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LES ADOLESCENTS ET LEURS FAMILLES FACE AUX DANGERS DES CONSOMMATIONS MULTIPLES DE DROGUES ET D'ALCOOL Myriam Cassen et Jean-Michel Delile De Boeck Supérieur | Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux 2008/1 - n° 40 pages 253 à 277 ISSN 1372-8202 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-cahiers-critiques-de-therapie-familiale-2008-1-page-253.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Cassen Myriam et Delile Jean-Michel, « Les adolescents et leurs familles face aux dangers des consommations multiples de drogues et d'alcool », Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux, 2008/1 n° 40, p. 253-277. DOI : 10.3917/ctf.040.0253 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour De Boeck Supérieur. © De Boeck Supérieur. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 193.136.35.4 - 29/04/2014 00h56. © De Boeck Supérieur Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 193.136.35.4 - 29/04/2014 00h56. © De Boeck Supérieur

Les adolescents et leurs familles face aux dangers des consommations multiples de drogues et d'alcool

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LES ADOLESCENTS ET LEURS FAMILLES FACE AUX DANGERS DESCONSOMMATIONS MULTIPLES DE DROGUES ET D'ALCOOL Myriam Cassen et Jean-Michel Delile De Boeck Supérieur | Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux 2008/1 - n° 40pages 253 à 277

ISSN 1372-8202

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-cahiers-critiques-de-therapie-familiale-2008-1-page-253.htm

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Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Cassen Myriam et Delile Jean-Michel, « Les adolescents et leurs familles face aux dangers des consommations

multiples de drogues et d'alcool »,

Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux, 2008/1 n° 40, p. 253-277. DOI :

10.3917/ctf.040.0253

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Distribution électronique Cairn.info pour De Boeck Supérieur.

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Les adolescents et leurs famillesface aux dangers des consommations

multiples de drogues et d’alcool

Myriam Cassen 1 & Jean-Michel Delile 2

Résumé

Les consommations multiples de substances psychoactives chez les adoles-cents sont un enjeu majeur de santé publique qui concerne environ 15 % des jeu-nes à 17-18 ans. En s’appuyant sur une revue de la littérature et sur différentstravaux en cours de réalisation, l’auteur présente une synthèse des spécificités deprise en charge de ces problématiques chez les adolescents.

Le repérage précoce de ces consommations multiples et l’évaluation desfacteurs de gravité permettent d’aider l’adolescent à identifier plus tôt le problèmeet à y faire face. Dans cette perspective, les techniques d’entretien motivationnelet les approches familiales complétées, si nécessaire, de thérapies brèves et d’unsoutien psychosocial adaptés peuvent être particulièrement utiles.

Abstract: Adolescents and their families facing the dangers of multipleuse of drugs and alcohol

Multiple psychoactive substance use among adolescents is a major publichealth problem that concerns about 15 % of 17 to 18 year olds. Based on a reviewof the literature and various ongoing studies, the author presents a summary of thespecific management of these problems in adolescents. Early detection of multiplepsychoactive substance use and evaluation of the factors of severity can help ado-lescents to identify and deal with the problem earlier. In this context, motivationalinterview techniques, completed if necessary by brief therapy, family therapy andadapted psychosocial support can be particularly useful.

1 Psychologue clinicienne, thérapeute familiale, addictologue. Institut Michel Mon-taigne, Talence, France.

2 Psychiatre, thérapeute familial, addictologue. CEID, France.

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254 Myriam Cassen & Jean-Michel Delile

Mots-clés

Consommations multiples – Adolescence – Repérage précoce – Autoéva-

luation – Entretien motivationnel – Substitution.

Key words

Multiple substance abuse – Adolescence – Early detection – Self-assessment

– Motivational interview – Substitution.

Au-delà des questions générales posées par les consommations multi-ples d’alcool et de drogues (Delile, Facy & Dally, 2001 ; Delile, 2007), quel-les en sont les éventuelles spécificités chez les adolescents qui pourraientamener à développer des formes particulières d’intervention ?

La question est d’une particulière importance chez les adolescentspuisque les usages de substances sont parmi les principaux facteurs de mor-bidité et de mortalité dans cette population du fait de leur association fré-quente aux accidents de la circulation, aux tentatives de suicide, auxviolences… Il s’agit donc d’un réel problème de santé publique d’autant plusque de nombreuses études conduisent à penser que 7 à 10 % des adolescentsauraient besoin d’être traités pour des problèmes liés à des usages de substances(APA, 2006). Prises globalement, ces consommations présentent quelques par-ticularités générales : les usages problématiques sont plus souvent du registrede l’usage nocif sans dépendance (abus au sens du DSM IV) que de la dépen-dance elle-même, les adolescents sont peu demandeurs de soins (c’est plus sou-vent leur entourage familial qui est en demande), il est donc difficile d’arriverà les recevoir et à… les garder en traitement. Ces particularités amènent à éla-borer des stratégies spécifiques de prise en charge (APA, 2006 ; Bukstein,2004 ; Young et al., 2002) particulièrement utiles face aux poly-consomma-tions dont le pronostic est péjoratif. Ces interventions spécifiques reposent enbonne part sur une approche collaborative avec les familles concernées.

Consommations multiples chez les adolescents

L’adolescence est de toute évidence l’âge des poly-expérimentationset des poly-consommations en tous domaines (et pas exclusivement celui dessubstances psychoactives).

Pour devenir « grand », il devient nécessaire de s’autoriser à faire cequi est le propre des adultes, ce qui jusqu’alors était réprouvé ou interdit. Onva changer de look, on va sortir de chez soi la nuit, aller vers l’autre, tenter

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l’aventure, s’éprouver, prendre des risques… prendre des produits avec lescopains. En un temps où les rites de passage et les initiations ne sont plusguère codifiés par la société, les conduites de risque ont tendance à se multi-plier au sein des groupes de pairs (Delile et al., 1987). C’est ainsi notammentque les usages de substance vont se développer au fil du temps chez lesteenagers : l’abstinence totale (au cours de la vie) de toute consommation deproduit psychotrope est rarissime arrivé à 18 ans (Beck et al., 2004).

Selon le modèle classique de Denise B. Kandel (Kandel, 1975 ; Kan-del et al., 1976 ; Kandel et al., 2006), les usages de substances psychoactivesseraient un processus à étapes commençant lors de l’adolescence. La pre-mière phase serait celle des usages de drogues légales – alcool, tabac – et seraitessentiellement un phénomène social quasi-généralisé. La deuxième étape,celle du cannabis, assez courante également, serait essentiellement détermi-née par l’influence des pairs. La troisième étape (nettement plus rare), celledes autres drogues illégales – amphétamines, cocaïne, héroïne… –, serait defaçon prédominante, chez l’adolescent, un phénomène familial, déterminéplus particulièrement par la qualité et les modalités particulières des relationsentre parents et adolescents plutôt que par tout autre facteur, abstraction faitedes questions de comorbidités psychiatriques abordées par ailleurs.

Les données actuelles fournies notamment par les enquêtes ESCA-PAD, ESPAD et TREND (Beck et al., 2004 ; Beck et al., 2000 ; Choquet etal., 2000 ; Costes, 2001 ; Ledoux et al., 2000) vont dans le même sens en cequi concerne les polyconsommations chez les jeunes en France.

Si presque tous les adolescents finissent en effet par essayer au moinsune substance et si beaucoup en ont essayé plusieurs (75 % le tabac et l’al-cool, 50 % idem + le cannabis), il s’avère qu’environ 2 garçons sur 10 (22 %)et 1 fille sur 10 (9,9 %) sont polyconsommateurs réguliers. L’association ty-pique chez les filles est tabac + cannabis (1 cas sur 2) alors que chez les gar-çons le triplet tabac + alcool + cannabis est particulièrement fréquent (7,7 %des garçons contre 3 % « seulement » des filles).

En termes d’âge de début, l’usage de tabac survient à 13,5 ans enmoyenne alors qu’il se situe aux environs de 15 ans pour les autres substanceset pour les ivresses alcooliques. On observe que l’adolescence est bien l’âge desexpérimentations des polyconsommations : ainsi, à 18 ans, 28 % des garçonsutilisent de façon répétée au moins deux substances contre 2 % à 14 ans ; pourles filles, ces pourcentages passent de 2 à 15 % dans la même période. La com-binaison tabac – cannabis qui devient avec l’âge la plus courante (15 % des gar-çons), augmente très rapidement entre 14 et 17 ans pour se stabiliser ensuite.

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256 Myriam Cassen & Jean-Michel Delile

Figure 1. Structure de la polyconsommation régulière d’alcool, de tabac et de cannabis (sur l’ensemble des adolescents

et parmi les polyconsommateurs réguliers de 18 ans)

Source : ESCAPAD 2003, OFDT.

Si l’on ne retient que les substances illicites (sans tenir compte des usa-ges détournés de médicaments psychotropes chez les filles qui occupent lapremière place), il apparaît qu’outre le cannabis, ce sont, par ordre décrois-sant de fréquence, l’ecstasy, les champignons hallucinogènes, les produitsinhalés et les amphétamines qui peuvent être également associés dans lespolyexpérimentations. Ces produits sont généralement associés à des usagesrépétés de cannabis et se développent chez environ un quart des polyconsom-mateurs réguliers tabac + alcool + cannabis (Costes, 2001).

Dans les usages concomitants, c’est sans surprise l’association canna-bis + alcool (plutôt rare dans les polyconsommations régulières) qui l’em-porte : 4 jeunes sur 10 (35 % des filles et 45 % des garçons) ont expérimentécette association simultanée généralement dans des circonstances festives età des fins manifestes de potentialisation, outre les habituels éléments de con-vivialité, de conformisme de groupe, de désinhibition…

Le lien entre usages multiples et ivresses est très fort. L’expérimenta-tion de cannabis, plus que celle du tabac, est liée à celle de l’ivresse et dessubstances psychoactives autres que les médicaments, les plus fortes préva-lences des ivresses se retrouvent chez les expérimentateurs des trois produits(tabac, alcool, cannabis). Autant dire que le rôle d’alerte du cannabis en tant

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que « porte d’entrée » reste réel (Kandel et al., 2006) et, a fortiori, celui desautres substances illicites dont l’usage, même expérimental, signe habituel-lement la polyconsommation aggravée (outre les « habituels » tabac etalcool).

Il importe à ce sujet de rappeler avec Michel Reynaud (2005) que cespolyconsommations, ces conduites d’excès à la recherche d’ivresse, conden-sent la vulnérabilité génétique, les troubles de la personnalité (limite, anti-sociale, abandonnique, « sociopathique ») et la recherche de sensations. Laconsommation fréquente de produits par des jeunes, en quantités importantesau-delà des « normes » sociales habituelles, doivent attirer l’attention. L’effetrecherché, bien souvent, n’est plus d’accentuer une euphorie collective maisbien de se défoncer, d’être « cassé », abruti, anéanti.

C’est ainsi qu’il convient de souligner qu’à l’augmentation de la fré-quence des polyconsommations entre 2000 et 2003 (Beck et al., 2004) (figure2) s’ajoute, sur un plan plus qualitatif, la diversification croissante des polycon-sommations chez les jeunes (Delile, 2001 ; Delile, 2006) : aux traditionnellesassociations alcool-tabac souvent complétées dorénavant par le cannabis, ilconvient en effet d’ajouter les cocktails festifs des Dionysos du week-endchers à Giulia Sissa (ecsta, coke, speed, etc.) et, de façon plus marginale, lesassociations détonantes prisées de teufeurs adeptes de stimulants, de droguesdissociatives, d’hallucinogènes plus ou moins naturels, de rachacha ou derabla, ou celles des « polytoxicomanes » de rue, amateurs de bières et de« médocs » qui « cachetonnent » le Subu, le Sken et les benzos…

Ces dernières formes d’usage, bien qu’en augmentation, restent trèsminoritaires en effectifs mais elles ont une forte résonance sociale car ellessont, en revanche, particulièrement visibles et « bruyantes » dans les villesfestivalières et les centres des grandes agglomérations. Jeunes marginauxplus ou moins rebelles, « punks à chiens » et jeunes en errance inquiètent parleur allure et leurs comportements. Leur présence de plus en plus importanteest sans doute à mettre en relation avec la précarité croissante des conditionsde vie de beaucoup de jeunes, l’éclatement de familles en difficultés et lestroubles du développement psychique et relationnel associés.

On pourrait donc dire que les polyconsommations deviennent unmodèle dominant d’usages mais qui s’est diversifié en différents sous-groupescorrespondant pour certains à de réelles sous-cultures de plus en plus atomi-sées, d’importance et de visibilité très variables et présentant des vulnérabili-tés de tous ordres, elles-mêmes très diverses en gravité.

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Figure 2. Évolutions 2000-2003 du cumul d’expérimentation de produits psychoactifs illicites ou détournés* à 17 ans selon le sexe

* Les onze produits sont : le cannabis, les médicaments psychotropes, les champi-gnons hallucinogènes, le poppers, les produits à inhaler, l’ecstasy, les amphétamines,le LSD, le crack, la cocaïne et l’héroïne.Source : ESCAPAD 2003, OFDT.

Quoi qu’il en soit de leur diversité, toutes les polyconsommations doi-vent donc être comprises comme un facteur de gravité à divers titres. Au planneurobiologique existent des interactions particulièrement dangereuses ; auplan psychosocial, elles font courir un risque accru d’incidents sévères à courtterme (intoxications aiguës, accidents, troubles du comportement, etc.) etd’évolution vers une addiction sévère à moyen terme ; au plan symptomati-que, elles peuvent exprimer et aggraver des difficultés psychologiques et/oufamiliales.

La polyconsommation constitue donc en elle-même un puissant indi-cateur de gravité des usages de substances psychoactives chez les jeunes, et ced’autant plus qu’elle intègre un nombre croissant d’usages de drogues illicitesqui témoignent de perturbations des processus de maturation, outre le pro-blème de leurs toxicités cumulées.

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Stratégies de repérage

La fréquence importante et la gravité potentielle de ces problèmes doi-vent donc inviter les adultes, parents ou professionnels, à prêter une attentiontoute particulière à leur repérage. Dans cette perspective, si les parents doi-vent nécessairement se préoccuper de tout usage, même débutant et apparem-ment mineur, du point de vue des professionnels, il importera prioritairementde procéder à une évaluation permettant d’adapter les types de réponse etnotamment d’identifier le plus précocement possible les usages déjà nocifs(Delile, 2005), tout particulièrement fréquents dans le cas des consomma-tions de drogues multiples qui doivent donc être d’emblée reconnues commeconstituant un facteur de gravité. Ces usages nocifs sans dépendance (abus)sont, chez l’adolescent et sauf pour le tabac, plus fréquents que les usagesavec dépendance ; ils sont parfois difficiles à distinguer des usages occasion-nels banals, mais peuvent être rapidement dommageables pour la santé. Il estdonc souhaitable de les rechercher systématiquement et périodiquement etd’en apprécier la gravité. Ce repérage doit être précoce avant que d’éventuel-les addictions ne s’installent. Autant dire qu’en face de n’importe quel pro-blème concernant le fonctionnement ou le développement d’un adolescent,les cliniciens, les éducateurs, tous les professionnels en contact avec des jeu-nes doivent avoir le souci de pratiquer ce repérage des usages de substancespour parvenir à une évaluation plus globale de la situation.

L’essentiel des informations nécessaires au repérage et à l’évaluationde la gravité des consommations sera obtenu par un simple interrogatoirecomplété le cas échéant d’autoquestionnaires qui, même s’ils ne sont pas uti-lisés formellement, donnent de bonnes indications sur les questions les plusutiles. Les examens de laboratoire, parfois demandés par les familles, n’ontguère de place en pratique clinique dans ce cadre et devront être réservés à desenjeux de santé publique ou de responsabilité pénale (accidents de la circula-tion, médecine du travail…). Les usages de substances et tout particulièrementde drogues illicites sont en effet des pratiques qui restent largement stigmati-sées socialement. Leur repérage peut déboucher sur des contre-réactionssociales pouvant aller du rejet familial à des exclusions scolaires ou à dessanctions pénales. Les examens biologiques dans ce qu’ils ont d’objectivantdoivent donc être utilisés avec une grande prudence et toujours s’inscrire dansle cadre d’un projet de soins librement consenti ou sinon, dans le plus strictrespect des cadres légaux, réglementaires et éthiques, tout particulièrementdans le domaine du droit du travail. C’est d’autant plus important qu’ils peuventégalement susciter chez l’usager des réactions défensives qui vont accroître saréticence.

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260 Myriam Cassen & Jean-Michel Delile

Origine de la demande et confidentialité

Cette question fondamentale renvoie à la tension possible entre leséventuelles attentes de l’adolescent et celles de sa famille ou de la société. Ala différence d’un malade qui ignore l’existence ou la nature exacte de samaladie, l’usager de substances psychoactives ne peut ignorer qu’il est…usager de drogues. En revanche, pour les raisons précédemment évoquées, iln’a pas nécessairement envie que cela se sache ni donc d’être « repéré » parses parents, son conjoint, ses professeurs, son patron ou la police. Or ce sontbien souvent ces différentes personnes ou instances qui seront précisémentdemandeuses d’un « repérage », parfois plus dans une approche de contrôlenormatif que de soins. Cela peut donc déclencher chez l’usager, surtout s’ilest adolescent, des réactions défensives de déni, ou au contraire, de défi quine permettent guère d’avancer.

La plus extrême prudence doit donc être de rigueur quand l’usagern’est pas directement à l’origine de la demande ou peu impliqué. Le profes-sionnel devra dès lors procéder à une analyse fine et attentive de l’origine etde la nature de la demande avant de s’engager dans le travail de repérage etd’évaluation proprement dit qu’il devra toujours s’appliquer à resituer, enaccord avec la famille, dans une logique explicite de soins. En effet, l’usagerest bien souvent lui-même dans l’ignorance ou le déni non pas de son usagemais bien de sa dangerosité, notamment pour le cannabis dans le contexte debanalisation ambiante de ces dernières décennies. L’aider à évaluer sonniveau de consommation et sa nocivité est donc un réel enjeu pour permettreune première prise de conscience et soutenir sa motivation au changement.

De même, il conviendra de bien énoncer et de manière explicite lesrègles de confidentialité relatives aux propos de l’adolescent par rapport à sesparents, son entourage ou des institutions extérieures.

Place du professionnel

Une telle démarche pourra être d’autant mieux entendue qu’elle éma-nera d’un professionnel empathique et… non impliqué dans les éventuels dif-férents de la famille quand celle-ci est à l’origine de la consultation, commec’est bien souvent le cas avec les usagers les plus jeunes. En pratique, le pro-fessionnel ne peut pas, en effet, en rester à la seule attente d’une incertaine eten tout cas tardive demande du patient, mais il se doit d’avoir une attituderéellement proactive. Il faut savoir s’appuyer sur un interrogatoire systé-matique lors des examens standards (trouble intercurrent, demandes de cer-tificats, etc.), ou encore sur les demandes ou inquiétudes de l’entourage

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familial, social ou professionnel, sans se lasser de rappeler que les objectifsde la consultation sont relatifs à des enjeux de santé, utiles à tous, et non, apriori, de maintien de l’ordre familial ou social, ou même de simple apaise-ment des relations familiales ou sociales, même si c’est un effet secondaireutile et positif…

Dans tous les cas, il faudra soutenir les attitudes d’aide et les tentativesde compréhension de la part de l’entourage et décourager au contraire cellesde rejet ou d’exclusion qui s’avèrent généralement contre-productives. Il fautse défier par exemple du recours à des examens biologiques (recherche decannabis dans les urines), bien souvent demandés de bonne foi par des famillesdésemparées, mais qui, loin de permettre d’avancer vers une solution, ris-quent d’amplifier et rigidifier encore l’incompréhension réciproque et donc,d’une certaine manière, le problème.

Dans cette perspective, le professionnel a une place essentielle s’il saitplacer son intervention dans l’intérêt de la famille dans son entier et non desparents ou des enfants, les uns contre les autres… Il devra tenter de nouer uneréelle alliance avec l’ensemble des protagonistes, en prenant en compte lesattentes et les craintes des uns et des autres et en montrant à tous que chacuna été écouté. La création de ce terrain de confiance constitue une conditionnécessaire pour permettre à chacun de pouvoir avancer et d’assouplir sespositions. Il faut en effet éviter que l’usager ne se sente mis en danger parun intervenant intrusif, perçu comme simple auxiliaire des autoritésparentale, scolaire ou judiciaire ; mais il faut de même éviter que l’entou-rage ne se sente disqualifié dans ses inquiétudes, réduites à un pur produitd’attitudes surprotectrices, moralisantes, ou simplement normatives faceà un problème jugé mineur voire même inexistant d’un point de vue« médical » ou « technique ».

Une fois les attentes des uns et des autres précisées et pour peuqu’elles s’inscrivent réellement dans une perspective d’aide (ce qui est trèsgénéralement le cas des personnes qui font l’effort de venir consulter…), lerepérage de l’usage ne posera guère de difficultés. Il en ira, a fortiori, demême lorsque l’usager est lui-même demandeur. La question essentiellerestera donc bien celle du repérage des troubles liés à l’usage de substances :usage nocif et dépendance. Notre propos se centrera ici sur l’usage nocif, ladépendance étant beaucoup plus rare chez les adolescents (à l’exception dutabac).

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Évaluation des consommations et des facteurs de gravité

Le but de cette évaluation est, après avoir identifié les usages de subs-tances, d’en préciser les effets sur le fonctionnement du sujet et donc de repé-rer les critères diagnostiques des troubles liés aux usages de substances donttout particulièrement, chez les adolescents, les usages nocifs (ou « abus » selonle DSM IV) caractérisés par l’Organisation Mondiale de la Santé (CIM 10,Classification internationale des maladies) comme une consommation répé-tée entraînant des dommages physiques, psychiques ou sociaux pour le sujetlui-même ou son environnement sans qu’il y ait dépendance.

Très souvent, l’intéressé n’est pas encore conscient d’avoir franchi unseuil et c’est, de fait, son environnement familial, affectif, social qui va repé-rer le problème et en parler à des amis ou alerter des professionnels, médecins,psychologues ou travailleurs sociaux. L’objectif principal de l’intervention seradonc d’évaluer ces dommages, d’aider le sujet à en prendre conscience, sou-tenir sa motivation au changement et proposer de premières interventions. Ilfaudra aussi préciser les modalités de consommation, les facteurs individuelsde vulnérabilité et les facteurs de risques sociaux qui constituent autant defacteurs de gravité possibles, l’usage nocif étant la résultante de l’interactionentre ces trois séries de facteurs : produit, sujet, environnement. Les domma-ges les plus précocement et fréquemment rencontrés avec les usages d’alcoolet de cannabis sont psychiques et sociaux.

Les facteurs de gravité à considérer concernent le produit lui-même,ses modalités de consommation et les facteurs de vulnérabilité individuels etsocio-environnementaux.

Produits

Parmi les facteurs à analyser, il convient d’être particulièrement atten-tifs aux produits consommés eux-mêmes : nature et quantité des substancesconsommées, fréquence, modes de consommation, âge de début, mode deprogression d’un produit à l’autre.

Nous l’avons vu les configurations les plus fréquemment rencontréeschez les adolescents sont les associations tabac-cannabis et tabac-alcool-can-nabis. Il est à noter que dans les deux cas ce sont le tabac et le cannabis quisont généralement utilisés les plus régulièrement avec une fréquence impor-tante de dépendance au tabac et une fréquence non négligeable de dépen-dance au cannabis. En revanche, l’alcool est souvent utilisé de manière plus

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épisodique, festive, avec une fréquence croissante d’ivresses répétées notam-ment chez les garçons et, dans ce cas, d’usages concomitants avec du cannabis.

Les effets négatifs sont bien sûr variables avec, d’une part, des effets àcourt terme pour le cannabis et l’alcool dont d’éventuels troubles cognitifs etdu comportement générateurs d’accidents et de difficultés de développementou d’insertion. Ces problèmes peuvent amener à consulter, souvent à l’inci-tation de l’entourage. On relève, d’autre part, des effets surajoutés à moyen etlong terme comme, par exemple, le risque cancérogène pour le tabac et lecannabis, risques qui semblent bien abstraits et lointains pour un adolescentet qui donc ne sont guère des motifs de consultation.

En troisième lieu, l’usage précoce d’autres drogues illégales doit éga-lement être considéré comme un élément préoccupant au regard des risquesimmédiats mais aussi en termes de pronostic en ce qu’il révèle de vulnérabi-lités accrues, de modes d’identification plus marginaux et de... polyconsom-mation aggravée avec toutes ses conséquences négatives. L’usage précoced’autres drogues illégales doit donc être, a fortiori, considéré comme un élé-ment préoccupant au regard des risques immédiats mais aussi en termes defacteurs de gravité et donc de pronostic.

Modes de consommation

Comme les teneurs en principe actif (TetraHydroCannabinol) qui ontrégulièrement augmenté, les modes de consommation du cannabis, par exem-ple, ont eux aussi radicalement évolué avec le développement de l’usage des« douilles » chez les jeunes (culots métalliques où est placé le cannabis pourêtre fumé grâce à une pipe à eau, sorte de narguilé de fortune : le bhong…).« Coller (ou shooter) des douilles » devient un mode d’usage en plein dévelop-pement et qui doit être repéré car il présente des risques dont certains sontencore accrus par rapport à ceux induits par les modes d’usage traditionnels. Ils’agit en effet d’un mode d’extraction plus brutal, puissant et rapide,« violent », qui a des effets nocifs majeurs aux plans trachéo-bronchique et neu-ropsychique. De plus il traduit souvent une plus grande recherche d’effets psy-chotropes puissants à type de « défonce » révélant une problématiquepersonnelle plus lourde de l’usager, elle-même facteur de risque évolutif. Il enva un peu de même pour la chicha, pour le tabac, ou les Premix (forme inter-médiaire de polyconsommation, de transition adolescente entre un soda inof-fensif et un alcool fort), les bières fortes, les alcools blancs et autres « TGV »(Tequila-Gin-Vodka, autre forme de polyconsommation…) pour l’alcool avecles comportements croissants et extrêmement périlleux de binge drinking.

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Quantité et fréquence

De même, il est clair que l’appréciation approximative des quantitésconsommées sera un élément d’évaluation : le risque encouru lors d’une con-sommation occasionnelle de 1 ou 2 joints partagés avec des copains le week-end n’est évidemment pas du même ordre que celui engendré par une con-sommation quotidienne de 5, 10 ou 20 joints… Il ne faut pas hésiter à abordercette question de manière très concrète y compris sous l’angle des quantitésachetées et de leur coût hebdomadaire. Au-delà de l’aspect évaluatif, la prisede conscience des sommes ainsi dépensées peut être en soi un motif de réduc-tion ou d’arrêt mais aussi en ce qu’elle attire l’attention de l’usager sur sa« perte de contrôle » qui définit l’abus ou la dépendance, l’addiction.

Loin de bloquer la discussion, l’expérience montre que cet intérêt con-cret pour ses consommations peut au contraire créer un pont avec l’usager etcrédibiliser l’interlocuteur dans ses compétences supposées sur la question.C’est ainsi que le dialogue sur les consommations pourra naturellement évo-luer vers une discussion sur les effets nocifs qui restent sinon trop souventniés par l’usager. Cette question de la fréquence d’utilisation (et donc des quan-tités consommées) est particulièrement importante car son aggravation chez lesjeunes est sans doute l’une des données essentielles expliquant l’accroissementactuel des problèmes sanitaires induits, y compris en matière de risques dedépendance (Delile, Facy & Dally, 2001 ; Delile, 2007 ; Kandel et al., 2006).

D’autre part, il est bien établi qu’il existe une corrélation entre la fré-quence de consommation et les quantités consommées à chaque prise : plus onconsomme souvent, plus on consomme beaucoup à chaque fois… La questionsur la fréquence de consommation est donc un élément-clef de l’évaluation.

Précocité des consommations

Plus l’âge de début est précoce (tout particulièrement s’il est inférieurà 15 ans), plus le risque est important que cet usage devienne régulier, durableet donc problématique (Beck et al., 2004 ; Kandel, 1975 ; Beck et al., 2000).Ce constat renvoie à plusieurs systèmes de causalité d’ordre toxicologique(plus l’âge de début est précoce, plus est longue la durée d’exposition au toxi-que), physiologique (un organisme jeune, notamment au plan cérébral, est àla fois plus sensible à certains effets et plus résistant à d’autres, ce qui consti-tue des vulnérabilités supplémentaires), psychologique (un adolescent débutantaura plus de mal à « gérer » un usage qu’un adulte et structurera rapidement desmodalités durables d’interaction avec d’autres consommateurs, les groupes

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de « pairs », les copains) et socio-familial (un usage très précoce peut traduireune relative désimplication familiale : négligence, manque de disponibilité,indifférence, carence d’autorité, connivence…)

L’âge de début est donc lui-aussi un élément-clef à préciser.

Usages à des fins d’autorégulation voire d’automédication

La discussion doit aider à préciser les circonstances, les finalités et lesconséquences de ces consommations. Il conviendra notamment de préciserles attentes qui ne sont plus simplement hédoniques (« faire la fête », rigo-ler…), mais visent à obtenir une certaine autorégulation comme en témoi-gnent des usages de plus en plus souvent solitaires et non plus exclusivementen société (à l’occasion de fêtes ou de rencontres), dès le matin, des usages àl’occasion de stress ou pour trouver le sommeil, à des fins d’anesthésie,d’ivresse massive, de « défonce ». La répétition croissante de ces modalitésde consommation doit bien sûr particulièrement attirer l’attention. Non seu-lement elles conduisent à une élévation du niveau de consommation et dunombre de produits expérimentés ou utilisés régulièrement, mais elles tradui-sent des vulnérabilités du sujet qui constituent autant de facteurs de risquesd’aggravation et … de problèmes à traiter pour leur propre compte.

Facteurs de vulnérabilité individuels et sociaux

Les facteurs de vulnérabilité sont également à rechercher et à analyserdans leur relation aux usages de substances, particulièrement chez les adoles-cents. Dans cette population, ce sont en effet souvent ces éléments de souf-france individuelle ou sociale qui sont les plus évidents au point même,parfois, de masquer ou de « secondariser » aux yeux du clinicien les troublesliés aux substances qui parfois, les provoquent, et toujours, les aggravent.Chez l’adulte à l’inverse, les consommations problématiques (souvent avecdépendance) vont être évidentes et orienter le diagnostic principal vers elles,parfois en perdant de vue les vulnérabilités psychologiques ou sociales sous-jacentes (Reynaud, 2005).

Ces facteurs de vulnérabilité sont donc à identifier car ils accroissentles risques d’aggravation des consommations, de polyconsommations massi-ves et d’évolution vers l’abus ou la dépendance. Il peut s’agir aussi bien decertains penchants banals (hédonisme, goût marqué pour la « fête », les sor-ties, sociabilité…) que de certains traits de personnalité ou de tempérament

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(recherche de nouveauté et de sensations, faible évitement du danger, ou fai-ble estime de soi, difficultés de gestion et d’expression des émotions, difficul-tés relationnelles…), mais aussi de nombreux troubles psychiques (troublesdes conduites, troubles de l’attention avec hyperactivité ADHD, troubles del’humeur, phobie sociale, syndrome de stress post-traumatique, troubles psy-chotiques…) Il faut également rechercher des antécédents de tentatives desuicide ou de troubles des conduites alimentaires. Les très fréquents problè-mes de comorbidité entre les troubles associés aux usages de substances et lestroubles psychiatriques imposent de procéder à un inventaire le plus completpossible des problèmes psychopathologiques, actuels et passés, présentés parle sujet, incluant une revue des symptômes psychiatriques présentés et destraitements prescrits.

Le diagnostic différentiel pour les troubles liés aux usages de substan-ces doit tenir compte du fait que le dysfonctionnement attribué à la prise desubstances peut en fait être dû à des problèmes antérieurs ou associés :comorbidités psychiatriques, problèmes familiaux ou difficultés scolaires. Enétroite interaction avec ces éléments individuels, on doit donc rechercherd’éventuels facteurs de vulnérabilité sociale (problèmes sociaux, scolaires, pro-fessionnels, familiaux, événements de vie douloureux, relations préférentiellesvoire exclusives avec d’autres usagers…) qui peuvent aggraver les consomma-tions et en même temps révéler leur gravité particulière.

En dehors du sexe (les garçons sont plus à risques d’abus que les filles),il n’y a pas de variable sociodémographique fortement corrélée à un sur-ris-que notable d’abus de substances chez les adolescents. La prévalence d’usageest devenue telle que peu de secteurs sont indemnes, même si certains con-textes socioculturels restent évidemment particulièrement concernés. Mais ilserait dangereux de réserver la démarche de repérage précoce à des personnesdont le look ou l’habitus semblerait particulièrement évocateur d’un goûtpour le cannabis, tant celui-ci s’est largement diffusé dans la société, tout aumoins chez les jeunes.

Il sera néanmoins utile de préciser les représentations que le jeune sefait des usages et des usagers, des attitudes et comportements de ses pairs etcopains face aux drogues.

Facteurs de gravité situationnels

En dehors des troubles mentaux précédemment évoqués, certains con-textes de consommation peuvent rendre d’emblée très nocifs des usages decannabis et doivent donc faire l’objet d’une attention particulière : grossesse,

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conduite de véhicule, exercice de certaines activités, notamment les postes desûreté/sécurité (apprentissage).

Outils de repérage et d’évaluation

Face à un ou plusieurs des symptômes mentionnés précédemment, évo-cateurs d’un usage nocif, le professionnel peut s’aider de certains autoques-tionnaires en cours de validation en France. Faciles et rapides d’emploi, ilspermettent de dépister aisément bon nombre d’usages nocifs de substancespsychoactives :

– CRAFFT (États-Unis) : Car, Relax, Alone, Forget, Family, Friends,Trouble ou ADOSPA pour la version française, ADOlescents et Subs-tances PsychoActives : 6 questions, 2 réponses positives indiquent unusage nocif) ;

– DEP-ADO, DEPistage de consommation problématique d’alcool et dedrogues chez les ADOlescent(e)s (RISQ-Québec).

Ces questionnaires, généralement appréciés des usagers, permettent deplus d’engager la discussion en facilitant la prise de conscience des risques etméfaits de ces usages de produits.

Au plan international, à côté du CRAFFT, il convient de citer le DUSI-A (Drug Use Screening Inventory-Adolescents), le POSIT (Problem Orien-ted Screening Instrument for Teenagers) et le PESQ (Personal ExperienceScreening Questionnaire). Plusieurs questionnaires spécifiques de produitsparticuliers existent par ailleurs pour évaluer plus particulièrement tel ou telusage (tabac, alcool, cannabis, etc.). Ces outils sont largement utilisés dansles « consultations cannabis » ouvertes par la MILDT et la DGS en 2005 àl’intention des jeunes consommateurs en France (Obradovic, 2006).

Dans un contexte de santé publique (médecine du travail, situations àrisques, etc.) ou de médecine légale (accidents de la route, etc.), des examensbiologiques peuvent également être utilisés. Ils sont parfois également utili-sés en pratique clinique, en accord avec le patient, à des fins de monitoring.

Prise en charge thérapeutique

Ainsi que nous le rappelions en introduction, une des difficultés essen-tielles à prendre en compte est le faible niveau de demande des adolescentsqui est un frein à la démarche de soins et à son bon déroulement. Un pointpositif, en revanche, est la rareté des dépendances majeures à cet âge, à

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l’exception éventuelle du tabac. L’évaluation, telle que nous la présentionsprécédemment, doit donc se conclure sur une interrogation : de son proprepoint de vue, est-il arrivé à l’adolescent lui-même de considérer ses usagescomme un problème potentiel ? A-t-il déjà tenté de contrôler, réduire oud’arrêter ses consommations ? Ou certaines d’entre elles ? Evaluer la volontéde l’adolescent de diminuer ou d’arrêter ses consommations et évaluer sescapacités de changement peuvent aider à déterminer des objectifs initiaux età préciser le niveau d’intervention à mettre en œuvre.

Approches psychothérapeutiques

Autant dire dès lors que la prise en charge visera, une fois l’évaluationfaite et partagée, à aider l’adolescent à engager le processus de changement età le soutenir une fois mis en œuvre. Dans cette perspective, il est en effet fon-damental de travailler avec l’ambivalence du sujet en soutenant tout ce quipeut l’aider à modifier ce comportement problématique sans se confronter àsa volonté d’autonomie. Sur ce plan, les techniques d’entretien motivationnel(Miller & Rollnick, 2006) nous semblent être d’un recours fondamental. Onsait en effet que l’accomplissement du traitement est la variable la plus forte-ment corrélée avec une issue positive et qu’elle se rattache elle-même à lamotivation et la compliance. Ces stratégies non directives, non jugeantes,peuvent donc utilement contribuer à soutenir la motivation du jeune, à accroî-tre ses sentiments d’efficacité personnelle et à l’autoriser à changer sans sedéjuger.

Pour des jeunes gens, il peut être particulièrement utile également des’appuyer, le cas échéant, sur des techniques de thérapie brève (Diamond etal., 2002) associant, selon divers protocoles, entretiens motivationnels etTCC (thérapies cognitivo-comportementales). On peut aussi envisager desentretiens familiaux ou des thérapies multifamiliales. Les thérapies familialesont été la modalité la plus étudiée de traitement des adolescents présentant desproblèmes liés aux substances avec de nombreuses études montrant leur supé-riorité sur les autres formes de traitement ambulatoires même si celles-ci(interventions familiales sans l’adolescent ou, à l’inverse, prise en charge indi-viduelle de l’adolescent) peuvent également avoir une efficacité démontrée.

Approches psychosociales

La prise en charge doit encourager le soutien par l’environnement toutparticulièrement les parents et les pairs n’utilisant pas de produits. Cepen-dant, la question des thérapies de groupes reste controversée, de nombreuses

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études mettant en évidence un impact parfois négatif sur le pronostic. Il sem-ble cependant que ce risque « iatrogénique » concerne surtout les jeunes lesplus déviants, les plus inscrits dans des troubles des conduites ; l’effet reste-rait plutôt favorable dans les autres cas. Les cliniciens doivent donc prêter uneattention toute particulière à la constitution des groupes en vue de thérapies,en évitant de brasser des profils trop hétérogènes, et doivent privilégier desapproches familiales ou d’autres modalités d’intervention pour les jeunes lesplus déviants.

Diverses études établissent également que les programmes disposantde services globaux, pluridisciplinaires (conseil, orientation professionnelle,réinsertion, activités récréatives, services médicaux – contraception, etc. – …)ont de meilleurs résultats que les programmes n’en proposant pas. Les pro-grammes qui s’intéressent aux différents aspects de la vie personnelle etsociale de l’adolescent sont ceux qui obtiennent les meilleurs résultats.

Traitements médicamenteux

En revanche, en dehors du tabac ou de l’association tabac-cannabis, iln’y a que rarement de problèmes de dépendance ou de co-dépendance néces-sitant un traitement médical spécifique et les résultats de la pharmacothérapiedes troubles liés aux substances chez les adolescents semblent limités enl’état actuel des données (Waxmonsky & Wilens, 2005). Ceux-ci sont rappe-lés de façon détaillée dans un travail précédent (Delile, 2007).

Cadre de prise en charge

Les adolescents doivent être traités dans le cadre le moins contraignantpossible susceptible de garantir de bonnes conditions de sûreté et d’efficacité.Le choix intègrera la nécessité de fournir un environnement sûr, en tenantcompte de l’aptitude du jeune à prendre soin de lui, de sa volonté et de cellede sa famille de coopérer avec le projet thérapeutique, de son besoin d’êtreencadré dans des limites contenantes, de l’existence de troubles comporte-mentaux et psychiatriques associés, de l’échec de prises en charge antérieuresdans des cadres institutionnels moins structurés, des souhaits du sujet et de safamille quant au choix du cadre… Quoique les programmes résidentiels pouradolescents puissent donc être indiqués dans ces cas difficiles, les prises encharge en ambulatoire quand elles sont possibles doivent être privilégiéesdans la mesure notamment où les progrès obtenus dans ce cadre apparaissentplus durables et généralisables. À l’exception notable de l’« Espace du possi-ble » dans le Nord et de quelques institutions pionnières, il n’existe en revanche

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pratiquement pas en France de structures résidentielles spécialisées en toxi-comanies ouvertes à des mineurs avec des programmes spécifiques.

Comorbidités psychiatriques

Consommations de substances multiples et troubles psychiatriques(troubles des conduites et troubles de l’humeur particulièrement) sont fré-quemment associés, à la fois en population clinique et en population générale.Certains troubles psychiatriques accroissent le risque de présenter une poly-consommation problématique et à l’inverse, cette dernière peuvent être géné-ratrices de troubles psychiatriques. Ces pathologies contribuent à altérer lescapacités de l’adolescent à se soigner pour ses problèmes de drogues ; ellesaugmentent la rapidité et la fréquence des rechutes, elles aggravent les risquesd’évolution vers une dépendance ainsi que les problèmes familiaux, scolairesou les conduites délinquantes.

Les troubles des conduites (perturbatrices) sont les troubles psychiatri-ques les plus fréquemment retrouvés chez les adolescents polyconsomma-teurs. Les troubles des conduites avec agressivité précèdent habituellementou accompagnent les usages problématiques. On relève aussi des troubles del’attention avec hyperactivité, des handicaps d’apprentissage et des troublessensoriels.

Les troubles de l’humeur, particulièrement la dépression, sont parfoisantérieurs et parfois consécutifs aux usages de drogues. Ceux-ci sont un fac-teur de risque pour des comportements suicidaires. On retrouve aussi des tauxélevés de troubles anxieux, tout particulièrement d’états de stress post-trau-matiques et de phobie sociale, parmi les usagers de drogues. Il existe égale-ment une association fréquente avec la boulimie. Par ailleurs, les usages dedrogues sont fréquents chez les personnes souffrant de schizophrénie, parti-culièrement quand le début a été précoce et d’évolution rapide vers la chroni-cité.

Il est donc essentiel de traiter ces comorbidités psychiatriques. Il sem-ble que la prise en charge optimale consiste en une approche intégrative asso-ciant réellement la prise en compte des problèmes psychiatriques et de ceuxliés à l’usage de substances et ne se contentant pas de les juxtaposer ni de lesproposer de façon consécutive (Bukstein, 2004).

Plusieurs modalités de TCC ont pu démontrer leur efficacité dans laprise en charge d’adolescents présentant à la fois des troubles des conduiteset des troubles liés aux substances. Ces approches associent en général des

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éléments spécifiquement orientés vers les questions liées à l’usage tels que laprévention de la rechute par exemple, et d’autres plus généraux tels que lapromotion des compétences sociales, la gestion du stress et de la colère,l’orientation vers la résolution de problème.

Des recherches récentes suggèrent que certains traitements médica-menteux puissent être sûrs et efficaces chez les adolescents présentant destroubles liés aux usages de substances (Delile, 2007).

Cependant, certains médicaments, comme les psychostimulants et lesbenzodiazépines, ont un réel potentiel d’abus. Ce risque est donc notable dela part de l’adolescent déjà polyconsommateur et/ou de son environnement(pairs, famille). Il faut donc évaluer soigneusement ce risque avant toute pres-cription de ce type, notamment en examinant les éventuels antécédents per-sonnels ou familiaux d’abus de ces substances. En cas de prescription, il estpréférable que la dispensation soit supervisée.

Il convient aussi de rappeler que les abus de drogues chez les adoles-cents peuvent être générateurs de troubles psychiatriques induits d’autantplus fréquents ou spectaculaires que c’est l’âge où sont volontiers expérimen-tées des substances dysleptiques et dissociatives (Delile, 2006) telles que leLSD, les champignons hallucinogènes, le datura, le GHB, la kétamine… sansoublier le cannabis ni les dérivés amphétaminiques comme l’ecstasy. Si lespsychostimulants sont volontiers consommés par des adultes, les psychodys-leptiques majeurs restent des substances plutôt utilisées par les adolescents etles jeunes or, ils peuvent être à l’origine d’importants troubles psychiquesaigus accompagnés éventuellement de troubles du comportement auto- ouhétéro-agressifs : attaques de panique, syndrome persécutif (la « parano »),troubles psychotiques aigus, retours d’acide… Ces troubles peuvent nécessi-ter une prise en charge adaptée incluant des techniques de réassurance et, lecas échéant, la prescription de sédatifs et d’antipsychotiques atypiques, par-fois en milieu hospitalier. L’éventualité d’un mode d’entrée dans un troublepsychotique chronique doit toujours être évaluée dans ce cadre et le suivi nedoit pas se limiter à la seule période de prise en charge du trouble aigu.

Approche systémique et familiale

Au-delà des données classiques sur toxicomanies et adolescence etleur commun renvoi à l’angoisse de séparation, à la question de la dépen-dance et de l’autonomisation, centrale chez les adolescents (Cassen & Delile,2007 ; Stanton & Todd et al., 1982 ; Stanton & Todd et al., 1978), de nombreux

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travaux récents confirment l’importance cruciale de prendre en compte lessystèmes familiaux en psychopathologie (Miklowitz, 2004 ; Wearden et al.,2000) notamment dans le domaine des addictions. Il en va ainsi par exempledes remarquables études sur les niveaux d’émotion exprimée au sein desfamilles : niveaux de critiques, d’hostilité, d’hyper-implication émotionnelle.Ces approches initiées elles-aussi dans le domaine de la schizophrénie, ont puêtre appliquées aux addictions, et il a pu être ainsi établi qu’un haut niveaufamilial d’émotion exprimée est un prédicteur significatif et robuste derechute des addicts (O’Farrell et al., 1998).

Les critiques incessantes, par exemple, sont ainsi identifiées commeétant un des facteurs pronostiques les plus péjoratifs : les parents (ou con-joints) qui critiquent le plus le patient sont en effet ceux qui ont le plus ten-dance à le juger lui, et non sa maladie, comme personnellement responsablede ses problèmes. Un manque de compréhension du trouble et de la diversitéde ses facteurs causaux peut donc jouer un rôle important dans la rechute despatients parce qu’il augmente le niveau de critiques (Barrowclough & Hooley,2003). Mais il s’agit bien de phénomènes circulaires. Comme le rappelleMiklowitz (2004), les familles à haut niveau d’émotion exprimée ont une vul-nérabilité au dysfonctionnement pour laquelle la maladie du patient agitcomme un stresser, mais en retour, le patient a des vulnérabilités individuel-les, biologiques et psychologiques, qui sont activées par les interactions aver-sives au sein de la famille. La prise en compte de ces interactions, notammentl’identification des tentatives de solution – la critique exacerbée par exemple– qui entretiennent le problème, est donc un puissant outil systémique dechangement.

D’autres aspects de l’environnement familial ont pu aussi être étudiésqui confirment l’intérêt de la prise en compte de ces systèmes, notamment lestravaux sur les comportements mal-adaptatifs parentaux. Il a pu être établi,par exemple, que de tels comportements étaient associés avec un risque accrude développement de troubles psychiatriques chez leurs enfants, que lesparents présentent ou non des troubles eux-mêmes. Dans cette étude (Johnsonet al., 2001) portant sur 593 familles à New York, les jeunes et leurs mères ontpu être interrogés pour évaluer les symptômes psychiatriques éventuels desuns et des autres, les comportementaux parentaux et d’autres variables psy-chologiques. L’évaluation des comportements familiaux intégrait les techni-ques d’application des règles, les disputes violentes entre les parents, lespunitions sévères infligées aux enfants, les expressions de l’affection parentale,le temps passé par les parents avec les enfants et l’importance de leur commu-nication. Le résultat central était qu’on identifiait des effets des enfants sur les

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parents et vice versa, il s’agissait bien d’interactions circulaires. Un tempéra-ment difficile de l’enfant à 6 ans était associé avec des comportements mal-adaptatifs des parents à 14 et 16 ans. En retour, les troubles psychiatriques desenfants étaient d’autant plus fréquents ultérieurement que les comportementsdes parents avaient été mal-adaptatifs pendant l’enfance de leur progéniture.Parmi ces troubles, le lien a pu être établi avec l’anxiété, la dépression et, pourle sujet qui nous intéresse, avec les conduites addictives de l’adolescent et dujeune adulte.

De même, d’autres recherches considérables ont souligné le rôle essen-tiel joué par les relations familiales et l’environnement des familles dans ledéveloppement de problèmes d’alcool ou de drogues chez l’adolescent (Repettiet al., 2002). L’intérêt a pu se porter sur des environnements dysfonctionnels :par exemple, un faible niveau d’échanges et de fonctionnement familialaffecte le développement du jeune, ce qui en fait un adolescent plus aisémentsusceptible de s’éloigner pour s’affilier à des groupes de jeunes dans dessituations similaires et volontiers consommateurs de produits (Duncan et al.,1998). Mais à l’inverse, d’un point de vue systémique, on peut aussi releverque les problèmes de l’adolescent et ses consommations de drogues vont dés-tabiliser les relations familiales et qu’il peut s’agir aussi d’une cause et nonseulement d’une conséquence du dysfonctionnement familial (Liddle, 2004).Il importe également d’intégrer les difficultés liées aux problèmes sociauxdans le quartier ou le voisinage (Scheier et al., 1999) et ceux liés à l’accultu-ration (Vega & Gil, 1999). Autant dire que l’approche systémique reste d’unegrande actualité pour peu qu’elle sache s’enrichir de modalités d’interventionadaptées aux besoins et attentes des patients et de leur famille, notammentdans les milieux les plus défavorisés au plan socioculturel.

C’est dans cette perspective que furent élaborées les premières appro-ches multifamiliales. Comme le rappelle Mony Elkaïm (1979), le terme« thérapie multifamiliale » (Multiple Family Therapy) –TMF –, fut créé parCarl Wells en 1963 et cette approche fut développée par Peter H. Laqueur(Laqueur, 1978 et 1979 ; Laqueur et al., 1964). Il faut rappeler à ce proposl’heureux concept de « communauté soignante ». Ce travail fut poursuivi parWilliam R. Mc Farlane à New York (McFarlane, 1983 ; McFarlane, 2002 ;McFarlane, 2002). Après une psychanalyse personnelle, ce dernier se formaà la thérapie familiale avec des fondateurs du champ : Nathan Ackerman,Murray Bowen, Salvador Minuchin, Mara Selvini-Palazzoli et en compagniede Mony Elkaïm avec qui il travailla en 1975 dans le service que celui-civenait de mettre en place à New York. C’est une voie qui semble particuliè-rement prometteuse pour la prise en charge des jeunes addicts (Cassen& Delile, 2007).

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Conclusion

Les polyconsommations de substances psychoactives chez les adoles-cents sont un enjeu majeur de santé publique. Il a pu être en effet établi que lenombre de substances utilisées et le nombre de critères diagnostiques rencon-trés (abus, dépendance) chez un adolescent reflétaient la sévérité globale dela situation et étaient prédictifs du pronostic. Cette question des polyconsom-mations est d’une telle importance qu’il a pu être proposé que le futur DSM-V intègre ces deux paramètres tant leur valeur pronostique est forte pour ledevenir de l’adolescent (Crowley, 2006 ; Crowley et al., 1998).

Le repérage précoce de ces polyconsommations, le plus souvent duregistre de l’abus chez l’adolescent, et l’évaluation des facteurs de gravité, ens’appuyant, le cas échéant, sur des questionnaires d’autoévaluation, per-mettent d’aider le patient à identifier plus tôt le problème et à y faire face endéterminant avec le praticien des objectifs de soins et en co-élaborant aveclui des stratégies adaptées qui peuvent être remarquablement efficaces pourpeu qu’elles soient entreprises à ce stade (Delile, 2005). Dans cette pers-pective, les techniques d’entretien motivationnel et les approches familialescomplétées, si nécessaire, de thérapies brèves et d’un soutien psychosocialadaptés peuvent être particulièrement utiles. La prise en compte d’un troublelié aux substances et celui d’éventuelles comorbidités psychiatriques dontl’identification doit être, elle-aussi, impérative, peuvent conduire à des pres-criptions médicamenteuses qui devront être faites avec une grande prudencechez l’adolescent, tout particulièrement en ce qui concerne les médicamentspouvant donner lieu à abus.

Ceci étant, il convient d’insister à nouveau sur l’intérêt d’un repérageet d’une intervention précoces, ils peuvent permettre, en se généralisant,d’éviter ou, à tout le moins, de réduire bien des dommages personnels, fami-liaux et sociaux. De même les prises en charge familiales et multifamilialespeuvent être d’un grand recours, insuffisamment développé en France.

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