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LES éPILEPSIES-ABSENCES DOSSIER 240 Neurologies • Avril 2011 • vol. 14 • numéro 137 SYNDROMES éPILEPTIQUES AVEC ABSENCES L’éPILEPSIE-ABSENCE DE L’ENFANT (EAE) Le début se situe généralement entre 4 et 8 ans. Les épisodes de rupture de contact sont isolés ou associés à des clonies des pau- pières sans valeur pronostique particulière. Les absences sont pluriquotidiennes, favorisées par l’hyperpnée. L’EEG intercri- tique est généralement normal, il peut tout au plus retrouver quelques rares pointes-ondes généralisées, mais il doit être correctement organisé. Au cours des absences, on retrouve des pointes-ondes généralisées à 3 Hz de début et fin brutaux. La guérison est la règle, la surve- nue de crises généralisées (dans 40 % des cas environ), est un élé- ment péjoratif (1). L’EAE est une épilepsie généra- lisée d’origine génétique dans la nouvelle classification des épilepsies proposée par la Ligue internationale contre l’épilepsie. L’origine génétique de ces épi- *Service de Neurologie Pédiatrique, Hôpital de la Timone, Marseille lepsies est attestée par la grande fréquence de cas familiaux ; cependant, les formes mono- géniques sont exceptionnelles et, la plupart du temps, il s’agit de formes familiales d’hérédité complexe. Ainsi, au sein d’une même famille, peuvent cohabi- ter plusieurs types d’épilepsies génétiques : convulsions fébriles plus, épilepsie avec crises géné- ralisées, épilepsie myoclonique juvénile et épilepsie-absence de l’enfant ou de l’adolescent. Plusieurs anomalies génétiques ont été associées à la survenue d’EAE, le plus souvent au sein d’autres crises généralisées, avec une pénétrance incomplète. Une mutation dominante du gène codant pour la sous-unité gamma du récepteur GABA-A (GABRG2) a été identifiée dans une famille de GEFS plus avec plusieurs individus présentant des absences (2). Une anomalie dominante de GABRB3 a été re- trouvée dans une famille d’EAE avec myoclonies palpébrales et photosensibilité (3). Des variants alléliques du gène CACNA 1H ont été associés à la survenue d’EAE et sont considé- rés comme des facteurs de sus- ceptibilité, plus que des facteurs étiologiques (4). L’éPILEPSIE-ABSENCE JUVéNILE Les absences débutent après 8 ans. Elles sont souvent moins nombreuses et plus longues que dans l’EAE. La persistance des absences à l’âge adulte est plus fréquente (30 à 50 %), ainsi que la survenue de crises générali- sées (1). L’éPILEPSIE MYOCLONIQUE JUVéNILE (EMJ) Cette épilepsie débute, après 12 ans, par des myoclonies et des crises généralisées tonico- cloniques, le plus souvent mati- nales. Les absences sont rappor- tées dans 1/3 des cas, mais elles sont rarement au premier plan. Deux gènes ont été associés aux EMJ : GABRA1 en 2002 et EFHC1 en 2004, mais de nombreux autres loci de susceptibilité exis- tent pour cette épilepsie (5, 6). LES ABSENCES “MYOCLONIQUES” L’âge de début est globalement celui de l’EAE, mais les absences sont associées à des secousses myocloniques des membres su- périeurs. Il existe un retard men- tal dans plus de 50 % des cas ; il s’agit probablement dans ce cas d’un trouble du développement neurologique et non d’une épi- 2 Les absences chez l’enfant Le diagnostic étiologique n La mise en évidence d’absences chez l’enfant doit être suivie par une démarche syndromique qui tient compte de l’âge de début, de la séméiologie des crises, de l’examen neurologique, du développement psychomoteur et de l’EEG intercritique et critique. Il est donc indispensable de pouvoir enregistrer des absences avant de débuter un traitement et un éventuel bilan étiolo- gique. Mathieu Milh et Nathalie Villeneuve*

les absences chez l’enfant - neurologies.fr · mots-clés : Epilepsie-absence de l’enfant, Epilepsie-absence juvénile, Epilepsie myoclonique juvénile, absences myocloniques,

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Les épiLepsies-absences

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240� Neurologies • Avril 2011 • vol. 14 • numéro 137

SynDROmES épIlEptIquES avEc abSEncES

L’épiLepsie-absence de L’enfant (eae)Le début se situe généralement entre 4 et 8 ans. Les épisodes de rupture de contact sont isolés ou associés à des clonies des pau-pières sans valeur pronostique particulière. Les absences sont pluriquotidiennes, favorisées par l’hyperpnée. L’EEG intercri-tique est généralement normal, il peut tout au plus retrouver quelques rares pointes-ondes généralisées, mais il doit être correctement organisé. Au cours des absences, on retrouve des pointes-ondes généralisées à 3 Hz de début et fin brutaux. La guérison est la règle, la surve-nue de crises généralisées (dans 40 % des cas environ), est un élé-ment péjoratif (1).

L’EAE est une épilepsie généra-lisée d’origine génétique dans la nouvelle classification des épilepsies proposée par la Ligue internationale contre l’épilepsie. L’origine génétique de ces épi-

*Service de Neurologie Pédiatrique, Hôpital de la Timone, Marseille

lepsies est attestée par la grande fréquence de cas familiaux ; cependant, les formes mono-géniques sont exceptionnelles et, la plupart du temps, il s’agit de formes familiales d’hérédité complexe. Ainsi, au sein d’une même famille, peuvent cohabi-ter plusieurs types d’épilepsies génétiques : convulsions fébriles plus, épilepsie avec crises géné-ralisées, épilepsie myoclonique juvénile et épilepsie-absence de l’enfant ou de l’adolescent. Plusieurs anomalies génétiques ont été associées à la survenue d’EAE, le plus souvent au sein d’autres crises généralisées, avec une pénétrance incomplète. Une mutation dominante du gène codant pour la sous-unité gamma du récepteur GABA-A (GABRG2) a été identifiée dans une famille de GEFS plus avec plusieurs individus présentant des absences (2). Une anomalie dominante de GABRB3 a été re-trouvée dans une famille d’EAE avec myoclonies palpébrales et photosensibilité (3). Des variants alléliques du gène CACNA 1H ont été associés à la survenue d’EAE et sont considé-rés comme des facteurs de sus-ceptibilité, plus que des facteurs étiologiques (4).

L’épiLepsie-absence juvéniLeLes absences débutent après 8 ans. Elles sont souvent moins nombreuses et plus longues que dans l’EAE. La persistance des absences à l’âge adulte est plus fréquente (30 à 50 %), ainsi que la survenue de crises générali-sées (1).

L’épiLepsie myocLonique juvéniLe (emj)Cette épilepsie débute, après 12 ans, par des myoclonies et des crises généralisées tonico-cloniques, le plus souvent mati-nales. Les absences sont rappor-tées dans 1/3 des cas, mais elles sont rarement au premier plan. Deux gènes ont été associés aux EMJ : GABRA1 en 2002 et EFHC1 en 2004, mais de nombreux autres loci de susceptibilité exis-tent pour cette épilepsie (5, 6).

Les absences “myocLoniques”L’âge de début est globalement celui de l’EAE, mais les absences sont associées à des secousses myocloniques des membres su-périeurs. Il existe un retard men-tal dans plus de 50 % des cas ; il s’agit probablement dans ce cas d’un trouble du développement neurologique et non d’une épi-

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2 les absences chez l’enfantLe diagnostic étiologique

n La mise en évidence d’absences chez l’enfant doit être suivie par une démarche syndromique

qui tient compte de l’âge de début, de la séméiologie des crises, de l’examen neurologique, du

développement psychomoteur et de l’EEG intercritique et critique. Il est donc indispensable de

pouvoir enregistrer des absences avant de débuter un traitement et un éventuel bilan étiolo-

gique.� Mathieu Milh et nathalie Villeneuve*

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lepsie idiopathique, qu’il faut considérer comme tel sur le plan étiologique (1).

Le syndrome de doose : épiLepsie myocLono-astatiqueElle débute entre 2 et 5 ans par des crises tonico-cloniques, des chutes myoclono-astatiques et parfois des crises toniques. Les absences sont rarement au pre-mier plan. L’EEG intercritique montre une activité de fond lente et des bouffées de pointe-ondes généralisées à 2Hz. L’en-registrement des crises myoclo-no-astatiques est indispensable pour porter le diagnostic. L’évolution est en règle favorable en quelques années (1).

Le syndrome de Lennox-GastautL’âge de début se situe entre 2 et 8 ans. Il débute par des crises toniques et des absences aty-piques. Les absences atypiques comportent un arrêt de l’ac-tivité, une hypotonie plus ou moins marquée, une rupture de contact plus ou moins complète et, sur l’EEG, des pointes-ondes lentes bilatérales, entre 1 et 2,5 Hz, irrégulières en fréquence et en amplitude, dont le début et la fin sont beaucoup moins nets que dans l’EAE. Des états d’ab-sence prolongés sont fréquents. Les causes sont multiples, le plus souvent anoxo-ischémiques ou malformatives, et la réalisation d’une IRM cérébrale est indis-pensable dans le bilan étiolo-gique initial de ce syndrome (1).

lE DIagnOStIc DIfféREntIElCertaines épilepsies de l’enfant peuvent comporter des épisodes de rupture de contact qui ne sont pas des absences au sens

clinico-électro-encéphalogra-phique du terme.

Le syndrome de de vivo Ce syndrome épileptique peut à la fois être considéré comme une étiologie d’épilepsie-ab-sence typique ou atypique, mais aussi comme un diagnostic dif-férentiel, avec des aspects EEG de pointes-ondes dégradées survenant en bouffées, sans ma-nifestations cliniques évidentes. Des épisodes de chute de tête, de secousses myocloniques, de ruptures prolongées du contact parfois associés à une modifica-tion du tonus ont été observés. En dehors du jeune âge de l’épi-lepsie, l’association des crises au jeun doit être recherchée et doit faire évoquer le diagnostic.

La forme classique débute par une épilepsie de la première an-née de vie, associée à des mouve-ments oculaires anormaux, une microcéphalie acquise et, plus tard, un retard mental, une ataxie, une dysarthrie et une spasticité et des dyskinésies paroxystiques. Le type d’épilepsie est variable, mais l’entrée dans la maladie par une épilepsie-absence précoce est souvent décrite. En 2009, Suls et al. ont analysé GLUT1 chez 34 patients ayant débuté des absences avant l’âge de 4 ans, ils ont retrouvé une anomalie chez 4 patients, soit 12 % (7). Les absences débu-taient entre 1 et 3 ans, considé-rées comme typiques, suivies de crises généralisées dans 2 cas. De manière intéressante, ces pa-tients avaient tous un PC normal, aucun n’avait d’autres symp-tômes neurologiques francs et 2 patients avaient un niveau intel-lectuel normal en fin de suivi (7 et 28 ans respectivement). La recherche d’un déficit en transporteur du glucose par mu-

tation de GLUT1 est donc forte-ment recommandée si les ab-sences débutent avant l’âge de 4 ans, même en l’absence de mi-crocéphalie et d’autres anoma-lies de l’examen neurologique. Le diagnostic est fait par l’étude du ratio glycorachie/glycémie qui est abaissé (valeur normale : 0,6). Idéalement, la ponction lombaire doit être faite à jeun pour augmenter sa sensibilité. Dans notre série de 5 patients avec mutation de GLUT1, 2 se sont présentés avec une épilep-sie-absence précoce (12 et 18 mois respectivement - Fig. 1 a et b). La reconnaissance de cette pa-thologie a une incidence sur la prise en charge, en effet, le ré-gime cétogène est le seul traite-ment ayant prouvé son efficacité sur l’épilepsie (8).

La maLadie de LaforaIl s’agit d’une épilepsie myoclo-nique progressive qui peut dé-buter par des absences isolées, mais qui évolue en quelques années vers une épilepsie plus complexe, avec des crises géné-ralisées, des myoclonies erra-tiques et des crises occipitales.L’EEG retrouve initialement des anomalies généralisées en bouffées, puis il se ralentit avec des anomalies qui prédominent dans les régions postérieures. La détérioration mentale devient évidente après quelques années d’évolution. Deux gènes expliquent l’im-mense majorité des cas de La-fora : EPM2A et EPM2B, mais il existe probablement un troi-sième locus (9, 10).

Les épiLepsies partieLLes idiopathiques atypiquesL’épilepsie partielle idiopathique est une épilepsie fréquente de l’enfant, qui débute entre 3 et 13 ans.

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Le diagnostic de la forme clas-sique est facile, avec des crises liées au sommeil, intéressant essentiellement la sphère oro-pharyngée, plus ou moins un membre, avec une rupture par-tielle du contact et un bavage per et post-critique important. Le diagnostic est confirmé par l’EEG, qui montre des pointes dites fonctionnelles caractéris-tiques, dans les régions centro-temporales, d’allure bi- ou tri-phasique, en bouffées, qui ont la particularité d’être activées pendant le sommeil. Le tracé de fond est normal. Les crises sont en règle rares et le traitement doit être évité si possible.

A côté des formes classiques, il existe des formes atypiques beaucoup plus rares, mais non exceptionnelles. Ces formes sont caractérisées par la survenue, en plus des crises “classiques”, d’autres types de crises, diurnes, à type de myoclonies péri-orales continues pendant plusieurs minutes, isolées ou associées à une discrète modification du tonus et de la conscience. Ces crises sont volontiers pluriquoti-diennes, l’EEG peut montrer de longues séquences de pointes-ondes prédominant dans les régions centro-temporales, mais pouvant être prises pour des pointes-ondes généralisées, faisant alors porter à tort le dia-gnostic d’épilepsie myoclono-astatique.

La reconnaissance de cette forme d’épilepsie partielle aty-pique est importante car le trai-tement est très différent des autres épilepsies avec absence ; en effet la lamotrigine, mais aussi le valproate tendent à ag-graver les épilepsies partielles atypiques et doivent être évités.

Le syndrome du chromosome 20 en anneauCe syndrome est caractérisé par une épilepsie pharmacoré-sistante et un retard mental va-riable. Les crises débutent entre la naissance et l’âge adulte. Un élément caractéristique de ce syndrome est l’existence d’états de mal épileptiques non convulsifs se traduisant par des ruptures de contact prolon-gées. L’EEG retrouve alors des longues séquences rythmiques de pointes-ondes à 2/3 Hz de grande amplitude prédominant dans les régions frontales. Ces épisodes sont rares avant 10 ans.

Le diagnostic peut être fait sur un caryotype standard, mais, en cas de forte suspicion, il faut de-mander spécifiquement l’étude

de 100 à 200 mitoses, car il s’agit constamment de mosaïques so-matiques. n

correspondance

Dr Mathieu Milh

assistance publique-Hôpitaux

de Marseille

service de neurologie pédiatrique

Hôpital de la Timone

264 rue saint-pierre

13005 Marseille

e-mail : [email protected]

figure 1 - Epilepsie-absence précoce chez des enfants de 12 (a) et 18 mois respective-

ment, avec mutation du gène GLut1 (syndrome de De vivo).

mots-clés : Epilepsie-absence de

l’enfant, Epilepsie-absence juvénile,

Epilepsie myoclonique juvénile,

absences myocloniques, Syndrome

de Doose, Syndrome de lennox-

gastaut, Syndrome de De vivo,

maladie de lafora, Syndrome du

chromosome 20 en anneau, clinique,

Diagnostic, Diagnostic différentiel

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