparutsecontracterlégèrementetcessad’agitersapince.Encouragéparsaréaction,Thomaschargeaencriant.

Toutàcoup,leGriffeurs’animaetsortitsespiquants;ilsemitàroulerenavant,prêtpourentrer en collision avec sa proie. Thomas, abandonné par son courage insensé, continuanéanmoinsàcourir.

Justeavantl’impact,Thomaspritappuidupiedgaucheetplongeaversladroite.Emportéparsonélan,leGriffeurledépassaavantdes’immobiliserencahotant.Puisilfitdemi-tourdansun crissementmétallique et seprépara à frapper.Mais àprésentThomasn’était plusencercléetpouvaitrepartirparoùilétaitvenu.

Ilbonditsursespiedsetpiquaunsprint.LesquatreGriffeurss’élancèrentàsestrousses.Poussant son corps au-delà de ses limites, Thomas courut. Sa capture n’était plus qu’unequestiondetemps.

Soudain, trois intersections plus loin, deuxmains l’attrapèrent et l’entraînèrent dans uncouloiradjacent.Thomasfaillits’étranglerenluttantpoursedégager.Ils’interrompitquandilcompritqu’ils’agissaitdeMinho.

—Qu’est-ceque...?

—Laferme,suis-moi!luicriaMinhoenletirantderrièrelui.

Sans réfléchir, Thomas lui emboîta le pas le long des couloirs. Minho semblait savoirexactementoùilallait;pasunefoisiln’hésitasurladirectionàprendre.

Entredeuxrespirationshaletantes,illuicria:

—Quandj’aivu... tonpetitplongeon... toutà l’heure...çam’adonnéuneidée...Ilsuffit...qu’ontienneencoreunpeu.

Thomasnegaspillapassonsouffleàluirépondre,ilsecontentadelesuivre.IlsavaitquelesGriffeurs se rapprochaientàunevitessealarmante.Chaquecentimètrede soncorps luifaisaitmal;toussesmusclescriaientgrâce.Maisilcontinuaàcourir,enpriantpourquesoncœurnes’arrêtepas.

Quelquescarrefoursplusloin,Thomasfronçalessourcils.Quelquechosenecollaitpas...

Lecouloirqu’ilssuivaientnedébouchaitsurrien!

Lenoirtotal.

Il plissa les yeux pour tenter de comprendre ce qu’il voyait. Les deuxmurs couverts delierredepartetd’autresemblaients’arrêterdanslevide.Ilaperçutdesétoiles.Quandilsserapprochèrent,ilcompritqu’ils’agissaitd’uneouverture:leLabyrintheprenaitfin.

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«Après des années de recherches, comment Minho a-t-il fait pour trouver la sortie sifacilement?»sedemanda-t-il.

Minhoparutdevinerlespenséesdesoncompagnon.

—T’emballepas!luihurla-t-il,horsd’haleine.

À un mètre de l’extrémité du couloir, Minho s’arrêta et posa la main sur le torse deThomaspourqu’iln’aillepasplus loin.Thomass’avançadoucement jusqu’à l’endroitoù leLabyrinthedébouchait sur le ciel.Même si lebruitdesGriffeurs se rapprochaitdeplus enplus,ilfallaitqu’ilvoie.

IlsavaientbeletbientrouvélasortieduLabyrinthe.Maiscommel’avaitditMinho,iln’yavaitpasdequois’emballer.Oùqu’ilregardedevantlui,Thomasnevoyaitquelecieletlesétoiles. C’était un spectacle étrange, troublant, comme s’ils se tenaient au bord dumonde.L’espaced’uninstantThomasfutprisdevertige,sesgenouxvacillèrent.

L’aube n’était plus très loin. Le ciel s’était considérablement éclairci depuis quelquesminutes.Thomascontemplaitlevide,incrédule.Commentunetellechoseétait-ellepossible? On aurait dit que ceux qui avaient bâti le Labyrinthe l’avait suspendu en plein ciel,condamnéàflotterjusqu’àlafindestemps.

—Jenecomprendspas,souffla-t-ilsanssepréoccuperdesavoirsiMinhol’entendait.

—Faisattention, leprévint lecoureur.Tuneseraispas lepremier tocardà tomberde laFalaise.(IlpritThomasparl’épaule.)Tuessûrdenerienoublier?

Ilindiquad’uncoupdementonl’intérieurduLabyrinthe.

Thomassesouvintvaguementqu’onluiavaitdéjàparlédelaFalaise.Ilsecoualatêteetseretourna face aux Griffeurs. À quelques dizaines de mètres de là, en file indienne, ils sedirigeaientsureuxàunevitessesurprenante.

Toutsemitenplacedanssonesprit,sansmêmequeMinholuiexpliquesonplan.

—Cessaloperiessontredoutables,ditMinho,maisellessontstupides.Mets-toiàcôtédemoi,ettiens-toiprêtà...

Thomasl’interrompit.

—J’aicompris.Jesuisprêt.

Ilsserapprochèrent l’unde l’autreaumilieuducouloir, faceauxGriffeurs.Leurs talonsfrôlaientlebordduprécipice.Derrièreeux,iln’yavaitquelevide.

Lecourageétaitlaseulearmequileurrestait.

— Il va falloir agir tous lesdeuxenmême temps! criaMinho,pour couvrir le fracasdespointesquiroulaientsurlapierre.Àmonsignal!

Pourquoi les Griffeurs s’étaient-ils placés en file indienne ? Mystère. Peut-être que leLabyrintheétait tropétroitpourqu’ilspuissentyavancerde front.Ladistancequiséparaitlesgarçonsdesmonstresprêtsàsejetersureuxs’amenuisaitdesecondeenseconde.

—Bientôt,ditMinhod’unevoixcalme.Attends...attends...

Thomas n’y tenait plus. Il n’avait qu’une envie: fermer les yeux et ne plus jamais avoiraffaireàunGriffeur.

—Maintenant!criaMinho.

À l’instant où le premierGriffeur tendait le bras vers eux,Minho etThomasplongèrent

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chacund’uncôté.LatactiqueavaitdéjàmarchépourThomas.Àenjugerparlerugissementeffroyablequepoussalemonstre,ellevenaitdefonctionnerunenouvellefois.LabêtetombaduhautdelaFalaise,avecuncriquis’interrompitnetaulieudes’estomperpeuàpeudanslesprofondeurs.

Thomasserelevaetseplaquacontrelemur.Ileutjusteletempsd’apercevoirledeuxièmeGriffeur,incapabledes’arrêteràtemps,roulerdanslevide.LetroisièmeGriffeurplantasesgriffes dans la pierre, mais comme il avait trop d’élan, elles ripèrent avec un grincementstridentquifitfrémirThomasdelatêteauxpieds.Unesecondeplustard,ilbasculaitdanslevideàsontour.Làencore,ilnefitaucunbruitdanssachute,àcroirequ’ilavaitdisparuenpleinciel.

Laquatrièmecréature s’arrêtade justesseaubordduprécipice, retenueenéquilibreparunepointeetunbrasgriffu.

D’instinct,ThomassetournaversMinho,luiadressaunhochementdetête,puiss’élança.Les deux garçons bondirent sur le Griffeur à pieds joints, avec toute la vigueur qui leurrestait.Ilsleprojetèrentdanslevide.

Thomasrampaauborddugouffreetavançalatêtepourobserverlachutedesmonstres.Àsagrandestupéfaction,iln’envitaucunetrace.Lecielencontrebasétaitvide.

Ilneparvenaitpasà comprendreoùdébouchait laFalaise,ni cequiavaitpuarriverauxGriffeurs. Ses dernières forces l’abandonnèrent. Il se roula en boule sur le sol et semit àpleurer.

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Chapitre22Unedemi-heures’écoula.

NiThomasniMinhon’avaientbougéd’unpouce.

Thomas finit par s’arrêter de pleurer; il ne pouvait s’empêcher de se demander ce queMinhopensaitdelui,ets’ilenparleraitauxautres,enletraitantdemauviette.

Il se traîna au bord de la Falaise et passa la tête au-dessus du vide pour mieux voir,maintenantquel’aubeétaitlà.IlvitlaparoiduLabyrintheenà-pic,àpertedevue.Mêmeenpleine lumière, il ne distinguait toujours pas ce qui se trouvait en bas. À croire que leLabyrintheétaitperchéplusieurskilomètresau-dessusdusol.

«C’estimpossible.C’estforcémentuneillusiond’optique»,songea-t-il.

Ilroulasurledosengémissantdedouleur.Aumoinslesportesserouvriraientbientôtetils pourraient regagner le Bloc. Il jeta un coup d’œil àMinho, pelotonné contre lemur ducouloir.

—Jen’arrivepasàcroirequ’onestencoreenvie,avoua-t-il.

Minhosecontentadehocherlatête,levisagedépourvud’expression.

—Tucroisqu’ilyenad’autres?Est-cequ’onlesatoustués?

Minhorenifla.

—Onaréussiàtenirjusqu’auleverdusoleil.Sinon,tuenauraisvudixautresrappliquerillico.(Ilchangeadeposition,cequiluiarrachaunegrimaceetungrognement.)Jen’arrivepasàlecroiremoinonplus.Sérieusement.Onasurvécutoutelanuit:c’estlapremièrefoisqueçaarrive.

Thomas, qui savait qu’il aurait dû éprouver de la fierté, du courage ou quelque chosecommeça,neressentaitquedelafatigueetdusoulagement.

—Qu’est-cequ’onafaitdedifférent?

—Aucuneidée.C’estdifficilededemanderàunmortoùilapusegourer.

Thomas revint sur la manière dont les cris des Griffeurs s’étaient interrompusbrusquementdansleurchute,sansqu’ilpuisselesvoirtomber.Ilyavaitlà-dedansquelquechosedebizarreetdetroublant.

—Aprèsêtretombésdanslevide,j’ail’impressionqu’ilsontdisparuenpleinciel,commeça!

—Jesais,c’estdingue.Certainsblocardsontsuggéréqued’autrestrucsdisparaissaientdelamêmefaçon,maisleurthéorienetientpas.Regarde.

Minho jeta un caillou du haut de la Falaise. Thomas ne le quitta pas des yeux; il le vitrapetisserdeplusenplus,jusqu’àcequ’ilsoittroppetitpourqu’ilcontinueàlesuivre.IlseretournaversMinho.

—Qu’est-cequeçaprouve?

—Bah,tuvoisbienquelecaillounedisparaîtpas,lui.

—Alorsques’est-ilpassé,àtonavis?

Laquestionétaitimportante,Thomasenétaitconvaincu.

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Minhohaussalesépaules.

—C’estpeut-êtredelamagie,qu’est-cequej’ensais?J’aitropmalaucrânepourréfléchir.

Soudain,ThomasrepensaàAlby.

—Ilfautqu’onretourneàlaporte.(Ilselevaavecpeine.)J’ailaisséAlbyaccrochéaumur.

Devant laperplexitédeMinho, il luiexpliquaenquelquesmotscequ’ilavait faitde leurcompagnon.

Minhobaissalatêteavecdécouragement.

—Ilestsûrementmortàl’heurequ’ilest.

Thomasrefusadelecroire.

—Commenttulesais?Allez,viens!

Ilpartitenboitillantlelongducouloir.

—Parcequepersonnen’ajamaissurvécujusqu’ici...

Ils’interrompit,etThomasdevinaàquoiilpensait.

—Parcequ’ilsavaienttousététuésparlesGriffeursquandvouslesavezretrouvés.MaisAlbyajusteétépiqué,pasvrai?

MinhoselevaàsontouretilsreprirentensemblelecheminduBloc.

—Jenesaispas;commejetel’aidit,çan’estjamaisarrivéavant.J’enconnaisquelques-unsqui se sont faitpiquerpendant la journée.Ceux-làontpuprendre le sérumet subir laTransformation.MaispourlestocardsquisontrestéscoincésdansleLabyrinthependantlanuit,onnelesaretrouvésquelelendemain...oumême,plusieursjoursaprès.Quandonlesaretrouvés.Jepréfèrenepastedécriredansquelétat.

Thomasfrémit.

—Aprèscequej’aivucettenuit,jecroisquejepeuxl’imaginer.

Minholevalatête,levisageilluminéparl’espoir.

—Tusais,tupourraisbienavoirraison.Ons’estpeut-êtretrompés.Commetousceuxquise sont fait piquer et n’ont pas pu rentrer avant le crépuscule sontmorts, on a cru que leveninlesavaittués,parcequ’ilsn’avaientpaseulesérumàtemps.

Ilss’engagèrentdansunautrecouloir.Minhoprit latête.Ilmarchaitplusviteàprésent,talonnéparThomas,surprisdevoiràquelpointils’orientaitfacilement.Souvent,iltournaitavantmêmequeMinhoneluiindiquelechemin.

—Cefameuxsérum...,commençaThomas,c’estquoi?D’oùest-cequ’ilsort?

—Le sérum est fourni par les Créateurs. Chaque semaine on en trouve plusieurs dosesdans la Boîte, avec les provisions. C’est un remède, un antidote ou je ne sais quoi. Il seprésenteenseringuesprêtesàl’usage.Onl’injecteàceuxquisefontpiqueretçalessauve.Ils subissent quandmême la Transformation - et je peux te dire qu’ils dérouillent -,maisaprès,ilssontguéris.

Uneminuteoudeuxs’écoulèrentensilence.Thomass’interrogeaitsurcequepouvaitbiensignifierlaTransformation.Et,curieusement,iln’arrêtaitpasdepenseràlafille.

—C’est drôle, quandmême, continuaMinhoauboutd’unmoment.Onn’y avait jamaispenséavant.MaissiAlbyestencoreenvie,iln’yaaucuneraisonqu’ilnepuissepasprendre

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lesérum.Ons’estmisdanslatêtequ’unefoislesportesferméesc’étaitfichu.IlfautquejevoieAlbyaccrochéaulierre...Tuessûrquetun’espasentraindemefairemarcher?

Les garçons continuèrent.Minho semblait presque joyeux, alors que Thomas demeuraitinquiet.Iln’avaitpasvouluypenserplustôt,mais...

—EtsiunautreGriffeurétaittombésurAlby?

Minholuiadressaunregardinexpressif.

— Grouillons-nous, conclut simplement Thomas, en espérant que tous ses efforts poursauverAlbyn’avaientpasétévains.

Ils s’efforcèrent de presser le pas, mais ils souffraient trop. Au virage suivant, Thomasrepéra dumouvement devant eux. Il sentit son pouls s’accélérer. La seconde d’après, il serenditcompteavecsoulagementqu’ils’agissaitdeNewtetd’ungroupedeblocards.Laporteouestsedécoupaitderrièreeux,grandeouverte.Ilsavaientréussi.

Dèsqu’illesvit,Newtvintàleurrencontreenclaudiquant.

— Qu’est-ce qui s’est passé ? leur cria-t-il d’un air presque fâché. Comment est-ce quevous...?

—Plustard,lecoupaThomas.Ilfautd’abordsauverAlby.

Newtblêmit.

—Commentça?Oùest-il?

—Viensvoir.

Thomassedirigeavers ladroite, lenezen l’air. Ilscruta lemur jusqu’àcequ’il retrouvel’endroitoùilavaitlaisséAlbysuspenduparlesbrasetlesjambes.Ill’indiquadudoigtsansdireunmot.Legarçonétaittoujourslà,enunseulmorceau,maisilnedonnaitaucunsignedevie.

QuandNewtaperçutsonamiaccrochédanslelierre,ilseretournaversThomas,éberlué.

—Ilest...vivant?

—Jenesaispas.Ill’étaitquandjel’ailaissé.

— Quand tu l’as laissé... (Newt secoua la tête.) Minho et toi, ramenez vos fesses àl’intérieuretallezvous faireexaminerpar lesmedjacks.Vousavez l’airmalenpoint.Vousmeracontereztoutçaquandvousserezsoignésetreposés.

Thomasauraitvouluresteret s’assurerqu’Albyallaitbien. Il fitminede répliquer,maisMinholesaisitparlebrasetl’en-trainadeforceversleBloc.

—Onabesoindereposetdebandages.Viens!

Thomas capitula. Après un dernier regard en direction d’Alby, il suivit Minho hors duLabyrinthe.

*

Le retour à la ferme lui parut durer une éternité, entre deux rangées de garçons qui lesdévisageaient avec des yeux ronds. Les blocards affichaient une stupéfaction émerveillée,commes’ilsvoyaientdeuxfantômesémergerd’uncimetière.Thomasavaitconsciencequ’ilsvenaientd’accomplirun exploit sansprécédent,mais toute cette attention lemettaitmal àl’aise.

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Ilfaillits’arrêterquandilrepéraGally,lesbrascroisésetl’œilmauvais.Ilrassemblatoutsoncourageetleregardadroitdanslesyeux,sansjamaisromprelecontact.Quandilparvintàmoinsdedeuxmètres,Gallybaissalatête.

Cefutjouissif.

Les minutes suivantes passèrent comme dans un brouillard. Deux medjacks lesconduisirentdanslafermeetleurfirentmonterl’escalier.Thomasaperçutaupassagelafilledanslecomaallongéedanssachambre.Puisoulesmitaulit,onlesfitboireetmanger,onpansaleursplaies.

Alorsqu’ilsombraitdanslesommeil,deuximagesrefusaientdelequitter.D’abord,lemotqu’ilavaitlusurlethoraxdesdeuxscaralames:WICKED.

Ensuite,lafille.

*

Quelquesheuresplus tard -oupeut-êtremêmequelques jours-,Thomas fut réveilléparChuckpenchéàsonchevet.

Il lui fallut quelques instants pour se rappeler où il était et s’éclaircir les idées. Puis ilgémit.

—Laisse-moidormir,tocard.

—J’aipenséquetuaimeraisêtremisaucourant.

Thomassefrottalesyeuxetbâilla.

—Aucourantdequoi?

Chuckleregardaitavecungrandsourire.

—Ilestvivant.Albyesttiréd’affaire,lesérumafonctionné.L’engourdissementdeThomassedissipaaussitôtpourcéderlaplaceausoulagement.Ilfutsurprisdedécouvriràquelpointcettenouvellelecomblaitdejoie.Maiscelanedurapas.

— Il vient de commencer la Transformation, ajouta Chuck. À cet instant, comme enréponseàunsignal,uneffroyablehurlementretentitdanslachambrevoisine.

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Chapitre23Thomass’interrogealonguementausujetd’Alby.Certes, il luiavaitsauvé lavieet l’avait

sortiduLabyrinthe.Unegrandevictoire.Maiscelaenvalait-illapeine?Àprésent,lepauvresouffraithorriblementetallaitdevoirtraverserlamêmeépreuvequeBen.Ets’ilenressortaitaussifouquelui?

Le soir descendait sur le Bloc. Alby continuait à crier. Impossible d’échapper à seshurlements,même après que Thomas était enfin parvenu à convaincre lesmedjacks de lelaissersortir.Newtavaitrefusécatégoriquementqu’ilvoieceluipourquiilavaitrisquésavie.«Çaneferaitqu’aggraverleschoses»,luiavait-ilassuré,etiln’avaitpasvouluendémordre.

Thomas n’avait pas suffisamment d’énergie pour se disputer avec lui. Il avait passé lamajeurepartiedelajournéesurunbancàproximitéduterminus.Lajoiedesonsuccèsétaitrapidement retombée, le laissant face à ses douleurs et à ses idées noires. Chacun de sesmusclesluifaisaitmal;ilétaitcouvertdebleusetd’entaillesdelatêteauxpieds.Maislepirerestait le poids émotionnel de ce qu’il avait subi la nuit précédente. Comme s’il venaitseulementdecomprendrelaréalitédesanouvelleexistence.

«Quipourraitseréjouirà l’idéedevivre ici?songea-t-il.Quiapuêtreassezcruelpournous infliger ça ? » Il comprenait plus que jamais la ferveur des blocards à chercher unesortie.

Ilnes’agissaitpasseulementdes’évader.Pourlapremièrefois, iléprouvait l’enviedesevengerdeceuxquil’avaientenvoyédanscetendroit.

Mais toutes ces réflexions ne faisaient que l’amener au désespoir. Puisque Newt et lesautresn’avaientriendécouvertauboutdedeuxans,onpouvaitdouterqu’ilexisteunesortieàceLabyrinthe.Lefaitquelesblocardsn’aientpasrenoncéendisaitlongsureux.

Àprésent,ilétaitl’und’entreeux.

«C’estmavie,maintenant.Dansunlabyrinthegéantaumilieudecréaturesabominables», se dit-il. La tristesse l’envahit tel un poison. Les cris d’Alby n’arrangeaient rien. Il sebouchaitlesoreillesaveclesmainschaquefoisqu’illesentendait.

Lejours’achevaenfin,etlecoucherdusoleilamenacegrondementdésormaisfamilierdesquatreportesquisefermaient.

Juste après la tombée de la nuit, Chuck vint lui apporter son dîner avec un grand verred’eau.

Thomasressentitsoudainuneboufféedetendressepourlegarçon.

—Merci.

Ilentamasonassiettedebœufetdepâtesmalgrésesbrasdouloureux.

—J’enavaisbesoin,marmonna-t-illabouchepleine.

Il but une grande gorgée d’eau, puis repartit à l’assaut de son assiette. Jusque-là, il nes’étaitpasrenducompteàquelpointilavaitfaim.

—Aufait,luilançaChuck,tusaisquetoutlemondeneparleplusquedetoi?

Thomasseredressasursonbanc,nesachantpascequ’ilfallaitenpenser.

—Commentça?

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—Ehbien,pourcommencer,tusorsdansleLabyrinthealorsquec’estinterdit;ensuite,tutetransformesenuneespècedesingequigrimpeauxlianesetaccrochelesgensauxmurs;et pour finir, tu deviens l’une des premières personnes à survivre une nuit entière àl’extérieurduBloc,enéliminantquatreGril-leursaupassage.C’estvraiqu’iln’yapasdequoienfairetoutunplat.

Thomas se sentit d’abord très fier, puis il grimaça, écœuré par la joie qu’il venaitd’éprouver.Albyétaitentraindesetordrededouleur,regrettantprobablementdenepasêtremort.

—Lecoupduprécipice,c’estuneidéedeMinho.Pasdemoi.

—Cen’estpascequ’ilraconte.D’aprèslui,c’estquandilt’avuaccomplirtarouladedelamortqu’ilaeul’idéedefairepareilauborddelaFalaise.

—Marouladedelamort?répétaThomasenlevantlesyeuxauciel.N’importequeltocardenauraitfaitautant.

—Nejouepaslesmodestes.Cequevousavezréussi,Minhoettoi,c’estincroyable.

Prisd’unaccèsdecolère,Thomasjetasonassietteparterre.

—Alorspourquoijemesensaussimal,Chuck?Est-cequetupeuxmeledire?

ThomasscrutalevisagedeChuck,maisapparemmentl’autren’avaitpasderéponseàluidonner. Il se contenta de croiser les mains, les coudes sur les genoux, la tête basse, et ilgrommelafinalement:

—Pourlamêmeraisonquenoustous.

Ils restèrent en silence jusqu’à ce queNewt les rejoigne avec une tête d’enterrement. Ils’assitparterredevanteux,l’airaussisoucieuxetinquietqu’ilétaithumainementpossible.Thomasfutheureuxdelevoirmalgrétout.

—J’ail’impressionqueleplusdurestpassé,leurannonçaNewt.Albydevraitroupillerunjouroudeuxpuisseréveillerenpleineforme.Bon,ilyaurapeut-êtreencorequelquescrisdetempsentemps.

Thomas avait du mal à se représenter l’épreuve qu’Alby était en train de traverser. LeprocessusdelaTransformationcontinuaitdel’intriguer.

— Newt, qu’est-ce qui lui arrive au juste ? Sérieusement, je ne comprends rien à cettehistoiredeTransformation.

LaréponsedeNewtsurpritThomas.

—Parcequetut’imaginesqu’onycomprendquelquechose,nous?cracha-t-ilenlevantlesbrasauciel.OnsaitjustequequandtutefaispiquerparunGriffeur,tuasintérêtàrecevoirlesérumleplusvitepossiblesi tuveuxt’ensortir.Après, tu temetsà trembler, tapeausecouvredecloquesetdevientverdâtre,ettuvomistestripes.Çatevacommeça,Tommy?

Thomasfronçalessourcils.Newtétaitmanifestementàboutdenerfs.Illuifallaitpourtantdesréponses.

—Écoute,j’imaginebienquecen’estpasdrôledevoirunamisubirça,maisjeveuxjustesavoircequisepasse.PourquoivousappelezçalaTransformation?

Newtsedétenditetsoupira.

—Parce que ça fait remonter des fragments de souvenirs.Des images de ta vie d’avant.

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Ceux qui ont connu ça ont toujours un comportement un peu bizarre, après - quoiquerarementaussigravequeceluidupauvreBen.C’estunpeucommesiontemettaitsous lenezunepartiedetonanciennevie,etqu’ontelaretiraitaussitôt.

LecerveaudeThomastournaitàpleinrégime.

— Est-ce qu’ils se transforment parce qu’ils aimeraient retrouver leur ancienne vie, ouparcequ’ilssontdégoûtésdes’apercevoirqu’ellenevalaitpasmieuxquecellequ’onaici?

Newtledévisageauninstant,puisdétournalatête.

— Les tocards qui sont passés par là n’aiment pas beaucoup en parler. Ils deviennent...différents.Ilyenaquelques-unsauBloc,maisjelesévite.

Sa voix était devenue distante, et son regard se perdait au loin. Thomas comprit qu’ilpensaitàAlbyquirisquaitdeneplusêtrelemême.

—Lepire,c’estGally!intervintChuck.

— Et la fille ? Rien de nouveau? demanda Thomas pour changer de sujet. J’ai vu lesmedjackslanourriràl’étage.

—Toujours rien, réponditNewt. Elle est encore dans son espèce de coma.De temps entemps,ellemarmonnedesmotssansqueueni tête,commesiellerêvait.Elles’alimenteetsonétatsemaintientplutôtbien.C’esttrèsbizarre.

Unelonguepauses’ensuivit.Thomass’interrogeaitsurcettesensationétrangequ’ilavaitdelaconnaître.

Newtfinitparromprelesilence.

—Detoutefaçon,laquestion,maintenant,c’estdesavoircequ’onvafairedetoi,Tommy.

Thomasredressalatête,surpris.

—Commentça,cequevousallezfairedemoi?

Newtselevaets’étira.

—Tuasseméunebellepagaille,tocard.Lamoitiédesblocardsteprennentpourundieu,et les autres voudraient tebalancer au fondde laBoîte. Il vabien falloirqu’on trouveunesolution.Onendiscuteramatin.

Thomasn’aimaitpasdutoutlatournurequeprenaientlesévénements.

—J’aiconvoquéunrassemblementduconseil,continuaNewt.Ettuseraslà.Tuesleseulsujetinscritàl’ordredujour.

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Chapitre24Le lendemainmatin,Thomas, inquietet lesmainsmoites, se retrouvaassisdevantonze

autresgarçonsinstalléssurdeschaisesdisposéesendemi-cercle.Ilsétaienttousdesmatons,cequi signifiait,hélas,queGally en faisaitpartie.La chaiseen facede la sienneétait vide.Thomasdevinasansmalqu’ils’agissaitdecelled’Alby.

Ils étaient dans une grande pièce de la ferme que Thomas ne connaissait pas encore.Hormisleschaises,lemobilierserésumaitàunepetitetablecaléedansuncoin.Lesmursetle sol étaient en bois. Personnen’avait cherché à rendre la pièce plus accueillante. Elle necomportaitaucunefenêtre;ellesentait lemoisiet lesvieuxlivres.Bienqu’iln’aitpasfroid,Thomasfrissonna.

Newt,dontlaprésencelerassuraitunpeu,avaitprisplaceàdroitedelachaised’Alby.

— En l’absence de notre chef, qui est toujours malade, je déclare la séance ouverte,annonça-t-il en levant les yeuxau ciel comme s’il détestait ce genrede formalités.Commevous le savez tous, cesderniers jours ont étéplutôt animés ; et la plupartdes événementssemblenttournerautourdenotrebleu,Thomas,iciprésent.

Thomassesentitrougir.

— Ce n’est plus un bleu, intervint Gally, d’une voix si grave et si venimeuse que c’endevenaitpresquecomique.C’estunblocardcommeunautre,etilaenfreintlesrègles.

SadéclarationfutaccueilliepardesmurmuresqueNewtfittaireaussitôt.Thomasauraitvoulusetrouvern’importeoùailleurs.

—Gally,grognaNewt,essaiedenepasm’interrompre,tuveux?Situdoisouvrirtonclapetchaque fois que je dis un truc, j’aime autant que tu nous laisses, parce que je ne suis pasd’humeur.

Thomasseretintd’applaudir.

Gallycroisalesbrasets’adossaàsachaise,avecuneexpressionsirenfrognéequeThomasfaillitéclaterderire.Ilavaitdeplusenplusdemalàcroirequ’ilavaiteupeurdecegarçon,tantilluiparaissaitridicule.

AvecunregardnoirendirectiondeGally,Newtreprit:

—Bien!Laraisonpourlaquellenoussommeslà,c’estquedepuisdeuxjourspresquetouslesblocardssontvenusmetrouversoitpourcrachersurThomas,soitpourmedemandersamain.Ilfautqu’ondécidedesonsort.

Gallysepenchaenavant,maisNewtl’interrompitavantqu’ilpuissedirequoiquecesoit.

— Tout à l’heure, Gally. Chacun son tour. Et toi, Tommy, pas un mot, à moins qu’ont’interroge.C’estbiencompris?

Il attendit la réponsedeThomas, qui hocha la tête à contrecœur, puis indiqua lematonassisàdroite.

—Zart,àtoid’ouvrirlebal.

Il y eut quelques ricanements tandis que Zart, le costaud silencieux qui supervisait lejardin,s’agitaitsursachaise.

Ilparaissaitautantàsaplacequ’unecarottesurunplantdetomates.

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—Ehbien...,commençaZartenjetantunregardinquietautourdeluicommes’ilattendaitqu’onluisoufflecequ’ildevaitdire.Jenesaispas.Ilaenfreintl’unedenosrègleslesplusimportantes.Onnepeutpaslaisserpasserça.(Ilfitunepause,baissalatêteetsefrottalesmains.)D’unautrecôté... ilachangéleschoses.Maintenant,onsaitqu’onpeutsurvivreàl’extérieur,etmêmebattrelesGriffeurs.

Thomas se sentit soulagé. Il avait quelqu’un de son côté. Il se promit de se montrerparticulièrementgentilavecZart.

—Oh,pitié!lançaGally.Jepariequec’estMinhoquis’estchargédecessaloperies.

— Ta gueule, Gally ! explosaNewt en se levant pour accentuer son effet. C’estmoi quidirigececonseil,etsijet’entendsintervenirencoreuneseulefoisalorsquecen’estpastontour,j’inscristonbannissementàl’ordredujour!

—Vas-ydonc,murmuraGallyd’untonsarcastique,maisilsetassasursachaise.

NewtserassitetsetournaversZart.

—C’esttout?

Zarthochalatête.

—D’accord.Àtoi,Poêle-à-frire.

Lecuistotsouritdanssabarbeetseredressa.

—Cetocardaplusdetripesquej’enaivugrésillerdansmapoêledepuisunan.(Ilmarquaune pause, comme s’il s’attendait à des rires,mais rien ne vint.) Allez, c’est ridicule : il asauvé lavieàAlby, tuédeuxoutroisGriffeurs,etonestassis là,àdiscuterdecequ’il fautfairedelui.CommediraitChuck,toutça,c’estduplonk.

Thomas faillit se lever pour aller lui serrer lamain. Poêle-à-frire venait d’exprimer à laperfectioncequelui-mêmepensaitdepuisledébut.

—Donctupréconisesquoi?s’enquitNewt.

Poêle-à-frirecroisalesbras.

—Delenommerauconseiletdelechargerdenousapprendretoutcequ’ilaappliquélà-dehors!

Desprotestationsvirulenteséclatèrentdansl’assistance,etNewtmitpresqueuneminuteàramenerlecalme.Thomasfitlagrimace;Poêle-à-frireavaitpoussélebouchontroploin.

—Trèsbien, jenote,ditNewtengriffonnantsursoncalepin.Et lesautres, taisez-vous !Vousconnaissezlesrègles:touteslesidéessontrecevables.Vouspourrezdirecequevousenpensezaumomentdepasserauvote.

Il termina d’écrire et pointa le troisièmemembre du conseil, un garçon queThomas neconnaissaitpasencore,avecdescheveuxbrunsetdestachesderousseur.

—Jen’aipasvraimentd’opinion,déclaralebrun.

—Quoi?s’emportaNewt.Àquoiçasertquetusoisparminous,alors?

—Désolé.(Ilhaussalesépaules.)Enfait,jeseraisplutôtdel’avisdePoêle-à-frire.Onnevapaspunirquelqu’unpouravoirsauvéuncamarade,non?

—Donc,tonopinion,c’estça?insistaNewt,lecrayonàlamain.

Legarçonhochalatête,etNewtpritdesnotes.Thomassesentaitdeplusenplussoulagé.

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Apparemment,laplupartdesmatonspenchaientplutôtensafaveur.Malgrétout,iltrépignaitsursachaise;ilauraittellementsouhaitépouvoirsedéfendre.

LesuivantfutWinston,lematonpleindeboutonsdel’abattoir.

—Jepensequ’il faut lesanctionner.Jen’airiencontretoi,Thomas,maisNewt,c’est toiqui insistes tout le temps sur le respect de la discipline. Si on ne réagit pas, on créera unmauvaisprécédent.Ilaenfreintlarèglenuméroun.

—D’accord, fitNewt en écrivant dans son calepin.Donc tu recommandes une punition.Laquelle?

—On pourrait l’enfermer au gnouf durant une semaine, au pain sec et à l’eau, et nousassurerquetoutlemondelesache,histoirequelemessagepasse.

Gally applaudit bruyamment, ce qui lui valut un regard noir de Newt. L’optimisme deThomasretombaunpeu.

Deuxautresmatonsseprononcèrent,l’unpoursoutenir

Poêle-à-frire,l’autrepourappuyerWinston.PuiscefutletourdeNewt.

— Je suis d’accord avec vous tous. Il faut une sanction, mais il faut aussi trouver lemeilleur moyen d’utiliser Thomas. Je réserve ma recommandation jusqu’à ce que tout lemondesesoitprononcé.Ausuivant.

Thomasdétestaitcesdiscours,encoreplusquelesilencequ’onluiavait imposé.Maisaufonddeluiilsavaitqueleursréflexionsn’étaientpasinfondées:ilavaiteffectivementvioléunerèglefondamentale.

Ils continuèrent ainsi l’un après l’autre. Thomas écoutait distraitement, attendant lescommentaires des deux derniers matons, Gally et Minho. Celui-ci n’avait pas dit un motdepuisqueThomasétaitentrédanslapièce;ilrestaitassislà,affalésursachaise,épuisé.

Gallyparlalepremier.

—Jecroisavoirfaitconnaîtremonopinionassezclairement.

«Super.Alorsferme-la»,songeaThomas.

—Eneffet,convintNewt,lesyeuxauciel.Alorsàtoi,Minho.

—Non!s’écriaGally,faisantsursauterdeuxmatonssurleurschaises.J’aiencoreuntrucàdire.

—Ehbien,dis-le!répliquaNewt,excédé.

Thomas n’était pas fâché de voir que le président temporaire du conseil détestait Gallypresqueautantque lui.Mêmes’iln’avaitpluspeurdugarçon, ildevaitreconnaîtrequ’ilnemanquaitpasdetripes.

—Réfléchissezuneseconde,repritGally.QuandcetocardestarrivédanslaBoîte,ilavaitl’airconfuseteffrayé.Etquelquesjoursplustard,ilcavaledansleLabyrintheaumilieudesGriffeurscommes’ilavaithabitélàtoutesavie?

Thomassetassasursachaise,priantpourquepersonned’autrenepartagecetteopinion.

Gallycontinua.

—Pourmoi,ilnousajouélacomédie.Commenta-t-ilbienpufairepours’ensortiralorsqu’iln’estlàquedepuisquelquesjours?Jemeposesérieusementlaquestion,pasvous?

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—Oùveux-tuenvenirexactement,Gally?demandaNewt.

—Jepensequec’estunespionenvoyéparceuxquinousontmislà.

Cette déclaration provoqua un nouveau tollé dans la salle ; Thomas, abasourdi, necomprenait pas d’où Gally sortait une idée pareille. Newt parvint finalement à ramener lecalme.Gallyn’enavaitpasterminé.

—Onnepeutpas faireconfianceàce tocard,continua-t-il.Le lendemaindesonarrivée,unecingléedébarqueenmarmonnantqueleschosesvontchanger,avecsonmessagedanslamain.OndécouvreunGriffeurmort.Etcommeparhasard,ThomassefaitenfermerdansleLabyrintheduranttoutelanuitetrevientenessayantdesefairepasserpourunhéros.Maisenfait,niMinho,nipersonnenel’avraimentvugrimperdanslelierre,sansparlerdureste.Commentpeut-onêtresûrquec’estbienluiquiahisséAlbylà-haut?

Gallymarquaunepause;personneneditplusrienpendantunmoment.Thomassesentitgagnépar lapanique.Etsi lesautresserangeaientà l’avisdeGally? Il faillit sortirdesonsilence,maisavantqu’ilpuisseouvrirlabouche,Gallyrepritlaparole:

—Ilsepassetropdetrucsbizarrescesdernierstemps,et toutacommencéle jouroùceguignols’estpointé.Orilsetrouvequec’estlapremièrepersonneàsurvivredenuitdansleLabyrinthe.Jedisquec’estlouche,etjusqu’àcequ’onyvoieplusclair,jerecommandedeleboucleraugnouf...pourunmoisaumoins.Après,onpourraenrediscuter.

Newtgriffonnasursoncalepinensecouantlatête.

—Ceseratout,capitaineGally?demanda-t-ilenfin.

— Arrête de faire ton malin, Newt, cracha l’autre en rougissant. Je suis très sérieux.Commentveux-tuqu’on fasse confianceà ce tocardaprèsmoinsd’une semaine?Arrêtededénigrertoutcequejedissanstedonnerlapeined’yréfléchir.

—D’accord,Gally,ditNewt.Jesuisdésolé.Ont’aentendu,etonvaprendreencomptetafoutuerecommandation.Etmaintenant,est-cequetuasterminé?

—Oui,j’aiterminé.Etjesaisquej’airaison.

Là-dessus,NewtsetournaversMinho.

—Àtoi,maintenant.

Thomasseréjouit;legarçonallaitsûrementprendresadéfense.

Àlasurprisegénérale,Minhoselevabrusquement.

—J’étais là,dehors.J’aivucequ’ila fait: ils’estmontréfortpendantqueje faisaisdansmon froc. Je ne vais pas soûler tout le monde comme Gally. Je veux juste donner marecommandation,etbasta!

Thomasretintsonsouffle.

—Jeproposequecetocardmeremplaceàlatêtedescoureurs.

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Chapitre25Un silence de plomb s’abattit sur la pièce, comme si le monde s’était figé, et tous les

membresduconseil fixèrentMinho.Thomas, stupéfait, s’attendaitàceque lecoureur leurdisequ’ilplaisantait.

Gallyfinitparromprelecharme.

—C’estridicule!(IlsedressadevantNewtetpointaledoigtsurMinho,quis’étaitrassis.)Ondevraitlevirerduconseilpouravoirdituntrucaussistupide!

Certainsmatons semblaient approuver la recommandation deMinho - comme Poêle-à-frire, qui applaudit pour couvrir les paroles de Gally et réclama un vote. D’autres non.WinstonsecouafermementlatêteetgrommelaquelquechosequeThomasnecompritpas.Alors que tout le monde parlait en même temps, Thomas mit sa tête entre ses mains etattenditquelecalmerevienne,terrifiéetimpressionné.PourquoiMinhoavait-ilproposéça?«C’est forcémentuneblague.Newtaditqueçaprenaituneéternitépourdevenircoureur.Alors,matondescoureurs?»pensa-t-il.

Enfin,Newtposasoncalepinets’avançadansledemi-cercleenréclamantlesilence.Petitàpetit,lecalmerevintetlesmatonsserassirent.

—NomdeDieu!tonnaNewt.Jen’aijamaisvuautantdetocardssecomportercommedesgamins.Onn’enapeut-êtrepasl'air,maisici,c’estnous,lesadultes.Alorsagissezenadultes,sinonautantdissoudreleconseiletrepartirdezéro.

Ilparcouruttoutelarangéedesmatonsenlestoisantl’unaprèsl’autre.

—Est-cequejemefaisbiencomprendre?

Seullesilenceluirépondit.

—Bien.

Newtregagnasachaiseet repritsoncalepin. Ilajoutaquelques lignessur lepapier,puislevalesyeuxversMinho.

—Cen’estpasrien,cequetunousproposeslà,monfrère.Désolé,maisilvafalloirnousdonnerunpeuplusd’arguments.

Thomasétaitimpatientd’entendrelasuite.

Quoiquevisiblementépuisé,Minhoentrepritdedéfendresaposition.

—Écoutez,c’estfaciled’êtreàvotreplaceetdeparlerdecequevousneconnaissezpas.Jesuisleseulcoureuriciprésent,etàpartmoi,leseulquisoitjamaisallédansleLabyrinthe,c’estNewt.

Gallyprotesta:

—Passitucompteslafoisoùje...

—Çanecomptepas!lecoupaMinho.Crois-moi,nitoinipersonnen’avezlamoindreidéede la façon dont les choses se présentent là-bas. La seule raison pour laquelle tu t’es faitpiquer, c’est que tu as enfreint la même règle que tu reproches à Thomas d’avoir violée.J’appelleçadel’hypocrisie,salepetit...

—Çasuffit,intervintNewt.Contente-toid’argumenter.

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Latensionétaitpalpable.GallyetMinhosedévisageaient,levisageempourpré.

—Detoutefaçon,laquestionn’estpaslà,repritMinho.Jen’avaisjamaisvuça.Iln’apaspaniquéuneseconde.Ilnes’estpasmisàgeindreouàpleurer.Alorsqu’iln’estlàquedepuisquelques jours !Rappelez-vouscommentnousétionsànotrearrivée.Accroupisdansnotrecoin, complètement désemparés, à pleurer tout le temps, sans faire confiance à personne.Nousavonstousétécommeça,pendantdessemaines,parfoisdesmois,jusqu’àcequenousn’ayonspasd’autrechoixquedenousbougerlesfesses.

MinhoselevaetdésignaThomas.

—Lui, auboutdequelques jours, il est sorti dans leLabyrinthepour sauverdeux typesqu’il connaissait à peine. Toute cette discussion à propos des règles qu’il n’aurait pasrespectées, c’est n’importe quoi. On ne lui avait pas expliqué les règles. Par contre, on luiavait parlé en long et en large de ce qu’il pouvait s’attendre à trouver dans le Labyrinthe,surtout lanuit.Et il estquandmêmesorti, aumomentoù laporte se refermait,parcequenousavionsbesoind’aide.

Ilprituneprofondeinspiration.Ilsemblaitreprendredesforcesàmesurequ’ilparlait.

—Etcen’estpastout.Aprèsça,ilm’avuabandonnerAlbyàsonsort.Pourtantc’étaitmoilecoureurexpérimenté.Enmevoyantrenoncer,ilauraitdûsedirequec’étaitfichu.Maispasdutout.Réfléchissezunpeuàlaforceetàlavolontéqu’illuiafallupourhisserAlbylelongdecemur,centimètreparcentimètre.C’estdingue.C’estcomplètementdingue!Ensuite,lesGriffeurs sont arrivés. J’avais dit à Thomas qu’il valait mieux nous séparer et j’avaiscommencé à mettre en pratique nos tactiques d’évasion, en courant selon le schémapréétabli.Au lieude flipper,Thomass’estretroussé lesmanchesets’estoccupéd’Alby; ilaattirélesGriffeursderrièrelui,enavaincuunetatrouvé...

—Onasaisi,l’interrompitGally.L’amiTommyauneveinedependu.

Minholuifitface.

—Non,tun’asriencompris!Endeuxans,jen’avaisencorejamaisrienvudepareil...

Minho s’arrêta, se frotta les yeux, puis poussa un gémissement de frustration. Thomasétaitbouchebée.

—Gally,repritMinhod’unevoixpluscalme,tun’esqu’unechochottequines’estjamaisintéresséeauxcoureursetquin’ajamaisdemandéàenfairepartie.Alorsneparlepasdecequetuneconnaispas.Tagueule!

Gallysedressa,fouderage.

—Répèteçaencoreunefois,fulmina-t-ilenpostillonnant,etjetedémolissurplacedevanttoutlemonde!

Minholuiritaunez,puistenditlebrasetlerepoussa,lamainàplatsursonvisage.Gallybasculaenarrièresursachaise,quisebrisasoussonpoids.Ils’étaladetoutsonlongetroulaaussitôtsurleventrepourserelever.MaisMinhos’avançaetleplaquaausolavecsonpied.

— Gally, déclara-t-il avec un rictus, ne me menace plus jamais, c’est un conseil. Nem’adressemêmepluslaparole.Siturecommences,jetebriselanuqueaprèst’avoircassélesbrasetlesjambes.

NewtetWinstonbondirentsurleurspiedsetempoignèrentMinhoavantqueThomasn’aitle tempsde réaliser cequi sepassait. Ils l’écartèrentdeGally,qui se relevaenécumantde

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rage.Mais le garçonne fit pas un geste versMinho; il se contenta de bomber le torse, lesnarinesfrémissantes,etdereculerverslasortie.Il jetaunregardcirculairesurlapièce, lesyeux brûlants de haine. Il semblait prêt à commettre un meurtre. Parvenu à la porte, ilcherchalapoignéeàtâtonsdanssondos.

—Tun’auraisjamaisdûfaireça,Minho,dit-ilencrachantparterre.Tun’auraisjamaisdûfaireça.(SonregarddefouseposasurNewt.)Jesaisquetumedétestes, tum’astoujoursdétesté.Ondevraittebannirpourtonincompétenceàdirigercegroupe.Tueslamentable,ettousceuxquisontlànevalentpasmieux.Leschosesvontchanger,vouspouvezmecroire.

Thomas sentit sa gorge se nouer. Comme si la situation n’était pas assez compliquéecommeça.

Gallyouvrit laporteà lavoléeetsortitdans lecouloir.Maisavantquequiconqueaitpuréagir,ilrepassalatêtedansl’entrebâillement.

—Quantàtoi,lebleuquiseprendpourDieu,dit-il,furibond,àThomas,n’oubliepasquejet’aidéjàvuquelquepart, l’aisubilaTransformation.Etcequedéciderontcestocardsn’ychangerarien.

Ilfixatouràtourchacunedespersonnesprésentes.QuandsonregardmalveillantrevintseposersurThomas,ilajouta:

—Jene saispas ceque tuesvenu faire ici,mais je te jureque je saurai t’enempêcher.Quitteàtetuer,s’illefaut.

Là-dessus,ilquittalapiècepourdebonenclaquantlaportederrièrelui.

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Chapitre26Thomasdemeurapétrifiésursachaise;unesensationpénibleluinouaitl’estomac,comme

s’il étaitmalade.Depuis son arrivée auBloc, il avait connu toute la gammedes émotions:peur,solitude,désespoir,tristesseetmêmedecourtsmomentsdejoie.Maisqu’onlehaïsseaupointdevouloirletuer,c’étaitnouveaupourlui.

«Gallyestcinglé,sedit-il.Ilestcapabledetout.»

Les membres du conseil restaient silencieux, tout aussi choqués que Thomas. Newt etWinstonavaientlâchéMinho;lestroisregagnèrentleurschaisesd’unairboudeur.

—Ilapétélesplombs,murmuraMinhosibasqueThomasn’étaitpassûrqu’ilaitvouluqu’onl’entende.

—Tuyesunpeupourquelquechose,non?rétorquaNewt.Qu’est-cequit’apris?

Minhoplissalespaupièresetrejetalatêteenarrière.

—Arrête.Vousétiezbiencontentsque je luirabattesoncaquet, toicommelesautres.Ilétaittemps,d’ailleurs.

—Ilnefaitpaspartieduconseilsansraison.

—Mec, ilamenacédetuerThomas!Ilestpsychologiquement instable,et tuferaisbiend’envoyerdesgarslemettreaugnouf.Ilestdangereux.

—Iln’avaitpeut-êtrepastort,observaWinstond’unevoixcalme.

—Hein?s’exclamaMinho,enéchoàcequepensaitThomas.

Winston parut surpris d’avoir été entendu. Il jeta un regard à travers la pièce avant des’expliquer.

—Ehbien... ilasubi laTransformation,aprèss’êtrefaitpiquerparunGriffeurenpleinejournée, juste devant la porte ouest. Ce qui veut dire qu’il a des souvenirs. En plus, il aprétenduavoirvuThomas.Pourquoiaurait-ilinventéuntrucpareil?

Thomas réfléchit à la Transformation et aux souvenirs qu’elle était supposée réveiller.L’idéenel’avaitpaseffleuréavant,maispourquoineseferait-ilpaspiquerparunGriffeur,quitteàpasserpardesmomentsdouloureux,pourrécupérerunepartiedesamémoire? Ilrevit Ben en train de se tortiller sur son lit, et se rappela les hurlements d’Alby. « Laissetomber»,songea-t-il.

— Winston, tu as vu ce qui vient de se passer, non ? demanda Poêle-à-frire avecincrédulité.Gallyaperdulaboule.Àtaplace,jen’accorderaispastropd’importanceàcequ’ilpeutraconter.TucroisvraimentqueThomasestunGriffeurcamouflé?

Thomasn’ytenaitplus.Ildemandad’unevoixquelafrustrationrendaitforte:

—Jepeuxdirequelquechose?J’enaiassezdevousentendreparlerdemoicommesijen’étaispaslà.

Newtluijetauncoupd’œilethochalatête.

—Vas-y.Aupointoùonenest...

Thomasorganisarapidementsespensées,cherchantlesmotsjustes.

— Je ne sais pas ce que Gally a contre moi. Et je m’en fiche. Ce gars m’a l’air fêlé.

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Concernantquijesuis,jen’ensaispasplusquevous.Maissijemesouviensbien,onestlàpourdiscuterdecequej’aifaitdansleLabyrinthe,etpasparcequ’unfoufurieuxmeprendpourl’incarnationdumal.

Quelqu’unpouffa.Thomassetut,espérantavoirfaitvaloirsonpointdevue.

Newtacquiesçaavecsatisfaction.

—Trèsbien.Jeproposequ’onenrevienneàl’ordredujouretqu’ons’occupedeGallyplustard.

— On ne peut pas voter en l'absence d’un membre, relevaWinston. À moins qu’il soitgravementmalade,commeAlby.

—Oh,allez,Winston!rétorquaNewt.Gallyn’estpasdanssonassietteaujourd’hui,onsepasserade lui. Thomas, dis ce que tu as à dire pour ta défense et ensuite onprocédera auvote.

Thomasserraitlespoingssursesgenoux.Ilsedétenditetpritlaparole,sansréfléchiràcequ’ilallaitdire:

— Je ne crois pas avoir fait quelque chose de mal. J’ai simplement vu deux gars quiessayaientderentrerauBlocetquin’allaientpasyarriver.Les ignoreràcaused’unerèglestupide, ç’aurait été égoïste, lâcheet... stupidedemapart.Si vousvoulezm’enfermerpouravoirvoulusauverlaviedequelqu’un,trèsbien!Laprochainefois,jemecontenteraidelesmontrerdudoigtenrigolantetpuisj’iraidemanderàPoêle-à-frirecequ’ilyaaudîner.

Thomasn’essayaitpasd’êtredrôle,éberluéqu’ilétaitqu’onluireprochesonintervention.

—Voilàmarecommandation,déclaraNewt.Commetuasenfreintnotrerèglenuméroun,tuiraspasserunjouraugnouf.C’estlasanction.Jerecommandeaussiqu’ont’éliseaupostedecoureur,àcompterdelafindecetteréunion.Tuasprouvéplusdechosesenunenuitquelaplupartdesrecruesentroissemaines.Pourcequiestdedevenirmaton,oublieça. (IlsetournaversMinho.)Gallyavaitraisonlà-dessus,c’estuneidéestupide.

Mêmesilecommentaireavaitquelquechosedevexant,Thomasnepouvaitpasluidonnertort.IlsetournaversMinhopourécoutersaréaction.

Lematon,quineparaissaitpassurpris,défenditnéanmoinssaproposition.

—Pourquoi?C’est lemeilleur, jepeuxvous l’assurer.Ce serait logiquequ’ildevienne lematon.

— Écoute, répondit Newt, si c’est vrai, il sera toujours temps de le nommer plus tard.Disonsqu’onenreparledansunmois.

Minhohaussalesépaules.

—Çameva.

Newtjetaunregardcirculairesursescompagnons.

— Bien, nous avons eu plusieurs recommandations, alors je vais commencer par lesrappelertoutes,etensuite...

— Oh, laisse tomber, l’interrompit Poêle-à-frire. Votons tout de suite. Je suis pour taproposition.

—Moiaussi,ditMinho.

Presquetouslesautresvotèrentdemême.Thomassesentitfieretsoulagéàlafois.Seul

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Winstons’étaitprononcécontre.

Newtledévisagea.

—Onn’apasbesoindel’unanimité.Maisexplique-nouslesraisonsdetonchoix.

WinstonregardaThomasbienenface,puissetournaversNewt.

—En fait, çameva.Mais jecroisqu’onnedevraitpas ignorercomplètementcequ’aditGally.Ilyauntrucquimegêne,jenecroispasqu’ilaittoutinventé.C’estvraique,depuisl’arrivéedeThomas,ondiraitquetoutpartensucette.

— Pas faux, convint Newt. Ce serait bien que chacun d’entre nous prenne le temps d’yréfléchir.Peut-êtremêmeque,quandonauracinqminutes,çavaudralecoupdereconvoquerleconseilpourendiscuter.D’accord?

Winstonapprouvadelatête.

Thomasgémit.

—Vousrecommencezàparlerdemoicommesij’étaisdevenuinvisible.

—Tommy,luiditNewt,onvientdetenommercoureurcommetulevoulais.Alorsarrêtedepleurnicherettire-toi,tuveux?Tuasunentraînementàsuivre.

Thomas n’avait pas encore bien réalisé qu’il allait devenir coureur et explorer leLabyrinthe.Ilressentitunfrissond’excitation,convaincuqu’iléviteraitdeseretrouverpiégédehorsàlanuittombée.

—Etmapunition?

—Demain,réponditNewt.Duleveraucoucherdusoleil.

«Unejournée.Ç’auraitpuêtrepire»,songeaThomas.

Laréunionpritfinettouslesmatons,àl’exceptiondeNewtetdeMinho,s’empressèrentdequitterlapièce.Newtn’avaitpasbougédesachaise,oùilgriffonnaitquelquesnotes.

—Ehbien,çan’apastraîné,murmura-t-il.

Minhos’approchadeThomasetluidécochauncoupdepoingamicaldanslebras.

—Toutça,c’estlafautedecetocard.

Thomasluirenditsongeste.

—Tuvoudraisquejedeviennematon?TuesencorepluscingléqueGally.

Minhopritunairmachiavélique.

—Ç’amarché, non ? Parfois, il faut savoir viser haut pourmettre dans lemille. Tumeremercierasplustard.

Thomasneputs’empêcherdesouriredevantl’habiletédeMinho.Onfrappaàlaporte;ilseretournaetdécouvritChuck,aussiagitéques’ilvenaitd’échapperàunGriffeur.LesouriredeThomass’effaçaaussitôt.

—Qu’est-cequ’ilya?demandaNewtenselevantbrusquement.

Chucksetorditlesmains.

—Cesontlesmedjacksquim’envoient.Ilparaîtqu’Albyn’arrêtepasdesedébattreetderuerdanstouslessensendisantqu’ilveutparleràquelqu’un.

TandisqueNewtsedirigeaitdéjàverslaporte,Chuckleretintd’ungeste.

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—Euh...cen’estpastoiqu’ilveutvoir.

—Commentça?

ChuckindiquaThomas.

—Ilveutluiparleràlui.

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Chapitre27Pourladeuxièmefoisdelajournée,Thomasétaittropstupéfaitpourdirequoiquecesoit.

—Ehbien,amène-toi!ditNewtenleprenantparlebras.Tunet’imaginespasquejevaistelaisseryallertoutseul?

Thomas l’accompagna donc, suivi de Chuck, hors de la salle du conseil. Ils longèrent lecouloirjusqu’àunescalierenspiralequ’iln’avaitpasencoreremarqué.Newtposalepiedsurlapremièremarche,puissetournaversChuckd’unairmauvais.

—Toi,tunevienspas.

Chucksecontentad’acquiescersansdiscuter.Quelquechosedanslecomportementd’Albydevaitluiavoirmislesnerfsàvif.

—Souris,luilançaThomastandisqueNewtmontaitl’escalier.Onvientdem’accepterchezlescoureurs;çaveutdirequetuescopainavecunepointure,maintenant!

Ilavaitditçasurletondelaplaisanterie,pourmasquerlefaitqu’ilétaitterrifiéàl’idéedeserendreauchevetd’Alby.Etsicedernierportaitlemêmegenred’accusationsqueBen?Oupire?

—Ah,super,murmuraChuck,encontinuantàfixerlesmarches.

Avecunhaussementd’épaules,Thomass’engageadansl’escalier.Ilavaitlesmainsmoitesetsentaitunfiletdesueurcoulerlelongdesondos.

Newt,sombreetsolennel, l’attendaitenhautdel’escalier.Ilssetrouvaientàl’autreboutdulongcouloirobscurauquelmenaitl’escalierprincipal,celuiqu’avaitempruntéThomaslepremierjourquandilétaitmontévoirBen.Cesouvenirlemitmalàl’aise;ilespéraitqu’Albyseraitcomplètementremis.Maisils’attendaitaussiaupire.

Il suivit Newt jusqu’à la deuxième porte à droite et le regarda frapper doucement. Ungémissementleurrépondit.Newtpoussalaporte,quis’ouvritavecunlégergrincement.

Newts’avançadanslapièceetluifitsignedes’approcher.Thomasobéitensepréparantàunevisiond’horreur.Pourtant,ilnedécouvritqu’unadolescenttrèsaffaibliallongédanssonlit,lespaupièrescloses.

—Ildort?chuchota-t-il.

—Jen’ensaisrien,avouaNewtàvoixbasse.

Ils’assitsurunechaiseenboisauchevetd’Alby.Thomaspritladeuxièmechaisedel’autrecôté.

—Alby, soufflaNewt, avant de répéter plus fort: Alby! Chuck nous a dit que tu voulaisparleràTommy?

Alby clignadespaupières.Ses yeux injectésde sang luisaientdans la lumière. Il regardaNewt,puisThomas.Ilsetortilladanssesdrapsengeignantetseredressa,latêteadosséaulit.

—Oui,murmura-t-ild’unevoixenrouée.

— Chuck a dit que tu te débattais, que tu te comportais comme un cinglé. (Newt sepencha.)Qu’est-cequinevapas?Tuestoujoursmalade?

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Aveclaplusgrandedifficulté,commesichaquemotluicoûtait,Albydéclara:

—Tout...vachanger...Lafille...Thomas...Jelesaivus...

Ilfixaleplafond.

—Qu’est-cequetuveuxdireparlà...?repritNewt.

—J’avaisdemandéThomas!s’emportaAlby,avecuneénergiesoudainedontThomasnel’aurait pas cru capable. Ce n’est pas toi que je voulais voir, Newt. C’est Thomas ! J’avaisréclaméThomas,nomdeDieu!

—C’estbon,çava,grommelaNewt.Ilestlà,tun’asqu’àluiparler.

—Laisse-nous,ditAlby,lesyeuxclos,larespirationsifflante.

—Pasquestion.Jetiensàrester.

—Newt...va-t’en.Toutdesuite.

Thomas, trèsmalà l’aise, sedemandait cequeNewtdevaitpenserde lui et redoutait cequ’Albyavaitàluidire.

—Mais...,protestaNewt.

—Dehors!hurlaAlbyenseredressant.(Ils’assitcontrelatêtedelit.)Fouslecamp!

Newtprituneexpressionpeinée.Etpuis,aprèsun longmomentde tension, il se levaetmarchajusqu’àlaporte.«Ilvavraimentnouslaisser?»seditThomas.

—Ne t’attends pas à ce que je te baise le cul quand tu viendrasme demander pardon,prévint-ilavantdesortirdanslecouloir.

—Fermelaporte!luicriaAlby,pourajouteràl’insulte.

Newtclaqualaportederrièrelui.

Thomas sentit sonpouls s’accélérer: il se retrouvait seul au chevetd’ungarçonqui étaitdéjà irascible avant d’avoir été piqué par un Griffeur et subi la Transformation. Il fallaitqu’Alby lui dise rapidement ce qu’il voulait. Hélas, l’autre laissa le silence se prolongerpendantdelonguesminutes,etlapeurcommençaàfairetremblerlesmainsdeThomas.

—Jesaisquitues,finitpardéclarerAlby.

Thomas ne trouva rien à répliquer, hormis quelques borbo-rygmes incohérents. Il étaitcomplètementperdu.Apeuré.

—Jesaisquitues,répétalentementAlby.Jel’aivu.J’aitoutvu.D’oùonvient,quitues.Quiestlafille.JemerappellelaBraise.

«LaBraise?»

—Jenesaispasdequoituparles,bredouillaThomas.Qu’est-cequetuasvu?J’aimeraissavoirquijesuis.

—Cen’estpasbienjoli,leprévintAlby.(PourlapremièrefoisdepuisqueNewtavaitquittélachambre,AlbyregardaThomasbienenface.)C’esthorrible,enfait.Pourquoicessalopardstiennent tellement à ce qu’on retrouve nos souvenirs ? Pourquoi ne pas nous laisser vivretranquillementici?

—Alby...(Thomasauraitbienvoulupouvoirliredanslespenséesdugarçonetvoircequ’ilavait vu.) La Transformation, l’encouragea-t-il, que t’a-t-elle montré ? Qu’est-ce qui t’estrevenu?Jenecomprendsrienàcequetumeracontes.

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—Tu...,commençaAlby.

Etpuissoudain,ils’empoignalagorgeàdeuxmainsetproduisitdesgargouillements.Ilsemitàroulersurlecôté,ensedébattantcommesiquelqu’und’autrecherchaitàl’étrangler.Salanguesortaitdesabouche;illamorditàplusieursreprises.

Thomasselevad’unbondets’écartaavechorreur.Alby,enpleinecrise,donnaitdescoupsdepieddanstouslessens.Sapeau,sipâlequelquesinstantsauparavant,tournaitauviolet,tandisquesesyeuxroulaientdansleursorbites.

— Alby ! cria Thomas, sans oser s’approcher pour le calmer.Newt! hurla-t-il, les deuxmainsenporte-voix.Newt,ramène-toitoutdesuite!

Laportes'ouvritàlavoléeavantmêmequ’ilneterminesaphrase.

Newtaccourutauprèsd’Alby,l’empoignaparlesépaulesetsecouchasurlui.

—Attrape-luilesjambes!

Albyconvulsaitsifortqu’ilétaitimpossibledel’approcher.Thomasreçutuncoupdepieddanslamâchoire;unedouleurfulguranteluiremontadanslecrâne.Ilreculaensefrottantlementon.

—Vas-y,bonsang!hurlaNewt.

Thomasserralesdents,puissejetasurAlby,luisaisitlesdeuxjambesetlesécrasasoussonpoids.IlentourasescuissesavecsesbrasetlesimmobilisapendantqueNewtmaintenaitl’unedesépaulesd’Albyavecungenou,puisluiattrapaitlesmains,toujoursserréesautourdesagorge.

—Lâche!criaNewtens’efforçantdeluidesserrerlesdoigts.Tuesentraindetetuer!

ThomasvitlesbrasdeNewtgonflersousl’effort;sesveinessaillaienttandisqu’iltiraitsurlesdoigtsd’Alby.Petitàpetit,ilfinitparl’obligeràlâcherprise.Illuirabattitlesmainssurletorse.Albytressautaviolemmentetsecabrasursonlit.Puisils’apaisapeuàpeu.Quelquessecondesplustardilserallongeaitcalmement,lesoufflerégulier,lesyeuxvitreux.

Thomascontinuaàluimaintenirlesjambes,depeurqu’ilneseremetteàconvulser.Newtattendit une bonne minute avant de lui lâcher les mains. Ensuite, il ôta son genou et sereleva.Thomasseredressaàsontour.

Albylevalatête,leregardvague,commes’ilétaitsurlepointdes’endormir.

—Désolé,Newt,murmura-t-il.Jenesaispascequim’apris.C’estcommesi...moncorpsétaitcontrôléparquelqu’und’autre.Jesuisdésolé...

Thomas respira profondément. Il espérait bien ne jamais revivre une expérience aussitroublanteetgênante.

—Désolé,tuparles!rétorquaNewt.Tuétaiscarrémententraindetetuer!

—Cen’étaitpasmoi,jetejure,murmuraAlby.

—Commentça,cen’étaitpastoi?

—Jenesaispas.Je...cen’étaitpasmoi.

Albyavaitl’airaussiperduqueThomas.

Newt jugea que ça ne valait pas la peine de creuser la question. Pour l’instant tout aumoins. Il ramassa les couverturesqu’Albyavait fait tomber en sedébattant et en recouvritsonami.

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—Essaiedeterendormir,onreparleradetoutçaplustard.

(Illuiébouriffalescheveux.)Tuasvraimentunesalemine,tusais?

Alby,quisomnolaitdéjà,lesyeuxclos,secontentadedodelinerdelatête.

Newt croisa le regard de Thomas et lui indiqua la porte. Thomas ne voyait aucuninconvénient à quitter cette maison de fous. À l’instant où ils passaient le seuil, Albymarmonna.

Lesdeuxgarçonssefigèrent.

—Quoi?demandaNewt.

Alby rouvrit les yeux un bref instant, le temps de répéter ce qu’il avait dit, plusdistinctement:

—Faitesattentionàlafille.

Puisilrefermasespaupières.

Onenrevenaittoujoursàelle,semblait-il.NewtadressaunregardinterrogateuràThomas,quiluiréponditparunhaussementd’épaules.Ilnecomprenaittoujoursrienàcettehistoire.

—Allons-y,murmuraNewt.

—Oh,Newt?lançaAlbydepuislefonddesonlit,lesyeuxfermés.

—Oui?

—Protègelesplans.

Albyleurtournaledos,indiquantparlàqu’ilavaitfinideparler.

Ça ne sentait pas bon du tout. Newt et Thomas quittèrent la chambre en fermantdoucementlaporte.

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Chapitre28ThomassuivitNewtaubasdel’escalieretsortitdelafermedanslesoleildel’après-midi.

Lesilences’installa.Leschosessemblaientallerdeplusenplusmal.

—Tuasfaim,Tommy?finitpardemanderNewt.

Thomasn’encroyaitpassesoreilles.

—Quoi?Aprèscequejeviensdevoir,j’auraisplutôtenviedevomir!

Newtsourit.

—Ehbien,moioui.Allonsvoirs’ilrestequelquechoseàmanger.Ilfautqu’onparle.

—J’étaissûrquetudiraisça.

Quoi qu’il fasse, il paraissait de plus en plus étroitement mêlé aux affaires du Bloc. Ilcommençaitàs’yhabituer.

IlsserendirentàlacuisineoùPoêle-à-frireaccepta,nonsansbougonner,deleurpréparerdes sandwiches au fromage. Thomas ne put s’empêcher de remarquer que le maton descuistots le lorgnait d’un drôle d’air et détournait les yeux chaque fois que lui-même leregardait.

Unepetitevoixluisoufflaqueceseraittoujourscommeça,àprésent.Ilétaitdifférentdesautresblocards. Ilavait l’impressiond’avoirvécuunevieentièredepuissonamnésie,alorsqu’iln’étaitlàquedepuisunesemaine.

Les garçons décidèrent d’emporter leur repas dehors. Quelques minutes plus tard, ilss’installaient au pied du mur ouest, adossés au lierre, et regardaient leurs compagnonss’activerunpeupartoutdansleBloc.Thomass’obligeaàmangerpourprendredesforcesenprévisiondelaprochainetuilequiluitomberaitdessus.

—Tuavaisdéjàvuuntrucpareil?demandaThomasauboutd’unmoment.

Newtsetournaverslui,levisagegrave.

— Ce qui est arrivé à Alby ? Non. Jamais. D’un autre côté, personne ne nous a jamaisracontécequ’ilserappelaitdesaTransformation.Ilsrefusenttoujours.Albyaessayé...c’estsûrementpourçaqu’ilapétélesplombs.

Thomas s’interrompit en pleine mastication. Les Créateurs du Labyrinthe avaient-ils lapossibilitédelescontrôleràdistance?Cetteidéeluiglaçaitlesang.

— Il faut mettre la main sur Gally, dit Newt, la bouche pleine. Ce tocard est parti seplanquer.Jeveuxleretrouveretl’envoyeraugnouf.

—Sérieux?

Thomasneputs’empêcherd’éprouverunecertainesatisfactionàcetteidée.Ilseferaitunplaisirdeverrouillerpersonnellementlaporteetdejeterlaclef.

—Ceguignolamenacédetetuer.Ilvapasserunmomentàl’ombre-etilpeuts’estimerheureuxdenepasêtrebanni.Rappelle-toicequejet’aiditàproposdurèglement.

—Oui,jemesouviens.

ThomasredoutaitqueGallyneledétesteencorepluss’ilseretrouvaitaugnoufàcausedelui.«Jem’enfiche.Jen’aipluspeurdecetocard.»

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— Voilà comment ça va se passer, Tommy, lui expliqua Newt. Tu vas rester avec moijusqu’à ce soir; on a encore des choses à se dire. Demain, c’est le gnouf. Ensuite, tu irastrouverMinho.Tiens-toiàl’écartdesautrespendantunmoment.D’accord?

Thomasacquiesça.Resterdanssoncoinluiparaissaituneexcellenteidée.

—Çam’al’airparfait.Alors,Minhovas’occuperdemonentraînement?

— Oui, tu es un coureur, maintenant. Il va t’apprendre tout ce qu’il y a à savoir. LeLabyrinthe,lesplans,tout.Tunevaspaschômer.Jecomptesurtoi.

L’idéederetournerdansleLabyrinthenel’effrayaitpasplusqueça.IlsepromitdefaireexactementcequeNewtluidemandait,dansl’espoirqueçaluiéviteraitderéfléchir.Aufonddelui,ThomasespéraitsortirduBlocleplussouventpossible.Éviterlesautresétaitdevenusonnouveaubutdanslavie.

Les deux garçons achevèrent de manger en silence, après quoi Newt aborda enfin laquestionquiluitenaitàcœur.IlsetournaversThomasetleregardadroitdanslesyeux.

—Thomas,commença-t-il,j’aibesoinquetuacceptesquelquechose.Onl’aentendutropsouventpourlenier,etilesttempsqu’onendiscute.

Devinantcequiallaitsuivre,Thomasfitlagrimace.Ilavaitpeurdesmots.

—Gally,AlbyetBenl’ontdit,continuaNewt.Etmêmelafille,aprèsqu’onl’asortiedelaBoîte.Ilsl’onttousdit.

Ilmarquaunepause,s’attendantpeut-êtreàcequeThomasluidemandedequoiilparlait.MaisThomaslesavaitdéjà:

—Leschosessontsurlepointdechanger.

Newtregardaauloin,puisseretournaversThomas.

—Exact.Et les garçonsontditqu’ils t’avaient vudans leurs souvenirs à la suitede leurTransformation.D’aprèsceque j’aicompris, tun’étaispasentraindeplanterdes fleursoud’aider des vieilles dames à traverser la rue. À en croire Gally, tu étais même tellementdangereuxqueçaluiadonnél’enviedetetuer.

—Newt,jenesaispas...,commençaThomas.

MaisNewtl’interrompitaussitôt.

—Jesaisquetuneterappellesrien,Thomas!Arrêtedelerépétersansarrêt,s’ilteplaît!Aucundenousnesesouvientderien,tunoussoûlesavecça.Cequiestclair,c’estquetuesdifférentdesautresetqu’ilestgrandtempsdesepenchersurlaquestion.

Lacolères’emparadeThomas.

—OK,etcommenttucomptesfaire?Jetiensautantquevousàsavoirquijesuis,tusais?

—J’aibesoinquetuouvrestonesprit.Soishonnête,etdis-mois’ilyaquelquechoseici-quoiquecesoit-quiteparaissefamilier.

—Riendut...,répliquaThomas,avantdes’interrompre.

Il s’étaitpassé tellementdechosesdepuis sonarrivéequ’il enavaitpresqueoublié cetteimpressiondefamiliaritéqu’ilavaitressentielorsdesapremièrenuitauBloc,quandilavaitdormiàcôtédeChuck.Àquelpointils’étaitsentichezlui.Auxantipodesdelaterreurqu’ilauraitdûéprouver.

—Oui?l’encourageaNewt.Àquoitupenses?

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Thomashésita,effrayéparlesconséquencesdecequ’ilallaitdire.Maisilenavaitassezdegarderlesecret.

—Ehbien...jenemerappelleriendeprécis,avoua-t-il,prudent.Maisj’aieucommeuneimpressiondedéjà-vuendébarquantici.(IllevalatêteversNewt,espérantvoirunelueurdereconnaissancedanssonregard.)Est-cequejesuisleseul?

Newtsecontentadeleverlesyeuxauciel.

—Oui,Tommy.Laplupartd’entrenousavonspassénotrepremièresemaineàchialer.

—D’accord.

Thomasmarquaunepause,troubléetgêné.Qu’est-cequeçavoulaitdire?Pourquoiétait-ildifférentdesautres?Yavait-ilquelquechosequiclochaitchezlui?

— J’avais l’impression de connaître cet endroit, et j’ai tout de suite su que je voulaisdevenircoureur.

— Voilà qui est intéressant. (Newt l’examina d’un air méfiant.) Eh bien, continue à ypenser.Fouilledanstamémoire,etréfléchis!

—D’accord.

—Pasmaintenant, guignol ! s’esclaffaNewt. Je veux direà partir demaintenant. À tesmoments perdus : pendant les repas, quand tu vas te coucher, en promenade, quand tut’entraînesouquetutravailles.Ets’ilterevientquoiquecesoit,préviens-moi.Promis?

—Promis.

Thomasnepouvaits’empêcherdepenserqu’ilavaitéveillélessoupçonsdeNewtetquecederniercherchaitàdissimulersoninquiétude.

—Parfait!ditNewt,presquetropaimable.Pourcommencer,onvaallervoirquelqu’un.

—Quiça?demandaThomas.

Maisilavaitdéjàlaréponse.Sescraintesrevinrentenforce.

—Lafille.Jeveuxquetularegardesàt’enfairesaignerlesyeux,aucasoùçaréveilleraitquelquechosecheztoi.(Newts’essuyalesmainssursonpantalonetseleva.)Etpuis,jeveuxquetumeracontesmotpourmottoutcequet’aditAlby.

Thomasselevaensoupirant.

—D’accord.

Iln’étaitpassûrdeluidiretoutelavéritéàproposdesaccusationsd’Alby,sansparlerdel’impressionqueluifaisaitlafille.

Lesgarçonsregagnèrent la ferme.Thomasse faisaitdusouciàproposdeNewt. Ils’étaitconfiéàlui,etill’appréciaitsincèrement.IlvivraittrèsmalqueNewtseretournecontrelui.

—Aupire,ditNewt, interrompant le coursde sespensées, onpourra toujours t’envoyerauxGriffeurs:unebonnepiqûre,ethop!enroutepourlaTransformation.Onabesoindetessouvenirs.

Thomasaccueillitcetteidéeparunricanement,maisNewtnesouriaitpas.

*

La fille semblait dormir tranquillement. Alors que Thomas s’était attendu à la trouversquelettique,àdeuxdoigtsdelamort,sapoitrinesesoulevaitetretombaitavecrégularité,et

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sonteintrestaitclair.

Lepluspetitdesmedjacks -Thomasavaitoubliésonnom-se tenaitauprèsd’elleet luiversait des gouttes d’eau dans la bouche. Sur la table de chevet, une assiette et un bolcontenaient les restes de son repas: soupe et purée de pommes de terre. Ils faisaient lemaximumpourlagardersaineetsauve.

— Alors, Clint, lança Newt avec désinvolture, comme s’il était déjà passé plusieurs foisdanslajournée.Elles’entire?

—Oui,ellevabien.Elleparledeplusenplusdanssonsommeil.Àmonavis,ellenedevraitplustarderàseréveiller.

Thomas sentit ses cheveux se hérisser sur sa nuque. Curieusement, il n’avait jamaisenvisagélapossibilitéquelafillereprennesesesprits,qu’ellepuisseparlerauxautres;cetteidéelerendaitnerveux.

—Vousnotezbientoutcequ’elledit?demandaNewt.

Clintacquiesça.

—Leplussouvent,c’estincompréhensible.Maissinon,oui.

Newtindiquauncalepinsurlatabledechevet.

—Donne-moiunexemple.

—Ehbien,lamêmechosequecequ’elleaditensortantdelaBoîte:«Toutvachanger.»Ou des trucs qui concernent les Créateurs, et comme quoi il fallait que ça se termine. Et,euh...

Iljetauncoupd’œilappuyéàThomas,hésitantàcontinuerensaprésence.

—Çava,lerassuraNewt.Tupeuxparlerdevantlui.

—Ehbien...cen’estpastrèsclair,mais...Ellen’arrêtepasderépétersonnom,continua-t-ilenregardantThomas.

Thomasfaillitentomberparterre.D’oùcettefillepouvait-elleleconnaître?Ilressentaitcommeunedémangeaisonàl’intérieurdesoncrâne,qu’ilétaitincapabledecalmer.

—Merci,Clint,conclutNewt.Mets-noustoutçaparécrit,d’accord?

—Entendu.

Lemedjacklessaluadelatêteetquittalachambre.

—Prendsunechaise,fitNewtens’asseyantauborddulit.Thomaspritcelleglisséesouslebureauet laposa juste à côtéde la têtede la fille ; il s’assit et sepenchapour scruter sonvisage.

—Alors?demandaNewt.Elleterappellequelquechose?Thomascontinuaàfixerlafille.Ils’efforçaitdefouillerdanssonpassé.Ilrepensaàcetinstantoùelleavaitouvertlesyeuxàsonarrivée.

Ils étaient d’un bleu plus intense que ceux dont il avait gardé le souvenir. Il se lesreprésenta et les superposa à l’image de son visage endormi. Ses cheveux bruns, sa peauparfaite, ses lèvres pleines... En la détaillant ainsi, il prit conscience à quel point elle étaitbelle.

Unsentimentde familiarité luieffleura l’espritmaiss’évanouitpresqueaussitôt. Ilavaitéprouvéquelquechose.

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—Jelaconnais,murmura-t-ilenseredressantsursachaise.C’étaitbondel’avouerenfinàvoixhaute.

Newtseleva.

—Hein?Quic’est?

—Aucuneidée.Maisjel’aidéjàvue...quelquepart.Thomassefrottalesyeux,frustrédenepaspouvoirfairelelien.

—Ehbien,continueàchercher.Réfléchis.Concentre-toi.

—J’essaie,figure-toi!

Thomasfermalesyeuxetfouilladanslesrecoinsobscursdesonespritàlarechercheduvisagedelafille.

Ilsepenchadenouveausursachaise,respiraungrandcoup,puissetournaversNewtensecouantlatête.

—Désolé,je...

Teresa.

Ilseredressaensursaut,renversantsachaise,etpivota,lesyeuxécarquillés.Ilauraitjuréavoirentendu...

—Quoi?luidemandaNewt.Tutessouvenud’untruc?

Thomasl’ignoraetbalayalapièced’unregardconfusavantdeseretournerverslafille.

—Je...(Ilserassitenlafixantd’unairéberlué.)Newt,est-cequetum’asditquelquechosejusteavantquejemelève?

—Non.

Biensûrquenon.

—Oh. J’ai eu l’impression d’entendre... Je ne sais pas. Peut-être que c’était simplementdansmatête.Elle...ellen’ariendit?

—Elle?Non,réponditNewt,lesyeuxétincelants.Pourquoi?Qu’est-cequetuasentendu?

Thomasavaitpeurdel’avouer.

—J...justeunnom.Teresa.

—Teresa?Jen’airienentendu.Sansdouteuntrucquit’esrevenuenmémoire.C’estsonnom,Tommy!Elles’appelleTeresa.Àtouslescoups!

Thomas se sentait... mal à l’aise, comme s’il venait d’assister à une manifestationsurnaturelle.

—Jetejurequejel’aientendudansmatête!Jenepeuxpast’expliquer.

Thomas.

Cettefois,ilbonditdesachaiseets’écartaleplusloinpossibledulit,renversantlalampedechevetaupassage;elleroulaparterreavecunbruitdeverrebrisé.Unevoix.Unevoixdefille.Douce,suave,discrète.Ill’avaitentendue.Ilétaitsûrdel’avoirentendue.

—Qu’est-cequiteprend,bonDieu?s’exclamaNewt.

LecœurdeThomasbattaitlachamade.Ilsentaitlesangluimartelerlecrâne.Unflotacide

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luibrûlal’estomac.

—Elle...ellemeparle,mec!Ellemeparledansmatête.Ellevientdeprononcermonnom!

—Hein?

Toutsemitàtournoyerautourdelui,ilavaitlatêtecommedansunétau.

—Jetejure!Je...j’entendssavoix...Enfin...cen’estpasvraimentunevoix...

—Tommy,calme-toi!Jenecomprendsrienàcequetumeracontes.

—Newt,jesuistrèssérieux.Ce...cen’estpasvraimentunevoix,mais...c’estlà.

Tom,noussommeslesderniers.Çavaseterminerbientôt.Illefaut.

Cesmotsrésonnèrentsoussoncrâne,effleurantsestympans.

Ilpouvaitlesentendre.

Tom,nemelâchepasmaintenant.

Ilplaquasesdeuxmainssursesoreillesetfermalesyeux.C’étaittropbizarre;sonespritrefusaitd’admettrecequiluiarrivait.

Mamémoireestdéjàentraindes’estomper,Tom.Jenemesouviendraipratiquementplusderienàmonréveil.OnpeutpasserlesEpreuves.Ilfautqueçasetermine.Onm’aenvoyéecommeélémentdéclencheur.

Thomas n’en pouvait plus. Ignorant les questions de Newt, il tituba jusqu’à la porte,l’ouvritbrusquementets’enfuitdanslecouloir.Ildévalal'escalieretsortitdelaferme.Maislavoixétaittoujourslà.

Ilauraitvouluhurler,courirjusqu’àl’épuisement.Ilatteignitlaporteest,lafranchitsansralentiretsortitduBloc.Etilcontinuaàcourir,enfilantlescouloirs,toujoursplusloindansleLabyrinthe.

Toietmoi,Tom.C’estnousquileuravonsfaitça.Etànousaussi.

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Chapitre29Thomass’arrêtalorsquelavoixsetutpourdebon.

Ilserenditcomptequ’ilavaitcouruprèsd’uneheure.L’ombredesmurss’allongeaitversl’est,lesoleilallaitbientôtsecoucheretlesportesserefermer.Ilétaittempsderentrer.

L’idéed’affronterdenouveaulavoixetceschosesétrangesqu'elleluidisaitneluiplaisaitguère.Pourtant,iln’avaitpaslechoix.Nierlaréaliténeluiserviraitàrien.

En regagnant le Bloc au pas de course, il apprit plusieurs choses sur lui-même. Sans levouloirnimêmes’en rendre compte, il avaitparfaitementmémorisé son trajet à travers leLabyrinthe.Iln’hésitapasuneseulefoissurlecheminduretour.Ilsavaitcequeçavoulaitdire.

Minhoavaitvujuste.Thomasseraitbientôtlemeilleurdescoureurs.

Ladeuxièmechosequ’ilappritàsonsujet,c’étaitqu’ilétaitdansuneconditionphysiqueexceptionnelle.Laveilleencore,ilétaitalléauboutdesesforcesetenétaitressorticourbatudelatêteauxpieds.Ilavaitrécupérétellementvitequ’ilcouraitàprésentsanseffort,pourladeuxièmeheured’affilée.Pasbesoind’êtreungéniepourcalculerqu’àcetteallure ilauraitcourul’équivalentd’undemi-marathonàsonretourauBloc.

Pourlapremièrefois,ilpritconsciencedel’immensitéduLabyrinthe.L’édifices’étendaitsur des kilomètres. Sachant que sesmurs se déplaçaient chaque nuit, il comprenait enfinpourquoiilétaitsidifficiled’ensortir.Ilenavaitdoutéjusque-là,sedemandantcommentlescoureurspouvaientsemontreraussiimpuissants.

QuandilpassaenfinleseuilduBloc,lesportesétaientsurlepointdeserefermer.Épuisé,il courut droit au terminus et s’enfonça dans le bosquet jusqu’au coin sud-ouest. Il avaitenvied’êtreseul.

Quand les conversations des blocards ne furent plus qu’unmurmure lointain,mêlé auxbêlements desmoutons, son souhait fut exaucé; il trouva l’angle des deuxmurailles et s’yeffondra.Personnenevintledéranger.Lemursudsemitàcoulisser;Thomassepenchaenavant jusqu’à ce qu’il s’immobilise.Quelquesminutes plus tard, confortablement adossé àl’épaissecouchedelierre,ils’endormit.

*

Lelendemainmatin,onleréveillaenlesecouantdoucementparl’épaule.

—Thomas,debout!

C’étaitChuck.Cegarçonsemblaitcapabledeleretrouvern’importeoù.

Thomasseredressaavecungrognement,puiss’étira.Quelqu’unétaitvenulerecouvrirdedeuxcouverturespendantlanuit.

—Quelleheureest-il?

—Presquetroptardpourlepetitdéjeuner.(Chuckletiraparlebras.)Allez,lève-toi.Tuasintérêtàtecomporternormalement,sinonçaneferaqu’empirerleschoses.

Lesévénementsdelaveilleluirevinrentenmémoire,Thomassentitsonventresenouer.«Quevont-ilsmefaire?Ettoutcequ’ellem’araconté...qu’est-cequeçavoulaitdire?»

L’idée luivintalorsqu’ilavaitpeut-êtreperdularaison.Lestressqu’ilavaitsubidans le

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Labyrinthel’avait-ilrendufou?

Detoutefaçon,ilétaitleseulàentendrelavoix.PersonnenesavaitriendecequeTeresaluiavaitdit.Personneneconnaissaitsonnom.SaufNewt.

Et il avait bien l’intention que ça dure. Sa situation était suffisamment compliquée, pasquestion de l’aggraver en racontant aux autres qu’il entendait des voix. Le seul problème,c’était Newt. Thomas allait devoir le convaincre qu’il avait succombé à la peur et qu’unebonnenuitdesommeilavaittoutréglé.

Chuckledévisageait,lessourcilshaussés.

— Désolé, s’excusa Thomas, et il se leva d’un air aussi naturel que possible. Jeréfléchissais.Allonsmanger,jemeursdefaim.

—Bonnemaladie!approuvaChuckenluidonnantunetapedansledos.

Alorsqu’ilssedirigeaientverslaferme,Chuckluiannonça:

—Newtt’atrouvéhiersoiretilademandéàtoutlemondedetelaisserdormir.Ilnousadit aussi ce que le conseil avait décidé pour toi : une journée en cellule, et ensuite,l’intégration au programme d’entraînement des coureurs. Certains ont bougonné, d’autresontapplaudi,laplupartontdonnél’impressiondes’enfichecomplètement.Moi,jetrouveçasuper.(Chuckfitunepausepourreprendresonsouffle,puiscontinua.)Lapremièrenuit,tusais, quand tu racontais que tu voulais devenir coureur, je peux t’assurer que je rigolaisintérieurement.Jepensais:ilvaavoirunréveilpénible.Etaufinalondiraitbienquec’esttoiquiavaisraison,hein?

Thomasn’avaitpasenvied’enparler.

—Jen’ysuispourriensiNewtetMinhoontdécidédemenommercoureur.

—Benvoyons.Arrêtedejouerlesmodestes.

Devenircoureurétait ladernièrepréoccupationdeThomas.IlpensaitàTeresa,àsavoixdanssatêteetàcequ’elleluiavaitdit.

—C’estvraiqueçaparaîtassezexcitant.

Thomas se força à sourire, même si la perspective de passer une journée au gnouf luiauraitplutôtarrachéunegrimace.

—Onverrasitudisencoreçaaprèsavoircourutoutelajournée.Quoiqu’ilensoit,jeveuxquetusachesquelevieuxChuckyestfierdetoi.

L’enthousiasmedesonamiamusaThomas.

—Siseulementtuétaismamère,murmuraThomas,jeseraiscomblé.

«Mamère », songea-t-il. Lemonde lui parut s’assombrir un instant: il ne se rappelaitmêmepassapropremère.Ilbalayacettepenséeavantqu’elleneledéprime.

Unefoisàlacuisine,ilsprirentunpetitdéjeunerrapideàlagrandetable.LesblocardsquiallaientetvenaientlorgnaienttousducôtédeThomas;quelques-unslefélicitèrent.Hormisquelquesregardsnoirsicietlà,presquetoutlemondesemblaitêtredesoncôté.PuisThomassesouvintdeGally.

—Disdonc,Chuck,demanda-t-ild’unairdétachéentredeuxbouchéesd’œufsauplat,est-cequ’onaretrouvéGally?

—Non.J’allais t’enparler. Il serait sortidans leLabyrintheaprèsavoirquitté le conseil.

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Personnenel’arevudepuis.

Thomasenlaissatombersafourchette.

—Quoi?Tuessérieux?IlestvraimentallédansleLabyrinthe?

—Oui.Toutlemondesaitqu’ilapétélesplombs.Untocardt’amêmeaccusédevouloirletuerquandtuessortitoiaussihieraprès-midi.

—Jen’arrivepasàcroire...

Thomas fixait sonassiette, essayantde comprendre cequiavaitpupousserGallyà faireunechosepareille.

—Net’enfaispas,mec.Iln’yaurapersonnepourleregretter,àpartquelques-unsdesescopains.Cesonteuxquit’accusent.

Thomasn’enrevenaitpasdel’entendreparlerdeGallyavecautantdedésinvolture.

—Tusais,ilestsansdoutemortàl’heurequ’ilest.Tuenparlescommes’ilétaitpartienvacances.

Chuckpritunairpensif.

—Jenecroispasqu’ilsoitmort.

—Ahbon?Oùest-il,alors?JepensaisqueMinhoetmoiétionslesseulsàavoirréchappéàunenuitdehors.

—C’estbienceque jedis.Jecroisquesescopains lecachentquelquepartdans leBloc.Gallyn’estpasidiotaupointdepasserlanuitdansleLabyrinthe.Pascommetoi.

Thomassecoualatête.

— Peut-être justement qu’il a voulu tenter le coup. Histoire de prouver qu’il en étaitcapableluiaussi.Ilmedéteste.Enfin,ilmedétestait.

—Bof,quelleimportance?S’ilestmort,vousfinirezparleretrouvertôtoutard.Etsinon,ilsortiradesacachettequandilaurafaim.Jem’enfiche.

Thomasramassasonassietteetlarapportasurlecomptoir.

— Tout ce que je veux, c’est avoir une journée normale -une journée où je puisse medétendre.

—Tonsouhaitestexaucé,tocard,lançaunevoixdepuislaportedelacuisine.

ThomasseretournaetdécouvritNewtquiluisouriait.Çalerassura;lemondecontinuaitàtourner,aprèstout.

—Amène-toi,brigand,ditNewt.Tuaurastoutletempsdetedétendreaugnouf.Allons-y.Chuckyt’apporteradequoimangeràmidi.

ThomashochalatêteetquittalacuisinederrièreNewt.Soudain,sajournéeaugnoufluisemblaidéale.Ilpourraitenfinresterassissansrienfaire.

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Chapitre30Le gnouf était caché dans un coin sombre entre la ferme et le mur nord, derrière des

buissons de ronces qu’on n’avait pas dû tailler depuis des années. Simple cube de bétonrudimentaire, avec une fenêtre à barreaux et une porte en bois à la serrure touillée, ilsemblaitdaterduMoyenÂge.

Aprèsavoirouvertlaporte,NewtfitsigneàThomasd’entrer.

—Iln’yaqu’unechaiselà-dedans.Tuvasbient’amuser.

Thomaspénétraàl’intérieur.

—Bonnejournée,luisouhaitaNewtavantderefermerlaporte.

Thomasinspectasonnouveaulogispendantquelaserrurecliquetaitdanssondos.LatêtedeNewtapparutàlafenêtre,derrièrelesbarreaux,avecunsourirenarquois.

—Voilàcequ’ongagneàenfreindre les règles.Tuas sauvédesvies,Tommy,mais tuasencorebesoind’apprendre...

—Oui,jesais.Lerespectdurèglement.

LesouriredeNewts’élargit.

— Je t’aime bien, tocard. Mais ami ou pas, on est obligés d’appliquer une certainediscipline, c’est çaquinousmaintient en vie.Prends le tempsd’y réfléchirpendantque turestesassisàcontemplerlesmurs.

Là-dessus,ils’enalla.

*

Passéelapremièreheure,Thomassentitl’ennuisefaufilertelsdesratssouslaporte.Àlafin de la deuxième heure, il avait envie de se cogner la tête contre lesmurs.Deux heuresaprèsilenvintàsedirequ’ilpréféreraitencoredéjeuneravecGallyetdesGriffeursquederesterassisdanscetteprison.Il fouilladesonmieuxdanssamémoire ;malgrésesefforts,sessouvenirss’évaporaientavantdeprendreforme.

Heureusement,Chuckarrivaàmidiaveclerepas,offrantunediversionbienvenue.

Après lui avoir passé par la fenêtre quelques morceaux de poulet et un verre d’eau, ilcommençaàsoûlerThomasdeparoles.

— Les choses ont repris leur cours normal, annonça le garçon. Les coureurs sont partisexplorer le Labyrinthe, tout le monde travaille. Toujours aucun signe de Gally. Newt ademandéauxcoureursderentrerleprévenirdirectements’ilsdécouvraientsoncorps.Et,ahoui,Albyestsortidesachambre.Ilvabien.Newtal’airsoulagédeneplusêtrelechef.

Àlamentiond’Alby,Thomaslevalatête.Ilrevitlegarçonentraindesedébattredanssonlit,essayantdes’étrangler.Puisilsesouvintquepersonneàpartluinesavaitcequ’Albyluiavait dit quand Newt avait quitté la pièce avant la crise. Ça ne signifiait pas pour autantqu’Albygarderaitlesecretmaintenantqu’ilavaitreprissaplace.

Chuckchangeacomplètementdesujet.

—Tusais,Thomas, jemesensbizarreencemoment.Ça faitdrôled’éprouver lemaldupaysalorsqu’onneserappellemêmepasd’oùonvient.Maisjenesupporteplusd’êtreici.Je

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voudrais rentrer chez moi. Où que ce soit, quelle que soit ma famille. Je voudrais mesouvenir.

Thomas était un peu surpris. Il n’avait encore jamais entendu Chuck se confier d’unemanièreaussisincère.

—Jetecomprends,murmura-t-il.

Chuck,quisetenaitsouslafenêtre,étaittroppetitpourqueThomaspuissevoirsesyeux.Illesimaginaremplisdetristesse,peut-êtremêmedelarmes.

—Jepleuraisbeaucoup,tusais.Touslessoirs.

CetaveuchassaAlbydespenséesdeThomas.

—Ahbon?

—Un vrai bébé. Presque jusqu’au jour où tu es arrivé. Et puis, j’ai fini parm’habituer,j’imagine.C’estdevenumonchez-moi, ici,mêmesionpasse toutesnos journéesàespérertrouverunmoyend’ensortir.

—Jen’aipleuréqu’uneseulefoisdepuisquejesuislà,avouaThomas,quandj’aiéchappédejustesseauxGriffeurs.Jesuisprobablementuntypesanscœur.

—Tuaspleuré,toi?s’étonnaChuck.

—Oui.Quand le dernierGriffeur a basculédans le vide, j’ai craqué et j’ai chialé àm’enfairemal à la gorge. Toutm’est tombédessus d’un coup.Mais çam’a fait du bien ; onnedevraitjamaiss’envouloirdepleurer.Jamais.

—C’estvraiqu’onsesentmieuxaprès,hein?C’estbizarre,quandonypense.

Quelquesminutes s’écoulèrent en silence. Thomas se prit à espérer queChuck resteraitaveclui.

—Thomas?demandaChuck.

—Oui.

—Tucroisquej’aidesparents?Devraisparents?

Thomasrit,surtoutpourchasserlatristessequil’avaitsaisiàcettequestion.

—Évidemment,tocard!Ilfautquejet’expliquelecoupdeschouxetdesroses?

—Cen’estpasceque jevoulaisdire,grommelaChuckd’unevoix lugubre.Presque tousceux qui ont subi la Transformation se rappellent des choses terribles dont ils refusent deparler.Tucroisquej’aiunpèreetunemèrequim’attendentquelquepart,etàquijemanque?Est-cequ’ilspleurentlesoiravantdes’endormir?

Thomas s’aperçut qu’il avait les yeux embués de larmes. Les événements s’étaientenchaînésàunetellevitessedepuissonarrivéequ’iln’avaitpasvraimentsongéauxblocardscomme à des personnes réelles, avec des familles probablement dévorées d’inquiétude. Iln’avait même pas pensé à ses propres parents. Il s’était uniquement demandé ce qu’ilsfaisaientlà,tous,quilesyavaitenvoyésetcommentensortir.

Pour lapremièrefois, ileutpresquedesenviesdemeurtre.Chuckauraitdûsetrouveràl’école, chez lui, à jouer avec les gaminsde sonquartier. Ilméritait de rentrer à lamaisontouslessoirs,auseind’unefamilleaimante.Auprèsd’unemèrequiprendraitsoindeluietd’unpèrequil’aideraitàfairesesdevoirs.

Thomas éprouva une flambée de haine envers ceux qui avaient arraché ce pauvre gosse

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innocent à ses proches. Il aurait voulu les voir morts, ou même torturés. Chuck méritaitd’êtreheureux.

Onleuravaitretiréledroitaubonheuretàl’amour.

— Écoute-moi bien, Chuck. (Thomas marqua une pause, le temps de se calmer et des’assurerquesavoixnesebriseraitpas.)Jesuissûrquetuasdesparents.Jelesais.Çavateparaîtreterrible,maisjetepariequetamèreestdanstachambreencemoment,entraindeserrertonoreillerentresesbras,etregardedehorslemondequit’aprisàelle.Ellepleureàgrosseslarmes.Aveclesyeuxrougesetlenezquicoule.

ThomascrutentendreChuckreniflerdiscrètement.

—Nebaissepaslesbras,Chuck.Onvatrouverunesolution,onvasetirerd’ici.Jesuisuncoureur,maintenant,et je te jurede tout fairepourqueturetrouves tachambre.Etquetamèrecessedepleurer.

Ilétaitsincère.

—J’espère que tu as raison, fitChuckd’une voix tremblante. Il brandit les deuxpoucesderrièrelafenêtre,puiss’enalla.Thomasselevapourfairelescentpasdanssacellule,biendécidéàtenirsapromesse.

—Jetelejure,Chuck,murmura-t-il.Jetejuredeteramenercheztoi.

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Chapitre31Juste après le grondement caverneux qui annonçait la fermeture des portes, Alby en

personnevintlibérerThomas.Ilentenditlacleftournerdanslaserrure,puislaportes’ouvritengrand.

—Alors,tocard,tuestoujoursenvie,àcequejevois!luilançaAlby.

Ilavaitbienmeilleureminequelaveille.Thomasneputs’empêcherdeledévisageravecstupéfaction. Il avait repris des couleurs et ses yeux n’étaient plus injectés de sang; ilsemblaitavoirregagnéseptouhuitkilosenvingt-quatreheures.

Albyfronçalessourcils.

—Qu’est-cequeturegardescommeça?

Thomas secoua la tête, avec l’impression de sortir d’une transe. Les pensées sebousculaientdanssonesprit:dequoiAlbysesouvenait-il?Quesavait-il?

—Euh...rien.Jesuissimplementsurprisdetevoirrétabliaussivite.Tuasl’airenpleineforme.

Albyfitgonflersesbiceps.

—Tuasvuça?Allez,sorsdelà.

Thomass’exécuta.Ilseretintdeclignerdespaupièrespournepastrahirsoninquiétude.

AlbyrefermalaportedugnoufàclefpuisseretournaversThomas.

—Enfait,c’estduflanc.Jemesenscommeunevieilleserpillière.

—Oui,c’estàçaquetum’asfaitpenserhier.

CommeAlbyluijetaitunregardnoir,Thomass’empressadepréciser:

—Maisaujourd’hui,tuasl’aird’allerbeaucoupmieux,jetejure.

Albymitlaclefdanssapocheets’adossaàlaportedugnouf.

—Sacréediscussionqu’onaeuehier.

Thomassentitsonpoulss’accélérer.

—Euh...oui.

—Je suis sûrde ce que j’ai vu, le bleu.Ça s’estompe,mais jen’oublierai jamais.C’étaithorrible.Quandj’aiessayéd’enparler,quelquechoseavoulum’étrangler.Etmaintenant,lesimagess’effacent,commesionnevoulaitpasquejem’ensouvienne.

Lascènedelaveille,quandAlbysedébattait,revintàlamémoiredeThomas.Ilnel’auraitpas cru s’il ne l’avait pas vu de ses yeux. Bien qu’il redoute la réponse, il s’obligea àdemander:

—Tuasditplusieursfoisquetum’avaisvu.Qu’est-cequejefaisais?

Leregardd’Albyseperditdanslelointain.

—Tuétaisavec...lesCréateurs.Entraindelesaider.Maiscen’estpasçaquim’achoqué.

Thomas eut l’impressiond’avoir pris un coupde poingdans le ventre. «En train de lesaider?»

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Albycontinua.

— J’espère que la Transformation ne réveille que des faux souvenirs qu’on nous auraitimplantésdans le crâne.Certains lepensent, j’espèrevraimentquec’est ça.Parcequesi lemonderessembleàcequej’aivu...

Savoixmourut,laissantsaphraseensuspens.

Thomas,perplexe,insista:

—Dis-moicequetuasvuàmonsujet.

—Pasquestion,rétorquaAlbyensecouantlatête.Jen’aipasenviedem’étranglerencoreune fois. Peut-être qu’ils ont un moyen de contrôler notre cerveau... comme pour notreamnésie.

— Alors, si je suis vraimentmauvais, tu ferais peut-êtremieux deme laisser au gnouf,suggéraThomas,àmoitiésérieux.

—Non,mec, tun’espasmauvais.Tuespeut-êtreunguignoletunetêtedepioche,maiscertainement pas quelqu’un de mauvais. (L’ébauche d’un sourire traversa le visage durd’Alby.)Cequetuasfaitpournoussauver,Minhoetmoi,çan’avaitriendemauvais.Non,jepenseplutôtqu’ilyaquelquechosedelouchedanslesérumetlaTransformation.Enfin,jel’espère-pourtoietpourmoi.

Thomasétaitsisoulagéd’apprendrequ’Albyneluienvoulaitpasqu’ilnesaisissaitqu’unmotsurdeux.

—Tessouvenirssontsihorriblesqueça?

—J’airevudesimagesdemonenfance,l’endroitoùj’aigrandi,cegenredechoses.EtsiDieuenpersonnemeproposaitderetournerchezmoi...jetejure,sicequej’aivuestvrai,jepréféreraisencorepartircaresserunGriffeur.

Thomasavaitpeineàcroirequecepuisseêtreaussiterrible.Ilauraitbienaiméqu’Albyluidonneplusdedétails.Maisilsavaitquel’épisodedesastrangulationétaitencoretropfraisdanssamémoire.

—Bah,cesontsansdoutedesfauxsouvenirstrafiqués,Alby.Peut-êtrequelesérumagitcommeunedroguequidonnedeshallucinations.

Thomasavaitconsciencedevouloirprendresesrêvespourdesréalités.Albyréfléchitunmoment.

—Unedrogue...deshallucinations...(Ilfitnondelatête.)Çam’étonnerait.

—N’empêchequ’ilfauttrouverlemoyendenouséchapperd’ici.

—Oui,merci,lebleu,fitAlbyd’untonrailleur.Jenesaispascequ’onferaitsanstesidées.

Lessarcasmesd’AlbyarrachèrentThomasàsonhumeurmaussade.

—Arrêtedem’appelerlebleu.C’estlafille,lebleu,maintenant.

—D’accord,lebleu.(Albysoupira.)Vadîner.Taterriblepeineestenfinaccomplie.

*

Ledînerfutsucculent.

SachantqueThomasarriveraitenretard,Poêle-à-frire luiavait laisséuneassiettederôtidebœufetdepommesdeterre,ainsiqu’unpetitmotpourluidirequ’iltrouveraitdescookies

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dansleplacard.Lecuistotsemblaitbiendécidéàluiprouverlesoutienqu’ilavaitaffichélorsde laréunionduconseil.MinhorejoignitThomaspour lebrieferunpeuavantsonpremierjourd’entraînement.Dequoiréfléchiravantd’allersecoucher.

Quand ils eurent terminé,Thomas retournadormirdans lemêmecoin tranquilleque laveille,aufonddubosquet.IlrepensaàsadiscussionavecChucketsedemandacequeçaluiferaitd’avoirsesparentspourluisouhaiterunebonnenuit.

LeBlocétaitcalme,commesi tout lemondeavaithâtedes’endormiretde tireruntraitsurcettejournée.C’étaitexactementcedontThomasavaitbesoin.

Lescouverturesqu’onluiavaitapportéeslaveilleausoirétaienttoujourslà.Illesramassaets’enenveloppa,puissepelotonnaàl’angledesdeuxmursdepierre.Desodeursboiséesluimontèrentaunezquandilrespiraà fondpouressayerdesedétendre.Latempératureétaitidéale,commetoujours.Ici,onnevoyaitjamaistomberlapluieoulaneige.Sionoubliaitlelaitqu’ilsétaientpiégésdansunlabyrintheinfestédemonstres,ç’auraitpuêtreleparadis.

Certaineschosessemblaientunpeutropparfaites.

Il repensa à ce que Minho lui avait dit lors du dîner, concernant l’immensité duLabyrinthe. Il avait pu s’en rendre compte lui-même quand il s’était tenu au bord de laFalaise.Maisilneparvenaitpasàsereprésenterl’architectured’untelédifice.Lescoureursdevaientafficheruneformepresquesurhumainepouraccomplirleurmissiontouslesjours.

Pourtant, ils n’avaient jamais trouvé d’issue. Et malgré leur situation désespérée, ilsn’avaienttoujourspasrenoncé.

PuisMinholuiavaitracontél’undesraressouvenirsquiluirestaientdesavied’avant,àproposd’unefemmeenferméedansunlabyrinthe.Elles’enétaitéchappéeenposantsamaindroitesurunmuretenmarchantsansjamaislaretirer.Ainsielles’étaitobligéeàtourneràdroiteàchaqueintersection.Ensuivantles loisdelaphysiqueetdelagéométrie,elleavaitputrouverlasortie.C’étaitlogique.

Maispas ici. Ici, tous lescheminsramenaientauBloc.Undétailavait forcémentdû leuréchapper.

Le lendemain, son entraînement commencerait. Il pourrait les aider. Thomas se fit lapromesse de mettre de côté les incidents bizarres et les épreuves qu’il avait subies. Il seconsacreraitentièrementàl’énigmeduLabyrinthejusqu’àcequ’ildécouvrecommentrentreràlamaison.

«Demain.»Ilfinitpars’endormir,aveccemotàl’esprit.

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Chapitre32Minho vint chercher Thomas à l’aube. Tout excité à l’idée de commencer son

entraînement, il se réveilla aussitôt. Il s’extirpa de ses couvertures et suivit son guide, enzigzaguant entre les blocards qui dormaient dans l’herbe. Les premières lueurs du jourteintaientlascèned’ombresbleufoncé.Thomasn’avaitjamaisvuleBlocaussipaisible.Ducôtédel’abattoir,uncoqsemitàchanter.

Ils se rendirent derrière la ferme. Minho sortit une clef de sa poche et ouvrit la portebranlante d’un cagibi. Thomas fut saisi d’un frisson: qu’y avait-il dedans ? Il aperçut descordes, des chaînes et d’autres équipements tandis queMinho balayait l’intérieur avec satorche. Pour finir, le faisceau de lumière s’arrêta sur une caisse de chaussures de course.Thomasfaillitéclaterderire,celaparaissaittellementbanal.

—Tuassouslesyeuxlematérielleplusprécieuxqu’onnousenvoie,luiannonçaMinho.En ce qui nous concerne, en tout cas.On reçoit régulièrement de nouvelles paires dans laBoîte. Sans chaussures correctes, nous aurions la plante des pieds qui ressemblerait à laplanèteMars.(Ilsepenchaetfouilladanslacaisse.)Tufaisquellepointure?

—Mapointure?(Thomasréfléchituneseconde.)Je...Aucuneidée.

Déconcerté,ilretiral’unedeschaussuresqu’ilportaitdepuissonarrivéeauBlocetregardaàl’intérieur.

—Du44.

—Waouh,c’estcequ’onappelledegrandspieds.

Minhoseredressaavecunepairedechaussuresargentéesàlamain.

—Heureusement,j’aicequ’iltefaut.Regarde-moiça,onpourraitfaireducanoëdanscestrucs-là!

—Ellesmeplaisentbien.

Thomas prit les chaussures, sortit du cagibi et s’assit par terre pour les essayer.Minhoattrapaencorequelquespetiteschosesetlerejoignit.

—Seulslescoureursetlesmatonsontdroitàça,ditMinho.

AvantqueThomaspuisseleverlatête,unemontreenplastiqueluitombaitsurlesgenoux.Noire,toutesimple,elleaffichaitl’heureenchiffresdigitaux.

—Net’enséparejamais.Ellepourraitbientesauverlavie.

Thomas futheureuxde l’avoir.Mêmes’ilparvenaitàestimer l’heureensebasantsur lesoleil, la fonctiondecoureurnécessitaitsansdouteplusdeprécision.Ilboucla lamontreàsonpoignetpuisentrepritdelacerseschaussures.

Minhocontinua:

—Voilàunsacàdos,desbouteillesd’eau,unegamelle,quelquesshortsettee-shirts,etça.(Il donnaun coupde coude àThomas, qui leva les yeux.Minhobrandissait deux caleçonsmoulants, en tissu blanc scintillant.) Des sous-vêtements « spécial coureurs ». L’idéal aupointdevueconforteteuh...maintien.

—Confortetmaintien?

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—Oui,tusais.Pourt’éviterdetecoincerles...

—Ça va, j’ai compris. (Thomas prit les sous-vêtements et le reste.) Vous avez vraimentpenséàtout.

—Quand tu cours chaque jour depuis deux ans, tu as le tempsde réfléchir à ce qu’il temanque.

Ilentrepritdefourrerd’autresaffairesdanssonpropresacàdos.

Thomasétaitstupéfait.

—Tuveuxdirequ’onpeutréclamerdeschoses?Commedumatérieloudeséquipements?

Pourquoiceuxquilesavaientenvoyéslàsemontraient-ilsaussiaccommodants?

—Biensûr.IlsuffitdedéposerunelistedanslaBoîte,ethop!ÇaneveutpasdirequelesCréateursnousaccordenttoutcequ’ondemande.

—Vousavezdéjàpenséàdemanderunplan?

Minhoéclataderire.

—Oui.Onamêmeréclaméunetélé,maispasdebol.J’imaginequecesbouffonsn’ontpasenviedenousmontrer laviemerveilleusequ’onpeutavoirquandonn’estpasbouclédansunfoutulabyrinthe.

Thomasn’étaitpascertainquelavieàl’extérieursoitsiformidablequeça.Quelgenredemondepouvaitsoumettredesenfantsàuneexistencepareille?Secouantlatête,ilachevadenouer ses lacets, se releva et se mit à trottiner en cercle et à sautiller pour tester seschaussures.

—Jemesensbiendedans.Jesuisprêt.

Minho,toujoursaccroupidevantsonsac,luilançaunregarddégoûté.

—Tuas l’air débile, à sautiller commeuneballerine. Je te souhaitebonne chance, si tuveuxvraimentyaller,leventrevide,sansarmesniprovisions.

Thomassefigea.

—Desarmes?

—Oui,confirmaMinho.Viens,jevaistemontrer.

ThomassuivitMinhodanslecagibietleregardapousserquelquescartonsempiléscontrele mur du fond. Une petite trappe était cachée dessous. Minho la souleva et dévoila unescalierenboisquis’enfonçaitdanslenoir.

—Onlesgardeàlacave,pourquelestocardscommeGallynemettentpaslamaindessus.Amène-toi.

Minho passa en premier. Ils descendirent une douzaine demarches qui grinçaient sousleur poids. L’air irais était poussiéreux et imprégné d’une forte odeur de moisi. Ilsatteignirentunsoldeterrebattue.Minhoallumauneampoulenueentirantsuruncordon.

LacaveétaitplusgrandequeThomasnes’yattendait:unedizainedemètrescarrésaubasmot. Les murs étaient bordés d’étagères et de plusieurs tables imposantes, encombréesd’armes et d’instruments menaçants: bâtons, pointes métalliques, grillage - comme celuiqu’on emploie pour couvrir un poulailler -, rouleaux de fil de fer barbelé, scies, couteaux,épées...Unmurentierétait consacréau tirà l’arc, avecdesarcsenbois,des flèchesetdes

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cordesderechange.Envoyantça,Thomasserappelaaussitôt la flèchequeBenavaitreçuesoussesyeuxdanslebosquet.

—Waouh,murmura-t-ild’unevoixétoufféeparlesmursdeterre.

D’abordterrifiédevantuntelarsenal,ilfutsoulagédeconstaterquelaplupartdesarmesdisparaissaientsousuneépaissecouchedepoussière.

—Onnes’ensertpratiquementpas,lerassuraMinho.Maisonnesaitjamais.Engénéral,onn’emportequedeuxcouteaux.

Il indiquade la tête un grand coffre enbois dansun coin, dont le couvercle était relevécontre lemur.Des couteauxde toutes les formes etde toutes les tailles s’y entassaient enpagaille.

Nerestaitplusqu’àespérerquelerestedesblocardsignorentl’existencedecettepièce.

—Cen’estpasdangereuxdegarder tout ça sous lamain? s’inquiétaThomas.Et siBenétaitvenuseserviriciavantdesejetersurmoi?

Minhosortitsontrousseaudeclefsdesapocheetlefitcliqueter.

—Nousnesommesquequelques-unsàavoirlesclefs.

—Quandmême...

—Arrêtedechercherlapetitebêteetchoisisdeuxcouteaux.Assure-toiqu’ilscoupentbien,hein?Ensuite,oniraprendrelepetitdéjeuneretemporterdequoidéjeuner.Jevoudraistemontrerlasalledescartesavantqu’onsorte.

Thomasfutravidel’entendre:ils’interrogeaitàproposdubunkerdepuisqu’ilavaitvuuncoureurs’yengouffrer,lejourdesonarrivée.Iloptapouruncourtpoignardeninoxavecunmanche en caoutchouc, puis pour un autre plus long, à la lame noircie. Son excitationcommençait à retomber. Même s’il savait très bien ce qu’on risquait de croiser dans leLabyrinthe,lefaitd’avoirbesoind’armespours’yrendren’avaitrienderassurant.

*

Unedemi-heureplus tard, leventrepleinet leursacsur ledos, ils s’arrêtaientdevant laporte blindée de la salle des cartes. Thomas avait hâte de découvrir l’intérieur. Un soleilradieuxs’étaitlevéetlesblocardscommençaientàs’activer.Uneodeurdebacongrilléflottaitdans l’air. Poêle-à-frire et ses commis s’activaient pour contenter plusieurs dizainesd’estomacsaffamés.Minhotournalaclefdanslaserrure,fitroulerlevolantjusqu’audéclic,puistira.L’épaisseportepivotaencrissant.

—Aprèstoi,ditMinhoavecunerévérence.

Thomasentra.Unepeurfroide,mêléeàuneintensecuriosité,s’emparadelui.

Lapiècebaignaitdansuneodeurâcreethumide,avecdefortsrelentsdecuivre.

Minho appuya sur un interrupteur et plusieurs tubes fluorescents s’allumèrent enclignotant.

LasimplicitédelapiècesurpritThomas.D’environseptmètresdecôté,lasalledescartesavaitdesmursdebétonnus.

Aucentresedressaitunetableenboisentouréedehuitchaises.Despilesdefeuillesetdescrayons étaient soigneusement disposés devant chaque chaise. Le reste du mobilier serésumaitàhuitcoffresidentiquesàceluidescouteauxdanslacaveauxarmes.Tousfermés,

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ilss’alignaientàintervallesréguliers,deuxsurchaquemur.

—Bienvenuedanslasalledescartes,déclaraMinho.L’undesendroitslesplusagréablesqu’onpuissetrouver.

Thomasétaitdéçu,ils’attendaitàquelquechosedeplusimpressionnant.

—Dommagequ’ellepueautant.

— Moi, j’aime bien cette odeur, avoua Minho en tirant deux chaises. Assieds-toi, jevoudraistemettredeuxoutroisschémasdanslatêteavantqu’onsorte.

TandisqueThomass’installait,Minhoattrapaunefeuilleetuncrayonetsemitàdessiner.Thomas se pencha et vit qu’il avait dessiné un grand carré sur presque toute la page. Il leremplit de neuf autres carrés plus petits, en trois rangées de trois, comme une grille demorpion. Ilécrivit lemotBLOCdans le carrécentralpuisnumérota lesautresde1à8,encommençantparlecoinsupérieurgauchepuisencontinuantdanslesensdesaiguillesd’unemontre.Enfin,ilajoutadepetitstraitsicietlà.

—Ce sont les portes, expliqua-t-il. Tu connais déjà celles duBloc,mais il y en a quatreautres dans le Labyrinthe, quimènent aux sections 1, 3, 5 et 7. Elles restent toujours à lamêmeplace,mêmesi lescheminspours’yrendrechangentchaquenuitquandlesmurssedéplacent.

Sonschématerminé,ilfitglisserlafeuilleversThomas.

Celui-cilaramassa,fasciné,etl’étudiapendantqueMinhocontinuaitsesexplications.

—NousavonsdoncleBloc,entourédehuitsections,chaquesectionétantcontenuedansuncarré.Laseulechosequiressembledeprèsoudeloinàunesortie,c’estlaFalaise,maisjeteladéconseille-àmoinsquetuveuillest’offrirunechutemortelle.(Minhotapotaleplan.)Lesmurs sedéplacent tous les soirs à lamêmeheureque les portes.Enfin, c’est ce qu’oncroit,parcequec’estleseulmomentoùonlesentendbouger.

Thomaslevalesyeux,heureuxdepouvoirapportersapierreàl’édifice.

—Jen’aivuaucunmurbougerlanuitoùnoussommesrestéscoincés.

—Les couloirsprincipauxà l’extérieurdes sectionsne changent jamais.Seulement ceuxquisetrouventaprès.

—Oh.

Thomassepenchadenouveausurleschémaets’efforçadevisualiserleLabyrintheetlesmurs,làoùMinhoavaittracédeslignes.

— Il y a toujourshuit coureurs auminimum,avec lematon.Unpar section. Il fautunejournéeentièrepourexplorerchaquesection,aprèsquoionrentreeton ladessinesurunefeuille séparéepour chaque jour. (Minho jetauncoupd’œil vers les coffres.)C’estpour çaqu’onaautantdecartes.

Uneidéedéprimante—eteffrayante-vintàThomas.

—Est-cequeje...prendslaplacedequelqu’un?Quelqu’unestmort?

Minhosecoualatête.

— Non, tu n’es encore qu’en formation. L’un d’entre nous en profitera sûrement poursouffler.Net’inquiètepas,çafaitunmomentqu’iln’yapaseudepertedansnosrangs.

ÇanerassurapasbeaucoupThomas.L’airimpassible,ilindiqualasection3.

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—Donc...ilfautunejournéepourexplorerl’undecespetitscarrés?

—C’estça.(Minhoseleva,enjambalecoffrejustederrièreeuxetl’ouvrit.)Regarde.

Thomasvintjeteruncoupd’œil.Lecoffreétaitassezprofondpourcontenirquatregrandespilesdecartes.Cellesdudessussemblaienttrèssimilaires:l’ébauchegrossièred’unesectionde labyrinthe,quiremplissaitpresque toute lapage.Dans lecoinsupérieurdroit,onvoyaitécritSection8,suivideHank,dumotJouretd’unnuméro.LacartelaplusrécenteindiquaitJour749.

Minhocontinua:

—Ons’esttoutdesuiterenducomptequelesmurssedéplaçaient.Alors,onacommencéànoter les changements. On a pensé qu’en comparant les plans jour après jour, ou d’unesemaineàl’autre,onverraitémergerunschéma.Etc’estlecas:lescarréssereconstituentàl’identiqueàpeuprèstouslesmois.Maispersonnen’aencorevus’ouvrirunenouvelleportedansaucuncarré.Onn’ajamaistrouvélamoindreissue.

—Endeuxans...,murmuraThomas.Vousn’enavez jamaiseumarreaupointdevouloirresterlà-basunenuit,pourvoirsiuneissues’ouvraitpendantledéplacementdesmurs?

Minhosetournaverslui,unelueurdecolèredansleregard.

—C’estuneinsulte,mec.Sérieusement.

—Hein?fitThomas,surprisdenepass’êtrebienfaitcomprendre.

— On s’est défoncés pendant deux ans, et tout ce que tu trouves à demander, c’estpourquoionaeulatrouillederesterdehorstoutelanuit?Ceuxquiontessayéaudébutsonttous morts. Tu tiens vraiment à retenter l’expérience ? Tu crois avoir des chances d’enréchapperunedeuxièmefois?

Thomasrougit.

—Non.Désolé.

Ilavaitl’impressiond’êtreuncrétin.Mieuxvalait,bienévidemment,regagnerleBlocsainetsauftouslessoirsquecourirlerisqued’unnouvelaffrontementcontrelesGriffeurs.Cettedernièreidéelefitfrémir.

— Ça va. (Minho reporta son regard sur les cartes rangées dans le coffre, au grandsoulagement de Thomas.) La vie au Bloc n’est pas toujours une partie de plaisir,mais aumoins,onyestensécurité:onmangeànotrefaim,àl’abridesGriffeurs.Necomptepassurmoi pour demander à un coureur de passer une nuit là-bas. Pas question. À moins quequelque chose dans ces plans nous indique qu’une porte pourrait s’ouvrir, mêmetemporairement.

—Est-cequevousprogressez?

Minhohaussalesépaules.

—Pasvraiment.C’estunpeudéprimant,maisqueveux-tuqu’onfassed’autre?Onnepeutpascourirlerisquequ’uneportes’ouvreunjoursansqu’onlaremarque.C’estpourçaqu’onnepeutpasrenoncer.

Thomasacquiesça.Aussidifficilequesoitlasituation,renoncerneferaitquel’aggraver.

Minhosortitplusieurscartesrécentes.Toutenlesfeuilletant,ilexpliqua:

— Chaque coureur a la responsabilité des plans de sa section. (Il soupira.) Pour être

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honnête,onn’aencorerientrouvépourl’instant.Ettrèsfranchement,onnesaitmêmepasquoichercher.Onestmal,mec.Onestvraimentmal.

—Maisonnepeutpaslaissertomber.

—Non. (Minho rangea les cartes avec soin.) Bon, ne traînons pas, on a perdu assez detempsici.Lespremiersjours,tuvastecontenterdemesuivre.Onyva?

Thomassentitlanervositémonterenlui.

—Euh...oui.

—Tuesprêt,ouiounon?

LeregarddeMinhos’étaitdurci.Thomaslefixadanslesyeux.

—Jesuisprêt.

—Alors,allons-y!

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Chapitre33Ils entrèrentdans la section8par laporteouest et suivirentplusieurs couloirs.Thomas

courait à côté deMinho, qui prenait à gauche ou à droite sans hésiter ni ralentir un seulinstant.Lalumièrevivedumatinsoulignaitchaquedétailavecprécision:lelierre,lesmurscrevassés, les grandes dalles de pierre du sol. Thomas s’efforçait de rester à la hauteur deMinho,quitteàpiquerunsprintdetempsentempspourlerattraper.

Ilsparvinrentenfindevantuneouverturerectangulairesansporte,dansunmurorientéaunord.Minhos’yengouffrasanss’arrêter.

—Çamènede lasection8, lecarrédumilieuàgauche,à lasection1, lecarréduhautàgauche.Commejetel’expliquais,cepassagerestetoujoursaumêmeendroit,maislecheminquiymènepeutchangerunpeuaveclemouvementdesmurs.

Thomas le suivit, surpris de constater à quel point il haletait. Il espérait que c’était latrouilleetquesarespirationsecalmeraitbientôt.

Ils prirent un long couloir vers la droite, passèrent plusieurs intersections. Quand ilsarrivèrent au fond, Minho ralentit l’allure et passa la main dans son dos pour sortir uncalepinetuncrayond’unedespoches latéralesdesonsac.Ilgriffonnaquelquesnotespuisrangea le tout sans cesser demarcher.Alors queThomas se demandait ce qu’il avait écrit,Minholuifournitlaréponse.

— D’une manière générale... je me fie surtout à ma mémoire, expliqua le maton, quicommençaitàsouffler fort luiaussi.Mais tous lescinqviragesenviron, jeprendsquelquesnotespourm’aider.Ilsuffitdemarquercequiachangédepuishier.Commeça,jem’appuiesurmesrelevésdelaveillepourceuxd’aujourd’hui.Cen’estpascompliqué.

Thomasétaitintrigué.DanslabouchedeMinho,çaparaissaitfacile.

Ilsrepartirentaupasdecourseetparvinrentàuncarrefouroùtroispossibilitéss’offraientàeux.Minhochoisitsanshésiterlechemindedroite.Toutentournant,ilsortituncouteaudesapochepourcouperunebranchedelierresurlemur.Illajetaderrièreluietcontinuaàcourir.

—Miettesdepain?demandaThomas,quiserappelaitleconte.

Cegenredesouvenirnel’étonnaitmêmeplus.

—Oui,confirmaMinho.JesuisHanselettoiGretel.

Ils continuèrent à s’enfoncer dans le Labyrinthe. À chaque tournant, Minho coupait etlaissait derrière lui unebranchede lierred’unmètrede long, sansmême ralentir.Thomasétaittrèsimpressionné.

—Bien,soufflalematondontlarespirationdevenaitlaborieuse.Àtoi,maintenant!

—Hein?

Poursonpremierjour,Thomass’attendaitsimplementàcouriretàobserver.

— À toi de couper le lierre. Il faut que tu y arrives sans t’arrêter. On le ramassera enrevenant,ouonlebalancerasurlecôté.

Thomasmitunmomentàprendrelecoup.Lesdeuxpremièresfois,ildutpiquerunsprintpour rejoindreMinho après avoir tranché le lierre. Il se coupa même au doigt. Mais à la

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dixièmetentative,ilétaitdevenupresqueaussirapidequelematon.

Ils continuèrent.Auboutd’unmoment—Thomas ignoraitdepuis combiende temps ilscouraient,maisilsavaientbiendûparcourircinqkilomètres-,Minhoralentitpuiss’arrêta.

—Onfaitunepause.

Ilretirasonsacàdosetensortitunepommeetdel’eau.

Thomas suivit sonexemple. Il but goulûment, en savourant la fraîcheurdu liquidedanssongosierdesséché.

—Doucement,petitetête!s’écriaMinho.Gardes-enpourplustard.

Thomass’interrompitetsoufflaungrandcoup.Aprèsquoi,ilmorditdanssapomme.Sansqu’il sache pourquoi, ses pensées le ramenèrent au jour où Minho et Alby étaient partisexaminerlecadavreduGriffeur,quandtoutavaitsimaltourné.

— Tu nem’as jamais raconté ce qui s’est passé avec Alby le jour où il s’est fait piquer.J’imaginequeleGriffeurs’estréveillé,maiscommentças’estpasséexactement?

Minhoavaitdéjàramassésonsac,prêtàrepartir.

—Enfait,cesalopardn’étaitpasmort.Cetidiotd’Albyl’atouchéduboutdupied,etils’estranimé brusquement en sortant ses piquants avant de lui rouler dessus. Cela dit, quelquechose clochait chez lui: il n’a pas attaqué comme d’habitude. J’ai eu l’impression qu’ilessayaitsurtoutdes’enfuiretqu’Albysetrouvaitsursonchemin.

—Ils’estenfui?

Aprèssarencontreaveccescréatures,Thomasavaitdumalàlecroire.

Minhohaussalesépaules.

—Sionveut,oui.Peut-êtrequ’ilavaitbesoindeserechargerouquelquechosecommeça.Jenesaispas.

—Ilavaitunproblème?Est-cequ’ilétaitblessé?

Thomasétaitconvaincuqu’ilyavaitunindiceouuneleçonàtirerdel’incident.

Minhoréfléchituneminute.

—Non.Cettesaletéavaitl’airraidemorte,commeunestatuedecire.Ettoutàcoup,paf!elles’estremiseàbouger.

LecerveaudeThomastournaitàpleinrégime.

—Jemedemandeoùilestparti.Vousn’avezjamaisessayédelessuivre?

—Tuespressédemourir,ouquoi?Allez,viens,ilfautqu’onreparte.

Là-dessus,Minhotournalestalonsetseremitàcourir.

En luiemboîtant lepas,Thomass’efforçademettre ledoigt surune idéequi lui trottaitdans la tête. Une idée à propos du Griffeur qui paraissait mort et qui ne l’était pas, del’endroitoùilétaitalléaprèssonréveil...

Frustré,ilmitcespréoccupationsdecôtéetaccélérapournepasselaisserdistancer.

*

Thomas courut ainsi derrière Minho pendant deux heures entrecoupées de quelquespausesquiluisemblaientdeplusenpluscourteschaquefois.Malgrésaconditionphysique,ilavaitbiendumalàsuivrelerythme.

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Vers midi, Minho s’arrêta de nouveau. Ils s’assirent par terre, adossés au lierre, pourprendreleurdéjeuner.Aucund’euxn’avaitenviedeparler.Thomassavourachaquebouchéedesonsandwichetdeseslégumes,enprenanttoutsontemps.IlsavaitqueMinhodonneraitlesignaldudépartdèsqu’ilauraitfinidemanger.

—Tuasremarquédesdifférencesaujourd’hui?demanda-t-ilaveccuriosité.

Minhotapotalapochedesonsacàdosoùilrangeaitsoncalepin.

—Lesmouvementshabituels.Pasdequois’exciter.

Thomas but une grande gorgée d’eau, en fixant le mur couvert de lierre face à eux. Ilaperçutunrefletargentetrougecommeilenavaitdéjàvuplusieursfoisdanslajournée.

—Àquoiserventtouscesscaralames?s’enquit-il.(Ilyenavaitpartout,semblait-il.PuisThomassesouvintd’undétailqu’iln’avaitpasencoreeul’occasiondementionner.)Pourquoiont-ilslemot«WICKED»écritsurledos?

— Personne n’a jamais réussi à en attraper un. (Minho termina son repas et posa sagamellevideàcôtédelui.)Etpourlemot,onnesaitpas.Sansdouteuntrucdestinéànousfairepeur.Entoutcas, ilsnousespionnentpour lecomptedesCréateurs.C’est leseul trucdontonestsûrs.

—Quisontcesgens?

—LesCréateurs?Non,aucuneidée.(Minhorougitetserralespoings.)J’aimeraisbienenavoirunenfacede...

Avantquelematonaitpufinir,Thomasselevad’unbondettraversalecouloir.

—Qu’est-ceque c’estque ça ?demanda-t-il en s’approchantd’une tachegrise àhauteurd’hommequ’ilavaitaperçueàtraverslelierre.

—Oh,ça,fitMinhoavecindifférence.

Thomas écarta le lierre et découvrit une plaque métallique vissée au mur, frappée degrosseslettrescapitales.IIpassalamainsurlesmots,n’encroyantpassesyeux.

WORLDINCATASTROPHE:KILLZONEEXPERIMENTDEPARTMENT

—«Mondeenétatdecatastrophe:départementExpériencedelazonemortelle»,traduisitThomasàhautevoixavantdeseretournerversMinho.Qu’est-cequeçaveutdire?

Ilfrémit.C’étaitforcémentenrapportaveclesCréateurs.

—Jen’ensaisrien,mec.Ilsenontcollépartout,commeunlogopourleurjoliLabyrinthe.Jen’yfaisplusattentiondepuislongtemps.

Thomasseretournaverslaplaqueentâchantderefoulerlemauvaispressentimentquelleluiinspirait.

—Hum.Catastrophe...Zonemortelle...Expérience...Pastrèsrassurant,toutça.

—Ehoui,lebleu,pasrassurantdutout.Allez,enroute!

À contrecœur,Thomas laissa retomber le lierre et jeta son sac àdos sur ses épaules. Ilsrepartirentaupasdecourse,tandisquecesmotss’imprimaientdanssonesprit.

*

Une heure plus tard, Minho s’arrêtait au bout d’un cul-de-sac. Les murs massifs leurbarraientlaroute.

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—C’étaitlederniercouloir,annonça-t-ilàThomas.Ilesttempsderentrer.

Thomasrespiraprofondément.Ilpréféraitéviterdepenseraulongtrajetderetourquilesattendait.

—Tuasvudunouveau?

—Justeleschangementshabituels.Lamoitiédelajournéeestpassée,répliquaMinhoenconsultantsamontre.Ilfautsedépêcher.

Sansattendre,ilrepartitaupasdecourseparoùilsétaientvenus.

Thomas le suivit, frustrédenepasavoir le tempsd’examiner lesmursoud’explorer lesalentours.IlrattrapaMinho.

—Mais...

—N’insistepas,mec.Rappelle-toicequejet’aidittoutàl’heure:onnepeutpasprendrede risques. Et puis, réfléchis un peu. Tu crois vraiment qu’il existe une sortie ?Une portesecrète,oujenesaisquoi?

—Peut-être.Pastoi?

Minhosecoualatêteetcrachasursagauche.

—Iln’yapasdesortie.C’estpartoutpareil.Onnepeutpaspasseràtraverslesmurs.

Thomassentittoutelavéritédel’argumentetl’écartanéanmoins.

—Commenttulesais?

—Parce que ceux qui nous envoient lesGriffeurs ne vont pas nous servir une porte desortiesurunplateau.

Voilàquiremettaitencausel’intérêtdeleurmission.

—Qu’est-cequ’onfaitlà,alors?

Minhosetournaverslui.

—Cequ’onfaitlà?Onexplore...CeLabyrintheaforcémentétécréépouruneraison.Maissitut’imaginesqu’onvatrouverlaporteduparadis,tutefourresledoigtdansl’œiljusqu’aucoude.

Thomasregardadroitdevantlui,tellementabattuqu’ilfaillits’arrêter.

—Çacraint.

—Tun’asjamaisrienditdeplusvrai,monpote.

Minhosoufflabruyammentetcontinuaàcourir.Thomassecontentadelesuivre.

*

Le reste de la journéepassa rapidement.À bout de forces, Thomas regagna leBloc avecMinho et l’accompagna à la salle des cartes. Ils y dessinèrent le plan du jour avant de lecompareràceluidelaveille.Aprèsvintl’heuredelafermeturedesmursetdudîner.Chuckessayad’engagerlaconversationàplusieursreprises,maisThomas,épuisé,hochaitlatêteenl’écoutantd’uneoreilledistraite.

Avantquelecrépusculenes’effacedevantlanuit,ilavaitdéjàregagnésoncoinfavoriaufonddubosquet,oùilseroulaenboulecontrelelierre.Ilsedemandas’ilseraitcapabledetenir le même rythme le lendemain. Surtout sachant que c’était inutile. Au bout d’unejournée,lerôleducoureuravaitdéjàperdutoutsens.

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Labravourequ’ilavaitpuressentir,savolontédefairebougerleschoses,sapromessederendreChuckàsafamille,touts’étaitévanouidanslafatigueetledésespoir.

Il était à deuxdoigts de s’endormir quand il entendit une voix féminine, pareille à celled’unedéesse, enferméesous soncrâne.Le lendemainmatin, il sedemanderait si elleavaitétéréelleous’ilavaitrêvé.Entoutcas,ilsesouvintdechacundesesmots.

Tom,jeviensd’enclencherleprocessusdefin.

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Chapitre34Thomasémergeadusommeilaupetitjour.Ilcrutd’abordqu'ilseréveillaittroptôtetque

le soleiln’étaitpasencoreapparu.Puis il entendit crier.Et il leva les yeuxpour regarderàtraverslefeuillage.

Lecielétaituniformémentgris.Mortetsanscouleur.

Ilconsultasamontre:lesoleilauraitdûêtrelevédepuisuneheure.

Thomasdirigeadenouveausonregardversleciel,espérantpresquelevoirretrouversonaspectnormal.Maisilrestaituniformémentgris.

Lesoleilavaitdisparu.

*

Thomastrouvalaplupartdesblocardsdeboutprèsdel’entréedelaBoîte, ledoigtpointésur lecielmortetparlant tousà la fois.Àcetteheure, lepetitdéjeunerauraitdéjàdûêtreserviet tout lemondeau travaildepuis longtemps.Mais ladisparitionduplusgrandcorpscélestedusystèmesolairesemblaitavoirquelquepeuperturbéleprogramme.

Enréalité,alorsqu’ilassistaitàlascèneensilence,Thomasnesesentaitpasaussipaniquéni effrayé qu’il aurait dû. Il s’étonnaitmême de voir ses compagnons s’affoler commedespoussinségarés.Enfait,iltrouvaitçaplutôtridicule.

Lesoleilnepouvaitpasavoirdisparu:c’étaitimpossible.

Pourtant la boule de feu restait cachée et on ne voyait aucune ombre nulle part. Lesblocards et lui étaient trop rationnels et trop intelligents pour en arriver à une conclusionpareille.Non,ilyavaitforcémentuneexplicationscientifiqueauphénomènedontilsétaienttémoins.PourThomas, çanepouvait signifierqu’une seule chose: s’ilsnevoyaientplus lesoleil,c’étaitqu’ilsnel’avaientjamaisvuauparavant.Carlesoleilnedisparaissaitpascommeça.Donc,leurcielétaitfaux...artificiel.

Autrementdit,l’astrequileséclairaitdepuisdeuxans,leurapportaitdelachaleuretfaisaitpousserleurslégumesn’étaitpaslesoleilmaisuneillusion.Touticiétaitunleurre.

C’était la seule explicationque son esprit rationnel voulait bien accepter.Et il paraissaitévident,àvoirlaréactiondesautresblocards,qu’aucund’euxnel’avaitencorecompris.

Chucks’approcha,tellementeffrayéqueThomaseneutunpincementaucœur.

—Qu’est-cequisepasse,àtonavis?ditChuckavecuntrémolopathétiquedanslavoix,les yeux rivés au ciel. (Son cou devait lui faire un mal de chien.) On dirait un immenseplafondgris.Onpourraitpresqueletoucher.

ThomassuivitleregarddeChuck.

—Ilyapeut-êtreunepanne.Lalumièrevasansdouterevenir.

ChuckcessaenfindefixerlecielpourcroiserleregarddeThomas.

—Unepanne?Commentça?

AvantqueThomasaitpurépondre,unsouvenirluirevinttoutàcoup.LavoixdeTeresaluidisant:«Jeviensd’enclencherleprocessusdefin.»Çanepouvaitpasêtreunecoïncidence!...Ilsesentitmal.Quellequesoitl’explication,lachosequibrillaitdanslecielavaitdisparu.

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C’étaitmauvaissigne.

—Thomas?demandaChuckenluitouchantl’avant-bras.

—Mmm?

Thomasavaitlatêtecotonneuse.

—Commentça,unepanne?répétaChuck.

—Oh.Jenesaispas,réponditThomas,quiavaitbesoindetempspourréfléchiràtoutça.Maisdetouteévidence,ilyapasmaldechosesiciquenousnecomprenonspas.Cequiestsûr, c’est que le soleil ne peut pas disparaître comme ça.Et puis, il reste suffisamment delumièrepouryvoirclair.D’oùpeut-ellebienvenir?

Chuck écarquilla les yeux. On aurait dit que l’un des secrets les plus noirs et les plusprofondsdel’universvenaitdeluiêtrerévélé.

—C’estvrai,ça:d’oùellevient?Qu’est-cequisepasseici,Thomas?

Thomasluiposaunemainsurl’épaule.Ilsesentaitimpuissant.

—Jenesaispas,Chuck.Jenesaisvraimentpas.MaisjesuissûrqueNewtetAlbyaurontuneidée.

—Thomas!criaMinhoencourantverseux.QuandtuaurasfinitapauseavecChucky,onpourrapeut-êtreyaller?Onesttrèsenretard.

Thomasétaitstupéfait.Sanstropsavoirpourquoi,ils’attendaitàcequecettebizarrerieducielbouleverseleprogramme.

—Vousallezsortirquandmême?s’écriaChuck,visiblementsurprisluiaussi.

Thomasseréjouitquelegarçonaitposélaquestionàsaplace.

— Bien sûr, tocard ! répliqua Minho. Et toi, tu n’as pas du torchage qui t’attend ? (Ildévisagea tour à tour Chuck et Thomas.) En fait, ça rend nos explorations encore plusimportantes.Silesoleiladisparupourdebon,lesplantesetlesanimauxnevontpastarderàtombercommedesmouches.Onestvraimentmal.

Thomas ressentit un mélange de peur et d’excitation quand il comprit à quoi pensaitMinho.

—Tuveuxdirequ’onvapasserlanuitdehorspourexplorerlesmursdeplusprès?

—Non,pasencore.Bientôtpeut-être.(Illevalatête.)Tuparlesd’unréveil!Allez,amène-toi.

Thomas demeura silencieux pendant qu’ils préparaient leurs sacs et avalaient un petitdéjeuner sur lepouce. Sespensées revenaient sans arrêt au ciel gris et à cequeTeresa luiavaitconfié.

Qu’entendait-ellepar«processusdefin»?Ildevraitenparleràquelqu’un.Ouàtoutlemonde.

Maisiln’avaitpasenviequ’onsachequelafilleluiparlaitdanssatête.Onrisquaitdelecroirecinglé,peut-êtremêmedel’enfermer-etpourdebon,cettefois.

Aprèsunelongueréflexion,ilrésolutdesetaire.IlpartitaupasdecoursederrièreMinhopoursondeuxièmejourd’entraînement,sousunciellugubreetterne.

*

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Ils aperçurent le Griffeur avant même d’atteindre la porte menant de la section 8 à lasection1.

Minho avait quelques foulées d’avance. Il était en plein tournant quand il s’arrêtabrusquement.Ilbonditenarrière,attrapaThomasparletee-shirtetleplaquacontrelemur.

—Chut!chuchotaMinho.IlyaunesaletédeGriffeurjustelà!

Thomasécarquillalesyeux.Soncœur,quibattaitdéjàviteetfort,accéléradavantage.

Minhoposaundoigt sur ses lèvres. Il lâchaThomas, reculad’unpaspuis s’approchaencatiminidu coinderrière lequel il avait aperçu la créature.Très lentement, il sepencha enavantpourjeteruncoupd’œil.Thomasseretintdeluicrierd’êtreprudent.

Minhoseretournaverssoncompagnon.

—Ilestlà.Immobilecommeceluiquejecroyaismort.

—Qu’est-cequ’onfait?demandaThomasleplusdoucementpossible.(Iltâchad’ignorerlapaniquequ’ilsentaitmonterenlui.)Est-cequ’ilvientversnous?

—Non,idiot.Jeviensdetedirequ’ilnebougepas.

—Bon!Alorsquefait-on?

Resteraussiprèsd’unGriffeurressemblaitàunetrèsmauvaiseidée.Minhoréfléchitavantderépondre.

—Ondoit passer par là pour rejoindre notre section.On le surveille unmoment, et s’ilnousrepère,oncourtjusqu’auBloc.(Iljetaunnouveaucoupd’œil,puiss’adressaàThomaspar-dessussonépaule.)Mince!Ilestparti!Viens!

Minhonevitpasl’expressiond’horreurquis’affichaitsurlevisagedeThomas.Ils’élançaaupasdecoursedansladirectionoùilavaitvuleGriffeur.Quoiquesoninstinctluidisedenepasbouger,Thomaslesuivit.

IlcourutdanslecouloirderrièreMinho,pritàgauche,puisàdroite.Àchaquetournant,ilsralentissaient pour laisser le maton vérifier si la voie était libre. Chaque fois, Minhomurmurait à Thomas qu’il venait de voir la queue du Griffeur disparaître derrière le coinsuivant. Cela dura dix minutes, jusqu’à ce qu’ils parviennent devant le long couloir quimenaitàlaFalaise.LeGriffeurfonçaitdroitverslegouffre.

Minhos’immobilisasibrusquementqueThomasfaillitluirentrerdedans.Sousleursyeuxéberlués,leGriffeurplantasespiquantsdanslesol,s’élançaduhautdelaFalaiseetbasculadanslevide.Lacréaturedisparut,telleuneombreavaléeparlagrisaille.

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Chapitre35—Bon,çarèglelaquestion,déclaraMinho.

Thomassetenaitàcôtédelui,auborddelaFalaise,àcontemplerlenéantgrisdevanteux.Aussiloinqueporteleregard,onn’yvoyaitabsolumentrien.Levide,àl’infini.

—Çarèglequoi?demandaThomas.

—Çafaittroisfois,maintenant.Ilyaquelquechosedebizarrelà-dessous.

Thomascomprenaitcequ’ilvoulaitdire,maisilattendaittoutdemêmeuneexplication.

—CeGriffeursoi-disantmortquej’avaistrouvé,ilestpartiparlà,etonnel’aplusrevu.Etpuis,ilyaaussiceuxqu’onapiégésenlesfaisanttomberdanslevide.

—Piégés?répétaThomas.Jecommenceàendouter.

Minholedévisagead’unairpensif.

—Hum.Aveccelui-là,c’estlatroisièmefois.(Ilindiqualegouffre.)Iln’yaplusdedoute,maintenant:lesGriffeursarriventàquitterleLabyrintheparlà.Çaressembleàdelamagie,toutcommeladisparitiondusoleil.

— S’ils peuvent partir par là, ajouta Thomas en suivant le raisonnement deMinho, ondevraityarrivernousaussi!

Unfrissond’excitationleparcourut.

Minhos’esclaffa.

—Tues toujoursaussisuicidaire !Tuasenviede teretrouverdans l’antredesGriffeurspourleurproposerunpetitpique-nique?

Thomassentitsesespoirsretomber.

—Tuasunemeilleureidée?

—Unechoseàlafois,lebleu.Allonsramasserquelquespierresetfairedestests.Ildoityavoirunesortedeportedérobée.

Thomas aida Minho à chercher des cailloux. Ils ramassèrent tous ceux qu’ils purenttrouver dans les recoins du Labyrinthe et les fentes entre les murs. Quand ils en eurentsuffisamment,ilslesemportèrentàlaFalaiseets’assirentaubord,lespiedsdanslevide.

Minhosortitsoncalepinetsoncrayonetlesposaàcôtédelui.

—Bon,onvaprendredesnotes.Et toi, retiensbien toutdans tapetite tête.S’il y auneespèce d’illusion d’optique qui masque la sortie, je n’ai pas envie de tout faire foirer aumomentoùlepremiertocardessaieradesauterdedans.

—Ceseraitlogiquequecesoitlematondescoureurs,observaThomasavecunsourire.(Ilessayaitdefairedel’humourpourcamouflersapeur.Setrouveraussiprèsd’unendroitd’oùunGriffeurpouvaitsurgirà toutmoment lerendaitnerveux.)Etona intérêtàprévoirunebonnecorde.

Minhoprélevaunepierresurletas.

—Oui.Bon,onvalancerchacunnotretour,enessayantdequadrillerl’espace.S’ilyabienunesortieinvisible,avecunpeudechance,çamarcheraaussiaveclespierres.Ellesdevraientdisparaître.

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Thomaspritunepierreet la jetasur leurgauche,à l’angleducouloiretde laFalaise.Lecailloutombaetfinitparseperdredanslagrisaille.

PuiscefutletourdeMinho.IlenvoyasapierretrentecentimètresplusloinqueThomas.Elle tomba elle aussi. Thomas en balança une autre, plus loin. Puis Minho. Les deuxprojectiles tombèrent.Ils testèrentainsiune lignehorizontaledeprèsdequatremètresau-delàdelaFalaise,aprèsquoiilsdéplacèrentlaciblelégèrementsurladroite,enrevenantversleLabyrinthe.

Lespierrestombaientl’uneaprèsl’autre.Ilstestèrentunetroisièmeligne,unequatrième;sans succès. Ils quadrillèrent toute la moitié gauche du secteur qui les intéressait, encouvrant la distancemaximale jusqu’à laquelle il leur semblait possible de sauter. Thomassentaitledécouragementlegagnerunpeuplusàchaqueéchec.

Ilnepouvaits’empêcherdes’envouloir:cetteidéedeportesecrèteétaitstupide.

PuislapierredeMinhodisparut.

CefutlachoselaplusétrangequeThomasavaitjamaisvue.

Minho avait jeté un gros caillou, un fragment détaché d’une fissure. Thomas, trèsconcentré, avait suivi du regard la chute de chacune des pierres. Celle-ci avait suivi unetrajectoire en cloche dans l’axe central du couloir, puis amorcé sa descente vers le solinvisibleencontrebas.Etelleavaitdisparu,commesielles’étaitenfoncéedansunlacouunbancdebrume.Volatilisée!

Thomasenrestaitbouchebée.

—OnadéjàjetédestrucsduhautdelaFalaise,s’exclamaMinho.Commentonapuraterça?Jen’avaisjamaisrienvudisparaître.

Thomastoussa;sagorgelebrûlait.

—Recommence.Onapeut-êtreclignédesyeuxaumauvaismoment.

Minhos’exécuta,envisantlemêmeendroit.Lapierredisparutd’uncoup.

—Peut-êtrequevousneregardiezpasassezattentivement,suggéraThomas.Aprèstout,çadevrait être impossible.On est souventmoins attentif quandonne croit pas qu’une chosepuisseseproduire.

Ils utilisèrent le reste de leurs cailloux à délimiter précisément la zone où ilsdisparaissaient.Étonné,Thomasconstataqu’elleserésumaitàuncarrédemoinsd’unmètredecôté.

—Pasétonnantqu’onl’aitratée,bougonnaMinhoengriffonnantdesnotesetdeschiffressursoncalepin.Elleesttoutepetite.

—Oui,lesGriffeursdoiventypasserdejustesse.(L’œilfixésurlecarréinvisible,Thomass’efforçaitdemémoriseravecprécisionsonemplacementet ladistancequi lesenséparait.)Etpour le trajet inverse, ilsdoiventseplacer justeaubordetsautersur laFalaise;cen’estpassiloin.Jepourraislefaire.Jesuissûrquec’estfacilepoureux.

Minhoterminasonschéma,puisposalesyeuxsurlecarréinvisible.

—Commentc’estpossible,mec?C’estquoi,d’aprèstoi?

—Sûrementundispositifdumêmegenrequeceluiquiarendulecieltoutgris,réponditThomas. Une sorte d’illusion d’optique, ou d’hologramme, pour dissimuler une porte. Cetendroitestpleindesurprises.

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— Oui, plein de surprises. Amène-toi. (Minho se leva et ramassa son sac à dos engrognant.)Autantterminerd’explorernotresectionsionpeut.Lecieln’estpeut-êtrepaslaseulechosequiachangé.OnparleradeçaàNewtetAlbycesoir.Jenesaispassiçavanousaider,maisaumoins,onsaitoùvontlesGriffeurs.

—Etprobablementd’oùilsviennent,ajoutaThomasavecundernierregardvers laportesecrète.LetroudesGriffeurs...

—Ah,ah!Bientrouvé.

Thomas resta planté au bord de la Falaise, à attendre que Minho se décide. Plusieursminutes s’écoulèrent en silence, et Thomas se rendit compte que son ami devait être toutaussi fasciné que lui. Puis, sans dire unmot,Minho tourna les talons. Thomas le suivit àcontrecœur,ettousdeuxrepartirentencourantdansleLabyrintheplongédanslagrisaille.

*

Autourd’eux,desmursetdulierre.

Thomas se chargeait de couper des branches et de prendre des notes. Il avait dumal àremarquerleschangementsintervenusdepuislaveille,alorsqueMinholesluiindiquaitsansmêmeavoirbesoinde réfléchir.Quand ils atteignirent enfin le boutde leur secteur et quevintlemomentderentrer,Thomaséprouvauneviolenteenviedetoutenvoyerpromeneretderesterlàtoutelanuitpourvoircequiseproduirait.

Minhodutlesentir,carilluipressal’épaule.

—Pasencore,mec.Pasencore.

Ilsretournèrentsurleurspas.

Une atmosphère maussade régnait sur le Bloc, comme souvent par temps gris. Laluminosité réduite n’avait pas changé depuis le matin et Thomas se demanda si elle semétamorphoseraitaucrépuscule.

Quandilspassèrentlaporteouest,Minhosedirigeadroitverslasalledescartes.

—Onnedevrait pas plutôt prévenirNewt etAlby pour le troudesGriffeurs ? demandaThomas,surpris.

—Onresteavanttoutdescoureursenmission,rétorquaMinho.(Thomaslesuivitjusqu’àlaportedubunker.Minholuiadressaunmincesourire.)OK,onfaitviteetoniralesmettreaucourantjusteaprès.

À l’intérieur, d’autres coureurs travaillaient sur leurs plans. Aucun n’ouvrit la bouche,comme si le problème du ciel gris ne les intéressait plus. Le désespoir qui flottait dans lapiècedonnaitàThomasl’impressiondepataugerdanslaboue.Enprincipe,ilauraitdûêtreépuisé,maissonexcitationl’empêchaitderessentirlafatigue.IlavaithâtedevoirlaréactiondeNewtetd’AlbyquandilssauraientpourlaFalaise.

Ils’assitàtableetentrepritdedessinerleplandujour,demémoireetens’appuyantsursesnotes.Minho,penchépardessussonépaule,luidonnaitdesindications:«Jecroisquecemurs’arrêtaitplutôt là»,ou«Faisattentionauxproportions»,ouencore«Dessinedroit,tocard!».C’étaitagaçant,maisprécieux.Auboutd’unquartd’heureThomasavaitterminésonplan.Illecontemplaavecfierté.

—Pasmal,lecomplimentaMinho.Surtoutpourunbleu.

Minhoselevaetallaouvrirlecoffredelasection1.Thomass’agenouilladevant,sortitle

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plandelaveilleetlejuxtaposaàceluiqu’ilvenaitdedessiner.

—Quefaut-ilchercher?demanda-t-il.

—Desschémas.Maistun’enverraspasencomparantlesplanssurdeuxjourssuccessifs.Il faut lesétudiersurplusieurssemainespourça.Jesaisqu’ilyaquelquechoselà-dedans,undétailquipourraitnousaider.C’estjustequ’onn’arrivepasàmettreledoigtdessuspourl’instant.

Une sensation floue tenaillait Thomas, comme la première fois qu’il était venu dans lapièce.Lesmursmobiles,desschémas,toutesces lignesdroites...Pouvaient-ilsébaucherunautre type de plan radicalement différent ? Ou pointer quelque chose? Il était quasimentcertainqu’ilsétaiententraindepasseràcôtéd’unindiceévident.

Minholuitapotal’épaule.

— Tu pourras toujours revenir après le dîner pour les examiner après le dîner, maisd’abord,ondoitcauseràNewtetAlby.Amène-toi.

Thomas rangea les feuilles dans le coffre et le referma, sans pouvoir se défaire de sonmalaise.Lasolutionétaitforcémentlà,quelquepart.

—D’accord,j’arrive.

Ilssortaienttoutjustedelasalledescartes,quandilsvirentNewtetAlbys’approcher,laminegrise.L’excitationdeThomasfutaussitôtbalayéeparl’inquiétude.

—Tiens!s’exclamaMinho,onvoulaitjustement...

—Laissetomber,l’interrompitAlby.Pasletemps.Vousaveztrouvéquelquechose?

Minho accueillit cette rebuffade avec un mouvement de recul, mais son expressiontrahissaitplusdeperplexitéquedecolèreoudedépit.

—Contentdetevoir,moiaussi.Enfait,oui.

Curieusement,Albyparutdéçu.

—Parcequetoutestentraindepartirenvrille,parici.

IljetaunregardnoiràThomas,commes’ilenétaitresponsable.

«Qu’est-cequiluiprend?»sedemandaThomas,quisentaitlacolèremonterenlui.Ilsavaienttravaillédurtoutelajournée,etvoilàcommentonlesremerciait?

—Commentça?demandaMinho.Qu’est-cequis’estpassé?

NewtdésignalaBoîted’uncoupdementon.

—Pasdeprovisionsaujourd’hui.C’estlapremièrefoisendeuxans.

Tous les quatre fixèrent les portesmétalliques vissées dans le sol. Thomas crut presquevoiruneombreplaner,plussombrequelagrisailleenvironnante.

—Cettefois,onestcuits,murmuraMinho.

Alby,quiavaitcroisé lesbras,continuaità fusiller laBoîteduregard,commes’ilpensaitpouvoir l’ouvrir par la seule force de son esprit. Thomas pria pour que leur chef nementionnepascequ’ilavaitvulorsdesaTransformation.Surtoutpasmaintenant.

—Enfin,bref,repritMinho,onadécouvertuntrucbizarre.

Peut-être que Newt ou Alby réagirait positivement à la nouvelle, voire leur fourniraitd’autresélémentspermettantd’éclairerlemystère.

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Newthaussalessourcils.

—Etc’estquoi,votre«trucbizarre»?

Minhomittroisbonnesminutesàleurexpliquercequ’ils’étaitpassé,delapoursuiteduGriffeuraurésultatdeleursjetsdepierres.

—Çadoitconduireau...enfin,àl’endroitoùviventlesGriffeurs,conclut-il.

—LetroudesGriffeurs,ditThomas.

Les trois autres se tournèrent vers lui, l’air agacés par son intervention. Mais pour lapremièrefois,çaneledérangeaitpasd’êtretraitécommeunbleu.

—Jeveuxvoirçaparmoi-même,déclaraNewt.C’estdifficileàcroire.

Thomasétaitbiendesonavis.

—Jenesaispastropcequ’onpourraitfaire,ditMinho.Essayerdebloquerlecouloir,peut-être?

—Tuparles!rétorquaNewt.Tuasoubliéquecessaletéssaventgrimperauxmurs?Jenevoispasavecquoionpourraitlesempêcherdepasser.

Soudain,deséclatsdevoixàl’extérieurdelafermecaptèrentleurattention.Ungroupedeblocards se tenait devant l’entrée. Ils criaient tous enmême tempspour se faire entendre.Chuck était parmi eux. Quand il aperçut Thomas et les autres, il courut les rejoindre,visiblementtrèsexcité.Thomassedemandaquelletuileallaitencoreleurtomberdessus.

—Qu’est-cequisepasse?demandaNewt.

—Elles’estréveillée!criaChuck.Lafille,ellevientdeseréveiller!

Ébranlé,Thomasduts’appuyeraumurdebétondelasalledesplans.Lafille.Cellequiluiparlaitdanssatête.Ilauraitvoulus’enfuirencourantavantqueçanerecommence.

Maisilétaitdéjàtroptard.

Tom,jeneconnaispersonneici.Viensmechercher!Jesuisentraind’oublier...Jevaistoutoubliersauftoi...J’aideschosesàtedire!Maistouts’efface...

Teresamarquaunepause,puisajoutaquelquechosequin’avaitaucunsens.

LeLabyrintheestuncode,Thomas.LeLabyrintheestuncode.

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Chapitre36Thomasn’avaitpasenviedelavoir.Iln’avaitenviedevoirpersonne.

À peine Newt fut-il parti discuter avec la fille que Thomas s’éclipsa discrètement, enespérant qu’on ne le remarquerait pas dans l’excitation générale. Il longea lemur du Blocpuiscourutseréfugieraufondduterminus.

Ils’accroupitdanslecoin,aumilieudulierre,ets’enveloppadelatêteauxpiedsdanssescouvertures. C’était unemanière pour lui de se protéger de l’intrusion de Teresa dans sespensées.Auboutdequelquesminutes,lesbattementsdesoncœurfinirentpars’apaiser.

—Lepire,ç’aétédet’oublier.

Tout d’abord, Thomas crut qu’elle lui avait encore parlé dans sa tête. Mais là, c’était...différent. Il l’avait entendueavec sesoreilles.Unevoixde fille.Un frisson luiparcourut lanuque,etilabaissalentementsacouverture.

Teresa se tenait à sa droite, appuyée contre lemur.Elle était réveillée, alerte—debout.Vêtued’unchemisierblancetd’un jeanavecdes chaussuresmarron, elle était encoreplusbellequequand il l’avaitvuedans lecoma.Sescheveuxbrunsencadraientsonvisageclair,auxyeuxd’unbleuflamboyant.

—Tom,tunetesouviensvraimentpasdemoi?

Savoixdoucecontrastaitaveclavoixrauque,démente,quelleavaitpriseàsonarrivéepourlesavertirquetoutallaitbientôtchanger.

—Tuveuxdirequetoi...tutesouviensdemoi?demanda-t-il,gênéd’entendresavoixsefêlersurlederniermot.

—Oui.Enfin,non.Peut-être.(Ellelevalesbras,découragée.)Jenepeuxpast’expliquer.

Thomasouvritlabouche,puislarefermasansriendire.

—Jemesouviensd’avoireudessouvenirs,marmonna-t-elleens’asseyantcontrelemur.(Elle poussa un soupir et ramena ses genoux contre sa poitrine.) Des sentiments. Desémotions.Commes’ilmerestaitpleind’étagèresdanslatête,avecdespetitesétiquettespourlesimagesetlesvisages,saufqu’ellessontvides.Etquetoutcequ’ellescontenaientestrangéderrièreungrandrideaublanc.Toiycompris.

—D’oùonseconnaîtrait?

Ilavaitl’impressiondevoirlesmursondulerautourdelui.Teresasetournaverslui.

—Jenesaispas.C’estantérieurànotrearrivéedansleLabyrinthe.Jenemerappellepasexactement.Jetel’aidit,c’estcommeunecaseblanchedansmamémoire.

—TuesaucourantpourleLabyrinthe?Quit’enaparlé?Tuviensdeteréveiller.

—Je...C’estencoreunpeuembrouillépourl’instant.(Elleluitenditlamain.)Maisjesaisqu’onestamis.

Commedans un brouillard, Thomas repoussa complètement sa couverture et se penchapourluiserrerlamain.

—J’aimebienquandtum’appellesTom.

Ilsutaussitôtqu’ilauraitdifficilementpudirequelquechosedeplusbête.

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Teresalevalesyeuxauciel.

—Cen’estpastonnom?

—Si,mais laplupartdesgensm’appellentThomas.SaufNewt: lui, ilm’appelleTommy.Tom,çamedonnel’impressionde...d’êtrechezmoi.Mêmesijenesaispasoùc’est.(Ileutunrireamer.)Onestdansundrôled’état,hein?

Ellesouritpourlapremièrefois,etilfaillitdétournerlesyeux,commesiunevisionaussibellen’avaitpassaplacedanscetendroitgrisetsinistre.

—Oui,undrôled’état,confirma-t-elle.J’aipeur.

—Moiaussi,tupeuxmecroire.

Unlongmoments’écoula,pendantlequelilsgardèrenttouslesdeuxlesyeuxbaissés.

—Que...?commençaThomas,nesachantpascomment formulersaquestion.Commentfais-tupourmeparlerdansmatête?

—Aucuneidée,jelefais,c’esttout.

Puiselleajoutaàvoixhaute:

—C’estcommelevélo.S’ilyenavaitunici,jesuissûrequetusauraisenfaire.Pourtant,est-cequetuterappellescommenttuasappris?

—Non.Jeveuxdire,oui.Jemesouviensd’avoir faitduvélo,maispasd’avoirappris. (Ilhésita,gagnéparunsentimentdetristesse.)Niavecqui.

—Bref,dit-elleenregardantailleurs,c’estcommeça.

—Mevoilàbienavancé.

Teresahaussalesépaules.

—Tunel’asditàpersonne,aumoins?Ilsnousprendraientpourdesfous.

— Eh bien... si, la première fois, j’en ai parlé. Mais je pense que Newt a mis ça sur lecomptedu stress. (Toutà coup,Thomaseutdes fourmisdans les jambes; ildevaitbouger,sinonilallaitdevenirfou.Ilselevaetsemitàfairelescentpasdevantlafille.)Ilyapasmaldemystèresautourdetoi.Cemessagequetutenais,disantquetuseraisladernièrepersonneà venir ici, ton coma, le fait que tu puisses communiquer avec moi par télépathie... Tu ycomprendsquelquechose?

Teresalesuivitduregardtandisqu’ilpassaitetrepassaitdevantelle.

— Épargne ta salive et arrête avec tes questions. Tout ce que j’ai, c’est des impressionsfloues. Que nous avions un rôle important, qu’on s’est servi de nous. Que nous sommesmalins. Et que nous sommes là pour une raison précise. Je sais que j’ai enclenché leprocessusdefin,mêmesi j’ignoreenquoiçaconsiste.(Ellegrognaetrougit.)Mamémoirenevautpasmieuxquelatienne.

Thomass’agenouilladevantelle.

—Oh,si.Parexemple,tusaisqu’onaeffacémamémoirealorsquejenetel’aipasdit.Etpuis,ilyatoutlereste.Tuensaisbeaucoupplusquelesautres.

Ilss’affrontèrentduregardunlongmoment;lecerveaudelafilledonnaitl’impressiondetourneràpleinrégime.

—Non,vraiment,jenesaisrien,luidit-elleparlapensée.

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—Voilà,turecommences,bougonnaThomas,mêmes’ildevaitavouerquecettehistoiredetélépathieneletroublaitplusautantqu’avant.

Ilserassitetremontalesgenouxsouslementon,commeelle.

—Tum’asdituntructoutàl’heure,dansmatête,avantdevenirmeretrouverici :«LeLabyrintheestuncode.»Qu’est-cequetuentendaisparlà?

Ellesecoualatête.

—Àmonréveil, j’aieu l’impressiondedébarquerchez lesdingues-cesgarçonsbizarresqui se pressaient autour de mon lit, tout qui semblait tourner, mes souvenirs qui sebousculaient... J’ai essayé d’en retenir quelques-uns, et c’est celui-là quim’est resté. Je nesaispaspourquoijel’aidit.

—Ilneteresteriend’autre?

—Si,tiens.

Elle remonta sa manche gauche et dévoila son biceps. De petites lettres s’y étalaient àl’encrenoire.

—Qu’est-cequiestécrit?demanda-t-ilensepenchantpourmieuxvoir.

—Listoi-même.

L’écrituretremblotaitunpeu,maisilréussitàladéchiffrer.

WICKEDisgood

Thomassentitsonpoulss’accélérer.

— « Leméchant est bon » ? J’ai déjà vu cemot -wicked. (Il se creusa la cervelle à larecherched’uneexplication.)Surledosdespetitescréaturesquigrouillentdanslelierre.Lesscaralames.

—Lesscaralames?répétalafille.

—Des sortes demachines en forme de lézard, qui nous espionnent pour le compte desCréateurs,ceuxquinousontenvoyésici.

Teresa réfléchit unmoment, le regard perdu dans le vague. Puis elle se pencha sur sonbras.

— Je ne sais plus pourquoi j’ai écrit ça, avoua-t-elle, avant d’humecter son pouce etd’effacerlesmots.Maisrappelle-le-moisijel’oublie...çadoitêtreimportant.

Thomasserépétalaphraseplusieursfoisdanssonesprit.

—Quandl’as-tuécrit?

—Enmeréveillant.Ilyavaituncarnetetunstylosurmatabledechevet.J’aiprofitédelaconfusionpourgriffonnerçasurmonbras.

Thomas était soufflé par cette fille. Il y avait d’abord eu cette sensation de familiaritéqu’elledégageaitdepuisledébut,puissesmessagestélépathiques,etmaintenantça.

—Tusaisquetoutestbizarre,cheztoi?

— À en juger par ta cachette, j’ai l’impression que tu n’es pasmal non plus. Tu vis enermitedanslesbois,ouquoi?

Thomas voulut prendre un air sévère, mais ne put s’empêcher de sourire. Il se sentaitpathétique,ettrèsgênéd’avoirvoulusecacher.

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—Tumerappellesquelquechoseettudisqu’onestamis,déclara-t-il.Alors,jecroisquejevaistefaireconfiance.

Il lui tendit la main. Elle la serra un long moment. Un frisson étonnamment agréableparcourutThomas.

—Toutcequejeveux,c’estrentrerchezmoi,dit-elleenlelâchant.Commetouslesautres.

CesparolesramenèrentThomasàlaréalité.

—Leschosesseprésententplutôtmalencemoment.Lesoleiladisparu,lecielestdevenutoutgrisetonnenousapasenvoyénosprovisionshebdomadaires.J’ai l’impressionquelafinestpourbientôt.

AvantqueTeresaaitpufaireuncommentaire,Newtarrivaencourant.

— Qu’est-ce que... ? commença-t-il. (Il s’arrêta devant eux. Alby et quelques autres lesuivaientdeprès.Newt regardaTeresa.)Commentes-tuarrivée là?Lemedjacknousaditquetuavaisdisparupendantqu’ilavaitledostourné.

TeresaselevaavecuneassurancequisurpritThomas.

—Iladûoublierdevousparlerducoupdegenouquejeluiaimisdanslespartiesavantdedescendreparlafenêtre.

Thomasfaillitéclaterderire.Newts’adressaàungarçonplusâgéquisetenaitàcôtédeluietdontlevisageavaitviréaurougevif.

—Félicitations,Jeff,ditNewt.Tudeviensofficiellementlepremierd’entrenousàsefairebotterleculparunefille.

Teresanes’arrêtapasensibonchemin.

—Continueàparlerdemoisurcetonettuserasleprochain.

Newtseretournaverseux.Illesdévisageaensilence.Thomasluirenditsonregardensedemandantcequ’ilavaitentête.

Albys’avança.

—Bon, ça suffit, j’en aimarre. (Ilmartela le torse de Thomas avec son index.) Je veuxsavoirquitues,quiestcettetocardeetcommentçasefaitquevousvousconnaissiez.

Thomasfaillitsedégonfler.

—Alby,jetejure...

—Elleestvenuetevoirtoutdesuiteaprèss’êtreréveillée,mec!

Thomas futenvahipar lacolère,et l’inquiétudeà l’idéequ’Albypourrait suivre lamêmepentequeBen.

—Etalors?Jelaconnais,ellemeconnaît,çaneveutplusriendire!Jenemesouviensderien.Etellenonplus.

AlbysetournaversTeresa.

—Qu’est-cequetuasfait?

Thomas,décontenancépar cettequestion, jetaun coupd'œil àTeresapour voir si elle ycomprenaitquelquechose.Elleneditrien.

—Qu’est-cequetuasfait?hurlaAlby.D’abordleciel,etmaintenantça!

— J’ai déclenché sans le faire exprès le processus de fin, répondit-elle calmement. Je le

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jure.Jenesaispascequeçaveutdire.

—Qu’est-cequ’ilya,Newt?demandaThomasenévitantderegarderAlbyenface.Qu’est-cequ’ils’estpassé?

Albyl’empoignaparsontee-shirt.

—Cequ’il s’estpassé?Jevais tedire cequ’il s’estpassé, tocard.Tuétais tropoccupéàfairetesyeuxdebichepourregarderautourdetoi.Pourprendrelapeinederemarquerquelleheureilétait!

Thomasconsultasamontreetcompritavechorreurcequ’Albyétaitsurlepointdeluidire.

—Lesmurs,tocard.Lesportes.Ellesnesesontpasreferméescesoir.

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Chapitre37Thomasrestasansvoix, lesoufflecoupé.Toutseraitdifférentmaintenant.Plusdesoleil,

plusdeprovisions,pluslamoindreprotectioncontrelesGriffeurs.Teresaavaitraisondepuisledébut:toutavaitchangé.

Albydésignalafille.

— Je veux qu’on l’enferme. Tout de suite! Billy, Jackson! Mettez-la au gnouf, et nel’écoutezpas.

Teresaneréagitpas,maisThomass’indignapourdeux.

—Qu’est-ce qui te prend ?Alby, tu ne vas quandmêmepas... (Il s’interrompit.Alby luiavait jeté un regard si furibond que son cœur en avait manqué un battement.) Enfin...commentpeux-tulatenirpourresponsablesilesmurssontenpanne?

Newts’avança,posalamainsurletorsedeThomasetlerepoussadoucement.

—Commentfaireautrement,Tommy?Ellel’areconnuelle-même.

Thomas se tourna versTeresa et blêmit devant la tristesse de ses yeux bleus. Il avait lesentimentqu’unemains’enfonçaitdanssapoitrineetluiserraitlecœur.

—Estime-toiheureuxqu’onnet’enfermepasavecelle,Thomas,grognaAlby.

Illeurjetaundernierregardmauvaispuispartit.Thomasn’avaitjamaiseuautantenviedefrapperquelqu’un.

BillyetJacksons’avancèrent,empoignèrentTeresachacunparunbrasetl’entraînèrent.

Avantqu’ilss’enfoncentsouslesarbres,Newtlesarrêta.

— Restez avec elle. Quoi qu’il arrive, personne ne doit la toucher. Vous en êtesresponsables.

Lesdeuxgarçonshochèrentlatêtepuiss’éloignèrentavecTeresa.Thomasnecomprenaitpaspourquoiçal’affectaitàcepoint;ilauraitvoulucontinueràluiparler.

—Viensmevoir,l’implora-t-ellementalement.

Ilnesavaitpascommentluiparlerdecettefaçon.Maisilessayaquandmême.

—Comptesurmoi.Aumoins,tuserasensécuritéaugnouf.

Elleneréponditpas.

—Teresa?

Rien.

*

Lademi-heuresuivantesedérouladansunegrandeagitation.

Mêmes’iln’yavaiteuaucunchangementdanslalumièredepuisquelesoleiletlecielbleune s’étaient pasmontrés cematin-là, il semblait qu’une ombre soit descendue sur leBloc.NewtetAlbyréunirentlesmatonsetleschargèrentdedistribuerlestâchespuisderamenerleursgroupesàlafermeuneheureplustard.Thomassesentaitspectateur,impuissant.

Lesbâtisseurs-sansleurchef,puisqueGallymanquaittoujoursàl’appel-reçurentl’ordrede dresser des barricades aux quatre portes. Thomas savait qu’ils n’auraient pas assez de

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temps,etpasgrand-chosesouslamain,pourtravaillerefficacement.Ilavaitl’impressionquele but était surtout d’occuper les garçons afin de retarder le plus longtemps possible lapanique inévitable. Thomas aida les bâtisseurs à ramasser tout ce qui ne servait pas et àl’empileren traversdesportes,enclouant leséléments tantbienquemal.Le résultatétaitaffreux,pathétiqueetterrifiant...Çan’arrêteraitsûrementpaslesGriffeurs.

Thomassurveillaitducoindel’œillesautresblocardsentraindes’activer.

Onavait distribué toutes les lampes torchesdisponibles;Newtprévoyait de fairedormirtout le monde à l’intérieur de la ferme et d’éteindre les lumières, sauf en cas d’urgence.Poêle-à-frireavaitreçupourmissiondetransporterlesdenréespérissablesdesacuisinedanslaferme,pourlecasoùilss’ytrouveraientpiégés.Lesautresrassemblaientlematérieletlesoutils.ThomasvitMinhoramenerdesarmesdelacave.Albyavaitindiquéclairementqu’ilsneprendraientaucunrisque:ilsallaientsebarricaderdanslafermeetrésisterjusqu’aubout.

Thomas faussa compagnie aux bâtisseurs pour aiderMinho à transporter des caisses decouteauxetdegourdinsenveloppésdebarbelés.PuisMinholuiditqueNewtluiavaitconfiéune mission spéciale, et il envoya Thomas se faire voir ailleurs sans lui donner aucuneexplication.

Vexé, Thomas se mit en quête de Newt. Il devait lui parler. Il finit par l’apercevoirtraversantleBlocendirectiondel’abattoir.

—Newt!cria-t-ilens’élançantderrièrelui.Attends-moi!

Newts’arrêtasibrusquementqueThomasfaillitluirentrerdedans.EtilsemblaitagacéàuntelpointqueThomashésitaàluiparler.

—Faisvite,grognaNewt.

—Ilfautquetulibèreslafille.Teresa.

Ilétaitconvaincuquellepouvaitlesaider.

—Ah, je suis bien content de voir que vous êtes devenus copains, tous les deux. (Newtrepartitd’unpasvif.)Nemefaispasperdremontemps,Tommy.

Thomasleretintparlebras.

—Écoute-moi!Ellen’estpaslàsansraison.Jecroisqu’elleetmoiavonsétéenvoyésicipourmettrefinàtoutcecirque.

— Ben voyons ! En laissant les Griffeurs s’amener ici et tuer tout le monde? J’en aientendudesplansfoireux,lebleu,maiscelui-làlessurpassetous!

Thomaspoussaunsoupirdefrustration.

—Non,jenecroispasquecesoitpourçaquelesmursrefusentdeserefermer.

Newtcroisalesbras,exaspéré.

—Bonalors,qu’est-cequetuveuxm’expliquer?

DepuisqueThomasavaitvusurlemurduLabyrinthe

«worldincatastrophe:killzoneexperimentdepartment», iln’arrêtaitpasdetourneretderetournercesmotsdanssatête.Ilsavaitquesiquelqu’unacceptaitdel’écouter,ceseraitNewt.

—Je crois... je croisquenous sommes làdans le cadred’uneexpérience, oudequelquechosedecegenre.Çadoitseterminerbientôt.Onnevapasvivreiciindéfiniment,ceuxqui

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nousyontenvoyésveulentqueçasetermine.D’unemanièreoud’uneautre.

Thomassesentitsoulagédel’avoirdit.Newtsefrottalesyeux.

—Etça,c’estsupposémeconvaincrequetoutvabien,quejedoislibérerlafille?

—Non,tunecomprendspas.Jenepensepasqu’elleaitquoiquecesoitàvoiravecnotreprésence ici. Elle n’est qu’un pion. On l’a envoyée là comme un indice pour nous aider àsortir.(Thomaspritunegrandeinspiration.)Etjecroisquec’estlamêmechosepourmoi.

Newtjetauncoupd’œilendirectiondugnouf.

—Tusais,j’aid’autressoucispourl’instant.Ellepeuttrèsbienpasserunenuitlà-dedans,elleyseraplusàl’abriquenous.

Thomashochalatête.Ilpercevaitlapossibilitéd’uncompromis.

—D’accord,onessaiedesurvivrecettenuit,etdemainonauraletempsdes’occuperd’elle.Deprendreunedécision.

Newtricana.

—Tommy,qu’est-cequitefaitcroirequeçaseradifférentdemain?Çaduraitdepuisdeuxans,tusais?

Thomas avait la certitude que tous ces bouleversements constituaient un aiguillon, uncatalyseurpourlespousserverslafindelapartie.

—Oui,maismaintenantonestobligésdetrouverlaclefdel’énigme.Onn’apluslechoix.On ne peut plus continuer à vivre au jour le jour, en nous disant que le principal est derentrernousmettreàl’abriauBlocavantlafermeturedesportes.

Newtréfléchitquelquesinstantspendantquelesblocardss’activaientautourd’eux.

—Ilvafalloircreuserplusloin.Resterdehorspendantquelesmurssedéplacent.

— Exactement ! approuva Thomas. C’est ce que j’essaie de te dire. Et peut-être qu’onpourrait bloquer ou faire sauter l’entréedu troudesGriffeurs. Pournousdonner le tempsd’analyserleLabyrinthe.

—C’est surtoutAlbyqui tient à enfermer la fille,déclaraNewtavecun coupdementonverslaferme.Ilnepeutpasvoussupportertouslesdeux.Maispourl’instant,ilvautmieuxfaireledosrondettenirjusqu’aumatin.

Thomashochalatête.

—Onarriveraàlesrepousser.

—Tul’asdéjàfait,superman?

Sans sourire ni même attendre de réponse, Newt s’éloigna en criant aux blocards determinercequ’ilsfaisaientetderegagnerlaferme.

Thomas était heureux d’avoir eu cette discussion ; elle s’était déroulée aussi bien qu’ilavait pu l’espérer. Il décida d’aller parler à Teresa avant qu’il ne soit trop tard. Alors qu’ilcouraitendirectiondugnouf,ilvittouslesblocardsconvergerverslaferme,lesbraschargés.

Ils’arrêtadevantlapetiteprisonetrepritsonsouffle.

—Teresa?appela-t-ilàtraverslafenêtreàbarreaux.

Levisagedelafilles’encadrabrusquementdansl’ouverture.Surpris,illaissaéchapperunpetitcrietmitunebonnesecondeàrecouvrersonsang-froid.

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—Tusaisquetufaispeur,parmoments?

—C’esttropgentil,dit-elle.Merci.

Sesyeuxbleusbrillaientcommeceuxd’unchatdansl’obscurité.

—Yapasdequoi.Écoute,j’airéfléchi.

—J’aimeraispouvoirendireautantdetoncopainAlby,bougonna-t-elle.

Thomasacquiesça,maisilavaithâtededirecequ’ilavaitentête.

—Ilyaforcémentunmoyendes’échapperdecetendroit.Ilfautsimplementchercherunpeuplus,resterpluslongtempsdansleLabyrinthe.Tusais,cequetuavaisécritsurtonbras,etcequetum’asditàproposd’uncode,çadoitbienavoirunsens,non?

—Oui, jeme suis fait lamême réflexion.Mais d’abord, est-ce que tu pourraisme fairesortird’ici?

Ellesaisitlesbarreauxdesacellule.Thomasfutprisd’uneenvieridiculedeluiprendrelesmains.

—Newtaditqu’onpourrapeut-êtretelibérerdemain.Tuvasdevoirpasserlanuitici.Tuyserassûrementplusensécuritéquenous.

—Mercid’avoirdemandé.Jesensquejevaisbiendormir,parterre,sanscouverture.Celadit, je voismalunGriffeur se glisser entre ces barreaux, alors j’imagineque jen’ai pasderaisondemeplaindre,non?

LamentiondesGriffeurssurpritThomascarilnesesouvenaitpasdeluienavoirparlé.

—Teresa,tuessûred’avoirtoutoublié?

Elleréfléchituninstant.

—C’estdrôle,jemerappellecertaineschoses.Àmoinsquejevousaieentendusenparlerquandj’étaisdanslecoma.

—Bah, ça n’a plus vraiment d'importance. Je voulais juste te voir avant deme réfugierdanslaferme.

Maisiln’avaitpasenviedepartir;ilauraitpresquevouluêtreenferméaugnoufavecelle.Ilsouritintérieurement.IlimaginaitfacilementlaréactiondeNewtàcettedemande.

—Tom?fitTeresa.

Thomasserenditcomptequ’ilavaitleregarddanslevide.

—Oh,désolé.Oui?

Ellelâchalesbarreaux.Ilnedistinguaitplusquesesyeuxetl’éclatpâledesapeau.

—Jenesaispassijevaissupporterderesterprisonnièreicitoutelanuit.

Thomas ressentit soudain une tristesse incroyable. Il aurait voulu dérober les clefs deNewtpour revenir ladélivrer.Mais c’étaitune idée ridicule.Elleallaitdevoir tenir le coup,voilàtout.Illaregardadanslesyeux.

— Au moins, il ne fera pas complètement noir: j’ai l’impression qu’on va endurer cecrépusculevingt-quatreheuressurvingt-quatre,maintenant.

—Oui...(Sonregards’égaraverslaferme,avantderevenirseposersurlui.)Çavaaller,jesuisunegrandefille.

Thomass’envoulaitdel’abandonnerlà,maisiln’avaitpaslechoix.

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—Jevaisveilleràcequ’ontelibèredemainàlapremièreheure.

Elleluisourit.Ilsesentittoutdesuitemieux.

—Promis?

—Promis.Etsitutesensseule,dit-ilensetapotantlatempe,tun’aurasqu’àme...parlerdansmatête.J’essaieraideterépondre.

Ilrestaitplantélà,serefusanttoujoursàpartir.

— Tu feraismieux d’y aller, lui conseilla-t-elle. Je ne voudrais pas avoir tamort sur laconscience.

Thomass’obligeaàsourire.

—D’accord.Àdemain!

Avant de changer d’avis, il s’éclipsa, fit le tour de la ferme et gagna la porte d’entrée enmême temps que les deux derniers blocards, que Newt chassait devant lui comme despoussinségarés.Ilseglissaàl’intérieur.Newtlesuivitpuisrefermalaporte.

Àl’instantoùiltiraitleverrou,ThomascrutentendrelecriplaintifdespremiersGriffeurss’éleverdansleLabyrinthe.

Lanuitcommençait.

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Chapitre38Comme, en temps normal, la plupart des garçons dormaient dehors, les caser tous à

l’intérieur ne fut pas simple. Les matons avaient réparti les blocards dans les différentespiècesendistribuantdescouverturesetdesoreillers.Malgréleurnombreetlaconfusiondueàuntelbouleversement,ilrégnaitunsilencetroublant,commesichacuncraignaitd’attirerl’attentionsurlui.

Unefoistoutlemondeinstallé,Thomasseretrouvaàl’étageencompagniedeNewt,AlbyetMinho,etilspurentenfinterminerladiscussionqu’ilsavaiententaméedanslacour.AlbyetNewts’assirentsurleseullitdelachambretandisqueThomasetMinhoprenaientplaceàcôté sur deux chaises. Le reste dumobilier se composait d’une commode bancale et d’unepetite table, sur laquelle trônait l’unique lampe de la pièce. La pénombre extérieure, quisemblaitpoussercontrelafenêtre,n’annonçaitriendebon.

— Je n’ai jamais eu aussi envie de tout plaquer, disait Newt. De partir en sifflotant etd’aller faire la bise aux Griffeurs. Sauf qu’on n’a pas le droit de baisser les bras. Soit lesCréateursveulentenfiniravecnous,soitilsnousdonnentunpetitcoupdepiedauxfesses.Danslesdeuxcas,onvasedéfoncerjusqu’àcequeçapasseouqueçacasse.

Thomashocha la têtemaisne fitpasde commentaire.Carmêmes’il approuvaitde toutcœur, iln’avaitaucunesuggestionàproposer.S’ilsparvenaientà tenir jusqu’au lendemain,peut-êtrequeTeresaetluitrouveraientquelquechosequipuisselesaider.

Iljetauncoupd’œilàAlby.Cedernierfixaitleplancher,perdudanssespenséesmoroses.Il avait encore les traits tirés, les yeux creusés, le regard éteint. Décidément, laTransformationportaitbiensonnom.

—Alby?demandaNewt.Tuesavecnous?

Albylevalatêted’unairsurpris,commes’ildécouvraitqu’iln’étaitpasseuldanslapièce.

—Hein?Oh,oui.Jesuisd’accord.Maistusaiscequisepassequandvientlanuit.Cen’estpasparcequenotrenouveauhéross’enestsortisansuneégratignurequ’onvatousréussiràfairepareil.

Thomas leva lesyeuxauciel. Il enavaitpar-dessus la têtede l’attituded’Alby.SiMinhoéprouvaitlemêmeagacement,illecachaitbien.

—Jesuisde l’avisdeThomasetdeNewt,dit-il. Il fautarrêterdepleurnicheretdenouslamentersurnotresort.(Ilsefrottalesmainsetsepenchaenavantsursachaise.)Demainmatin à la première heure, vous devriez constituer des équipes pour examiner les planspendantquelescoureurspartentenexploration.Onemporteradesprovisionspourplusieursjours.

—Quoi?s’exclamaAlby,manifestantenfinuneémotion.Commentça,plusieursjours?

—Oui, plusieurs jours. Puisque les portesne fermentplus et que le soleil ne se coucheplus,onn’aplusvraimentderaisonderentrer.Ilesttempsdepasserunenuitdehorsetdevoircequisepassequandlesmurssedéplacent.S’ilscontinuentàlefaire.

—Pasquestion,refusaAlby.Onaencorelapossibilitédes’abriterdanslaferme,etsiçanemarchepas,ilnousrestelegnoufetlasalledescartes.Onnevapasenvoyerdesgarçonssefairetuer,Minho!Quiseraitvolontairepouruntrucpareil?

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—Moi,répliquaMinho.EtThomas.

ToutlemondesetournaversThomas;cedernierfitouidelatête.MalgrélafroussequeleLabyrinthe lui inspirait, il avaitune folleenviede l’explorer,à fond,depuis le jouroù il enavaitentenduparler.

—Jevousaccompagnerais’il lefaut,déclaraNewt.Et jesuissûrquelesautrescoureursviendrontaussi.

—Avectapattefolle?raillaAlbyavecunrirecruel.

Newtserenfrognaetbaissalesyeux.

—Ehbien,jenevaispasdemanderàd’autresblocardsdecourirunrisquequejen’oseraispasprendremoi-même.

Albys’allongeasurlelitetcroisalesjambes.

—Oh,aprèstout,faitescommevousvoulez.

—Commeonveut?s’emportaNewtensedressant.Qu’est-cequidébloquecheztoi,mec?Tu crois qu’on a le choix ? Qu’on devrait rester assis là tranquillement, à attendre lesGriffeurs?

Thomasfaillitseleveretapplaudir.IlétaitconvaincuquecediscoursallaitenfintirerAlbydesondéfaitisme.

Maisleurchefneparutpasvexé.

—Bah,c’esttoujoursmieuxqued’alleràleurrencontre.

Newtserassit.

—Alby,ilvafalloirteressaisirtrèsvite.

Même si ça lui faisaitmal au cœur de l’admettre, Thomas savait qu’ils auraient besoind’Alby.Lesblocardssuivaientsonexemple.

Albyrespiraprofondément,puislesdévisageatouràtour.

—J’aiencorelatêteàl’envers.Sérieusement,jesuis...désolé.Jenesuispaslechefqu’ilvousfautencemoment.

Thomasretintsonsouffle.Iln’encroyaitpassesoreilles.

—Oh,nomde...,commençaNewt.

—Non!protestaAlby.Jenedisaispasçadanscesens-là.Écoutez,jenesuispasentraindevousproposerd’élireunnouveauchef.Simplement... jecroisque jedevraisvous laisserprendrelesdécisions.Jenem’ensenspascapablepourl’instant.Alors...jemerangeàvotreavis.

ThomasvitqueMinhoetNewtétaienttoutaussisurprisquelui.

—Euh...d’accord,fitNewtd’untondubitatif.Çavamarcher,jetelepromets.Tuverras.

—Oui,marmonnaAlby. (Auboutd’un longmoment, il reprit laparole, avecunepointed’excitationdans la voix.)Vous savezquoi ?Vousn’avezqu’àme confier lesplans. Je vaisfairebossertoutlemondedessus,vousallezvoir.

—Çameva,approuvaMinho.

Thomasauraitbienabondédanssonsens,maisilcraignaitquecenesoitmalpris.

Albyseredressasurlelitetposalespiedsparterre.

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—Enyréfléchissant,cen’estpasmalindepasser lanuit ici.Ondevraitdéjàêtredanslasalledescartes,entraindetravailler.

Minhohaussalesépaules.

—Pasfaux.

—J’yvaistoutdesuite,annonçaAlbyavecassurance.

Newtsecoualatête.

—Laisse tomber,Alby.LesGriffeurs sontdesortie, tu lesasentendus.Çapeutattendredemain.

Albysepenchaenavant,lescoudessurlesgenoux.

—Dis donc, c’est vous qui avez voulume donner un coup de pied aux fesses. Alors nevenezpasvousplaindre,maintenant.Sijedoislefaire,autantquecesoitcesoir.J’aibesoindem’occuperl’esprit.

Ilsedirigeaverslaporte.

—Turigoles,protestaNewt.Tunevasquandmêmepasyaller!

—Maissi,regarde!(Ilsortitsontrousseaudeclefsetlefitcliqueterd’ungestemoqueur.Thomas était stupéfié par cette démonstration de bravoure.) À demain matin, bande detocards.

Surquoi,ilouvritlaporteetlesplantalà.

*

C’étaitétrangedesavoirqu’onétaitenpleinenuit,queleBlocauraitdûêtreplongédanslenoir,etdevoirtoujourslamêmepénombregrisâtre.Thomassesentaitdécalé,commesi lesommeilquilegagnaitpeuàpeun’étaitpasnaturel.Letempsparaissaits’écouleravecunelenteurinsupportable,àcroirequelejoursuivantn’allaitjamaisvenir.

Les blocards s’étaient couchés et se retournaient dans leurs couvertures, incapables dedormir. Personne ne disait grand-chose; l’humeur générale était plutôt sombre. Onn’entendaitquedesbruitsdiscretsetquelqueschuchotements.

Thomas s’efforçade trouver le sommeil, sachant que ça ferait passer le tempsplus vite.Deux heures s’écoulèrent sans qu’il y parvienne. Il était allongé par terre dans l’une deschambresduhaut,surunecouvertureépaisse,entreplusieursblocardsserréslesunscontrelesautres.C’étaitNewtquiavaitprislelit.

Chuck s’était installé dans une autre chambre. Sans trop savoir pourquoi, Thomasl’imaginait recroquevillé dans son coin, à sangloter en serrant sa couverture contre luicommeunoursenpeluche.Cetteimagel’attristaetilessayadel’effacer,envain.

Presque tout lemonde avait une lampe torche à portée demain en cas d’urgence.Newtavait fait éteindre les lumières pour ne pas attirer l’attention. Toutes les mesuresenvisageablesensipeudetempspourpréveniruneattaquedesGriffeursavaientétéprises.Ilsavaientclouédesplanchesentraversdesfenêtres,poussélesmeublesdevantlesportes,distribuédescouteaux...

MaisThomasn’étaitpasrassurépourautant.

L’attentedevenait insupportable.LescrisplaintifsdesGriffeursserapprochaientdeplusenplus.Lanuits’éternisait;chaqueminutesemblaitpluslonguequelaprécédente.

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Une nouvelle heure passa. Puis une autre. Le sommeil finit par venir,mais entrecoupé.Thomasestimaqu’ildevaitêtredeuxheuresdumatinquandilseretournasurleventrepourlamillionième fois. Il croisa lesmainssoussonmentonetcontempla lepieddu lit,ombreindistinctedansl’éclairagediffus.

Puistoutbascula.

Unronronnementmécaniques’élevaàl’extérieur,suividucliquetisfamilierd’unGriffeursurlesoldepierre,commesiquelqu’unyavaitjetéunepoignéedeclous.Thomasbonditsursespieds,àl’instardepresquetouslesautres.

Newtfutdebout lepremier.Ilexhorta lachambréeausilenceenposantundoigtsurseslèvres.Évitantdes’appuyersursamauvaisejambe,ilgagnaencatiminilaseulefenêtredelapièce,barréepar troisplanches.De larges fentespermettaientde regarderau-dehors.Newts’approchaprudemmentafindejeteruncoupd’œil;Thomaslerejoignitsansbruit.

Ils’accroupitauprèsdeNewtauniveaudelaplanchedubasetcollasonœilàunefissure.C’était terrifiantde se trouveraussiprèsdumur.LacourduBloc semblaitdéserte,mais iln’avaitpasassezdevisibilitépourinspecterlesalentours.Auboutd’unmoment,ilrenonçaets’assitdosaumur.Newtretournasurlelit.

Quelques minutes s’écoulèrent, pendant lesquelles des bruits de Griffeurs se firententendretoutes lesdixouvingtsecondes.Bourdonnementsdepetitsmoteurs,grincementsmétalliques, cliquetis de pointes contre la pierre, claquements, déclics d’ouverture et defermeture...Thomastressaillaitchaquefois.

Àl’oreille,ilestimaqu’ilsétaientaumoinstroisouquatreautourdelaferme.

Thomasavaitlabouchesèche:ils’étaitdéjàtrouvénezànezaveccesmonstresetnes’ensouvenait que trop bien. Ses compagnons de chambre restaient immobiles; aucun n’osaitfairelemoindrebruit.Lapeurflottaitdanslapièce.

L’undesGriffeursparut se rapprocherde lamaison.Puis son cliquetis prit une tonalitédifférente, plus grave, plus creuse. Thomas se représenta sans mal ce qui se passait: lacréature,défiant lagravité,plantait sespiquantsdans lesmursde la fermeetmontaitversleur fenêtre. Il entendit lespointescrever lesplanchessursonpassage tandisque lachoses’élevaitenroulantsurelle-même.Lamaisontoutentièretremblait.

Frappé d’horreur, Thomas n’entendait plus que les grincements et les craquements dubois. Ils sonnaientdeplusenplus fort,deplusenplusprès.Lesautress’étaient reculés leplusloinpossibledelafenêtre.Thomasfinitparlesimiter.Newtsetenaitjusteàcôtédelui;ils étaient tous pelotonnés contre le mur du fond, fixant la fenêtre. La situation étaitintenable.

À l’instant où Thomas se rendit compte que le Griffeur était accroché juste derrière lafenêtre,lesilencesefit.Thomaspouvaitpresqueentendrelesbattementsdesoncœur.

Deslumièresclignotaientàl’extérieur,s’infiltrantparintermittencedanslesfentesentreles planches. Puis des ombres minces se mirent à passer devant le faisceau lumineux.Thomas devina que le Griffeur avait déployé ses bras et ses armes, prêt à l’attaque. Il sereprésentades scaralamesdehors,en traindeguider lescréatures.Quelquessecondesplustard,lesombrescessèrentdebouger;lalumières’immobilisa,découpanttroisrectanglesdeclartédanslachambre.

La tensionétaitpalpable ; tout lemonde retenait son souffle.C’était sansdouteplusou

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moinslamêmechosedanstouteslespiècesdelaferme.PuisThomassesouvintdeTeresaenferméeaugnouf.

Il était en train d’espérer un message de sa part quand la porte du couloir s’ouvritbrusquement.Descrisétouffésetdesexclamationsdesurpriseretentirentdanslachambre.Lesblocardsavaientsurveillélafenêtre,maispaslaporte.Thomasseretournapourvoirquiavaitouvert,s’attendantàvoirunChuckterrorisé,oupeut-êtreAlbyquiavaitchangéd’avis.Maisquandilvitquisedressaitsurleseuil,soncrâneluidonnal’impressiondecomprimersoncerveau.

C’étaitGally.

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Chapitre39Gallyroulaitdesyeuxfous;sesvêtementsétaientsalesetdéchirés.Il tombaàgenouxet

resta là, pantelant, la respiration sifflante. Il balaya la chambredu regard commeun chienenragéquicherchequelqu’unàmordre.Personnen’osaitouvrirlabouche.CommesichacunpensaitqueGallyn’étaitqu’unproduitdesonimagination.

—Ilsvontvoustuer!criaGallyenpostillonnant.LesGriffeurs,ilsvonttousvoustuer,unàun,jusqu’audernier!

Thomasleregardasereleverets’avancerentraînantlajambedroite.Personnenebougea;ilsétaient tous tropabasourdispour fairequoiquecesoit.MêmeNewtrestaitbouchebée.Thomasétaitpresquepluseffrayéparl’arrivéedeGallyqueparlaprésencedesGriffeurs.

Gallys’arrêtaàmoinsd’unmètredeThomasetdeNewt; ilpointaundoigtsanguinolentsurThomas.

—Toi!dit-ilavecdégoût.Toutesttafaute!

IlbalançalepoinggauchesanscriergareetatteignitThomasenpleinsurl’oreille.Celui-citombaavecuncri,davantagesousl’effetdelasurprisequedeladouleur.Ilbonditaussitôtsursespieds.

S’arrachantenfinàsastupeur,NewtrepoussaviolemmentGally.Cederniervintsecognercontrelapetitetableprèsdelafenêtre.Lalampetombaetsebrisasurleplancher.

Thomass’attendaitàuneriposte,maisGallysecontentadiseredresser,avecunregarddedément.

—C’estsansissue,dit-ild’unevoixcalmeetglaciale.CefoutuLabyrinthevousauratous,tas de tocards... LesGriffeurs vous feront la peau... Un par nuit, jusqu’à la fin... Je... C’estmieuxcommeça.(Ilbaissalesyeux.)Ilsvouséliminerontl’unaprèsl’autre...àcausedeleursstupidesvariables...

Thomas l’écoutait avec attention, tâchant de réprimer sa peur afin demieuxmémorisertoutcequ’ildisait.

Newtfitunpasenavant.

—Gally,bonsang,tagueule!IlyaunGriffeurjustederrièrelafenêtre.Alorsposetonculettiens-toitranquille.Ilvapeut-êtres’enaller.

Gallyledévisageaentresespaupièresplissées.

—Tunecomprendspas,Newt.Tuestropbête,tuastoujoursététropbête.Iln’yapasdesortie.Onnepeutpasgagner!Ilsvontvoustuer,tous,unparun\

Hurlantlederniermot,Gallybonditcontrelafenêtreettirasurlesplanchescommeunebêtesauvagequiessaiedes’échapperdesacage.AvantqueThomasouunautreaitpuréagir,ilenavaitdéjàarrachéuneetlajetaitparterre.

—Non!criaNewtencourantverslui.

Thomass’élançapourl’aider,incrédule.

Gallyarrachaunedeuxièmeplanche.Illafittournoyeràdeuxmainsetl’abattitsurlatêtede Newt, qui s’écroula en travers du lit; une giclée de sang éclaboussa les draps. Thomass’arrêtaetserralespoings.

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—Gally!rugit-il.Maisqu’est-cequetufous?

Legarçoncrachaparterre,enhaletantcommeunchien.

—Toi,tagueule,Thomas.Tagueule!Jesaisquitues,maisjem’enfichemaintenant.Jesaiscequimeresteàfaire.

Thomasavait l’impressiond’avoir lespieds vissés au sol.LediscoursdeGally le laissaitpantois.Impuissant,illeregardaarracherladernièreplanche.Àl’instantoùcelle-citouchalesol, la fenêtre explosa vers l’intérieur avec un fracas de verre brisé. Thomas se couvrit levisageetbonditenarrière.Quandilheurtalelit,ilretrouvaassezdesang-froidpourleverlatêteetfairefaceàsondestin.

Un Griffeur avait introduit la moitié de son corps boursouflé et palpitant à travers lesdébrisdelafenêtre.Sesbrasmétalliquesarmésdepincess’agitaientenclaquantdanstoutesles directions. Thomas avait si peur qu’il ne remarqua pas que presque tous les autress’étaientenfuisdanslecouloir,àl’exceptiondeGally,etdeNewtétendusansconnaissancesurlelit.

Médusé,Thomasvit l’undeslongsbrasduGriffeursetendreverslecorpsinanimé.Celasuffitàlefaireréagir.Ilcherchaunearmesurlesol.Iln’yavaitquedescouteaux;voilàquin’allaitpasl’aiderbeaucoup.Lapaniquemontaenlui,àdeuxdoigtsdelesubmerger.

Puis Gally se remit à crier; le Griffeur retira son bras, comme s’il en avait besoin pourobserveretécouter.Soncorps,enrevanche,continuaitàsetortillerpouressayerd’entrer.

— Personne n’a jamais rien compris! hurla le garçon pardessus le vacarme effroyableproduitpar lacréaturequi forçait lepassage.Personnen’avoulucomprendreceque j’avaisvu,cequelaTransformationm’afait !Neretournepasdans lemonderéel,Thomas!Jetejurequetu...netienspas...àretrouverlamémoire!

GallylançaàThomasundernierregardhalluciné,emplideterreur,puisilsejetacontreleGriffeur.Thomaspoussaun cri en voyant les brasde la créature se refermer surGally.Legarçons’enfonçadeplusieurscentimètresdanslachairflasqueetvisqueusedumonstre,avecunbruithorrible.Ensuite,leGriffeurdisparutd’uncoup.

Thomas se précipita à la fenêtre et arriva juste à temps pour le voir toucher le sol ets’enfuiràtraversleBloc.LecorpsdeGallyapparaissaitetdisparaissaitàchaqueroulade.Leslumièresdumonstre jetèrentdes reflets jaunes et sinistres sur les bordsde la porte ouestquand il s’engouffra dans les profondeurs duLabyrinthe.Quelques secondesplus tard, sescongénères prirent lemême chemin en célébrant leur victoire par un terrifiant concert debourdonnementsetdecliquetis.

Thomas se sentit sur le point de vomir. Alors qu’il allait s’écarter de la fenêtre, unmouvementcaptasonregard.Ilsepenchaau-dehorspourmieuxvoir.Unesilhouettecouraitdanslacourendirectiondelaporteouest.

Malgré la lumièremédiocre, Thomas reconnut immédiatement de qui il s’agissait. Il luicriad’attendre,des’arrêter.Troptard.

MinhoavaitdéjàdisparudansleLabyrinthe.

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Chapitre40Leslumièress’allumaientpartoutdanslaferme.Lesblocardscouraientdanstouslessens,

enparlanttousàlafois.Deuxgarçonspleurnichaientdansleurcoin.Laconfusionrégnait.

Thomasn’yprêtaaucuneattention.

Ildévalal’escalierquatreàquatre,sefrayauncheminàtraverslafoulerassembléedansl’entrée,jaillithorsdelafermeetpiquaunsprintendirectiondelaporteouest.AuseuilduLabyrintheilralentitsacourse.Soninstinctluiinterdisaitdes’yengouffreràlalégère.Newtl’appela,cequiretardasadécision.

—Minho les a suivis ! cria Thomas quandNewt le rejoignit, une serviette posée sur saplaieàlatête.

—Jesuisaucourant,réponditNewt.(Ilregardasaserviette,surlaquelleunetachedesangs’élargissaitdéjà;illaremitenplaceavecunegrimace.)Minhoasûrementpétélesplombs,etjeneteparlepasdeGally;lui,j’aitoujourssuqu’ilétaitdingue.

Thomasnes’inquiétaitquepourMinho.

—Jevaislechercher.

—Tuvasencorejouerleshéros?

Thomas,vexé,luilançaunregardnoir.

—Tucroisquejefaisçapourvousimpressionner,toietlesautrestocards?Arrête.Toutcequim’intéresse,c’estdemetirerd’ici.

—Oui,oui,onsaitquetuesunduràcuire.Maispourl’instantonad’autresproblèmes.

—Hein?

Thomassavaitques’ilvoulaitrattraperMinho,iln’avaitpasunesecondeàperdre.

—Oui,quelqu’una...,commençaNewt.

—Levoilà!l’interrompitThomas.

Minhovenaitderéapparaîtreauboutducouloir.Thomasmitsesmainsenporte-voix:

—Qu’est-cequetufabriquais,abruti?

Minho passa la porte puis s’arrêta, plié en deux, les mains sur les genoux. Il attenditd’avoirrécupéréunpeusonsoufflepourrépondre:

—Je...voulaisjuste...vérifier.

—Vérifierquoi?demandaNewt.ÇanousauraitbienavancésquetutefassesembarqueravecGally.

Minhoseredressa,lesmainssurleshanches,encoreessoufflé.

— Lâchez-moi, les gars. Je voulais simplement vérifier qu’ils repartaient bien vers laFalaise.VersletroudesGriffeurs.

—Etalors?demandaThomas.

—Bingo!

Minhos’essuyalefront.

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—Jen’arrivepasàlecroire,marmonnaNewt.Quellenuit!

—Qu’est-ce que tu voulaismedire tout à l’heure? lui demandaThomas.Tu as parlé deproblèmes...

—Oui.(Newtfitungestedupoucepourindiquerunpointderrièrelui.)Onvoitencorelafumée.

Thomas regarda. La porte de la salle des cartes était entrebâillée et un ruban de fuméenoires’enéchappait.

—Quelqu’unamislefeuauxcoffres,expliquaNewt.Touteslescartesontbrûlé.

*

Thomasnesesouciaitpasplusqueçadesplans. Ilserenditsous la fenêtredugnouf. IlavaitvuNewtetMinhoéchangerunregardétrangeaumomentde lesquitter, commes’ilspartageaientunsecret.Maisluinepensaitqu’àunechose.

—Teresa?appela-t-il.

Elleapparutderrièrelesbarreauxensefrottantlesyeux.

—Quelqu’unestmort?demanda-t-elled’unevoixensommeillée.

—Tudormais?s’exclamaThomas.

Ilétaitsisoulagédelavoirindemnequ’ilcommençaàsedétendre.

— Oui, répondit-elle. Jusqu’à ce que quelqu’un se mette en tête de démolir la ferme.Qu’est-cequ’ils’estpassé?

Thomassecoualatêteavecincrédulité.

—JenesaispascommenttuaspudormiravectouscesGriffeursàproximité.

—Tudevraisessayerdesortirducoma,undecesjours.Tuverraiscommeonsesent.

—Etmaintenantréponds-moi,ajouta-t-elledanssatête.

Thomasclignadespaupières,décontenancé.

—Arrêteça,tuveux?

—Dis-moisimplementcequis’estpassé.

Thomassoupira;c’étaitunelonguehistoire,etiln’avaitpasenvied’entrerdanslesdétails.

—TuneconnaispasGally,maisc’estuncingléquis’étaitenfui.Ilestrevenu,ilasautésurunGriffeuretilsl’ontemportédansleLabyrinthe.C’étaittrèsbizarre.

Il jeta un coup d’œil derrière lui, espérant apercevoir Alby quelque part. Il accepteraitsûrementdelibérerTeresatoutdesuite.Onvoyaitdesblocardsunpeupartout,maisaucunsignedeleurchef.ThomasseretournaversTeresa.

—Jenecomprendspas.PourquoilesGriffeurssont-ilspartisaprèsavoireuGally?Iladitqu’ils nous tueraient l’un après l’autre, un chaque nuit, jusqu’au dernier. Il l’a répété aumoinsdeuxfois.

Teresalaissapendresesmainsentrelesbarreaux,lesavant-brasenappuisurlereborddelafenêtre.

—Seulementunchaquenuit?Pourquoi?

—Aucuneidée.Ilaparléde...paramètres.Oudevariables.Jenesaisplus.

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Thomaséprouval’enviesoudainedeprendrelamaindeTeresa.Ilseretint.

—Tom, j’ai repenséàceque je t’aidit l’autre foisdans ta tête.Que leLabyrintheestuncode.Lefaitdeseretrouverenferméeicistimulelaréflexion.

—Tuastrouvéquelquechose?

Vivementintéressé,ils’efforçad’ignorerlesconversationsaniméesquiéclataientàtraversleBlocàmesurequelesblocardsapprenaientl’incendiedelasalledescartes.

—Lesmurssedéplacenttouslesjours,c’estça?

—Oui.

—EtMinhopensequelesdéplacementssuiventuncertainschéma,exact?

—Exact.

Desrouagescommençaientàs’enclencherdanslatêtedeThomas.Ileutl’impressionquecertainssouvenirsétaientsurlepointdeluirevenirenmémoire.

—Ehbien,jenemerappellepluspourquoij’aiparlédecode,maisquandjesuissortieducoma,toutessortesd’idéesetdesouvenirssebousculaientdansmatête,commesionétaitentraindemelesaspirer,pourmeviderlamémoire.Etjecroisquej’airessentilebesoindetedireçaavantdel’oublier.C’estdoncsûrementimportant.

Thomasl’entendaitàpeine.Iln’avaitpasréfléchiaussiintensémentdepuislongtemps.

— Tous les jours, on compare le plan de chaque section avec celui de la veille, puis del’avant-veille, et ainsi de suite, murmura-t-il. Chaque coureur s’occupe uniquement de sasection.Maissupposonsqu’ilfaillelecompareraveclesplansdesautressections...

Ilétaitconvaincud’êtresurlabonnevoie.

Teresanel’écoutaitpas,suivantelleaussisonpropreraisonnement:

—Lapremière chosequime vient à l’esprit quand j’entends lemot«code», ce sontdeslettres.Deslettresdel’alphabet.Peut-êtrequeleLabyrintheessaied’épelerunmessage.

Touts’emboîtaittrèsvitedansl’espritdeThomas,touteslespiècesdupuzzlesemettaientenplaceenmêmetemps.

—C’est ça, c’est ça !Saufque les coureursne regardaientpas làoù il aurait fallu. Ils setrompaientdepuisledébut!

Teresasecramponnaitauxbarreaux,lesphalangesblanchies,levisagepressécontrelefer.

—Quoi?Dequoiest-cequetuparles?

Thomasempoignalesbarreauxàsontour.

— Minho m’a dit que les schémas se répétaient, mais qu’ils n’arrivaient à en dégageraucune signification. Sauf qu’ils ont toujours examiné les plans section par section, jouraprès jour.Et si chaque jour correspondait àun élémentdu code, et qu’il faille étudier leshuitsectionsdansleurensemble?

—Tucroisquechaque jourpourrait correspondreàunmotdifférent?demandaTeresa.Parlemouvementdesmurs?

Thomashochalatête.

—Oupeut-êtreunelettreparjour,jenesaispas.Entoutcas,ilsonttoujourscruquelescartes leurindiquaientunmoyend’évasion,etnonunmessage.Ils lesontétudiéescomme

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des plans et non comme des images. Il ne nous reste plus qu’à... (Il s’interrompit en serappelantcequeNewtvenaitdeluiapprendre.)Oh,non.

Unelueurd’inquiétudebrilladanslesyeuxdeTeresa.

—Quoi?

—Oh,non,non!

Thomaslâchalesbarreauxetreculaentitubant,accablé.11pivotaverslasalledescartes.Lafumées’étaitéclaircie,maisellecontinuaitàs’échapperdelaporteenfilamentsbrumeuxquirecouvraientl’ensembledelacour.

—Qu’est-cequ’ilya?insistaTeresa.

Depuissacelluleellenepouvaitpasvoirlasalledescartes.

Thomasseretournafaceàelle.

—Jenepensaispasquec’étaitimportant...

—Quoidonc?s’écria-t-elle.

—Quelqu’unabrûlétouteslescartes.S’ilyavaituncode,ilestpartienfumée.

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Chapitre41—Jereviens,ditThomas.JedoistrouverNewt,voirs’ilapusauverquelquesplans.

Unebileacideluibrûlaitl’estomac.

—Attends!criaTeresa.Sors-moid’ici!

MaisThomasn’avaitpasletemps,mêmes’ils’envoulaitdepenserça.

—Jenepeuxpas.Jevaisrevenir,jetelepromets!

Ilpiquaunsprintendirectiondelasalledescartes.SiTeresaavaitvujuste,ilsavaientétésur le point de percer lemystère duLabyrinthe, juste avant de perdre la solution dans lesflammes...C’étaittellementrageantqueçaluifaisaitmal.

Ungroupedeblocardssetenaitdevantlaporteenacier,toujoursentrouverte, l’extérieurnoirci. En s’approchant, Thomas s’aperçut qu’il y avait une forme étendue à leurs pieds.Newt,agenouillé,étaitpenchéau-dessusd'uncorps.

Minho, debout derrière lui, désemparé et couvert de suie, fut le premier à remarquerThomas.

—Oùes-cequetuétaispassé?luidemanda-t-il.

—J’étaisavecTeresa.Ques’est-ilpassé?réponditThomas,inquiet.

LacolèredéformalevisagedeMinho.

—Lasalledescartesestentraindebrûler,ettoitufilespourallerdiscuteravectacopine?Qu’est-cequinevapascheztoi?

— Je me suis dit que ça n’avait pas d’importance, vu que vous n’aviez rien tiré de cesplans...

Minhogrimaçadedégoût.

—Oui,c’estvraimentlemomentidéalpourbaisserlesbras.Qu’est-ceque...?

—Jesuisdésolé.Dis-moijustecequis’estpassé.

Thomassepenchapourjeteruncoupd’œilsurlecorps.

C’étaitAlby,allongésurledos,uneplaiebéanteentraversdufront.Lesangluicoulaitdepartetd’autreduvisage,etjusquedanslesyeux.Newtl’essuyaitdélicatementavecunlingehumide, en l’interrogeant à voix basse. Thomas se tourna vers Minho et lui reposa saquestion.

—Winstonl’atrouvélà,àmoitiémort,pendantquelasalledescartesflambait.D’autrestocards sont arrivés pour éteindre les flammes,mais trop tard. Les coffres ne contiennentplusquedescendres.Audébut,j’aisoupçonnéAlby,saufquelecoupablel’aassommécontrelatable.Ilyaencoredusangdessus.

—Quiapufaireça,àtonavis?

Thomashésitaitàluiparlerdel’hypothèsequeTeresaetluiavaientémise.Sansplans,ellenevalaitplusrien.

—Peut-êtreGally,avantdedébarqueràlafermeetdenousfairesonnumérodebarjo?Jenesaispasetjem’enfiche.Çan’aplusd’importance.

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Thomass’étonnadecebrusquechangementd’humeur.

—Lequeldenousdeuxbaisselesbras,maintenant?

Minho redressa la tête.Thomas lutde la colèredans son regard,puisuneexpressiondesurpriseoudeconfusion.

—Cen’estpascequejevoulaisdire,tocard.

Thomasplissalespaupièresaveccuriosité.

—Ahbon?

—Écoute,boucle-launpeu,d’accord?(Minhoposaundoigtsurseslèvres,enregardantàdroite et à gauche pour s’assurer que personne ne les écoutait.) Boucle-la, c’est tout. Jel’expliqueraiplustard.

Thomasréfléchit.S’ilvoulaitquelesautressoienthonnêtesaveclui,ilavaitintérêtàl’êtreaveceux.Avecousansplans,ildécidadeleurparlerdel’existenceprobabled’uncodedansleLabyrinthe.

—Minho,ilfautquejevousconfieuntrucàNewtetàtoi.

Il faudrait aussi faire sortir Teresa : elle doitmourir de faim, et elle pourrait nous êtreutile.

—Tacopine?J’aivraimentautrechoseàpenserpourl’instant.

—Accorde-nouscinqminutes,onaeuune idée.Çapourraitpeut-êtreencoremarchersilescoureurssesouviennentdeleursderniersplans.

Voilàquiretintaussitôtl’attentiondeMinho,maisunefoisencore,ilpritunairétrange,commesiThomaspassaitàcôtéd’unechoseparfaitementévidente.

—Uneidée?Laquelle?

—Venezavecmoijusqu’augnouf.

Minhon’hésitaqu’uneseconde.

—Newt!appela-t-il.

—Oui?

Newtsereleva.

MinhopointaledoigtsurAlby.

— Laisse les medjacks s’en occuper. Il faut qu’on parle. Newt lui lança un regardinterrogateur,puistenditsonchiffonaublocardleplusproche.

—VachercherClint.Dis-luiqu’onadesproblèmesplusurgentsàréglerquedesgarsavecdeséchardes.

Alorsquelegarçonfilait,Newts’éloignad’Alby.

—Parlerdequoi?

MinhoindiquaThomasd’uncoupdementon.

—Venezavecmoi,fitThomas.

Puisiltournalestalonsetpartitendirectiondugnouf.

*

— Faites-la sortir, dit Thomas devant la porte de la cellule, les bras croisés. Après, on

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pourraparler.Croyez-moi,ilfautquevousnousécoutiez.

Newt, sale et couvert de suie, les cheveux poissés de sueur, avait l’air d’une humeurexécrable.

—Tommy,cen’estpas...

—S’ilteplaît.Ouvrelaporteetlaisse-lasortir.

Iln’avaitpasl’intentiondecéder,cettefois.

Minhoseplantadevantlaporte,lesmainssurleshanches.

—Commentveux-tuqu’on lui fasse confiance?demanda-t-il.Dèsqu’elle s’est réveillée,leschosesontcommencéàdégénérer.Elleareconnuelle-mêmeavoirdéclenchéuntruc.

—Iln’apastort,observaNewt.

Thomasfitungesteendirectiondelaporte.

—Elleestdenotrecôté.Chaquefoisqu’onadiscutétouslesdeux,c’étaitpourchercherunmoyen de sortir d’ici. Elle a été envoyée ici tout comme nous. C’est ridicule de la croireresponsabledecequinousarrive.

Newtgrommela.

—Alors,pourquoiest-cequ’elleaditqu’elleavaitenclenchéunprocessus?

Thomas haussa les épaules, refusant d’admettre queNewtmarquait un point. Il y avaitforcémentuneexplication.

—Jen’ensais rien...Ellen’avaitpas les idéesclairesà sonréveil.Peut-êtrequeçanousarriveà tous,dans laBoîte,deracontern’importequoiavantd’émergerpourdebon.Allez,libérez-la.

NewtetMinhoéchangèrentunlongregard.

—Dequoivousavezpeur?insistaThomas.Qu’ellepoignardetouslesblocardsl’unaprèsl’autre?

Minhosoupira.

—C’estbon.Iln’yaqu’àlibérercettedébile.

—Jenesuispasdébile!criaTeresad’unevoixétoufféeparlesmurs.J’entendstoutcequevousdites,bandedecrétins!

Newtécarquillalesyeux.

—Unevraiecâlinequetut’esdénichéelà,Tommy!

—Allez,vite,ditThomas.Jesuissûrqu’onapleindechosesàfaireavantquelesGriffeursreviennentcesoir...ensupposantqu’ilsnouslaissenttranquillespendantlajournée.

Newt bougonna et sortit son trousseau de clefs. Quelques déclics plus tard, la portes’ouvraitengrand.

—Vienslà.

TeresasortitdesacelluleenjetantunregardnoiràNewtpuisàMinho.EllevintseplacerjusteàcôtédeThomas.Leursbrassefrôlèrent;Thomasfrissonna,trèsgêné.

—Bon,ont’écoute,fitMinho.Qu’ya-t-ildesiimportant?

ThomassetournaversTeresa.Ilsedemandaitcommentformulerlachose.

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—Ahnon,protesta-t-elle, c’est toiquiparles !Moi, ilsmeprennentpourune tueuseensérie.

— Il faut reconnaîtreque tu semblesdangereuse,marmonnaThomas. (Il se tourna versNewt et Minho.) OK, quand Teresa est sortie de son coma, plusieurs souvenirs lui sontrevenusenmémoire.Elle,euh...(Ilseretintd’avouerqu’elleluiavaitparlédirectementdanssatête.)Ellem’aracontéplustardqu’elles’estsouvenuequeleLabyrintheétaituncode.Siçasetrouve,aulieudenousfairemiroiterunesortie,ilessaiedenousenvoyerunmessage.

—Uncode?répétaMinho.Commentça?

Thomassecoualatête.

—Jene saispas exactement, tu connaismieux lesplansquemoi.Mais j’aiune théorie.C’estpourçaquej’espèrequelescoureurspourrontserappelerleursderniersplans.

MinholançaàNewtunregardinterrogatif.Newthochalatête.

—Quoi ? s’agaçaThomas, exaspérépar leurs cachotteries.Vous savezun trucque jenesaispas?

Minhosefrottalesyeuxetrespiraungrandcoup.

—Onavaitcachélescartes,Thomas.

Thomasmituninstantàcomprendre.

—Pardon?

— On les avait cachées dans la cave des armes et remplacées par des fausses, expliquaMinho.ÀcausedelamiseengardedAlby.Etdusoi-disantprocessusdefinenclenchépartacopine.

Thomas, excité, en oublia momentanément leur situation désespérée. Il se souvint ducomportement suspect de Minho la veille, quand il avait parlé d’une mission spéciale.ThomassetournaversNewt,quiconfirmad’unhochementdetête.

—Ellessontintactes,conclutMinho.Iln’enmanquepasune.Alors,situasunethéorie,crachelemorceau.

—Montrez-les-moid’abord,demandaThomas,impatientdepouvoirlesconsulter.

—D’accord,allons-y.

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Chapitre42Minhoalluma la lumière.Thomasdutplisser lespaupièresun instant, le tempsque ses

yeux s’y habituent. Des ombres menaçantes se découpaient derrière les caisses d’armesdisposéesparterreetsurlatable;leslames,bâtonsetautresustensilesàl’aspectredoutablesemblaientattendrepatiemment,prêtsàs’animeretàmettreenpièceslapremièrepersonneassezstupidepours’approcher.L’odeurdeterrehumidenefaisaitqu’ajouteràl’atmosphèresinistredelacave.

—Ilyaunepiècesecrète,là,derrière,expliquaMinhoencontournantuneétagèredansuncoinsombre.Onn’étaitquedeuxàêtreaucourant.

Thomasentenditungrincementdebois,puisMinhosortitunegrosseboîteencarton,qu’iltraînasurlesol.

—J’airangélecontenudechaquecoffredansuncarton.Çafaithuitcartonsentout.

—Celui-làcorrespondàquelsecteur?demandaThomasens’agenouillantdevant,pressédesemettreautravail.

—Ouvre-le,tuverrasbien:lesfeuillessontnumérotées.

Thomasouvritlecartonetdécouvritlesplansdelasection2entasséspêle-mêle.Ilplongealesmainsàl’intérieuretensortitunebrassée.

— D’accord, commença-t-il, vous les avez toujours comparés d’un jour à l’autre, à larecherched’unschémaquivousaideraitàlocaliserlasortie.Tum’asditquevousnesaviezpasvraimentcequevouscherchiez,maisquevouscontinuiezàlesexaminerquandmême.C’estbiença?

Minhoacquiesça,lesbrascroisés,aussisérieuxquesions’apprêtaitàluirévélerlesecretdel’immortalité.

—Bon,continuaThomas,etsiledéplacementdesmursn’avaitaucunrapportavecleplandu Labyrinthe ou sa réorganisation ? S’il s’agissait simplement de former desmots ? Desindices,quinousaideraientànouséchapper?

Avecunsoupirdefrustration,MinhodésignalescartesqueThomastenaitàlamain.

—Mec,tuasuneidéedutempsqu’onyapassé?Tucroisqueçanousauraitéchappésionpouvaityliredesmots?

—Peut-êtrequec’esttropdifficileàrepéreràl’œilnuenlescomparantd’unjouràl’autre;oupeut-êtrequ’ilfautregroupertouslesplansd’unemêmejournée?

Newtrit.

— Tommy, je veux bien reconnaître que je ne suis pas le plus futé du Bloc,mais je necomprendspasunmotdecequeturacontes.

Toutenparlant,Thomascontinuaitàréfléchirintensément.Ilsentaitquelasolutionétaitàportéedemain,là,soussesyeux.Pourtant,ilavaitbeaucoupdemalàlaformuler.

— D’accord, d’accord. (Il décida de recommencer depuis le début). Vous avezsystématiquementnomméuncoureurparsection?

—Oui,réponditMinho,sincèrementintéresséetprêtàcomprendre.

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—Etcecoureurdessineunnouveauplanchaquejour,qu’ilcompareauxplansprécédents,uniquementpoursasection.Maissupposonsqu’ilfaillecomparerlesplansdechaquesectionles uns aux autres, tous les jours ? Et que chaque jour fournisse un indice précis, ou unélémentducode?Est-cequevousavezdéjàcomparélesplansdesdifférentessections?

Minhosecaressalementond’unairsongeur.

—Oui,plusoumoins.Onaessayédelesmettreboutàboutpourvoircequeçadormait.Onatoutessayé.

Thomass’assitentailleuretposalaliassesursesgenoux.Leslignesdeladeuxièmecartesedevinaientpartransparenceàtraverslafeuilledudessus.Ilsutalorscequ’illeurrestaitàfaire.Illevalesyeuxverssescamarades.

—Dupapiercuisson!

—Hein?ditMinho.Qu’est-cequetu...?

—Fais-moiconfiance.Ilnousfautdupapiercuissonetdesciseaux.Etpleindemarqueursnoirsetdestylos.

*

Poêle-à-frire accueillit sans enthousiasme la réquisition de tous ses rouleaux de papiercuisson,surtoutqu’àprésentiln’enrecevraitplusd’autres.Maisilfinitparlesleurdonner.

Après dixminutes de chasse auxmarqueurs et aux stylos -la plupart avaient brûlé dansl’incendie de la salle des cartes -, Thomas s’installait à la table de travail de la cave encompagniedeNewt,MinhoetTeresa.Comme ilsn’avaientpas trouvéde ciseaux, il dut secontenterd’uncouteaubienaiguisé.

—J’espèrequ’onn’estpasentraindeperdrenotretemps,prévintMinho.

Bienquesavoixsoitsévère,sesyeuxbrillaientd’excitation.

Newtsepenchaenavant,lescoudessurlatable,commes’ils’attendaitàuntourdemagie.

—Ont’écoute,Tommy.

—C’estparti.

Thomasavaitunetrouillebleueàl’idéedes’êtretrompé.IltenditlecouteauàMinhoenluiindiquantlepapiercuisson.

— Découpe des rectangles de la taille des plans. Teresa et moi, on va prendre les dixpremiersplansdechaquesection.

Minhocontemplalecouteaud’unairdépité.

—C’estquoi?Uneséancedetravauxmanuels?grogna-t-il.Pourquoitunenousdispassimplementàquoiçavaservir?

— Parce que j’en ai assez d’expliquer, rétorqua Thomas. (Il se leva.) Je préfère vousmontrer. Si j’ai tort, on pourra toujours retourner trotter dans le Labyrinthe comme dessourisdelaboratoire.

Minhosoupira,clairementagacé,puisgrommeladanssabarbe.Teresa,quin’avaitpasditunmotdepuisunmoment,s’adressamentalementàThomas.

—Jecroiscomprendreoùtuveuxenvenir.C’estgénial,bravo.

Quoiquesurpris,Thomass’efforçaderesterimpassible.

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Mieuxvalaitéviterdetrahirleursecret.

—Viens...plutôt...m’aider, essaya-t-ilde luidemander,enpensantdistinctementchaquemotetens’efforçantdevisualisersonmessageavantdel'envoyer.Teresarestasansréaction.

—Teresa,dit-ilàvoixhaute,tupeuxm’aideruneseconde?

Ilspassèrentdanslapiècesecrèteetouvrirenttouslescartons.Ilsprélevèrentuneliassede feuilles dans chaque. Lorsqu’ils ramenèrent leur butin sur la table, ils constatèrent queMinhoavaitdéjàdécoupéunevingtainederectangles,empilésendésordresursadroite.

Thomasenpritunetl’élevasousuneampouleàlaluminositélaiteuse.C’étaitexactementcequ’illuifallait.

Ilattrapaunmarqueur.

—Bon,onvadécalquerlesdixderniersplansdechaquesectionsurcesfeuilles.N’oubliezpasdenoterlenumérodanslecoinpourqu’ons’yretrouve.Quandceserafait,ilestpossiblequ’onvoiequelquechoseapparaître.

—Que...?commençaMinho.

— Continue à découper, toi, lui ordonna Newt. J’ai l’impression que je commence àcomprendre.

Thomasfutsoulagédel’entendre.

Ils se mirent à décalquer un à un les plans sur le papier cuisson, s’appliquant à lesreproduireviteetbien.Thomasseservitd’uneplanchettecommed’unerèglepourtracerseslignesdroites.Ileutbientôt terminécinqplans,puiscinqautres.Sescamaradesavançaientaumêmerythme.

Ilscontinuèrentainsicartonaprèscarton,sectionaprèssection.

—J’enaimarre,finitparannoncerNewt.J’ailesdoigtsenfeu.Voyonscequeçadonne.

Thomasposasonmarqueur,puiss’assouplitlesdoigts.Ilespéraitnepass’êtretrompé.

—D’accord,passez-moi lesderniers joursdechaquesection.Onva lesrangerenpiles lelongdelatable,delasection1àlasection8-1iciet8là.

Ils trièrent les calques en silence jusqu’à former huit piles de feuilles soigneusementalignées.

Autant surexcité qu’angoissé, Thomas prit la première feuille de chaque pile et vérifiaqu’elles correspondaient bien au même jour. Puis il les superposa. Par transparence, ilpouvaitainsiobserver leshuit sectionsduLabyrintheà la fois.Cequ’ilvit le stupéfia.Uneimageétaitapparuecommeparmagiedans le fouillisdes lignes.Teresa laissaéchapperunpetitcri.

Les tracés se recoupaient, de haut en bas, si bien que Thomas avait l’impression deregarder une simple grille. Mais certaines lignes, au milieu, revenaient plus souvent qued’autresetformaientuntracéplusfoncé.Quoiquesubtile,ladifférenceétaitindubitable.

PileaucentredelapagesedessinaitlalettreF.

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Chapitre43Thomas fut envahi par un flot d’émotions variées: du soulagement en voyant que ça

marchait,delasurprise,del’excitationetdelacuriositéàl’idéedecequ’ilsallaientdécouvrir.

—Mince,murmuraMinho.

—C’estpeut-êtreunecoïncidence,ditTeresa.Vérifieaveclesautres,vite.

Thomasregroupaleshuitfeuillesdechaquesectionpourlesdifférentesjournées.Chaquefois,unelettreapparaissaitdansleréseaudeslignesentrecroisées.AprèsleFvintunL,puisunO,deuxT,unE,unR,unAetunT.

—Regardez,ditThomasen indiquant la rangéedepilesqu’ilvenaitdeconstituer.On litFLOTTE,puisRAT.

—Flotterat?répétaMinho.Drôledecodepouruneévasion.

—Continuons,suggéraThomas.

Une demi-douzaine de combinaisons supplémentaires leur permirent de comprendrequ’enréalitéledeuxièmemotétaitATTRAPER.FLOTTERpuisATTRAPER.

—Çan’estpasunecoïncidence,fitMinho.

—Sûrementpas,approuvaThomas.

Ilavaithâtededécouvrirlasuite.

Teresaindiqualapiècesecrète.

—Ilvafalloirfairepareilavectouslesplansquisontdanscescartons.

—Oui,confirmaThomas.Auboulot!

—Onnevapaspouvoirvousaider,déclaraMinho.

Sestroiscamaradesledévisagèrent.Ilsoutintleurregard.

—PasThomasetmoi,entoutcas.Ilfautqu’onrenvoielescoureursdansleLabyrinthe.

—Quoi?s’exclamaThomas.Ça,c’estbeaucoupplusimportant!

— Peut-être, admit Minho avec calme, mais on ne peut pas se permettre de rater unejournée.Surtoutpasmaintenant.

Thomas était très déçu. Cartographier le Labyrinthe lui paraissait une perte de temps àcôtédudécryptageducode.

—Pourquoi,Minho?Tuasdittoi-mêmequelesschémasserépètentàl’identiquetouslesmoisouàpeuprès.Unjourdeplusoudemoins,quelledifférence?

Minhotapaunboncoupsurlatable.

— Réfléchis un peu, Thomas ! Ces jours-ci sont peut-être les plus importants de tous.Quelquechoseatrèsbienpuchanger,peut-êtrequ’uneportes’estouvertequelquepart.Enfait, vuque ces saletésdemursneveulentplus se fermer, je croisqu’ondevrait tester tonidée:resterdehorstoutelanuitetpoussernosexplorationsàfond.

CelafaisaitunmomentqueThomasvoulaittenterça.Tiraillé,ilobjecta:

—Mais...etlecode?Quiva...?

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—Tommy,l’interrompitNewtd’unevoixapaisante,Minhoaraison.Partezaveclesautrescoureurs.Jevaisréunirquelquestocardsdignesdeconfianceetlesmettrelà-dessus.

Newtn’avaitjamaisautantdonnél’impressiond’êtreunchef.

—JevaisresterpouraiderNewt,ajoutaTeresa.

Thomassetournaverselle.

—Tuessûre?

L’enviededéchiffrerlecodelui-mêmeledémangeait,maisildevaitadmettrequeMinhoetNewtavaientraison.

Teresasouritencroisantlesbras.

—Pour ce qui est dedéchiffrerun code complexe cachédansdesplans, je penseque lecerveaud’unefilleneserapasdetrop.

Sonsouriresefitfranchementnarquois.

—Situledis...

—D’accord,fitMinhoenhochantlatête.C’estréglé,donc.Allons-y.

Ilsedirigeaverslaporte,puiss’arrêtaquandilserenditcomptequeThomasnelesuivaitpas.

—Net’enfaispas,Tommy,ditNewt.Jeveilleraisurtacopine.

Millepensées confuses sebousculèrentdans la têtedeThomas,partagé entre l’enviedeconnaître le code, lagêneà l’idéedecequ’onpensaitdeTeresaetde lui, la curiositédecequ’ilspourraientdécouvrirdansleLabyrinthe...etlapeur.

IlsuivitMinhosansunmot.

*

ThomasaidaMinhoàrassemblerlescoureursetàorganiserl’expédition.Ilfutsurprisdelesvoirapprouveraussifacilementleurprojetd’exploreràfondleLabyrintheenypassantlanuit.Malgréunecertainenervosité,ilproposaàMinhodes’occuperseuld’unesection,maisMinhorefusa. Ilsétaienthuit coureursexpérimentéspourça.Thomasviendraitavec lui. Ilaccueillitcetteréponseavecunsoulagementhonteux.

Minho et lui bourrèrent de provisions leurs sacs à dos ; ils ne savaient pas combien detempsdurerait leur absence.Malgré la peur, Thomasne pouvait s’empêcher d’éprouver del’excitation.Peut-êtretrouveraient-ilsenfinuneissue.

Ilss’étiraientdevantlaporteouestquandChucklesrejoignitpourleurdireaurevoir.

—Jevousaccompagneraisbien,dit-il avecune faussebonnehumeur,mais j’aurais troppeurdemourirdansd’atrocessouffrances.

Thomass’esclaffamalgrélui.

—Mercipourcesparolesd’encouragement.

—Faitesattentionàvous,ajoutaChuckd’unevoixqui trahissaitune inquiétudesincère.J’aimeraispouvoirvousaider.

Thomasfuttouché.Ilauraitpariéquesionleluiavaitdemandé,Chuckseraitvenuaveceux.

—Merci,Chuck.Onseraprudents.

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—Laprudencenenousamenésnullepart,grommelaMinho.Cettefois-ci,çapasseouçacasse!

—Onferaitmieuxd’yaller,suggéraThomas.

Il avait hâte de semettre en route. Après tout, aller dans le Labyrinthe n’était pas plusdangereuxquederesterauBlocavec lesportesouvertes.Maiscette idéene le réconfortaitpasbeaucoup.

—Oui,approuvaMinhod’unevoixneutre.Allons-y.

— Bonne chance ! fit Chuck en regardant ses chaussures avant de relever la tête versThomas.Sitacopines’ennuie,jem’occuperaid’elle.

Thomaslevalesyeuxauciel.

—Cen’estpasmacopine,guignol.

—Waouh,s’exclamaChuck.Tupiqueslesexpressionsd’Alby,maintenant?(Àl’évidence,il se donnait beaucoup de mal pour cacher son angoisse mais ses yeux le trahissaient.)Sérieusement,bonnechance.

—Merci,c’esttrèsémouvant,commentaMinhoenlevantlesyeuxaucielluiaussi.Àplustard,tocard!

—C’estça,àplustard,marmonnaChuck.

Thomaséprouvasoudainuneboufféedemélancolie:ilnereverraitpeut-êtreplusjamaisChuck,Teresaetlesautres.Soncœurseserra.

—N’oubliepasmapromesse!dit-il.Jeteramèneraicheztoi!

Chucklevalesdeuxpouces,leslarmesauxyeux.

Thomas leva les pouces à son tour ; après quoi,Minho et lui endossèrent leurs sacs etpénétrèrentdansleLabyrinthe.

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Chapitre44ThomasetMinhonefirentpasunseularrêtavantd’arriveràmi-cheminduderniercul-de-

sacdelasection8.Ilsprogressaientvite.Ildevintrapidementévidentquelesmursn’avaientpas bougédepuis la veille. Ils n’avaient doncpas besoindeprendredenotes ; leuruniquetâcheconsistaitàparcourirtoutelasectionpuisàrevenirsurleurspas,àl’affûtdumoindredétail,n’importelequel.Minholeuraccordaunepausedevingtminutes,puisilsrepartirent.

Ils couraientensilence.MinhoavaitapprisàThomasqueparlern’étaitqu’ungaspillaged’énergie; ilseconcentraitdoncsursafouléeetsursonsouffle.Profond,régulier.Inspirer,souffler. Inspirer,souffler. Ilss’enfonçaientdeplusenplus loindans leLabyrinthe,perdusdansleurspensées,sansautrebruitqueleclaquementdeleurssemellessurlesoldepierre.

Aucoursdelatroisièmeheure,TeresasurpritThomasenluiparlantpartélépathiedepuisleBloc.

—Onavance.Onatrouvédeuxautresmots.Maisçaneveutpasdiregrand-chosepourl’instant.

LepremierréflexedeThomasfutdel’ignorer,denierqu’unepersonnepuisses’introduireainsidanssonesprit,violersonintimité.Maisilavaittrèsenviedeluiparler.

—Est-cequetum’entends?demanda-t-il,enformulantsaquestiondanssonesprit,avantdelaluienvoyerd’unemanièrequ’iln’auraitpassuexpliquer.

Ilseconcentraetrépéta:

—Est-cequetum’entends?

—Oui!répondit-elle.Trèsclairement,ladeuxièmefois.

Thomasenfuttellementabasourdiqu’ilfaillits’arrêterdecourir.Çamarchait!

—Jemedemandecommentonarriveàdiscutercommeça,dit-il.

L’effortmentalquecelaluiréclamaitn’étaitpassansconséquence:undébutdemigraineluiserraitlecrânecommedansunétau.

—Onestpeut-êtreamoureux,suggéraTeresa.

Thomastrébuchaetrouladans lapoussière.Il fitunsourirestupideàMinho,quis’étaitretournésansralentir,serelevaetpiquaunsprintpourlerattraper.

—Pardon?dit-ilenfin.

Ilperçutsonrirecommeuneimagetroubleetpleinedecouleurs.

—C’esttropbizarre,avoua-t-elle.Ondiraitquetuesuninconnu,maisjesaisquecen’estpasvrai.

Ilavaitbeausuersangeteau,Thomaséprouvauneagréablesensationdefraîcheur.

—Désolédetedireça,maisonestdesinconnusl’unpourl’autre.Onvientàpeinedeserencontrer,tuasdéjàoublié?

—Arrête,Tom.Àmonavis,onamodifiénosdeuxcerveauxavantqu’ondébarqueicipournouspermettred’établircelientélépathique.Cequiveutdirequ’onseconnaissaitdéjà.

Thomasadmitqu’elleavaitprobablementraison.Ill’espérait,enoutre,carill’appréciaitdeplusenplus.

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—Modifiernoscerveaux?Commentça?

—Jenesaispas.Jenem’ensouvienspasexactement.Jecroisqu’onafaitquelquechosed’énorme.

—Dequoiest-cequetuparles?répondit-il.

—J’aimeraisbienlesavoir.J’essaiejustedejeterdesidéesenvracpourvoirsiçaréveillequelquechosecheztoi.

Thomas repensa à ce que Gally, Ben et Alby lui avaient dit: on ne pouvait pas lui faireconfiance,parcequ’iln’étaitpas l’undes leurs. Il se souvintdesmotsdeTeresa:elleet luiétaientenquelquesorteresponsablesdeleursituationàtous.

—Ce codedoit bienvouloirdirequelque chose, ajouta-t-elle.Commece trucque j’avaisécritsurmonbras:wickedisgood.

Thomasplissa lespaupièresdurantquelquessecondespourmieuxseconcentrer.Ilavaitl’impression qu’une bulle d’air gonflait dans sa poitrine chaque fois qu’ils se parlaient,sensationirritanteetstimulanteàlafois.Ilréalisad’uncoupqu’ellepouvaitpeut-êtreliresespenséesmêmequandellesneluiétaientpasadressées.Ilattenditenvainuneréactiondesapart.

—Tuesencorelà?demanda-t-il.

—Oui,maiscettetélépathiemefiletoujourslamigraine.

Thomasfutsoulagéd’apprendrequ’iln’étaitpasleseul.

—Moiaussi,j’aimalàlatête.

—D’accord,dit-elle.Aplustard.

—Non,attends!

Iln’avaitpasenviederomprelecontact;leurdiscussionfaisaitpasserletemps,rendaitlacourseplusagréable.

—Àplus,Tom.Jetepréviendraisiondécouvrequoiquecesoit.

—Teresa,etcetrucquetuavaisécritsurtonbras?

Plusieurssecondess’écoulèrentsansréponse.

—Teresa?

Elleétaitpartie.Thomaseutl’impressionquelabulledanssapoitrineavaitéclaté,libérantunflotdetoxinesdanssonorganisme.Ilavaitmalauventre,ettoutàcoupl’idéedepasserlerestedelajournéeàcourirledéprimait.

IlauraitbienaiméparleràMinhodesesconversationsmentalesavecTeresa,seconfieràlui avant que son cerveau n’explose. Mais il n’osait pas. La situation était suffisammentbizarrecommeça.

Thomascourbalatêteetpritunegrandeinspiration.Ilcontinueraitàsetaireetàcourir.

Deux croisements plus loin, Minho finit par ralentir au fond d’une longue impasse. Ilterminasacourseenmarchantets’assit,adosséaumurdufond.Lelierre,particulièrementdenseàcetendroit,tissaitunrideauvertetluxuriant.

Thomasselaissaglisserausolàcôtédesoncamaradeetilsattaquèrentleurpique-nique.

—Et voilà, déclaraMinho, la bouchepleine.On a parcouru toute la sectiond’unbout à

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l’autre.Etpasl’ombred’unesortie.

BienqueThomaslesachedéjà,l’entendreénoncercommeçarendaitlachoseencoreplusdémoralisante.Ilsachevèrentdemangerensilencepuissepréparèrentàrepartir.

Pendantplusieursheures,Minhoet lui scrutèrent le sol,palpèrent lesmurs, grimpèrentdans le lierre au hasard. Ils ne trouvaient rien, et Thomas se sentait de plus en plusdécouragé.Laseulechosedigned’intérêtfutl’undecespanneauxquiannonçaientWORLDINCATASTROPHE:KILLZONEEXPERIMENTDEPARTMENT.Minhoneluiaccordaqu’uncoupd’œildédaigneux.

Ilsprirentundeuxièmerepas,etcontinuèrent leursrecherches.Quandvint l’heurede lafermeture des portes, ils se mirent à guetter les Griffeurs et marquèrent un tempsd’hésitationàchaquetournant.Tousdeuxavançaientavecuncouteaudanschaquemain.

Vers minuit Minho vit un Griffeur traverser un croisement devant eux et disparaître.Trenteminutesplustard,Thomasenvitunautrerépéterlemêmemanège.Uneheureplustard,unGriffeurleurfonçadessusetlescroisasansmêmeralentir.Thomasfaillits’évanouirdeterreur.

Minhoetluicontinuèrent.

—Jecroisqu’ilsjouentavecnosnerfs,ditfinalementMinho.

Thomasserenditcomptequ’ilavaitcessédescruterlesmursetqu’iltraînaitlespieds.Àvoirsatête,Minhodevaitêtredanslemêmeétatd’esprit.

—Commentça?demandaThomas.

Lematonsoupira.

— Je crois que les Créateurs nous indiquent qu’il n’y a pas de sortie. Les murs nebougerontplus.Lapartiese termine. Ilsveulentqu’onrentrepourprévenir tout lemonde.Combientupariesqu’ànotreretouronapprendraqu’unGriffeuraencoreemportél’undesnôtres?Gallyavaitraison:ilsvontnouséliminerlesunsaprèslesautres.

ThomassentaitaufonddeluiqueMinhoétaitdanslevrai.Etl’espoirqu’ilavaitressentiun peu plus tôt, au moment de pénétrer dans le Labyrinthe, n’était plus qu’un souvenirlointain.

—Rentrons,conclutMinhod’unevoixlasse.

Thomasavaithorreurdes’avouervaincu,maisilhochalatête.Illeurrestaitlecode,etildécidadeseconcentrerlà-dessus.

Silencieux, ils regagnèrent leBloc. Ils ne croisèrent plus lemoindreGriffeur sur tout letrajet.

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Chapitre45D’aprèslamontredeThomas,ilsrentrèrentauBlocenmilieudematinée.Thomasétaitsi

fatigué qu’il aurait volontiers fait une sieste. Ils étaient restés près de vingt-quatre heuresd’affiléedansleLabyrinthe.

Étonnamment, en dépit de la lumière crépusculaire et de la dégradation générale de lasituation,lavieauBlocsemblaitsuivresoncours:jardinage,soindesbêtes,nettoyage...L’undesblocardss’aperçutbientôtdeleurprésence.Quelqu’unallaprévenirNewt,quis’empressad’accourir.

—Vousêteslespremiersàrentrer,souffla-t-il.Vousaveztrouvéquelquechose?(L’espoirqui se lisait sur sonvisage serra le cœurdeThomas. Ildevait s’imaginerqu’ils avaient faitunedécouverteimportante.)Dites-moiquevousramenezdebonnesnouvelles!

— Rien du tout, répondit Minho, dont le regard morne se perdait dans le vague. CeLabyrintheestunevasteblague.

NewtsetournaversThomasd’unairperplexe.

—Qu’est-cequ’ila?

—Unpeudedécouragement,c’esttout,luiassuraThomasenhaussantlesépaules.Onn’aconstaté aucun changement. Lesmurs n’ont pas bougé, et il n’y a toujours aucune sortienullepart.LesGriffeurssontvenushiersoir?

Newtserembrunit,hésita,puisfinitparhocherlatête.

—Oui.IlsontprisAdam.

Ce nom ne disait rien à Thomas. « Un seul à la fois, songea-t-il. Gally avait peut-êtreraison.»

Newtétaitsurlepointd’ajouterquelquechosequandtoutàcoupMinhoexplosa,prenantThomasparsurprise.

—J’enaimarre!s’écria-t-il.(Ilcrachasurlelierre;lesveinessaillaientsursoncou.)Raslebol!Cettefois,c’estfini!

Ilôtasonsacàdosetlejetaparterre.

—Iln’yapasd’issue, continua-t-il, iln’yena jamaiseuet iln’yenaura jamais.Onestfichus!

Thomas,lagorgenouée,leregardas’éloigneràgrandspasendirectiondelaferme.Ilétaittrèsinquiet.SiMinhorenonçait,leursituationàtousneferaitqu’empirer.

Newt ne dit pas unmot. Il laissa Thomas planté là, bouche bée. Un désespoir palpableflottaitdansl’air,aussiâcreetépaisquelafuméedelasalledescartes.

*

Lesautrescoureursrevinrentmoinsd’uneheureaprès.Aucund’euxn’avaitrientrouvéetilsavaienttousfiniparrenoncereuxaussi.Laplupartdesblocardsavaientabandonné leurtravail;lesvisagesétaientmoroses.

ThomassavaitquelecodeduLabyrinthereprésentaitdésormaisleurseulespoir.Ildevaitleurfournirdesindices.Illefallait!Aprèsavoirtraînéunmomentdanslacourpourécouter

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lerécitdesautrescoureurs,ils’arrachaàsamélancolie.

—Teresa?appela-t-ilmentalementenfermantlesyeux.Tueslà?Est-cequevousavezdunouveau?

Auboutd’unmoment,ilrenonça,convaincuqueçan’avaitpasfonctionné.

—Euh,Tom?Tum’asditquelquechose?

—Oui!s’exclama-t-il,toutexcitéd’avoirréussiàrenouerlecontact.Tum’entends?

—Pastoujourstrèsbien,maisjet’entends.C’estflippant,hein?

Enfait,Thomascommençaitàs’yhabituer.

—Pastantqueça.Vousêtestoujoursàlacave?f’aivuNewt,maisilestrepartitoutdesuite.

—Oui,onyesttoujours.Newtarecrutéquelquesblocardspournousdonneruncoupdemainpourlescalques.Jecroisqu’onareconstituétouslesmots.

Thomassentitsonpoulss’accélérer.

—Sérieux?

—Amène-toi.

—J’arrive!

Ilsedirigeaitdéjàversl’arrièredelaferme,safatigueoubliée.

*

Newtlefitentrer.

—PersonnenesaitoùestpasséMinho,confia-t-ilàThomasdansl’escalierquimenaitàlacave.Quandils’ymet,c’estunevraietêtedelard.

Thomas était surpris queMinhoperde son temps à bouder, surtout avec les possibilitésoffertesparlecode.Ilbalayacettepenséeenpénétrantdanslacave.Plusieursblocardsqu’ilneconnaissaitpassetenaientdeboutautourdelatable;tousavaientl’airépuiséetlesyeuxcernés.Despilesdeplansgisaientunpeupartout.Onauraitditqu’unetornadeavaitsurgiaucentredelapièce.

Teresa,adosséeàuneétagère,consultaitunefeuille.

—Ilfautquetuvoiesça,luidit-elletandisqueNewtcongédiaitlesautres.

Les blocards remontèrent l’escalier d’un pas lourd, en bougonnant que ça valait bien lapeinedes’êtredonnéautantdemal.

Thomastressaillit,inquietàl’idéequeNewtpuisseserendrecomptedequelquechose.

—Nemeparle pas dansma tête quandNewt est dans les parages. Je ne veuxpas qu’ilsache,àproposdenotre...pouvoir.

—Viensjeteruncoupd’œillà-dessus,dit-elleàvoixhauteavecunpetitsouriremalicieux.

— Si tu y comprends quelque chose, je veux bien m’age-nouiller et te baiser les pieds,promitNewt.

Thomass’avançaversTeresa,impatientdevoircequ’ilsavaientdécouvert.Elleluitenditlafeuilleenhaussantlessourcils.

—Lesmotssontlesbons,luiassura-t-elle.Maisonnesaitpascequ’ilsveulentdire.

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Thomas prit la feuille et la parcourut rapidement. Des cercles numérotés de 1 à 6s’alignaientsurlagauche.Enfacedechacun,onavaitinscritunmotenmajuscules.

FLOTTER

ATTRAPER

SAIGNER

MOURIR

RAIDIR

POUSSER

Sixmotsentout.

UnevaguededéceptionsubmergeaThomas.Ilavaitcruqu’unefoisenpossessionducodeilscomprendraienttout.IladressaunregarddésemparéàTeresa.

—C’esttout?Vousêtessûrsqu’ilssontdanslebonordre?

Elleluirepritlafeuilledesmains.

—LeLabyrinthearépétécessixmotspendantdesmois.Onacessédevérifierquandc’estdevenuparfaitementclair.Chaque fois,après lemotPOUSSER, ilattendunesemainesansrienépeleravantdereprendreàpartirdeFLOTTER.

C'estcommeçaqu’onsaitquec’estlepremiermot,etqu’ilfautlesliredanscetordre.

Thomascroisalesbrasets’adossacontrel’étagèreàcôtédeTeresa.Sansréfléchir,ilavaitretenulesmotsparcœuretlesrépétait.Flotter.Attraper.Saigner.Mourir.Raidir.Pousser.Çan’annonçaitriendebon.

—Drôlementencourageant,hein?ironisaNewt,commes’ilavaitludanssespensées.

— Tu parles, grommela Thomas avec un soupir de frustration. Il faudrait montrer ça àMinho:ilapeut-êtredesélémentsqu’onignore.Ilnousfaudraitplusd’indices...

Ilsefigea,glacéd’horreur.Ilvenaitd’avoiruneidée.Uneidéehorrible,effroyable,laplusabominabledetoutes.

Maissoninstinctluisoufflaitqu’ilavaitraisonetquec’étaitlabonnesolution.

—Tommy?fitNewt,lefrontbarréd’unplisoucieux.Qu’est-cequ’ilya?Ondiraitquetuviensdevoirunfantôme.

Thomassecoualatêteetrepritsonsang-froid.

—Oh...rien,désolé.Lesyeuxquimepiquent...Jecroisquej’aibesoindesommeil.

—Çava?luidemandaTeresa.

Elleavaitl’airaussiinquiètequeNewt,cequiluifittrèsplaisir.

—Oui.Justeunpeudefatigue,c’esttout.J’aibesoindedormir.

—D’accord,ditNewtenluipressantl’épaule.TuaspassétoutelanuitdansleLabyrinthe,vadoncfaireunepetitesieste.

Thomas regarda Teresa, puis Newt. Il hésitait à leur faire part de son idée ; il décidafinalementdes’enabstenir.Ilhochalatêteetsedirigeaversl’escalier.

Désormais,ilavaitunplan.Calamiteux,sansdoute,maisunplanmalgrétout.

Illeurfallaitdesindicesàproposducode.Ilsavaientbesoindesouvenirs.

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Il ne lui restait plus qu’à se faire piquer par un Griffeur et à subir la Transformation.Volontairement.

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Chapitre46Thomass’enfermadanslesilencepourlerestantdelajournée.

Teresaessayaplusieurs foisde luiparler.Mais il lui répétaitqu’ilnesesentaitpasbien,qu’ilavaitenviederesterseuletdedormirunpeudanssoncoinaufonddubosquet,etpeut-êtreréfléchiraucalmeunmoment.Essayerdedécouvrirunsecretenfouidanssamémoirequipuisselesaideràyvoirplusclair.

Envérité,ilavaitbesoindeseprépareràcequ’ilenvisageaitpourlanuitprochaine;desepersuaderquec’étaitlameilleurechoseàfaire.Laseule.Sanscompterqu’ilétaitterrifiéetnetenaitpasàcequelesautress’enaperçoivent.

Lorsque sa montre lui indiqua qu’il était l’heure de dîner, il regagna la ferme avec lesautres.Ils’aperçutqu’ilavaitfaimquandilsemitàdévorerlerepasdebiscuitsetdesoupeàlatomatequePoêle-à-frireleuravaitcuisinéàlahâte.

Puisilfuttempsd’entamerunenouvellenuitblanche.

Les bâtisseurs avaient rebouché les trous béants laissés par les monstres qui avaientemportéGallyetAdam.AuxyeuxdeThomas,lerésultatressemblaitàdutravaild’amateurs,maisceladevraittenir.Albysesentaitsuffisammentremispourmarcher,latêteemmaillotéedansun gros bandage.Newt et lui avaient établi unplande rotation afin quepersonnenedormedeuxnuitsdesuiteàlamêmeplace.

Thomasseretrouvaainsidanslesalon,aurez-de-chaussée,encompagniedeceuxavecquiilavaitdormil’avant-veille.Lesilencesefitrapidementdanslapièce.Thomasn’auraitpassudiresi sescompagnonsétaientassoupisou terrifiés,en traind’espérerque lesGriffeursnereviendraientpas.OnavaitautoriséTeresaàdormirdans la ferme.Elle se trouvaitprèsdelui,pelotonnéedansdeuxcouvertures.Elledormaitàpoingsfermés.

Thomas, lui, n’arrivait pas à trouver le sommeil, bienqu’il sacheque son corps en avaitdésespérémentbesoin.Ils’appliquaàgarderlesyeuxfermés,àsedétendre;envain.

Etpuis,commeilss’yattendaienttous, legémissementlugubreet lesbruitsmécaniquesdesGriffeursretentirentàl’extérieur.L’heureétaitvenue.

Toutlemondesepressacontrelemurlepluséloignédelafenêtreenfaisantdesonmieuxpourrestercalme.Thomassetenaitdansuncoin,lesbrasautourdesgenoux,leregardfixésurlafenêtre.Laréalitédeladécisionqu’ilavaitpriseplustôtluiserraitlecœurcommeunpoing.Maisilsavaitquetoutleresteendépendaitpeut-être.

La tensionmonta peu à peu dans la pièce. Les blocards étaient silencieux; personne nefaisaitlemoindregeste.Ungrattementdemétalcontreduboisrésonnaàtraverslamaison.Thomas eut l’impression qu’un Griffeur escaladait la façade arrière de la ferme, du côtéopposé au salon. D’autres bruits se firent entendre quelques secondes plus tard, venus detoutes les directions, les plus proches juste derrière leur fenêtre. L’air parut se changer englacedanslapièce,etThomaspressalesdeuxpoingscontresesyeux;cetteattentelemettaitàlatorture.

Une explosion assourdissante de bois et de verre brisé résonna à l’étage et fit tremblertoutelamaison.Thomas,hébété,entenditdescrisetdespasprécipités.Lescraquementsauplafondindiquaientqu’unehordedeblocardsseruaitverslerez-de-chaussée.

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—IlsonteuDave!hurlaunevoixterrorisée.

Dans lesalon,personneneremuaunmuscle.Chacund’euxdevaitsesentircoupabledusoulagementqu’iléprouvait:unautreavaitétépris.Lesdeuxnuitsprécédentes,lesGriffeursn’avaientemportéqu’uneseulevictimeetlesgarçonscommençaientàcroirequeGallyleuravaitditlavérité.

Thomas sursauta tandis qu’un bruit terrible résonnait juste derrière leur porte,accompagnédehurlementsetdecraquements,commesiunmonstreauxmâchoiresde ferdévorait l’escalier.Unesecondeplustard,onentendituneautreexplosiondebois: laported’entrée.LeGriffeuravaittraversétoutelamaisonpourressortirparl’avant.

UnfrissondepeurparcourutThomas.C’étaitmaintenantoujamais.

Ilcourutjusqu’àlaporteetl’ouvritd’ungestebrusque.IlentenditNewtluicrierquelquechose.Sans l’écouter, il seprécipitadans le couloir en zigzaguantentre lesdébris.L’entréeétaituntroubéantouvertsurlanuitgrise.Ilfonçaàtraversetjaillitdanslacour.

Tom!s’écriaTeresadanssatête.Qu’est-cequetufabriques?

Ill’ignoraetcontinuaàcourir.

LeGriffeurquitenaitDave,ungarçonauquelThomasn’avaitjamaisparlé,roulaitsursespointesendirectiondelaporteouest.Sescongénèress’étaientrassemblésdanslacouretlesuivaient. Sans hésiter, conscient que les autres allaient croire qu’il voulait se suicider,Thomas se dirigea droit sur eux. Il se retrouva bientôt au milieu de la meute. Pris audépourvu,lesGriffeurshésitèrent.

ThomasbonditsurceluiquitenaitDaveettentadeluiarrachersaproie,dansl’espoirqu’ilriposte.LecrideTeresadanssatêtefutsistridentqu’ileutl’impressionqu’onluivrillaitlecrâneavecuncouteau.

TroisGriffeursluitombèrentdessusenagitantleurspinces,leursgriffesetleursaiguilles.Thomas sedébattit à coupsdepoingetdepied, repoussant leursbrasmétalliqueset ruantdanslecorpsflasquedescréatures.Ilvoulaitsefairepiquer,maissansêtreemportécommeDave. Thomas ressentit enfin une douleur fulgurante sur chaque centimètre carré de sapeau...Despiqûres.Ilavaitréussi.Avecunhurlement,ilrouladanslapoussièrepourtenterdesedégager.Tremblantsousladécharged’adrénaline,ilfinitpartrouverunesortiedanslamêlée,bonditsursespiedsets’enfuitàtoutesjambes.

Dèsqu’il fut hors deportée, lesGriffeurs abandonnèrent et battirent en retraite dans leLabyrinthe.Thomass’écroulasurlesolengémissantdedouleur.

Newtarrivadanslaseconde,suiviparChuck,Teresaetplusieursautres.Illesaisitparlesépaules,leredressapuisl’empoignasouslesaisselles.

—Prenez-leparlespieds!cria-t-il.

LemondetournoyaitautourdeThomasquisesentaitdélirantetnauséeux.Onl’emportadanslaferme.Là,onl’allongeasuruncanapé.Latêtecontinuaitàluitourner.

—Qu’est-cequetuasfoutu?luihurlaNewt.Tuvoulaistefairetuer?

Thomasvoulutrépondreavantdetournerdel’œil.

—Non...Newt...tunecomprendspas...

—Tagueule!lecoupaNewt.Negaspillepastesforces!

Thomassentitqu’onluiexaminait lesbras, les jambes,qu’onluiarrachaitsesvêtements

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pour faire lecomptedesesplaies. Ilentendit lavoixdeChucket futsoulagédesavoirquesonamin’avaitrien.Unmedjackannonçaqu’ilavaitreçudesdizainesdepiqûres.

Teresasetenaitàsespiedsetluipressaitdoucementlachevilledroite.

—Pourquoi,Tom?Qu’est-cequit’aprisdefaireça?

—Parceque...

Laforceluimanqua.

Newthurlaqu’onapportelesérum.Uneminuteplustard,

Thomassentituneaiguilles’enfoncerdanssonbras.Unesensationdechaleurserépanditdans tout son corps, apaisante, atténuant la douleur. Mais le monde semblait toujoursimploserautourdelui.Thomassutqu’ilallaitbientôts’évanouir.

Lapiècetournoyait;lescouleurssefondaientlesunesdanslesautres,deplusenplusvite.Auprixd’ungroseffort,ilmurmuraavantdeselaisserhapperparlesténèbres:

—Nevousenfaitespas.Jel’aifaitexprès...

ThomasperdittoutenotiondutempspendantsaTransformation.

CeladébutacommedanssonpremiersouvenirdelaBoîte: lenoiret lefroid.Maiscettefois,iln’avaitconscienced’aucuncontactsoussespiedsnicontresoncorps.Ilflottaitdanslenéant,dansunocéandenoirceur.Ilnevoyaitrien,n’entendaitrien,nesentaitrien.Commesionl’avaitprivédesessensetjetédanslevide.

Letempss’écoulaàl’infini.Lapeurcédalaplaceàlacuriosité,puisàl’ennui.

Enfin,àl’issued’uneattenteinterminable,leschosescommencèrentàchanger.

Unebriselointaineseleva;ilpouvaitl’entendre.Puisuntourbillondebrumeapparut,unetornadedefuméeblanchequis’étiraitàpertedevue.Ilperçutbientôtlesouffledelatrombe,qui faisait voler ses cheveux et ses vêtements comme des drapeaux. La colonne de brumeblanchesedirigeaitversluiàunevitessevertigineuse.

Letourbillonl’engloutit.Happéparlabrume,ilsentitlessouvenirsaffluerdanssonesprit.

Toutlerestedevintdouleur.

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Chapitre48—Thomas?

Lavoixétaitlointaine,déformée,commeunéchopiégédansunlongtunnel.

—Thomas,tum’entends?

Iln’avaitpasenviederépondre.Sonesprits’était ferméquandiln’avaitplussupporté ladouleur; il craignait de la réveiller s’il reprenait connaissance. Il percevait de la lumièrederrièresespaupièrescloses.Ilsavaitqu’ouvrirlesyeuxluiseraittroppénible.Ilpréféranerienfaire.

—Thomas,c’estChuck.Çava?Jet’enprie,nemeurspas,mec.

Tout lui revint en mémoire. Le Bloc, les Griffeurs, les piqûres, la Transformation. Lessouvenirs. Le Labyrinthe était insoluble. Le seul moyen d’en sortir se trouvait dans unendroitauquelilsn’auraientjamaispensé.Unlieuterrifiant.Ledésespoirl’accabla.

Ilse forçaàouvrir lesyeux.Chuckétaitpenchésur luiet le fixait, l’air inquiet.Un largesourireéclairabientôtsonvisagerondouillard.Malgrél’horreurdelasituation,Chucksourit.

—Ils’estréveillé!claironnalegarçonàlacantonade.Thomass’estréveillé!

SavoixcriardefitgrimacerThomas,quirefermalesyeux.

—Chuck,tuesvraimentobligédehurler?Jenemesenspastrèsbien.

—Désolé...Jesuistellementcontentquetusoisenvie!J’aipresqueenviedet’embrasser.

—Non,s’ilteplaît.

Thomasrouvritlesyeuxetseredressalaborieusementdanssonlit.Ils’adossaaumuretétenditlesjambes.Ilavaitmalauxarticulationsetdanschacundesesmuscles.

—Jesuisrestécommeçacombiendetemps?

—Trois jours, réponditChuck.Ont’enfermaitaugnoufpendant lanuitpourque tusoisplusensécurité.Onteramenaiticipendantlajournée.Jet’aicrumortunebonnetrentainedefois,maisregarde-toi,tuesdansuneformeincroyable!

—LesGriffeurssontrevenus?demandaThomas.

LajoiedeChucks’évanouitd’uncoup.Ilbaissalesyeux.

—Oui. Ilsont emportéZart etdeuxautres tocards.Unenuit,Minhoet les coureursontsillonné leLabyrinthe à la recherched’une sortie oud’unmoyend’utiliser ce stupide codequevousavezdécouvert.Maisilssontrentrésbredouille.Àtonavis,pourquoilesGriffeursn’emportentqu’uneseulevictimeàlafois?

Le ventre deThomas senoua. Il connaissait à présent la réponse à cette question, ainsiqu’àquelquesautres,etsavaitquel’ignoranceestparfoisunbienfait.

—VachercherNewtetAlby,dit-ilenguisederéponse.Dis-leurdeconvoquerunconseilleplustôtpossible.

—Sérieux?

Thomassoupira.

—Chuck,jeviensdesubirlaTransformation.Tucroisquej’aienviedeplaisanter?

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Sansajouterunmot,Chuckselevad’unbondetquittalapièceenappelantNewtàgrandscris.

Thomasfermalesyeuxetappuyasatêtecontrelemur.PuisilappelaTeresaenesprit.

—Teresa.

Elleneréponditpasimmédiatement,maisensuite,savoixjaillitaussiclairequesiellesetenaitjusteàcôtédelui.

—C’étaitdébile,Tom.C’étaitcomplètementdébile.

—Jen’avaispaslechoix.

—Jet’aivraimentdétesté,cesdeuxderniersjours.Tuauraisdûvoirl’étatdanslequeltuétais.Tapeau,tesveines...

—Ahbon,tum’asdétesté?

Ilétaitravid’apprendrequ’elletenaitautantàlui.

Ellemarquaunepause.

—Ehbien,situn’avaispassurvécu,jet’auraisfaitpasserunsalequartd’heure.

Thomassentitunedoucechaleurserépandredanssontorse.

—C’estgentil.Enfin,j’imagine.

—Alors,tut’esrappelédeschoses?

Ilréfléchit.

—Quelques-unes.Cequetuasditàproposdenousdeux,etdecequ’onleurafait...

—C’étaitvrai?

—Onamalagi,Teresa.

Ilperçutunegrandefrustrationchezelle.Elleavaitdestasdequestionsà luiposersanssavoirparlaquellecommencer.

—As-tudécouvertunmoyendesortird’ici?demanda-t-elle,commesiellenetenaitpasàconnaîtrelerôlequelleavaitpujouerdanstoutecettehistoire.

Thomashésita.Ilnesesentaitpasencoreprêtàenparler.Ilfallaitd’abordqu’ilrassemblesesidées.Leurseulevoied’évasionleurferaitcourirunrisquemortel.

—Peut-être,répondit-ilenfin,maisceneserapasunepartiedeplaisir.Ondoitorganiserunrassemblement.Jedemanderaiàcequetuyassistescarjenemesenspasenétatdetoutrépéter.

Ilsnedirentplusunmot.Unsentimentdedésespoirflottaitentreeux.

—Teresa?

—Oui?

—LeLabyrintheestinsoluble.

Ils’écoulaunlongmomentavantqu’elledise:

—Jecroisqu’onenesttousconscients,maintenant.

Thomasdétestaitladouleurqu’ilsentaitdanssavoix.

—Net’enfaispas;lesCréateursontquandmêmeprévuuneissue.J’aiunplan.

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Iltenaitàluilaisserunespoir,aussimincesoit-il.

—Ah?

—Oui.Cen’estpaslajoie,etcertainsd’entrenousrisquentd’yrester.Çateplaît?

—J’adore.Enquoiçaconsiste?

—Ilvafalloir...

Newtentradanslapièce.

—Jeteraconteraiplustard,promitThomas.

—Grouille-toi!dit-elle,puisellerompitlecontact.

Newtvints’asseoirauborddulit.

—Eh,Tommy,tuasl’airenpleineforme!

Thomashochalatête.

—Unpeunauséeux,maissinon,jemesensbien.Mêmesij’aipassédesalesmoments.

Newtsecoualatête,partagéentrelacolèreetl’admiration.

—Cequetuasfaitétaitaussicourageuxquestupide.Çadevientunespécialité,cheztoi.(Ilmarquaunepause.)Maisjecomprendspourquoitul’asfait.Tessouvenirstesontrevenus?Quelquechosequipuissenousaider?

—Il fautrassembler lesmatons,ditThomasenremontant les jambessouslacouverturepourêtremieuxassis.Avantquejen’oublietout.

—Oui,Chuckmel’adit,ons’enoccupe.Maispourquoi?Qu’est-cequetuasdécouvert?

—C’estuntest,Newt,toutecettehistoireestuntest.

Newthochalatête.

—Unesorted’expérience?

—Non,plutôtuneépreuve,réponditThomas.Ilsélimi-nentlescandidatslesplusfaibles,ceux qui baissent les bras, et sélectionnent lesmeilleurs. Ils nous balancent des variables,nousincitentàabandonner.Ilstestentnotrecapacitéàgarderespoir.L’arrivéedeTeresaetladisparitiondusoleiln’étaientqueladernièreétape,une...dernièrevariable.Maintenant,c’estl’heuredutestultime.L’évasion.

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Chapitre49Uneheureplus tard,Thomas se retrouva assis pour ladeuxième foisdevant lesmatons

réunisendemi-cercle.IlsavaientrefusélaprésencedeTeresa,cequil’agaçaitautantqu’elle.Alors que Newt et Minho lui faisaient désormais confiance, les autres avaient encore desdoutes.

— Très bien, le bleu, déclara Alby en prenant place à côté deNewt. (Les autres chaisesétaient toutes occupées sauf deux, triste rappel que Zart etGally avaient disparu entre lesgriffesdesmonstres.)Ont’écoute.

Thomaspritunesecondepourrassemblersesidées.

—C’estunelonguehistoire,commença-t-il.Onn’apasletempsd’entrerdanslesdétails,mais je vais vous en raconter les grandes lignes. Pendant la Transformation, beaucoupd’images me sont revenues, comme une projection de diapositives en accéléré. Seulesquelques-unesétaientassezclairespourquejepuisseenparler.D’autressesontestompées,ousonten trainde le faire. (Ilmarquaunepause.)Mais jemesouviensde l’essentiel.LesCréateursnoustestent.LeurLabyrinthen’ajamaisétéconçupourqu’ons’enéchappe.Ilsontbesoindesvainqueurs-oudessurvivants-pourquelquechosed’important.

Ils’interrompit,embarrassé.

—Allez,continue!s’impatientaNewt.

—Jeferaismieuxdecommencerparledébut,reprit

Thomas en se frottant les yeux. Chacun d’entre nous a été sélectionné dans sa petiteenfance.Jenemesouviensplusexactementcommentnipourquoicarjen’aiquedesimagesfragmentaires, et la sensation que lemonde a connu de grands bouleversements, qu’il estarrivéunechoseterrible.J’ignorequoi.LesCréateursnousontvolésànosparents,etjecroisqu’ils estimaient avoir de bonnes raisons de le faire. Ils ont jugé que nous avions uneintelligence supérieure à lamoyenne.Tout ça reste assez flou, et çan’ade toute façonpasgrandeimportance.

Aprèsnotreenlèvement,onnousaenvoyésplusieursannéesdansdesécolesspéciales,oùnousavonseuunevieplusoumoinsnormale,jusqu’àcequ’ilssoientenmesuredefinanceretdeconstruire leLabyrinthe. Ilsnousontdonnédessurnomsstupides -AlbypourAlbertEinstein,NewtpourIsaacNewton,oumoi,Thomas,pourEdison.

Albyréagitcommes’ilvenaitdeprendreunegifle.

—Nosnoms...cenesontpaslesvrais?

Thomassecoualatête.

—Àmonavis,onnelesconnaîtrajamais.

—Qu’est-cequetuesentraindenousdire?protestaPoêle-à-frire.Qu’onestdepauvrespetitsorphelinsélevéspardessavants?

— Oui, répondit Thomas, en espérant que son expression ne trahissait rien de sonabattement.Ettoustrèsintelligents.C’estpourçaqu’ilsétudientetanalysentnosmoindresfaits et gestes. Ils observent lesquels d’entre nous capitulent ou continuent à se battre.Lesquelssont lesplusdouéspoursurvivre.Pasétonnantqu’ontrouvedesscaralamesdanstouslescoins.Sanscompterquecertainsd’entrenousontsubides...altérationsducerveau.

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—Tout ça, c’estduplonk, grommelaWinstond’unair las.Bientôt, tu vasnous raconterquelabouffedePoêle-à-frireestbonnepourlasanté.

—Pourquoij’iraisinventertoutça?protestaThomasenhaussantleton.(Ils’étaitquandmêmefaitpiquervolontairementpourretrouver lamémoire!)Etpuis, tuasunemeilleureexplication?Tucroisqu’onnousaenvoyéssuruneautreplanète?

—Continue,ditAlby.Maisjenecomprendspaspourquoituseraisleseulàterappelerça.J’ai subi laTransformation,moi aussi, et tout ceque j’ai vu, c’est... (Il jetaun regardgênéautourdelui,commes’ilenavaittropdit.)Bref,jen’airienapprisdespécial.

— Attends une minute, promit Thomas, qui appréhendait cette partie de l’histoire. Jeraconte,oujeneracontepas?

—Vas-y,l’encourageaNewt.

Thomaspritunegrandegouléed’air,commes’ilétaitsurlepointdesejeteràl’eau.

— Ils ont trouvé un moyen d’effacer nos souvenirs, non seulement tous ceux qui serapportent à notre enfance, mais aussi ceux qui ont un rapport avec notre entrée dans leLabyrinthe. Ils nous ontmis dans la Boîte et envoyés ici, d’abord un bon groupe puis unnouveautouslesmoispendantdeuxans.

—Maispourquoi?demandaNewt.Àquoiçalesavance?

Thomaslevalamainpourlefairetaire.

—Uneseconde.Commejevousledisais,ilsvoulaientnoustesterpourvoircommentonréagirait à ce qu’ils appellent leurs « variables », face à un problème insoluble. Voir si onarriverait à s’entendre, ou même à bâtir une communauté. Ils nous ont fourni tout lenécessaire et confrontés à l’une des plus vieilles énigmes de la civilisation : le labyrinthe.Toutçadansledesseindenousfairecroireàunesolution,denouspousseràlachercheràtoutprix, toutendécuplantnotrefrustrationdenepas latrouver.(Ilmarquaunepause, letempsdes’assurerqu’ilavaitbienl’attentiondechacun.)Cequejesuisentraindevousdire,c’estqu’iln’yapasdesolution.

Lesmatonssemirentàparlertousenmêmetemps.Lesquestionsfusaientdetoutesparts.

Thomas leva les mains. Il regretta de ne pas pouvoir leur transmettre ses découvertesdirectementdanslecerveau.

— Vous voyez ? Votre réaction prouve que j’ai raison. La plupart des gens seraienteffondrés en apprenant ça. Mais je crois qu’on est différents. On ne pouvait pas accepterl’idée d’un problème insoluble, surtout qu’il s’agissait d’un labyrinthe. Et on a continué àcherchermêmequandiln’yapluseud’espoir.

Thomasserenditcomptequesavoixgrimpaitdanslesaigusàmesurequ’ilparlait,etquesonvisages’échauffait.

—Quellequ’ensoitlaraison,çamerendmalade!Toutça- lesGriffeurs,lesmursquibougent, laFalaise-,cenesontque lesélémentsd’unfoutu test.Onnousamanipulés,ons’est servi de nous. Les Créateurs nous ont fait suer sang et eau à chercher une solutioninexistante. C’est la même chose avec Teresa, qu’on a envoyée ici pour enclencher leprocessusdefin-nemedemandezpascequec’est-,lesmursquitombentenpanne,lecielgris,etc. Ilssontentraindenousbalancer tous lesobstaclespossibleset imaginablespourétudiernosréactions,mettrenotrevolontéàl’épreuve.Voirsionseretournelesunscontrelesautres.Enfindecompte,ilsseservirontdessurvivantspourquelquechosed’important.

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Poêle-à-frireseleva.

—Etlesmorts?Çafaitpartiedeleurplan,çaaussi?

Thomasfrémitdepeuràl’idéequelesmatonsdéchargentleurcolèresurlui,quiensavaittellement.Etencore,ilneleuravaitpasavouélepire.

— Oui, Poêle-à-frire, les morts aussi. La raison pour laquelle les Griffeurs n’emportentqu’unevictimeàlafois,c’estqu’ilfautbiendesvainqueursàlafin.Lesplusfortssurvivent...Seulslesmeilleursd’entrenousarriverontàs’échapper.

Poêle-à-friredonnauncoupdepieddanssachaise.

—Danscecas,tuferaismieuxdenousparlerdetonfameuxpland’évasion!

—Çavavenir,intervintNewtàvoixbasse.Ferme-la,etécoutelasuite.

Minho,quin’avaitpasencoreprispartàladiscussion,s’éclaircitlagorge.

—Monpetitdoigtmeditqueçanevapasmeplaire.

—Sansdoutepas,reconnutThomas.

Il ferma les yeux une seconde et croisa les bras. Les prochaines minutes allaient êtrecruciales.

—LesCréateursveulentsélectionnerlesmeilleurspourjenesaisquelleraison.Maisilvafalloir mériter notre place. (Un silence de mort s’abattit sur l’assistance. Tous les regardsétaientbraquéssurlui.)Lecode...

—Lecode?répétaPoêle-à-frireavecunepointed’espoirdanslavoix.Ehbien?

Thomasledévisageagravement.

—Cen’estpaspourriens’ilétaitdissimulédanslesmouvementsdesmurs.Jesuisbienplacépourlesavoir:j’étaislàquandlesCréateursl’ontconçu.

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Chapitre50Pendantun longmoment,personneneditmot.Lesvisagesétaient inexpressifs.Thomas

sentait la sueur perler sur son front, au creux de ses mains; il était terrifié à l’idée decontinuer.

Newt,complètementabasourdi,futlepremieràromprelesilence.

—Dequoiest-cequetuparles?

—Ehbien,ilfautd’abordquejevousavouequelquechose.ÀproposdeTeresaetdemoi.Il y a une raison aux accusations de Gally et au fait que tous ceux qui ont subi laTransformationsesouviennentdemoi.

Il s’attendait à une avalanche de questions, mais les matons observaient un silence demort.

— Teresa et moi sommes... différents, continua-t-il. On faisait partie des épreuves duLabyrinthedepuisledébut-maiscontrenotrevolonté,jevouslejure.

Cettefois,cefutMinhoquidemanda:

—Qu’est-cequeturacontes,Thomas?

—TeresaetmoiavonsétéutilisésparlesCréateurs.Sivousrecouvriezlamémoire,vousauriezprobablementenviedenoustuer.Mais jepréfèrevousenparlermoi-même,histoirede vous montrer qu’on peut nous faire confiance maintenant. Pour que vous me croyiezquandjevousexpliquerailaseulemanièredesortird’ici.

Thomasparcourutduregardlesvisagesdesmatons,hésitantsurlafaçondeprésenterleschoses.Maisilfallaitqu’ilselance.Iln’avaitpaslechoix.

—TeresaetmoiavonsaidéàconcevoirleLabyrinthe.Onaparticipéàsacréation.

Toutlemondeparuttropéberluépourréagir.Peut-êtrequ’ilsn’avaientpascompris,ounelecroyaientpas.

— C’est n’importe quoi! explosa Newt. Tu as seize ans. Comment aurais-tu pu créer leLabyrinthe?

Thomas lui-mêmeavaitdumalàycroire.Pourtant,aussi fouquecelapuissesembler, ilsavaitquec’étaitlavérité.

—Onétait...trèsintelligents.Etjecroisqueçafaisaitpeut-êtrepartiedesvariables.Maissurtout,Teresaetmoiavonsun...donquinousrendaitprécieuxaumomentdelaconceptiondecetendroit.

Ils’arrêta,sachantquelasuiteallaitparaîtreabsurde.

—Vas-y,parle!s’emportaNewt.Crachelemorceau!

—Onesttélépathes!Onpeutcommuniqueràdistanceparlapensée!

Ileutpresquehonte,commes’ilvenaitdereconnaîtrequ’ilétaitunvoleur.

Newtclignadespaupières,stupéfait;quelqu’untoussota.

—Écoutez,sedéfenditThomas,ilsnousontobligésàlesaider.Jenesaispascommentnipourquoi,maisc’estcommeça.(Ilmarquaunepause.)Peut-êtrepourvoirsionarriveraitàgagnervotreconfianceaprèsavoirétédesleurs.Oubienilsavaientprévudepuisledébutque

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ceseraitnousquivousdonnerions laclef.En toutcas,grâceauxcartes,onapu trouver lecodequivanousservirànouséchapper.

Thomasregardaautourdelui.Àsagrandestupéfaction,personneneparaissaitencolère.Laplupartdesblocardslefixaientd’unairéberluéousecouaientlatêteavecémerveillementouincrédulité.Minhosouriait.

— C’est la vérité, et j’en suis désolé, continua Thomas. Je peux toutefois vous dire unechose:jesuisdanslemêmebateauquevousmaintenant.Teresaetmoiavonsétéenvoyésicicommevous,etnoussommesnousaussiendangerdemort.LesCréateursenontvuassezetl’heure est venue de passer l’épreuve finale. Je suppose que j’avais besoin de laTransformationpourremettreenplacelesdernièrespiècesdupuzzle.Voilà,jetenaisàcequevousconnaissiezlavéritéetquevoussachiezqu’onaunechancederéussir.

Newtsecoualatête,leregardrivéausol.Puisilsetournaverslesautresmatons.

—LesCréateurs, ce sont ces tocardsquinousont fait ça, etnonTommyouTeresa.LesCréateursvontnouslepayer.

—On s’en fiche, ditMinho, quelle importance?Parle-nousplutôt de tonpland’évasion,Thomas.

LesoulagementrendaitThomasmuet. Ilétaitconvaincuqu’on l’accableraitdereprochesaprèssaconfession,voirequ’onlejetteraitduhautdelaFalaise.

— Il y a un poste informatique dans un endroit où on n’a pas encore regardé. Le codeouvrirauneportepournouspermettredesortirduLabyrinthe.IldésactiveraaussilesGrif-feurspourlesempêcherdenoussuivre...sionsurvitassezlongtempspourarriverjusque-là.

—Unendroitoùonn’apasencore regardé? répétaAlby.Qu’est-ceque tucroisqu’onafichucesdeuxdernièresannées?

—Crois-moi,personnen’ajamaischerchélà.

Minhoseleva.

—Oùça?

—C’estpresquedusuicide,prévintThomas,conscientd’êtreentraindegagnerdutemps.LesGriffeursvontnoustomberdessuscommedesmouches.Tousàlafois.Ceseral’épreuvefinale.

Ilvoulaitêtrecertainqu’ilsmesurentlesenjeux,qu’ilssachentqueleschancesdesurvieétaientinfimes.

—D’accord.C’estoù?demandaNewtensepenchantsursachaise.

—Àl’aplombdelaFalaise,réponditThomas.DansletroudesGriffeurs.

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Chapitre51Alby se dressa si brusquement qu’il renversa sa chaise. Ses yeux injectés de sang

étincelaientsouslablancheurdesonbandage.Ilfitdeuxpasenavant,commes’ilétaitsurlepointdesejetersurThomas.

— Là, tu parles comme un idiot, gronda-t-il en le foudroyant du regard. Ou un traître.Commentveux-tuqu’onte fasseconfiancealorsquetuasaidéàconcevoircetendroit,etànousyenvoyer!Sionn’estpasdetailleàaffronterunGriffeurici,surnotreterrain,cen’estpaspourallerlesdéfiertousensembledansleurtanière.Qu’est-cequetuvasencoreinventer?

Thomasétaitfurieux.

—Riendutout!Pourquoij’iraisinventerunehistoirepareille?

Albyraiditlesbras,poingsserrés.

—Tuastrèsbienpuêtreenvoyéicipournouséliminer.Pourquoionteferaitconfiance?

Thomaslefixaavecincrédulité.

—Alby,tuasunproblèmedemémoireouquoi?J’airisquémapeaudansleLabyrinthepourtesauver.Sansmoi,tuseraismort!

—Peut-êtrequec’étaitunerusepourgagnernotreconfiance.Si tuesdemècheavec lestocardsquinousontenvoyésici,tun’asrienàcraindredesGriffeurs.Peut-êtrequetunousasjouélacomédie.

La colère de Thomas se changea en pitié. Il y avait quelque chose d’étrange dans lecomportementd’Alby.

—Alby, intervintMinho,augrandsoulagementdeThomas,c’est lathéorie laplusdébilequej’aiejamaisentendue.

Ilafaillisefairetaillerenpiècesilyatroisjours.Tucroisqu’iljouaitlacomédie?

Albyhochasèchementlatête.

—Peut-être.

—Jel’aifaitdansl’espoirderécupérersuffisammentlamémoirepournousaideràsortird’ici,déclaraThomasenmettantdanssavoixtoutel’irritationqu’ilressentait.Tuveuxquejetemontremesbleusetmestracesdepiqûres?

Albygardalesilence.Iltremblaitderage;ilavaitleslarmesauxyeux,etlesveinesdesoncousaillaientcommedescordes.

—Onnepeutpasretournercheznous!s’écria-t-il.J’aivuàquoiressemblaitlavielà-bas.Onnepeutpasyretourner!

—Alors,c’estça?fitNewt.Turigoles,j’espère?

Albyluifitface,menaçant,puisilregagnasachaiseoùils’écroula.Ilsepritlevisagedansles mains avant de fondre en larmes. Thomas n’en revenait pas. L’indomptable chef desblocardspleuraitcommeunbébé.

—Alby,parle-nous,lepressaNewt.Qu’est-cequetuas?

—C’estmoi,avouaAlbyentredeuxsanglots.C’estmoiquil’aifait.

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—Faitquoi?demandaNewt,aussiperplexequeThomas.

Albyrelevalatête,lesjouesmouilléesdelarmes.

—J’aibrûlé lesplans.C’estmoi.Jemesuiscogné la têtecontre la tablepourvous fairecroirequec’étaitquelqu’und’autre.J’aimenti,j’aitoutbrûlé.C’estmoi!

Les matons, sous le choc, échangèrent des regards stupéfaits. Thomas, pour sa part,comprenait:Albys’étaitsouvenuàquelpointsavied’avantétaithorrible,iln’avaitpasenviedelaretrouver.

—Ehbien,heureusementqu’on lesavait cachées,observaMinho leplus tranquillementdumonde.Merci pour le conseil que tu nous as donné après ta Transformation quand tunousasditdelesprotéger.

Thomas se demanda comment Alby allait réagir à cette remarque sarcastique, presquecruelle,maisl’autresecomportacommes’iln’avaitrienentendu.

Au lieu de se mettre en colère, Newt demanda à Alby de s’expliquer. Thomas savaitpourquoi il restait aussi calme: ils avaientpu sauver les plans, déchiffrer le code... Tout çan’avaitplusd’importance.

—Jevousl’aidit,réponditAlbyd’unevoixsuppliante,presquehystérique.Onnepeutpasretournerd’oùonvient.C’étaitaffreux.Uneterrebrûlée,uneépidémie-unemaladieappeléelaBraise.C’étaithorrible,bienpirequelaviequ’onaici.

—Sionreste,onvatousmourir!s’écriaMinho.C’estvraimentpirelà-bas?

Albylecontemplaunlongmoment.Thomasruminacequ’ilvenaitd’entendre.«LaBraise.»Cenomluiévoquaitquelquechose.Pourtant,iln’avaiteuaucunsouvenirlà-dessuslorsdesaTransformation.

—Oui, finit par répondreAlby.C’est pire.Mieux vaut encore crever ici que rentrer cheznous.

Minhos’adossaàsachaiseenricanant.

—Mec,permets-moidetedirequetudébloques.JesuisavecThomas.JesuisàcentpourcentavecThomas.Quitteàcrever,j’aimeautantquecesoitencombattant.

ThomasétaitheureuxdepouvoircomptersurlesoutiendeMinho.IlsetournaversAlbyetledévisagead’unairgrave.

—Onvittoujoursdanslemondedonttutesouviens,tusais?

Albyselevadenouveau.Ladéfaiteselisaitsursonvisage.

—Faitescequevousvoulez,grogna-t-il.Çan’apasd’importance.Detoutemanière,onestfoutus.

Là-dessus,ilquittalapièce.

Newtpoussaunsoupiretsecoualatête.

—Iln’estpluslemêmedepuisqu’ils’estfaitpiquer.Iladûavoirdesalessouvenirs.EtlaBraisedontilaparlé?

— Peu importe, dit Minho. Ça vaut toujours mieux que mourir ici. Il sera temps des’occuper des Créateurs une fois qu’on sera dehors. En attendant, on doit suivre leprogramme qu’ils nous ont réservé. Passer par le trou des Griffeurs et nous enfuir. Et sicertainsd’entrenousdoiventyrester,tantpis.

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Poêle-à-frirereniflaavecmépris.

—Vous allez tousme rendre dingue.On ne peut pas sortir du Labyrinthe, et cette idéed’allerrejoindrelesGriffeursdansleurtanièreestlaplusstupidequej’aiejamaisentenduedemavie.Autantnoustaillerlesveinestoutdesuite.

Lesautresmatonscommencèrentàsedisputerenparlanttousàlafois.Newtfinitparleurcrierdesetaire.

Quandlecalmefutrevenu,Thomaspritlaparole.

— Je vais tenter ma chance par le trou des Griffeurs, même si je dois y rester. J’ail’impression queMinho en sera aussi. Et je suis sûr de pouvoir compter sur Teresa. Si onpeut tenir lesGriffeursàdistance le tempsde taper lecode,onpourrasortirpar lecheminqu’ilsempruntentpourvenir.Onaurapasséletest.EtonseretrouverafaceauxCréateurs.

Newtluiadressaunsouriresansjoie.

—ParcequetuespèrespouvoirrepousserlesGriffeurs?Àsupposerqu’onyarrive,onseferasûrementtouspiquer.Siçasetrouve,ilsnousattendrontaufonddeleurtrou.Lesscara-lames nous surveillent en permanence. Dès qu’on se mettra en route, les Créateurs lesauront.

Malgrésesappréhensions,Thomascompritqu’ilétaittempsd’aborderladernièrepartiedesonplan.

—Jenecroispasqu’ilsnouspiqueront.LaTransformationestunevariabledanslecadreduLabyrinthe;maisunefoisdehors,ceserafini.Etpuis,ilnousresteunecarteàjouer.

—Ahoui?ditNewtenlevantlesyeuxauciel.Jesuisimpatientdel’entendre.

—LesCréateursn’ontaucunintérêtàtousnoustuer:l’épreuvedoitêtredifficile,maispasimpossible.OnestàpeuprèscertainsquelesGriffeurssontprogramméspourfaireunmortpar jour. Donc, si l’un de nous se sacrifie, les autres devraient avoir le temps de courirjusqu’au trou. Je pense que c’est plus oumoins comme ça que les choses sont censées sepasser.

Un grand silence s’abattit sur la pièce, jusqu’à ce que le maton de l’abattoir s’esclaffebruyamment.

—Pardon?ricanaWinston.Alors,tonidée,c’estdejeterunpauvretocardenpâtureàlameutepourpermettreauxautresdes’échapper?C’estça,tabrillantesuggestion?

Thomasrefusad’admettreàquelpointçasemblaitinhumain.Uneidéeluivint.

—Oui,Winston, je suis contentdevoirqu’il y enaaumoinsunqui suit, répondit-il enignorantleregardnoirdumaton.Lechoixdupauvretocardenquestionmeparaîtévident.

—Ahoui?ironisaWinston.Etçaseraitqui?

Thomascroisalesbras.

—Moi.

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Chapitre52La déclaration de Thomas déclencha un concert de cris. Newt se leva calmement,

s’approchadeThomas,lepritparlebrasetl’entraînaverslaporte.

—Laisse-nous,maintenant.Dehors!

Thomasétaitabasourdi.

—Hein?Pourquoi?

— Je crois que tu en as suffisamment dit comme ça. Il faut qu’on en discute et qu’ondécidequoifaire...sanstoi.(Parvenuàlaporte,Newtlepoussagentimentdehors.)Attends-moiprèsdelaBoîte.Aprèsleconseil,j’auraideuxmotsàtedire.

Iltournalestalons,maisThomasleretintparlebrasetl’entraînadanslecouloir.

—Ilfautquetumecroies,Newt.C’estleseulmoyendesortird’ici.Onpeutyarriver,jetelejure.C’estprévu.

Newtvintsecolleràluietluisoufflaaveccolère:

—Oui,j’aiadorélepassageoùtut’esportévolontairepourtefairetuer.

—J’étaistoutàfaitsérieux.

Thomasétaitprêtàsesacrifier,c’étaitvrai,maisuniquementàcausedelaculpabilitéquile rongeait. Il se sentait honteux d’avoir aidé à concevoir le Labyrinthe. Au fond de lui,pourtant, il espérait pouvoir tenir assez longtemps pour que quelqu’un tape le code etdésactivelesGriffeursavantqu’ilnesefassetuer.

—Ah,vraiment?s'agaçaNewt.C’esttrèsnobledetapart.

—J’aimesraisons.C’estunpeumafautesionestlà.Detoutefaçon,jevaistenterlecoup,alorsautantquevousenprofitiez.

Newtserenfrogna,lesyeuxpleinsdecompassion.

—Mêmesituasparticipéàl’élaborationduLabyrinthe,Thomas,cen’estpastafaute.Tuesungamin...Ont’aobligéàlefaire.

Peu importaient les arguments de Newt. Ou ce que les autres pouvaient penser. Il sesentaitresponsable.

—Je...jeveuxjusteessayerdevoussauver.J’enaibesoinpourmeracheter.

Newtreculaensecouantlatête.

—Tusaisleplusdrôle,Tommy?

—Non,quoi?demandaThomas,sursesgardes.

—Aufond,jetecrois.Tesyeuxnemententpas.Etjen’enrevienspasdetedireça,mais...jevaisretourneràl’intérieurconvaincretouscestocardsqu’ondoittenternotrechanceparletroudesGriffeurs, comme tu l’as dit.Mieux vaut les affronter qu’attendre bêtement qu’ilsviennentnous chercher. (Il leva le doigt.) Seulement, attention ! Jene veuxplus entendreparlerdesacrifice.Sionprendlerisque,c’esttousensemble.Chacunsachance.Compris?

Thomaslevalesmains,submergéparlesoulagement.

—Cinqsurcinq.Cequejevoulaisdire,c’estqueçavautlecoup.Puisqu’ilyaunmorttous

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lessoirs,autantqueçaserveàquelquechose.

Newtfronçalessourcils.

—Tuestrèsréconfortant,disdonc!

Thomasfitminedes’éloigner.Newtlerappela.

—Tommy?

—Oui?dit-ilens’arrêtant,sansseretourner.

— Si j’arrive à convaincre ces tocards - ce qui est loin d’être gagné -, lemieux serait departir à la tombée de la nuit. Comme ça, la plupart des Griffeurs seront de sortie dans leLabyrinthe,aulieudenousattendredansleurrepaire.

—Bienvu,approuvaThomas.

Ilnerestaitplusqu’àconvaincrelesmatons.ThomassetournaversNewt.

Sonamiluiadressaunmincesourire,presqueimperceptibledanssamineinquiète.

—Ilfaudraityallercesoir,avantquequelqu’und’autrenesefassetuer.

AvantqueThomasaitpuréagir,Newtretournadanslasallederéunion.

Thomas,souslechoc,quittalafermeetallas’asseoirsurunbancàproximitédelaBoîte.Ilavaitlecerveauenébullition.Iln’arrêtaitpasderepenseràcequeleuravaitditAlbyausujetdelaBraise.Legarçonavaitégalementparléd’uneterrebrûlée.SiAlbyavaitraison,lemondedanslequelilssepréparaientàretournern’avaitriendetrèsengageant.Malgrétout,avaient-ilsvraimentlechoix?OutrelefaitquelesGriffeurslesattaquaientdésormaistouslessoirs,leBloctournaitauralenti.

Frustré,inquiet,fatiguéderessassertoujourslesmêmeschoses,ilappelaTeresa.

—Tum’entends?

—Oui,répondit-elle.Oùes-tu?

—PrèsdelaBoîte.

—J’arrive.

Thomasserenditcomptealorsàquelpointilavaitbesoind’elle.

—Parfait.Jeteraconteraileplan;jecroisqu’onvaessayer.

—C’estquoil’idée,engros?

Thomass’adossaaubancetcroisa les jambesdevant lui. IlsedemandacommentTeresaallaitréagir.

—OnpasseparletroudesGriffeurs.Onsesertducodepourlesmettrehorsserviceetons’enfuitparlà.

Unblanc.

—J’avaispeurdequelquechosecommeça.

Thomasréfléchituneseconde,puisajouta:

—Saufsituasunemeilleureidée?

—Non.Çavaêtreuncarnage.

Ilabattitsonpoingaucreuxdesapaume,mêmesiTeresanepouvaitpaslevoir.

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—Onyarrivera.

—Çamétonnerait.

—Aumoins,onauraessayé.

Uneautrepause,pluslongue.Ilsentitsarésolutions’affirmer.

—Tuasraison.

—Newtveutpartircesoir.Viensmerejoindreici,qu’onpuisseterminercettediscussiontranquillement.

—J’arrivetoutdesuite.

Lapeurlesaisitauventre.LaréalitéduplanqueNewttentaitdefaireaccepterauxautresmatonslerattrapaitdepleinfouet.Thomassavaitquec’étaitdangereux,maisc’étaitsurtoutl’idéed’affronterlesGriffeursquileterrifiait.Danslemeilleurdescas,seull’und’entreeuxyresterait;maismêmeça,cen’étaitpascertain.LesCréateurspouvaientaussireprogrammerleurscréatures.Etlà,personnenepourraitplusjurerderien.

Ilessayadenepasypenser.

*

Teresalerejoignitplusvitequ’ilnes’yattendaitetvints’asseoirprèsdelui.Elleluipritlamain.Illuipressalesdoigtssifortqu’ildutluifairemal.

—Raconte-moi,demanda-t-elle.

Thomas lui répéta tout ce qu’il avait dit aux matons. Le regard de Teresa se remplitd’inquiétudeetdeterreur.

—Surlemoment,çam’aparufacile,conclut-ilàlafindesonrécit.Seulement,Newtpensequ’ondevraittenterlecoupcesoir.Etlà,jenesuisplusaussisûrquecesoitunebonneidée.

Il s’inquiétait surtout pour Chuck et Teresa. Lui connaissait le Labyrinthe, il avait déjàaffronté lesGriffeursetsavaitàquois’attendre. Ilauraitvouluépargnercetteexpérienceàsesamis,maisilsavaitquec’étaitimpossible.

—Onyarrivera,luiassura-t-elled’unevoixdouce.

—Situsavaiscommej’ailatrouille,murmura-t-il.

—Tueshumain.C’estnormalquetuaieslatrouille.

Thomas ne dit plus rien, et pendant un longmoment ils restèrent assis là, à se tenir lamain,ensilence.Thomasressentitunebrèvesensationdepaix;ils’efforçadelasavourer.

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Chapitre53Thomasfutpresquedéçudevoirleconseilseterminer.QuandNewtsortitdelaferme,il

sutquesapauseétaitfinie.

Lematon lesaperçutet lesrejoignitenboitillant.Thomasavait lâché lamaindeTeresa.Newts’arrêtadevantleurbancetlestoisatouslesdeux,lesbrascroisés.

—C’estcomplètementcinglé,tontruc,tuenesconscient?

Sonexpressionétaitindéchiffrable,maisThomascrutlireunelueurdetriomphedanssonregard.Ilseleva,parcouruparunfrissond’excitation.

—Çaveutdirequ’ilsontditoui?

Newthochalatête.

—Tous,sansexception.Ç’aétémoinsdifficilequejenelecraignais.Cestocardsontbienvucequiseproduittouteslesnuitsmaintenantquecesfoutuesportesrefusentdesefermer.OnnepeutpassortirduLabyrinthe.Il fautbiententerquelquechose. (Ilse tournavers laferme, où les matons avaient commencé à réunir leurs groupes.) Il ne reste plus qu’àconvaincrelesautres.

Thomassavaitqueceseraitencoreplusdélicatquedepersuaderlesmatons.

Teresaselevaàsontour.

—Tucroisqu’ilssuivront?demanda-t-elle.

—Pastous,réponditNewtavecunegrimacedefrustration.

Àtouslescoupscertainspréférerontresterettenterleurchanceici.

—EtAlby?s’inquiétaThomas.

—Va savoir, fitNewt en jetant un regard circulaire sur le Bloc. Àmon avis, ce tocard aencore plus peur de rentrer chez lui que d’affronter des Griffeurs. Mais je réussirai à leconvaincre,net’inquiètepas.

—Commenttucomptest’yprendre?s’enquitThomas.

Newts’esclaffa.

—Jetrouveraiuntruc.Jeluiraconteraiqu’onvatousdémarrerunenouvelleviedansuneautrerégiondumonde,oùonvivraheureuxjusqu’àlafindestemps.

Thomassourit.

—Oh,ceserapeut-êtrelecas.J’aipromisàChuckdeleramenerchezlui,tusais?Ouaumoinsdeluitrouverunendroitoùilseraensécurité.

—N’importeoù,murmuraTeresa,çaseratoujoursmieuxqu’ici.

La discussion s’animait à travers le Bloc, où les matons faisaient de leur mieux pourconvaincre leursgarsde risquer le toutpour le toutdans le troudesGriffeurs.Certains semettaientencolère,maislaplupartsemblaientdisposésàentendrelesarguments.

—Bon,etmaintenant?demandaTeresa.

Newtpritunegranderespiration.

— Eh bien, on dresse la liste de ceux qui partent et de ceux qui restent. On s’équipe :

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provisions,armes,etc.Etensuiteonyva.Thomas,jet’auraisbienconfiélaresponsabilitédetoutçavuquec’esttonidée,mais,netevexepas,onaurasuffisammentdemalàconvaincretout lemonde de nous suivre sansmettre un bleu à notre tête. Alors garde un profil bas,d’accord?Onvouslaisseravousoccuperducode,Teresaettoi.Vouspouvezgérerçadevotrecôté.

Cettesuggestiondefaireprofilbasconvenaittoutàfaità

Thomas.Trouverceposte informatiqueetrentrer lecode luisemblaituneresponsabilitéplusquesuffisante.Ildutcombattrelapaniquequ’ilsentaitmonterenlui.

—Présentédecettemanière,çaparaîtsimple,observa-t-ilens’efforçantdeprendreunairdécontracté.

Newtcroisalesbrasdenouveauetledévisageaattentivement.

—TuTasdittoi-même:sionresteiciousions’enva,l’undenousvamourircesoir.Alorsoùestladifférence?(IlpointaledoigtsurThomas.)Saufsitutetrompes.

—Jesaisquej’airaison.

S’ilyavaitbienunechosedontThomasétaitabsolumentcertain,c’estqu’ilavaitintérêtàgardersesdoutespourlui.

Newtluidonnaunegrandetapedansledos.

—Parfait.Autravail!

*

Lesheuressuivantesfurentfrénétiques.

Pour finir, la plupart des blocards acceptèrent de venir.MêmeAlby décida de risquer lecoup. Personne ne voulait l’admettre,mais sans doutemisaient-ils sur l’hypothèse que lesGriffeursneferaientqu’uneseulevictime,etilssedisaientqu’ilsavaientdebonneschancesde ne pas être celle-là. Ceux qui préféraient rester au Bloc étaient peu nombreux maisinflexibles et très remontés. Ils passaient parmi leurs camarades, le visage renfrogné, enessayantdelesconvaincrequ’ilscommettaientunefolie.

Quant à Thomas et à tous ceux qui avaient choisi de s’évader, ils avaient une tonne dechosesàfaire.

Ilfallutcommencerparremplirlessacsàdos.Poêle-à-frire-NewtavaitditàThomasquelecuistotavaitété l’undesderniersàsedécider- futchargédesvivres,qu’ildevaitrépartiréquitablement entre les sacs. On emporta des seringues de sérum, même si Thomas nepensaitpasqu’ilsseferaientpiquer.

Chuckétaitchargéderemplirlesgourdesetdelesdistribuer.Teresaluidonnauncoupdemain. Thomas demanda à son amie de lui présenter l’expédition sous le meilleur jourpossible, quitte à mentir comme un arracheur de dents. Chuck tentait de se montrercourageuxdepuis l’instantoù ilavaitapprisoù ilsallaient,mais sonvisageensueuret sesyeuxégarésletrahissaient.

Minho partit pour la Falaise avec un groupe de coureurs. Ils emportèrent des cordes delierretresséetdespierresafindetesterunedernièrefois letrouinvisibledesGriffeurs.Ilsespéraientquelescréaturesrespecteraientleurshoraireshabituelsetnesortiraientpasdansla journée. Thomas avait envisagé de sauter directement dans le trou et de taper le codeaussitôt,maisiln’avaitaucuneidéedecequil’attendaitdel’autrecôté.Newtavaitraison:il

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valaitmieux attendre la nuit et prier pour que lamajeure partie desGriffeurs soit dans leLabyrinthe,etnondansleurrepaire.QuandMinhorentrasainetsauf,unlégerespoirgagnalesblocards.

ThomasaidaNewtàdistribuerlesarmes.Danslafièvredespréparatifsilsenfabriquèrentd’autres toutspécialementpourcombattre lesGriffeurs.Lesbâtons furent taillésenpointepourdevenirdesépieux,ouenveloppésdebarbelés; lescouteauxfurentaiguisésetfixésauboutdebranches solidescoupéesdans lebosquet ;oncolladesmorceauxdeverre surdespellesavecdurubanadhésif.Àlafindelajournée,lesblocardss’étaienttransformésenunepetitearmée.Pathétiqueetmalpréparée,songeaThomas,maistoutdemêmeunearmée.

QuandTeresaetluieurentterminéd’aiderlesautres,ilsseretirèrentaufondduterminuspourparlerduposteinformatiqueetdelamanièredontilsenvisageaientd’ytaperlecode.

—Ilfautquecesoitnous,ditThomas,alorsqu’ilss’adossaientàdesarbresnoueuxdontlefeuillageviraitdéjàaujauneenl’absencedesoleilartificiel.Commeça,sionestséparés,onpourraresterencontactetcontinueràs’aider.

Teresaavaitramasséunboutdeboisetl’écorçaitdistraitement.

—D’accord,maisilnousfautdusoutienaucasoùilnousarriveraitquelquechose.

—Tuas raison.MinhoetNewtconnaissent lecode.On leurdirade le tapereux-mêmesdansl’ordinateursion...enfin,tucomprends.

Thomasnevoulaitpaspenseràtoutcequiétaitsusceptibledeleurarriver.

—Aufond,c’esttoutsimple,observaTeresaenbâillant.

—Tout simple.Onaffronte lesGriffeurs,on tape le code,on s’enfuitpar laporte.Etons’occupedesCréateurs.

—Sixmotsdecode,etvasavoircombiendeGriffeurs.(Teresacassasonboutdeboisendeux.)Àtonavis,WICKED,c’estl’anagrammedequoi?

Thomas eut la sensation de prendre un coup de poing dans le ventre. Une connexions’opéradanssonesprit.Ilfutabasourdidenepasyavoirpenséplustôt.

—Cepanneauenmétalqu’onvoitpartoutdansleLabyrinthe,tuterappelles?

L’excitationfaisaitbattresoncœuràtoutevitesse.

Teresaplissalefront,perplexe,puisunelueurs’allumadanssesyeux.

—Waouh!WorldInCatastrophe:KillzoneExperimentDepartment,WICKED.Maisalors,cequej’avaisécritsurmonbras:WICKEDisgood?Qu’est-cequeçapouvaitbienvouloirdire?

—Aucune idée.C’est pour ça que j’ai peur qu’onne soit sur le point de commettre uneerreurmonumentale.Çarisqued’êtreuncarnage.

—Toutlemondeenestconscient.(Teresaluipritlamain.)Onn’arienàperdre,tusais?

—Rien,répétaThomas.

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Chapitre54Justeavantl’heurehabituelledelafermeturedesportes,Poêle-à-frirepréparaundernier

dîner pour que tout le monde tienne pendant la nuit. Les blocards mangèrent dans uneatmosphère sinistre, où la peur était omniprésente. Thomas se retrouva assis à côté deChuck.

—Dis-moi,Thomas,demandalegarçon,labouchepleine.Àtonavis,àquicorrespondmonsurnom?

Thomassecoua la tête. Ilsétaient sur lepointdese lancerdanscequi serait sansdoutel’opérationlaplusdangereusedetouteleurvie,etChucks’interrogeaitsursonsurnom.

—Jenesaispas.Darwin,peut-être?C’estlemecquiadécouvertl’Évolution.

—Jepariequepersonnenel’avaitappelé«mec»avanttoi.

Chuckpritunebouchéedepuréeavantdecontinuer.

—Tusais,au fond, jen’aipaspeur.Lesdernièresnuitsqu’onapasséesdans la ferme,àattendrequ’unGriffeurs’amèneetemportel’undenous,c’étaitvraimentl’horreur.Alorsquelà,onessaiedes’ensortir.Etaumoins...

—Aumoinsquoi?

ThomasnecroyaitpasunesecondequeChuckn’avaitpaspeur;ilavaitlecœurserrédelevoirjouerlesbravesdecettemanière.

—Ehbien,toutlemondeditqu’iln’yauraqu’uneseulevictime.Çavapeut-êtreteparaîtredégueulasse,maisjetrouveçaplutôtencourageant.Çaveutdirequelaplupartd’entrenousvonts’ensortir,saufun.Cen’estpassimal.

Thomas était malade de voir ses camarades se raccrocher à cet espoir qu’il n’y auraitqu’une seule victime;plus il y réfléchissait,moins ça lui paraissait crédible.LesCréateurs,connaissant leur plan, pouvaient parfaitement reprogrammer les Griffeurs. Mais un fauxespoirvalaitmieuxquerien.

—Peut-êtrequ’onpourratouss’ensortir.Sitoutlemondesebat.

Chuckcessades’empiffrerpourdévisagerThomasavecméfiance.

—Tulepensesvraiment,outudisçapourmeremonterlemoral?

—Non,onpeutyarriver.

Thomas terminasapuréeetbutunegrandegorgéed’eau. Iln’avaitencore jamaismenticommeça.Certainespersonnesallaientmourir.Maisilferaittoutsonpossiblepours’assurerquecenesoitpasChuck.OuTeresa.

—N’oubliepascequejet’aipromis.Tupeuxcomptersurmoi.

Chuckserenfrogna.

—Tuparles!Onditquelemondeestdansunsaleétat.

—C’estpeut-êtrevrai,maisaumoinsonretrouveraceuxquitiennentànous,tuverras.

—Jeneveuxmêmepasypenser,ditChuckenselevant.Sors-moijusteduLabyrinthe,etçam’iratrèsbien.

—D’accord,fitThomas.

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Un attroupement attira son attention.Newt et Alby annonçaient aux blocards qu’il étaittempsdepartir.Albyparaissaitégalàlui-même,maisThomascontinuaitàs’inquiéterpoursonétatmental.Ilavaitparfoisuncomportementdetêtebrûlée.

LapeurpaniquequeThomasavaitconnuesisouventcesderniersjourslefrappadepleinfouet.Cettefois-ci,onyétait:c’étaitl’heuredudépart.Ils’efforçadenepastropréfléchiretattrapasonsac.Chucklimita,ettoutlemondesedirigeaverslaporteouest,cellequimenaitàlaFalaise.

Thomas y retrouva Minho et Teresa, en train de revoir ensemble leur plan succinctconcernantlecoded’évasionquandilsseraientdanslerepairedesGriffeurs.

—Vousêtesprêts,lestocards?leurlançaMinhoenlesvoyantapprocher.Thomas,toutça,c’est ton idée, alors ça aplutôt intérêt àmarcher. Sinon je te tuemoi-mêmeavant que lesGriffeurspuissents’encharger.

—Merci,ditThomas.

Ilneparvenaitpasàsedéfairedesaterribleappréhension.Ets’ilavaitcommisuneerreur? Si ses souvenirs étaient trompeurs ? Si on les lui avait implantés ? Il écarta ces idéesterrifiantes;iln’étaitplustempsdefairemachinearrière.

IlsetournaversTeresa,quisebalançaitd’unpiedsurl’autreensetordantlesmains.

—Çavaaller?luidemanda-t-il.

— Oui, oui, lui assura-t-elle avec un petit sourire forcé. J’ai juste hâte que tout ça soitderrièrenous.

—Amen,masœur,ditMinho.

Ilsemblaitdeloinlepluscalme,leplusconfiant,lemoinseffrayédetous.Thomasl’envia.

QuandNewteutrassemblétoutlemonde,ilréclamalesilence.Thomassetournaversluipourécoutercequ’ilallaitdire.

—Noussommesquaranteetun.

Ilhissasonsacàdossursesépaulesetbranditungrandgourdinenveloppédebarbelésàsonextrémité.

—Assurez-vousdenepasoubliervosarmes.Pourlereste,jen’aipasgrand-choseàdire.Vous connaissez tous le plan.On passe par le trou desGriffeurs, l’ami Tommy rentre sonpetitcodemagiquedansl’ordinateuretonpartfairelapeauauxCréateurs.Cen’estpaspluscompliquéqueça.

Thomas l’entenditàpeine; sonattentions’était tournéeversAlby,qui se tenaità l’écart,l’airrenfrogné,uncarquoisentraversdudos.Iltiraitmachinalementsurlacordedesonarc,lesyeuxbaissés.Thomasétaitdeplusenplusconvaincuqu’Albyrisquaitdetoutfairerater.Ilsepromitdel’avoiràl’œil.

— Quelqu’un devrait peut-être prononcer un discours pour motiver les troupes, non ?suggéraMinho.

—Vas-y,répliquaNewt.

Minhohochalatêteetseretournaverslafoule.

—Soyezprudents,leurdit-ilsèchement.Nevousfaitespastuer.

Thomasauraitris’ill’avaitpu.

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—Super, commentaNewt.Nousvoilàbienmotivés. (Il indiqua leLabyrinthepar-dessussonépaule.)Voussaveztouspourquoionestlà.Onajouélessourisdelaboratoirependantdeux ans,mais, cette nuit, l’heure de la vengeance a sonné.Maintenant, c’est au tour desCréateursd’avoirpeur,et jepeuxvousdirequ’onne leur ferapasdecadeau.LesGriffeursontplutôtintérêtàseplanquer!

Uneacclamations’éleva,puisuneautre.Bientôt,descrisdeguerreéclataient,emplissantl’aircommeunroulementdetonnerre.Thomasperçutuneétincelledecourageenlui;ils’ycramponna.Newtavait raison.Cettenuit, ilsallaientsebattre. Ilsallaient rendre lescoupsunebonnefoispourtoutes.

Thomassesentaitprêt.Ilrugitaveclesautresblocards.Sansdouteaurait-ilmieuxfaitderesterdiscret,d’éviterd’attirerl’attention,maisils’enmoquait.Lesdésétaientjetés.

Newtbranditsamassueetcria:

—Vousentendezça,lesCréateurs?Onarrive!

Là-dessus,ilpivotaetcourutdansleLabyrinthe,enboitillantàpeine.L’airgrisparaissaitplussombrequeleBloc.AutourdeThomas,lesautresblocardsramassèrentleursarmesetlesuivirentaupasdecourse.Thomasleuremboîtalepas,entreTeresaetChuck;iltenaitàlamainunesorted’épieuavecuncouteauattachéaubout.Laresponsabilitéqui le liaitàsesamis l’écrasa brusquement et lui coupa les jambes. Il continua néanmoins, déterminé àremporterlavictoire.

«Tupeuxlefaire.Ilsuffitd’arriverjusqu’àcefichutrou»,sedit-il.

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Chapitre55Thomasmaintintunefouléerégulièrelelongdescheminsdepierre.Ilavaitprisl’habitude

decourirdansleLabyrinthe,mais,cettenuit,toutétaitdifférent.Lesmursrenvoyaientl’échode leurs bruits de pas et les lumières des scaralames rougeoyaient dans le lierre : lesCréateursétaientcertainemententraindelesespionneretdelesécouter.D’unemanièreoud’uneautre,ilallaityavoirdelabagarre.

—Tuesnerveux?luidemandaTeresa.

—Non,j'adorelesamalgamesdechairetd’acier.Jesuisimpatientd’enrevoir.

Iln’éprouvaitnijoienibonnehumeurenrépondantça,etilsedemandas’ilretrouveraitl’uneoul’autreunjour.

—Trèsdrôle,dit-elle.

Ellecouraitàcôtédelui,leregardobstinémentfixédevantelle.

—Çaira.ResteprèsdeMinhoetdemoi.

—Ah,monchevalier.Tunemecroispascapabledemedéfendre?

Enréalité,ilétaitpersuadéqueTeresaétaittoutaussicoriacequen’importelequeld’entreeux.

—Non,j'essaiejusted’êtregentil.

Legroupes’étaitdéployésurtoutelalargeurducouloiretcouraitàviveallure.Thomassedemandaitcombiendetempsceuxquin’appartenaientpasauxcoureursarriveraientàsuivrelerythme.Commeenréponseàsapréoccupation,Newtselaissarattraperparlesderniersettouchal’épauledeMinho.

—Àtoi,maintenant,luisouffla-t-il.

MinhoacquiesçaetpassaentêtepourguiderlesblocardsàtraversleLabyrinthe.Thomasvivaitchaquepascommeunesouffrance.Lapeuravaitremplacélepeudecouragequ’ilavaitputrouver.ÀquelmomentlesGriffeurssedécideraient-ilsàleurdonnerlachasse?Àquelmomentlabagarreéclaterait-elleenfin?

Finalement,après l’heurelaplus longuedeleurvie, ilsatteignirent lecouloirquimenaitauderniervirageavantlaFalaise-unbrefcouloirversladroitemenantàuncroisementenT.

Thomas,lecœurbattant,toutensueur,étaitremontéavecTeresajustederrièreMinho.Cedernierralentitenarrivantaucoin,puiss’arrêta,lebrastendupourfairesigneauxautresdefairedemême.Ilseretournaverseuxavecuneexpressionhorrifiée.

—Vousentendezça?chuchota-t-il.

Thomasessayaderefoulerlaterreurquel’expressiondeMinhofaisaitmonterenlui.

Celui-cis’avançaàpasdeloupetjetauncoupd’œilderrièrelemur.Thomasl’avaitvufaireexactementlemêmegestequandilsavaientsuivileGriffeurdanscemêmecouloir.Commelapremièrefois,Minhoreculad’uncoupenarrièreavantdeseretournerverslui.

—Oh,non,gémitlematon.Non!

Puis Thomas entendit. Des Griffeurs. Comme s’ils s’étaient mis en embuscade et

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s’animaienttoutàcoup.Inutilederegarder:ilsavaitcequeMinhoallaitdire.

—Ilssontaumoinsunedouzaine.Peut-êtreunequinzaine.Ilsnousattendaient!

La panique gagna Thomas, plus forte que jamais. Il se tourna vers Teresa, faillit direquelquechose,maisse retintendécouvrantsonvisage livide. Ilne l’avait jamaisvueaussiterrorisée.

Newt et Alby s’étaient détachés de la masse des blocards pour rejoindre Thomas et lesautres.Apparemment,l’explicationdeMinhoavaitdéjàcirculédanslesrangs.Newtdéclara:

—Bon,onsavaitqu’ilfaudraitsebattretôtoutard.

Maisletremblementdesavoixletrahissait;ils’efforçaitdelesrassurer.

Thomas en avait bien besoin. Il se demanda ce qu’attendaient les Griffeurs. De touteévidence, les scaralames les avaient prévenus de l’arrivée des blocards. Les Créateurssavouraient-ilslemoment?

Ileutuneidée.

—Peut-êtrequ’ilsontdéjàprisun tocardauBlocetqu’ilsnous laisserontpasser.Sinon,pourquoiest-cequ’ils...?

Un bruit de ferraille retentit dans son dos. Il fit volte-face et vit d’autres Griffeurss’approcherdanslecouloir,toutespointesdehors,brasmétalliquesdéployés,enprovenanceduBloc.Thomasentenditlemêmebruitàl’autreboutducouloir.Illevalatêteetvitarriverd’autresGriffeurs.

L’ennemileurbloquaittouteslesissues.Ilsétaientencerclés.

Les blocards se rapprochèrent de Thomas, enmasse compacte, l’obligeant à avancer aumilieudel’intersection.IldécouvritlameutedeGriffeursdanslecouloirdelaFalaise,avecleurs pointes métalliques, leur peau visqueuse et palpitante. Ils les attendaient, lesguettaient.LesdeuxautresgroupesdeGriffeurss’arrêtèrentàquelquesmètresdesblocards.Euxaussiattendaient.

Thomaspivota lentementsur lui-même,en luttantcontre lapeur,pourmieuxévaluer lasituation.Ilsétaientprisaupiège.Ilsn’avaientpluslechoixdésormais:ilsnepouvaientplusallernullepart.Unemigrainelancinanteluivrillaitlecrâne.

Les blocards se pressèrent encore autour de lui, tournés vers l’extérieur, au centre del’intersection. Thomas se retrouva coincé entre Newt et Teresa. Newt tremblait. Tousrestaient silencieux. On n’entendait que les gémissements lugubres et les ronronnementsmécaniquesdesGriffeursquirestaient tapis làcommes’ilssavouraient lepetitpiègequ’ilsavaient tendu à leurs proies. Leurs corps répugnants palpitaient en émettant des soupirsmécaniques.

—Quefont-ils?Qu’est-cequ’ilsattendent?demandaThomasàTeresa.

Elleneluiréponditpas,cequil’inquiéta.Illuipritlamainetlaserradoucement.Autourdelui,lesautresblocardsétreignaientleursarmesdérisoires.

ThomassetournaversNewt.

—Tuasuneidée?

—Non,réponditl’autred’unevoixmalassurée.Jenecomprendspascequ’ilsattendent.

—Onn’auraitpasdûvenir,ditAlby.

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Ilavaitétésidiscretjusque-làquesavoixleurparutétrange,surtoutavecl’échorenvoyéparlesmurs.

—Parcequetucroisqu’onseraitmieuxàlaferme?répliquaThomas.Jesuisdésolé,maismêmesil’undenousdoityrester,c’esttoujoursmieuxquenoustous.

Ilespéraitvraimentquecettehistoired’unevictimeparsoirallaitseconfirmer trèsvite.Parce que la vue de tous ces Griffeurs le ramenait brutalement à la réalité: les blocardsétaient-ilsvraimentenmesuredelesaffronter?

Auboutd’unlongmoment,Albyrépondit:

—Jedevraispeut-être...

Il n’acheva pas, mais s’avança lentement en direction de la Falaise, comme en état detranse.Thomasleregarda,éberlué.Iln’encroyaitpassesyeux.

—Alby!fitNewt.Reviensici!

Aulieud’obtempérer,AlbysemitàcourirdroitverslesGriffeursquidéfendaientl’accèsàlaFalaise.

—Alby!hurlaNewt.

Albyavaitdéjàbondi sur l’undesmonstres.Newtesquissaunpasenavant.CinqousixGriffeurs s’abattaient sur le garçon dans un tourbillon de chair et demétal. Thomas saisitNewtparlesbrasavantqu’iln’ailleplusloinetletiraenarrière.

—Lâche-moi!criaNewtensedébattant.

—Tuescinglé?hurlaThomas.Tunepeuxrienpourlui!

Deux autresGriffeurs se détachèrent du groupe et se jetèrent sur Alby. Les uns sur lesautres,ilslacéraientetdéchiquetaientleschairsdugarçon,commepourmieuxmontrerleurcruauté.Albynepoussapasuncri.Heureusement,Thomas leperditvitedevueen luttantcontreNewt;cedernierfinitparrenonceretreculaenchancelant,vaincu.

Albyavaitfiniparcraquer,seditThomas.Leurchefavaiteusipeurderetrouverlemondeauquelonl’avaitarrachéqu’ilavaitpréférésesacrifier.Ilavaitfaitsonchoix.

Newtfixaitobstinémentl’endroitoùsonamiavaitdisparu.

—Jenepeuxpaslecroire,murmura-t-il.Jenepeuxpascroirequ’ilaitfaitça.

Thomas secoua la tête, incapable de dire quoi que ce soit. Voir Alby s’en aller de cettemanière...Unedouleurcommeiln’enavaitencore jamaisconnuenvahitsoncerveau-unedouleurmalsaine,indéfinissable,pirequen’importequellesouffrancephysique.Iln’étaitpassûr que ce soit en rapport avec Alby, qu’il n’avait jamais beaucoup apprécié. Mais l’idéequ’unechosepareillepuissearriveràChuckouàTeresa...

Minhos’approchaetposalamainsurl’épauledeNewt.

—Ilnefautpasqu’ilsoitmortpourrien.(IlsetournaversThomas.)Onvalescombattres’illefaut,vousouvriruncheminjusqu’àlaFalaise,àTeresaetàtoi.Sautezdansletrouetfaitesvotretruc.Onlesretiendrajusqu’àcequevousnousappeliez.

Thomas regarda les trois groupes de Griffeurs - aucun n’avait esquissé le moindremouvementendirectiondesblocards—etacquiesçadelatête.

—Avecunpeudechance,ilsvontsemettreenveille.Ondevraitenavoirpouruneminutemaximumàtaperlecode.

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— Comment pouvez-vous être aussi insensibles ? murmura Newt, avec un dégoût quisurpritThomas.

—Qu’est-ce que tu voudrais qu’on fasse ? ripostaMinho.Qu’on semette en costard etqu’onluiorganisedesfunérailles?

Newtneréponditrien.Ilcontinuaitdefixerl’endroitoùlesGriffeurssemblaientdévorerles restes d’Alby. Thomas ne put s’empêcher de jeter un coup d’œil: il y avait une grandetache écarlate sur l’une des créatures. Son estomac fit des soubresauts et il se détournaaussitôt.

Minhopoursuivit:

—Albynevoulaitpas retrouver sonanciennevie. Il apréféré sesacrifier pournous.Vuqu’ils ne nous attaquent pas, j’ai l’impression que ç’amarché. Ce serait stupide de gâchercettechance.

Newthaussalesépaulesetfermalesyeux.

Minhoseretournaverslesautresblocards.

—Écoutez-moi !Notre priorité numéro un est de protéger Thomas et Teresa.On va lesescorterjusqu’àlaFalaise,pourqu’ilspuissent...

LesbruitsdesGriffeursentraindes’animer l’interrompirent.Thomas leva lesyeuxavechorreur. De chaque côté les créatures semblaient de nouveau leur prêter attention. Leurspiquants sortaient de leur chair visqueuse ; leurs corps puisaient et tremblotaient. Àl’unisson, elles convergèrent lentement vers eux, en déployant leurs appendices bardésd’instruments.

Lesacrificed’Albyavaitmisérablementéchoué.

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Chapitre56ThomassaisitMinhoparlebras.

—Ilfauttrouverunmoyend’allerlà-bas.

Il indiqua d’un signe de tête la meute des Griffeurs qui les séparait de la Falaise. Lescréaturessemblaientd’autantplusmenaçantesdanslalumièregrisâtre.

MinhoetNewtéchangèrentunlongregard.L’idéeducombatétaitpresquepirequelapeurelle-même.

—Ilsarrivent!hurlaTeresa.Décidez-vous!Vite!

—Passedevant,ditNewtàMinhodansunmurmure.OndoitouvrirlavoieàTommyetàlafille.Vas-y.

Minhoacquiesça,unerésolutionfarouchesursestraits.Puisilsetournaverslesblocards.

—OnvafoncertoutdroitverslaFalaise.Onattaqueaumilieuetonrepoussecessaletésvers lesmurs. L’essentiel, c’est de permettre à Thomas et à Teresa d’atteindre le trou desGriffeurs.

Thomassetournaverslesmonstresquis’approchaient:ilsn’étaientplusqu’àunmètre.Ilétreignitsonmodesteépieu.

—Resteàcôtédemoi,dit-ilàTeresa.Laisse-less’occuperdesGriffeurs.Onnedoitpenserqu’autrou.

Ilsesentaitlâche,maisilsavaitqueleurcombatneserviraitàriens’ilsneparvenaientpasàtaperlecodeetàouvrirlaportequimenaitauxCréateurs.

—Jesais,répondit-elle.Jeresteavectoi.

— Prêts ? cria Minho juste à côté de Thomas, en brandissant d’une main son gourdinbarbelé etde l’autreun longpoignard. (Il pointa sa lame scintillante sur lesGriffeurs.)Enavant!

Lematon s’élança, suivi aussitôt de Newt et de la meute de garçons vociférants qui seruaientlesarmesàlamainversuncombatmeurtrier.

Alorsque lespremiersgarçonsenfonçaient la lignedesGriffeursàgrandfracas,ThomasvitChuckpasserdevantluiaupasdecharge.Illeretintparlebras.

ChucklevalatêteversThomas.OnlisaitunetellefrayeurdanssesyeuxqueThomaseneutunpincementaucœur.Ilpritsadécisionenunefractiondeseconde.

—Chuck,tuviensavecTeresaetmoi.

Ilditçad’unevoixferme,autoritaire,quinelaissaitaucuneplaceaudoute.

Chuckjetaunregardàlabatailleengagéedevanteux.

—Mais...

Iln’achevapas.Thomascompritqu’ilmouraitd’envied’accepter,maisqu’ilavaithontedel’admettre.Pourépargnersadignité,illuidit:

—OnabesoindetoidansletroudesGriffeurs,aucasoùilyenauraitunàl’intérieurpournousattendre.

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Chuckhochalatête...unpeutroprapidement.ThomasressentitplusquejamaislebesoinderamenerChuckensécuritéchezlui.

—Allez,ditThomas.TienslamaindeTeresa.Onyva.

Chuckobéit,s’efforçantdeparaîtrecourageux.

—Ilsontouvertunebrèche!sécriamentalementTeresa.

Thomas sentit une vive douleur lui traverser le crâne. Elle indiqua du doigt un passageétroit au milieu du couloir, défendu par des blocards qui luttaient sauvagement pourrepousserlesGriffeursdechaquecôté.

—Maintenant!criaThomas.

Il se précipita en tirant par la main Teresa, qui elle-même tenait Chuck. Tous troiss’élancèrentaupasdecourse,épieuxetcouteauxàlamain,danslecouloirremplidesangetdecris.DroitverslaFalaise.

La bataille faisait rage autour d’eux. Les blocards étaient déchaînés, survoltés parl’adrénaline; lesmursrenvoyaientunecacophoniedehurlements,decrissementsdemétal,de rugissements de moteurs et de lamentations lugubres des Griffeurs. On ne distinguaitqu’unemasseindistinctedesang,degrisailleetd’acier;Thomass’appliquaànepasregarderàdroiteniàgauche,maisuniquementdevant,au-delàdelabrèchedégagéeparlesblocards.

Tout en courant, Thomas se remémora rapidement les mots de code, FLOTTER,ATTRAPER,SAIGNER,MOURIR,RAIDIR,POUSSER.Le troun’étaitplusqu’àunedizainedemètres.

—Jemesuisfaittailladerlebras!criaTeresa.

Aumêmeinstant,Thomassentitunelameluientaillerlajambe.Ilneseretournapas,etne se donna pas la peine de répondre. L’impossibilité de la tâche qui les attendait lesubmergeaitcommeuneeaunoire,cherchantàl’entraînerversl’abandon.

La Falaise était à six ou sept mètres, débouchant sur le ciel gris sombre. Il fonça enentraînantsesamis.

UnGriffeursemitentraversdesonchemin;iltenaitentresespincesungarçon,dontonnevoyaitpaslevisage,quilelardaitdecoupspoursedégager.Thomasl’esquivaetcontinua.Ilentenditungrandcri,unhurlementdéchirant: leblocardvenaitdeperdre lecombat.Cehurlement résonna par-dessus le fracas de la bataille, avant de s’éteindre dans la mort.Thomasfrémit;ilespéraitqu’ilnes’agissaitpasdequelqu’unqu’ilconnaissait.

—Net’arrêtepas!luiditTeresa.

—Jesais!luicriaThomas,àvoixhautecettefois.

Quelqu’unpassaencourantprèsdeluietlebouscula.Un

Griffeur le chargeapar lagauche,en faisant tournoyerses lames.Unblocards’interposaavec une épée dans chaquemain ; ils s’affrontèrent en faisant tinter leurs lames. Thomasentendit une voix au loin qui vociférait toujours les mêmes mots, ordonnant qu’on lesprotège.C’étaitMinho,dontlescristrahissaientledésespoiretlafatigue.

Thomascontinuaàcourir.

—Chuckafaillisefaireavoir!s’écriaTeresa,provoquantunviolentéchodanssatête.

D’autresGriffeursleurtombèrentdessus,d’autresblocardsvinrentlesaider.Winston,qui

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avait ramassé l’arc et les flèches d’Alby, tirait sur toutes les formes inhumaines enmouvement,ratantsouventsacible.DesgarçonsqueThomasn’avaitjamaisvuscouraientàcôtéde lui ; ilsécartaient lesbrasdesGriffeursavec leursarmesde fortune, leursautaientdessus, les taillaient en pièces. Le tumulte de la bataille allait crescendo, devenaitinsoutenable.

Thomas hurla tout en continuant à courir jusqu’à la Falaise. Il s’arrêta juste au bord.Teresa et Chuck le heurtèrent par-derrière, et il s’en fallut de peu qu’ils basculent dans legouffre tous les trois.Thomasvit toutdesuite le troudesGriffeurs. Il flottaitdans levide,dessinépardeslianes.

Quand Minho et ses coureurs étaient venus plus tôt avec leurs cordes tressées, ils enavaientattachéuneextrémitéaumur,avantdejeter l’autreendirectiondutrou;àprésent,sixou sept lianespartaientdubordde laFalaiseet rejoignaientuncarré invisibleenpleinciel,danslequelellesdisparaissaient.

Ilétaittempsdesauter.Thomashésitauninstant,pétrifiédeterreur,prisentrelesbruitshorriblesqu’ilentendaitderrièreluietl’illusiond’optiquequ’ilvoyaitdevantlui.Ilsereprittrèsvite.

—Toid’abord,Teresa.

Ilvoulaitpasserledernierpours’assurerqu’aucunGriffeurneretiennesescompagnons.

Ellen’hésitapasuneseconde.Ellepressa lamaindeThomas, toucha l’épauledeChuck,puis bondit dans le vide et tendit les jambes, les bras le long du corps. Thomas retint sonsouffle tandis qu’elle se glissait dans le trou entre les lianes et disparaissait. Comme si onl’avaiteffacéed’uncoupdegomme.

—Waouh!s’écriaChuck,retrouvantbrièvementsonenthousiasmenaturel.

—Commetudis,approuvaThomas.Àtoi,maintenant.

Avantquelegarçonnepuisseprotester,Thomasl’attrapasouslesaisselles.

—Tuvaspousseravectesjambesetjevaistelancer.Prêt?Un,deux,trois!

Grognantsousl’effort,ilprojetasonamiendirectiondutrou.

Chuck vola dans les airs en hurlant et faillit rater la cible. Pourtant, ses pieds s’yenfoncèrent;puissonventreetsesbrassecognèrentcontrelaparoidutrouinvisible,et ildisparut.Lecouragedugarçon impressionnaThomas. Ilaimaitcegosse. Il l’aimaitcommeunfrère.

Thomasresserrales lanièresdesonsacàdosetassurasaprisesursonépieu.Lesbruitsderrière lui étaient affreux, abominables ; il se sentait coupable de ne pas aider sescamarades.«Faiscequetuasàfaire»,sedit-il.

Il prit appui sur son pied gauche au bord de la Falaise et se catapulta dans le cielcrépusculaire,ilramenasonépieucontresontorse,tenditlapointedespiedsverslebasetseraidittoutentier.

Puisils’enfonçadansletrou.

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Chapitre57Une ligne de froid parcourut la peau de Thomas à son passage dans le trou, en

commençantparsesorteilsavantderemontersurtoutsoncorps,commes’iltraversaitunemincepelliculed’eauglacée.Touts’assombritautourdeluitandisqu’ilseréceptionnaitsurunesurfaceglissante.Ils’écroulaenarrièredanslesbrasdeTeresa.ElleetChuckl’aidèrentàserelever.C’étaitunmiraclequeThomasneleuraitpascrevéunœilavecsonépieu.

Le troudesGriffeurs aurait étéplongédans lenoir total siTeresan’avait pas allumé salampetorche.Enregardantautourdelui,Thomasvitqu’ilssetenaientaufondd’untunneldepierredetroismètresdehaut.Humide,tapisséd’unesubstancehuileuse,ils’étendaitsurplusieurs dizaines demètres avant de s’estomper dans les ténèbres. Thomas jeta un coupd’œilautrouparlequelilsétaiententrés:onauraitditunefenêtreouvertesurunenuitsansétoiles.

—L’ordinateursetrouveparlà,annonçaTeresa.

Ellebraquasalampeunpeuplusloindansletunnel,surunpetitcarrédeverrecrasseuxd’oùémanaitune lueurverdâtre.Justeendessous,unclavierétaitencastrédans laparoiàhauteurd’homme.Iln’yavaitplusqu’àtaperlecode.Thomasneputs’empêcherdepenserquec’étaittropfacile,tropbeaupourêtrevrai.

—Vas-y!l’encourageaChuckenluidonnantunebourradedansledos.Tapelecode!

ThomasfitsigneàTeresades’encharger.

—Chucketmoiallonsmonterlagarde,aucasoùunGriffeurarriveraitparletrou.

Restait à espérerque lesblocards, aprèsavoirouvertunebrèche, arriveraient à tenir lescréaturesàdistancedelaFalaise.

—D’accord,ditTeresa.

Thomas la savait tropmaligne pour perdre du temps à discuter. Elle s’avança devant leclavieretsemitàtaper.

—Attends!luicriamentalementThomas.Tuessûredeterappelertouslesmots?

Ellesetournaversluienfronçantlessourcils.

—Jenesuispasidiote,Tom.Oui,jesuisparfaitementcapabledemerappeler...

Unsifflementl’interrompitetfitsursauterThomas.IlpivotasursestalonsàtempspourvoirunGriffeursurgircommeparmagieducarrégrispercédanslavoûte.Lacréatureavaitrétractésespiquantsetsesbraspourpasser,maisquandelleatterritavecunbruitsourd,unedouzainedebrasetdepointesjaillirentdesachair,plusimpressionnantsquejamais.

ThomaspoussaChuckderrièreluietfitfaceàlacréature,enbrandissantsonépieupourtenterdeluifairepeur.

—Continueàtaper,Teresa!cria-t-il.

Unelonguetigemétallique,terminéepartroislamesrotatives,s’arrachaàlapeauflasqueduGriffeuretpointadroitverslevisagedeThomas.

Cedernierempoignadesdeuxmainsleboutdesonépieuetappuyacontrelesollalamequi en constituait la pointe. Le bras articulé parvint à moins d’un mètre de lui, prêt à ledéchiqueter. Quand il ne fut plus qu’à trente centimètres, Thomas banda ses muscles et

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relevasonépieuavecleplusdeforcepossible.Lebrasmétallique,touchédepleinfouet,serecourbaetretombasurlecorpsduGriffeur.Lemonstrepoussauncrirageur;ilreculad’unbonmètreenrétractantsespiquants.

Thomashaletait.

—Jenevaispasleretenirlongtemps,prévint-ilTeresa.Dépêche-toi!

—J'aipresqueterminé,répondit-elle.

LespointesduGriffeurréapparurent;ils’avançadenouveauetsortitunautrebras,quiseterminait cette fois par d’énormes griffes, pour tenter de saisir l’épieu. Thomas abattit sonarme comme une massue, en y mettant toutes ses forces. L’épieu toucha le membre auniveaudel’articulation;avecunchocsourd, lebrasentiers’arrachaettombasurlesol.LeGriffeurouvritsagueuleetpoussaunlongcridéchirant,avantdebattreenretraite.

—Onpeutgagner!s’écriaThomas.

—Jen’arrivepasàrentrerlederniermot!luiditTeresa.

Ill’entenditàpeine,etnecompritpascequ’elleluiavaitdit;ilpoussaunrugissementetchargea le Griffeur pour profiter de son moment de faiblesse. Il bondit sur le corpsboursoufléde la créature en écartantdeuxbrasmétalliques à grands coupsd’épieu.Puis illeva son arme bien haut, se campa sur ses pieds - il les sentit s’enfoncer dans la masserépugnante -et planta son épieu à deuxmains dans le corps dumonstre. Un pus jaunâtrejaillitdelaplaie,luiéclaboussantlesjambestandisqu’ilplongeaitprofondémentl’armedansleschairs.Illâchalemanche,s’écartad’unbondetcourutrejoindreChucketTeresa.

Fasciné, Thomas regarda le Griffeur se cabrer en crachant de l’huile dans toutes lesdirections.Sespointessortaientetserétractaientendésordre;sesautresbrass’agitaiententoutsens,ettransperçaientparfoissonproprecorps.Sessoubresautss’atténuèrentbientôt,àmesurequ’ilsevidaitdesonsang...oudesoncarburant.

Quelques instants plus tard, il s’arrêta complètement. Thomas n’en revenait pas. C’étaitincroyable.IlvenaitdevaincreunGrifleur,l’undecesmonstresquiterrorisaientlesblocardsdepuisplusdedeuxans.

Iljetauncoupd’œilpar-dessussonépaule.Chucklefixaitavecdesyeuxronds.

—Tul’aseu!s’écrialegarçon.

Chucks’esclaffa,commesicettepetitevictoirerésolvaittousleursproblèmes.ThomassetournaversTeresaquipianotaitdemanièrefrénétiquesurleclavier.Ilcomprittoutdesuitequequelquechosen’allaitpas.

—Qu’est-cequ’ilya?luidemanda-t-il,encriantpresque.

Ilsepenchapar-dessussonépauleetvitqu’elletapaitetretapaitlemotpousser,sansquerienn’apparaisseàl’écran.

Elleindiqualecarrédeverrecrasseux.

—J’aisaisitouslesmotsunparun;ilssontapparusàl’écran,etpuisj’aientenduunbipetilsontdisparu.Maisquandj’écrislederniermot,ilnesepasserien!

Thomassentitsonsangseglacer.

—Hein?Mais...pourquoi?

—Aucuneidée!

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Elleessayaencore.Envain.

—Thomas!hurlaChuckderrièreeux.

ThomasseretournaetvitunGriffeurentraindeseglisserparletrou.LacréatureselaissatombersurlecadavredesoncongénèreetuntroisièmeGriffeurapparutàsasuite.

— Pourquoi c’est si long ? s’écria Chuck avec angoisse. Vous disiez qu’ils seraientdésactivésdèsquevousauriezrentrélecode!

LesdeuxGriffeurs s’étaient relevés, avaient sorti leurspiquants et s’avançaient vers euxdansletunnel.

—ImpossibledetaperlemotPOUSSER,réponditThomas.

—Jenecomprendspas,gémitTeresa.

Les Griffeurs arrivèrent à moins d’un mètre. Thomas, qui sentait son couragel’abandonner, se campasur sespiedset leva lespoingsdansungestedésespéré.Leurplanauraitdûfonctionner.Lecodeauraitdû...

Ilfautpeut-êtrepoussersurcebouton?suggéraChuck.

Thomas, stupéfait, regarda son ami. Le garçon indiquait un endroit au ras du sol, justesousl’écranetleclavier.

AvantmêmequeThomasaitpuréagir,Teresase laissait tomberàgenoux.Dévorépar lacuriosité et envahi par uneboufféed’espoir, Thomas la rejoignit, en tombant à plat ventrepourmieuxvoir. Il entendit lesGriffeursgémiret rugirderrière lui;unepincedéchira sontee-shirt,luiinfligeantunevivedouleur.Ilouvritdegrandsyeux.

Unpetitboutonrougeétaitencastrédans lemuràdixcentimètresdusol.Troismotsenlettresnoiress’étalaient justeau-dessus,tellementévidentsqu’ilnepouvaitpascroirequ’illesavaitratés:ArrêtduLabyrinthe

D’autresdouleursl’arrachèrentàsastupeur.LeGriffeurl’avaitsaisiavecdeuxappendiceset commençait à le traîner vers lui. L’autre s’était emparé de Chuck et s’apprêtait à letransperceraumoyend’unelonguelame.

—Pousse-le!hurlaThomas.

Teresas’exécuta.

Ellepressaleboutonetunsilencetotals’abattitsureux.Etpuis,plusloindansletunnel,onentenditcoulisseruneporte.

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Chapitre58Les Griffeurs s’étaient éteints presque aussitôt: ils avaient rétracté leurs instruments,

coupéleurslumières,etleursmoteursinterness’étaienttus.Etcetteporte...

Thomas,relâchéparsonagresseur,tombarudementparterre,etmalgréladouleurdueàplusieurslacérationsentraversdudosetdesépaules,ilressentituneénormejoie.Ilpoussaunpetitcri,rit,puisétouffaunsanglotavantdes’esclafferdeplusbelle.

Chuck,enreculantloindesGriffeurs,s’étaitcognédansTeresa.Elleleserradanssesbrasàl'étouffer.

—Bravo,Chuck,ditTeresa.Onétait tellementobnubiléspar ce fichucodequ’onn’avaitmêmepaspenséàregarders’ilyavaitquelquechoseàpousser- lederniermot, ladernièrepiècedupuzzle.

Thomasriaittoujours,stupéfaitdepouvoirlefaireaprèscequ’ilsvenaientdetraverser.

—Ellearaison,Chuck.Tunousassauvés,mec!Jet’avaisditqu’onavaitbesoindetoi!(Ilbonditsursespieds,foudejoie,etpritsesamisdanssesbras.)Tuesunputaindehéros!

—Etlesautres?luirappelaTeresaendésignantletroudesGriffeurs.

Thomassentitsonenthousiasmeretomberaussitôt.Ilsetournaversletrou.

Comme en réponse à Teresa, quelqu’un se glissa par l’ouverture: c’étair Minho, quidonnaitl’impressiond’avoirdesentaillessurquatre-vingt-dix-neufpourcentdesoncorps.

—Minho!s’écriaThomas,ivredesoulagement.Tun'asriendegrave?Commentvontlesautres?

Minhos’adossacontrelaparoivoûtéedutunnelenhaletantbruyamment.

—Onaperdupleindegars... Il y adu sangpartout, là-haut...Tous lesGriffeurs se sontéteints d’un seul coup. (Il marqua une pause, prit une grande inspiration et se vida lespoumons.)Vousavezréussi.Jen’enrevienspas!

PuisNewtbonditdansletunnel,suividePoéle-à-frire,deWinstonetd’autres.Bientôt,ilsfurentdix-huitgarçonsàavoirrejointThomasetsesamis,cequifaisaitvingtetunblocardsentout.Ceuxquis’étaientbattusétaientcouvertsd’huiledeGriffeursetdesanghumain,etleursvêtementsétaienttoutdéchirés.

—Etlesautres?demandaThomas,redoutantlaréponse.

—Lamoitiéd’entrenoussontmorts,luiconfirmaNewtàvoixbasse.

Personneneditplusrienpendantunlongmoment.

—Voussavezquoi?repritMinhoenseredressant.Peut-êtrequelamoitiéd’entrenousyestrestée,maislesautressonttoujoursenvie.Personnenes’estfaitpiquer,commeThomasl’avaitprédit.Ons’enestsortis!

«D’accord, songeaThomas,maisàquelprix !»Sa joie l’abandonna, remplacéeparuneimmense tristesse pour la vingtaine de garçons qui venaient de perdre la vie. Il avait beausavoirqu’ilsn’avaientpaseu lechoix,ques’ilsn’avaientpasessayédes’enfuir, ilsseraientprobablement tous morts, cela faisait mal. Un carnage pareil, pouvait-on considérer çacommeunevictoire?

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—Sortonstoutdesuited’ici,suggéraNewt.

—Paroù?demandaMinho.

Thomasindiqualetunnel.

—J’aientenduuneportes’ouvrirdececôté-là.

Ils’efforçaderefoulerlasouffrancedelabataillequ’ilsvenaientderemporter.

—Ehbien,allons-y,s’impatientaMinho.

Etils’éloignadansletunnelsansattendrelaréactiondesautres.

Newthocha la têteet fitsigneauxblocardsde lesuivre. Il lespoussadevant luiunàunjusqu’àcequ’ilneresteplusqueThomas,TeresaetChuck.

—Jevaispasserendernier,ditThomas.

Personneneprotesta.Newt,ChucketTeresas’enfoncèrenttouràtourdansletunnel.Lalumièredeleurstorchesparutavaléeparlagueulesombre.Thomasleuremboîtalepas,sansuncoupd’œilverslesGriffeurs.

Auboutd’uneoudeuxminutesdemarche,ilentendituncri,loindevant,puisunautre,etencore un autre. Ces cris s’estompaient rapidement, comme si ceux qui les émettaienttombaient...

Desmurmuresremontèrentlelongdelafile,jusqu’àTeresa,quiseretournaversThomas.

—Apparemment,letunnelsetermineparuntoboggan.

C’étaitbienunesortedejeu,enfindecompte,sedit

Thomas.Aumoinspourceuxquiavaientconstruitcetendroit.

L’unaprèsl’autre,lesblocardsselaissèrentglisserdanslevideavecungrandcri.PuisvintletourdeNewtetdeChuck.LatorchedeTeresaéclairauntoboggandemétalquidescendaitenpenteraide.

—J’imaginequ’onn'apaslechoix,luidit-ellementalement.

—J’aibienpeurquenon,réponditThomas.Ilespéraitsimplementquecetoboggannelesconduiraitpasversd’autresGriffeurs.

Teresa se lança dans la pente avec un cri presque joyeux, et Thomas la suivit avant dechangerd’avis-çanepourraitpasêtrepirequeleLabyrinthe.

Le toboggan était enduit d’une substance grasse à l’odeur nauséabonde: unmélange deplastiquebrûléetd’huiledemoteur.Ildescenditpiedsdevant,puisessayadeseralentiraveclesmains.Peineperdue,lesmursétaientrecouvertsdelamêmesubstance,etn’offraientpaslamoindreprise.

Les cris des blocards résonnaient le long du boyau qu’ils dévalaient dans le noir. Unsentiment de panique étreignit le cœur de Thomas. Il se voyait en train de glisser dansl’œsophagede quelquemonstre gigantesque, sur le point d’atterrir dans son estomac. Puisl’odeurfutremplacéepardesrelentsdemoisissure.Ils’étranglaetdutfaireunviolenteffortpournepasvomir.

Le tunnel semit à tourner en une spirale grossière, juste assez pour les ralentir, et lespieds de Thomas vinrent cogner la tête de Teresa. Ils descendaient toujours. Le tempssemblaits’étireràl’infini.Lanauséeluibrûlaitl’estomac.Lecontactdelagraissecontresoncorps,l’odeur,lemouvementcirculaire...Ilétaitsurlepointdetournerlatêtepourvomirsur

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lecôtéquandTeresapoussauncriaigu-sansécho,cettefois.Unesecondeplustard,Thomass’envolaithorsdutunneletluiatterrissaitdessus.

Lesblocardsempilés,endésordre,grognaientetsetortillaientpours’extrairedelamasse.ThomasjouadesbrasetdesjambespoursedégagerdeTeresa,rampaencoreunmètreetsevidal’estomac.

Frémissant,ils’essuyalaboucheavecledosdelamainets’aperçutqu’elleétaitrecouverted’une sorte de graisse répugnante. Il s’assit, se frotta les deuxmains par terre, puis il jetaenfin un coup d’œil alentour. Les autres s’étaient déjà regroupés pour découvrir les lieuxensemble.LorsdesaTransformation,Thomasenavaiteuplusieursimagesfugaces.

Ils se trouvaientdansune immensesallesouterraine,quiauraitpucontenirneufoudixfermescommecelleduBloc.Lasalleétaitenvahiepartoutessortesdemachines,decâbles,detuyauxetd’ordinateurs.Àsadroites’alignaientunequarantainedenacellesblanchesquiressemblaientàdescercueils.Enface,ilyavaitdegrandesportesvitrées.

—Regardez!criaquelqu’un.

MaisThomasavaitdéjàvu ; ilavait lagorgenouée, lachairdepouleetunsentimentdepeurquiluigrimpaitsurlanuquecommeunearaignée.

Devant eux, une vingtaine de vitres fumées barraient le mur du fond à l’horizontale.Derrière chacune, une personne se tenait assise et observait les blocards en plissant lespaupières. Thomas frissonna, terrorisé. On aurait dit des fantômes. En colère, affamés,sinistres; des êtres qui n’avaient jamais été heureux de leur vivant, et qui l’étaient encoremoinsdanslamort.

Mais Thomas savait que ce n’étaient pas des fantômes. C’étaient ceux qui les avaientenvoyésauBloc,leurvolantleurvie.

LesCréateurs.

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Chapitre59Thomaseutunmouvementderecul.Unsilencemortelserépanditdanslasalleàmesure

que tous les blocardsdécouvraient la rangéede fenêtres.Thomas vit l’undes observateursprendre des notes sur un calepin, un autre tendre le bras pour attraper ses lunettes. Tousportaient une chemise blanche et une blouse noire avec un mot brodé dessus. Aucunn’affichait la moindre expression. Le teint jaunâtre, décharnés, ils offraient un bien tristespectacle.

Ils continuèrent à scruter les blocards. Un homme secoua la tête, une femme opina duchef.Unautrelevalamainpoursegratterlenez.

—Quisontcesgars-là?murmuraChuck,dont lavoixrésonnaà travers lasalleavecunaccentrauque.

—LesCréateurs,réponditMinho,avantdecracherparterre.Jevaisvouscasserlagueule!cria-t-ilsifortqueThomasfaillitseboucherlesoreilles.

—Qu’est-cequ’onfait?demandaThomas.Qu’est-cequ’ilsattendent?

—IlsontprobablementréactivélesGriffeurs,ditNewt.Cessaletésvontseramenerd’uneminuteà...

Unesonneriegraveretentit,semblableàl’alarmedereculd’uncamion,enbeaucouppluspuissant.Lesonprovenaitdetouteslesdirections.

—Etmaintenant?criaChuck,sanschercheràdissimulersoninquiétude.

Tous se tournèrent vers Thomas. Il haussa les épaules: il ne se rappelait pas tout.Désormais il n’en savait pas plus que les autres. Et il avait tout aussi peur. Il examina leslieuxdehautenbas,pourchercherl’originedelasonnerie.Riennesemblaitavoirchangé.Etpuis,ducoindel’œil,ilvitlesblocardsregarderendirectiondesportes.Ilfitdemême;sonpoulss’accéléraquandils’aperçutquel’unedesportespivotaitdansleurdirection.

La sonnerie s’interrompit et laissa la place à un silence aussi profond que le videintersidéral.Thomasretintsonsouffleetsepréparaaupire.

Deux personnes entrèrent dans la salle, dont une femme à l’allure très ordinaire, vêtued’unpantalonnoiretd’unechemiseblancheavecunlogobrodésurlapoitrine,WICKED,enmajusculesbleues.Sescheveuxchâtainsluiarrivaientauxépaules;elleavaitunvisageétroitetdesyeuxfoncés.Elles’approchasanssourirenifroncerlessourcils:onauraitcruqu’ellenelesavaitpasremarqués,ouqu’ellesemoquaitqu’ilssoientlà.

«Jelaconnais»,songeaThomas.Maissonsouvenirétaitdiffus:ilneserappelaitnisonnom,nisonrapportavecleLabyrinthe;elleluiétaitsimplementfamilière.Etpasseulementdanssonalluremaisaussidanssafaçondemarcher,danssesmanièresrigides.Elles’arrêtaàunmètredesblocardsetlesdétaillaunàun,degaucheàdroite.

Lapersonnequil’accompagnaitétaitungarçonvêtud’unsweat-shirttropgrandpourlui,dontlecapuchondissimulaitlevisage.

—Bienvenuechezvous,déclaraenfinlafemme.Çafaitplusdedeuxans,etvousavezeusipeudemorts.C’estremarquable.

Thomasenrestabouchebéeetrougitdecolère.

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—Pardon?demandaNewt.

EllebalayaànouveaulegroupeduregardavantderamenersonattentionsurNewt.

—Tout s’est déroulé conformément auplan,monsieurNewton.Même si nouspensionsquevousseriezplusnombreuxàrenoncer.

Ellejetauncoupd’œilàsoncompagnon,puistenditlebraspourrabattresoncapuchonenarrière. Il leva la tête, les yeux mouillés de larmes. Tous les blocards poussèrent uneexclamationdesurprise.Thomassentitsesgenouxsedérobersouslui.

C’étaitGally.

Thomas cligna des paupières puis se frotta les yeux, comme un personnage de dessinanimé.Ilétaitsouslechocettremblaitdecolère.

Gally.

—Qu’est-cequ’ilfoutlà,lui?explosaMinho.

—Vousne risquez plus rien ici, déclara la femme comme si elle ne l’avait pas entendu.Vouspouvezvousdétendre,maintenant.

—Nousdétendre?aboyaMinho.Vousêtesqui,pournousdiredenousdétendre?Onveutvoirlapolice,lemaire,leprésident...quelqu’un!

Thomass’inquiétaitunpeudecequeMinhorisquaitdefaire,maisd’unautrecôté, ilneluiauraitpasdépludelevoircollersonpoingdanslafiguredecettefemme.

ElledévisageaMinhoentresespaupièresplissées.

—Tunesaispasdequoituparles,mongarçon.Jem’attendaisàplusdematuritédelapartdequelqu’unquiapassélesépreuvesduLabyrinthe.

Thomas futchoquéparsacondescendance.Minhoouvrit labouchepourrépliquer,maisuncoupdecoudedeNewtlefittaire.

—Gally,ditNewt.Commentçava?

Leuranciencamarade leregarda.Sesyeuxflamboyaient,etsa tête tremblait légèrement;mais il n’eut pas d’autre réaction. « Quelque chose ne tourne pas rond chez lui », pensaThomas.

Lafemmehochalatêteavecfierté.

—Un jour,vousnousserez tous reconnaissantsdecequenousavons faitpourvous.Jevousendonnemaparole,etjepensequevousl’accepterez.Danslecascontraire,celavoudradire que nous nous sommes trompés. Les temps sont durs, monsieur Newton. Très durs.(Ellemarquaunepause.)Naturellement,ilresteunedernièrevariable.

Ellereculad’unpas.

Thomas se focalisa sur Gally. Le garçon tremblaitmaintenant de la tête aux pieds; sonvisage livide faisait ressortir sesyeuxrougiscommedeux tachesdesangsurune feuilledepapier.Seslèvrespincéesfrémissaient,commes’ilessayaitenvaindeparler.

—Gally?fitThomas,ens’efforçantderéprimerlahainequel’autreluiinspirait.

—Ils...mecontrôlent...,bredouillaGally.Je...n’arrivepasà...(Lesyeuxexorbités,ilportalamainàsagorge.Onauraitditqu’ilsuffoquait.)Je...dois...

Chaquemotsemblaitluicoûteruneffortdéchirant.Puisilsetut,sonvisagesedétenditet

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ilparuts’apaiser.

Comme Alby dans son lit, au Bloc, après sa Transformation. Il lui était arrivé lamêmechose.Qu’est-cequipouvaitbien...?

MaisThomasn’eutpasletempsdemenersaréflexionjusqu’aubout.Gallypassalamaindanssondosetsortitdesapochearrièreunobjetscintillant.Leslumièresdelasallelefirentmiroiter: c’était un long couteau d’un aspect redoutable, qu’il tenait fermement entre sesdoigts.Avecunepromptitudeinattendue,ilarmasonbrasetlançalecouteausurThomas.Aumêmeinstant,Thomasentenditcrieràsadroiteetperçutunmouvementverslui.

Lecouteautournoyadanslesairs.Thomasputsuivrechacunedesesrotations,commesile temps s’était ralenti pour lui permettre de s’imprégner de la terreur de cet instant. Lecouteau se rapprochait. Thomas sentit un cri étranglé se former dans sa gorge. Il vouluts’écartermaisenfutincapable.

Etpuis, inexplicablement,Chucksurgitet seplaçadevant lui.Thomasavait l’impressiond’avoirlesdeuxpiedsenfoncésdansdubéton;impuissant,ilnepouvaitqu’assisteràlascènequisedéroulaitdevantlui.

Avecunbruitécœurant, lecouteaus’enfonça jusqu’à lagardedans le torsedeChuck.Legarçon hurla et s’écroula au sol, pris de convulsions. Un flot de sang cramoisi jaillit de laplaie.Sesjambesfrappaientlesol,agitéesdesoubresauts.Uneécumerougeâtremoussaitsurses lèvres.Thomaseut l’impressionque lemondes’écroulait autourde lui et luibroyait lecœur.

Iltombaàgenouxetserralecorpsfrémissantdesonamidanssesbras.

—Chuck!cria-t-ilàs’endéchirerlescordesvocales.Chuck!

Legarçontremblaitdemanièreincontrôlableetsaignaitabondamment;Thomasavaitlesmainstrempées.LesyeuxdeChuckroulèrentenarrièredansleursorbites.Unfiletdesangs’écouladesonnezetdesabouche.

—Chuck...,répétaThomasdansunmurmure.

Ilyavaitforcémentquelquechoseàfaire.Ondevaitpouvoirlesauver.Ondevait...

Legarçonseraiditetcessades’agiter.SesyeuxseposèrentsurThomas.

—Thom...as,souffla-t-ild’unevoixpresqueinaudible.

—Accroche-toi, Chuck, le supplia Thomas.Nemeurs pas, bats-toi !Que quelqu’un aillechercherdel’aide!

Personnenefitungeste.Aufonddelui,Thomassavaitpourquoi.Ilétaittroptard.C’étaitfini.Desmouchesnoiresdansèrentdanssonchampdevision ; la sallebasculaitautourdelui.«Non,songea-t-il.PasChuck.PasChuck.N’importequisauflui.»

— Thomas, murmura Chuck. Retrouve... mamère. (Une quinte de toux le secoua, et ilcrachadusang.)Dis-lui...

Il n’eut pas la force de terminer. Ses paupières se fermèrent, son corps s’affaissa. Underniersoupirs’échappadeseslèvres.

Thomasrestalà,àcontemplerlecorpssansviedesonami.

Unsentimentderageremontadufonddesapoitrine.Uneenviedevengeance.Delahaine.Unechosesombreetterrible,quiexplosaetserépanditdanssespoumons,soncou,sesbrasetsesjambes.Jusquedanssoncerveau.

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ThomasreposaChuck,selevaentremblantetpivotaversleursvisiteurs.

Puisilperditlatête.Complètement.Ildevintfou.

Il bondit, se jeta surGally, lesdoigts recourbés commedesgriffes. Il trouva la gorgedugarçon,laserraetlerenversasurlesol.Ilselaissatomberàcalifourchonsursontorseenluicoinçantlesbrasentresescuisses.Etilsemitàlecogner.

Pendantqu’ilmaintenaitlatêtedeGallyparterreavecsamaingauche,enl’étranglant,ils’acharnaitsursonvisageàcoupsdepoing.Sesphalangescrispéesfrappaientinlassablementles joues et le nez du garçon. Il y eut des os brisés, des giclées de sang, des cris horribles.Thomasn’auraitpassudirelequeldesdeuxcriaitleplusfort,deGallyoudelui.Illecognajusqu’àévacuertoutesarage.

EnfinMinhoetNewtvinrentl’arracheràsavictime.Ilcontinuaàfrapperdanslevide.Ilsle traînèrent sur le sol; il se débattit, rua, leurhurlade le laisser tranquille. Son regardnequittaitpasGallyquigisaitsurlesol,immobile.Thomaspouvaitsentirsahainesedéversersurlui,commeunelignedeflammequilesauraitreliéstouslesdeux.

Etpuiscommeça,brusquement,safolielequittaetilnepensaplusqu’àChuck.

IlrepoussaMinhoetNewtetcourutauprèsdesonami.Illesaisitsansfaireattentionausangniàsonexpressionfigée.

—Non!criaThomas,dévoréparlechagrin.Non!

Teresaposalamainsursonépaule.Ilsedégagead’unesecousse.

—Je luiavaispromis!gémit-il.Je luiavaispromisde lesauver,de leramenerchez lui !J’avaisdonnémaparole!

Teresasecontentadehocherlatête,lesyeuxfixésausol.

ThomasserraChuckcontrelui,detoutessesforces,commesiçapouvaitlefairerevenir,ouluitémoignersagratitude.Illesavaitsauvés,avaitétésonseulamiàsonarrivéedansleBloc.

Thomaspleura comme jamais. Ses sanglots douloureux envahirent la salle en soulevantdeséchosd’unetristesseinfinie.

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Chapitre60AuBloc,Chuckétaitdevenuunrepèrepourlui:lesymbolequ’ilsparviendraientunjourà

retrouver une vie normale. Dormir dans un lit. Se faire embrasser par leurs parents aumomentdu coucher.Mangerdesœufsaubaconpour lepetitdéjeuner, aller au lycée.Êtreheureux.

Maisvoilà,Chuckétaitmort.Soncadavre,queThomasn’avaittoujourspas lâché,n’étaitplusqu’unmauvaisprésage,lesignequenonseulementcesespoirsd’unavenirradieuxneseconcrétiseraientpas,maisque leurexistencen’avaitde toute façon jamaisétéheureuse.Etquemêmes’ilss’évadaient,ilsneconnaîtraientquelemalheur,etuneviedesouffrance.

Iln’yavaitpasbeaucoupd’espoiràretirerdessouvenirsqu’ilavaitretrouvés.

Pour Teresa, comme pour Newt et Minho, Thomas dompta sa douleur et l’enferma àdoubletourauplusprofonddelui-même.Quellesquesoientlesépreuvesquilesattendaient,ilslesaffronteraientensemble.Encetinstantc’étaitlaseulechosequicomptait.

IlreposaChucksur lesolenévitantderegarder lachemisedesonami,noiredesang.Ilessuyaleslarmessursesjouesetsefrottalesyeux.Quandilrelevalatête,ilvitTeresaetsesimmensesyeuxbleuspleinsdetristesse-pourluiautantquepourChuck.

Ellesepenchaetluitenditlamainpourl’aideràserelever.Quandilfutdebout,ellegardasamaindanslasienne.Luinonplusn’avaitpasenviedelalâcher.Illuipressalesdoigtspouressayer de lui transmettre ce qu’il éprouvait. Ils n’échangèrent pas un mot ; ils restèrentplantés làdevant le corpsdeChuck, sansmanifester lamoindre émotion,bienau-delàdessentiments.Ilsn’eurentpasunregardpourGally,immobile,maisquirespiraitencore.

CefutlafemmeàlachemiseimpriméeWICKEDquibrisalesilence.

—Leschosesn’arriventjamaissansraison,déclara-t-elle,sansplusaucunetracedemalicedanslavoix.Vousdevezlecomprendre.

Thomasladévisageaenconcentranttoutesahainedanssonregard.

Teresaposasamainlibresursonbras.

—Etmaintenant?demanda-t-elle.

—Jenesaispas,répondit-il.Jenepeuxpas...

Il fut interrompupardes cris et desbruitsde luttede l’autre côtédesportes vitrées.Lafemmeblêmitetseretournaavecuneexpressionpaniquée.Thomassuivitsonregard.

Plusieurs hommes et femmes vêtus de jeans crasseux et de manteaux trempés firentirruptiondanslasalle.Ilsbrandissaientdesarmesàfeuetcriaient.Leursarmes-quelquesfusils, des pistolets - semblaient... rustiques, archaïques. Un peu comme des jouetsabandonnésdanslaforêtpendantdesannées,etqu’unenouvellegénérationd’enfantsauraitdécouvertspourjoueràlaguerre.

Deuxd’entreeuxplaquèrentausollafemmeaulogoWICKEDsousleregardstupéfaitdeThomas.Puisl’und’euxserecula,armasonpistoletetvisa.

«Non,seditThomas.Ilsnevontquandmêmepas...»

Plusieursdétonationsrésonnèrentdanslasalle.Lafemmeétaitmorte:ellebaignaitdansunemaredesang.

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Thomasreculaentrébuchant.

Unhommes’approchadesblocardstandisquelesautressedéployaientautourd’euxetsemettaient à tirer en direction des fenêtres d’observation. Les vitres volèrent en éclats.Thomasentenditdeshurlements,vitgiclerlesang.Ildétournalesyeuxpourobserverceluiquivenaitleurparler.L’hommeavaitlescheveuxbruns,levisagejeuneencore,maisavecdepetitesridessoucieusesaucoindesyeux.

—Jen’aipas le tempsdevousexpliquer, leur lança-t-il,d’unevoixaussi tenduequesestraits.Suivez-moi,etcourezcommesivotrevieendépendait.Parcequejepeuxvousgarantirquec’estlecas.

Là-dessus, iladressaquelquessignesàsescompagnonspuis tourna les talonsetrepassalesportesvitréesaupasdecourse,enbraquantsonarmedevantlui.D’autresdétonationsetrâles d’agonie continuaient à résonner dans la pièce. Thomas s’efforça de les ignorer et desuivrelesinstructions.

—Allez!leurcrial’undeleurs«sauveurs»-cefutlemotquivintspontanémentàl’espritdeThomas.

Aprèsunetrèsbrèvehésitation, lesblocardsobéirentetseruèrentenpagaillehorsde lapièce, leplus loinpossibledesGriffeursetduLabyrinthe.Thomas,quin’avait toujourspaslâchélamaindeTeresa,courutderrièreeux.Ilsn’eurentpasd’autrechoixqued’abandonnerlecorpsdeChuck.

Ils suivirent un couloir, un escalier, d’autres couloirs. Thomas ne ressentait plus qu’ungrandvide.Ilcouraitmachinalement.

Ilscontinuèrentainsi,guidésparleurssauveurs,encouragéspard’autresàl’arrière.

Ilsfranchirentuneportevitréeetsortirentdanslanuitnoire.

Il tombait des cordes ; on ne voyait rien, sinon quelques reflets tremblotants dans lesflaquesd’eaumarteléesparlapluie.

Lechefs’arrêtadevantungrandbusauxflancsrayésetcabossés,dontlaplupartdesvitresétaientfendues.Ruisselantdepluie,levéhiculeressemblaitàunmonstregigantesquesurgidel’océan.

—Grimpez!leurcrial’homme.Vite!

Ilssemassèrentàlaporteavantdemonterunparun.Celaprituneéternité;lesblocardssebousculaientlesunslesautrespourgravirlestroismarchesets’installersurlessièges.

Thomasvenaitendernier,justederrièreTeresa.Illevalatêteverslecieletlaissalapluieluicingler levisage:elleétaittiède,presquechaude,etcurieusementépaisse.Ilsortitdesatranseetrepritsesesprits.Ilseconcentrasurlebus,surTeresa,surl’évasion.

Ilavaitpresqueatteintlaportequandunemains’abattitsursonépauleetl’empoignaparletee-shirt.Tiréenarrière,ilpoussauncrietlâchaTeresa.Ellepivotajusteàtempspourlevoirs’étalerausoldansunegerbed’éclaboussures.UnevivedouleurremontadanslesreinsdeThomastandisqu’unvisagedefemme,àl’envers,venaitsepenchersurluietluiboucherlavue.

Lescheveuxgrasdelafemmeluifrôlèrentlefront.Unepuanteuratroced’œufspourrisetde lait tourné luiemplit lesnarines.La femmeseredressasuffisammentpourque la lueurd’unelampetorchedévoilesestraits.Sapeaupâleetfripéeétaitcouverted’ulcèrespurulents.

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Uneterreurglacées’emparadeThomas,quidemeurapétrifié.

—Z’alleztousnoussauver!hurlalafemmeencouvrantThomasdepostillons.Z’alleztousnoussauverd’iaBraise!

Elleéclatad’unriregrinçantquiressemblaitàunequintedetoux.

Ellehurlaquand l’undessauveteurs l’empoignaàdeuxmainset l’arrachaàThomas.Cedernierrecouvraassezdesang-froidpoursereleverd’unbond.IlreculaetsecognaàTeresa;ilregardaitl’hommeentraînerlafemme,quisedébattaitfaiblement.Elletenditledoigtversluiencriant:

—Lescroyezpas,surtout!Z’alleznoussauverd’laBraise!

Auboutdequelquesmètres,l’hommejetalafemmeparterre.

—Restelàoujetedescends!lamenaça-t-il.(PuisilsetournaversThomas:)Montedanslebus!

Terrifiéparl’incident,tremblantcommeunefeuille,ilsuivitTeresaàborddubus.Onlesdévisageaavecdesyeuxrondstandisqu’ilss’avançaiententrelessiègesjusqu’àlabanquettearrière,oùilsselaissèrenttombercôteàcôte.Lapluietambourinaitsurletoit.Uneeaunoireruisselaitsurlesvitres.Letonnerreébranlaitlecielau-dessusd’eux.

—Qu’est-cequ’ellevoulait?demandamentalementTeresa.

Désemparé,ilsecontentadesecouerlatête.LimagedeChucks’imposadenouveauàlui,chassantcelledelafolle.Sonhumeurs’assombritencore.Ilsemoquaitdetout;iln’éprouvaitmêmeaucunsoulagementàs’êtreenfuiduLabyrinthe.Chuck...

Unefemmes’assitdel’autrecôtédel’allée.Lechefs’installaauvolantetdémarra.Lebussemitàrouler.

À cet instant, Thomas distingua un mouvement dehors. La femme couverte d’ulcèress’étaitrelevéeetcouraitseplacerdevantlebusenagitantlesbras.Sescrisfurentnoyésparlegrondementdel’orage.Unelueur-dedémenceoudeterreur-brillaitdanssesyeux.

Thomassepenchacontrelecarreau,lorsqu’illavitdisparaîtreàl’avantdubus.

—Attendez!cria-t-il.

Maispersonnenel’entendit;oupeut-êtrequetoutlemondes’enmoquait.

Le chauffeur écrasa la pédale de l’accélérateur. Le bus fit une embardée et renversa lamalheureuse.UnpremiercahotfaillitjeterThomasaubasdesonsiègequandlesrouesavantpassèrent sur le corps, suivi d’undeuxième soubresaut... les roues arrière. Sansunmot, lechauffeurpassaunevitesseetlebuss’enfonçadanslanuitdiluvienne.

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CHAPITRE61L’heuresuivantepassacommeuntourbillond’imagesetdesonspourThomas.

Le chauffeur conduisait à une vitesse insensée, à travers des villages et des villesdifficilement visibles à travers le rideau de pluie. Les lumières et les bâtiments leurapparaissaient déformés derrière les vitres ruisselantes, comme une hallucination. À unmoment, des gens affluèrent autour du bus, dépenaillés, les cheveux en pagaille, couvertsd’ulcèresétrangessemblablesàceuxde la folle.L’air terrorisé, ilsmartelaient les flancsduvéhiculecommes’ilsvoulaientmonteràbord,échapperàl’existenceterriblequiétaitlaleur.

Lebusneralentitpas.Teresademeuraitsilencieuse.

Thomas trouva enfin assez de cran pour s’adresser à la femme assise de l’autre côté del’allée.

—Quesepasse-t-ilici?demanda-t-il,nesachantpascommentleformulerautrement.

Lafemmesetournaverslui.Sescheveuxtrempéspendaientenmèchesnoiresautourdesonvisage.Sesyeuxsombresétaientremplisdechagrin.

— Oh, c’est une longue histoire, répondit-elle d’une voix beaucoup plus aimable queThomasnes’yattendait,cequiluifitespérerqueleurssauveursétaienttousdesamis.

Mêmes’ilsavaientécrasédesang-froidunepauvrefemme.

—Jevousenprie,intervintTeresa.Racontez-nous.

Lafemmelesregardatouràtour,avantdesoupirer.

—Ilvavous falloirunmomentpour retrouver lamémoire, sivous la retrouvezun jour.Nousnesommespasdessavants,nousn’avonsaucuneidéedecequ’ilsvousontfaitnidecommentilss’ysontpris.

LecœurdeThomasseserraàl’idéequ’ilneretrouveraitpeut-êtrejamaislamémoire.

—Quisontcesgens?

Leregarddelafemmedevintvague.

—Toutçaremonteauxgrandeséruptionssolaires,répondit-elle.

—Qu’est-ceque...?commençaTeresa.

Thomasluifitsignedesetaire.

Lafemmesemitàraconter,presqueentranse.

—Ellesonteulieudemanièreimprévisible.Ilyatoujourseudeséruptionssolaires,maiscelles-ci étaient gigantesques, d’une intensité sans précédent. Quand on les a remarquées,leur chaleur n’était plus qu’à quelques minutes de la Terre. Les satellites ont brûlé enpremier. Desmilliers de gens sontmorts tout de suite, et desmillions en quelques jours,pendantquedespaysentierssetransformaientendéserts.Après,ilyaeulamaladie.

Ellefitunepause,letempsdereprendresonsouffle.

—Quandl’écosystèmes’esteffondré,ilestdevenuimpossibledecontrôlerlamaladie-oumêmedelacontenirenAmériqueduSud.Lajungleavaitdisparumaispaslesinsectes.Onl’appellelaBraise,aujourd’hui.C’estunechosehorrible,horrible.Seulslesplusrichesontlesmoyensde sepayerun traitement. Iln’existeaucun remède.Àmoinsque les rumeursqui

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nousviennentdesAndessoientfondées.

Thomas,latêtepleinedequestions,sentaitmonterenluiunsentimentd’horreur.Malgrétout,ilsecontentad’écouterpendantquelafemmepoursuivaitsonrécit.

—Quantàvous, vousn’êtesquequelquesorphelinsparmidesmillions. Ils enont testédesmilliers,maisvousavezdécrochévotreplacepourlederniertest.Toutcequevousavezsubiaétésoigneusementpenséetcalculéafind’étudiervosréactions,vosondescérébrales,vospensées.ToutçapouraidernoschercheursàdécouvrirunremèdecontrelaBraise.

Ellerepoussaunemèchedecheveuxderrièresonoreille.

—Laplupartdessymptômesphysiquessontidentiques.Çacommenceparundélire,puisl’instinctanimalremplacelesréflexesconditionnés.Pourfinir,lamaladiedétruitl’humanitédelavictime.Toutçasedérouleentièrementdanslecerveau.LaBraisevitdanslecerveau.C’estvraimentunesaloperie;jepréfèreencoremourirquel’attraper.

LafemmeposalesyeuxsurThomas,puissurTeresa,puisdenouveausurThomas.

—Iln’estpasquestionde les laisser infliger çaàdesenfants.Ona jurédecombattre leWICKEDcoûteque coûte.Onne veutpasperdrenotrehumanité, quelque soit le résultatfinal.

Ellecroisalesmainssursesgenoux.

—Onvousendiraplusunpeuplustard.NousvivonsloindansleNord.IlyadesmilliersdekilomètresentrelesAndesetnous.OnappelleçalaTerreBrûlée;elleestplusaumoinscentrée autour de l’équateur. Ce n’est plus qu’un désert de poussière, infesté de sauvagescontaminéspar laBraise.Nousessayonsde latraverser,àlarechercheduremède.Maisenattendant, nous sommes résolus à combattre le WICKED et à mettre un terme à sesexpériences.(ElledévisageaThomas,puisTeresa.)Nousespéronsquevousdéciderezdevousjoindreànous.

Là-dessus,ellesedétournaetregardaparlafenêtre.

Thomas adressa un regard inquisiteur à Teresa. Celle-ci se contenta de secouer la tête,avantdes’appuyercontresonépauleetdefermerlesyeux.

—Jesuistropfatiguéepourréfléchir,dit-elle.Pourl’instant,jesuissimplementheureused’êtreensécurité.

—J’espèrequ’onl’est,répondit-il.Jel’espèrevraiment.

Bientôt,ellesemitàronflerdoucement.Lui-mêmesavaitqu’iln’arriveraitpasàtrouverlesommeil.Ilétaitenproieàtantd’émotionsqu’ilneparvenaitpasàenidentifieruneseule.Néanmoins, c’était toujoursmieux que la sensation de vide qu’il avait connue plus tôt. Ilcontempla la pluie et la nuit noire derrière la vitre, en retournant dans sa tête lesmots «Braise », « maladie », « tests », « Terre Brûlée » et « WICKED ». Il espérait que leursituations’amélioreraitparrapportàcellequ’ilsavaientvécuedansleLabyrinthe.

Mais alors qu’il était ballotté par les mouvements du bus, sentant la tête de Teresarebondir contre sonépauleà chaquecahot, l’entendantgémiraumilieudesmurmuresdesconversations,sespenséesrevenaientenpermanenceaumêmesujet.

Chuck.

*

Deuxheuresplustard,lebuss’arrêta.

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Ilssetrouvaientsurunparkingboueuxdevantunbâtimentbanalquicomportaitplusieursrangéesdefenêtres.Leurssauveursconduisirentlesdix-neufgarçonsetlafilleàl’intérieuretles firentmonter à l’étage, dans un immense dortoir où des lits superposés s’alignaient lelong du mur. Des placards et des tables bordaient le mur d’en face. Les fenêtres étaientvoiléespardesrideaux.

Thomas découvrit tout cela avec détachement. Il était bien au-delà de la surprise et del’émerveillement.

L’endroitétaitpourtanttrèscoloré:lesmursjaunevif,lescouverturesrouges,lesrideauxverts...AprèslagrisailleuniformeduBloc,onauraitditqu’onlesavaitconduitsaucœurd’unarc-en-ciel. Devant un tel décor, devant ces placards et ces lits, ils éprouvaient un étrangesentimentdenormalité.C’étaitpresquetropbeaupourêtrevrai.Minhodéclara:

—J’ail’impressiondemeretrouverauparadis.

Thomasavaitdumalàéprouverdelajoie.MaisMinhoavaitraison.

Lechefde leurssauveurs laissa lesblocardsentre lesmainsdupersonneltoutsourires :un petit groupe de neuf hommes et femmes en pantalon noir et chemise blanche, auxcheveux,auvisageetauxmainsparfaitementpropres.

Les couleurs, les lits, le personnel... Thomas sentit un bonheur impossible tenter des’insinuerenlui.Unegrossetachesombresubsistaitnéanmoins,unpuitsdenoirceurquinese comblerait peut-être jamais: le souvenir de Chuck et de sa mort brutale. Son sacrifice.Malgré ça, malgré ce que la femme leur avait raconté dans le bus, Thomas se sentit ensécuritépourlapremièrefoisdepuissasortiedelaBoîte.

On leur attribua leurs lits, on leurdistribuadeshabits etunnécessairede toilette et onleurservitundîner.Delapizza.Unebonnepizzabiengrasseàs’enmettreplein lesdoigts.Thomas, en proie à une faim dévorante, en savoura chaque bouchée. Autour de lui, lasatisfaction et le soulagement des blocards étaient palpables. La plupart demeuraientsilencieux,commes’ilsredoutaientdefairetoutdisparaîtrerienqu’enparlant.Maisonvoyaitdessouriressurtouslesvisages.Thomasétaitsihabituéaudésespoirqu’iltrouvaitpresquetroublantdevoirautantdeminesréjouies.Surtoutlorsquelui-mêmeavaittantdemalàsesentirheureux.

Quandonvintleurdireaprèslerepasqu’ilétaitl’heured’alleraulit,personneneprotesta.

Luipasplusquelesautres.Ilavaitl’impressionqu’ilpourraitdormirdurantunmois.

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CHAPITRE62ThomaspartageaunlitsuperposéavecMinho,qui insistapourdormirenhaut ;Newtet

Poêle-à-frire étaient juste à côté. Le personnel, qui avait attribué une chambre séparée àTeresa,l’entraînaavantmêmequ’elleaitpusouhaiterbonnenuitàsesamis.Ellen’étaitpaspartiedepuistroissecondesqu’ellemanquaitdéjààThomas.

Ils’installaconfortablemententresesdraps.

—Hé,Thomas,l’appelaMinhodepuislacouchetteduhaut.

Ilétaitsiépuiséquesaréponsefutpresqueinaudible:

—Oui?

—Àtonavis,qu’est-cequiestarrivéàceuxquisontrestésauBloc?

Thomas n’y avait pas réfléchi. Il avait été trop préoccupé par Chuck, et à présent parTeresa.

—Jenesaispas.Maisvulenombredevictimesqu’ilafallurienquepourvenirjusqu’ici,jen’aimeraispasêtreàleurplace.LesGriffeursdoiventprobablementserégaler.

Ladésinvoltureaveclaquelleildisaitçalestupéfiaitlui-même.

—Tucroisqu’onestensécuritéaveccesgars-là?demandaMinho.

Thomaspritletempsderéfléchir.Iln’yavaitqu’uneseuleréponseàdonner.

—Oui,jepense.

Minho ajouta quelque chosemais Thomas ne l’écoutait plus. Assommé de fatigue, il seremémoraitsonbrefséjourdansleLabyrinthe,sonexpériencedecoureuretàquelpoint,dèssonpremier soir auBloc, il avait désiré cette nomination. Il avait l’impressionque tout çaremontaitàunsiècle,ouqu’ill’avaittoutsimplementrêvé.

Desmurmures flottaient à travers le dortoir,mais pour Thomas ils semblaient provenird’unautremonde.Il fixa les lattesdusommierau-dessusde luietsentitqu’ils’endormait.CommeilvoulaitencoreparleràTeresa,illuttacontrelesommeil.

—Tachambreestbien?demanda-t-il.J’auraistellementpréféréquetusoislà.

—Ahoui?répliqua-t-elle.Avectouscesgarçonsquipuent?Mercibien.

—Hum,tun’aspastoutàfaittort...

Illasentitrireetregrettadenepaspouvoirenfaireautant.Ilyeutunlongsilence.

—JesuisvraimentdésoléepourChuck,finit-ellepardire.Sonchagrinlesubmergea,etilfermalesyeuxens’enfonçantdanscettenuitdesouffrance.

—Ilétaittellementénervant,parmoments,dit-il.

IlrepensaàlasoiréeoùChuckavaiteffrayéGallydanslasalledebains.

—Maisçafaitmal.Commesij’avaisperdumonpetitfrère.

—Jesais.

—Jeluiavaispromis...

—Arrête,Tom.

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Il aurait bien voulu queTeresa lui remonte lemoral, trouveune formulemagique pouratténuersapeine.

—Arrêteavec cettehistoiredepromesse.Lamoitiéd’entrenous s’en est tirée.On seraittousmortssionétaitrestésdansleLabyrinthe.

—Chucknes’enestpassorti,lui,rétorquaThomas.

Ilsesentaitd’autantpluscoupablequ’ilauraitvolontierséchangén’importequelblocarddudortoircontreChuck.

—Ilestmortpourtesauver.C'étaitsonchoix.Negaspillepaslachancequ’ilt’adonnée,ditTeresa.

Thomassentitleslarmess’accumulersoussespaupières;l’uned’ellesroulalelongdesatempejusquedanssescheveux.Unelongueminutes’écoulasansqu’ilsnedisentrien.Puisilreprit:

—Teresa?

—Oui?

Ilavaitunpeupeurdeluidirecequ’ilpensait,maisillefitquandmême.

—J’aimeraismesouvenirdetoi.Enfin,denous.Tusais...commeonétaitavant.

—Moiaussi.

—J’ail’impressionqu’onétait...

Ilnesavaitpluscommentl’exprimer.

—Jesais.

—Jemedemandecequinousattenddemain.

—Onledécouvriradansquelquesheures.

—Oui.Allez,bonnenuit,Teresa.

Ilauraitvoululuidireplus,beaucoupplus.Maislesmotsnevenaientpas.

— Bonne nuit, dit-elle alors que les lumières s’éteignaient. Thomas roula sur le flanc,heureuxqu’onnepuissepasvoirl’expressionsursonvisage.

Pasvraimentunsourire,pastoutàfaitdubonheur.Maispresque.

Etpourl’instant,«presque»luisuffisaitlargement.

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ÉPILOGUENotedeserviceduWICKED,27/01/32,22h45

À:Mesassociés

De:AvaPaige,chancelière

Sujet:ConsidérationssurlesépreuvesduLabyrinthe,groupeA

Jecroisquenousseronstousd’accordpourconvenirquelesépreuvesontétéunsuccès.Vingtsurvivants,tousparfaitementqualifiéspourlasuiteduprogramme.Lesréactionsauxvariablesontétésatisfaisantesetencourageantes.Lemeurtredugarçonet le«sauvetage»nous ont offert un excellent final. Nous avions besoin de les pousser à leurs limites pourconnaîtreleursréactions.Honnêtement,jesuisstupéfaitedeconstaterqu’enfindecompte,envers et contre tout, nous avons pu réunir un tel échantillon de gamins qui n’ont jamaisbaissélesbras.

Curieusement,lefaitdelesvoirainsisecroiretirésd’affaireestpeut-êtrelepluspénibleàobserver. Mais ce n’est pas le moment d’avoir des scrupules. Pour le bien de tous, nousdevonscontinuer.

J’ai une préférence concernant la désignation de leur chef, mais je m’abstiendrai de lamentionner,nevoulantpasinfluencerladécision.Pourmoi,entoutcas,lechoixestévident.

Noussommestousconscientsdel’enjeu.Pourmapart,jemesensencouragée.Rappelez-vousceque la filleaécrit sursonbrasavantdeperdre lamémoire.L’idéeà laquelleelleachoisideseraccrocher:WICKEDisgood,leméchantestbon.

Tôtoutard,lessujetsserappellerontetcomprendronttoutcequenousleuravonsinfligéetprévoyonsencoredeleurfairesubir.LamissionduWICKEDestdeserviretdepréserverl’humanité,àn’importequelprix.Encesens,oui,noussommes«bons».

Faites-moipartdevosréactions.Lessujetsvontsevoiraccorderunenuitdereposavantlamiseenœuvredelaphase2.Pourl’instant,autorisons-nousànourrirunespoir.

LesrésultatsdugroupeBontététoutàfaitextraordinaireseuxaussi.Ilmefautencoreunpeudetempspourtraiterlesdonnées,maisnouspourronsendiscuterdemainmatin.

Àdemain,donc.

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REMERCIEMENTSÀ mon éditrice et amie Stacy Whitman, pour m’avoir ouvert les yeux sur tout ce qui

m’échappait.

ÀJacobyNielsen,fanfidèle,poursonretouretsonsoutienpermanent.

ÀmescollèguesauteursBrandonSanderson,AprilynnePike,JulieWright,J.ScottSavage,SaraZarr,EmilyWingSmithetAnneBowen,pourêtrelà.

Àmonagent,MichaelBourret,pouravoirfaitdemonrêveuneréalité.

UngrandmerciégalementàLaurenAbramoetàtoutel’équipedeDystel&Goderich.

Et à Krista Marino, pour son travail de correction qui dépasse l’imagination. Tu es ungénie,ettonnommériteraitdefigurersurlacouvertureaveclemien.