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Les Aléas du Destin (French Edition) - ekladata.comekladata.com/7fAOwJQuW8Cz-YU4JPogpl4X1Yw.pdf · Il existe deux choses qui empêchent une personne de réaliser ses rêves : croire

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LesAléasduDestin

CarolineGaynes

Illustration:CallieJ.Deroy

LaRomance,coll.dirigéeparAudreyDumont

ÉditionsL’ivre-Book

Ilexistedeuxchosesquiempêchentunepersonnederéalisersesrêves:croirequ’ilssontirréalisables,oubien,quandlarouedudestintourneàl’improviste,lesvoirsechangerenpossibleau

momentoùl’ons’yattendlemoins.

PauloCoelho

Chapitre1-Abbygaël

Mevoilàfinprêteàcommencermapremièrejournéedetravailauseind’unrestaurantdeluxeenpleincœurdeManhattan.

Monétatd’esprit ?Superanxieuse !Jen’aipasledroitàl’erreurcettefois-ci...

J’aiobtenulepostegrâceàmonamieJessy,alias«missCocktail»pourlesintimes.Unevéritableproenlamatière.Ilnousestarrivé,sesamiesetmoi,definirparterreavecsessucculentsmojitos.

Ilestdix-huitheurestrenteetlebriefingcommencedansunedemi-heure.J’aiunebouledanslecreuxdel’estomac:lapeurdenepasêtreàlahauteur !

Jevaisyarriver,jevaisyarriver...

Au loin, j’aperçois le directeur, monsieur Smith. C’est lui qui m’a fait passer mon entretiend’embauche.Jem’ensouvienscommesic’étaithier.

Cejour-là,j’avaisenfilémaplusbellerobenoire.Bond’accord,classique,maischicàmongoût.Uncoupdeferàlisserpourdonneruncôtéplusstrictàmalonguechevelureondulée,unpeudeblushsurmesjoues,untraitdelinernoirpourfaireressortirlebleuazurdemesyeuxetpourfinir,unrougeflashysurmeslèvrespourlecôtéfemmequis’assume !Aprèsundernierregarddanslemiroir,j’étaissatisfaitedurésultat.

Mamèrem’atoujoursapprisàmettreenavantmesatoutsavecclasseetélégance.Moncôtéraffinéetperfectionnistem’asouventvalulesregardsdenombreuxadmirateurs,suscitantparlamêmeoccasion,lajalousiedemescopines.Ledéfautquej’aileplusdemalàcacher,malgrémeseffortsincessants,estmamaladresse,quivientsouventgâchermonimagedefemmeparfaite.Enrevanche,monapparenceestunbonmoyendemasquermonmanquedeconfianceenmoi.Jecomptaisdoncbienutilisercetavantagepourréussiràobtenirceposte !

Mes clés enmain,me voilà partie en direction dumétro.C’était une très belle journée ensoleilléed’avril,lesgenscommençaientàremplacerleursmanteauxpardestenuesbeaucouppluslégères.

Jem’arrêtairapidementauStarbucksetdécidaideprendreunmacchiatto.IlmefallaitmettretoutesleschancesdemoncôtéetboireuncafémesemblaitêtreLASOLUTION.Àchacunsespetitsrituelspourêtreenforme !

Surlaroute,enpensantàlafaçondontallaitpouvoirsedéroulerl’entretien,jem’aperçusquej’avaisànouveaul’estomacnoué.

Toutvabiensepasser,toutvabiensepasser...

Ledestinnepouvaitpasjouerenmadéfaveurdeuxfois,non ?

Unefoisarrivéedevant«TheEmpireRestaurant»,jeprisunegrandeinspirationetmejetaiàl’eau.

Unebelleblondefiliforme logéederrièreunpupitreenboismassifauxcontoursdorésm’accueillit.Grandeclasse,pensai-jeàcetinstant.

–Bonjourmademoiselle,quepuis-jefairepourvous ?s’enquit-elled’unevoixmielleuse.

Jefaillisluidemanderl’adressedesoncoiffeur,devantsonblondfaçontieanddyetellementparfait.

–Bonjour,jevienspasserunentretienpourleposted’hôtesseavecmonsieurSmith,répondis-jed’unevoixchevrotante.

OnsereprendAbby,onsereprend...

La blonde jeta un rapide coup d’œil à son agenda, me sourit et me fit signe de la suivre. Noustraversâmesunevastesalleauxmursrouges.Degrandslustresdoréssurplombaientchaquetable.Malgréleurcôtéimposant,ladoucelumièrequ’ilsdégageaientcontribuaitàcréeruneambiancefeutréedespluschaleureuses.Surchacunedesvingt tables,unemajestueuseorchidéeblanchecontrastaitavec le rougedesmurs.

Aprèsavoirlongélescuisines,nousnousretrouvâmesfaceàuneporte.Surcelle-ci,lenom«Smith»enlettresd’orenimposait.Aprèsquelquescoupsfrappésparmissparfaite,monsieurSmithnoussignifiad’entrer.

–MonsieurSmith,votrerendez-vousestarrivé,annonça-t-elle.

–MerciAmber.BonjourmademoiselleClare.AndrewSmith.Jessym’aditbeaucoupdebiendevous.

Ilmetenditunemainquejem’empressaideserrer.

–BonjourmonsieurSmith.

D’ungesteilmefitsignedem’asseoir.Amberenprofitapours’éclipser,nouslaissantseuls.

Çayest,onyest...AllezAbbytuvast’ensortir...Forceetcourage !

Andrew devait être âgé d’une bonne cinquantaine d’années. Ma première impression était plutôtpositive,ilsemblaitgentil,accessible.Brun,assezgrand,sonvisagem’inspiraitconfiance.PascommecescélératdeRob,monancienpatron.

Jenesuis restéequesixmoisdanscerestaurantmiteuxde la4 thavenue.Malgréce lapsde tempsplutôtcourt,j’auraispudemanderunemédaille !Travaillerlà-basn’avaitpasétéuneminceaffaire,mais

ayantunloyeràpayer, jen’avaispasvraimenteu lechoix.Heureusement, jepouvaiscomptersurmesamiespourm’aideràtrouverunesolutionàcecalvaire !J’airencontréJessyDaneparlebiaisdemonamieJuliaDavenport.Elles sontcousines.Quand je luiaiparlédemesproblèmes,elle l’acontactée,espérant qu’elle puisse me venir en aide. Jessy lui avait répondu qu’elle pouvait compter sur elle.Connaissant du monde dans le milieu, elle s’était fait un point d’honneur à me rendre service. Noussommesdevenuestrèsvitedebonnesamies.

Jessym’avaitparlédecetteplacequiselibéraitdanslerestaurantoùellebossaitilyadeuxsemaines.Devant mon enthousiasme, elle avait donc soumis ma candidature à monsieur Smith qui m’avaitimmédiatementrappeléepourmeproposerunentretien.

–CommeJessyadûvousledire,unedenoshôtessesestenceinteetnoussommesàlarecherched’uneremplaçantepourpalliersonabsencedèsmaintenant.

–Eneffet,Jess…,jeveuxdire,mademoiselleDane,m’enafaitpart.

–Trèsbien.Jevousproposedeprocéderdelamanièresuivante:jevousfaisdécouvrirlerestaurantetvousexpliqueceque j’attendsdevous,ensuite jevous inviteraiàvousprésenteretàmeparlerdevotreparcours.Est-cequecelavousconvient,mademoiselleClare ?

–Parfait.

J’avaistoutdesuitecomprisqu’Andrewétaitquelqu’undetrèsprofessionnel,respirantlarigueuretl’ordre.

Il commença parme dire qu’il avait ouvert ce restaurant il y a 10 ans, avec sa femme, grand chefcuisinier. Toute la décoration avait été pensée par un architecte de renommée internationale, BrianO’Connell.Andrewm’expliquaquecelui-ciétaitundesesamisproches.Jedevinaiunegrandetristessedansleregardd’Andrewàl’évocationdesonami,maisilserepritrapidementetpoursuivit.

Il m’indiqua qu’il fallait compter une moyenne de soixante couverts par service. Il me répéta àplusieurs reprises : « le client est roi », « la base de tout est le sourire » et « il faut être le plusdisponiblepossible».Ilabordaégalementl’existenced’unsalonprivé,pourlequelilétaitindispensabled’êtreabsolumentirréprochable.

Ilme raconta ensuite une ou deux anecdotes sur le restaurant, dont une concernant des légumes pascuits,unboldechocolatetdessautesd’humeurdefemmeenceinte,lasienne.

L’entretiensepoursuivait,etj’avaisl’impressionquenousnousentendionsàmerveille.MalgréunCVplutôtmaigre,lefeelingquipassaitentrenousmelaissacroirequejepourraispeut-êtreconvenir.

CequemonsieurSmithvalidaaussitôt:

–Jesuisheureuxdevousannoncerquevousêtesparfaitepourceposte !Sic’estbonpourvous,çal’estpourmoi.

Lachancefrappaitàmaporteetjedécidaidelalaisserentrerdeboncœur.

–J’accepteavecgrandplaisir.Jenevousdécevraipas !

Aufonddemoi,j’espéraissincèrementquetoutcequem’avaitditAndrewunpeuplustôtétaitexact:une très bonne ambiance et des pourboires importants. Je suis donc sortie de cet entretien sereine etpleined’espérancepourcenouveautravail.

Etmevoilàaujourd’hui,d’attaquepourmonpremierjour !

J’avancedoncprèsdugroupequifaitfaceàmonsieurSmith.

IlmeprésentecommelanouvellerecruequiremplaceEléonora.

–Jevouspriedetoutfairepourqu’Abbygaëls’intègreetsoitopérationnellerapidement.Cesoirnousrecevons monsieur O’Connell. Je vous demanderai donc d’être encore plus irréprochables qued’habitude,etdefaireensortequecelui-ciaitenviedevenirdînerplussouventcheznous.

Andrewparaîtanxieux.Est-cedûàlaprésencedece...Commentdéjà ?

O’Connell ?Ahoui !Andrewenaparlélorsdel’entretien...

Tout lemondecommenceàsedisperser,et je finisparmeretrouverseuleavecAndrewetun jeunebrunauregardténébreux.

–Marc,jecomptesurtoipourprendresoustonaileAbbygaël,luidit-ilenluifaisantuneaccolade.

Ilsparaissentassezcomplicestouslesdeux.Marcs’approchedemoietmefaitsonplusbeausourire.

–Suis-moi, jevais te fairefaireun tourrapidedurestaurant, temontrer lacarteet teprésenterà labrigade.

Jenesaispassic’estpourmedétendreparceque jeparaisanxieuse,maisMarcsemetalorsàmeraconteruneblague.Çamarcheplutôtbien,nouspartonsdansunfourire.Auloin,MonsieurSmithnousfaitlesgrosyeux,cequinousfaittaireinstantanément.

– Je ne sais pas l’idée que tu t’es faite d’Andrew,mais sous ses airs autoritaires se cache unmecgénial.C’estlepremieràfairedesblaguesici.Tuapprendrasviteàleconnaître.

Jesuissurprise,carjenel’imaginepasfanfaron.

–Sérieusement ?

–Tuverraspartoi-même...Parcontre,méfie-toi,aveclafemmedugrandchefc’estuneautrehistoire !Ici,onl’appelle«ledragon»...

Aprèsavoirfaitletourdescuisines,etembrasséJessyaupassage,j’apprendsparcœurlacarteetlesplatsdujour.

Alorsquelespremiersclientsentrentdanslerestaurant,jemecomposeunmasqued’hôtesseparfaite.Marcm’informequejedoisgérerdeuxtablespourcommencer,cellessituéessurlecôtégauche,nonloindesportesmenantauxcuisines.Lablondefiliforme,Amber,arriveaccompagnéed’unvieuxcouple.Marcmefaitsigne,jeviensàleurrencontreetlesinviteàmesuivre.

–Bonsoir,jesuisAbbygaël,c’estmoiquivaism’occuperdevouscesoir.Souhaiteriez-vousprendreunapéritifpourcommencer ?m’enquiers-je,avecmonplusbeausourire.

–Ehbien,mademoiselle,noussommesdeshabituésici,etilmesemblequec’estlapremièrefoisquenousvousvoyons !

Jemerapprocheet,surletondelaconfidence,jeréponds:

–C’estmonpremierjourici…

Assezintimidée,jeleurtendslacartedescocktails.

D’ungestedelamain,lafemmemefaitcomprendrequecen’estpasnécessaire.

–Voussavez,nousavonsnospetiteshabitudesici…JepeuxdéjàvousdirequepourWalter,monmari,ceseraunwhiskydixansd’âge,sansglaceetpourmoiceseraunCosmopolitan.

Jegardedonclescartescontremapoitrineetacquiesceensouriant.

–C’estcommesic’étaitfait.

Jem’éclipseetmedirigeverslebarpourpassercommande.

–Jess,s’ilteplaît,ilmefautunCosmoetunwhiskysansglacepourlaquinze.

–Jetefaisçatoutdesuite !

Regardantendirectiondelaquinze,ellemesouffle:

–Tuasdelachance,tuaslecoupleTembers,ilssonttrèssympas,tuverras.

Elleprendlavoixrocailleused’Andrewpourl’imiter:

–Laclé,c’estlesourire!

Jereviensdoncàleurtableavecleursboissonsetquelquesamuse-bouches.

–Voicipourvousmadame !

JeluitendssonCosmoetfaisdemêmepourmonsieur.

– C’est un plaisir d’être servis par une aussi charmante jeune fille, pimpante et souriante, mecomplimente-t-elle.

Jememetsàrougir,lefaitdetravaillericivabeaucoupmechanger:ilfautavouerqu’êtrefaceàdespersonnessihumainesétaitraredansmonancienemploi…

Tout le reste du service se passa très bien : j’étais emballée, je réalisais un sans-faute dans mescommandesetlesclientssemblaientsatisfaits.

J’eus tout demêmeunmoment de trouble aumilieude la soirée alors qu’unhommeentrait dans lerestaurant.Letempsmeparutsuspendu.Pivotantsurmoi-même,jelevisquiregardaitdansmadirection.Enfaitnon, ilmefixait !Ilétaitbeaucommeundieu,pleindecharme.Ilsemblait toutdroitsortid’unmagazinedemode.J’eneuslesoufflecoupéjusqu’àdevenirrougepivoine.Ceregard...

À peine avait-il franchi la porte du restaurant que toutes les personnes (plus particulièrement lesfemmes)dansunrayondecinqmètress’immobilisèrent,commehypnotisées.Enmêmetemps,ilfautdirequ’ilyavaitdequoi...Cethommeavaituncorpsà tomber !Jenem’attardaipasplusqueça,d’abordparcequej’étaisenserviceetpuisparcequ’ilauraitétégênantetnonappropriédelecontemplerainsipendantuneheure...Jemesurprisàressentirdessortesdefrissonstoutlelongducorps.

Commentarrivait-ilàfaireça ?

Alors qu’il me fixait, je le vis sourire, furtivement, sûrement à cause de la tête que je faisais...Honteuse,jemeretournaietreprismontravail,sansunregardpourluijusqu’àlafindemonservice.Cen’estqueplustardqueMarcmeglissaquecebelApollonn’étaitautrequelefameuxO’Connell...

Après la fermeture du restaurant, chacun s’attelle à ses tâches respectives. J’aide Marc pour lenettoyagedestablespendantqu’Andrewfaitletouretdonneàchacunsespourboires.Arrivéànous,cederniermedemandealorsdelesuivredanssonbureau,pourfairelepoint.Bienquejepenseavoirfaitbonneimpressionauprèsdetous,j’angoissetoutdemêmeunpeu.

Il a l’air de bonne humeur... Est-ce dû à la présence de ce O’Connell ? Je compte bien lui poserquelquesquestionsàcesujet,maisjelelaissecependantcommencer.

–EhbienAbbygaël,c’estavecjoiequejevousannoncequevousavezfaituntravailremarquablecesoir.Jecomptesurvouspourcontinuersurcette lancée.LesTembersn’ontpastarid’élogessurvous.Entrenous,cesontdespersonnescharmantes.Jesuisplusquesatisfaitdevous !

Àl’entendre,jesuisdéjàopérationnellepourleposte,cequiflattemonegoetmeredonneconfianceenmoi.

BravoAbby !!!

Mesparents,quiétaientaudépartsceptiques,vontêtreravisd’apprendreque j’aienfindécroché leposte de rêve par excellence !Depuis cet épisode cauchemardesque, il y a presque deux ans, ils sontdevenussurprotecteurs...L’enlèvement...Monenlèvement...Àcesouvenir, jen’entendspluscequemeditAndrewetm’engouffredanscecauchemarànouveau...

C’était le jour demes vingt-six ans. Par une chaude journée de juillet, nous avions décidé de faired’unepierredeuxcoups:fêterl’obtentiondenosdiplômesetmonanniversaire.J’étaisaccompagnéedemonpetitamidel’époque,Matthew,maisaussideJulia,EthanetÉlisabeth.Nousétionssortistouslescinqenboîtedenuitetdansionscommedesfous.Àforcedememouvoir,j’avaisressentilebesoindem’hydrater un peu. J’avais donc pris mon verre qui était resté sur notre table... À bien y réfléchirmaintenant,c’étaitunegrossièreerreur...Jel’avaisbud’unetraite,essuyantaupassageleliquideambrésurmaboucheavecledessusdemamain.Auboutd’unmoment,matêteavaitcommencéàcruellementtourner...cequej’avaisattribuéàcemoment-làauxmélangesd’alcool,àl’euphoriedeladanseetàlachaleur oppressante qui régnait dans la boîte. Il fallait que je prenne un peu l’air, j’avais prévenuMatthew que jem’absentais cinqminutes. Ilm’avait enlacée, se proposant dem’accompagner. Je luiavaisgentimentréponduquejereviendraisrapidement...Etc’estlàquemoncauchemaracommencé...

Lavoixd’Andrewmefaitémerger.

–Abbygaël, vous vous sentez bien ?Vous êtes pâle tout à coup. J’ai comme l’impression que vousn’êtesplusavecmoi.Vousn’aimezpaslescompliments ?

Iltentedefairedel’humour,histoiredefairerevenirsurmonvisageunsemblantd’expression.

–Je...Euh...

Abbygaël,tut’étaisjurédeneplusypenser,d’oublier…Nouvellevilleégalnouveaudépart !

–DésoléemonsieurSmith, j’ai euunpetitmomentd’absence, sûrementdûau stressde lapremièrejournée.

Mon mensonge sonne faux, mais Andrew a la délicatesse de ne pas relever. Après m’avoirraccompagnéejusqu’àlaporte,ilmerecommandegentimentderentreretdemereposer:demain,prisedeposteprévueàonzeheures.

Enmelevant,jenepeuxm’empêcherdeluiposerlaquestionquimebrûleleslèvres:

–MonsieurSmith,ceO’Connell,c’estceluidontvousm’avezparlédurantl’entretien ?

–C’estsonfils,plusexactement.

Ilsemetàsourire...

–Jepariequ’ilnevousapaslaisséeindifférente ?C’estluiaussiunarchitectereconnuàNewYork,ilarécemmentparticipéàlarénovationdelasalledespharaonsduMetropolitanMuseumofArt.Trente-trois ans et déjà une star ; très prometteur ce petit. Son nomestBradleyO’Connell.Mais entre nous,Abbygaël,vousnedevezpas lire les journauxniregarder la télé, ilestpartout !Difficiledenepas leconnaîtrecelui-là,ilestaussiréputépoursesconquêtesquepoursonart,unplay-boyinvétéré.Entoutcas, dèsqu’il vient dansnosmurs, il nous fait de la pub et grâce à sesvisites régulières, nous avonsfacilementdoublénotrechiffred’affaires !S’ilyabienunclientàsatisfaire,c’estcelui-là,ajoute-t-il.

–BradleyO’Connell...Jem’ensouviendrai.

–DernièrechoseavantdepartirAbbygaël:appelez-moiAndrew,toutlemondeicilefait.

–Entendumonsieur...EnfinAndrew.

Etc’estensouriantquejequittesonbureau.

Aprèsavoirsaluétoutlestaff,jemedirigeverslasortiequandJessymerattrape.

–Jeteramènemabelle ?

–Entendu !

EllemedéposeàmonpetitappartementdeMidtown.Àlasecondeoùjel’aivu,jesuistombéesouslecharme.Enpartieparcequ’ilestsituéenpleincœurdelazone«shopping».Messenssontenalertedèsquejepasseleseuildemaporte,jedoismefaireviolencetouslesjourspournepasflâneràtraversla7thavenueetcraquerpourdenouvellestenues.

Lapremièrechosequej’avaisfaite,unefoislesclésdel’appartementenmain,c’étaitd’ajouterdeuxserruressupplémentaires.D’accord,jereconnaisqueçafrôlelapsychose,maisilmefallaitaumoinsçapourquejepuissefermerlesdeuxyeuxlanuittombée.

Àpeineladoucheterminée,jemejettesurmonmeilleurami...monlit !JesuisrapidementrejointeparmonfidèleamiMiro,monchatnoir.

Madernièreimageavantdesombrerest leregardperçantdecethomme.Bradley...Jemesurprendsmêmeàavoirdespenséesimpures.Maisbienvite,monsubconscientprendledessus.

Abbygaël,redescend,cen’estabsolumentpasunhommepourtoi !

Chapitre2-Abbygaël

Aprèsavoiréteintmonradioréveildelamanièrelaplusviolentequisoit, jemedécideàmeleverpourprendreunboncafé.

Mon appartement est assez petit. Ma chambre est juste assez grande pour y accueillir mon lit àbaldaquinetdanslemurdegauche,unplacardencastrémesertdeminidressing.Ilestmillefoistropétroit,c’estunvraicalvaire !Étantunegrandefandemodeetdesoldes,enl’espaced’unmois,celui-ciétaitdéjàpleinàcraquer.Siçanetenaitqu’àmoi,jecreuseraisuntroudanslemur,histoiredecontinueràleremplirdechaussures,chapeauxetautresaccessoires.Maisjepensequeçaneplairaitpasdutoutaupropriétaire…

Monpetitsalonestplutôtcosy,àl’exceptiondemontapisrouge,seulobjetquej’aiconservédemonanciennevie,situéentremonmeubledetélévisionetmoncanapédeuxplaces.Unjour,chezmesparents,j’aivuunfilmavecHeatherGrahametJosephFiennes:«Feudeglace».Lascènesurletapisrouge...Aieaieaie...Matthewetmoil’avionsrejoué,surcetapis...Rienqued’ypenserj’aichaudtoutàcoup.

Mêmesijeneveuxpasmel’avouer,lefaitderepenseràluiprouvebienquejesuisenmanque...

Lorsquejel’airencontré,j’étaisloindemedouterquel’onvivraituneliaisonensemble.Nousétionsdeux amis que tout opposait, on passait lamajorité de notre temps à nous disputer sur tous les sujetspossiblesetimaginables(l’importancedelamode,l’économie,lesport…).Maisunsoir,aprèsunciné,enmeraccompagnant,surlepasdemaporte,ilm’avaitembrasséetendrement.Jem’étaisretournéepourrentrerchezmoi,laissantlaporteentrouverte,commeuneinvitationsilencieuseàmerejoindre.Ilavaitbiencomprislemessage...

Notrerelationaprisfinilyaplusd’unanetdemimaintenant,jen’aifréquentépersonnedepuis.Monenlèvementetmaséquestrationpendantplusieurs joursm’ontanéantieetnotrehistoireenapâti.Nousn’étions plus sur la même longueur d’onde. Matthew me répétait sans cesse d’aller de l’avant, enm’encourageantnotammentàpasserl’examend’admissionaubarreau.Maisc’étaitplusfortquemoi,jerestaischezmoi,cloîtréedansmachambre.J’étaiscomplètementperturbée.Matthewnepouvaitplusmetouchersansquejerevoiemonagresseur,c’étaitinsupportable.

Matthew s’est alors vu proposer unemission humanitaire en Afrique, et il a saisi l’occasion pourpartir.Pourêtretoutàfaithonnête,j’aiénormémentsouffertdesondépartaudébut,maisjenepouvaisplusmevoilerlaface,cequenousavionsvécuétaitmort,toutcommeunepartiedemoi.Depuiscejour,jem’étaisfaituneraison,j’allaisfinirseule,hantéeparcetinconnuquim’avaitdétruite.

Lapolicen’ajamaisretrouvémonagresseur.Lesavoirdehors,telunfauveprêtàbondirsursaproie,

m’empêchaitdepasseràautrechose.Jenemesentaisplusensécurité,celapouvaitêtren’importequi !Leboulanger,lefleuriste,lelibraire...J’aivécuplusd’unancommeunerecluse,augranddamdemesparents.Etunjourj’aieuundéclic,jemesuisditquej’étaisjeuneetqu’ilfallaitquejepartedansuneautrevilleoùpersonnenemeconnaissaitetoùjepourraistoutrecommenceràzéro.

Au départ, mes parents ont très mal réagi, mais avec le temps ils se sont fait une raison. Ils ontvaguementfaitallusionaufaitdemesuivre,maisavecleursboulotsrespectifsetuncréditimmobiliersurledos,c’étaitimpossible.Ilétaithorsdequestiondetoutefaçonqu’ilsviennentavecmoi.J’étaisenâgedeprendremonenvol,et,àmonsens,lamalchancenepouvaitpasfrapperdeuxfoisàmaporte.

Jemesurprendstoutàcoupdevantlemiroir,aumilieudusalon,levisageensueur.Jeviensencoredesuccomberàcessouvenirs.Jejetteunœilàlapenduleetm’aperçoisqu’ilmeresteencoredeuxbonnesheuresavantmaprisedeposte. Jedécidedoncdepasserpar lacaseménageavantdeme refaireunebeauté.

Une foismes corvées terminées, je décide d’appeler Julia.Me souvenant qu’elle devait avoir uneplaidoirieaujourd’hui,jepréfèreluiécrireunSMS,encoreinstalléesurmoncanapé:

«CoucoumaJu,petitSMSpourtedirequ’icitoutvabien.

J’aipassémapremièrejournéedetravailavecsuccès.

Ledirecteural’airravi:pourvuqueçadure !

Tuesdispopouruncall ?»

Jen’aimêmepasletempsdereposermonportablequecelui-cisemetàvibrer:

«Salutmabelle,contentedesavoirquetoutvabien !

Jesuisensalled’audience,appelle-moicesoiraprèstonservicesiçateva ?

Xoxo.»

Jerépondsunrapide:

«Comptesurmoi.Bisous.»

J’enfilemeschaussuresetmevoilàpartieendirectionde:«TheEmpireRestaurant».

Unefoisàl’intérieur,j’aperçoisJessyenpleineconversationavecMarcetAnna.Enmevoyant,ellemefaitsignedelesrejoindre.

Jen’avaispasencoreeul’occasiondeparleràAnna,hôtesseelleaussi,maiscôtéVIPdurestaurant.Ellegèrelapartiesalonprivé.Elleadûservirlemecsexy...

Jeressenscommeunpetitpincement.Jalouse,MOI ?Pasdutout…Pasd’hommedansmavie, jenesuispasprête !Etaucunintérêtdebaversurunquisoitinaccessible.Quoique...Aprèstout,lesfantasmessontsansconséquence !

–Abbygaël,meditAnnad’untonbourréd’amertume,Andrewm’aditqu’ilsouhaitaitquecesoittoiquitechargesdusalonprivécesoir.

Tousparaissentaussiétonnésquemoi...Paniquée,jeluirépondsqu’ildoitsûrementyavoiruneerreur.

–Nonnonjet’assure,j’aiégalementétésurprise,carJAMAISuneautrehôtessen’aprismaplace.

BonOK,Annaestvraimenttrèsencolère,maisjen’aipasdemandéàl’avoir,SAplace !Jedétesteêtreaucentredesdiscussions.

–ÉcouteAnna, jene suisabsolumentpas intéressée, jevaisdoncallervoirmonsieurSmith... enfinAndrew,etluidirequejenesouhaitepastravaillerdanslesecteurVIP.

–Faiscequetuveux…

Malgrémesefforts,ellenesemblepasdutoutconvaincue.

Jemedirigedoncverslebureaud’Andrew,saluantaupassagelescinqcommisencuisine.Aprèsquej’aifrappéàlaporte,Andrewvientm’ouvrir.Iln’estpasseul,safemmeestassiseenfacedesonbureau.

–Excusez-moidevousdérangermons....Andrew,rectifié-je.JeviensdecroiserAnnaquim’aditquejedoisprendresazonecesoir.

–Ahoui,eneffet,c’estvousquivousoccuperezdusalon.

–Maisjevienstoutjustedecommenceret...

La fin de ma phrase meurt dans un murmure. Andrew enchaîne rapidement afin de m’expliquer laraisond’untelchangementdeprogramme.

–VousvoussouvenezdemonsieurO’Connell,n’est-cepas ?

–Ouibiensûr.

JenevoispasoùAndrewveutenvenir.

– Il sembleraitqu’ilvousait remarquée.Unde sescollaborateurs a téléphoné. Il a réservépourcesoir,etilsouhaiteraitquevousvouschargiezdeleurtable.

–Jenecomprendspas,nousnoussommesàpeinecroisés...

Lafemmed’Andrewprendalorslaparole:

–Ehbienc’estunechanced’avoircethommedeuxjoursdesuitedansnotrerestaurant !Doncs’ilvousveutpourleservir,qu’ilensoitainsi.VoussavezmademoiselleClare,vousdevriezleprendrecommeuncompliment.Vousn’avezmêmepaseubesoindeluiadresserlaparolepourlecharmer...

Jenesavaispasqu’ilétaitautorisédeboireautravail...

Pourmesortiruneénormitépareille,ellenepouvaitqu’êtreuntantsoitpeuéméchée !

Bon,ressaisis-toiAbby !

–Abbygaël,vousservirezlesalonprivécesoir,lesujetestclos.

Andrew vient se mettre à côté de moi et pose sa main sur mon épaule dans un geste paternel. Jecomprendsalorsquejen’auraipaslederniermotlorsqu’ilmeraccompagneàlaporteenmedisantquetoutsepasserabien.

–Entendu,désoléedevousavoirdérangé,monsieur.

–Andrew,Abbygaël,appelez-moiAndrew.

J’aienviededirequematentativedenégociationestunécheccuisant.Maispourquiseprend-ilceO’Connell ? MONSIEUR a de l’argent donc monsieur exige ! Je vais lui faire passer l’envie de medemanderd’êtresonhôtesse,ilnevapasêtredéçu...

Deretourparmilepetitgroupe,j’expliquelasituationàtoutlemondeetc’estsanssurprisequ’Annaparténervéedans lesvestiaires,malgrémesexcusesàrépétition.Dansunsens, je lacomprends,maisellenepeutpasdirequejen’aipasessayé...

Leservicedumidisepassesansdifficultéetc’estaveclesourirequenouspartons,Jessyetmoi,boireunpetitverreavantd’attaquerceluidecesoir.

Surletrajet,jesaisisl’occasiond’êtreseuleavecellepourlaremercier.Jessyenprofitepoursefaireinviteràl’appart,avecpouruniqueconditionquejeluipréparemaspécialité,leslasagnesauxlégumes,recettetransmiseparmamère.Nousnousmettonsd’accordsurlejeudisoirdelasemaineprochaine.

Nousarrivonsau230FifthRooftop,unbarsurla5thavenue,commesonnoml’indique.Encorel’undes coins sympas dénichés par notre Jessy. La terrasse offre une vue imprenable sur l’Empire StateBuilding.Enplusdedégusterleurincontournable«StrawberryMargarita»,lepanoramaestàcouperlesouffle.Pourprofiterdelavueentoutesaison,ilsmettentmêmedespetiteslainesrougesàladispositiondesclientsenhiver.

Nousévoluonsàtraversdemagnifiquespalmiersetautresverdures.Jessychoisitunetableabritéedusoleil.Avec sapeau laiteuse, ellenepeutpas s’exposerbien longtemps, souspeinedevirerau rougeécrevisse.

Une petite brise vient rafraîchir l’air étouffant etme redonne l’impression de respirer aumilieu detoutecettepollution.

–TuaseuJuliaautéléphonerécemment ?medemandeJessy.

–OnaéchangéquelquesSMS,jesuiscenséel’appeleràlafinduservicecesoir.

–Tuluipasseraslebonjourdemapart !

–Jen’ymanqueraipas !J’espèrequ’ellepourravenirundecesjours,ellememanquetellement…Àparttoi,jen’aipasbeaucoupd’amisicipourlemoment !

JeressensalorslebesoinderelancerlesujetépineuxdusalonVIP.Jen’arrivetoujourspasàcroirequ’ILm’aitréclaméepourleservice.Cethommeestd’uneprétention !

–Tu sais, jen’aivraiment rien faitpourprendre laplaced’Anna. Je suis tellementgênéevis-à-visd’elle.C’estàpeinemondeuxièmejouretleshistoirescommencentdéjà...

–Tun’aspasbesoindetejustifiermabelle,çaluifaitlespiedsànotreAnna,depuisletempsqu’onlatannepourqu’elleredescendesur terre.Ellepensequ’enservant lesmembresdelahautesociété,ellepourraelleaussienfairepartie...

JemedoutaisqueJessyprendraitmadéfense.Enquelquesmois,elleasumecerner.Ellenesaitpascequej’aisubi,maisellevoitquederrièremesgrandsairsdefemmefortesecacheunefillepeusûred’elle.Jesupposequ’elledoitavoirdesdoutes–carelleavulatripleserruredemonappartement–etqu’elleestdéjàtombéesurlabombelacrymogèneetlecouteauquisonttoujoursdansmonsac...Puis,unsoiraprèsuneséancecinéma,jem’étaismiseàpaniqueràcausedelafoulequisortaitdelasalleetj’aicommencéàfaireunecrised’angoisse.Ellem’avaitfaitm’asseoirsurunsiègeetrespirerdansunsac.Cequej’aimechezJessy,toutcommechezsacousine,c’estqu’ellerespectelavieprivée.Ellenem’ajamaisforcélamain.Jepensequ’elleattendtranquillementquejeluiexpliquemonmalaise.Maisjenesuispasprête...etjemedemandesincèrementsijeleseraiunjour...

Aprèsquelquesheuresdebavardage,ondécidedefaireunpeudeshopping,nonloindubar.

Plus le début de soirée se profile, plus je commence à paniquer. Je n’ai qu’une envie : que ceO’Connell annule sa réservation ! J’ai trop peur qu’il attire la foule, je veux rester cachée dans matanière,continuermontrain-trainquotidien.

Etnousyvoilà.Aprèsquelquesrecommandationsd’Andrew,jesuisdanslesalon,attendantqu’arrivelegroupedequatrepersonnesaveclebelApollon.Jedécidedefaireuntourpourinspecterleslieux:c’estununiverstoutnouveaupourmoi !Jen’avaispaseul’occasiondevenirlaveillepouradmirerledécor.

Le salon est sublime. Son plafond tout en verre et la baie vitrée au fond offrent une sensationd’immensité. La lumière tamisée apporte, quant à elle, un côté intimiste. Un grand tapis couleur orrecouvreleparquetquasimententotalité,etvientadoucirlerougedesmurs.

Jefermelesyeuxuninstantpourmelaisserguiderparmonodorat:ilsedégageuneforteodeurdecuir

en provenance des fauteuils. Je capte également un parfum fleuri, celui des bouquets de roses rougesplacés sur lesquelques tables.Cemélangemechatouille lenez, jeme sens subitementbeaucoupplusdétendue...

Soudain, l’air se charge en électricité. Frappée par la même sensation que la veille, je sens saprésence,àseulementquelquesmètresdemoi.J’hésiteentremeretourneretm’enfuir…

Reprenantunpeudecontenance,jeprendsunegrandeinspirationetremetsmonmasquedelaparfaitehôtesse.

Jelevoisalors,s’avançantàpasdefauve.Vêtud’unjeanmarron–jeparieraissurledernierHugoBoss–tenuparuneceintureArmanidanslamêmeteinte,assortid’unechemisebleutypebûcheron,sonstyleestsimple,maistendance.Lesdeuxboutonsouverts,laissantapparaîtreunelégèrepilosité,rendentcethommeencoreplusviril.Jecroismêmeentrevoirundébutdetatouage...

Letoutestmisenvaleurparunjolimanteaugrisetaccessoiriséavecuneécharpedontlacouleur,plusdiscrète,s’accordeaveclepantalon.

Trèsharmonieux !

Sescheveuxchâtainsébouriffésmedonnentenvied’yglisser lesdoigts,de l’attirerversmoi,de lesentir,letoucher...Ilestvraimentbeau,encoreplusbeauvudeprès.

Etsesyeux…

Jepourraismelaisserhappertelleuneproiefaceàceregardincendiaire.

C’estmoioùilfaittrèstrèschauddanscesalontoutàcoup ?

Unesonnetted’alarmeretentitalorsdansmatête.Commentpuis-jeressentircelaaprèscequ’ilm’estarrivé ?Jenemereconnaispas.Quiestcethommequimefaitavoirdespenséesdecegenre ?Jedoissûrementêtreguidéeparunsentimentcrueldemanque... Jen’avais ressentiçapouraucunhomme.Dumoinspasaussifort…etpasdepuisMatthew...

Chapitre3-Abbygaël

–Bonsoirmademoiselle.Nousavonsréservépourquatrepersonnesàmonnom,O’Connell.

Enplusd’êtresexyenapparence,savoixgraveetrocailleusemefaitperdrepied.

–Abbygaël,pourvousservirmonsieur.Vousêteslepremierarrivé,nousvousavonsinstallésprèsdelabaievitrée,sivousvoulezbienmesuivre...

Unephrasecomplètesansbégayer !C’estbienAbby,jesuisfièredetoi !

J’entameàpeinelamarchedelavictoirequemonpieddroitseprenddansletapisetjemanquedetomber à la renverse. Je sens alors lamain puissante de Bradleyme rattraper in extremis. Voilà uneparfaitedémonstrationdemamaladresse.

Jebaisselatête,rougissantedehonte.

–Mercibeaucoup,monsieurO’Connell.

–Jevousenprie,venirenaideauxjoliesdemoisellesendétresseestmaspécialité.Enfin...ajoute-t-ilenmefixantdroitdanslesyeux,l’unedemesspécialités...

Jenotelecomplimentetsurtoutl’intonationsensuelledesadeuxièmephrase…

Reprends-toiAbby,reprends-toi.Unpeudesérieuxtoutdemême !

–Voicivotretable,monsieur.

Ilplongesesyeuxnoisettedanslesmiensetjel’entendsmurmurer:

–Parfaite…

Jenesauraisdires’ilparledelatableoudemoi...

Jedécidedenepasreleveretluipropose,enattendantsesconvives,deprendreunrafraîchissement.

Après avoir essuyé un refus, je m’éloigne, pour me diriger vers les cuisines. En sa présence,l’atmosphèreesttropoppressante,jesuismalàl’aise…

Maisj’entendsdansmondos:

–Abbygaël,c’esttrèsaimableàvousdevousoccuperdenous.

–Cen’estpascommesij’avaiseulechoix…,nepuis-jem’empêcherderépondre.

Àsatêteinterloquée,jecomprendsqu’ilnesaitpasdequoijeparle.

Puis,aprèsuninstantderéflexion,jelevoisesquisserunsourire.

–Jecroiscomprendre...Etaufinalc’estunetrèsbonneinitiativedesapart !Ilvafinirparl’avoirsonaugmentation.

Etlevoilàpartidansunfourire.Celan’apasl’airdelegênerplusqueçad’êtreleseulàrire…

–Jenevoispascequ’ilyadedrôle.

Celaaaumoinspoureffetdelecalmer…maisnel’empêchepasdemejeterunregarddebraise,sonsourireendisantlongsursesintentions...

Jesuisvexéedeneriencomprendreà lasituation.Jem’apprêteàm’éloigner,quandsamainretientmonbras.À son contact, un courant chaud se répandde l’endroit où il a posé samain àmapoitrine,jusqu’àatteindrelebasdemonventre...

–Jenevoulaispasvousoffenser,Abbygaël.

Monprénomsortantdesabouchesonnecommeunecaresse.

– Je suis désolé, tout ceci est dû à Simon, un de mes fidèles collaborateurs. Il peut parfois êtreentreprenant,maisc’estdemafaute,jepenseluiavoirdonnélesraisonsdelefaire...

Jecomprendsalorsqu’iladûparlerdemoiàceSimon,maisilneparaîtpasgênéoutremesureparcetaveu.Ilsedégagedecethommetellementd’assurancequej’enviensàmedemandersiquelquechoseouquelqu’unpeutluirésister.Ilinclinelatête,commepourmieuxliredansmespensées,etmefaitunpetitsourireàfairefondreunglacier.

Àcepropos:Abbygaël,ICEBERGDROITDEVANT !Si tucontinues, tuvasfinirparconnaître lemêmesortqueleTitanic...

–Jevouspriedebienvouloirm’excuser.Jevousproposederecommenceràzéro...Laissons-nousunechancederepartirsurdebonnesbases !

Ilselève,seplaceàl’entréeetmefaitsignedelatête,m’encourageantàlesuivre.

–Bonsoirmademoiselle... s’exclame-t-ilenpenchant la têtepour faireminede liremonnomsur lebadge,assezprèspourquel’odeurmusquéedesonafter-shaveenvahissemesnarines.

Cequ’ilsentbon...

–Abbygaël...trèsjoliprénom !ajoute-t-ilavecunpetitclind’œilcomplice.NousavonsréservépourquatrepersonnesaunomdeO’Connell.

Jedécidedemeprêteraujeu...etleréinstalledoncàsatable,luiproposantànouveauuneboisson.Cettefois,ilmedemandeunverredeblanc,unchablis.

Lorsque j’arrive au bar, Jessyme laisse à peine le temps de lui passer ma commande qu’elle mequestionnedéjà.

–AlorsAbby,commentçasepasseavecmonsieurSexy ?

–Benécouteçava...malgrélefaitqu’ilsoitassezintimidant...

–C’estvraimentlepremieradjectifqualificatifquitevientàl’esprit ?LemienseraitplutôtHOT !

–Calme-toi,petitechaudière !

Ellesembletoutexcitéeparcemec.Pendantqu’elleprépareleverresurlecomptoir,jepoursuismonanalyse:

–Jetel’accorde,ilestsexy,maiscen’estpasuntypepournous !C’estuncoureur,c’estécritsursonfront !C’estlegenred’hommeàavoirunefemmedifférentedanssonlitchaquesoir !

À la findemaphrase, je lèveenfin lesyeuxversmonamie.Elleestmaintenantblanchecommeunlinge.

–Nemedispasqu’ilestderrière ?

Merde,elleacquiescedelatête,jevaisperdremonjobs’ilm’aentendu...

Pourlesavoir,jedécided’affronterBradley:jemeretourneetlefixedroitdanslesyeux,maissonregardassassinmepétrifieaupointdelaissers’échapperleverrequejetiensdansmesmains...

Quelleidiote…uneparfaiteblondasse !

Sonexpressionchangeetd’unairfaussementinnocentilmedit:

–J’espèrenepasêtrel’hommequevousêtesentraindedécrireAbbygaël.Jenesaispascequ’ilaméritépourquevouspeigniezunaussimauvaisportraitdelui.

–Je...Euh...Ehbien...

Ilmejetteunregardvenimeuxetajoute:

– Je suis venu vous dire que j’ai un contretemps. Je vais donc devoir partir sur-le-champ. Mescollaborateursdîneronttoutdemêmeici.

Ilregardelesmorceauxdeverreàmespiedsetmelanceunpeusèchement:

–Tâchezaumoinsdenepasvousblesser...

–EntendumonsieurO’Connell.Jesuismaladroite,désolée.

Ilsepencheetmeditàl’oreille:

–Entrenous,Abbygaël,laprochainefois,essayezd’êtreplusdiscrète.Sivousavezdesquestionssurce que je fais les différents soirs de la semaine, posez-les-moi au lieu de spéculer. Pour votreinformation,ilmerestetoujoursuncréneauvendredisoir.

Ilmelanceunregardassassinetsedirigeverslasortie…Quelculot !Ilseprendpourquipourmeproposeruncinqàsept ?Quelgrossierpersonnage !

–Vuleregardqu’ilt’ajeté,jecroisquetuasvexénotremeilleurclient...Onvacroiserlesdoigtspourqu’iln’ensoufflepasmotàAndrew.

Jenerelèvepasetdécided’aiderMarcensalleenattendantlavenuedemestroisautresclients.

Quelquesminutesplustard,jevoislaportes’ouvrirsurtroishommesencostume.AprèsunéchangeavecAmber,celle-cilesconduitausalon.Jemedirigeverseux.

–Bonsoirmademoiselle,SimonForbes,jesuisl’undescollaborateursdemonsieurO’Connell.

Jelanceunregardaccusateuraucoupabledecettemascarade.

–BonsoirmonsieurForbes.C’estdoncvousquiavezdemandéàcequejem’occupedevouscesoir ?

–Appelez-moiSimon,mademoiselleClare.

Devantmonregardinsistant,ilajoute:

– Écoutez, je tenais à vous dire que je n’avais pas demauvaises intentions en faisant appel à vosservices.J’espèrequevousnel’avezpasmalpris ?

CeSimonparaîtsincère.OnluidonneraitleBonDieusansconfession !Blondvénitienauxyeuxbleuciel,ilesttoutsimplementcharmant.

–Ehbienvousserezcontentd’apprendrequemonsieurO’Connellsembleavoirappréciévotregeste,ilamêmeparléd’augmentation !Jusqu’àcequejeletraitedecoureur...

– Le connaissant, il n’a pas dû aimer… Je vous demande d’être indulgente avec lui, il n’étaitabsolumentpasaucourant.Soussesairsd’empereursecacheunhommedélicieux. Ilm’aparléd’unehôtesse splendide dans ce restaurant, ce que je valide, soit dit en passant. C’est son anniversaireaujourd’hui,jevoulaisdoncluifaireunepetitesurprise.Iln’yariendeplusagréablequed’êtreserviparunemagnifiquejeunefemme.

–Jeneveuxpasparaîtredésobligeante,mais jenesuisniunpantinni lafillequel’onmetdansungâteau-surprise.Votrepetitmanègem’aattirélesfoudresdemacollègue.Jeviensàpeinedecommencermontravailicietjenesouhaitepasavoirdeproblèmes.

–Jecomprends,etveuillezmecroiresurparole,jesuisterriblementdésolé.J’espèrequelasituationavecvotrecollèguevas’arranger.Si jepeuxfairequoiquecesoitpourrectifier le tir, jesuisàvotreservice.

–Elles’arrangerasivousnerefaitespluscegenredesupplique.

–Entendu,àl’avenirjem’abstiendrai !Pourmefairepardonner,accepteriez-vousdeprendreunverreavecmoiaprèsvotreservice ?

Jeluisourisetréponds:

–C’esttrèsgentilàvous,maisjenesuispasdisponible.

Ilserapprochedemoi,maisparréflexejefaisunpasenarrière.Ilmeregarde,interloquéetchuchote:

–Abbygaël,vousn’avezrienàcraindredemoi.Vousêtescertesunetrèsjoliejeunefemme,ettousleshommesdoiventseretournersurvotrepassage,maisjesuisinsensibleàvotrecharmepourlasimpleetbonneraisonquejesuisgay !

Sonaveumefaitsourire.

Bon, je me suis juré d’arrêter de faire semblant de vivre, nouvelle ville, nouvelle vie. J’ai lepressentimentquejenerisquerienaveclui,jemelancedonc:

–Danscecas,c’estd’accordSimon.Parcontre,peut-onplutôtprévoirunverredemainmidi ?C’estmonjourdecongé !

Ilmetendsacarteetjeluiprometsdel’appelerdemainpourconvenird’unlieu.

Après cela, la soirée se poursuit sans autre événement notable. Simon et ses confrères semblentapprécierlerepasetsurtoutlevin.Unefoisledînerfinietaprèsm’avoirremercié,Simonmefaituneénièmefoispromettredenepasl’oublierdemain.

Chapitre4-Julia

Assisedevantmonordinateur, je lâche la sourisdeuxminutespour faireunbreak : l’affaireWalterm’épuise !Ilestfaciledesemarier,maisquandils’agitdedivorcerc’estunetoutautrehistoire...surtoutquandl’unedespartiesaprisuncoupàsonego !

Perduedansmespensées,mesyeuxs’arrêtentalorssur laphotoposéesurmonbureau.Abbygaëletmoi,fièresetheureuses,assisessurlecapotrougedemaBMW,cadeaudemesparentspourmesvingtetunans.

Jemerappelleprécisémentcejour:cetété-là,nousavionsprévudenousfaireunroadtripsurlacôteouestpendanttoutlemoisd’août.Nosparentsnousavaientprisesenphotolejourdenotregranddépart.

Laveille,nousnousétionschamailléesàcausedesavalisequifaisaitaumoinsdeuxfoislatailledemoncoffre.Abbyest irrécupérable,surtoutquandils’agitdemode.Toujoursaucourantdesdernièressorties et de toutes les ventes privées, elle a notamment un goût très prononcé pour les chaussures…J’avais beau lui expliquer qu’il n’était pas nécessaire d’en emporter autant, puisqu’on allait passer leplus clair de notre temps sur les plages, c’était peine perdue !Le seul fait de lui demander de retirercertainespairesl’avaitrenduefolle !

Elleavaitété«dureenaffaires»etavaitfiniparemporterlaquasi-totalitédeschaussures–soitseizepaires.

Après avoir fait nos adieux à nos parents respectifs et promis de leur envoyer des nouvellesrégulièrement,nousavionsprislaroute.

Cette photo reflète parfaitement notre complicité. Même si je suis fille unique sur les papiers,Abbygaëlestcommemasœur,ellefaitpartieintégrantedemafamille !Ellesaittoutdemoietjesaistoutd’elle.

Sondépartfaitpartiedesépreuveslesplusmarquantesetdifficilesdemavie,aprèsledécèsdematrèschèretante.

Depuis sonagression, j’ai constammentunebouleauventreà l’idéequ’il luiarriveencorequelquechose. Je me sens déjà suffisamment coupable de ne pas avoir pu l’aider à ce moment-là, je nesupporteraispasd’êtreaussiloind’elleetdoncimpuissantesiuntelcauchemardevaitsereproduire.

J’avaispeurqueladistancenouséloigne–etpasquephysiquement–mêmesidanslesfaitsc’estdel’ordredel’impossible !Pasaprèstoutcequel’onavécu:denosconneries(fumernotrepremièreclope

ensemble puis notre premier joint, prendre notre première cuite, faire le mur pour aller voir noscopains…)à l’obtentiondenosdiplômes, denos chagrinsd’amour ànos joies et fous rires.Tous lesmomentslesplusimportantsdenosvies,onlesapassésensemble...

Je suis heureuse de savoir qu’elle se plaît dans son nouveau job. Il faut dire que l’ancien laissaitfortement à désirer ! En plus de faire des horaires demalade, elle devait constamment repousser lesavancesdesonancienpatron,Rob.

Quelporccethomme !

LesquelquesfoisoùjeluiairenduvisiteàNewYork,j’aitoujoursétéscandalisée,lorsquej’allaislachercheràsontravail,delevoirlareluquercommeunhommeaurégimedevantunbonsteak !

Àgerber !

Laclientèleétaitdumêmeacabit,maisAbbyneselaissaitpasfaire.Elleavaitprisdescoursdeselfdéfenseaprèssonagression,doncautantdireque leclientquiavait lamainbaladeusen’avaitqu’àseteniràcarreau !

Lapremièrefoisquej’avaisdécouvertcequ’ilsepassaitdansce«restaurant»,jen’avaispaspumeretenir de lui faire une sacrée leçon de morale. Abbygaël s’était défendue en me disant que jedramatisais. J’étais convaincue qu’elle voulait faire bonne figure, car elle avait en tête de prendre unnouveaudépart dans cettenouvelleville et qu’ellevoulait s’en sortir seule, seprouverqu’ellen’étaitpluslapetitefillequiavaitpeurdetoutetdetoutlemonde.Jenepeuxqu’êtrefièred’elle,maiscelanem’apasempêchéde luidonnerunpetitcoupdepouceencontactantmacousineJessy,surplace,pourqu’elle lui trouveunautre job…J’ai toujourspucompter surelle, j’étaisconvaincuequecene seraitqu’une question de temps pour qu’elle lui dégote un emploi digne de ce nom. Ça n’a pas manqué,quelques semaines plus tard elle lui avait proposé de venir travailler dans son restaurant pour unremplacement.Quandjel’aiappris,j’aibondidejoiesurmachaise:jesavaisqu’àpartirdecejourtoutsepasseraitbienpourAbby,etelleméritaitd’yarriver.

Je ne peux alors m’empêcher de me replonger dans de douloureux souvenirs… Lorsque l’on s’estaperçudesadisparition,j’aicruquej’allaismourir.C’estcommesiletempss’étaitfigé.J’étaiscommeenerrance tout le longdesacaptivité.Jen’étaispluscapablederien.Jene trouvaisplus lesommeil,j’étaisenvahiedecauchemarshorriblesdèsquejem’assoupissais.Jepréféraisneplusfermerl’œilpourquecesimagescessent.

Jefixaisl’écrandemontéléphone,dansl’espoirqu’ellemecontactepourquejeviennelachercher,espérantparlamêmeoccasionqu’ellemedisequetoutallaitbien.Maislesjourssesuccédaient,etlapolicenouspréparaitàuneéventuelletragédie.Nousrefusionstousd’envisagercettepossibilité,saufmamère qui,me voyantmedécomposer d’heure en heure, avait fini par accepter l’inacceptable.Ellemerépétait que les chances de survie d’une personne disparue diminuaient de jour en jour. Elle voulaitseulementmeprépareraupire,maisilétaithorsdequestionquelamortsoituneoption.

Àce jour, je ressens toujours cemême sentimentde culpabilité. Jenepeuxpasm’empêcherdemedire:«etsi».

«Et si » ce soir-là je n’avais pas été aussi distraite par lamusique au point de ne pasme rendre

comptequ’Abbysesentaitsimal,«etsi»jel’avaissuivieenlavoyantsortir ;«etsi»...

Aufond,jesuispersuadéequemaprésenceauraitdissuadésonagresseur,ilauraitrebrousséchemin...PauvreAbbygaël…

Il y a quelque temps, j’ai demandé à un ami qui travaille au poste de police et qui était chargé del’affaire d’Abby de m’informer si un autre cas de disparition se présentait… Je n’en ai pas parlé àAbbygaëlpournepasl’alarmer,maisdeuxcasontétérelatés...Deuxjeunesétudiantesdel’universitéduMinnesota,commeelle.Lorsqu’ilm’avaitenvoyé lesphotosdes fillesdisparues, jen’avaispucachermonétonnement.EllesressemblaienttoutesétrangementàAbbygaël:lacouleurdescheveux,desyeux,laforme du visage. J’ai signalé cette coïncidence afin que le dossier soit rouvert... Tout commemoi, ilsemblaitstupéfaitdemadécouverte.

Lasonneriedemontéléphonemetiredemespensées.Jenereconnaispaslenuméro,maisjedécidetoutdemêmededécrocher.

–Oui ?

–SalutJu,tutesouviensdemoi ?

Cettevoix…Non,jen’ycroispas...Matt !

–Matt ?C’esttoi ?

–Ouimadame !Commenttuvas ?

–Trèsbien,maisc’estàtoiqu’ilfautdemanderça !

–Bienécoute !L’Afriquec’estgénial,maisçayest,j’aidécidéderentreraubercail !

–Sérieusement ?Génialjesuissupercontente !Onvafêtertonretour…Turentresquandexactement ?

–Carrément !Jeprendsl’avionvendredivingt-quatre.J’atterrisàl’aéroportdeNewYork.

–ÀquelleheureesttonvolpourleMinnesota ?

–Ehbien,jemedisaisquej’allaispeut-êtreprofiterdemonescalepourpasservoirAbbygaël,sielleesttoujourslà-bas…

Etmerde !Commentsait-ilqu’ellevitàNewYork ?Sûrementlamèred’AbbyquiadûledireàcelledeMatt…Jenesaispastropquoirépondre…

–Julia ?Tuestoujourslà ?

–Euhouioui !Désolée,monassistanteestentréedansmonbureauetm’adéposéundossier,çam’a

distraite…

Bon,jevaisluidonnersonadressemailetjel’appelleraipourlaprévenirensuite.Pourmoic’estdéjàun choc de l’avoir au téléphone donc je n’imagine pas l’effet que cela va lui faire à elle… Elle atellementsouffertdesonagression…etdudépartdeMattendéfinitive…Nousétionstouscertainsqu’ilsfiniraientleurvieensemble,maisledestinenadécidéautrement.

–Tupeuxmedonnersonnuméros’ilteplaît ?finit-ilparmedemander.

–Ben écoute, son téléphone capte une fois sur deux, c’est assez galère ! Tu auras dix fois plus dechancedel’avoirparmail,jepense.Ellen’apaschangéd’adresse !

–Super,merci Julia, je savais que je pouvais compter sur toi.Dès que je rentre, je t’appelle pourqu’onsefasseunresto,commeaubonvieuxtemps !OK ?

–OKpasdesouci,avecplaisir !

–DernièrechoseJu…

–Oui,dis-moi ?

Jecrainslepire...

–Est-cequetusaissiAbbyvoitquelqu’uncestemps-ci ?

–Pasquejesache…

–Parfait !Encoremerci.

J’entendsquequelqu’unl’appelleauloin.

–Jedoistelaisser,onm’appellepouruneintervention !

Sijem’attendaisàça,Mattderetour !JenesaispastropcommentréagiraAbbyquandjevaisleluidire.Matt était éperdumentamoureuxd’elle, et inversement,peut-êtrequ’elle luidonneraune secondechance !Ilfautquejelapréviennerapidement.

L’heuredelapausedéjeunerayantsonné,j’appellemonamiGeorges.Noussommesrentréslemêmejouraucabinetetnousnoussommestoutdesuitebienentendus.

Nousnousrejoignonsdevantl’ascenseur.

–Onvachez«Seven»aujourd’hui ?m’interroge-t-il.

–Oui,parfait !Jen’aipasbeaucoupdetemps,jesuissurundossierhouleuxquejedoisabsolumentboucler.

–D’accord !Mais dis-moi, tu es resplendissante ! Ta nouvelle coupe est superbe, tu es pétillante !C’estl’effet«vacances» ?

Ilironisesurlemotvacances.Luicommemoisavonsbienquedanscecabinet,c’estuneutopie,bienquej’aieréussil’exploitdedécrocherquelquesjourspourallervoirAbbyetJessydansdeuxsemaines !J’aihâtedeleurannoncerlanouvelle...

Cependant, et sans vouloir me jeter des fleurs, il a raison, je resplendis en ce moment ! Depuisquelquesannées,j’essaiedefairedeseffortssurmonlook.Audépart,jelefaisaissurtoutpourletravail,lecabinetimposantunetenuevestimentairestricte.Maisdepuismarupture,ilyadeuxmois,j’aidécidédemereprendreenmainetdetenteravanttoutdemeplaire.Abbyavaitessayéàplusieursreprisesdeme communiquer son goût pour lamode, en vain… J’ai toujours été assez classique et je n’ai jamaisvraiment pris de temps pour prendre soin de moi et de mon image. Aujourd’hui, je me sens prête àdevenirune«vraie»femme !

J’apprendsdoncàmemaquiller,pourcommencer... Jenesuispasencore trèsdouée,donc j’opte leplussouventpourunmaquillagediscretetfrais,maisentâchantdefaireressortirmesyeuxnoisette.

Côté cheveux, les ayant toujours eu longs, j’ai opté pour un changement radical : bonjour le carréplongeantàlaSandraBullock !

JesuisflattéequeGeorgesaitremarquéladifférence,etqu’ill’apprécie…

C’estunchictype,unpeuplusâgéquemoi,ildoitavoirlatrentainetoutauplus.Ilm’adéjàinvitéàplusieurs reprises à aller boire un verre après le travail, mais j’étais en couple à ce moment-là…Maintenantquejesuisdenouveaulibre,jepensequ’àmonretourdecongé,jeluiproposeraidesortir…

Chapitre5-Abbygaël

Toutel’équipedurestaurantayantmisunpointd’honneurànettoyeretàrangerrapidement,jetermineletravailplustôtquelaveille.

En arrivant chezmoi, je suis accueillie par lemiaulement deMiro, celui qui veut dire : «Coucoumaîtresse,j’aigrand-faim,tuseraisgentilledemeservirmapâtéeavantd’allerrejoindreMorphée !»

Unefoisaulit,jeprendsmontéléphoneetcomposelenumérodeJulia.Aprèstroissonneries,savoixendormiemerépond.

–Oh,Julia,jesuisdésolée,jenepensaispasteréveiller...

–AucunproblèmeAbby,commenttuvas ?

–Trèsbien !

–Toujoursemballéepartonnouveaujob ?

–Ohoui,rienquelefaitdeneplusvoirlatronchedeRobmechangelavie.

–Jetecroissurparolemabelle.Écoute, jenesaispastropcommentt’annoncerça,maisj’aiparléavecMatthew...

–Ah.

Ilme faut quelques secondes pour digérer l’information, ça fait plus d’un an que je n’ai pas eu denouvellesdelui.

–Commentva-t-il ?

–Trèsbien,ilestderetour…SonavionatterritàNewYorkvendredivingt-quatre...Ilm’ademandéde tesnouvelles, il saitque tuvis làmaintenant. Ilaimeraitprofiterdesonescalepourboireunverreavectoi.Ilainsistépourquejeluidonnetonnuméro,maisj’aipréféréluidiredet’écrireunmail.

Après tout ce temps dans le silence le plus total, maintenant qu’il est de retour il veut reprendrecontact...Unpeufacile,non ?

Maisaufonddemoi,jenepeuxm’empêcherd’êtreheureusequ’ilveuillequel’onserevoie.Jel’ai

aimé,ilaétémonpremieramant,celuiavecquij’aipartagécemomentunique...

Lavoixdemonamiemefaitrevenirdanslemonderéel.

–Abby ?Tuestoujourslà ?J’espèrequetun’espasfâchée,j’aivoulubienfaire...

–Nonnon,pasdesouciJu,tuasbienfait.Jevaisallerconsultermesmails,quisait,ilm’apeut-êtredéjàécrit...

–Tucomptesaccepterdelerevoir ?

–Ouipourquoipas,ilfautallerdel’avantnon ?Etpuisavantd’avoirétéencouple,nousétionsamis !

–Jesuisfièrede toi.Jesuisencongédansdeuxsemaineset jemedemandaissi tuseraisd’accordpourm’hébergerquelquesjours?JepensaisséjournerchezJessaussi.

–Encongé,toi ??Quelmiracle !!Avecplaisir,tuestoujourslabienvenue,tusais.TunousmanquesàJessyetàmoi...

–Vousaussivousmemanquez ! Jen’ai toujourspaseudenouvellesdemamutation,mais jegardeespoir. Jevais te laisser, jecompte sur toipourm’envoyerunmessagepourme raconter teséchangesavecMatthew !

–Entendu,bonnenuitJulia.

–Unedernièrechose:çavamieux?Tunefaisplusdecauchemars… ?

–Nonçava, jeme force àneplusypenser, à refermer ce chapitredemavie.Et toi, tu as eudesnouvellesdeBarrydepuisvotredernièrerupture ?

–Troplongàt’expliquermaintenant...Jetombedesommeil !BonnenuitAbby !

–BisousmaJu !

J’allumemonPCetconsultemese-mails.Aprèsavoireffacéunebonnevingtainedespams,jetombesurunmaildeMatthew.

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De:MatthewTurner

Objet:Unpetitverreensouvenir...

Date:7avril201513:15

À:AbbygaëlClare

BonjourAbby,

Jenesaispasparoùcommencer...

Juliaadûteledire,mamissionprendfinàlafindumois.

Madémarchevasûrementteparaîtreétrangeetdéplacéeaprèsplusd’unand’absence.J’avoueavoirétéendessousdetoutconcernantnotrehistoire...

J’ai pourtant essayé de garder contact, mais n’ayant eu aucun signe de vie après mon départ, j’aiabandonné...Avecdu recul, je pense avoir baissé les bras tropvite.Notrehistoire n’aurait pasdû seterminerainsi,ellenePOUVAITpasseterminerainsi,pasaprèstoutcequ’onavaitvécu...

Sijepouvais,j’étrangleraiscesaletypequit’abrisée,quinousabrisés...

Contrairementàcequetupeuxpenser,jen’aipasprislafuiteàl’époque,j’aisaisiuneopportunité.Jeregrettejustedenepast’avoiremmenéeavecmoi.Cevoyageauraitpuêtreuneéchappatoirepourtoi,unefaçond’allerdel’avant.Enfin,jenevaispasm’éternisersurlesregrets,cen’estpasl’objetdecemail.

Mon avion atterrit àNewYorkvendredi 24, en fin d’après-midi. J’ai appris que tu vivais là-bas...Biendeschosesontchangé !

J’aienviedeterevoir,autourd’unverre,voiroùcelapourraitnousmener...

Enespéranttelirebientôt,«maprincesse»...

Jet’embrasse

Matt

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Si je m’attendais à ça ! Je relis à trois reprises son mail... Je suis chamboulée, envahie par dessentiments contradictoires... Je suis heureuse d’avoir des nouvelles de lui,mais je suis aussi triste enrepensantaugâchisqu’aétélafindenotrehistoire...Ilsejettelapierrealorsqu’àl’époquenousétionsdeuxàfairemarchercetterelation.Ilétaittoutpourmoi,jel’auraissuivin’importeoùavantcedrame,mais ledestinavait eud’autresprojetspournous. Ilne fautpas rester figés sur les regrets, cequiestarrivéestarrivé...Jecomptebienaccepterceverre,mêmesiaufonddemoij’aipeurquelefaitdelerevoirfasseressurgirdemauvaissouvenirs.

Jedécidedeluirépondre.

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De:AbbygaëlClare

Objet:Etpourquoipasdeux...

Date:7avril201523:48

À:MatthewTurner

SalutMatt,

Contented’avoirdetesnouvelles,j’accepteavecplaisirdepartagerunverreoudeuxavectoi.Jeteproposedemeretrouverchezmoi.

Monadresseestlasuivante:

East49thStreet,10017NewYork,Midtown

A.

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Aprèsavoirrefermémonordinateur,jerepenseàmanouvellerencontre:Simon.Jesuiscurieusedesavoircommentvasepassernotrerendez-vousdedemain.Ilal’airvraimentsympa.Jen’aipasététrèsavenanteavec luietpourtant il semblait réellementdésireuxd’apprendreàmieuxmeconnaître. Il fautquejesoisprudente,carjeneveuxvraimentpasavoiraffaireàBradley.Ilestsourcedeproblèmes,jelesens au fond demoi. J’espère qu’il va vite trouver une autreminette à draguer.En pensant à cela, jeressensmalgrémoiunpetitpincementaucœur,carmêmesijesaisquecen’estpasunhommepourmoi,ilm’attire...telunaimant.

Chapitre6-Abbygaël

Lelendemain,jetéléphoneàSimonpourluiindiquerlelieuet l’heurederendez-vous.JechoisisleJerry’s Bar, situé dans Bryant Park. C’est un jardin que j’affectionne tout particulièrement. On lesurnomme le « petit Luxembourg », avec ses tables métalliques vertes disséminées çà et là, et soncarrousel.Dubar,onpeutapercevoirl’AmericanRadiatorBuilding.

Surletrajet,jem’arrêteaukiosqueducoinpouracheterlesderniersmagazinespeople.J’arriveavecune vingtaine deminutes d’avance. Il fait tellement beau que je décide dem’installer directement enterrasse.Enzos’empressedemerejoindreetmetendlacartedesmenus.

–Salutmabelle,qu’est-cequejetesersaujourd’hui ?

–SalutEnzo,unelimonades’ilteplaît.

–Deux,s’ilvousplaît,j’entendsderrièremoi.

JenevoispasSimonarriver,ils’installefaceàmoi.

–BonjourSimon,commentallez-vous ?

–TrèsbienAbbygaël.Écoutez,jetenaisàvousremercierd’avoiracceptédepartagerunverreenmacompagnie,noussommespartisdumauvaispiedtouslesdeux.

–C’estavecplaisir,jem’excuseégalementdem’êtrecomportéedelasorteavecvous,jen’aipasététrèstendre...

–Aucunproblème,jel’aicherché.

Ilregardeautourdeluietmedemande:

–PourquoiBryantPark ?

–C’est bête,mais quand je suis arrivée dans cette ville, il y a sixmoismaintenant, en visitant lesalentoursjemesuisretrouvéeici.Jem’ysuistoutdesuitesentiebien,c’estunpeumonhavredepaix.J’aimem’asseoirsurunechaiseetregarderlesgens,jem’imagineleursconversations,unfilmgrandeurnature en somme.Leweek-end, je passe devant en faisantmon jogging et quand le cœurm’en dit, jem’arrêtepourprendreuncafé.

–Oùviviez-vousavant ?

–JesuisoriginaireduMinnesota,etunjourj’aidécidédetentermachancedanslagrande«pomme».

–Vousavezdelafamille,desamisici ?

–J’aiJessy,elleestbarmaiddans lerestaurant.Mafamille,elle,vitdans leMinnesota.Maisassezparlédemoi:parlez-moiunpeudevous !

–J’aitoujoursvécuàManhattan...J’yaifaitmesétudesd’architecture.

–C’estlàquevousavezrencontréBradleyO’Connell ?

–Oui,c’estexact.Nousnoussommesentendusdès lapremièreheuredecours.Nousavons fait lesquatre cents coups ensemble. Et puis un jourBradley a dû reprendre les affaires de son père. Ilm’aproposéunpostedecollaborateur,j’aisautésurl’occasionetmevoilà.Jenesuispascommelui,souslefeudesprojecteurs.J’œuvreensous-main,cequimevatrèsbien.

–Jevouscomprends,j’attacheunetrèsgrandeimportanceàladiscrétion.MonsieurO’Connell...

–Bradley,mecoupeSimon,c’estplussimple.

–Bradleyatoujoursétéaussiprétentieux ?

–Oui,ilatoujoursétéainsi.Riennipersonnenes’opposeàsonautorité,maisc’estunchictype.Ilfautjustenepasêtreunebellefemmepourappréciercetaspectdesapersonnalité.S’iljettesondévolusurunefemme,ill’a.Ilestcommeunlionchassantunegazelle:honnêtement,quellessontseschancesdenepasmourirdévorée ?

–Ilsuffitdedirenon !Cen’estpascompliqué.

– Pas aussi simple, il ne joue pas à armes égales. Bref, assez parlé de lui.Vous avez toujours étéserveuse ?

–Je...Ehbienj’aifinimesétudesdedroit,maisjen’aipas...poursuividanscettevoie...

Jebaisselatêteettrituremesdoigts,tentantdefuirleregardinterrogateurdeSimon.

–Puis-jesavoirquelleestlaraisondecet«abandon» ?

–Nesoyezpasvexé,maisjen’aimepastropévoquermonpassé,pourrions-nouschangerdesujet ?

Je n’arrive pas à masquer mon trouble, ce qui n’échappe pas à Simon, mais par chance, celui-cin’insistepas.Nouspassonsl’heuresuivanteàparlerdetoutetderien.Seull’avenirnousledira,maisj’aibonespoirquenousdevenionsamis.

–Abbygaël,avez-vousquelqu’undansvotrevie ?

–Personneencemoment.

–Uneaussibellefemmequevousnepeutpasrestercélibataire !Quediriez-vousdem’accompagneràunesoiréevendredi ?

–Je...

–Allez,pasdechichi,ditesoui !Jevousprésenteraideuxoutroisamisàmoi.

–Ilssont...?

–Biensûrquenon,quelseraitl’intérêtpourvous ?!

– Je ne sais pas trop, je ne suis pas très à l’aise dans ce genre de soirées et puis entre nous je necherchepasspécialementàmemettreencouple.

–Nousseronsunedizainetoutauplus,c’estenpetitcomité.Venez,vousverrez,ceseratrèssympa.

Àcetinstant,letéléphonedeSimonsemetàvibrer,annonçantl’arrivéed’unmessage.

–Sivousvoulezbienm’excuser,jedoispasseruncoupdefil,dit-ilens’éloignant.

Jeprofitedecepetitmomentpourfeuilleter lesmagazinesachetésplus tôt.Andrewavait raison,ceBradleyestpartout !Parmilesphotosenpremièrepage,j’endécouvreunedeluiaccompagnéd’unebellebrune,certainementunmannequin.Enlégende,onpeutlire:«Bradleyetsanouvelleconquêtedumois,Tatiana.CombiendetempsavantquenotrebelAdonisselasse ?Lesparissontouverts !»

Je ne peux m’empêcher de me demander quel effet cela fait d’être au bras d’un si bel homme…Pendant une fraction de seconde, jeme sens jalouse...mais d’un autre côté, à la place deTatiana, jeseraissupervexéeparcetteune…quoique…aprèsréflexion,çaluifaitpeut-êtredelapub !

JelèvealorslesyeuxetvoisSimonrevenirversmoi.

–Désolé,letravail.Alorscommeçavousêtesuneadeptedelapresseàscandales ?medemande-t-ilenpointantdudoigtmonmagazine.

–Priseenflagrantdélit,j’avoueenriant.Jesuisuneféruedecegenredemagazines,maisseulementpourleursarticlesmodeetdernièrestendances.Laviedespeoplenem’intéressepasplusqueça.

Bon,jepassesoussilencelefaitquedepuisquenousavonséchangé,j’aisecrètementalimentéunecertainecuriosité.

–J’aitoutdemêmeremarquéquec’estvotrepatronquifaitlaune...

–Pourchanger !Bradleyestunevéritablestardemagazine,engrandepartieàcausedesontravail,maisaussidesagrandecapacitéàsautersurtoutcequibouge !

–Vousm’endireztant...

Simondécidedenepasrelever.

–Abbygaël,jeregrette,maisjevaisdevoirécourternotrerendez-vous,jedoisrejoindreBradley.Jevousraccompagnejusqu’aumétro ?

J’espèrequ’iln’apasprévudeleretrouverici,jeneveuxpascroiserBradley.Surtoutqu’àtouslescoups,ildoitêtretraquéparunecohortedepaparazzis.

–Jepeuxyallerseule,nevousinquiétezpas.

–J’insiste.

Son tonest sanséquivoque.Aprèsavoir réglé l’addition, ilm’entraîneendirectionde la stationdemétro.Toutenlongeantl’alléeprincipalebordéedechênesenfleur,nouspoursuivonsnotreconversation.

–Vousm’enverrezl’adressedulieuderendez-vouspourvendredisoir ?

–Dois-jeenconclurequevousacceptezd’êtremacavalière ?

–Oui,comptezsurmaprésence.

Devant lastation,alorsque jem’apprêteàprendrecongé,une limousinearriveetsegareàcôtédenous.Lavitresebaisse,laissantapparaîtrelevisagedeBradley...

–BonjourAbbygaël…Ehbien,Simon,petitcachottier,tunem’avaispasditquetuétaisencharmantecompagnie ?

–JeterendsdescomptesautravailBrad,paspendantmontempslibre.

Ilmeregarded’unairamusé.

–Monte, nous avons du pain sur la planche. Abbygaël, avez-vous réfléchi à ma proposition pourvendredisoir ?

Maisquelmufle...Iln’enratepasune !Sicetteméthodemarchepourcertaines,cen’estpasmoncas.

– Eh bien oui... mais j’ai le regret de vous annoncer que l’on m’a fait une proposition bien plusalléchante.

Sousl’œilhagarddeBradley,Simonsetournealorsversmoietmedit:

–Jevousenvoielesinformationspourvendredid’icidemain.BonnejournéeAbbygaël.

Bradleyparaîtsurpris.Unpetitrefusnepeutpasluifairedemal !Denaturejoueuse,jedécidedoncd’enrajouterunecouche.

–JevousenprieSimon !Etmaintenantquel’onseconnaîtmieux,vouspouvezm’appelerAbby.

Ilsouritenmefaisantunclind’œil.Jecroisqu’ilacomprismonmanège.JesalueBradleydelatête.

–MonsieurO’Connell.

–Abbygaël,répond-ild’untondouxetpleindepromesses.

Etmerde...Moiquipensaisquemonpetitjeuavaitfaitsoneffet...

Jeregardelavoitures’éloigneretsefondredanslacirculationnew-yorkaise.

L’imagedulionetdelagazellemerevientàl’esprit.Pourunefois,c’estellequiluifaitface,histoiredeluimontrerqu’ellen’apaspeurdelui.Lagazellevientdeprovoquerlelion,etellenecomptepassefairemanger.

Malgrétout,lapetitevoixdansmatêtemecrie:NONNONNON,maisqu’as-tufaitAbbygaël ?!Onsaittouscommentfinitlagazelleenréalité...

Chapitre7-Bradley

Lavoiturenouséloignepeuàpeudecettesublimecréature.

Abbygaël…

Jemerendscomptequejeneconnaismêmepassonnomdefamille.Elleacepetitquelquechosequim’obsède.Entempsnormal,seuleslesgrandesbrunesfiliformesm’attirent.Celavientpeut-êtredesesyeux, ils sont si expressifs… ou de sa chevelure, cette cascade de boucles blondes… Et ses lèvresrouges…commedansunepommed’amour,jevoudraiscroquerdedansàpleinesdents !

J’aienvied’ellec’estuneévidence,maiscommentréussiràlafairecapituler ?Jusqu’àprésent,mesvaguestentativesn’ontétéquedecuisantséchecs.Àchaquefoisquenousnoussommescroisés,ellen’afaitquemetenirtête.Elleamêmepeintunvulgaireportraitdemoi.Ilestvraiquejechangesouventdepartenaires,maisellesneseplaignentpas,aucontraire,ellesenredemandent !

Abbygaëlest...mystérieuse...authentique. Ilnem’asuffiqued’unregardpourêtresubjugué.Dès lelendemaindenotrepremièrerencontre,jem’étaissurprisàparlerdecettebelleinconnueàSimon.

D’ailleurs,quefaisait-ilavecelle ?Ilsontdûsympathiseraprèsmondépart.Unechancequ’ilsoitgayetmonami,sansquoijel’auraisvirésur-le-champ.

Installéfaceàmoi,Simonregardeparlafenêtre,captivéparletrafic.Jedoisessayerd’enapprendredavantagesurelle.

–Alors,quefaisais-tuàBryantParkavecAbbygaël ?

–Tuesbiencurieux !

Illitenmoicommedansunlivreouvert,ilsaitquejesuisdévoréparlacuriosité.

–Ellesaitquetuesgay ?

–Pourquoi ?Tupensesqu’ellenem’auraitpasinvitésinon ?

CommentfaitcetenfoirédeSimon ?Je tendsdesperchesqu’elles’évertueànepassaisiret lui,enseulementunrepas,aréussiàdécrocherunrendez-vous.

–C’estellequit’ainvité ?Donne-moitonsecret,çam’intéresse.Jelaverraisbienàmoitiénuedans

masuite...

–TuesvraimentunporcBrad.Quandj’aidemandéàmonsieurSmithquecesoitellequis’occupedenouspourtonrepasd’anniversaire,jevoulaisjustet’aideràajouterunnomàtontableaudechasse,maisaprèsl’avoirrencontrée,jemesuisrenducomptequ’ellen’aabsolumentrienàvoiraveclesfillesquetuasl’habitudedefréquenter.Caractèrebien trempé,blondeetsurtout,ellenesemblepassensibleà toncharme !

Ilsemoqueouvertementdemoimaparole !

–Çam’adonnéenvied’apprendreàlaconnaître.Etjepeuxtedirequecen’estpasunefillepourtoi.Elleaimeladiscrétionetestloind’êtresuperficielle,elle !

–C’estcequ’ellesdisenttoutes...

–Écoute,pourquoinejetterais-tupastondévolusuruneautrefemme ?

–Etpourquoiferais-jecela ?

–Jenesaispas,Abbygaëlestunejeunefemmedouce,àlafoismystérieuseetattachante.Unejeuneinnocentequineméritepasquetulasalissescommetouteslesautres.Entrenous,tuesincapabledefairemarcher une relation ! Ce qui t’intéresse, c’est de t’amuser.N’essaiemême pas.De toute façon tu nel’auraspas.

–Simon,tudevraislesavoir,j’obtienstoujourscequejedésire...,rétorqué-je,narquois.

–Fais-moiplaisiretlâchel’affaire !

–Jeprésumequesi jetedemandesonnuméro,tunemeledonneraspas ?MêmesijemenacedeteretirerduprojetsurTimesSquare ?

–Ceseraituncoupbas,s’indigneSimon,vulenombred’heuresquej’aipassédessus.Jesuisleplusqualifiépourceprojet,tulesaisaussibienquemoi...

JefaismarcherSimon,jelerespectetroppourluifaireça.Jevaisdevoirtrouveruneautresolutionpourobtenirsonnuméro.

IlmefaitpromettredenepasuserdemonautoritépourapprocherAbbygaël.

–S’ilteplaît,laisseAbbygaëltranquille.J’ailesentimentqu’elleaeusapartdesouffrancedanslavie,nelablessepasplus.

–Net’inquiètepasSimon,tumeconnais !

–C’estbiencequimefaitpeurjustement.

L’arrivéed’unSMSstoppenotreconversation.Simonprendsonairinnocent,c’estelle,j’ensuissûr.Ilfaitminedecachersonécran.

Putain,ilmenarguecesalaud!

C’enesttrop,jemeruesurluiettented’attrapersontéléphone.Devraisgosses !J’enroulemonbrasautourdesoncou,etavecl’autremainjeluifrictionnelescheveux.

Adieulacoupesophistiquée !

Toutenriantetsedébattanttantbienquemal,Simonmecrie:

–Maisarrête,t’eschiant !J’aipassétrenteminutesdanslasalledebainspourmacoiffureettuviensdelaruinerendeuxsecondes.

Depuisqu’onseconnaît,onpeutcompterlenombredevictoiresdeSimonsurlesdoigtsd’uneseulemain. Jesuisplusgrandque lui1,95metmes troisheuresdemuscuhebdomadaires,depuiscinqans,portentleursfruits.

Jel’immobiliseetluidemande:

–C’estelle,c’estAbbygaël ?

–Ahah !!!

Jeparviensàm’emparerdesontéléphoneetm’aperçoisqu’ils’agitenfaitdeRobert,sonsexfrienddumoment.Jemeréinstalle,déçu,enréajustantmavestedesmoking,histoiredeleremettreenordre.

–Espècedesalaud!

–Situavaisvutatête,fait-ildansunéclatderire.

–C’estbon,c’estbon...

Nouspassonslerestedutrajetànousremémorernosancienneschamailleries.

EnpleincœurdeWallStreetsiègentnosbureaux.Monpèreafaitconstruirecebuildingàsonimage:immenseetimposant.Arrivésàdestination,Simonetmoinousdirigeonsverslesascenseurs.Ilappuiesurlatouchedutrentièmeétage.C’estaccompagnéd’unsonnetdeBeethovenquenouscommençonsnotreascension.

Unefoislesportesouvertes,noussommesaccueillisparl’hôtesse.

–BonjourmonsieurO’Connell,monsieurForbes.

Au fond du couloir, nous empruntons l’allée de droite. Au bout de celle-ci se trouvemon bureau.Simons’arrêtesoudainetmedit:

–Jeterejoins,j’aideuxoutroisdétailsàvoiravecmonassistante.

Jeregardemamontreetluilance:

–Laconfcall avecnosclientsdeSingapourcommencedansvingtminutes, tâchedenepasêtreenretardcettefois-ci.

–Comptesurmoi.

Simonestdéjàentraindefairedemi-tour.Jel’interpelle,ilfautquejesache:

–Vendredisoir,tuvaschezJanec’estça ?

–Oui,pourquoi ?

Jesouris,satisfait.Jeviensdelatrouver,monopportunité !

Jel’entendsmedire:

–N’ypensemêmepasBradley.

–Troptardmonvieux...J’apporteraiunebonnebouteilledevin !

Il secoue la tête en s’éloignant, désespéré. J’espère juste qu’il ne préviendra pas Abbygaël, ellerisqueraitdemefilerentrelesdoigts...

Je continue mon chemin et arrive devant Élisabeth, ma fidèle assistante, la seule femme que jeconsidère.Elleestparfaite, jeredoutele jouroùjedevrai laremplacer.Elleaétél’assistantedemonpèrependantdenombreusesannées.Elleestlaseuleàpouvoirsepermettredemefairedesréflexions.C’est un peu comme une seconde mère pour moi. Quand j’étais enfant, après les cours, je venaisrégulièrementvoirmonpère.Ilm’apprenaitlesficellesdumétier.Lorsqu’ilétaitenréunion,ilchargeaitÉlisabethdes’occuperdemoi.N’ayantpasd’enfant,celle-cisefaisaitunejoiedemeprendresoussonaile.Ellenecessaitdemerépéter:«Unjour,ceseratoiquiserassurlesiègequ’occupetonpère,monpetit.»

Mamère,ThéaO’Connell,étaitunefemmevaniteuse.Ellenesesouciaitmalheureusementquedesesbijouxetdesonapparence.Vénale,voilàcommentjelaqualifierais.Monpèrefermait lesyeuxsuruncertainnombredechoses...dontsesnombreusesabsences.Jusqu’aujouroùill’asurpriseavecunautrehomme.Çal’aanéanti,ilasombrédansl’alcooletn’aplusjamaisétélemême.Puisilamisfinàsesjours… J’étais en dernière année d’architecture à ce moment-là. Après sa mort, ma mère est partierejoindresonamant,melaissantseulavecmonchagrinetl’entreprisedemonpèreàgérer.

J’ai surmonté ce drame grâce entre autres à mon oncle Declan, le frère de celle-ci. Il m’a aidé àreprendrelesaffairesdemonpèreetm’aguidéàtraverscemondeimpitoyable.

–Avez-vouspasséunebonnesoiréeavec…quelestsonnomdéjà ?MissTatiana ?

–Excellente,Élisabeth,merci.

C’estunmensonge,j’aipasséledébutdesoiréeavecTatianadanssasuite,maisaprèsavoircouchéavecelle,jesuisparti.Ilétaithorsdequestionquejereste,elleauraitpenséquecequisepassaitentrenoussignifiaitquelquechosepourmoi.Dansmachambred’hôtel,j’aibuunegrandequantitédewhiskypournoyercessouvenirsmauditsdemonpèrequim’obsèdentnuitetjour…

–AufaitÉlisabeth,mercipourlecadeau,c’estunecharmanteattention,commetoujours.

J’avaistrouvéhiersurmonbureauunepetiteboîtesurlaquelleétaitécrit:

«JoyeuxanniversaireBradley !Jevoussouhaitedetrouverlebonheur.

Élisabeth»

Danslaboîte,ilyavaituneceinturenoired’untrèsgrandcouturier.

–Cen’estrien,dit-elle.

Avantd’entrerdansmonbureaupourpréparermaréunion,jemetourneversÉlisabethetluidemandede trouver le nom des employés du « The Empire Restaurant ». Est-ce à ce genre de stratagème queSimon faisait allusion en m’interdisant « d’user de mon autorité » ? Après tout, je ne fais que merenseigner,jenefaisdoncriendemal...

–Vouscherchezunnomenparticulier,monsieur ?

–Oui,jesaisjustequ’elleseprénommeAbbygaël.

–Trèsbien,jevousenvoiel’informationparmail.

–MerciÉlisabeth.Bienentendu,jecomptesurvotrediscrétion.

–Évidemment,monsieur.

La journée était à la hauteur de mes attentes, nous avions conclu une affaire avec nos clients deSingapour.Le chantier pourrait démarrer endébut d’annéeprochaine, cequi nous laissait le tempsdepeaufinerlesderniersdétails.Simonavaitexcellésurceprojet,pournepaschanger.

Je suis fier de le compter à mes côtés. En plus d’être un super collaborateur, son soutien estindéfectible.À lamort demon père, j’en voulais aumonde entier. J’avais commencé à fréquenter demauvaisespersonnes,desputes,desdealers…Jem’ensouvienscommesic’étaithier.

Un soir, après avoir descendu un litre de vodka et pris de la drogue avec des « amis » peurecommandables, j’avaisdécidédefinir lasoiréeenboîtedenuit.J’avaisappeléSimonpourqu’ilsejoigneànous.Jelesentaiss’éloignerdemoi,iln’arrêtaitpasdedirequejedéconnaisetqueçaallaitmal finir si je continuais sur cette lancée. Ce soir-là, Simon avait senti que je n’étais pas dansmonassiette,sûrementàcausedemesmultiplesbégaiements.Ilétaitarrivéàtemps:àpeineavais-jemisla

clédanslaserruredemavoiturequejem’étaisécroulé.Enpleinecrised’épilepsie,ilavaitsufairecequ’ilfallaitpourm’éviterlepire.

Cettenuit-là,j’aifiniàl’hôpital.Simonestrestéàmonchevetetm’afaitpromettredeneplusjamaisconsommerdedrogue.Depuiscejour,jesuissurledroitchemin.Jemetstoutenœuvrepourpérenniserletravaildemonpère.Jesaisquec’estcequ’ilauraitsouhaité.

Quelqu’unfrappetroiscoupsàlaporteetmesortdemespensées.

–Entrez.

–Jerentrechezmoi,monsieur.Bonnesoirée.

–BonnesoiréeÉlisabeth.

–Aufait,lenomdelapersonnequevouscherchezestClare.J’aieuunsouciinformatiqueetjenesaispassivousavezreçumonmail.

–Parfait !MerciÉlisabeth,àdemain.

MacréatureoutrageusementattirantesenommedoncAbbygaëlClare.

Je passe les deux jours suivants envoyaged’affaires.Avant departir, j’envoie unmail àÉlisabethpourquecelle-cis’occupedelalivraisondefleursetdevinaudomiciledeJanePalmer,vendredipourdix-huitheures.Surletrajetduretour,jeressensbeaucoupd’excitationàl’idéederevoirAbbygaël.Jesuisimpatientdesavoircommentvasedéroulerlasoirée.Jesuissûrdemoi,cesoirelleseramiennepourlanuit…

Chapitre8-Abbygaël

Afind’éviterdemefaireremarquerpourmonmanquedeponctualité(maspécialité:tournerenrondpendantdesheures,lafauteàmonsensdel’orientationinexistant),j’étaispartiedechezmoiàdix-huitheures,avecunplandétaillédesenvironspournepasmeperdre.Jemeretrouvedonc,unedemi-heureenavance, devant la porte de Jane Palmer. Le temps d’analyser la bâtisse… Je suis assez surprise, jem’attendaisàbeaucoupplusde standing,maisc’estunemaison trèsclassique,quipasse inaperçueaumilieudetouteslesautres.

Enfin,ilestdix-neufheures.Simondevraitarriverd’uneminuteàl’autre.

C’estalorsqu’unelimousinenoireapparaîtàl’angledelarue.Monrythmecardiaques’accélèreetjepriepourquecelle-cicontinuesonchemin...maiselles’arrêteàmahauteur.

Bradleyensort,ilmesourit.Jesuisheureusequelaruesoitsipeuéclairée:jesuisaussirougequ’unetomate.Quefait-ilici,bonsang ?

–BonsoirAbbygaël,vousêtesravissante.

Ilfautdirequejen’aipaslésinésurmatenuecesoir !J’aioptépourunerobecintréecouleurrubisetdesescarpinsnoirsd’unehauteurvertigineuse.CommeleditlegrandChristianLouboutin,«pourvoussentirfemme,portezdestalons,pourvoussentirdéesse,portez-endedouzecentimètres» !J’airemontémescheveuxenchignon,enprenantsoindelaisserquelquesmèchess’enéchapperpouruneffetnaturelcomplètement calculé.Monmaquillage est savamment étudié afin demettre en valeurmes atouts : unsmokyeyesophistiquépourunregardincendiaireetunbrillantàlèvresnudepourunsourireauthentique.

–BonsoirmonsieurO’Connell, jenesavaispasquevousseriezprésent,parviens-jeàarticuler,nonsanspeine.

– Je vous en prie, appelez-moiBradley. J’ose espérer que vous n’auriez pas décliné l’invitation siSimonvousl’avaitdit ?

–Ehbien...Euh...Pourêtretoutàfaithonnête,jenesaispastrop...

–Metrouvez-vousrepoussantàcepointAbbygaël ?m’interrompt-ilfroidement.

–Biensûrquenon,mais...

–Pasdemaisquitienne,jemettraiunpointd’honneuràvousfairechangerd’opinionsurmoi.Etce

dèscesoir !

–Pourquoitenez-voustantàmonopinion ?

–J’aidesprojetspournous,murmure-t-il,tellementbasquejenesuispassûred’avoirbienentendu.

Jen’aipasletempsd’éclaircirlasituationqu’ilsetourneversmoietdemande:

–Onentre ?

Ilnem’offrepas lapossibilitédedirequoiquece soit.Samainvient senicher surmahanche.Cecontactnemefaitpassursauterdepeurcommed’ordinaire,maisilm’électriseinstantanément.Incapabledefairelemoindregeste,jelelaissenousguiderversl’entrée.

La porte s’ouvre sur une superbe femme que je suppose être Jane. Elle doitmesurer 1,75m, sanscomptersestalonsimmenses…

Exactementleschaussuresqu’ilmanqueàtacollectionAbby,desLouboutin !

Plusquequelqueséconomiesetellesserontàmoi !

Vêtued’unerobevertolivefenduesurlecôtégauche,elleresplendit.Sesyeuxpétillantsenamandeluidonnentunaircoquin.ElleparaîtsurprisedevoirBradleyaubrasd’uneparfaiteinconnue.Ellemejetteuncoupd’œilfurtif,puisfaitlesyeuxdouxàcedernier,nelaissantaucundoutesursesintentions.

Tu m’étonnes qu’il ait la grosse tête, avec ce genre de créatures dociles, il se croit maître dumonde !

Sansme prêter attention, elle poursuit son numéro de séduction et agrippe Bradley par le bras, leforçantparlamêmeoccasionàmelâcher.Celui-citournelatêtedansmadirectionetmefaitunsigne,d’unairdésolé.Jeluirépondsavecunpetitsourirequiseveutencourageant,bienquejen’espèrequ’unechose,que les talonsdemissLouboutincèdentsoussonpoids–plume–etqu’elles’étalede toutsonlong...

Jenepeuxm’empêcherd’écouter,aussidiscrètementquepossible,l’échangeentreJaneetBradley.

–Bradley,nousavonsétésurprislorsquenousavonsreçu,Bobetmoi,tesfleursettonpetitmot.Celadoitfaireunanaumoinsquetun’espasvenuàlamaison,non ?

Bob ?QuiestBob ?Sic’estsonmari,iladumouronàsefaire...

Bradleyneprendpaslapeinedeluirépondre.

–Jane,laisse-moiteprésenterAbbygaëlClare,elleaccompagneSimon.

Jeréfléchisàtoutevitesse,maisjenemesouvienspasluiavoirdonnémonnom…

–EnchantéemadamePalmer,lasalué-jepoliment.

–Enchantée,merépond-elled’unairsupérieur.

–Simonn’estpasencorearrivé ?m’enquiers-je.

–Non,c’estétrange,ilesttoujourslepremiernormalement.

Voilàquin’arrangepasmesaffaires…L’idéederesterencompagniedeJaneetBradley,etd’observerles – vaines, semble-t-il – tentatives de celle-ci pour attirer son attention ne m’emballe pasparticulièrement.Jedécidedoncdem’attardersurl’agencementdesamaisonplutôtquesursacour.

JenemedoutaispasenarrivantdevantchezlesPalmerquej’allaisydécouvrircestylededécoration.Lapremièrechosequel’onvoitenentrantestunimposantescalierenmarbre,avecunerambardeenferforgénoire.Lesmarchessontnoiretblanc.Étonnement,letoutestd’uneélégancefroide,maisraffinée.

Aumilieudel’escalier,desglaïeulsblancsontétégracieusementdisposésdansungrandvasedesignenverretransparent.

Sousl’escalier,uneporteblanchedissimuleundressing,danslequelJanePalmersuspendnosaffaires.

Le sol, enmarbre lui aussi, blanc et légèrement veiné de gris, achève de donner à cette entrée unepuretéabsolue.Jesuisàdeuxdoigtsd’ôtermeschaussurespournepasrisquerdesalirleslieux.

AlorsqueJaneentraîneBradleyvers le salon, jedécidedememettreen retraitpourconsultermesmessages.J’aiunSMSnonlu:

«Jevaisavoirunpeuderetard,mavoisinetenteunenouvelletechniquededragueetn’apastrouvémieuxqued’oubliersaclédanssonappartement,pourque je l’héberge...Sonfilsdevraitarriversouspeu.

Gardezunverrepourmoi.

Jecomptebienmesaouleravecvouspouroubliercettemésaventure.

Celle-ci n’a toujours pas compris que j’étais gay, ce qui signifie ABSOLUMENT PASINTÉRESSÉ !!!»

Amusée,j’enchaîne:

«Jeconstatequevousfaitesdesravagesmalgrévous !

Etsinon,n’avez-vouspasoubliédem’informerdequelquechose ?»

Jereçoissaréponseinstantanément:

«Bradleyestlà ?»

Jesouris:

«Ouimonsieur…»

J’imaginedéjàsaréaction...

«Quelsalaud !Unconseil:éloignez-vousdulion !»

Je lève les yeux et le vois justement se diriger droit surmoi avec deux verres. Ilme tend une descoupes.

–J’espèrequevousaimezlekirroyal,Abbygaël ?

–Oui,merci.

–Desnouvellesdenotreamicommun ?

–Oui,ilestenpleinsauvetage.Lavoisine,jecrois...

Ilsemblecomprendremamétaphoreetsemetàrire.

Bradleyaquelquechosedeparticulier.Sonrireestdouxetsincère,jesuishypnotisée.Mondieu,maisquem’arrive-t-ilensaprésence ?J’ail’impressionquetoutdansmoncerveaudisjoncte,lesconnexionsnerépondentplus.

Uncouplevientinterrompremesrêveries.Jedevraispeut-êtrelesremercier...Ilsnousinvitentàlessuivredanslesalonpourprendrel’apéritif.

Lapièceneressembleenrienàl’entréeluxueuse.Lecraquementquefaitleparquetvieilliaucontactdemespasmerappellelamaisondemesparents.Aufond,unecheminée–bienquedécorative–apportelachaleurqu’ilmanquaitjusqu’àprésentdanslademeure.

Monestomacémetalorsungrognement,merappelantquejenemesuisrienmissousladentdepuisunmoment. Il fautque je trouvedequoimanger avantd’attirer l’attentionde toute l’assemblée avecmesgargouillis.

Je me dirige vers un immense buffet et décide de me servir quelques amuse-bouches en attendantSimon. Jem’approched’undes serveurs,celuiqui sourit leplus,pour luidemanderquelmetsdégagecetteodeursucréesaléequistimulemespapilles.

Ilaunaccentprononcé,aupremierabordjediraisqu’ilestespagnol.Ilmetendunpetittoastavecunmorceaudefoiegrasetunecompotéedefigues.Jefermelesyeuxetledéguste.

Mmmmmmmmmhh…C’estuneexplosiondesaveursdansmabouche:lepaincroustille,lefoiegrasestfondantàsouhaitetlafigue…unemerveille.Cemariageestundélice.

Leserveurmetendunsecondmorceauquejemetsdansmonassiette.Jeleremercieetcontinuemonchemin.

–J’aibienpeurqu’onnenouslaissepastranquilles...

Cettevoix,savoix...

Je pivote.Bradley a retiré sa veste de costume et relevé lesmanches de sa chemise sur ses avant-bras...Forts...Musclés…

SérieusementAbby,reprends-toi,oncroiraituneado !

–Quediriez-vousdedécouvrirlejardindesPalmer ?Ilaétéaménagéparunamipaysagistejaponais,ilvautledétour !

Devantmonairsceptique,ilmefaitunclind’œiletajoute:

–Jevousprometsdegardermesmainsdansmespoches !Enfin,àmoinsquevousnemesuppliiezducontraire...

Non,maisilestsérieuxquandilmesortcegenred’inepties ?Commesimoi,AbbygaëlClare,j’allaismemettreàgenouxpourlesupplierdemecâliner !Jefroncelessourcilsetdécidedelerembarrer,ilesthorsdequestionqu’ilmeprennepourunedesesfillesfaciles.

–Hilarant,vousnevousarrêtezdoncjamais...dis-jecyniquement.

–J’avouequevosréactionssontinéditespourmoi,vousêtessifacilementirritable !

–Dois-jecomprendrequejusqu’àcejouraucunefemmenevousarésisté ?

Jen’ycroispasunseulinstant.

–Vousvoulezvraimentconnaîtrelaréponse ?

Leregardqu’ilmelanceestsanséquivoque.

–Ehbien,jevousmetsengardetoutdesuite,avecmoivosstratagèmesnefonctionnerontpas !

Illajouefineetdécidededésamorcerlabombe.

–Jevousprésentemesexcuses.C’étaitjustedel’humour,jenevoulaispasvousfroisser.

Ah,quandmême,iladmetqu’ilestallétroploin !

Maislenaturelrevientaugalop,etilnepeuts’empêcherd’ajouter,unelueurespiègledanslesyeux:

–Maisjedoisavouerquejen’auraispasétécontreunpetit...

Jemetsmondoigtsursabouchepourlefairetaire.Mongestealeméritedeledéstabiliseruncourtinstant.

–C’estunemaniechezvousouquoi ?Jevoussommed’arrêteretvouspersistez…

–Aufond,jesaisquemonimpertinencevousplaît.Jelevoisàvosjouesrougissantes.

Notepourl’avenir:apprendreàmieuxmasquermesémotions...

– Bon, j’accepte de vous suivre uniquement, car j’ai la désagréable impression que tant que vousn’aurezpasjouévotrerôledeséducteurjusqu’aubout,vousnemelâcherezpas !

Auregardqu’ilmelance,jecomprendsquemarépartienelelaissepasdemarbre.

UneolapourAbby...OLLLLAAAAAAA !

Ilmeprendlamainetm’entraînedehors.Unefoislaportecoulissantedelabaievitréepassée,jerestesansvoix,conquiseparlasérénitéquedégagecejardin.Bradleyavaitraison,c’estsomptueux.

Nous évoluons dans une allée éclairée par des petites lanternes lumineuses, c’est justemagnifique.Bradleymeconduitdevantunpetitbassin,ilyplongesesmainsetboitunegorgée.

Ilsetourneversmoietmedit:

–Tsukubai.

Surprise,jeluidemandederépéter.

Ildésignelebassindesamain.

–CesontdespierresàeaucreuséesdanslesquelleslesJaponaisselaventlesmainsetboivent.

Ilcontinued’étalersonsavoir,cettefoisenmatièredevégétation:

–Àgauchede l’allée,vousavezunecompositiond’azalées,deglycines,d’iris etdemahonias.Del’autrecôtévousavezdesorangers,descitronniersetun...

–Laissez-moideviner:uncerisierduJapon...

Undemesarbrespréférés...

–En effet.Vousm’impressionnez,Abbygaël.Au Japon, les jardins zen doivent respecter un certainaménagement,etvousenaveziciunexempleparfait.

Nousempruntonsunpetitpontdebois,Bradleypressantdavantagemamainafinquejelesuive.

–C’estmagnifique,unvraitravaild’orfèvre.

Jesuisfascinéeparcedécorexotique.Jetentedegardermesidéesclaires,cequin’estpasuneminceaffairecomptetenudescirconstances:accompagnéedel’hommeleplussexyquejeconnaissedansunlieudigned’unfilmromantique.

–LesPalmeronténormémentdegoûtenmatièrededécoration,dis-je.

–Ilfautdirequ’ilsontétébienrenseignés...

L’hommearrogantestderetour !

Nousnousarrêtonsalorsdevantunereproductiond’untemple.Bradleymelâchelamainetnousnousretrouvonscôteàcôte.Jelèvelesyeuxverslecielpourmeperdredanscetuniversremplid’étoiles.JetournemonvisageversceluideBradleyquisemblepensif.

Aïe,Abby,sauve-toi,ilpréparepeut-êtrelaprochaineétapedesonstratagème !

J’observelalunesereflétersurl’eau,lesilencecommenceàm’oppresser...JemedemandesoudainsiSimonapusedébarrasserdesavoisine.JetentedetrouverdansmonsacmonportablelorsquelavoixdeBradleymesurprend:

–Abbygaëlnon...s’ilvousplaît...

Sonton,àlafoisautoritaireetsuppliant,araisondemoi.Jemeravise.Ilprendmonvisageentresesmains, me forçant à le regarder droit dans les yeux. Ses mains me comblent de caresses. Je devraisarrêtercequiestentraindesepasserentrenous,maisj’ensuisincapable.Àcetinstant,jecroisquej’enaiautantenviequelui.

Jemedemandequelgoûtpeuventbienavoirseslèvres…Sonvisageestàprésenttoutprèsdumien,jesenssonsoufflechatouillerlesmiennes.

Danssesyeux,jelisunedemandesilencieuse...Jeplongemonregarddanslesienenparcourantlesdernierscentimètresquiséparentnoslèvresavantdefermerlesyeuxetdemeperdredansnotrebaiser...Commedesaimants,nousnecontrôlonspasnotre attraction.Notre échange, audépartdouxet lent, sechange rapidement en une espèce de frénésie... Ses lèvres ont un goût de cassis... Il mord ma lèvreinférieure,jelaisseéchapperunbruitgutturalquisemblel’exciterdavantage.

OlalaAbby,cebaisern’aplusriend’innocent,ilfautquel’ons’arrête !

Jefaisunpasenarrière,pourreprendremonsouffle.J’entendsalorsunevoixdansmatêtequimedit:Leliont’amordu...Çamefaitl’effetd’unedouchefroide.

–Je...euh...désolée...,bégayé-je.

C’est cemoment que choisit Simon pour arriver, à point nommé. Il nous regarde à tour de rôle. Jebaisseinstinctivementlatête,commepriseenfaute.

–Jen’interrompsrienj’espère...

– Rien qui ait de l’importance, répond rapidement Bradley. Jemontrais à Abbygaël le jardin qu’aaménagéXuan.

«Rienquiaitdel’importance» ?!!

Quelmufle !…etmoiquellequiche !Jeluidisquejenesuispascommelesautresetvoilàquejemecomporteexactementcommeelles.

–Abbygaël,vousm’accompagnezàl’intérieur ?

–Oui...ouibiensûrSimon.

Simonestdéjàen trainde franchir lesportes.Bradley saisitmonavant-bras. Je lui lanceun regardvenimeuxetvocifère:

–Allezaudiable,monsieurO’Connell !

–Mais...

Jeneluilaissepasletempsdefiniretm’engouffredanslamaison.

JepasselerestedelasoiréeavecSimon.Nousnousentendonsàmerveille !Ilmeprésenteàdeuxoutrois personnes, dont une passionnée de mode, tout comme moi. Jane s’avère finalement être uneexcellente hôtesse, bien loin de la première impression qu’elle m’avait faite. Nous échangeons surplusieurssujets,dontladécoration,lacuisineetlalittérature.

Jemets toutenœuvrepournepluscroiserBradley, tâchequis’avèrefacilevuqueMONSIEURestoccupéàflirteravecunebellebrunette.Ilséchangentdesregards,dessourires, il latientmêmeparlataille.Ilnesemblepasavoirdecasdeconscienceàjouersurplusieurstableauxàlafois.Ilvasûrementluisortirlegrandjeuàelleaussi !Jelevoisdéjàluidire:«Venezmademoiselle,jevaisvousmontrerlabibliothèque,ellevautledétour»etcommenceràluiréciterunsonnetenRusse...

C’estmoioulasituationm’agace ?

Alerte !Alerte !Lagazelleestjalouse...

Toutçaestdemafaute,j’aibaissémagardeunefoisetvoilàoùcelam’amenée.

Vers une heure dumatin, je préviens Simon qu’il est temps pourmoi de partir.Demain, je suis enchargeduservicedumidi,jedoisdoncmereposer.

Ilm’accompagnejusqu’audressingetmedit:

–Abbygaël,c’étaitunesuperbesoirée,j’espèrequevousavezprisautantdeplaisirquemoi.

–J’aiadoré,mercibeaucoup,confirmé-jegaiement.

–Mercrediprochain,c’estau tourdeParkerdenousrecevoir,est-ceque jepeuxcomptersurvotreprésence ?

Ilfautlereconnaître,jemesuisamusée,maisrevoirBradley...Jen’enéprouvepasparticulièrementl’envie.Ilfautdoncquejetrouveuneexcuseplausible...Leregardfuyant,jeluidis:

–Ehbien...Jesuisdéjàprisenormalement.Jedoisvérifiermonplanning...Jevousconfirmeceladanslasemaine,sivouslevoulezbien.

–Sic’estlaprésencedeBradleyquivousinquiète,jevousrassuretoutdesuite,ilneserapaslàlasemaineprochaine !

–Non,çan’arienàvoir...,balbutié-je.

MaisSimonn’estpasdupe.

–ÉcoutezAbby,jesensbienqu’ilyaunmalaiseaveclui.Toutàl’heuredanslejardin...

–Je...

–NonAbby,laissez-moifinir.Bradleyn’estpasunhommepourvous.Ilpourraitavoirlafemmedesaviedevantsesyeuxqu’ilnelaverraitmêmepas.Jesuissonami,c’estunmecgénial,maisfaites-moileplaisird’éviteràtoutprixdelelaisserentrerdansvotrevie.

–J’aicomprislemessage.Nevousinquiétezsurtoutpas,jecomptebiengardermesdistances.

–Mevoilàrassuré...

Ilaccompagnesesmotsd’uneembrassadeamicale.Jesuisheureusedelecompterparmimesnouveauxamis.

AprèsavoirsaluétouslesconvivesetesquivéparlamêmeoccasionO’Connell,jeprendslechemindudépart.Unefoislaportereferméederrièremoi,jeprendsunegrandeinspirationetmedirigeverslemétro.J’aiencorelegoûtdeseslèvresdansmabouche…

Ilfautquejemereprenne !

Surletrajetduretour,ilmesembleentendremonprénom.JepivoteetvoislalimousinedeBradley…Elles’arrêteàmahauteur.

Ohnon...J’ajoutedanslacolonnedesdéfauts:têtuenplusd’arrogant.

–Quemevoulez-vousàlafin,monsieurO’Connell ?Jesuisfatiguée,monderniertrainestdanscinqminutesetjen’aipasdetempsàperdre.Etsij’aibiencompris,vousn’enavezpasnonplusàperdreavecmoi,ajouté-jeplusbas.

–Jetenaisàm’excuserpourtoutàl’heure.

–Vousexcuserpourquoiaujuste ?Pourlebaiser,pourvotremuflerieoupourle...commentdites-vousdéjà ?Ahoui,«Rienquiaitdel’importance»...

J’appuiefortementsurcesderniersmots.

Étrangement,ilparaîtsoulagéetrelâchelapressiondesesépaules.

–Ah,c’estdoncça...

MonDieuqu’ilm’énerve !Çayestjevoisrouge !

–SérieusementmonsieurO’Connell !Vous embrassezune femmeet deux secondes aprèsvousditesouvertementquecelan’aaucuneimportance...Vousêtesun...

–Allez-y,dites-le !

Nous voilà en train de nous disputer dans la rue, exactement ce que je voulais éviter. Sur un tonrésolumentglacial,jeconclusenm’éloignant:

–Faites-moiplaisiretoubliez-moiàl’avenir.

– Jeviensm’excuseretvousme tournez ledos ?MademoiselleClare,nevousa-t-onpasappris lapolitesse ?Nousn’avonspasterminé,revenez !Sivousnefaitespasdemi-tourtoutdesuite,jesorsdelavoitureetjeviensmoi-mêmevouschercher.

Ilestcomplètementfou,onneseconnaîtmêmepas,ilseprendpourqui ?

Je consulte ma montre, trop tard mon train est parti. Paniquée à l’idée que l’on soit surpris parquelqu’un,maissurtoutàl’idéedemeretrouverseuledanslarues’ilfinitpars’enaller,jefaisdemi-tour.

Unefoisarrivéeàhauteurdelaportière,jedis:

– Vu que vous êtes borné et que vous semblez déterminé à ne pas me lâcher, je vous prie demeramenerchezmoiS’ILVOUSPLAÎT.

Lavoicitapolitesse !

–AvecplaisirAbbygaël !Etj’ytiens,appelez-moiBradley.

–Vouspouvezeffacercetairsatisfaitquejelissurvotrevisage,vousêtesloind’avoirgagné.

Jem’installefaceàlui,leplusloinpossible.

–Déposez-moiaucoindeMadisonavenueetdela42e.

Ildonnelesinstructionsauchauffeur.

Nousrestonssilencieuxquelquesminutes,puis,n’ytenantplus,jeluidemande:

–Comments’appellelafemmequiaoccupévotredeuxièmepartiedesoirée ?

Ilparaîtd’abordsurpris,puissourit.

–Entrenous,elleétaitcertesjolie,maispastrèsintéressante.

Grrr...Ilm’horripile !Commentfait-ilpourêtreaussidétestable ?

–Vousn’aviezcependantpasl’airdevousennuyer...

–Etpourtant...Jesaisbiencachermonjeu,voilàtout.Écoutez,jenesaisnipourquoinicomment,maisj’aitrèsenvied’apprendreàvousconnaître.Autourd’unverreparexemple ?

–Cen’estpasunebonneidée.

–Pourquoi ?Donnez-moiunebonneraison !

–Nousn’évoluonspasdanslemêmemonde.Jesuisserveuseetvousêtesmondialementconnu.Mavieestcalme,jesuisheureusecommeça.Jen’aibesoinderiend’autre,depersonned’autredansmavie.

–Abbygaëlvousnetrompezpersonne,notrebaiserdetoutàl’heureétaitloind’êtreanodin.

–Vousditesn’importequoi,vousavezmalinterprété...

–Jesuissûrducontraire.J’aitoutdesuiteperçuvotremanque...ledésirquis’échappedelamoindreparcelledevotrepeau.

Toutensepenchantversmoi,iljointsesmainsauxmiennes...Cecontactmefaittressaillir...

–Entoutcas,cequiestincontestable,c’estlefaitquemoi,j’aienviedevous,maintenant,danscettevoiture.

En entendant cesmots,mon corps semet en fusion, je n’arrive plus à réfléchir.Cela fait tellementlongtemps…

Étrangement,alorsquejememéfiedetousleshommesquis’approchentdemoidepuismonagression,dansdestentativesmaladroitesdedrague,jetrouvelecôté«cash»deBradleyrassurant.Aumoins,ilnepassepaspardescheminsdétournéspourfairecomprendrecequ’ilveut.

EtsiSimonestsonami,ilnepeutpasêtrefoncièrementmauvais.Non ?

Puisquelmalya-t-ilàremettrelecompteuràzéro ?Justeunefois,uneseuleetuniquefois.Bradleyestlecandidatparfait.Ilnes’attachepas,Simonmel’aconfirmé.

Bradley m’invite à le rejoindre de son côté de la banquette. D’abord réticente, je n’ose pasm’approcher.Jesuispétrifiéeparlapeur...Jen’arrivepasàenlevercetteimagequimehante,celledemonagresseurmetendantlamain...Cemasquenoir...Bradleysembleliredansmespensées,iltentedememettreàl’aise:

–MademoiselleClare,jeneferaiquecequevousmelaisserezvousfaire.

Ilvientàmarencontreetrapprochedangereusementsabouchedelamienne.

—Vouspermettez ?medemande-t-il toutens’approchantdemes lèvres, sur lesquelles jesensdéjàsonsouffle.

Jerépondsparunpetithochementdetête.Ilcommenceparretirermapince,mescheveuxtombentsurmesépaules.

Jel’entendsmemurmurer:

–Tellementbelle...

Ilm’embrassed’abordsurleslèvres,relèved’unemainmescheveuxpuiss’attardesurmoncou.Ungémissementincontrôlésortdemabouche.Jeperçoislaforcedesondésir.Ausecours...J’avaisoubliécequel’onpouvaitressentiràcetinstantprécis.

Ilsoulèvelespansdemarobe,jesenssesdoigtsserapprocherdemonintimité.Dansunmomentdelucidité,jemeressaisisetstoppel’ascensiondesamain.

–Bradley,s’ilvousplaît,pascommeça...

Jeplongemesyeuxdanslessiensetilseréinstalleàsaplaceinitiale.

–Écoutez,c’estindéniable,nousressentonsundésirmutuel,maisje…pasdecettefaçon...

–Jenevoispasoùestlemal,noussommesdeuxadultesconsentants,non ?

–Jesais,maisbatifolersurlesiègearrièred’unevoiture,c’est...Commentdirais-je...Dégradant.

–Onpeuttoujoursallerchezmoi,sivouspréférez...

Jesuissieffrayéed’accéderàsonmondequejepréfèreopterpourunlieuplusfamilier.

–Allonsplutôtchezmoi.Parcontre,jevouspréviens,ilesthorsdequestionquevousrestiezaprès...

–Çameconvient !

Lerestedutrajetsepasseensilence,maislatensionsexuellequirègnedanslavoitureestparfaitementpalpable.

Unefoisarrivésdevantmonappartement,Bradleydonnedesinstructionsauchauffeuretvientm’ouvrirlaportière.C’esten tremblantque j’insère laclédans la serrure.Unepartiedemoiestcomplètementterrifiéeà l’idéede laisserunhommeque jeneconnaispresquepasentrerchezmoi.Maisd’unautrecôté, jesuiscomplètementexcitée.Bradleyme trouvebelleet ilmedésire.Jenemefaispasdefilm,maisjustepourquelquesheures,ilseraàmoi...

Chapitre9-Patrick

Jem’ensouvienscommesic’étaithier…Toutauraitdûfonctionnercommedansmesplans.

Pourquoin’avais-jepassongéàcetteoption ?

J’étaispersuadéqu’elleauraitàtermeacceptél’évidence.

Pourquoiavait-ilfalluqu’elleréussisseàs’enfuir ?

Nous étions faits l’un pour l’autre. Je l’aurais choyée, je lui aurais offert un toit, je l’aurais faitemienne…

Pourquois’était-elleévertuéeàmerésister ?

Toutavaitcommencélorsdesapremièreannéeàlafacultédedroitdel’universitéduMinnesota,alorsqu’elle préparait son JurisDoctor (NDLR : équivalent du doctorat en droit, qui permet d’accéder àl’avocature).Elle rencontraitdesdifficultéspour rédigerundevoirdansunedesesmatières.Unsoir,elleétaitvenuemedemanderdel’aide.J’étaisraviqu’ellefasseappelàmoi.Enmêmetemps,personnen’étaitmieuxqualifiéquemoipourlefaire.Nousnousétionsretrouvésdansunecafétérianonloindelafac. Après avoir bu une dose considérable de café et beaucoup ri par la même occasion, je l’avaisraccompagnée chez elle... Depuis ce soir-là, nous avions gardé le contact et à l’occasion nousrenouvelions l’expérience.Aufonddemoi, j’étaissûrqu’elle trouvaitdesexcusesbidonpour justifiernos rendez-vous. Elle était comme moi, amoureuse, mais elle ne le savait pas encore. J’étais uneréférencepourelle,ellem’admirait.

Unjour, j’étaispasséchezellepour luiapporteruneœuvrequi l’aideraitpoursonprochaindevoir.Abbygaëlm’avaitouvertlaportedansunetenueplusqu’indécente...

Elleportaituneminijupenoiretrèséchancrée,quimettaitenavantseslonguesjambesbronzées,sonbustierétaitmicroscopique,nelaissantaucuneplaceàl’imagination.Elleavaitbouclésescheveuxd’orqui tombaiententre sesomoplates.Abbygaëlétaitvraiment sexy. Jene saispasoùellecomptait aller,maisilétaithorsdequestionqu’ellesorteaccoutréecommeça !Leshommespasseraientleurstempsàladévorerduregardetelleétaitàmoi,seulementàmoi.

–MonsieurPatterson,jesuisconfuse,nousdevionsnousvoiraujourd’hui ?

–Non,non…Jepassaisdanslecoinetjevoulaisvousdéposerceci.

Ellesaisitlelivreetmelançaunregardéclatant.

–Super!Jen’ycroyaisplus !J’aifaitplusieurslibrairiespourletrouver,maisellesétaienttoutesenrupturedestock,commentavez-vousfait ?

–J’avaisunexemplaireàlamaison.

–Jenesaispasquoidire...Queferais-jesansvous ?

Jemedélectaisdel’entendremedirecesmotsquidanssabouchesonnaientcommeunecaresse.

–Jevousremercieinfiniment !Parcontre,jesuisdésolée,maisjenevaispaspouvoirm’éterniser,jedoisfinirdemepréparer.

Elletentaitdesejustifier,çameplaisait.

–C’estl’anniversaired’uneamie,onaprévudesortir.

–Pasdesouci,jecomprends,jevouslaissevousamuser.

Maisjenepouvaism’empêcherd’êtreaffreusementjaloux.

–Avantdepartir,j’aiunpetitquelquechosepourvous.Jevoulaisvousl’offrirlaprochainefois,maismaintenantquevousêteslà...

–Ahbon,m’exclamais-jesurpris,maispourquelleraison ?

–Pourvousremercierdem’avoiraidé.

EllemetenditunsacdechezHarrod’s.

–J’espèrequ’ilvousira.

J’ouvrislesacetensortisunmagnifiquepolonoirencachemire.J’étaistouchéparsongeste.Enplus,ellenes’étaitpastrompéesurlataille...

Tuluiplais,çanefaitaucundoute !

Mamèreme rabâchait toujours qu’avec la ressemblance avecmon père, aucune femme ne pouvaits’intéresser àmoi. Eh bien, elle avait tort !Abbygaël tenait àmoi, sinon elle nem’aurait jamais rienoffert.

–Ilvousplaîtalors ?

–IlestparfaitAbbygaël,jevousremercie.

Jel’avaisensuitediscrètementsuiviàcettesoirée,m’assurantquerienneluiarrive.

Àla finde sapremièreannée, je la connaissaispar cœur,de seshabitudesà ses fréquentations, enpassantparsesmoindresgestesetmimiques.LorsqueAbbygaëlétaitconcentrée,ellemordaitl’intérieurde sa joue.Elle inclinait sa tête sur le côtédroit quand elle était pensive.Agacée, elle avait toujourstendanceàtriturersesdoigts.

Elleétaitmaraisondevivre.

J’adoraistoutchezelle,jedevaisfairedeseffortssurhumainspourcacherl’effetqu’ellemefaisait.Jenevoulaispasl’effrayer.Ellem’excitaitterriblement,surtoutlorsqu’ellefaisaitsonjoggingledimanchematin.Lefaitdepouvoirobserversoncorpseneffort,vêtued’unshortyetd’unebrassièrequilaissaiententrevoir une bonne partie de ses courbes était insoutenable. Je haïssais cependant l’idée qu’un autrepuisselavoirdanscettetenue.

Lorsqu’elleserendaitàlabibliothèque,jeprofitaisdel’occasionpourallerchezelle.Jem’allongeaissursonlit,posaismatêtesursonoreilleretrespiraissonodeur...vanille...J’étaisperdu,accro,drogué…

Jenous imaginaisdansson lit :aprèsuneétreintepassionnée,ellemeraconteraitsa journée toutencalantsatêtecontremontorsenuencoreensueur,vestigedenotreamour.

Cen’étaitqu’unequestiondetemps,cejourallaitforcémentarriver.

MaisilavaitfalluqueceMatthewTurnersepointeetviennetoutgâcher.

Jelesavaisdéjàvusensembledenombreusesfois,puisqu’ilsétaientamis,maiscelas’arrêtaitlà.Illuiétaitindifférent,commetouslesautres.Puis,dansunmomentdefaiblesse,audébutdesadeuxièmeannée,elleavaitcédé.Cedevaitêtreplusfacilepourelledevivrecetterelationqued’assumerlanôtre.

Un soir, elle lui avait donné ce qui aurait dûme revenir. Elle s’était donnée à lui sousmes yeux...J’auraisvoulu le tuer, il souillaitmonAbbygaël !Àcesouvenirmonsangbouillonneencoredansmesveines.

C’étaitunvendredi,aprèsuneséancedecinéma.Ill’avaitraccompagnéechezelle,etarrivéssursonpalier,ill’avaitembrassée...Enrentrant,AbbygaëlavaitmalrefermésaporteetceconnarddeMatthewavaitpenséquec’étaituneinvitationàvenirlarejoindre...

Ilavaitprismaplace,ilm’avaitvolémonAbbygaël.Emplidecolère,jem’étaismutilélacuisseavecmon couteau en observant cet horrible spectacle de ma voiture. J’étais tellement désemparé que jen’avaispastoutdesuitevul’auréoledesangsurmonpantalonenvelours.

J’avaispassél’heureàregarderleursombressemouvoir.LorsqueMatthewétaitparti,j’étaisrestéetj’avaisattenduqu’elles’endormepourlarejoindredanssachambre.

Il fallaitque je luidise« je tepardonnemonange».Elleavaitémisunpetitgémissementdanssonsommeilenguisedereconnaissance.

Voyant qu’elle s’éloignait demoi, je devais faire quelque chose pour la retenir. Lamanière doucen’avaitpasportésesfruits,ilfallaitdoncquej’agisse,poursonbienavanttout.J’airéfléchilonguement

àlameilleurefaçondefaire,toutencontinuantàl’observeretàl’analyserchaquejour,sansrelâche.Jesuisquelqu’undepatient,jenevoulaispasbâclerl’instantoùAbbygaëlréaliseraitquej’étaisl’hommedesavie.

À la fin de sa troisième et dernière année, et avant qu’elle nem’échappe à jamais, j’ai décidé depasseràl’action.

Tôt dans lamatinée, le jour de son vingt-sixième anniversaire, j’avais déposé un bouquet de rosesrougesdevantsaporteavecunpetitmotsigné«tonbien-aimé».Lesoir,sonamieJuliaétaitpasséelaprendre pour aller faire la fête. Je les avais suivies tout en gardantmes distances, je ne voulais pasl’embarrasser.

Alors qu’elle dansait, j’en avais profité pour glisser une pilule dans son verre. Il fallait que jel’adoucisse un peu. Exactement comme je l’avais imaginé, elle avait eu besoin de prendre l’air. Lespremiers effets de la pilule semanifestaient, il fallait que je profite de ce créneau. Je l’avais trouvéadosséelesyeuxfermésàunedesvoituresduparkingdelaboîtedenuit.Jeguettaislemomentoùelleallaits’effondrer.Cemomentvenu,jemesuisprécipitépourlarattraperetl’installersurlesiègearrièredemavoiture...

Madouceétaitenfinàmescôtésetj’allaisfaireensortequ’elleyresteàjamais.Aprèsavoirroulésurl’autoroute sur une dizaine de kilomètres, j’avais pris la sortie 10, je comptais l’emmener dans notrefermefamiliale.J’étaisleseulàaimercetendroit.Magrossemèrenevenaitjamaisici,tropoccupéeàregardersesprogrammestélévisésdébiles.Ici,elleneviendraitpasmepersécutercommeellesavaitsibienlefaireseptjourssursept.Jelahaiscettesalope,jenesaispascommentunetellefemmeapusereproduire. Si je pouvais, je l’étranglerais demes propresmains. Il était hors de question que je luiprésenteAbbygaël,ellelaferaitfuir.J’étaispersuadéquenousserionstranquilles,personneneviendraitnousimportunerici.

Aprèsavoirlongélaforêt, j’avaistournédevantlepanneau«Kane'sfarm».Unefoislecodesaisi,l’immenseportail s’étaitouvert,nous laissantévoluerà travers lesublime jardinque j’avaisentretenutoutes ces années. Jem’étais garé juste devant la porte d’entrée. Lamaison était prête à l’accueillir.J’avais aménagé la chambre d’amis pour elle, en attendant qu’elle soit prête à me rejoindre dans lamienne.

Jel’avaissortiedelavoitureetportéedansmesbraspourl’emmenerdansleniddouilletquejeluiavaisconfectionné.Jel’avaismisesurmesépaulespourgrimperlesescaliersetunefoisarrivédanslapiècequiseraitsademeure,jel’avaisdélicatementdéposéesurlelit.J’étaisredescenduafindefermertoutes lesportesquidonnaientsur l’extérieur.Ellepourraitprendrepeuret tenterdes’enfuir, il fallaitqu’elles’habituedoucementàsanouvellevieàmescôtés.

J’avais tout prévu : afin qu’elle ne me reconnaisse pas, j’enfilerais un masque en sa présence. Jesouhaitais lui laisser le tempsdecomprendreque jenevoulaisquesonbienavantde luimontrermonvraivisage. J’étaispersuadéqu’ellemedemanderait rapidementde le retirerpourquenouspuissionsvivrenotreamouraugrandjour.Ilnepouvaitenêtreautrement.

Ses premières heures ont été catastrophiques, sûrement dues aux effets secondaires dumédicament.

Ellen’arrêtaitpasdesedébattre,elleavaitmêmefailliprendreledessus,maisj’étaisbienpluspuissantqu’elle.

Cependant,lesixièmejour,alorsquej’étaisentraindeluiservirsondîner,elleavaitsaisiuncouteau.En ladésarmant, je l’avaisblesséeà lahanchedroite.Monangesaignait, jenepouvaispas la laisserainsi : sans réfléchir, j’étais allédans la cuisinepour trouverdequoi la soigner et c’est à cemomentprécisquetoutavaitbasculé.Ellem’avaitfrappéavecunobjetetlorsquejem’étaisréveillé,ellen’étaitpluslà...

J’avaisprislavoitureetparcouruunevingtainedekilomètres,envain.

Abbygaëls’étaitenfuiepourrentrerchezelle,melaissant lecœurmeurtri...Aveclapolicedanslesparages,jenepouvaisrienfairedeplus.

Jemefisuneraisonetdécidaisdeprendreletempsdel’observerànouveau,pournepascommettrelesmêmeserreurs laprochaine fois. Il fallaitque j’anticipeencoremieux sesbesoinspourqu’elleneressenteplusl’enviedes’enfuir.

Après cela, je la gardais donc en vue, malgré le fait qu’elle néglige toutes les activités qu’elleaffectionnaithabituellement.

Unjour,j’aifiniparréaliserquecelafaisaitplusieurssemainesquejenel’avaispasvusortirdechezelle. Un prochem’a finalement appris qu’elle avait déménagé, sans en savoir toutefois plus. Jem’envoulais terriblement : j’avais passé une grande partie demes soirées devant chez elle, cette dernièreannée,maiselleavaitdûs’enfuirenunejournée...J’avaisdoncfiniparperdrecomplètementsatrace.Aufuretàmesurequeletempspassait,monchagringrandissait,ilmelafallait,elle.Jenepensaisplusqu’àunechose:laretrouveretfinircequej’avaiscommencé.

Ilétaithorsdequestionqu’unautreprofiteencored’Abbygaëlàmaplace.Elleseraitavecmoiouelleneseraitplus !

Lasonnerieretentit,meforçantàquittermespensées.

–C’estterminé !crié-jeàl’assemblée.

Déposantsacopiesurmonbureau,unedesétudiantesmesourit:

–Àlundi,professeur...

Chapitre10-Bradley

Jesuispartagéentredeuxétatsd’esprit : jesuis fierd’avoiratteintmonobjectif,mais jesuisaussibizarrementanxieux.Jesavaisquej’arriveraisàmesfinsenallantàcettesoirée.Depuisnotrerencontre,j’ai observé l’attitude et les gestes d’Abbygaël en ma présence. J’ai rapidement compris qu’elleéprouvaitdudésirpourmoietquejeneluiétaispasindifférent.

Pourquoivouloircachersonattirance ?

Je suis quand même agréablement surpris, je ne pensais pas qu’elle me laisserait entrer dans sonunivers.Jenousvoyaisdansmasuiteetnondanssonappartement.Est-cecettesituationquimeperturbeautant ?

Cen’estpourtantpaslapremièrefoisquejem’apprêteàpasserlanuitavecunefemme,maislàc’estdifférent…En saprésence, jen’arrivepas àpenser raisonnablement.Ellen’est pas comme les autresfemmesquejefréquente,jelatrouveàlafoisenvoûtanteetauthentique.Etjedoisaussiavouerquesonmauvaiscaractèreauncôtéassezexcitant...

Son trouble est palpable, je devrais peut-être essayer de la mettre à l’aise. Tâche qui s’annoncedifficileétantdonnéquemoi-mêmejenesuispasserein.

Unpeud’alcoolpourraitpeut-êtrenousdétendre…

C’estuneexpérienceinéditepourmoiquedelutterpourqu’unefemmesoitàmespieds.Généralement,elles tombent dansmes bras sans aucun effort à fournir. Il suffit juste de leurmurmurer une ou deuxflatteriesetdesortirl’ingrédientmagique,lacartebleue.Jelesmetstoutesdanslemêmepanier,avecmatrèschèremère.

J’entendsunevoixrassuranteaufonddemoimedire:Brad !Abbygaëln’estpascommelesautres,ellenecherchepasàtemettrelacordeaucou,cen’estpastonargentquil’intéresse...

Jedoismeressaisir,après toutellem’aquandmêmeinvitéàvenirchezelle.Siça,cen’estpasunsigne !

Abbygaëlposesesclésdélicatementdansunpetitvide-pochesàdroitedelaported’entrée.Jecroispercevoirunlégertremblementdanssesgestes...Jeluifaisdoncunteleffet ?

Setournantversmoi,ellemedemande:

–Voussouhaitezboirequelquechose ?

–Avez-vousduvin ?

–Oui,jevaisvouschercherçadanslacuisine,jerevienstoutdesuite.

Jeprofitedesonabsencepourinspecterleslieux.Surlebuffetdusalonsetrouventdescadresphoto.Surl’uned’elles,ellepose,souriante,entredeuxpersonnesquidoiventêtresesparents.Uneautrephotoattiremonregard:Abbygaëlestavecunhomme.Ilsontl’aircomplicesetheureux,unfrère,ouunpetitami peut-être… Jeme demande à quand remonte cette photo. Cet homme est-il toujours dans sa vie,compte-t-ilencoreaujourd’hui ?

Jesuisinterrompuparleretourd’Abbygaël.

Elle me tend un verre et nous trinquons. Je bois une gorgée, un vin blanc liquoreux, français, unsauternes,l’undemespréférés.

Lavoyantencore trembloter, jedécidedeprendre lesdevants.Être faceàelleetnepaspouvoir ladévorerestunsupplice.J’aienviedeladébarrasserdesesvêtementspourlacontempler...Rienqu’àmoipourquelquesheures.Pasdecollègue,declientpressé,deregardcurieux,justeelleetmoi.

Jem’approcheetluiretiresonverredesmains.Ellesembledéstabilisée,maisnerésistepas.

–Abbygaël,jem’aperçoisquejen’aipasprisdedessertchezJane...

–Ehbien...Jen’airienàvous...

–Cen’estpasdesucredontj’aienvie...

Elledéglutitetrougitinstantanément.Jeneluilaissepasletempsderépondreetl’attrapeparlataillepourl’embrasserfougueusement.Jelasoulèveetlaplaquecontrelemurd’enface.Jen’arrivepasàmecontrôler, complètement obnubilé par ce besoin de la posséder. Je l’entends à peine respirer, maisd’après les regardsqu’elleme lance, jepensequ’elleapprécieautantquemoinotreéchangeà la foissauvageetenfiévré.

Au fur et à mesure, Abbygaël prend de l’assurance. Elle me retire ma veste et déboutonne machemise...Bientôt,j’entendsl’étoffecraqueretjevoisdeuxboutonstomberausol.

Abbygaëldonneleton.Jelareposeet laretournedosàmoiafindem’attaqueràlafermeturedesarobe.Je fais tomber lesbretellessursesbras touten lacaressantdemesmains.Larobeglissesursapeaudouceetvientfinirsacoursesurlesol.

Jepasseensuitemalanguesursapeaubrûlanteaugoûtsucré,sursanuque,sursesépaules,entresesomoplates...

Delavanille…Finalementjevaisl’avoirmondessert,etjecomptebienenabuser !

Ellehalète,cequiprovoqueenmoiunemontéededésirpuissant,àlalimitedudouloureux...Sijeneretirepasmonboxerdansdeuxminutes,jerisquededevenirfou !

Aprèsavoirretirésessous-vêtements,rougepassion, jereculed’unpaspourpouvoircontemplersabeauténue.

Ellepourraitprétendreàêtrel’égéried’unemarquededessous.

Toutcequ’ilfaut,exactementlàoùilfaut !

J’aienviedeprofiterdetoutessescourbessensuelles,maissonréflexeestdesecacher…Pourquoi ?Ellenedevraitpasavoirhonte,elleestsidélicieuse...

D’unevoixsuave,jel’implore:

–Laisse-moi te regarder...Tuessibelle... Jenesuispassûrdepouvoirmerassasierde toienuneseulenuit.

Abbygaëlmefaitsonplusbeausourire.

–Justeunenuit...PasunedeplusmonsieurO’Connell.

Elleditçamaintenant,maisellevaradicalementchangerd’avis,jeneluidonnepasunejournée.

Ellem’entraînedanssachambre,jel’allongedélicatementsursonlitàbaldaquin.Jeretireprestementmonpantalon.Aumoment d’enlevermonboxer, jem’aperçois que j’ai laissé le préservatif dansmonportefeuille.

–Jerevienstoutdesuite.

–Jenecomptepasm’enfuir,mesouffle-t-elle.

En revenant dans sa chambre, je me mets entièrement nu. Hypnotisé par ses yeux bleus, je viensm’installerentreseslonguesjambes.Aufond,jesaisqu’ilfautyallerdoucement,maisc’estplusfortquemoi,jeveuxlaposséder.

Jedeviensfou...

Enbaissantlatêtepourembrasserlapointedesesseinsdurcisparl’excitation,monregardseposesurcequiressembleàuneentaillesursahanchedroite.Elleparaîtprofonde,telleunemarquefaiteparuncoupdecouteau.

Qu’a-t-ilbienpuluiarriver ?

Abbygaël suitmon regard etme force d’ungeste brusque à relever la tête. Je vois bien qu’elle estembarrassée.Pouréviterlesujet,ellechoisitdemesurprendreenmedisant:

–Fais-moil’amourtoutdesuite.

Entreprenante...J’adoreça...

Jedécidedeluilaisserunlégertempsderépit,maisaussiétrangequecelapuisseêtre,jesuisdévoré

parlacuriosité.Jeveuxconnaîtresonsecret,savoircequ’illuiestarrivé.

Elleécartesesjambes,melaissantlibreaccèsetjelapénètred’uneseulepoussée.Elleenfoncesesonglesdansmondostoutengémissantdeplaisir.Elleesttellementétroiteethumide.

Serait-elle…Non,c’estimpossible.

Aprèsquelquesva-et-vient,jelasenssecrispersousmoi.Ellecambresondos,melaissantentrerauplusprofondd’elletoutencriantmonnom.Sonorgasmeestsiintensequ’ilmefaitàmontourbasculeretjejouispuissammentenelle.

Je roule sur le côté pour nous permettre de reprendre notre souffle. C’était tellement bon, sesmouvements,sescris,sesbaisers…

Jeme tourne vers elle, les rayons de lune éclairent son corps en sueur. Je voudrais lécher chaquecentimètredesapeaubrillantepourm’abreuverdecetélixirenivrant.Lorsquenosregardssecroisentenfin,jeperçoissagêne.

–C’étaitsympa,lâche-t-elle,rougissante.

–Très.

Jelasenshésitante.

–Tudevraispeut-être...yaller...Situveuxprendreunedouche,lasalledebainestàdroiteensortant.

–Seriez-vousentraindemechasser,mademoiselleClare ?

–C’estàdireque...jetravailledemainet...tudoisavoirunetonnedechosesàfaire.

–Monavionestàhuitheures,jepeuxtrèsbienpartiràl’aube.

Elleparaîtsurprise.

–Oùest-cequetuvas ?

–J’aiuneréunionàLondresetj’enchaîneensuitesurWashington.Jeparspourunesemaine.

–Raisondepluspourallertereposer.

Jen’aipasl’habituded’êtrechassédelasorte,entempsnormalc’estmoiquipars.Saufquetoutdesuite,jen’aipasenviedelaquitter,maisplutôtderecommencer.

–Peut-onserevoir ?

–Jenepensepasquecesoitunebonneidée.

–J’aiétéunaussipiètreamantpourquetuneveuillespasremettreça ?J’émetstoutdemêmequelquesdoutessurlesujetauvudescrisdeplaisirquetuaspoussés.

–Trèsdrôle...mejette-t-ellecyniquement.SérieusementBradley,c’étaitsympa,j’aiapprécié,maisjenepensepasquecesoitunebonneidée...

–Donne-moiaumoinstroisbonnesraisonsdenepasserevoir...

–Ehbien,pourcommencer,lesplansculcen’estpasmontruc...Ensuite,tun’espasmongenreetpourfinirnousn’évoluonspasdanslemêmemonde,jetel’aidéjàdit.

–Laisse-moitedirequetonpremierargumentsonnefaux…Cartuasvraimenteul’aird’appréciercemomentmalgrélefaitquecesoitun«plancul»commetul’affirmes.Cequimefaitdireaussiquej’aidumalàcroirequejenesoispastongenre.

–Bradley,pourquoicompliquerleschosesquin’ontpasàl’être ?Lesexeavectoic’étaitsuper,maisçanesereproduiraplus,voilàtout.

Jecollemonvisageausienetluichuchote:

–C’estcequetudismaintenant,maisjepeuxt’assurerquelaprochainefois,tumesupplieras.

Pourletaquiner,jeluifaisunclind’œil.Ellesoulèvesatêteetprendsonoreillerqu’ellemejetteenpleinvisageenrigolant.

–Tuesvraimentunsaleprétentieux !

Elleme tire vers elle etm’embrasse à pleine bouche. Ses baisers n’ont rien d’innocent…Ellemepoussesursonlitet,duboutdesalangue,vienttracerlespourtoursdemontatouagetribal.

–Tuvois,jenetesuppliepas,murmure-t-elleàmonoreille.

Jemelaissealleràsescaressesetcettefoisjenefaispasl’impassesurlespréliminaires…

J’ouvrelesyeuxverssixheuresdumatin.Abbygaëldortàpoingsfermés,sescheveuxéparpilléssurl’oreiller,épuiséeparnotrenuitmouvementée.Jel’entendsmêmeronfler.Entempsnormalcebruitm’estinsupportable,maischezAbbygaël,c’estplutôtmignon.

Jemelèvedoucementdepeurdelaréveiller.J’attrapemesvêtementsausoletmedirigeverslasalledebainpourm’habiller.Devantlemiroir,j’esquisseunsourireententantd’enfilermachemiseàlaquelleilmanquedésormaisdeuxboutons.

Cettefemmeestunevraietigresse...

Je me rince rapidement le visage et m’apprête à m’en aller. En sortant de la salle de bain, jem’aperçoisqu’Abbygaëlestréveillée.Ellemeregarde,somnolente.

Jem’assiedssurlereborddulitetjen’aiqu’uneenvie:embrassercetteboucheencoregonfléeparnosbaisersdelaveille.

–Jedoisyaller«matigresse».Àmonretourj’aimeraist’inviteraurestaurant,çatetente ?

– Je ne sais pas... Je ne suis pas sûre d’avoir envie d’être casée entre « miss lundi » et « missmercredi»situvoiscequejeveuxdire...

–C’estmoioùtucherchesl’exclusivité ?

Montonseveuttaquin,maisvisiblementellen’estpassensibleàl’ironie...

–Jenechercheriendutoutavectoi,commejetel’aidéjàdit,assène-t-ellesèchement.

Jesuisvexé,c’estlapremièrefoisquequelqu’unmetautantd’obstinationàmerepousser.

–Trèsbien.

Jesorsdemavestemacarteetlaposesurlelit.

–Aucasoùtuchangeraisd’avis...

Sansmeretourner,j’ouvrelaporteetsors.Malimousinem’attendenbasdesonimmeuble.Jesuisencolère, qu’est ce qui cloche chez elle ?On a passé une super soirée et elle s’entête à ne pas vouloircontinuer.Jedoistrouverunmoyendelafairechangerd’avis.Surlarouteversl’aéroport,jeréfléchisàunstratagèmepouryparvenir.

Chapitre11-Abbygaël

AprèsledépartdeBrad,jeressenscommeunvide.Aufond,etmêmesi jeprétendslecontraire, jecroisquejelesapprécie,luietsoncôtéprétentieux.Enregardantlacartequ’ilm’alaissée,jenepeuxm’empêcher de me demander combien de femmes ont eu droit à la même scène. À cette pensée, jegrimace. Je la range dansma table de chevet et décide de l’oublier. Jeme contenterai d’une seule etfabuleusenuit.

Ilesttôt,jemerallongeetessaiedemerendormir,ilmeresteencoreunegrosseheureavantdedevoirmelever.

Àmonréveil, jemesensplutôtbien.Cettenuit torridearechargémesbatteries !Ilest tempsdemepréparerpourallertravailler.Aprèsunregardparlafenêtre,j’optepourunpantalonàpincesnoiravecunchemisier léger,rose.Jesuissoulagée,ceweek-endet lasemaineàvenirdevraientêtrecalmes,ausensémotionnelduterme,sansBraddanslesparages.D’accord,j’aiaimécettenuitaveclui,maisjemesuispromisdenepasm’attacher.Jenesuispasprêteàmemettreencoupleetlesjoursàvenirvontmepermettrederéfléchirunpeuà toutça...JeprofiteraidemonjourdecongépourproposeràSimondefairedushopping.Mercredi,jel’accompagnechezParker.Puis,Jessydoitvenirmangerjeudisoir,voilàdoncdéjàbiendequoim’occuper.

Aprèsune semainebienchargée, j’entame sereinementmon serviceduvendredi soir.Plus les jourspassent,plusmescollèguesdeviennentavenants.Ilrègnedanslerestaurantunesuperbeambiance.Dèsquel’und’entrenousestdanslapanadeavecunclient,l’autrevientàsarescousse.

Ambermefaitsignedelarejoindreàl’entrée.

–Qu’ya-t-il ?

–Jeviensde recevoirunappeldemonsieurO’Connell, il arrivedansuneheure. Il aexpressémentdemandéàcequecesoittoiquitechargesdesatablepourledîner.

–Ilestseul ?

–Réservationexpresspourdeuxpersonnes.

Pour être honnête, je suis excitée à l’idée de le revoir, mais je suis aussi curieuse de savoir quil’accompagne.AyantvuSimoncettesemaine,jesaisquecen’estpaslui…Peut-êtreunclientimportant ?

Alors que je finis de préparer la table douze, je vois Bradley pénétrer dans le restaurant,accompagné...d’unesublimecréature,unebrunesulfureuse.

Iltientcelle-ciparlataille.Jesensunpincementaucœur,quiressemblefortementàdelajalousie.Deloin,ilsetourneversmoietmeregarded’unairtotalementindifférent,sansl’ombred’unsouriresursonvisage.

Jerêveouilm’ignore ?

C’estcommesi la lamed’uncouteaus’enfonçaitenmoi.Quelledésillusion...Jedoisà toutprixmereprendre. On ne s’est rien promis, d’ailleurs sa carte est restée aumême endroit depuis son départ.Durantlasemaine,j’aihésitéàluienvoyerunSMS,maisj’avaispréférém’abstenir.Certes,notrenuitaétéexceptionnelle,etjenepensepasavoirdéjàressentidetellessensationsavecMatthew.Mêmesicedernieraétéunamantextraordinaire,ilestloind’arriveràlachevilledeBradleysurcepoint.Bradleypeut être doux, attentionné, à l’écoute de mes désirs. En une seule nuit, il a su trouver mes pointssensiblesetenabuser.Maisiln’yapasdelendemainpossibleaveccetyped’homme,etilmeleprouvebiencesoir !

Alorsqu’ilsavancentdansmadirection, jedécidedememontrerprofessionnelleet, comme lui,dejouerlacartedel’indifférence.

–Bonsoir...

Jereculelachaisede«missvendredi»,lapriantdebienvouloirs’asseoir.

RestezenAbby,pasdebourde...

Avecsarobedorée,ladernièredechezDior,quimetenvaleursessuperbescourbes,ilsformentuncoupleparfait.

Jeveuxlamême...

–Mademoiselle,meditBradley,pourmoiceseraunmartini.EtpourtoiTiffany ?Unmalibu,commed’habitude,jeprésume ?

Le«Mademoiselle»estdetrop,ilfaitcommes’ilnemeconnaissaitpas.

Cen’estpascommesinousavionspartagéunenuitensembledanslemêmelit…

Puisce«commed’habitude»,ilveutdirequoi ?Ilchercheàmeprovoquerouquoi ?

Jemeretiensdeluidiresesquatrevérités.Quel infâmepersonnage, jemesuis trompéesur toute laligne.Àmoinsque...

–Bien,monsieur,rétorqué-jed’untonacerbe.

Jem’éloigneendirectiondubar,Jessyperçoitmontrouble.

–Çanevapas ?s’inquiète-t-elle.

–Si,si,çava.Jesuisjusteunpeufatiguée.

–Àcequ’ilsedit,monsieurultrasexyaencoredemandéàcequetuleserves.Sic’estvrai,tuasunesacréetouchemapetite,jesuisenvieusetoutàcoup !

–Jessarrêtes’il teplaît,cen’estpas lemoment.Etenpluscommetupeux leconstateronest loind’assisteràunrepasd’affaires...,lâché-jed’untonamerenluiindiquantlatable.

Ellelèvelesmainsenguisedepaixetmerépond:

–OK,excuse-moimabelle,j’essayaisjustedetedétendreunpeu...

Jenedevraispasluiparlerdecettefaçon,ellen’ypeutrien.Jeposemamainsurlasienneetajoute:

–DésoléeJessy,cen’estpasmasoirée,jesuisunpeuàbout.

Ellemesouritetn’insistepas,cedontjeluisuisreconnaissante,carjenesuisvraimentpasd’humeur !

Jemetourneversleurtable,Bradleyparaîtdécontracté,ilaretirésaveste,dénouésacravateetdéfaitlespremiersboutonsdesachemise,cequiconfirmecequejedisaisjustementàJessy:ilnes’agitpasd’undînerprofessionnel.

CetteTiffanyledévoredesyeux.Parmoment,ellerejettesescheveuxpar-dessussonépaule,dansunetentativedésespéréedelecaptiver.

Bradleymetmonself-contrôleàrudeépreuve,maisjedécidedenepasmelaisserfaire,ilvavoirdequelboisjemechauffe.

VousvoulezjouermonsieurO’Connell ?Ehbienjouons !

Jeprofitedelafinduserviceetd’unmomentd’accalmiepourdétachermescheveux,retouchermonmaquillageetdéboutonnerlehautdemonchemisier,laissantapparaîtrelanaissancedemapoitrine.Missvendredis’étantabsentée,jesautesurl’occasionpouraguicherBradley.Lorsquej’entredanssonchampdevision,celui-cisefige.L’airvientàmemanquertoutàcoup,sonregardardentestéloquent,jenelelaissepasindifférent.Nousnousdévoronsdesyeux,jemedemandequivagagnercettelutteacharnée.Latempératuremontesubitement.Jesuis toutexcitée,mêmeliquéfiéeàcertainsendroits,maisjen’oubliepaspourquoijefaiscela,jenecéderaipas.S’ilpensaitjouerdansuneautrecatégorie,ils’estfourréledoigtdansl’œil.Bradleynemelâchepasunseulinstantduregardcommesinousétionsseulsdanscerestaurant.

Missionaccomplie !

AlorsqueMarcestaubaravecJessy,jelerejoinsetmepencheverslui.Jeposemesmainssurses

hanchespourluisusurrerdeuxmotsaucreuxdel’oreille.

Ilm’attrapeparlataille,mesouritetm’embrassesurlajoue.

J’entendsBradleydansmondosm’appeler.

Haha,ilestvertdejalousie,j’enmetsmamainàcouper !Jejubile,contentedemaprestation.

–Mademoiselle !insiste-t-il.

Jerefermediscrètementmonboutondechemisier.

Jelerejoinsàsatable.

–Ouimonsieur ?minaudé-jeinnocemment.

–Tujouesàquoiaveccetype ?siffle-t-ilenmelançantunregardhostile.

–Tumetutoiesànouveau ?Jenevoispasdequoituparles,jenejouepas !Entoutcaspasplusquetoi...,raillé-je.

Aumême instant, son«amie»vient se rasseoiretme toise.Elledoitpenserque j’empiète sur sonterritoire !

ElleregardeBradleyquiparaîtàcetinstantfurieuxpuissetourneversmoi.

Jesensqu’ilestfrustrédenepasavoireulederniermot.

–Vousprendrezdescafés ?demandé-jeàTiffanyavecunsourirenarquois.

Alors que « miss vendredi » s’apprêtait à accepter, Bradley la stoppe dans son élan et demandel’addition.D’abordinterloquée,elleselève,furieuse,etattenddesexplicationsdeBrad.

Sansmême la regarder, il lui ordonned’aller patienter dans la limousine.Celle-ci ouvre la bouchesansqu’unseulsons’enéchappe.D’unairhautain,ellese tourneversmoi,me jetteunregardnoir,etprendcongé.

Ilselèveàsontour,attendqueTiffanyfranchisselesportesdel’entréeet,faisantabstractiondumondequinousentoure,ilm’attrapelepoignet.

–Tucouchesaveccetype ?

Jepourraismeconsumersur-le-champsoussonregardincendiaire.

–Bradley,arrêtes’ilteplaît,jesuisenservice.Tuattiresl’attentionsurnous.

J’essaied’extirpermonbras,maisilesttellementfortquejeneparvienspasàbougerd’unpouce.

–Etpuisqu’est-cequeçapeuttefaire ?luibalancé-jed’untonacerbe.

–Tun’aspasréponduàmaquestion.Jetepréviens,jenepartiraipastantquetunel’auraspasfait.

–Biensûrquenon,jenecouchepasaveclui !Àquicrois-tuavoiràfaire ?Jenesuispastoi.

–Alorspourquoias-tu...

–Tafaçond’agirmedéplaît.Tuexigesquejesoistonhôtesseettuviensparadersousmonnezaveccettebrune,jelecoupesèchement.Tonjeuestpervers !

–Tuesjalouse ?

–Jene....

Jeperdsmesmots,tropénervée.

–Tunem’aspasdonnésignedeviedelasemaine…,souffle-t-il,presquepourlui-même.

–Je...J’aiétéprisecestemps-ci...

– Eh bien ne viens pas te plaindre ensuite si je te trouve une remplaçante, réplique-t-il sur un tonbeaucouppluscinglant,cettefois.

–Tuesvraimentungoujat.

– On se voit après ton service, ma limousine t’attendra à la sortie. Et ne t’avise pas de refuser !m’ordonne-t-il.

L’avertissementquejelisdanssesyeuxperçantsmefaitbattreenretraite.

–Etquevas-tudireàtonamie ?

–Net’inquiètepaspourça,jem’enoccupe.

Sur cesmots, et sansme laisser ne serait-ce que la possibilité de refuser, il part régler la note aucomptoiretsortdurestaurantd’unpasdécidé.

Marcvientalorsàmarencontreetmedit:

–Merciencored’avoiracceptédemeremplacerdemain,jeterevaudraiça.

BravoAbby,tuasremportélabataillecontre«missvendredi» !Çavalaitbienlecoupdesacrifiersonsamedi,non ?

Chapitre12-Abbygaël

Lafinduservicevenue,jesaluetoutlemondeetsorsdurestaurant.Lalégèrebrisemefaitfrissonner,jeresserrelespansdemavesteetcherchedesyeuxlalimousinedeBradley.Elleesteffectivementgaréesurletrottoir,faceaurestaurant.

Ilestsûrementàl’intérieurentraindem’attendre...

Àcettepensée,moncœurs’emballe.Toutenmarchantjusqu’àelle,jemedemandecombiendetempsvadurercepetitjeu.Ilfautquej’arriveàprendredureculparrapportàlasituation,cequis’avèrepluscompliqué que prévu.Bradley doit rester un passe-temps, il est impératif de ne pasmélanger sexe etsentiments.Surtout,jedoisluidirequ’ilesthorsdequestionqu’ilmerefasseunescèneenpublic,commesijeluiappartenais !Jeneveuxpasquel’oncommenceàparlerdemoicommelenouveauparfumdumoisdurichissimeetcélèbrearchitecte.Jeveuxpréservermavieprivéeainsiquecelledemesproches,j’aibeaucouptroppeurdesconséquences.

J’ouvrelaportière,Bradleyesteffectivementlà,beaucommeundieuetfurieuxcommeundiable.Ilmetendunecoupedechampagne.

–BonsoirmademoiselleClare.

Toutenm’installant,jeluidemande:

–Turecommencesavectesformulesdepolitesse ?

Vusonexpression, jevoisbienqu’ilacompris l’allusionà lascènequis’est jouéeplus tôtdans lasoirée.Iloptepourunchangementradicaldesujet.

–Aucasoùtuteposeraislaquestion,jet’emmèneauTrumpSoho.

–J’espèrequelachambreaéténettoyéeaprèslepassagede«missvendredi».

–TumeprendsvraimentpourunDonJuansansmorale.C’estdinguel’imagequetut’esfaitedemoi.

–Dixitl’hommequim’atrouvéuneremplaçanteenmoinsd’unesemaine.

Sonexpressionpassedechaleureuseàglacialeenunquartdeseconde.

–Jeplaisante,détends-toi !

Jevided’unetraitemacoupe.Lesbullesviennentmechatouillerlespapilles.

UnpointpourvousmonsieurO’Connell,j’adorelechampagne.

Le reste du trajet se déroule dans le silence. Je ne sais pas sur quel pied danser avec lui. Il peutdifficilement m’en vouloir de le prendre pour un séducteur sans cœur. Les magazines, et même sonmeilleurami,l’affirment.

Pourquoifait-ilsonsusceptible ?

Je suis rassurée de voir que l’hôtel a l’air désert à cette heure-ci, personne sur le trottoir, pas depaparazziauxalentours.

Bradleysortdelalimousineetvientm’ouvrirlaporte.Ilmetendsamainpourm’aideràsortir.Àsoncontact,jesensuneonded’électricitémetraverserdetoutesparts.

RestecalmeAbby !

Nousavançonsdansunimmensehalld’entréesurmontéd’unebibliothèque.Jerestebouchebée,etsicen’étaitpaspourBrad, jem’empareraisd’un livreavantdem’installer confortablementdansundesfauteuilsenveloursmarronetdemeperdredansmalecturedurantdelonguesheures.Jemeretiensdepousserungros«waouh»,commeViviandansPrettyWoman.Jen’ai jamaiseul’occasiondevoirunendroit d’une telle beauté architecturale. Tout ici est démesuré : les colonnes dorées, les murs, leslustres...

Enregardantautourdemoi,j’ail’impressiond’êtrelaseulepersonneàêtreémerveillée.Unjourpeut-êtrequemoiaussijeseraihabituéeauclinquant.Enattendant,jesavoure.Bradleymeproposedeprendreun verre au bar, situé à l’arrière de l’hôtel. Je refuse poliment, j’ai un peu froid et je suis plus à larecherchedechaleurhumainequed’unrafraîchissement.Nousempruntonsunascenseur,Bradleyquinem’apaslâchélamaindepuisnotrearrivéecommenceàmecaresserlapaumeenydécrivantdescercles.Latempératuremonteinstantanément.J’aimaintenantterriblementchaud.Vul’effetqu’ilmefaitjusteentouchantmamain,jen’aiqu’unehâte,qu’iltouched’autrespartiesdemoncorps…Ilinsèreunecarteetla porte s’ouvre sur une somptueuse suite en duplex. Nous pénétrons dans la partie droite du doublesalon. Je suis stupéfaite par ce décor luxueux. Les baies vitrées s’étendent du sol au plafond. Jem’approche de celles-ci pour admirer la merveilleuse vue sur le fleuve Hudson. Bradley se placederrièremoietmechuchoteàl’oreille:

–Çateplaît ?

–C’estsplendide !Tuvisici ?

Ilacquiesce.

Jemeretournepourluifaireface.

–Tuemmènesbeaucoupdefemmesdanscettesuite ?

–Tuveuxvraimentconnaître laréponse ?Si tun’espasà l’aise,onpeut toujoursallerchez toi.Unsimpleappeletmonchauffeuraccourt.

J’auraisaiméqu’ilmerépondenon,maisjenesuispasétonnéequ’iléludeainsimaquestion.Mieuxvautçaplutôtqu’ilm’achèved’un«oui,unecentaine».

Abby,turéfléchistrop !

–Nonc’estbon,net’inquiètepas.Jesuisdugenreàreleverlesdéfisetmonobjectifestdefairepartiedecellesavecquituauraslesmeilleurssouvenirs,situvoiscequejeveuxdire...

Pourqu’il comprennemieuxdequoi il en retourne, et pour assouvirmonenviede lui, jeposemesmainssursontorse.Àtraverssachemise,jedevinesesmusclesquisecontractentàmoncontact.

–Etsijecommençaisparteretirercetteveste ?

Jejoinslesgestesàlaparole.

–Cettechemiseestégalementdetrop.

Bradleyrespiredeplusenplusfort.

– Ce que tu peux être exigeante ! Mais j’adore tes prises d’initiatives, surtout quand celles-ciconcernentlesexe.

–Tun’asencorerienvu…

Jem’agenouilleetmeretrouveàhauteurdesonmembreérigé.Jeluiretiresonpantalonetcaresselerenflementdesonboxer.Puisjelibèresonsexe.Bradleyesthaletant.

–Continuecommeçaettugagnerastondéfihautlamain.

Jeleprendsenboucheavecgourmandise,ilaungoûtsucréexquis !Jefaisexprèsdeprendretoutmontemps.Jepromènemalanguesursonsexe,dansunedouceetlenteextasedansl’espoirdelerendrefou.Jeveuxaspirer toutesasaveur.Ilmetsamainsurmatêtepouressayerdem’imposersonallure.Je leregarde et vois qu’il a les yeux clos, il bascule sa tête en arrière et râle de plaisir.Au rythme de sarespiration,jeprendsconsciencequecequejeluifaisluiprocuredubien-être,celamerendencoreplusaudacieuse.C’est grisant de se sentir aussi puissante. Je sens qu’il est au bord du précipice... ce quim’encourageauplushautpoint.

–Arrête,tumerendsdingue,ne…

Àl’intonationdesavoix, jesaisqu’il luttepournepassombrerdans la jouissance. Ilmerepoussedélicatementet,àsontour,ilsemetàgenoux.Ilm’embrasseàlahâte.

–J’aitellementenviedetoi…

Il faitglissermonchemisier, retiremonpantalon,ethausseunsourcilétonné,mais ravidevantmonabsence de sous-vêtements, avant dem’allonger sur le dos. La fraîcheur du parquet et la chaleur quiirradiedemoncorpsmesecouent, je frôle le choc thermique. Ilvient seplacerdevantmes jambesetécartemescuisses.

–Tuessibelle...

Ilme regarde droit dans les yeux et à cet instant, dans cette position, totalement offerte, je ne peuxm’empêcherderougir.

Desamain,ilcaressemajoue.

–J’aimeleteintqueprendtonvisagequandtuesnerveuse.

Ils’allongeàcôtédemoi,attrapemonseindroitencoupeetsemetàpincermontéton,toutenléchantle gauche. Je gémismalgrémoi. C’est si bon... Je retiensmon souffle lorsque samain se retrouve àproximitédemonintimité.Ilenfonceundoigtenmoi.Jepousseuncrideplaisir.

Ilmeregardeetmesouffled’unevoixenrouée:

–Tuesdéjàtellementmouilléeetprêteàmerecevoir...Tumerendsfou...J’aienvied’êtreentoi.

Sesmotsm’excitenttant…

–JevaistegoûterAbbygaël.

Ilnemelaissepasletempsdeprendreconsciencedecequ’ilditqu’ilsepositionneenunéclairentremesjambesetcommenceàlécherdoucementmonsexe.

–Délicieuse...

Monpoulss’accélèreàmesurequ’ilprendpossessiondemoi,mapeaumebrûlelàoùilmetouche.C’estàsontourdeprendrelecontrôle,faisantdemoisonesclave.Jesensqu’ilsavourecetinstantoùilestseulmaîtredemonplaisir.

Dictée par un désir inqualifiable, je ne lui résiste pas. Je me laisse submerger par une vagued’orgasmesquin’enfinitplus.

–Supplie-moid’arrêter !medit-il.

–Jet’ensupplie !

Lefaitdeprononcercesmotsm’exciteplusencoreetjesensunultimeorgasmedévastateurmonterenmoi,lesbattementsdemoncœurs’accélèrent,j’ysuis...J’exploseenmillemorceauxenhurlantsonnom.Ilmecouvredebaisers.

–J’aienviedetefairel’amourdanstouteslespiècesdelasuite,encommençantparlachambre.Viensparlàetlaisse-toifaire.

Non,maisilestSÉRIEUX,c’estunemachinedeguerrecetype…Jenesuispascertainequemesmembrespuissentencoresubiruneattaquedecegenre...

Ledécordelachambreestsublime.Lesmurssontrevêtusd’uncuircapitonnécouleurébène.Aupieddulitsetrouveunebanquetteassortieàladécorationmurale.L’idéedemedonneràluisouscesbaies

vitrées,aveclesétoilespourseulestémoins,estasseztentante.

Allongée,jem’offreencoreàluisansretenue.Ilmeprenddelaplusdoucedesfaçons.Ilestàlafoisdélicatetentreprenant,ilmecombledebaisersetdecaresses.Àcetinstant,jepeuxdirequ’ilmerendcomplètement dingue. Nous arrivons tous les deux à l’orgasme à quelques secondes d’intervalle.Totalementépuisée,jesombredansunsommeilprofond.

Aumilieu de la nuit, j’ouvre les yeux et vois Bradley àmon chevet, l’air inquiet. Jeme redressebrusquementsurlelittoutentâchantderemettremesidéesenplace.Aprèsquelquessecondes,jeréalisequejeviensjustedefaireuncauchemar.Jesuisennageetjechercheautourdemoiquelquechosepourm’éponger le front.Bradley devait être en train dem’observer depuis unmoment avant que je nemeréveille, et a donc remarqué mon front luisant, puisqu’il me tend un bout de tissu humide dont jem’empareprestement.

Jemeconfondsenexcuses:

–Jesuisdésoléequetuaiesassistéàça…

Bradmeprendlementonm’obligeantàreleverlatêteetàleregarderdanslesyeux.

–Net’excusepas,jesuisheureuxd’avoirétélà.Tuavaisl’aircomplètementapeuré,tum’imploraisdetelâcher…

Il semble soucieux, il s’approcheprécautionneusementpournepasm’effrayer etmeprenddans sesbras,medemandantsijeveuxdiscuterdemoncauchemar.Àcestadedenotrerelation,jenemesenspascapable de lui dévoilermes sombres secrets. Je ne suis pas prête. Le regard fuyant, je décide demerhabiller.Ilestgrandtempspourmoidemettrelesvoiles.

–Jedevraispeut-êtreyaller...

–Non !

Soncrivientducœur…justeavantdereprendreuntonpresqueimplorant.

–Passelerestedelanuitavecmoi,s’ilteplaît…

–Cen’étaitpasvraimentcequiétaitprévu,jenepensaispasm’endormir.

–Alorstupréfèrest’enfuirplutôtquem’expliquerpourquoituasfaitcecauchemar?Qu’est-cequetucachesAbbygaël ?

Afindefaireoubliermonmalaise,j’essaiedechangerdesujet:

– Bradley, ça va nous mener où tout ça ? Tu sais aussi bien que moi ce que cela signifie si oncommenceàpassernosnuitsensemble !

S’appuyantsursesavant-bras,ilmeditdebutenblanc:

–Mettonsleschosesauclair,quedois-jefairepourquetut‘ouvresàmoi?

–Je…ehbien…pourcommencerilfaudraitquetuchangesteshabitudes.

–Cequisignifie ?

–TaréputationBradley.Tuesincapabledevivreunevraierelation,tuenchaîneslesconquêtes.C’estimpossible pourmoi de te parler demoi, je n’arrive pas à te faire confiance. Pour que çamarche, ilfaudraitcommencerpararrêterdevoird’autresfemmesenmêmetemps...

–Jenesaispassij’enseraiscapable...

Jesorsdulit,prêteàprendremesaffaires,maisilmeretient.

–Attends !Pourêtretoutàfaithonnêteavectoi,j’aienviequel’oncontinueàsevoir,mais…

Ilhésiteàpoursuivre.Jeluicaresselajouepourl’inciteràreprendre.

–Jenepensaispasqueceseraitaussidifficileàdire.J’aiétémariéunefoisetj’aibeaucoupsouffert,finit-ilparlâcher.

QUOI ?Simonnem’apasparlédeça...

–SerenaTailor.Nousavonsétéàlafacensemble,elleaunandeplusquemoi.Durantsonannéedediplôme, on lui a proposé un job àRio.On s’estmariés àVegas juste avant son départ. Je devais larejoindreaprèsmadernièreannée,maisaveclamortdemonpère,notreprojetn’apuvoirlejour.

–Vousavezgardécontact ?

–Naturellement.Ilnousarrivedenouscroiserenséminaire...

Jeluilanceunregardsceptique.Vul’expressionquejelissursonvisage,jesuiscertainequ’ilnedoitmêmepassesouvenirdusujetdudernierséminaire,tropoccupédanslachambred’hôtelavecelle...

Ilsesentobligédesejustifier:

–Ellevoitquelqu’undepuisunmomentmaintenant.

Celanemerassurepaspourautant,maisilenchaîneimmédiatement,coupantcourtàmaréflexion:

–ÉcouteAbbypourquoinepaspasserleweek-endensemble ?Parlasuiteonavisera...

–Jetravailledemain...

Devantsonairdéçu,j’ajouteaussitôt:

–Maissiçatedit,onpeutsevoirdimancheaprès-midi.

–Tuterminesàquelleheuredemain ?

–Versminuitaumieux...

–Jeterécupèreaprèssituveuxetonirachezmoi,oucheztoi.

–Jenesuispassûrequecesoitunebonneidée,tum’aslittéralementvidéedetouteénergie.Jedoisrechargermesbatteries...

–Sijeteprometscettefoisdenepastetoucher ?

–Ahah,tuvasréussiràrésister ?

–Biensûr !Maintenant,situmesautesdessus,jetepréviens,jenerépondraiderien.

Jelevoissourire,fierdelui.

–Jepensepouvoirmeretenir.Jet’enverraiunSMSquandjeseraisurlepointdefinir.

–Parfait !Turestesdormiralors ?Jeteprometsdeneplust’embêteravecmesquestions.

–C’estbon,vousavezgagnémonsieurO’Connell…

Jemeblottisdanssesbrasetmesentantensécurité,jenetardepasàm’endormir.

Le lendemain matin, nous prenons un bon petit déjeuner livré par le room service, puis Bradleym’appelle un taxi. Après une petite tape sur les fesses et un long baiser fort prometteur, ilme laissefiler…

Chapitre13-Bradley

Unefoislaporterefermée,j’appuiemondoscontrecelle-ci.Jefermelesyeuxetrepenseànosébatsdelaveille.Elleadelachancedetravailler,sinonjeluiauraistrouvéuneoccupationpourlajournée.Jedécidedeprendreunebonnedouchefroidepourcalmermesardeurs !

Qu’est-cequ’ellemefait,c’estdingue !

Laseulepersonnequiarrivaitàmefaireceteffetàl’époque,c’étaitSerena.

Ah,Serena...

D’après son derniermail, elle devrait incessamment remettre les pieds sur le sol américain. JemedemandesicetescrocdeCharlesl’accompagnera,ellen’arienmentionnéàcesujet.

J’appelle Simon pour qu’il se joigne à moi pour une partie de tennis cet après-midi. Pour ne paschanger,ilmesortuneexcusecomplètementbidonpouresquiverunebonneséancedesport.Jemerabatssurmadeuxièmeoption:lapiscinedel’hôtel.Aprèsavoirfaitquelqueslongueurs,jeremontedansmasuitepourconsultermesmailsprofessionnels.

J’aperçoisunepetiteservietteenpapiersurl’undesfauteuilsdusalon:

Voicimonnumérodetéléphone,fais-enbonusage...

+917212-842-5500

SacréemademoiselleClare,étonnante !Jeprendsmontéléphoneetdécidedeluienvoyerunmessage:

«Bienarrivée ?

Tun’espastropengourdie ?

Hâted’êtreàcesoir...»

Jereçoissaréponsequasiinstantanément:

«J’espèrequetun’aspasd’arrière-penséespourcesoir...

J’aicruellementmalauxjambes !»

Jesouris,etenchaîne:

«Ilfautsoignerlemalparlemal !

Etleseulmoyendeneplussouffrir,c’est:ENTRAÎNEMENTQUOTIDIEN !

Situcherchesuncoach,jesuistonhomme:)»

Nouveaubip:

«Toujoursdisponiblepoursauverlesfemmesendétresseàcequejevois !

Maisçaira,merciBradley !

Jereprendsmonservice…

Jourdechanceaurestaurant,onreçoitlechanteurdugroupeSeven’s

Etdevinequiestde« corvée »?

À+»

Jegrimace,est-elleen traind’essayerdemerendre jaloux ?Ehbien,çanemarchepas lemoinsdumonde.

Bon d’accord, j’ai broyé la pauvre feuille de papier qui était dans ma main sans m’en rendrecompte,maisçaneveutriendire...

Jeposemontéléphoneetpasselesheuressuivantesàtravaillersurlesprojetsencours.

Entredeuxdossiers,jem’accordeunepauseetmecreuselesméningespourtrouverunlieuauthentiquepourlajournéededemain,oùl’onnerisquepasdevoirsurgiruneribambelledepaparazzis.Tâchequis’avère plus complexe que prévu, n’ayant jamais eu besoin deme cacher auparavant.D’habitude, lesfemmesquejefréquentesontraviesd’êtrephotographiéesàmescôtés,ellessaventàcoupsûrqu’ellesferontlaunedesmagazinesàscandales.Aufinal,chacunytrouvesoncompte.

Labelleaffaire...

Jesuisinterrompuparlasonneriedutéléphone...

–Salutlâcheur,réponds-je.

–DésoléBrad,encorelavoisine...

–Jeneveuxmêmepassavoir...Quemevautcetappel ?

–TutejoinsàmoicesoirpourlapremièredudernierAvengers ?

–Jesuisobligédetedirenon,j’aidéjàd’autresengagements,décliné-je,presqueàcontrecœur.

En tempsnormal je ne refuse jamaisune sortie avecSimon,priorité àmonami. Je l’entends rire àl’autreboutdufil.

–Jemefaisdesidéesoùunefemmearéussiàtemettrelamaindessus ?!Sic’estlecas,présente-la-moitoutdesuite,quejelafélicite !

–Quedirais-tusijetedisaisquetulaconnaisdéjà…

Simonestdugenreàcomprendrevite.Aprèscinqsecondesderéflexion,ilmelance:

–Nemedispasquetuparlesd’Abbygaël ?

Savoixprendunetoutautreintonation,ilsembleplutôtcontrarié.

Jenevoisvraimentpaspourquoi...

–SérieusementBradley,tuabuses !Avectouteslesfemmesquisetrémoussentautourdetoi,ilafalluquetuprennescellequ’ilnefautpas...

–C’estellequis’estjetéesurmoi...

–Maisbiensûr,commente-t-ild’untondubitatif.

N’ayantpastrèsenviedemebrouilleravecSimon,jedécided’éludersesremarques.

– J’ai besoin de ton aide sur le projet de Tokyo. Ilme faut la dernière version de la présentationimpérativementpourlundi,neufheurestapantes.

–Serais-tuentraindemeservirta«spécialeBradley» ?

–Maquoi ?

–Taspécialité:changerdesujet,cartusaispertinemmentquetuastort.

– Écoute Simon, nous sommes deux adultes qui prennent du bon temps, voilà tout, alors cesse dedramatiser.

–Cettehistoirenemeditrienquivaille…

–Laissetomber,tuveux !

Pour éviter d’entendre encore les réprimandes de Simon, je cherche une excuse afin d’écourter laconversation.

–Jedoisraccrocher,onfrappeàlaporte,sûrementleroomservice...

–Non,attends....

J’envoie le téléphone sur le lit, j’entends la voix de Simon au loin qui fulmine. Au bout de trentesecondes,ilsefatigueetraccroche.

Bip...Bip...Bip...

Versminuit,commeellel’avaitannoncé,jereçoisunSMSd’Abbygaëlm’indiquantqu’elleestdansletaxi.Aupassageellemeprécisequ’elleestexténuée.Jechoisisd’annulermatableàl’ElevenMadisonPark...Ledirecteurestunamietcen’estpasrarequ’ilresteouverttardpourmoi,ilnem’entiendrapasrigueurpourcesoir.

Jedécidedem’occuperafindecalmermonanxiété.Jecommandefinalementaurestaurantdel’hôteldesplateaux-repasquel’onpourradégustersurlatabledusalon,puisj’allumedesbougiesetbaisselalumière,afind’obteniruneambiancetamisée,àlalimiteduromantique.

J’aibienditàlalimite !

C’estsûrementlapremièrefoisquejefaisautantd’effortspourplaireàunefemme.C’estéreintant...

J’entendsquel’onfrappeàlaporte.

C’estelle...

J’ouvreettombenezànezavecuneAbbygaëltoutsimplementsublime !Elleesttoutapprêtée,jemetsmamainàcouperqu’elleaprofitédeladuréedutrajetpourserefaireunebeauté, lerougevifdeseslèvres,douceattention,medonneenviedelacroquer.

Jevaisdevoirmefaireviolencepournepasluisauterdessus.

Lapremièrechosequenousfaisons,c’estnousdévorerdesyeux.Aprèsuncourtinstant,jeluitendslamainetelles’empressedelasaisir.Jelasurprendsenl’attirantd’uncoupcontremoipourl’enlacer.Jeprends une grande inspiration pour sentir son parfum enivrant et écrasema bouche sur la sienne.Malanguejoueaveclasienne.Sijen’arrêtepasnotrebaisertoutdesuite,jevaisluifairel’amoursurplace.Monsexedéjàdouloureuxestcompressédansmonboxer.

–Bonsoirvous.

–Jet’aimanqué,semble-t-il.

–Tuétaispartie ?Jen’airienvumoi…

Marépliquelafaitsourire.

– Jeme suis permis de nous commander un petit quelque chose au restaurant de l’hôtel, j’ai penséqu’avec tonétatde fatigue tupréférerais rester ici... Je teproposedeprendreunepetitedoucheetonpasseraàtableensuite.

Ellem’embrasseetvalide:

–Superprogramme !

Ellesemetsurlapointedespiedsetmesusurreàl’oreille:

–Tadoucheestbientropgrandepouruneseulepersonne.Quedirais-tudevenirmerejoindre ?

Ellemelanceunregardinnocentetajoute:

–Entoutbientouthonneur,monsieurO’Connell !

–BiensûrmademoiselleClare,obtempéré-jeenluifaisantunclind’œil.

–Dois-jeterappelerquetum’asfaitunepromessecematin ?

–Commentaurais-jepuoublieruneinformationd’unetelleimportance ?

–Alleztombeur,onyva…

Cesurnommeplaîtbien…

J’aitenumapromesse,jenel’aipastouché.

Quand bienmême j’en avais envie, notre douche a pris une tournure plus comique que sensuelle…surtout au moment où j’ai glissé et me suis rattrapé de justesse à la serviette accrochée à la porte.Abbygaëlnem’apasétéd’ungrandsecours,elleriaittellementqu’elleafaillis’enétouffer !

Rienquepourentendre son rire, si rafraîchissant, je suisprêt à tomberàchaquedouchepriseavecelle.

Tout en lui servant un verre de vin rouge, je décide de la questionner sur sa vie. Pourquoi ne pasapprendreàmieuxseconnaîtreaprèstout ?

–Tuasdesfrèresetsœurs ?

–Nonjesuisfilleunique…Ettoi ?

–Pareil !Tuastoujourstravaillédanslarestauration ?

– Non. J’ai fait des études de droit, je rêvais de devenir avocate. J’étais plutôt douée, mais j’aiabandonnéaprèsl’obtentiondemondiplôme…

–Pourquoias-tuarrêté ?

–Je…ehbienc’estcompliqué...Siçanet’ennuiepas,jepréféreraisqu’onchangedesujet,jen’aimepastropparlerdemonpassé…

Jesuisdévoréparlacuriosité,maisdécidedenerienenlaisserparaître.

–Pasdeproblème.Unedernièrequestionetjetelaissetranquille.Tuenasdéfinitivementfiniavecledroit ?

–Jenesaispas.Jepensaispeut-êtremeprésenterpourpasserlebarreaul’annéeprochaine.D’icilà,j’auraimis assez d’argent de côté. Je devraim’arranger avec le restaurant pour concilier révision ettravail,maisçamesemblepossible...Ettoi,desprojets ?

–Jedoispartircourantdel’annéeprochaineàTokyopourledémarraged’unnouveauchantier.

Durantunefractiondeseconde,jeperçoisletroubled’Abbygaël…Maiselleenchaîne:

–C’estunbeauprojet !

Nousdînonsdansuneambiancechaleureuseetdétendue.Ils’avèrequenousavonspasmaldepointscommuns...Nouscontribuonstouslesdeuxàlaprotectiondesanimaux,ledimanchenousaimonsfairedujogging,etànosheuresperduesnousregardonslachaîne«NatGeographic»...Ilfautavouerquepasserunesoiréeavecune femmequin’apasqu’unphysiquese révèleêtre trèsenrichissant ! Jene suispasvraimenthabituéàcegenred’échanges !

Àpeineinstalléssurlecanapé,Abbysombredansunsommeilprofond.Enprenantsoindenepaslaréveiller,jelaportedansmesbrasjusqu’àlachambreetladéposedélicatementsurmonlit.Auvudesarespiration lente et profonde, elle paraît totalement détendue. Au fond, cela me plaît bien de savoirqu’elleestsereineenmacompagnie.Jem’installeàcôtéd’elleet je trouverapidement lesommeilaucontactdouxetchauddesapeau.

Chapitre14-Patrick

J’aimal.MonAbbygaëlmemanquecruellement,iln’yapasunjouroùjenepenseàelle.

Pourquoies-tupartie ?

Jeme pose cette question quotidiennement en fixant sa photo que je garde précieusement dansmonporte-monnaie.

Maisjenemelaissepascomplètementabattre.Lejourestarrivépourelled’êtremienne.Sonnom:SuzanBeckett.Étudiantededeuxièmeannéededroit,celafaitmaintenantunsemestreentierquejelasuisde près.Ma chambre noire regorge d’un tas de clichés d’elle : sur le campus, à la bibliothèque, aurestaurantuniversitaire...Mespréférés sontde loin ceuxprisdans sa chambred’étudiante, lorsqu’elledort ou qu’elle prend sa douche.Quand je ferme les yeux, dema planque, j’aime l’imaginermienne,offerteentièrementàmoi,sousl’eauquiruissellesurnoscorpsenmouvement.Sentirleseffluvesdesonparfumfleuri,luimordrel’épaulepourlagoûter,lagrifferpourluilaisserlestracesdemonpassage,lamarquerpourdissuaderunautredeposersesyeuxetsesmainssurelle.

Jesuisàdeuxdoigtsderéalisermesfantasmes…

Detouteslesétudiantesquej’aieuescetteannée,elleestdeloinlaplusprometteuse.Ellem’aimeratout comme l’a fait Abbygaël. Elle m’obéira, respectera scrupuleusement mes règles, se soumettra.Docile,ellerépondraàtousmescaprices...

Tous !

Lefaitdepenseràtoutçamegalvanise…

Jelavoisàtraverssafenêtre,àsonbureau,penchéesursescours,avecpourseulelumièreunepetitelampedechevet.Lascènequej’aisouslesyeuxmefaitpenseràmonamour,lorsqu’ellefaisaitglissersesdoigtsdanssachevelurependantqu’ellerévisait.

CesoirSuzanestseule,prêtesanslesavoiràmerecevoir,sacamaradedechambreétantdesortie…

Çaaétéunjeud’enfantd’installerdesmicrosdanslapièce,afindepouvoirépiersesmoindresfaitsetgestes.Jel’aientendudireàsamèrequ’elleavaittellementderetardsursadissertationqu’elleresteraitchezellepourpotassersescours.Jesuisémoustillé,Suzanmeplaceenprioritédanssalistedechosesàfaire,c’estplutôtflatteur.

Bonnepetitefille.

Si on pouvaitmesurermon état d’excitation, il avoisinerait le chiffre neuf sur l’échelle deRichter.Depuiscematin,jenesuispasmoi-même,tellementfébrile…Commeunvolcanquimenaced’entrerenéruptionàtoutinstant.Jemesuismêmesurprisàbégayerdevantundemescollèguestoutàl’heure...Unevoixdansmatêtemedisait:situnetecalmespasPatrick,tuvastefairedémasquer !

C’estinenvisageable,jesuissiprochedubut !

Suzann’attendplusquemoipours’épanouir,telleunefleurquiéclotàlaroséedumatin.

Je suis persuadé qu’elle neme décevra pas... Cette réflexionme fait grimacer, et repenser à cettesalopedeDéborahSmith !Unécheccuisant:sideprimeabordelleparaissaitdouceetdélicate,commeAbbygaël,elles’estavéréeenréalitéunmonstredecruauté.

Elles’estprésentéeàmoicommeunepetitechosefragile,maisj’airapidementvuclairdanssonjeu:elleespéraitprofiterdecertainsprivilègesquepouvaitluioffrirmonstatut…Onauraitmutuellementpuytrouvernotrecompte !

Elleavaitunsigrandpotentielpourremplacermabelle...

Jusqu’aujouroùje l’avaisramenédanslafermefamilialepourquenouspassionsenfinà l’acte.Lasoiréesedéroulaitàmerveille,nousavonsfaitl’amourpassionnément.JevoyaisAbbygaëlàtraverssesyeux.

Lelendemainensortantdelasalledebain,j’aitoutdesuitevuquequelquechoseclochait.

Elle était pâle, vraisemblablement choquée. Le tiroir de ma table de chevet était ouvert et enm’approchantj’aivudanssesmainsmesphotographiesd’Abbygaël.Ons’étaitdisputés,elles’étaitmiseàm’insulter,àmetraiterdemalademental.J’avaisbeauluirépéterqu’Abbygaëletmoiavionsvécudesmomentsforts,ellenecomprenaitpaspourquoijecollectionnaistoutescesphotosprisesàsoninsu.

Sûrementdelajalousiemalplacée !

Dequeldroitsepermettait-elledemejuger ?Savoixcommençaitàm’irriterprofondément.Sescrisstridentsavaientfiniparavoirraisondemoi…Aumomentoùelleavaitessayédemefrapper,l’imagedemagarcedemèrem’étaitapparueetinstinctivement,jel’avaiscognéeauvisage.

J’aipristellementdeplaisiràfaireça…

Cen’étaitplussonvisagequej’avaisdevantlesyeux,maisceluidemaputaindemère.J’avaisenfinl’occasion deme venger de toutes ces années d’atroces souffrances. Elle n’avait cessé de hurler quelorsquemesmainss’étaientresserréescommeunétausursoncou.Jevoyaispeuàpeusonâmequittersoncorps,admiratifdecefabuleuxtableaudemaître.

Jemesuisrapidementdébarrassédesoncorpsenl’enterrantdanslejardin.Personnenelatrouveraitici, iln’yapasuneoncedevieàdeskilomètresàlaronde...Sadisparitionafait launedesjournauxpendantquelquessemaines,puisplusrien.

C’estellequia réveillémonanimalité. J’avaisvoulu tenterunenouvelleapprocheaprèsAbbygaël,maisjenecommettraispluslamêmeerreur.C’estmoncœurquidoitleschoisiretnonellesquidoivents’imposeràmoi !

Pour la plupart des étudiants, l’université est un bon moyen d’accéder rapidement à la liberté. Ilspassent leur tempsàboire,sortir,oubliantcepourquoi ilsétaientvenus initialement. Ilsnerespectentplusrien,pasmêmeletravaildesprofesseurs.Ilsmedégoûtenttousautantqu’ilssont !Parfois,j’enviensàmedemanderpourquoijefaisencorecemétier…Jecroisquelaseulechosequimepousseàcontinuerestlefaitdemesentirsipuissantfaceàcesignorants.

Cette année, pour la deuxième année consécutive, je suis doyen de la faculté. Mon travail estconsidéré,lesétudiantssontd’ailleursnombreuxàassisteràmescoursenamphi.Maiscertainssemblentnepasconnaître le respect.Eneffet,pasplus tardqu’hier, jesuis tombésurunpetitmalinquivoulaitfaireriresonauditoire,ensemoquantd’unefautequej’avaisfaiteautableau.Jel’auraisétranglédemespropres mains, ce petit con. J’aurais même fait mieux : après l’avoir ligoté, je l’aurais forcé à meregarderluigraveraucouteaulafautemoquéesurtoutlecorps,luiapprenantdecettefaçonlesbonnesmanières.Ilréfléchiraitsûrementàdeuxfoisavantdeperturbermoncoursànouveau.

Avant Déborah, je n’aurais jamais eu ces sombres pensées... Si seulement elle n’avait pas autantressembléàmonhorriblemère…maisgrâceàelle–etmalgréelle–jesuisparvenuàmelibérerdesonemprise.

Jemesouvienscommesic’étaithierd’unépisodeparticulièrementtraumatisant,lejouroùj’aibrisésaconfiance...

Jedevaisavoirdouzeansàl’époque.J’étaisenpériodede«purge»:unedespratiquesétrangesdemamèrequiconsistaitànerienmedonneràmangeretànemefaireboirequedel’eaupourpurifiermoncorps de la saleté environnante.Cela pouvait durer jusqu’à quatre jours, tout dépendait demondegréd’obéissance.Mamèrem’avait expliqué que plus je réitérerais l’expérience,meilleur je deviendrai...«Pascommetonpère»,répétait-ellesouvent.

Elleprenaitunmalinplaisiràtestermarésistance,enmemettantsouslesyeuxdedélicieuxgâteaux.Ce jour-là, elle avait préparé mes préférés : des cookies, épais, moelleux, parsemés de pépites dechocolatnoiretblanc,etlesavaitdisposéenévidence,dansunplataumilieudelatabledelacuisine.

Unefoisqu’elleavaiteuledostourné,j’avaisgrimpésurunedeschaisespourm’enemparerd’un,lefourrant immédiatement dansma bouche. Il n’avait pas fallu plus de troisminutes pour quemamères’aperçoivedelasupercherie.Aprèsm’avoirfaituneleçonsurlerespect,ellem’avaittoutsimplementbrisé deux doigts etm’avait ordonné de souffrir en silence sous peine de faire demême avec l’autremain...Ladouleurvivequej’airessentie,àlalimitedel’évanouissement,continuedemehanterencoreaujourd’hui.Elleavaitobtenulerésultatqu’ellevoulait:jen’aiplusjamaisvolédemavie.

Sacruautéétaitaussiverbale.Ellenecessaitdemerépéterquej’étaisuneerreurdelanature,unpoidspourelle.

Çane lui est arrivé qu’une seule fois d’être câline et aimante.Un soir, j’avais discrètementmis un

médicamentdanssabouteilled’alcool.Elledéliraittotalementaveclemélange.Aprèsm’avoircouvertdebaisers,elleavaitvoulumonteràl’étagepoursereposer.Netenantplussouslepoidsdesesgrossesjambes, elle était tombée dans les escaliers et m’avait fichu la paix pendant des semaines : plus desévices,plusdecoupsdebâton.J’avaiscomprispendantcettepériodecequesignifiaitlemot«liberté».

Jenesaisparquelmiracle,j’airéussiàpassermondoctorat,etlesmotsquemedisaitmamèreontfiniparneplusavoirautantdepouvoirsurmoi.

Ilesttempsd’agir:jeregardemamontre,lecompteàreboursestlancé,jedoisprofiterduchangementdegardiendenuit.Personnenes’apercevradesonabsenceavantlafinduweek-end,cequimelaisseralargementletempsdel’emmenerdanslamaison.

J’entredanslehall,ilestdésert.

C’estparfait.

Lesnéonsfonctionnentmal,s’allumantets’éteignantalternativement.

DevantlaportedeSuzan,j’inspireetfrappedeuxcoups,j’entendslebruitd’unechaisequigrincesurlesol.

Àmoipourtoujours…

Je bouillonne de l’intérieur, je suis à deux doigts d’atteindre le point culminant, le volcan entre enéruption.

-BonsoirMonsieurPatterson,quefaites-vousici ?s’étonne-t-elle.

Pourquoiparaît-ellesurprisedemevoir ?Elleveutsansdoutejoueràlapetiteétudianteprude…Coquine,j’adorejouer...

– J’ai croisé ta camaradede chambre,Stacey, dehors, ellem’a dit que tu t’étais privée de sortie àcausedemondevoir !Elleainsistépourquejepassetevoiretquejetefassechangerd’avis.

–C’estgentilàvous.MaisStaceyexagère,jen’yseraispasalléedetoutefaçon...Jesuisgênéequevousvoussoyezdéplacéjustepourmoi.J’allaisfaireunepause,jepeuxvousoffrirunthépourmefairepardonner ?mepropose-t-elleenlaissantlaporteouverte.

–Volontiers,accepté-jepoliment.

Aprèsavoirfermélaportederrièremoi,j’enprofitepourlaverrouiller.Elleseretourne,perturbéeparmongeste.

–Quefaites-vous ?medemande-t-elle,sursesgardes.

–IlfauttoujoursêtreprudenteSuzan,lesétudiantsenétatd’ébriéténesontpasraressurlecampusetcertainsn’ontpasdelimitesousl’empiredel’alcool !

Elleseraviseetmesourit.

–Oui,vousavezraison !

Jeprofitequ’ellemetourneledospoursortirdemapochelemouchoirimbibédefentanyl.Jepréfèrel’endormirpourluifairelasurprisedeladestination.Ellesecrispeaucontactdemoncorpscontresondos.Toutenluimettantlemouchoirsurlenezpourqu’elleinhalerapidementleproduit,jeluisusurreàl’oreille:

–J’aitellementattenducemoment,situsavaisSuzan,tonodeurm’ahanté...Jevaisenfinpouvoirtegoûter.

Elle tente désespérément dem’échapper,maisma force dépasse de loin la sienne et rapidement leproduitfaitsoneffet.Jesenssoncorpsdevenirpluslourddansmesbras.Jelaretienspourqu’ellenetombepas,etl’embrassantsurlefront,jeluisouffle:

–Sidouce…etmienne...

Chapitre15-Bradley

Jesuisréveilléparl’éclatdespremiersrayonsdesoleiltraversantlesrideaux.Abbygaëldorttoujourspaisiblementdansmesbras.Jeculpabilisededevoirlaréveiller,maiscomptetenuduprogrammequejeluiaiprévu,ilesttempspournousd’émerger.

Aprèsavoirdégustéunbonpetitdéjeuneretnousêtrepréparés,nousvoilàinstallésàl’arrièredelalimousine.Ilestdéjàonzeheures.

J’aioptépourunjeanetunpololéger,bleuciel.Abbygaëlestàcroqueravecsapetitejupenoire,au-dessusdugenou,quirendsanscontestehommageàsonadorablepetitcul !Elleporteunechemisevertémeraudetransparentesurundébardeurblancbordédedentelle.

J’aitellementenvied’elle,là,toutdesuite,danscettevoiture...

Contrairementaux femmesque je fréquentehabituellement, ellen’apasmonopolisé la salledebainpendant des heures pour semaquiller. Comme quoi, ce n’est pas le temps passé devant lemiroir quicompte,maislesavoir-faireavanttout !Enunmot,elleesttoutsimplementrayonnante.

Plus on approche du lieu du rendez-vous, plus ses yeuxpétillent.La voiture nous arrête en face deCentralPark.

Abbygaëlmelanceunregardinterrogateur:

–Jecrainsdenepasêtreentenuepourfaireunjogging...

–Net’inquiètepas,j’aiuneautreidéeentête.

Je la conduis,maindans lamain, endirectiondu lac. Jemedirigevers lepetit cabanonenbois etréserveunebarquepourlesdeuxheuressuivantes.JefaissigneàAbbydevenirmerejoindre.

–PrêtepourunebalademademoiselleClare ?Sivousvoulezbienmesuivre...

–Avecgrandplaisir,merépond-elleenattrapantlamainquejeluitends.

Jememetsauxcommandesetnousvoilàpartisàladécouvertedulac.Ledécorestsomptueux,maislefaitdel’admirerencompagnied’Abbygaëlapporteunevaleursupplémentaire.

Entouré de gratte-ciel tous plus imposants les uns que les autres, le contraste avec la verdure est

saisissant.C’estunevéritableboufféed’oxygène. JecomprendsàprésentpourquoionappelleCentralParkle«poumondeNewYork».Ici,onnedistinguepluslesbruitsdesmoteurs,nimêmelescrisdesouvriers et des passants dans les rues. Uniquement le chant des oiseaux. Ce décor est unparadoxegrandeurnatureetilyadescentainesderecoinsàexplorer.

Surlarive,jeluimontredudoigtunmagnifiquecygneprenantunbain-de-soleil.Sesyeuxs’illuminent,ellesembleêtrecommemoisouslecharmedecelieuenchanteur.

Apercevant lepetitcoin isoléoù jesouhaitaisque l’onfasseescale, jechangeradicalementdecap.D’unsimpleregard,ellecomprendquejesuisentraindeprépareruncoup.

– Bradley O’Connell, n’y pense même pas ! Si quelqu’un nous surprend en pleins ébats hors dessentiersbattus,noussommesbonspouravoirdegros,grosennuis !

–Fais-moiconfiance,jesaisexactementcequejefais.

Jemelèveetenjambeleterre-pleinavantdel’aideràmerejoindre.Surlaberge,unetableestdresséeavecdeuxcouvertsetunserveurnousattend.

– Bonjourmonsieur O’Connell.Madame, je vous prie de bien vouloir vous installer. Puis-je vousproposerunverredevin ?

Abbygaël me dévisage, abasourdie... Au vu de son expression, je suis certain d’avoir marqué despoints !

–AlorsAbbygaël,duvin ?

Ellesemetàrire,puismerépond:

–Tuessurprenant...

–C’estaussiunequalitéchezmoi.

–Toujoursaussisûrdetoiàcequejevois…,ajoute-t-elleavecunclind’œil.Commentt’yes-tupris ?

–Sijetedévoilemessecrets,çarisquedeperdreunpeudesoncharme,tunecroispas ?

Jesavouresonregardadmiratif...

–Jeteremerciesincèrementpourtout.Labalade,etmaintenantça....

Notrerepassedérouleàmerveille,nousdégustonsdesplatssucculents,Abbygaëlrépèteàplusieursreprisesqu’ellen’ajamaisrienmangéd’aussibon.

Nous terminons avecun café gourmand composéd’une tarte au citronmeringuée, d’unemousse auxtroischocolatsetd’unepannacottaauxfruitsrouges.

–Puis-jesavoirquelleestlasuiteduprogramme ?

–Onrentreàl’hôteletjetefaisl’amoursurlesoldusalon…

Jedisçasanssourciller,etjevoisunelueurd’excitationapparaîtrebrièvementdanslesyeuxd’Abby.

–Pourquoilesoldusalon ?

–Carjenepensepasêtrecapabled’attendred’arriveràlachambre !

Ellerougittoutensetriturantlesdoigts.Çanedurequequelquessecondes,avantqu’ellenereprenneunecontenance.Elleprofitealorsdel’absenceduserveurpourseleverdesachaiseetvenirs’asseoiràcalifourchonsurmesgenoux,nonsansavoirlégèrementrelevésajupeavant.Lachaleurquedégagesoncorpsestpalpable.Jemerendsalorscomptequ’elleneportepasdeculotte...

–J’aibienpeurquenousn’ayonsmêmepasletempsd’arriveràl’hôtel...

Ellemedonneunbaiserdesplustorridesetsefrotteéhontémentcontremonentrejambe.

Ohmondieu...Jemesensvraimentàl’étroitdansmonjean...

–Situn’arrêtespastoutdesuite,jet’allongesurcettetableetjetebaisesauvagement.

–Essaieunpeupourvoir...melance-t-elleavecunsouriremalicieux.

J’adorelesdéfis...

Jedonnecongéauserveurpourquenouspuissionsassouvirnotredésirmutuel.Jefaiscomplètementabstractiondumondequinousentoure.Àcetinstant,plusrienn’existeautourdenous,justeelleetmoi.L’airsecharged’électricité.Sauvagement, j’attrapeAbbygaël,déboutonned’ungestevifmonpantalonpourdégagermonsexeenérection.Jecroisquejen’aijamaisenfiléunpréservatifaussirapidement.Jesoulèveunpeuplussajupe,etsansluilaisserletempsderéfléchir,jel’attireversmoietlapénètresansménagement... Ellemord sa lèvre pour ne pas crier de plaisir. Je luimordille le cou puis le lobe del’oreille.J’exploreavidementavecmalanguesabouchedélicate.Toutenmemouvantenelle,jetitillesonclitorisavecmondoigt.Jepincel’undesesseins,ellegémitdeplaisirdansmabouche.

–OuvrelaboucheAbbygaël...

Jemeredressepouryinsérermondoigt,celui-làmêmeaveclequeljeviensdelacaresser.Abbygaëllesuce,selaissanttotalementsubmergerparlessensations.

Jesuisaucombledel’extase,siprochedel’orgasme.Elledoitlesentir,carelleromptnotrelien,pourm’empêcherdejouirtoutdesuiteetfaireainsidurerleplaisir.

Elle s’installe sur mes genoux et plonge son regard dans le mien. Sans me lâcher des yeux, ellecommence à lentement caressermon sexe.Ce contact visuel neme procure que plus de plaisir.À cestade,cen’estplusmoiquidominelapartie.Qu’est-cequej’aimequandellefaittombersesbarrièresetsechangeenfemmedirective!

Jedécidetoutefoisdereprendreledessus,auborddel’explosion.Jemeredressesurlachaisepourlapénétrerprofondément.Sesmusclessecontractentàmonpassage.Dansunrythmelent,jelaguideversle

plaisir.Elleonduleseshanchessurmonsexe,passesesmainssousmonpoloetvientgriffermondos.Incapabledemaîtrisermapulsionpluslongtemps,jelapilonneavecforce.Ellerenversealorssatêteenarrière,toutencambrantledos.

–PutainAbbygaël,tuessi...chaude.

J’aienviequecemomentdureinfiniment...

–OhBradley...

–Jouispourmoi !Maintenant !

Son orgasme cataclysmique la terrasse... m’emportant avec. Je me répands en elle… Elle laisseretombersatêtesurmonépauleensoupirantdeplaisir.

–Commenttesens-tu ?

–Vidée !admet-elledansunsourire.

Je la regarde etme rends compte que plus nous passons de temps ensemble, plus je découvre unefemmeépoustouflante.Noussommesinterrompusparlasonneriedesontéléphone.

–C’estSimon,mechuchote-t-elle.

Elle se lève. Je profite qu’elle est en communication pour me rhabiller. Je l’entends dire qu’elleaccepteavecgrandplaisir,puiselleraccrocheaveclesourire.

–Jesuisinvitéeàl’anniversairedetonamisamedienhuit !m’annonce-t-ellejoyeusement.

–Ahoui,àcepropos,j’aiquelquechoseàteremettre.

Jecherchedansmapocheetluitendslecartond’invitationqueSimonm’aconfiéplustôt.

Jeregardemamontreetluiproposederetourneràl’hôtelpournouschanger.

–As-tuunetenuedecocktailcheztoi ?

–Oui,j’enaiplein,maisjenesuispascontrelefaitdefaireunpeudeshopping,tupourraism’aideràenchoisiruneàtongoût ?Siçanet’ennuiepasbiensûr ?

–Es-tuaussirapidepourchoisirunerobequepourtepréparer ?

–Ohqueoui,enfin...saufsipourchaqueessai,tutesteslarésistancedelafermetureéclair...

Saréponsealedondemefairesourire.

Côteàcôtesurlabanquetteencuirdelavoiture,j’enroulemonbrasautourd’Abbygaël,quiseblottittoutcontremoi.Jesensalorsmontéléphonevibrerdansmapoche,annonçantl’arrivéed’unmessage.

«SalutBrady,jerentredemainmatin.

Peux-tuvenirmechercheràl’aéroport ?

J’aitrèsenviedeterevoir !

J’aitellementdechosesàteraconter...(Entreautresmarupture...)

Tum’asmanqué…

Bises.

Serena»

Abbygaëlsefigeetremetinstinctivementdeladistanceentrenous.

–Jesuisdésolée...Jenevoulaispas...enfin...êtreindiscrète...

–Net’excusepas,cen’estrien.

Jedoisfaireensortedelarassurer,mêmesijesuismoi-mêmeébranléparlanouvelle.

–Tun’asaucunsouciàtefaireconcernantSerena,c’estdupassé !

Jemerapproched’elle,détestantl’idéequ’elles’éloignedemoidecettefaçon.Lerestedutrajetsepassedansunsilencedeplomb...

Jen’arrivepasàcalmermonrythmecardiaque.J’avaistellementespéréàl’époquequeSerenarompeavecceconnarddeCharles...

Commepromis,Abbygaëltrouverapidementunemagnifiquetenuepourcesoir.J’aihâted’yêtre.JeneparvienscependantpasàfaireabstractionduSMSdeSerena.Jemasquemonembarras,maisjesais,aufond,qu’Abbyressentmontrouble...

Chapitre16-Abbygaël

–TupeuxouvrirlesyeuxAbbygaël,noussommesarrivés !

Jem’exécutesur-le-champetresteébahieendécouvrantl’endroitoùnoussommes.OnpeutdirequeBradleyestunmaîtredansl’artdefairedessurprisesétonnantes.Sijem’attendaisàça !MevoilàdevantleMetropolitanOpéra !Pourunepremière,c’estunesacréepremière !

–Jenesaispassituasdéjàeul’occasiondevenirici?

Jesecouelatêteensignedenégation.

–C’estWallaceK.Harrison,ungrandarchitecte,quiaconçucemonument,m’informe-t-ilendésignantd’ungestelafaçadeetsescinqarches.Ilm’abeaucoupinspirédurantmesannéesdefac.

J’essaiedenepastropmontrermonexcitation.Leconnaissant,ilvaencoresevantertoutelasoirée,sinon...

Pourtant,j’enaileslarmesauxyeux.Aucunhommenem’avaittémoignéautantd’affection.Cequ’ilvagagneraveccesstratagèmes,c’estdemerendrecomplètementaccro…Ilfautqu’ilarrêtedemettretoutenœuvrepourmeconquérir.

Maislevoilàquienchaîne:

–Abbygaël,j’aimeraisquetuportesceci.

Ilsortdesapocheunécrinbleuturquoiseavecunrubanblanc.

Tiffany’s&Co…Jen’encroispasmesyeux…

Jeleregarde,émerveillée.Ilouvrelaboîtesuruncollier,le«TiffanyInfinity»etjesuissaisieparl’éclatdesdiamants.

–Bradley,tun’auraispasdû...Jenepeuxpasaccepter.

–Tun’aspasledroitderefuser.Tournetoi.

Sontonrésolunelaissepasdeplaceaurefus.

Jelelaissefaireettouchedélicatementlebijouquipendmaintenantàmoncou.

–MerciBradley…

–C’estunplaisir,jetetrouveresplendissante.

–Merci...Jesuispersuadéequec’estunmotquetudoissouventemployer,non ?letaquiné-je.

–C’estvrai,maislàcen’estpastoutàfaitpareil…

–Ahouietpourquoi ?

–Parcequejenel’aijamaisautantpenséqu’àcetinstant.

Savoixrauquenemelaisseaucundoutesursesintentions.Jemehissesurlapointedespiedspourl’embrasser fougueusement. Ilmet fin à notre baiser en prenantma tête entre sesmains et plonge sonregarddanslemien.

–JevousmetsengardeAbbygaëlClare,sivousrefaitesça,j’appellemonchauffeuretonrentretoutdesuite,chuchote-t-ilavecunsourireencoin.

Sonregardperçantmedonnedesfrissonsquimetraversenttoutlecorps…

Ilmeprendlamain.

–Suis-moi.

Nousmontonslesmarchesdel’opéramaindanslamain,telunvraicoupledestars,etpénétronsdansl’immensehalld’entrée.Bradleyjoueleguideetcommencelavisite.

–LesdeuxmagnifiquesfresquesquisontlàontétépeintesparMarcChagall.L’opéraestgigantesque,ilpeutaccueillirjusqu’àquatremillespectateurs,sursestroisniveaux.J’aihâtequetuvoieslesdoruresduproscenium !Etlerideau,leplusgranddumonde !

Brads’enflamme.Heureusementquej’aiquelquesconnaissancesdecemilieu,sinonilm’auraitperduauproscenium !

–C’estvraimentunepassion,outuasluunarticlepourl’occasion ?lecharrié-je,

Ilmeprenddanssesbrasetmedéclarejoyeusement:

–Jenemelasseraijamaisdetarépartie.Pourtoninformation,j’adoremedocumentersurlesgrandesœuvres de mes ancêtres, c’est une source d’inspiration précieuse. Même si je dois avouer qu’enl’occurrence,jemesuisdocumentépourt’impressionner,cequial’airdefonctionner...

–Paslemoinsdumonde,luidis-jeenriant.

–J’auraisaumoinsessayé !Entoutcas,pourmapart,jesuisébloui…Cettetenuetevaàravir...

–Bradley,protesté-je.Arrêteavectescompliments,çamemetdanstousmesétats…etcen’estnilelieunilemoment !

Jemehissesurlapointedespiedsetajoutediscrètementdanssonoreille:

–Parcontre,toutàl’heure,dansnotrechambre...Fais-moipenseràteremerciergénéreusement…

Devantsonairbéat,jeluifaisunclind’œiletl’entraîneàl’intérieurdel’Opéra.

Nousvoilàinstalléssurlepremierbalcon,quinousoffreunevueimprenablesurlascène.Lasalleestmajestueuse.Jesuissubjuguéeparcedécorvertigineux.

Je reste sans voix face au spectacle qui se déroule sous mes yeux. Dès les premières notes, lacantatricecharmetoutsonpublicgrâceauxseulesvertusdesonchant.

Pendant toute la représentation, je me sens hors du temps, tellement les prestations qui nous sontoffertessontempliesdedouceuretdesubtilité.

J’enoubliepresqueleSMSaperçuplustôtsurletéléphonedeBradley...

Celui-cinelâchepasmamainpendant les troisheuresquedurel’opéra,et,à lafindudernieracte,quintessence du spectacle, je sens qu’il la presse plus fort. Nous sommes visiblement tous deuxsubmergésparl’émotion.

Le rideau tombe et les lumières se rallument. Je sens son regard scruter mon visage, guettant maréaction.Jeluifacilitelatâcheenluioffrantmonplusbeausourire,accompagnéd’unbaisertimidesurseslèvres.

–Merci,c’étaitmerveilleux !J’aimaisdéjàbeaucoupl’opéra,jesuisdorénavantunegrandefan !

–Jesuiscontentqueçat’aitplu !

Ilal’airvraimentsincère,etpresquesoulagédemevoiraussienthousiasmée.C’enesttouchant,ilsesoucieréellementdemessentiments...

–Suis-moi,ilestgrandtempspournousd’allermanger.

–Oùcomptes-tum’emmener ?

–JeconnaisunrestaurantsympaavecvuesurlepontdeBrooklyn.

–Génial !m’exclamé-je.

Qualifierl’endroitoùnoussommesde«sympa»estpresqueunmanquederespectpourlelieu.Nousdînonsdansl’undesrestaurantslespluscotésdelaville.LavueévoquéeparBradestépoustouflante.

Jessym’enavaitdéjàparléàplusieursreprises,ilparaîtqu’ilyadesmoisd’attentes.

PaspourBradley,semble-t-il...

–Commentas-turéussiàdégoteruneplaceici ?

–J’aiunamicuistotquim’endevaitune,m’explique-t-ild’unairénigmatique.

Jeluilanceunregardinterrogateur.

–Unesalehistoiredetromperiequiauraitpufinirtrèsmal…

–Vousêtesdoncquittesmaintenant...

–Oui,et jesuis ravidepouvoirpartagercemomentavec toi ! Jenesuispas revenu icidepuisdesannées.

–Àcausedecettehistoire ?

–Non,j’avaiscoutumededînericiavecmonpère,c’étaitsonrestaurantpréféré.

Ilentrouvreenfinuneportesursonpassé,jedécidedem’yengouffrer.

–Parle-moidelui.

–Queveux-tusavoiraujuste ?

–Lesrapportsquetuavaisaveclui,parexemple ?

– Il représentait tout pour moi, c’est lui qui m’a transmis cette passion pour l’architecture. Nouspartionssouventensembleleweek-endauxquatrecoinsdupaysvoirdesexpositions,visiterdesmusées.L’hiver,dansnotreanciennemaison,nousaimionsnousinstallerdanslabibliothèqueaucoindufeu.Ilseplaisaitàm’apprendrelesdifférentsmatériauxqu’onpouvaittrouverdansunédifice.C’étaitquelqu’unde trèspédagogue.Toutescesheurespasséesà l’écouterontété trèsbénéfiquespourmon travail. J’aisuivilestracesdemonpère,etvoilàoùj’ensuisaujourd’hui.

JesuiscaptivéeparlerécitdeBrad,jepourraisl’écouterdesheuresparlerdesonpassé.C’estunetoutenouvellefacettedeluiquejedécouvrepetitàpetit.

–EttoiAbbygaël,parle-moiunpeudetesparents...

–MamèreestconseillèredansunebanqueduMinnesotaetmonpère travailledansunecompagnied’assurances. Je suis fille unique, ils ont toujours fait passermavie avant la leur. Je voulais faire del’équitation ?Le lendemain, ilsavaientdéjà réservéuneplacepour lecourssuivant. Jemeprenaisdepassion pour le piano ? Dans la foulée, un prof particulier débarquait à lamaison. J’ai beaucoup dechancedelesavoir…

–J’espèrelesrencontrerunjour...

–BradleyO’Connell,quevenez-vousdedire ?

–Ehbienoui, jesuiscurieuxdeconnaîtretesparents !Maisjevoudraissurtoutlesféliciterd’avoirunefilleaussi«succulente».

Jeparsd’unrirefranc,luijetantparlamêmeoccasionmaservietteàlafigure.

Discrètementbiensûr,noussommesdansunrestauranthuppé,unpeudetenuetoutdemême !

–C’estunespécialitécheztoiderapportertouslessujetsausexe.

–Pourêtrehonnête,jeprendsunmalinplaisiràtetaquiner,j’aimeleregardquetumelancesdanscesmoments-là.

Jerougis...etluilanceunedecesœilladesqu’ilaffectionneparticulièrement.

–Situcontinuesàmeregarderdecettefaçon,j’appelleletaxipourqu’ilnousramènesur-le-champ !

–Etnousneprofiterionsmêmepasdurepas ?Auriez-vousperdulatête,MonsieurO’Connell ?

Nousdégustonsunsucculenthomardsaucecorailsubliméparlafinessed’unbonchardonnay,unpurdéliceenbouche.Arrivésaudessert,nousn’avonsdéjàplusfaim.Leserveurnoustendlacarte.

–Rienpourmoi,décliné-je.

– Fais-moi confiance Abby, tu ne le regretteras pas. Ce sera une tarte maison, s’il vousplaît,commande-t-iltoutenrendantlacarte.

–Jenesuispassûredepouvoirencore…

–Aieconfiance,tunepeuxdécemmentpassortirdecerestaurantsansavoirgoûtéà«Laspécialité».

Cinqminutes plus tard, je suis directement conduite au paradis grâce à l’explosion de saveurs queproduit leur tarte aux trois chocolats. Jene regrettepasd’avoir écoutéBrad.Finalement son côté têtun’estpeut-êtrepasqu’undéfaut !

Surlecheminduretour,jemeperdsdansmespensées.Notreweek-endaétéuneréussitesurtoutelaligne.J’aiétédesurpriseensurprise,ilamislabarrehaute !Jemeplaisàcroirequ’ilneferaitpastousceseffortss’iln’étaitpasuntantsoitpeuattiréparmoi.Aujourd’hui,ilm’aprouvéqu’iltenaitàmoietquejepouvaisluifaireconfiance…aupointd’avoirenviedepartagermonplussombresecretaveclui.

Jenesouhaitepasluicachermonpassépluslongtemps.Iladéjàassistéàl’undemescauchemarsetnes’estpasenfuipourautant,bienaucontraire.Entempsnormal, jen’aimepasressassercetépisode,maisavecBradley,c’estdifférent.Jenemel’expliquepas.Jen’aipasenviedemedirequ’avecluic’estéphémère. Je désire y croire et ce que je crois, là, tout de suite, c’est que je suis en train de tomberamoureuse.Jemanquedem’étoufferfaceàcetteconstatation.

–Tuvasbien ?

–Ouioui…ÉcouteBradley,jecroisqu’ilesttempspourmoidetedonnerdesexplications…

Aprèsunbrefsilence,jeprendsunegrandeinspirationetdébutemonrécit:

–Ilyapresquedeuxans,j’aiétéenlevéeetséquestréeparunhomme.

À ces mots, je sens Bradley se contracter à côté de moi. Je lui jette un regard, sa mâchoire estcomplètementcrispée.Malgrécela,ilplongesonregarddanslemienpourm’encourageràpoursuivre.

–J’étaisterrorisée,jepensaisqu’ilallaitmedécouperenmorceaux.Maisiln’ajamaisfaitpreuvedeviolenceavecmoi,aucontraire,ilmechérissait...

–Est-cequ’ilaessayéd’abuserdetoi ?

Ilvibredecolère,jeluicaresseledosdelamainpourtenterdel’apaiser.

–Non, il nem’a pas touchée. Enfin, pas comme tu l’entends. La nuit tombée, il venaitme border,caressait mes cheveux, et me disait « tu peux dormir paisiblement mon ange »... Tous les soirs. Endéfinitive,etc’estbizarreàdire,ils’estplutôtmontrédoux...

Jesenssoncorpssedétendrelégèrement.

–Lamarquequej’aivuevientdelui ?

–Oui.

–Maisjecroyaisqu’iln’avaitpasétéviolentavectoi !Pourquoit’a-t-ilmutiléedelasorte ?

Ilcaressemablessuredesonpouceàtraversmaveste.Unfrissonmeparcourtledos.

–Jecherchaisdésespérémentàm’évader.Puis,unsoir,l’opportunités’estprésentée.Audîner,jemesuis emparée d’un couteau. Nous nous sommes battus et il m’a blessée, par inadvertance. Il s’estempresséd’allerchercherdequoimesoigner.J’aiprofitéqu’ilaitledostournépourlefrapperavecunecasserole.Jel’ailaisséinconscientetj’aiprislafuite.Malgréladouleuretlesangquicoulaitàflots,j’ai traversé la forêtetparchance, j’ai finipararriversurune route. Jesuis tombéesuruncoupledepersonnesâgées.Ilsm’onttoutdesuiteconduiteàl’hôpitalleplusproche.

Plusj’avancedansmonrécit,plusleslarmesmemontentauxyeux.

–Lapolicearetrouvétonagresseur ?

–Non,aprèsdesmoisderecherchesetfautedepreuves,ilsontclassél’affaire.

Magorgeestmaintenantcomplètementnouée.Malgrétout,lapeuresttoujoursbienprésente.

Je devine la colère sur le visage deBrad. Si ses yeux pouvaient tuer, je suis sûre qu’à cet instantprécis,monagresseurneseraitplusdecemonde.

–Abbygaël,jenesaispasquoitedire…C’esthorrible.

Ilmeprenddanssesbrasetmeserrefort.Cetexcèsdedouceurmerendtoutechose.

–Jeteremercie.Jen’envisageaismêmepasdepouvoirressentirànouveaucessentimentsdebonheuretdebien-être.

Lefaitdemereplongerdanscessouvenirsmefaitperdremesmots.Jen’arrivepasàexprimerlequartdecequej’éprouve.

–Tusais,jenet’aipasracontétoutçapourquetuaiespitiédemoi.Cettehistoireaassezgâchémonexistence.J’enaiperduceluiquejecroyaisêtrel’hommedemavie.

JeluiraconteMatthew,etsonretourprochain,sanstoutefoisrentrerdanslesdétails,carjevoisàsesmâchoiresserréesetàsesyeuxsombresqu’ilest foude jalousie. Je luisuis reconnaissantedenepasm’enfairepartàcemoment-là.Jemesensdéjàsuffisammentmalàl’évocationdemonpassé.

–Jesuisloinderessentirdelapitié,bienaucontraire...Jesuisadmiratifducourageetdusangfroiddonttuasfaitpreuve.Etjesuisfurieuxdesavoirquecethommecourttoujourslesruesetqu’ilt’afaitdumal.J’ensuismalade.

–C’estdupassémaintenant.

Enmeregardantdroitdanslesyeux,ilajoute:

–JenelaisseraipersonnetefairedumalAbbygaël,plusjamais.

C’estsurcetonrésoluquenousclôturonslesujet.

–Abby ?

–Oui,Bradley ?

–Mercidem’avoirfaitconfiance.

–Tusaiscedontj’aienviemaintenant ?

–Jet’écoute...

–Detoi…

–Jeneteleferaipasrépéterdeuxfois !

Jem’installealorssurluiàcalifourchonet,aprèsavoirprissoinderemonterlavitrenousséparantduchauffeur,dansunedanselente,guidéeuniquementparnotrepassiondévorante,nousfaisonsl’amour.

Chapitre17-Abbygaël

Deretourchezmoi,avantdecommencermasemaineaurestaurant, jesuisplus fatiguéeque jamais,maisc’estdelatrèsbonnefatigue.Leweek-endaétéfabuleux.J’aidécouvertunBradleycharmant.Ilatout fait pour que jeme sente à l’aise. La balade en barque, l’opéra puis ce restaurant... C’était toutsimplementmagique.

Onapartagédesmomentsdecomplicité,jemesuisouverteàluiàbiendeségards,ilaétéréceptifetamêmefiniparmeparlerdesonpère.J’aiencorebeaucoupdechosesàdécouvrirsurlui,maismalgréça,j’ail’impressiondeleconnaîtredepuistoujours.Pendanttoutleweek-end,jemesuissentilafemmelapluscombléedeNewYork.Jesuisàpeuprèscertainedenejamaisavoirétéaussiheureusedepuismonagression.

Jepassemamainsurmoncoueneffleurantlebijouqu’ilm’aoffert.

Brad ne cesse de m’étonner, il est plein de ressources. Inutile de me voiler la face, je suis tropimpliquéesentimentalementparlant.Jemesurprendsàespérerque,toutcommemoi,ilsouhaitequenotrerelationprenneunetournureplus...sérieuse...

Malheureusement, il a fallu qu’un élément vienne perturber cemoment : le retour de l’ex-femme...Bradleyabeauessayerdemerassurersurcette relationpassée, jen’arrivepasàm’enleverde la têtequ’ellerevientetqu’enplus,elleestànouveaucélibataire.

Aprèstout,c’estquandmêmelaseulefemmedontilsoittombéamoureux.

J’aibeauvouloirmepréserver,jen’aipasréussiàmettredeladistanceaveclui.Cen’estpasfautedel’avoirrepoussé,maiscommedesaimants,nousfinissonsparêtreattirésl’unversl’autre.

Jeprendslecartond’invitationqueBradleym’aremisconcernantlasoiréed’anniversairedeSimon.JesuiscertainequeSerenaferapartiedesinvités,vuleurpassécommun.Nousallonsdoncêtreamenéesànous rencontrer. Je l’imaginedéjà... un corps à faire fondreunbloc entier deglace, une classe à laMarilynMonroe,appréciéedetoutlegratinmondain,uneplacetoutefaiteausommet...

J’aime à penser qu’elle sera une véritable garce, qui à la première occasion me piétinera, ce quipousserapeutêtreBradleyàmeprotégerdesesgriffesetserendrecomptequ’iltientàmoi...maiselle

peuttoutaussibienêtreunesuperbefemme,chaleureuseetagréable.

Quelles sont ses intentions vis-à-vis de Bradley ? Veut-elle le reconquérir ? N’en attend-elle qu’unsoutienamical ?Moncerveauestsoustension...

En regardantmamontre, jem’aperçois que l’heure tourne et que je vais finir par être en retard auboulot.Jecherchedansmondressingdequoim’habilleretfilemedoucher,mêmesijegarderaisbiensurmoiladélicieuseodeurquienvahitmesnarines:chaqueparcelledemoncorpsestimprégnéedel’after-shavedeBradley.Celasuffitàmerameneràcematin:sefaireréveillerparunhommequivouscouvrede baisers et vous fait l’amour tendrement aux prémices des rayons du soleil... c’est tout simplementmerveilleux.Iln’apasarrêtédemedirequ’ilmetrouvaitbelleauréveil.Ilavaguementfaitallusionaufait deprendre sa journéepourmedonner encoreplusdeplaisir. Je l’en ai péniblementdissuadé, luifaisantremarquerquenousallionsnousrevoircesoirpouruneséancecinéma.

CedoitquandmêmeêtrephysiquementépuisantdevivreavecunhommetelqueBradley,taillécommeunroc,quin’aspirequ’àvousfairel’amouràenperdrehaleineauquotidien !

Lajournéesepasse trèsbien, lerestaurantaffichecomplet.Jen’aipasuneminuteàmoi,cequimepermetdenepenserà riend’autre, commeparexempleaucorpsparfaitdeBrad...ouau faitque j’aioubliémonportableàlamaison.

J’aicependantremarquéquelesgensautourdemoi,quecesoitmescollèguesoucertainsclients,meregardaientd’unefaçonétrangeaujourd’hui.

Jedoisêtreparano...

Enrentrantaprèsleservice,jeconsultemesmessages.J’aicinqappelsmanquésdeBradley...CINQ !!!J’ajouteharceleurdanslacolonnedesdéfauts...

J’aiaussiunappeldemamèreettroisSMS.LepremierestdeJulia:

«Salutmachérie,devinequidébarquemercredi ?!

Réserve-moitasoiréeavecJessy

Bisous.

P.-S.J’espèrequetoncanapéesttoujoursdisponible !

PPS:Petitecachottière,quandcomptais-tumedirequetusortaisavecunecélébrité ?»

Maisdequoiparle-t-elle ?J’ouvrelaphotoaccompagnantsonmessageetmoncœurfaitunbonddansmapoitrine:mevoilàenpremièrepaged’unmagazine,désignéecommelanouvelleconquêtedeBrad !

J’entombedesnues…

«Julia,

Çacraint…

C’estdanslesjournaux.Etsijamais…»

RéponseimmédiatedeJulia:

«Quelleestlaprobabilitéquetonagresseuraitlucetorchon ?

Essaiedenepaspaniquer,jesuislàsituasbesoindemoi.

Bisous.»

Lepuzzleseremetenplacedansmatête…Jecomprendsmieuxl’attitudeétrangedesgensautravail,puistouscesappelsmanquéssurmontéléphone…

Cequejevoulaisàtoutprixéviterestentraind’arriver…

LesecondmessageprovientdeBradley.Ildoitsûrementsedemanderpourquoijen’aipasréponduàsesappels...

«Abbygaëlmabelle,

Pourquoitunedécrochespas ?

TuasluleJetMag ?

Réponds-moivite,jesuisinquiet…»

Jeluienvoieuneréponserapide:

«Désoléej’avaisoubliémontéléphoneàlamaison

Onvientdem’envoyerlacouverturedeceP***demagazine…

J’aipeurdesconséquences...»

Bip:

«Jesuisenréunionlà,jenepeuxpast’appeler…

Net’inquiètepas,j’airégléleproblèmeavecmonavocat.

Iln’yauraplusdefuitesàl’avenir...

Onenparleplustardsituveuxbien ?»

Jeluirépondsimmédiatement:

«Cesoirparexemple !»

Nouveaubip:

«Justement,parrapportàcesoir,jesuisdésolé,maisjevaisdevoirannuler…

Serenaestmalenpointetelleaimeraitquel’onpasselasoiréeensemble…

Tunem’enveuxpas ?»

Jelaisseéchapperunjuron…Toutvadetravers…

Etmesparentsdoiventsefaireunsangd’encre !Cequiestconfirméparlemessagedemamèrequimesomme de la rappeler de toute urgence. J’essaie de me persuader que Julia a raison : quelle est laprobabilitéquemonagresseuraitluJetmag ?

Commesicetteangoissenesuffisaitpas,jesuisaussiperturbéeparl’évocationdeSerena.Iln’aurapasfallulongtempspourquejepasseausecondplan !

Aufinaljemeretrouvesouslesfeuxdesprojecteurspourunerelationvisiblementsansimportanceàsesyeux.Jen’arrivepasàconcevoirqu’ilmefassefauxbondparmessage.

Cegenred’attitudemeprouvebienqu’iln’yariendesérieuxentrenous,contrairementàcequej’aipucroire.Lefaitquejesoispeut-êtreentrainderemettremavieendangeràcausedeluinesemblepasluiavoireffleurél’espritplusdecinqsecondes.

Je préfère de ne pas répondre tout de suite, j’ai besoin d’un peu de temps pour digérer etdécompresser.Masolution:m’allongersurmoncanapéavecunbonpolar.Maisavant,j’envoieunSMSàmamèrepourlarassurer.

Je décide de ne pas prêter attention à mon téléphone qui sonne sans cesse, et de me plongercomplètementdansmonlivre.Trenteminutesplustard,jesursauteenentendanttambourineràmaported’entrée.

–Abbygaël,ouvre-moi,jesaisquetueslà !

Savoixestempreintedecolère.

En ouvrant, je découvre devantmoi unBradley dans un costume aussi noir que le regard qu’ilmelance.Sestraitssontdurs.MonDieuqu’ilestséduisant…Sijen’étaispasautantfurieusecontrelui,jeluiauraissûrementarrachétoussesvêtements…

Maintenantc’estmoilelion...

Cettepenséemefaitriremalgrémoi.

–Tupeuxmedirecequit’amuse ?medemande-t-ilfroidement.

–Jet’arrêtetoutdesuiteBradley,situesvenupourqu’onseprennelatête,jet’inviteàfairedemi-tour.

–Pourquoineréponds-tupasàmesappels ?

Ilpassesamainnerveusementdanssescheveux.

–Jen’étaispasàcôtédemontéléphone,voilàtout !

Bradley,sceptique,s’engouffredansmonsalonsansmeprêterlamoindreattention.

–Jet’enprie,faiscommecheztoi,entre !luilancé-jesuruntonironique.

Ilattrapemontéléphoneetl’agitesousmesyeux:

– Tume prends pour un con ? fulmine-t-il. Vu lamarque qu’a laissée ton adorable petit cul sur lecanapé,j’imaginequ’ilétaitbieninstallé,justeàcôtédutéléphone !

Queltalent,ilarriveàmecomplimentermêmedansunephrasetrufféedereproches !

–SérieusementAbby,qu’est-cequiteprend ?m’assène-t-ild’untondur.Jepeuxsavoiràquoitujoues?

Levoirpestermerendencoreplushaineuse.Faceàsoncomportement,jem’emporteetélèvelavoix.

–Jedoisterappelermonagression ?Tucroisqueçamefaitquoidemevoirenuned’unmagazinesurlequeltoutlemondepeuttomber ?

–Maisjet’aiditquemonavocats’enoccupait…

–C’esttroptard,lemagazineestdéjàsorti,lemalestfait !Autantquej’aillefrapperdirectementàlaportedemonagresseur !Etaccessoirement,toutçapourunmecquipréfèreallerconsolersonexplutôtque de gérer vraiment le problème ! Et « mon avocat s’en occupe », je n’appelle pas ça gérer leproblème !

Ilouvrelabouchepourriposter,maisjesuisloind’avoirfinimonassaut:

–Àmaplace,turéagiraiscomment ?

Il a l’air déstabilisé, je crois qu’il n’avait pas vu les choses sous cet angle et qu’il me pensaitsimplementjalouse…Cequiaupassagemerendfolle:jenesuispasaussisuperficiellequ’illecroit !

–Abby,jesuisvraimentdésolé.Jeteprometsdefaireplusattentionàl’avenir.Detoutefaçon,jenecomptepastequitterd’unesemelle,doncilnepourrarient’arriver.

Bradleymefixeavecintensitéetréduit l’espaceentrenous.Ilpassesondoigtsousmonmenton,meforçantainsiàleregarder.

–Parcontre,jedoist’avouerquecenuageélectriqueautourdenous,alimentéparlacolèreetledésir,

mefaitbander !Et si je tebaisais surcecanapé,pour teprouverquec’estuniquementde toique j’aienvie ?Tueslaseulequicompte...Laseule...

Toutenmepoussantsurlecanapé,ilimmobilisemespoignetsdepartetd’autredemonvisageetmemordlalèvreinférieure.Possédéparsoninstinctanimal,ilmefixed’unregardincendiairequinelaisseaucuneplaceaudoute.

–Tuesàmoi...

Unfrissondeplaisirtraversemacolonnevertébrale.Lagorgesèche,j’arrivecependantàluisouffler:

–Àtoi…

Jesuistellementfaibleàcejeu-là...

Bilan:ilremportelabataille…Aveccetteréconciliation,moncanapéaprisaumoinsdixans !

–JedoisrepartirtravaillerAbby…Tupensestenirlecoupaveccettehistoiredephotos ?

Jeluifaissignequeoui…

–Dis-moiqu’iln’yaplusdedésaccordentrenous,nisurça,nisurSerena.Cesoirelledoitannonceràsesparentsqu’ellearompu.Ilsnesontpascommodesetellepensequemaprésencevaaideràfairepasserlapilule.Ilsmeconnaissentdepuistrèslongtemps....

Mêmesiaufond, jesuisdéçuequ’ilmaintiennesasoiréeavecSerena, jecomprendslasituation.Àcontrecœur,jeluidisqu’iln’aplusàs’enfaire.

–Tuasconfianceenmoi ?s’inquiète-t-ilsincèrement.

–Je…j’aiconfianceentoi,mais…

Ilm’enlaceetmeglissedanslecreuxdel’oreille:

–J’aienviequeçamarche,toietmoi…

Levoilàl’aveuquej’attendais !

Jeme perds dansmes pensées,mettantmon disque cérébral enmode répétition. Je ne pensais pasqu’unesimplephrasepourraitmerendreaussiheureuse…

–Pourmerattraperdecesoir,jet’emmènevendredidansl’undemesendroitsdeprédilection !

–Brad,jenepeuxpas…Matthewrentrevendredi.Jet’enaiparlédimanche,nousavonsprévudenousvoir.

Ilfroncelessourcils,ànouveaucontrarié…

–Jel’avaisoubliécelui-là…Tun’asqu’àannuler !mesuggère-t-iltoutnaturellement.

Ilsemoquedemoi !Nousvoilàrepartis…Nousnousfaisonsface,laguerreestànouveaudéclaréeetniluinimoinesommesprêtsàrendrelesarmes.

–Non,jen’enferairien,c’étaitprévu.

–Tuessérieuselà ?Tunefaispasd’effort !melance-t-ilsurletondureproche.

–Attends,c’estl’hôpitalquisefoutdelacharité !Excuse-moi,maispourautantquejesache,tun’aspaschangétesplanspourcesoir !Jenevoispaspourquoijeseraislaseuleàfairedesefforts !

–Serais-tujalouseAbby ?

Jepiqueunfard.

–Netefaispasd’idée…Maisjeteretournelaquestion !

Cettefoisjenetrouvepasdansmonrépertoirederépliquecinglante…

Dommage !!!

Ilestfurieux…etmoiaussi.

Sansunmot,ilsortdemonappartementetclaquelaporte.

Dois-jecomprendrequenoussommesrevenusaupointdedépart ?

Chapitre18-Bradley

Jesuishorsdemoi.Moiquipensaisquelameilleurefaçonderéglernotreconflitc’étaitlesexe,jemesuistrompé.

Çamerendfoudesavoirqu’ellevarevoirsonex.Jesuisconsuméparunenouvelleémotion.Est-cedelajalousie ?AbsolumentIMPENSABLE !

Mevoilà devenu aussi vulnérable quemonpère. Jem’étais pourtant fait la promesse...Laisser unepersonneêtreaussiprochedesoipeuts’avérerdangereux.

Jesuistellementfuraxquejenecomptepasluidonnerdenouvellesdesitôt.Jedevraispeut-êtremesentircoupablederéagirdelasorte,maiscen’estpaslecas.

Jel’admets,jen’aipaspumerésoudreàdirenonàSerena,maisc’estmonamie !

BonOK,Serenaetmoiavonsétémariés,maisdepuis,elleaCharles...

Ilreviendrad’ailleurscertainementd’icipeuetl’implorerad’enfairedemême...Abbygaëlsefaitdusoucipourrien.C’estvraiquoi,merde !

Quantàmaréactionhier,danslavoiture,elleétait…justifiée,pointfinal.Jelametssurlecomptedel’effetdesurprise.

Puis, cematin à l’aéroport, il n’y a pas eu d’ambiguïté ! À part peut-être quand…Bradley non !Reprends-toi !Mauvaiseinterprétation,voilàtout.

Cesoir,aucoursdudîner,nousauronsl’occasionderattraperle tempsperdu.JeluiparleraidemarelationavecAbbygaël,etce,devantsesparents,commeça,pasd’équivoque.

Unefoisaubureau,jem’arrêtedevantceluideSimon.

Jem’affalesurlachaisefaceàlui.

– J’en connais un qui est au bout du rouleau ! Qu’est-ce qu’il t’arrive ? C’est l’effet « retour deSerena»quitemetdanstoustesétats ?

–Non...Ons’estprislatêteavecAbbygaël.

–Tuluiasfaitquoiencore ?

–MOI ?! Pourquoi est-ce que tu prends directement sa défense ? Comme si j’étais par principe lecoupable !

–Parcequedansquatre-vingt-dixpourcentdescas,c’esttoiquiesàl’originedesconflits...

–Ehbiendétrompe-toi !Serenam’asuppliédel’accompagnervoirsesparents.Elledoitleurannoncerqu’ellea rompuavecCharles.Abbygaëlamalprisque j’annulenotresoiréecinéma.Ona…enfinons’étaitréconciliésdelaplussympathiquedesfaçons,situvoiscequejeveuxdire...

Simonlèvesamainpourmefairecomprendrequej’enaiassezdit,etqu’ilabiensaisiceàquoijefaisaisallusion.

–Jeluiaiensuiteproposédepasserlasoiréedevendrediensemble,maisellearefusé !

–Etçat’amisencolère ?

–Cen’estpassonrefusquim’amisencolère,c’estlaraisondurefus !MADAMEm’aditnon,carsonexdébarqueici.Ilsnesesontpasvusdepuisdeuxans.Çaaétésonunique…Bref,jenefaispaslepoidsfaceàcetype.S’illuiprenaitl’enviedereconquérirAbby,je....

Levantlesyeuxauciel,Simonsembleprendreunmalinplaisiràmevoiraussifaible.

–Décidémentcen’estpasmajournée !Çafaitriretoutlemondedemevoirdanscetétat ?!Ehbienmoipas !

Jemelèved’unbon,prêtàpartir.

–Calme-toi !Etrassieds-toi !Jepenseavoiruneexplicationàtonétat...Ondiraitbienquetuestombéamoureux,monvieux…

–Simon,jesuisbienplacépourlesavoir,tudivaguestotalement...

–Non,maisregarde-toidansuneglace:tuesblanccommeunlinge,onal’impressionqu’uncamiont’aroulédessus.Àsedemandermêmecommenttutiensdebout !Tuesfoudejalousie,parcequetuesamoureux,c’esttout !

–Jenesuispasamoureuxd’Abbygaël,Simon,c’estprématuré.Onseconnaîtàpeine !

Maisjesensbienquemontonn’estabsolumentpasconvaincant...

Je nepeuxm’empêcher de repenser au calvaire qu’elle a vécu, et au fait que son agresseur soit enliberté…Ets’ilvenaità lui refairedumal...J’ensuismaladerienqued’ypenser.Monsangn’irrigueplusl’extrémitédemesdoigtstantmonpoingseserrederage.Commentsefait-ilquecepsychopathesepromènetoujoursdanslanature ?

JetentedereprendrecontenancefaceàSimon.

–J’aijustedumalàpartager,voilàtout !

Dire à haute voix ce que je crois penser tout bas n’est pas envisageable pour le moment. Je doisréfléchiraucalme.

–Si tu ledis...Jenepeuxrienfairedepluspour toisi turefusesd’admettre l’évidence.Mais je teconseilledeluiavouertessentimentsavantqu’unautrenelefasseàtaplace.Matthewparexemple...

C’estplusfortquemoi,jeserrelesdentsàenfairerompremamâchoire.EtsiSimonconnaîtlenomdeMatthew,celasignifiequ’Abbyluienaparlé,doncquec’estquelqu’unquicomptepourelle…cequimerendencoreplusfou !

Simonaraison,jesuisàfleurdepeau...

–Tienstiens,vousvoilàlesgarçons !

SerenafaitirruptiondanslebureaudeSimon…

Elleestjustesublime,vêtued’unejupecrayonnoirtaillehautedanslaquelleestrentréeunechemiseblanche cintrée, que seule sa silhouette gracile peut porter sans risque. Ses cheveux sont tirés en unchignonstrictetelleaoptépourunfardmarronclairpourmettreenavantsesyeuxnoirsenamande.Sestalonsaiguilles,desamarquefavorite,ManoloBlahnik,dontlabridedechevilleestornéedebijoux,luiconfèrentuneallureéléganteetsexy.

Enlavoyant,jesaispourquoijesuisunjourtombéamoureux...Maisdel’eauacoulésouslespontsdepuis.Ons’entendcertesàmerveille,maisjenepourraisplussupportersescrisesdediva.Jecroisqueson physique ne suffirait plus ! Et puis il y a Abby maintenant, je n’ai pas envie de la perdre. Ellem’apportetoutcedontj’aibesoin.

–AlorsBradley,àcequejevoistuestoujoursaussiconvoitéparlesmagazinesàscandales.Tonamiedoitêtrecontente…oupasd’ailleurs !

–Foutez-moilapaixavecça !

JemelèveetsorsdubureaudeSimon,furax.

Matêtevaexploserici,ilmefautducalmeetdelatranquillité.

J’entendsdansmondosSerenademander:

–Maisqu’est-cequ’illuiprend ?

Chapitre19-Abbygaël

Ilfaitnoir,j’aidumalàrespirer…

Quem’arrive-t-il ?

Je crie et personne ne semble m’entendre. Mes cheveux collent à mon visage, j’ai froid. J’ai lepressentimentquemonheureestvenue.

Jevaismourir…Seule,aumilieudenullepart.

Alorsquelatempêtebatsonpleindehors,jediscerneuncrissementdepneus.

L’imagedeBradleymevientàl’esprit…

Est-illàpourmesauver ?Etsicen’étaitpaslui…Etsimonagresseurétaitrevenupourfinirsontravailinachevé...

Jen’arriveplusàréfléchir,lebruitincessantduruissellementdel’eaudanslesgouttièresparasitetousmessens.

Jevisunvéritablecauchemar.

Pourquoisuis-jeici ?Ques’est-ilpassé ?Jevaismourir...

Laportièredelavoitures’ouvre,puissereferme.Lecraquementduboisduperron,souslepoidsdel’inconnuquiserapproche,mepétrifie.Moncœurestauborddel’explosion.

Jevaismourir…

Lapoignéede la porte tourne, puis cette dernière s’ouvre.Une silhouette d’homme sedessinedansl’encadrement.Jeledistingueàpeine.Jeplisselesyeuxdansl’espoirdevoirdequiils’agit,maislemanquedeluminositédanslapiècerendlatâcheardue.

Àprésentilestdevantmoi.Ils’agenouilleetbalaieunemèchedemescheveuxpourlaplacerderrièremonoreille.

Cemasquemeterrifie…C’estencorelui,ilestrevenumechercher...

Jel’implore,entredeuxsanglots,demelaisser.

–Abbygaël,tuesencoreplusbellequedansmessouvenirs…

–Jevousensupplie...

–Tuesàmoietàpersonned’autre…

–Jenevousconnaismêmepas…

Jereçoisunepuissantegifle…

–Jedétestequandtumens !mehurle-t-il.

Latêtemetourne…Jevaism’évanouir,l’oxygènevientàmemanquer,c’estlafin,«MA»fin...

Sacolèreesttangible...Ilsortdesonimperméableuncouteau,ilm’empoigneparlescheveuxetabatsalamesurmonventre.Jesenslesangs’écoulerabondammentdemaplaie.L’intensebrûluremesortdematorpeur...

Dégoulinantedesueur,jemerelèved’unbond.Affolée,jemetsuncertaintempsàréaliseroùjesuisetce qu’il vient de se passer.C’est en jetant un coup d’œil à la photo demes parents, surma table dechevet,quejemerendscomptequejesuischezmoi,àl’abridansmoncocon.LadisputeavecBradm’avidédemonénergie,etjemesuisassoupie.

Lespectredelaterreurplaneau-dessusdematêtecommeuneépéedeDamoclès.

J’aimeraistellementréussiràneplusfairecescauchemars.

Au fond, je saisqu’ils ne s’arrêterontque le jouroùmonagresseur seraderrière lesbarreaux... oumort.

J’éradiquelesvestigesdemonmal-êtreavecunedouchechaudeetdécidedemettreunpeudemusiquepourmedétendreetfairelevide.C’estsurunechansondeMaroon5,«Sugar»,quemonchoixs’arrête.

Aprèsréflexion,jepensequemonaccrochageavecBradleyacontribuéàfaireressurgirviolemmentmesvieuxdémons...

J’espèrequenousallons rapidementpasser à autre chose, j’avaisprévude lui faireune surprise leweek-endprochain.Angela,unecopinequej’aiconnueparlebiaisde«missCocktail»m’aconfirméparmessagequ’ellenousattendaitsamedisoiravecplaisir...

Jedécidedenepasm’apitoyersurmonsortetprendsmontéléphonepourproposeràSimond’allerboireunverre.

Réponseimmédiate:

«Toujourspartant !Tufinisàquelleheure ?

J’aifinimonserviceàquatorzeheurestrente…donctonheureseralamienne:)

Tuasunlieudeprédilection ?»

Bipannonçantunmessage:

«Siçatedit,jeteproposedevenirchezmoi.

Auprogramme:duvinaccompagnédedélicieuxfromagesdeFrance !»

Sapropositionmemetl’eauàlabouche:

«Marchéconclu,envoie-moitonadresse !»

RéponseinstantanéedeSimon:

«Monchauffeurpasserateprendreàdix-neufheurestrente,àcesoir !»

L’appartementdeSimonesttrèsbiensitué,faceàCentralPark.Jerespireungrandcoupetchasseparlamêmeoccasionmesmornespensées—commel’imagedeBradleyetSerena,s’enlaçantaprèsleursretrouvailles...

Je n’ai pas le temps de frapper à la porte que celle-ci s’ouvre sur un Simon souriant, en tenuedécontractée.Jecroisquec’estlapremièrefoisquejelevoissanssoncostumetaillésurmesure.

–Jeviensjustedefinirdetoutpréparer,tutombesàpointnommé !

Noussommesinterrompusparlasonneriedutéléphone…Simonsortsonportabledesapoche:

–Jedoisrépondre,maisjet’enprie,faiscommecheztoi !

Puisilpartendirectiondecequisembleêtresonsalon.

–OuiBrad, qu’est- ce qu’il se passe ? (...)Non je ne peux pas, demande à ton assistante, j’ai uneinvitéecesoir.(...)Ouic’estelle,pourquoi ?

Mevoilàtétanisée...J’aimeraistellementqueBradleydemandeàmeparler,ouqu’ildisesimplementàSimondemepasserlebonjour…

Aprèsquelquesminutes,Simonrevientavecdeuxverres,dontunqu’ilmetend.

–AlorsAbbygaël,quesepasse-t-ilavecBradley ?

–Rien,absolumentrien !

Je tenteunediversion,car jesensquemes larmesn’attendentplusque lesvanness’ouvrentpourse

déverser.

–Ilestsucculentcevin,c’estunquoi ?

–AbbygaëlClare,jenesuispasnédeladernièrepluie !

Il me dévisage avec un air de père surprotecteur qui réprimanderait son enfant de ne pas l’avoirécouté...

C’estplusfortquemoi,jefondsenlarmes…

Simon se précipite àmes côtés pourme prendre dans ses bras. Entre deux sanglots, j’arrive à luiexpliquerqueBradetmoi sommesen froid.Après lui avoir racontémaversiondes faits,mes larmescommencentàsetarir.Simonm’écouteattentivementetfinitpardirecequejesavaisdéjà.

–Je t’avaisprévenuAbbygaël,Bradleyestcommeça…Ilnesaitpas reconnaître lebonheurquandcelui-ci frappe à sa porte. Je reste cependant persuadé que tu n’as pas de souci à te faire concernantSerena.Elleapeut-êtreunesuperbeplastique,maisBradleyatiréuntraitsurelle,ilsonteuleurchance.

–TusaiscommemoiquequandunjolipetitfessierpassedevantlesbeauxyeuxdeBrad,ilatendanceàsauterdessus.

–Ouij’avoue…maisbon,Serenaquandmême,jen’ycroispas…Lefaitqu’ilsesoitmisencolèrequand tu lui as refusé sonvendredi pour revoir ton exprouvebienqu’il tient à toi...D’ailleurs, entrenous,j’auraisaiméêtrelàquandtuleluiasdit,justepourvoirsatête !

Ilsemetàrire,maissereprendvite:

– Pour être tout à fait transparent avec toi, je l’ai vu cet après-midi et il était furieux… C’est lapremière fois que je le vois réagir ainsi à cause d’une femme... C’est certain, tu ne le laisses pasindifférent…Çavas’arranger,j’ensuissûr !Maisassezparlédelui,jeveuxtoutsavoirsurceMatthew !

Nouspassonslerestedelasoiréeàparlerdenosprojetsd’avenir.Jerentrechezmoiauxalentoursdeminuit.Mêmesilasoiréeaétéplusqu’agréable,jen’arrivepasàmesortirBradleydelatête.Ilestdanstoutesmespensées, c’est plus fort quemoi.Son sourire, ses yeux, sonhumour, sa répartie…Toutmemanque…Jeregardeunedernièrefoisl’écrandemonportabledansl’espoird’avoirunmotdelui…

EnmêmetempsAbby,réfléchis,c’estpeuprobableétantdonnéqu’ilestavecSERENA…

Confirmationdouloureusesurl’écrannoirdemontéléphone:aucunmessage,aucunappel…

Jenepeuxplusniermessentiments,jesuistombéeamoureusedeluietjesuisjalousedeSerena...

Etsic’étaitfinipourlui ?S’ilétaitdéjàpasséàautrechose ?

Ets’ilétaitencoreavecSerenamaintenant ?

Je ne peux pas m’en empêcher, je me remets à pleurer… Je m’endors, épuisée par mes violentssanglots…

Lesheuresdumardis’égrènentinexorablement,sansnouvellesdeBrad…

Heureusement,arrivemercredietl’idéequedansquelquesheuresJuliaseralàmeredonneunpeulesourire.Jesaisqu’ellevaêtreautop,commetoujours !Ilfautreconnaîtrequesonséjournepouvaitpasmieuxtomber.

AprèsuneautrelonguejournéedetravailsansnouvelledeBradley,j’empruntelabouchedemétroendirectiondel’appartementdeJessy.C’estavecsavoiturequenousallonschercherJuliaàl’aéroport.

Chapitre20-Julia

Lepilotenous informeque la températureextérieureestde18°C. Jecontemple lecielà travers lehublot.DansleMinnesota,onadmirececielbleuseulementenété.Jenepeuxm’empêcherdesourireàl’idéedepassercesvacancesensoleilléesauprèsdesfilles.Durantladescente,jesuisémerveilléeparlesbuildingstousplusimpressionnantslesunsquelesautres.J’espèrequej’aurailetempsdevisiterunmaximumd’endroitsaucoursdemonséjour.

J’ailesentimentquecettepetitesemainedevacancesvamefaireleplusgrandbien.Quisait,jeferaipeut-êtredebellesrencontres ?

AveclaviededébauchequemèneJess,matrèschèrecousine,jenemefaispasdesoucisurlecôtérencontre.Maintenant,delààdirequ’ellesserontbelles…

Jefrôlaisleburn-outautravailavectoutescesaffairescompliquées…Ilétaitgrandtempspourmoiderelâcherlapression.

Jejetteunœilàmamontre,AbbyetJessdoiventdéjàm’attendre.Jesuisauborddelacrisedenerfstantjesuisexcitéeàl’idéedelesretrouver.

Lorsdemondernierappelpourlaprévenirdemonheured’arrivée,j’aisentidanslavoixd’Abbygaëlquequelquechoseclochait…

Est-cecettehistoiredemagazine ?Ilfautadmettrequec’estcomplètementimprudent!

Cetarticlepourraitlajetertoutdroitdanslagueuleduloup.

Les imagesdecesfemmesdisparuesmereviennentsoudainen tête.Jen’arrêtepasdepenserà leurressemblance avec Abby… J’ai pris la décision de ne pas lui révéler ce que j’ai découvert. Ellecommenceàpeineàreprendrepied.Etpuisjenesuisencorequ’austadedesspéculations...

Oubienc’estcetO’Connellquiluiaretournélecerveau ?

J’imagineaisémentlegenred’énergumènequ’estcethomme...JedoisàtoutprixconvaincreAbbydelelaissertomber,sicen’estpasdéjàfait.Toutcelanemeditrienquivaille.L’autrejour,j’aifaituntour

surinternetetilfautdirequejenesuispasdutoutemballéeparlepersonnage.Ilsembleconnuautantpour ses œuvres que pour ses nombreuses aventures. Sur tous les hommes de Manhattan, il a falluqu’AbbytombesurceDonJuan.

EnplusMattestderetour,etilsétaientfaitsl’unpourl’autre,cesdeux-là.Sic’estunretourdéfinitif,ilspourraientpeut-êtreenvisagerdeseredonnerunechance...

Unefoismesaffairesrécupérées,jemedirigeverslazoned’arrivée.Jelesaperçoisauloin.JessyetAbbytiennentunepancartesurlaquelleonpeutlire:«JuliaDane,quelafêtecommence !»

Jenepeuxm’empêcherderire…Quec’estbondelesrevoir !

Jeparcours lesquelquesmètresquinousséparent, laisse tombermonsacausolet lesenlace.Nouspleuronstouteslestroisàchaudeslarmes.

Çafaisaitsilongtemps…

Jem’écarteunpeuet,entredeuxsanglots,j’arriveàleurglisser:

–Alorslesfilles,jevousaimanqué ?

–Non pas trop, j’ai juste une énorme poussière dans l’œil quime gêne,me répondAbby dans unsourire.

Ellefaitunpasenarrièreetmescrutedelatêteaupied.

–MaistuesmagnifiqueJulia !Tonnouveaulookestàtomber.Cettevestecorailtevaàraviretcettecoupe !!Jen’aiqu’unmotquimevienttoutdesuite,c’est«Canon» !

Ellerécupèremonsacetnousnousdirigeonstouteslestroisversleparking.

Le trajet jusqu’à l’appartement d’Abby se déroule dans un concert de paroles. Je trouve à peine letempsdereprendremarespirationentrechaquephrase.Jesuisassaillieparunemultitudedequestions.

–Commentvatamère ?Tufaistoujoursdubénévolat ?

Jenesaispas tropquoi répondrequandJessymedemandedesnouvellesdemonexpetitami,«ceconnarddeBarry»,commeelleseplaîtàlesurnommer.

Abbygaëlluilanceunregardnoir.Jessyestconnuepournepasyallerparquatrecheminslorsqu’elleaquelquechoseàdire.Jeviensencoreunefoisd’êtretouchéeparsafinesse…

MerciJess !

–Çanefaitquedeuxmoisquel’onestséparés,maisjepensequecettefoisc’estdéfinitif.Detoutefaçon,jesuisplusheureusecommeça.

Jenesuispasconnuepourmestalentsd’actrice,maisjemesuisbeaucoupentraînéesurcesujet.

–Ilétaittempsquetupassesàautrechose !QuelletacheceBarry,toujoursdansl’incapacitétotaledefairelemoindreprojetd’avenir…mêmeauboutd’unanetdemi.

–Ouituasraison,admets-je.Aufonddemoi,jesavaisdepuisledébutquecetterelationétaitvouéeàl’échec,maisj’aieuenvied’ycroire.

Abbygaël,quisuitlaconversationsanspipermot,mesauveinextremisdufluxdequestionsqu’aJessyenstocksurlesujet,enluiindiquantl’itinéraireàsuivrepourarriverplusrapidementàdestination.

Parlemiroirdupare-soleil,ellem’adresseunclind’œilcomplice.Jelaremercied’unsourire.

Aprèsavoirdéposémonsacetm’être refaitunebeauté, jesuisembarquéepar les fillesdansundeleursbarsfavoris,àunpâtédemaisons.

Abbypousselaportedubaretsetourneversmoienmedisant:

–Tuverras,icilescocktailssontsuper !

Elleattrapemonbrasetmeguideàl’intérieur.

–Pasaussibonsquelesmiens,marmonneJessydanssabarbe.

–Bienévidemment !larassuré-je.

Abbyetmoinousinstallonssurl’unedesbanquettestandisqueJessyoptepourlefauteuil.Jemelaissealleràladécouvertedecedécoratypique.Leplafondendamiernoiretblancdonneuneallureclassiqueàlapièce,enharmonieaveclestablesdemêmeteinte.Lesbanquettesrosevifetlesfauteuilsencuirnoirapportentunetouchetrèscoutureetcontemporaine.Pasétonnantqu’Abbyaffectionnecetendroit !Surlemurdufondtrôneunlargebaroùunhommetypépréparelescocktails.Ilestjustemententraind’apporterlanotefinaleàl’und’euxàbasedefraisesfraîchesquimemetl’eauàlabouche.

Je ne prête pas attention à la commande que passe Jess. Ce n’est que lorsque je vois le barmans’approcherdenousavecunebouteilleettroisverresàpiedquejecomprendsquelescocktailsneserontpaspourlapremièretournée...

Après avoir évoquéunmoment lesnouvellesduMinnesota, jedécidequ’il est tempsd’éclaircir lasituationamoureused’Abby.Jeposelaquestionquimebrûleleslèvresdepuismonarrivée.

–AlorsAbby,commentvaceO’Connell ?

Immédiatementuneombredetristesses’installesursonvisage.

Quelconnard !!!Qu’est-cequ’illuiafait ?

–Nemedispasqu’ilt’alaisséetomber ?

–Non.Enfin…c’estcompliqué…

–Explique-nous,persisté-je.

–Ehbienonvadirequesonemploidutempsetlemiensontincompatibles.

Jel’observeetvoisclairdanssonjeu…Ellemement !

–Vousêtesenfroidquoi ?insisté-je.

Elleseplanquederrièresonverre.

–C’estça…Onpeutparlerd’autrechoses’ilteplaît ?m’implore-t-elle.Situn’aspasenviequejefondeenlarmesmaintenant,ilseraitjudicieuxquel’onchangevitedesujet.

–Aucunsecret,tutesouviens ?Oncrèvel’abcèsetons’amuseaprès.

Jesaisquec’estl’hôpitalquisefoutdelacharité…Qu’est-cequejesuisjustemententraindefaire,enneluidisantpasquesonagresseurestprobablementderrièretouteuneséried’enlèvements?

–Tuvois ?

Abbyestencolère.Devantmonairahuri,elleajouteénervée:

–Tumedemandesdetedirelavéritéettuneprendsmêmepasletempsd’écouter !

–Excuse-moiAbbygaël,je…

–Tuessûrequeçava ?m’interrogeJessy.

–Ouioui,trèsbien.Abby,jesuisdésolée…

–Toi,tuascraquésurlesdeuxmecsderrièreAbby !metaquineJessy.

–Non,mêmepas…medéfends-je.

Jessymedonneuncoupdecoude.

–Ouvrelesyeuxmabelle !Ilssontméga«hot» !

Lesdeuxtypesenquestionsedirigentjustementdroitsurnous.

Jessymechuchoteàl’oreille,touteexcitée:

–Onaunticketmapoule.

JepointeundoigtaccusateursurAbbygaëlavantquelesdeuxmecsarriventànotretable.

–Onn’enapasfinitouteslesdeux !

Abbygaëlhochelatête.Jeperçoistrèsnettementsatristesse.

Ladiscussionaveclesdeuxséducteurss’avèrefinalementagréable.Elleaaumoinsleméritedenouschangerlesidées,àAbbyetàmoi.

Nousnenouséternisonstoutefoispasdanslebaretrentronstouteslestrois.Bienentendu,Jessyaprisles numéros de téléphone des deux Casanova et a déjà bloqué une date pour un autre verre en leurcompagnie.

Commentfait-elle ?

EllenousdéposeenbasdechezAbbyetnousfaitpromettredemangerensembletouteslestroisavantlafindemonséjour.

Une fois mes affaires déballées, Abby nous sert un thé et s’installe sur le canapé. Elle sembledécouragéeetnefaitqueregardersontéléphone.

–Tuasdesnouvelles ?

–Nonaucune…finit-elleparlâcher.Jesaiscequetutedis.Qu’iln’estpasunmecpourmoi...Maisavecluijemesensbienetcettesensationesttoutenouvellepourmoi.

–Je…

Ellemecoupeetpoursuit:

– J’ai essayé de le repousser au début,mais il a redoublé d’efforts. Puis il s’estmontré tellementcompréhensif,etdoux,quandj’aifaituncauchemardevantlui…

Jemefigesurplace.

–TurefaisdescauchemarsAbby ?Maisdepuisquand ?Pourquoinem’as-tupasappelée ?

Ellelèvesesyeuxremplisdelarmesversmoi.

–Jen’aiplusenviederetomberdanscettespiraleinfernale.Jemesuisditqu’enfaisantcommes’ilsn’existaientpas,ilss’arrêteraient…

–OhAbby…

Jelaprendsdansmesbraspourlaréconforter.Ellesemetàpleureràchaudeslarmes.Aprèsquelquesminutes,ellesecalmeetmeracontetoutel’histoiredepuisledébut.

–Ons’estdisputéslundisoiretdepuisc’estlenéant.

Elleselève,sonvisageruisselantdelarmes.

–Jecroisquejesuistombéeamoureuse,Julia…

Abbynemelaissepasletempsderéagiretenchaîne.

–Jesais,tuvasmetrouvernaïve:commesiunhommecommeBradleypouvaits’éprendred’unefillebanalecommemoi,alorsqu’iln’aqu’àclaquerdesdoigtspourqu’unehordedemannequinstombeàsespieds !

–Jenesaispasquoitedire.Auvudesévénementsetdetadescriptiondesfaits,jepensequ’iln’estpasinsensibleàtescharmes,mais…

–Jedevraisl’oublier,carilvamefairedumal,achèveAbbyàmaplace.

–Cemecestconnupourêtreuncollectionneurdeconquêtes.Iln’yapasunmagazinequimontrelamêmenanaàsonbras,c’estplutôtclair,non ?

–Tuasraison,admet-elleenreniflant.

–Abbygaël,jesaisquec’estplusfacileàdirequ’àfaire,maisilfautquetul’oublies.Ilneméritepasteslarmes.Etpuistumeconnais,jeledistoujours,rienn’arrivesansrien...Mattestderetourvendredisoir,etmonpetitdoigtmeditqu’ilnevientpaspourrien…

J’arriveàlafairesourire,certesdeuxsecondes,maisc’estdéjàunevictoire.

Chapitre21-Abbygaël

Quatre jours,quatre longues journéessansuncoupdefil, sansunmessage... Ilmemanque... Jesaisbienqu’enlaissanttraînerlasituation,leschosesnevontpasallerens’améliorant,maisjeneparvienspasàmerésigneràfairelepremierpas.

L’imagedeBradleyetSerenavientassombrirencoreplusmonhumeur.

Ets’ilétaitpasséàautrechose ?Sicen’étaitqu’unehistoiredesexe ?

Jemefaisviolencepournepascherchersurlenetdesactualitéssurlui.Julianecessedemerépéterde passer à autre chose et de me dire que compte tenu de son mode de vie, nous ne sommesindéniablementpasfaitspourêtreensemble.Pourelle,l’hommequ’ilmefautarrivetoutdroitd’Afriqueparlevoldecesoir.

Enparlantdeça,ilfautquejemeconcentresurmasoirée.Jepensequ’ilvaaussiêtreagréablementsurprisdevoirJulia.Elleneresteraqueletempsd’unoudeuxverrespuisirarejoindresacousinepourleweek-end.C’estbondel’avoiravecmoi.J’aimeraisvraimentqu’elletrouveunposteici.

Deuxheuresdanslasalledebainetnousvoilàquasimentprêtes.J’aioptépourunecombinaisonentissulégerbleumarineavecuneceinturedelamêmeteintepourmarquermataille.Lecolestmontant,j’ajouteunsautoirquiallongemonbusteetunepairedetalonshautsnoirs.

Noussommesinterrompuesparlasonnettedelaporte.Onéchangeunregardcompliceet,àl’unisson,nousnousexclamonscommedeuxadolescentes:

–Matthew !

Juliasortdelasalledebainensautillantsurunpiedpourterminerd’enfilersadeuxièmechaussure,etvaouvrirlaporte.

–Matt !!Çafaittellementlongtemps !Commentvas-tu ?

–Julia !Çapourunesurprise !

Ill’attrapedanssesbrasetlafaittournoyeravantdem’apercevoiretdesefiger.Lerevoiraprèstoutessesannées...Ils’avanceversmoietm’enlacetendrement.

–Abbygaël...Tum’astellementmanqué...

Lecontactdesapeauetsonparfummusquéauxnotesboiséesmerendenttoutechosependantuncourtinstant.Lessouvenirsrefontaussitôtsurface…

–Levoyages’estbienpassé ?luidemandé-jeenreprenantmesesprits.

–Oui ça va…C’était long,mais jeme suis occupé dans l’avion. Je suis notamment tombé sur unarticlequim’aplutôtsurpris !

Matthewsortdesasacocheunjournal.

–Tufaislaunedesmagazinesmaintenant ?C’estdusérieuxaveccetarchitecte ?

J’essaiedeprendreuntonlégerpourluirépondre.

–Necroispastoutcequiestécritdanscestorchons,c’estbiensouventuntissudemensonges.

–Enfin, d’après ce que je vois, c’est bien toi qui es dans ses bras...Ou alors la ressemblance estfrappante !

–Bonetsionchangeaitdesujet ?Tun’espasvenuicipourquel’onparledemesprobableshistoiresdecœur,si ?

–Çava pour lemoment,mais ne crois pas t’en tirer commeça ! abdique-t-il enme faisant un clind’œil.

Nouspassonstouslestroisunagréablemoment,entoutesimplicité.Nousnousremémoronslepasséetrionsdeboncœurà l’évocationdecertainssouvenirs.Puis l’heurevientpourJuliadeprendrecongé.Unefoiscettedernièrepartie,Matthewmerejointdanslacuisine.

–Jepeuxt’aider ?Commeaubonvieuxtemps...

–Toutestprêt,maistuseraisunamoursitupouvaisouvriruneautrebouteilledevinrouge.

–Aucunproblème !

Alors qu’il saisit le tire-bouchon que je lui tends,Matthew plonge ses yeux dans les miens et medemanded’untongrave:

–Abby,sérieusement,est-cequec’estvraicequeracontelejournal ?

JesuisgênéededevoirànouveauévoquerBradley...

– Oui et non... Enfin non... Il s’est bien passé quelque chose entre Bradley et moi, mais rien deconcluant.Jecroisquejesuisdenouveausurlemarché.

–Abby,vienst’asseoirs’ilteplaît.J’aibesoindeteparlerdequelquechose.

Sontongravenemeditrienquivaille…

–Tuconnaismonaversionpourlesgrandesvilles ?

–Oui,maisjenevoispasoùtuveuxenvenir…

–Mamissionhumanitairem’adonnéàréfléchir.J’aivutellementdechosesatroceslà-bas,çam’afaitprendreconsciencequedanslavie,ilfautsebattrepourlesgensàquil’ontient.Et…jemesuisrenducompte que je tiens énormément à toi… Je suis convaincu que nous avons fait une erreur à l’époque.J’auraisdût’encourageràveniravecmoi,àprendreunnouveaucap,ensemble.Ilestpeut-êtretroptardmaintenant,maisjemedoisd’essayer.LeBellevueHospitalCenterm’afaitunepropositionquejesuisprêtàaccepter.J’aimeraisprofiterdecetteoccasionpourqu’onsedonneunedeuxièmechancetouslesdeux.

Matthewmescruteduregard,commepourliredansmespensées.

Maisjesuistropconfusepourquecelles-cisoientclaires…Sijem’attendaisàça !

–Jenesaispastropquoiterépondre...Jesuiscontentepourtoi,c’estunebelleopportunité…

Ilnemelaissepasletempsdefinir:

–Tun’espasobligéedemedonneruneréponsetoutdesuite,jetedemandejusted’envisagerl’idée...

Matthewm’enlèvealorsmonverredesmainset leposesur la table.Jeneprendsconsciencedecequ’ilm’arrivequ’aumomentoùjevoisses lèvresserapprocherdemoi.Jesuisparcouruedefrissonslorsqu’ellesentrentencontactaveclesmiennes.Ellessontchaudesethumides.Jenelelaissepourtantpasallertrèsloin,soudainfrappéeparl’imagedeBradley.Jelerepoussed’unemainpourstoppersonexcèsd’affection.

–Matthew,s’ilteplaît...Jenepeuxpas...

Noussommesalorsinterrompusparlasonneriedemontéléphone.

Sauvéeparlegong !

–J’enaipourdeuxminutesMatt,jerevienstoutdesuite.

Jemedirigeversmachambre.

–SalutSimon,tuvasbien ?

–Ouiettoi ?Toujoursdisponiblepourmasoiréesamediprochain ?

–Oui,évidemment !D’ailleursenparlantdeça...

Ilmevientuneidée,passûrequ’ellesoitbonne,maisbon...

–Est-cequejepeuxveniravecunami ?

–Unami…homo ?Jeplaisante,biensûrquetupeux !Quiest-ce ?

–Matthew,jet’enaidéjàparlé

–Ahoui,lemédecinsansfrontière…Intéressant...

Je l’entends glousser…Se pourrait-il qu’il soit en compagnie de… ? Si c’est le cas, ça ne va pasarrangernosaffaires...

–Jetelaisse,Simon,àlasemaineprochaine !

Je raccrocheet retournedans le salon.Matthewestdevant la fenêtre, le regardperdudans levide.J’espèrenepasl’avoirfroisséenlerepoussant...

–Çateplairaitdem’accompagneràuneréception ?C’estl’anniversaired’unamisamediprochain.

Maquestionaleméritedeluiredonnerlesourire.

–Avecplaisir,merépond-ilavecentrain.

Finalement,aprèslemalaisedudébut,jetrouvequecettesoiréeétaitplutôtréussie.Jedoisl’avouer,c’étaitrafraîchissantdel’avoirici.

Une foisdansmon lit, je repense àBradley.Sesbras, son corps, sabouche sensuellememanquentterriblement.Oùest-il ?Quefait-ilencemoment ?Est-ilavecelle ?

Jeprendsmontéléphoneetcomposesonnuméro...Jeraccrocheimmédiatement.Troptard,lapremièresonnerieadéjàretenti...

Qu’est-cequejeviensdefaire ?

Lavibrationdemontéléphonemefaitsursauter.

Merdec’estlui...

–Abbygaël,tuasessayédemejoindre ?

–Euh…oui...

Trèsmaligne,Abby !Bravo !

–Jesuiscontentdet’entendre...Pourêtrehonnêteavectoi,j’allaistecontacter.J’aipassél’unedespiressoiréesdemavie.Tesavoiravectonexpetitamimerendmalade,Abbygaël...

Ilaunedrôledevoix,ondiraitqu’ilabu...

–J’aiessayédem’éloigner...maistumemanques…

L’entendremedirecesmotsmesoulage,lepoidsquioppressaitmapoitrinedepuisquelquesjourssedissipedoucement.

–Pourquoinem’as-tupasappeléplustôt ?

–J’aiétécon...

–Oui,tupeuxledire,leprovoqué-je.Onvadevoirtravaillernotrecommunication...

Jecroisl’entendresourire.

–Jemedisaisexactementlamêmechose…J’aienviedetevoir,maintenant.

–JenepensepasquecesoitunebonneidéeBrad…Jesuisfatiguée…

–Jesuispersuadéquetefairel’amourseraincontestablementlameilleureidéequej’auraieuedepuisledébutdelasemaine.Allez,netefaispasprier.J’aienviedetefairejouir.

–Necommencepas…

–Jevais t’initier à une expérience spirituelle authentique, à traversunpetit jeu.Si je gagne, tumelaissesterejoindre…

–Etenquoiconsistecepetitjeuaujuste ?

–Lepremierquiatteintl’orgasmeaperdu.

Jem’attendaisàtoutsaufàça…SacréBrad !Lesexeestsameilleurearmedanslesbatailles…Maisjerelèveledéfi.Ondiraquec’estmonlotdeconsolation: j’aibienméritéçaaprèsuneinterminablesemaineprivéedesexe,non ?LafautedeBradley,ilm’arendueaccro !

–Jepréfèreteprévenirquetuvasperdre,moncher !!!

–Nesoispas si sûrede toi…Jeveuxque tu retires tesvêtements,mais surtout, toutdoucement, tapetiteculotte.

–Sijetedisaisquejenet’aipasattendupourmemettrenuedansmonlit ?J’aimel’effetdelasoiesurmapeau...

–Jevoisquetuasdesressources…Ilsembleraitqueje joueavecuneexperte…Lechallengen’enseraqueplusexcitant.

Ilpoursuit:

–Jeveuxque tufermes lesyeuxetque tum’imaginesà tescôtés…Sensmesmainssur tesseins,àl’endroitoùtapeauestlaplusdouce.Jedéposedesbaiserssurtestétonspuisjelesmordille…Tugémistanttuaimesça...

–J’inclinelatêtepourtelaisserm’embrasserlecouetcambremondospouraccentuerlapressiondetabouchesurmestétons.Bradley...c’esttellementbon…j’aienviedetesentirenmoi.

Ilrâleàl’autreboutdufil,jesuissanscontestedouéeàcepetitjeu.

–Jesuistoutdur…Etjesuisprêtàparierquetuesdéjàtoutemouillée…Avecmonpouce,jevienscaressertonclitoris.Jedessinedesmouvementscirculaires...

–C’estunsuppliceBrad…

–J’introduisunpremierdoigtdélicatement,puisunsecond…Tuaimesça,pasvrai ?Tulessensentoi ?

–Oui…

Enmêmetempsqu’ilparle,j’exécutetouslesgestesqu’ilditfaire,maisjerêvequecesoitluiquimetouche.Moncorpsestàprésentunvéritablebrasier:àlamoindreétincelle,jeprendsfeu.

–J’aimemedirequec’estmoiquit’infligecedélicieuxsupplice.Tesavoirsiincandescentemefaitbander.Àprésent,jevaisteprendreenlevrette…

Réceptive à toutes les sensations quimemitraillent, jeme sens totalement vulnérable…Comme sij’étaissurlepontd’unbateau,directionl’infini.L’orgasmeestàportéedemain…Jechavire,perdslenord, la tempête fait rage. Je lutte pour ne pas perdre aussi l’équilibre.Mais le vent est violent et leremousdesvagueségalement.Lorsquel’uned’ellesvientpercuterviolemmentlacoquedubateau,jesuisprojetéepar-dessusbord.Emportéepar lecourant, jeplongela tête lapremièredans lesabysses…Jesuisalorsconsuméeparunpuissantorgasme...

Auloin, ilmesembledistinguer lavoixdeBradley.Meforçantàremonterà lasurface, j’ouvre lesyeux.Latempêtequim’aterrassées’estdissipée,mevoilàsurlaterreferme.

Jel’entendsglousser.Forceestdeconstaterqu’ilagagnéhautlamain.

Jelesoupçonnedenepasenêtreàsonpremierappelcoquin.

–FierdevousMonsieurO’Connell ?

– Oui et non... C’était à la fois délicieux et terriblement frustrant... Ne bouge pas d’un poil, je terejoins...

Àsonarrivée,j’ailedroitàun«bisrepetita»,encoreplusappréciableenvrai.

Aprèsl’amour,certainsallumentunecigarette ;nous,nousdécidonsdeprendreunthé,malgrél’heuretardive.Neparvenantplusàmecontenir,jedécidedecreverl’abcèsunefoispourtoutes:

–C’étaitbienaufait,lundisoir ?

Jelesenssecrisperfaceàmaquestion...

–Oui,merépond-illaconiquement.

S’ilpensepouvoirs’ensortircommeça...

–TusaispourquoiSerenaarompu?

–Oui,Charlesl’atrompée,merépond-ildebutenblanc.

Ladistancequ’ilessaiedemettredanssesréponsesnemetrompepas,elle.

–Qu’est-cequetumecachesBrad ?

Jecommencesérieusementàpaniquer,jem’attendsaupire...

Est-cequ’ilsontcouchéensemble ?

C’estimpossible,ilneseraitpasvenumevoirmaintenantet...

–ÉcouteAbbygaël,jevaisêtrefrancavectoi.Serenan’étaitpasaumeilleurdesaformeaprèsavoirannoncéàsesparentsquesonhistoireavecCharlesétaitterminée.Ducoup,elleestmontées’isolerdanssonanciennechambre.Jesuisallélavoirpouressayerdelaréconforteret...

–Et ?demandé-je avec insistance,prête à lui jetermon thébrûlant auvisage s’ilm’annonçaitqu’ilavaitcouchéavec.

– Elle m’a embrassé, dans un moment de faiblesse, mais je l’ai tout de suite repoussée. Je lui aigentiment expliqué que je voyais quelqu’un et que ce n’était pas correct vis-à-vis de toi. Elle étaitsurprise,ellen’estpashabituéeàcequejeluidisenon.Jecroismêmequeçan’étaitjamaisarrivéavantcesoir-là.Fauteavouéeàmoitiépardonnée ?Monsangbatàtoutrompredansmestempes.JesuisencolèrequeSerenaaittentéetréussiàl’embrasser,mêmesiçan’aduréquedeuxsecondes.MaisBradsemblevraimentnavré...Ilprendmesmainsdanslessiennesetajoute:

–Nem’enveuxpass’il teplaît, jenepensaispasqueçaallaitsepasserainsi.Ellenecomptepluspourmoi, crois-moi surparole. Je saisquema réputationde coureurmedessert en cet instantprécis,maisjetejurequec’estbeletbienfinientrenous.Jenesouhaitequ’unechose,continueràapprécierlesmomentspassésavectoi.

Jesensdanssonregardtellementdesincérité.Onm’atoujoursditdenepasposerdequestionquandonneveutpasconnaîtrelaréponse,cequejedécided’appliquer.Nousfinissonsparallernouscoucheretjem’endorsdanssesbras,laissantderrièremoil’ombredeSerena.

Chapitre22-Patrick

C’est en bavardant avec un de mes collègues dans la salle des professeurs que je suis tombé surl’article.Onpourraitcroirequedesprofesseursd’universitééméritesnelisentpascegenredetorchon,etpourtant...

Monsangn’afaitqu’untourlorsquej’aidécouvertlaphotod’Abbygaël,àlasortied’unrestaurantàMANHATTAN,aubrasd’unhomme !

Maisquefait-ellelà-bas ?

D’aprèsl’article,l’hommesurlaphotoestunarchitectedunomd’O’Connell.Enlégende,onpeutlirequ’Abbygaëlseraitsanouvelleconquête.

Jemedemandeoùelleabienpudénicherceconnard !

Jetentedésespérémentdecalmermaprofondecolère…tâches’avérantdifficilecomptetenudel’étatauquelj’airéduitlemagazine.Jesuissisecouéquejen’arrivepasàmeconcentrersurmondevoir.Sijem’étaisattenduàça !

Jenedevaismêmepasparticiperàcettecollectedefonds…LeprofesseurGrantafortementinsisté.D’aprèsluilaprésencedudoyenestindispensable...

Jedoisrestersurmesgardes,Grantsecomporteétrangementdepuis ladisparitiondeSuzan…Jeletrouveunpeutropcurieux.

Ilfautquejetrouveunmoyendepartird’ici.J’étouffe !

Ilfautquej’agisse,etvite.Jen’envisagepasuneseulesecondedelaperdreunenouvellefois.

Jeprendscependantmonmalenpatiencepour finircettecollecte,mais jedéguerpissansdemandermonrestedèsqueledernierdonateurpasselaporte.

Jem’installeauvolantdemonAudietfaisrugirlemoteur.Directionlavieillefermedemaman.

AudébutdelacaptivitédeSuzan,j’aitentédeluiexpliquerpourquoijel’avaischoisie.Ellen’avaitpasl’airoffusquéeaupremierabord,puisjel’airapidementtrouvéeréticenteàtouteformedetendresse.Lorsqu’elle sera plus docile, je pourrai lui retirer le ruban adhésif qu’elle a sur la bouche et nouséchangeronsdevraisbaisers.

Pourmadéfense,c’estentièrementsafautesij’aidûlabâillonner !Elleaessayédememordreunefois !

MeMORDRE,moi,quiprendstantsoind’elle !!!

Jenel’aipaspunietoutdesuite.Jememetsàsaplace,c’est toutnouveaupourelle, il fautqu’elles’acclimateàsanouvellevieavecmoi.Ellevadevenirdeplusenplusobéissante.Laseulechosequejelui demande, c’est d’accepter d’être à moi. Je lui laisse le temps de s’habituer à mon mode defonctionnement.

Chapitre23-Bradley

La première chose que je vois en me réveillant, c’est une Abbygaël endormie, lovée contre monépaule.Jepourraispasserdesheuresàlaregarderdormirdanscetteposition,lachaleurdesapeaumeréchauffant tout entier. Je suis irrésistiblement attiré par son corps et ses courbes parfaites. Ellecommenceàremuer,ouvresesyeuxembuéspuismesouritetm’embrassetendrement.

–Bonjourtoi,biendormi ?

Savoixestencoretoutensommeillée.

Jeladévoreduregardetresserremonétreinte.

–Trèsbienettoi ?

Elles’étirecommeunchataprèsunebonnesieste.

–Merveilleusementbien,merci.Rassure-moi,tun’asriendeprévupouraujourd’hui ?

–Jecomptaispassermajournéeavectoi,pourrattrapernotresemaine...

–Parfait !Jenousaijustementorganiséunepetitejournéespéciale.

–Tuesdéfinitivementépatante...Jecroisquec’estlapremièrefoisquejen’aipasàmechargerduprogrammeavecunefemme,etjedoisdirequec’estplutôtappréciable.

Biensûr,jenecomptepasladernièreendate,quin’apastrouvémieuxquedemetraînerfairedushoppingdanssonmagasindeprédilection:Chanel...Bienentendu,c’estmoiquiaipayél’addition !

–Raconte-moi,quenousas-tuprévu ?

–C’estunesurprise.

Jedoisparaîtrevraimentétonné,carellemesouffle,leregardpleindemalice:

–Ehoui,monsieurO’Connell,chacunsontour !

–OK,tulajouesmystérieuse,çameplaîtbien !Ondémarreparunebonnedouchebienchaudeavantdelancerleshostilités ?

–Non,pourcommencer,joggingsurBryantPark,monsieur.Onverraquidenousdeuxdominel’autre,metaquine-t-elle.

Jerejettelacouette,révélantainsisonadorablefessier,auquelj’infligeunepetitetapeetdéclare:

–Allons-y !Parcontre,cen’estpassanscontrepartie !

–Cequisignifie ?m’interroge-t-elleduregard.

–Sijetebats,tumedevrasunefaveur...

Jeluitendsmamainetelletapededans.

–Paritenu !Tuvassouffrir,O’Connell !

–C’estcequenousallonsvoir,Clare !

Aprèsunebonneheuredelutteacharnéeetdelitresd’eauévacués,niellenimoin’avonsrelâchénosefforts.Nousfranchissonslaligned’arrivéeenmêmetemps.Jesuisépaté,sijem’attendaisàça…

Elles’effondresurlapelouseetmelanceunregardamusé.

–Exaequo !!!

Jelarejoinsetm’écroulesurelle.

Jelamangerais,sijepouvais…

–Bravomademoiselle...Voicimarécompense !Jel’embrasselangoureusement.

Reprenantsonsouffle,ellemerépond:

–Nemeditespasquevousaviezdesdoutessurmescapacités,monsieurO’Connell ?

–Pourêtrefrancavectoi,jepensaisgagnerhautlamainetavoir,parconséquent,ledroitdetedonnerungage...

–Jetelaisseraigagnerlaprochainefois,jenevoudraispasfroissertonegosurdimensionné !

Maisc’estqu’ellesemoquedemoicettecoquine !Ellevamelepayer !

D’unemain,jeluiimmobiliselesdeuxbrasau-dessusdelatêteetluifaisdeschatouillesdel’autre.Abbygaël rit à gorge déployée...C’est tellement bon de se laisser aller…Enfin une femme qui ne seprendpas la têtepoursonbrushingousonmaquillagequiacoulé.Endéfinitive, il fautcroireque lesingrédientsquimemanquaientdansunerelationétaientlasimplicitéetlacomplicité.

–Stop,stop !J’abandonne,tuasgagné !crie-t-elleentredeuxéclatsderire.

–Ahah,tuvois !C’estquil’hommeici ?lataquiné-jeenbombantletorse.

–Allez,aide-moiàmerelever !melance-t-elleenmedonnantunpetitcoupdanslescôtes.

Deretourchezelle,nouspassonsl’heuresuivantedanssasalledebain,àfairel’amourencore,encoreet encore. Je me nourris de ses cris de plaisir, du frottement de sa peau contre la mienne et de sesspasmesde jouissance. Jeneme lassepasde cesmomentsoù je la laisse toutepantelante, les lèvresgonflées, les jouesroses, lescheveuxébouriffés,signesqui témoignentà laperfectiondel’ampleurdenosébatstorrides.

Après avoir ingurgité un copieux brunch, composé d’œufs au plat, de bacon, pancakes et café noir,Abbygaëlme faitappelermonchauffeur.Elle reste toujourssecrètequantànotredestination.Une foisdanslavoiture,elledélieenfinsalangue.

–Bon,jedoist’avouerquelaprochaineétapeestintéressée.

Jepriepourqu’ellenemedemandepasdefairedushopping...Ceseraitunepetitedéception…

–Jenesaispassi tuasvu,mais ilmanqueunélément importantdansmonsalon :une tablebasse.J’aimeraisentrouverunevintageetj’aientendudirequ’àWilliamsburg,ilyavaitunegrandebrocante.

Ellesembletoutexcitéeetarrivemêmeàmecommuniquersonenthousiasme.

–Tuessûredelatrouveràcetendroit ?

–Jenesaispastrop.Maisjeteprometsdenepasêtrelongue !

–Celanemedérangepasdutout,çafaitunbailquejen’aipasmislespiedsdansunebrocante !Ilfutuntempsoùj’adoraisyalleravecmonpère.C’étaitungrandcollectionneurd’objetsd’époque.Ilétaitcapabledes’extasierdesheuresdevantuneanciennehorlogeouunevieillepancarte,augranddamdemamère.

–Pourtouttedire,c’étaitcheznousaussiunrituel,avecmesparents.Qu’ilventeouqu’ilneige,nousnemanquionsjamaisuneoccasiondechiner,surtoutquandils’agissaitd’ajouterunvieuxmeubleàleurgrandecollection.

Nouspassons lesdeuxheuressuivantesàflânerentre lesallées.Aprèsavoirfait le tourdepresquetouslesbrocanteurs,noustrouvonsenfinlaperlerare:Abbygaëltombeexactementsurlemodèlequ’ellem’avaitdécrit.Devantmesyeuxsedéroulealorsunspectaclehilarant:àl’annonceduprix,ellepassed’abordpar toutes lescouleursde l’arc-en-ciel,puisse lancesur lechemindesnégociations.D’aprèsmoi,ellealoupésavocation !Aprèsunquartd’heuredemarchandage,elleparvientàluifairebaisserleprixdemoitié.

Voilàunequalitédontjeferaisbiendememéfier,sinonelleobtiendrasansmaltoutcequ’elleveutdemoi…Quoique,passûrquecelamedérangerait !

Ondiraitunepetitefilleàquil’onvientd’offrirlejouetdesesrêves.

Jesuisémerveilléparcettefemme,parsoncourage,saforceetsaténacité.Toutuntasd’adjectifsmevientàl’espritpourladécrire...SiSimonmevoyaitdanscetétatd’admiration,ilnemanqueraitpasdemecharrier,j’enmetsmamainàcouper.

Nousrepassonschezellepourdéposersatable.Ellemedonnelesindicationsafindel’installeràunendroit trèsprécis,commes’ilyavaitunecroixblanche tracéeausol.Aprèsplusieursmanipulations,elleregardelatable,sesmainsjointessouslementon,etesquisseunsouriresatisfait.

–Tuasfaim ?medemande-t-elle.

–Nonçava,pourquoi ?

–Parcequej’aiprévuuneactivitéquivanousfairesauterlacase«goûter»,etquenousn’allonspasdînertoutdesuite.

– Aucun problème. Tu veux que jem’occupe de réserver une table quelque part pour ce soir ? Jeconnaisuneadressesymp...

–Encoreuneadresseoùtuasemmenéuneancienneconquête ?Nonmerci,çaira !

–C’estunreproche ?

–Pasdutout !Detoutemanière,j’aidéjàuneidéeentête…

Je nem’attendais pas du tout à ce qu’Abbym’emmène auNewYorkAquarium. Je n’ai jamais eul’occasiondelevisiter…Enfranchissantlesportes,monregardestattiréparleshorairesd’ouverture:l’aquariumnevapastarderàfermer,cequinenouslaisserapasbeaucoupdetempspourenprofiter.

–Abby,tuasvul’heure,onvadevoirsepresser !

–Net’inquiètepas,j’aitoutprévu.

Ellemecachequelquechose…

–J’espèrejustequetunevaspasdécamperquandtuverrascequec’est.

–Tantquetunemejettespasdanslagueuled’unrequin,iln’yapasderaison.

–Enparlantdeça…

Noussommesinterrompusparunefemmeroussedetaillemoyenne.

–SalutAbby !Vousavezpuvenir,c’estgénial !

–Bradley,jeteprésenteAngela.

–Enchanté.

–Toutleplaisirestpourmoi,répond-elleenrougissant,cequifaitressortirsestachesderousseur.

–Maintenantquelesprésentationssontfaites,c’esttoujoursOKpourtoiAngela ?

–Oui,biensûr !

Jesuistellementcurieuxquejedécidedem’immiscerdansleurconversation.

–Bonpourquoi,aujuste ?lesinterrompé-je.

Abbygaëlseplacederrièremoietmefaitmeretourner.Jemeretrouvealorsnezànezaveclebassindesrequins.Ellesehissesurlapointedespiedsetmechuchotedansl’oreille:

–Nageraveclesrequins,pardi !

–Vousn’êtespassérieuseslesfilles ?!

Auvudeleurexpression,aucundoute,elleslesont.

J’observelesrequinsnager,légèrementangoissé.

–Onpeutfaireçasansressortiravecunejambeenmoins ?

– Ne vous inquiétez pas, me répond Angela, je suis soigneuse et technicienne depuis cinq ansmaintenant,etjepeuxvousaffirmerquejamaisiln’yaeulemoindresouciici.Jeplongetouslesjoursaveceux,ilssonthabituésàl’hommeettrèsbiennourris.Maissivousn’avezpasenviedelefaire,jenevousforceraipas !Avez-vousdéjàplongé ?

–Oui,j’aimonPADIOpenWater.

–Super !

Jenepeuximmanquablementpasmedérober…QuepenseraitAbbygaël ?Ellesemblesienthousiasteàl’idéedevivrecetteexpérienceunique !

– On se donne rendez-vous dans une heure devant le bassin, je vous emmènerai derrière et vousprésenteraiaurestedel’équipedessoigneurs.

–Parfait,merciencorepourtoutAngela !

Abbygaëlestsurexcitée.NousregardonsAngelas’éloigner,puisellesetourneversmoi:

–Alors,surpris,monsieurO’Connell ?

–Agréablementsurpris...Tuasdéjàfaitçaauparavant ?

–Oui,ilyaquelquesmoisavecmonamieJessy.J’aiadoré !Admirerdesrequinsd’aussiprèsétaitvraimentricheenémotions !Net’inquiètepas,Angelaesttrèscompétente,jepourraislasuivrepartoutlesyeuxfermés.L’idéeteplaît,tuessûr ?

–Jenem’attendaispasdutoutàça,maisoui,jesuistoujourspartantpourunenouvelleexpérience.

Nous passons l’heure qui suit à nous balader dans l’aquarium.Plus lemoment de retrouverAngelaapproche,plusjesensmonterenmoil’adrénaline.Unefoisdevantlebassin,j’admirelesrequins-tigresqui font onduler leurs corps immenses sousmes yeux. Jeme rends progressivement compte que dansquelquesminutes,jeseraivéritablementimmergédansleurenvironnement.

Angela nous rejoint à l’heure.Nous la suivons et empruntons un couloir réservé au personnel.Ellenous présente à ses collègues, tous aussi chaleureux les uns que les autres. Elle nous tend deuxcombinaisonsetnousfaitunrapidebriefing.Ellenousdonnelesrèglesàsuivrescrupuleusementet,parprécaution,mêmesinouslesconnaissonsdéjà,ellenousmontrelesdeuxoutroisgestesclésàconnaîtreenplongée.Angelanousexpliqueensuitequ’unautresauveteurresteraensurfacepournoussurveiller,lebutétantdenesurtoutpasgênerledéplacementdessquales.Ellenousmontresurunplanlecheminquenousallonsemprunter.Nousserons,entoutetpourtout,encontactaveceuxdurantprèsdecinqminutes.

Lescinqminuteslespluslonguesdemavie.

Unefoiséquipés,nousnousretrouvonsau-dessusdubassin.Jesuisàlafoissitenduetexcitéquemoncœurbatàtoutrompre.Cependant,j’abordecetteexpériencecommeundéfietjenecomptepasmontrermonangoisseàAbbygaël.

Jesuisunhomme,unvrai,n’est-cepas ?

–Onpeutyaller.Surtout,pasdegestebrusqueettoutirapourlemieux,ilsviennentdemanger.

Unefoisdansl’eau,jesuisenvahipartoutessortesdesensations.C’estincroyablementbeau.Jemesensinfinimentpetitdanscebassinimmenseet,surtout,faceauxrequins:leplusgrosdoitmesureraumoinstroismètresdelong !Destortuesetraiesévoluentavecgrâceentrenousetlespoissons.Jesuissiémerveilléparcespectaclequej’enoublieraispresquedesuivrelesfilles.

Cetteexpéditionest exceptionnelle et inéditepourmoi. Jen’oubliepasque je ledois à cettepetiteblondequinagecommeunpoissondevantmoietseretournefurtivementdetempsàautrepourmefaireunrapideclind’œilouungrandsourire.Chaquefois,jeluifaislesignequetoutestOKpourmoi.Jenemanqueraipasdelaremerciercommeilsedoitcesoir...

Cetteparenthèsehorsducommuntouchebientropviteàmongoûtàsafin.Unefoissortisdubassin,nousnousdébarrassonsdenotreéquipement.

–Alors,çavousaplu ?s’enquiertAngela.

–C’étaitincroyable,commedansmonsouvenir !déclareAbby.

Lesdeuxfillesmeregardent,guettantanxieusementmaréaction.

–C’était phénoménal, surtout quand j’ai vu le requin arriver à proximité, pourme doubler. Je l’ailaissépasser,engrandseigneur.

–Jesuisraviequevousayezaimé.Jedoisvouslaisser,j’airécupérédeuxdentsquejedoisanalyseravantderentrer.AuplaisirAbby,etpeut-êtreàbientôtBradley.

Unefoisàl’intérieurdelalimousine,jenelaissepasletempsàAbbydes’installerquejesautesurseslèvres.

–Ehbien !J’aimel’effetrequinsurtoi...

–Jeneteremercieraijamaisassez,c’étaitmerveilleuxettellementinattendu.

–Contentequeçat’aitplu.

–Toutçam’aouvertl’appétit !J’indiquequelleadresseauchauffeur ?

–Celledechezmoi.

–Tuesfatiguée ?

–Non, pas du tout ! Je pensais commander des plats chezmon traiteur préféré. Tu verras, c’est unvéritabledélice.Lanourritureyesttrèsfine.Enplus,ilestjusteenbasdechezmoi.

–Parfait !Jesuisaffamé...,luidis-je,lavoixchargéedesous-entendus.

–Çatombebien,carj’aidequoitenourrirtoutelanuit.

Aprèsavoirdégusténotrerepas,jedécided’assouvirmonautrefaimetderemercierAbbygaëlcommeilsedoitpourcettemagnifiquejournée.Jel’allongesursatablebasse,luidéboutonnesonjeanetlefaisglissersursesjambes.Jeréservelemêmesortàsapetiteculotteetplongemonvisageentresescuissesdélicieusement menues. Je me délecte de son intimité, explorant chaque partie avec minutie, sesgémissementsm’encourageantàcontinuermadoucetorture.

–Dis-moiquetuaimescequejetefais...

Ellenerépondpastoutdesuite,jemerecule.

–Dis-le-moi,sinonj’arrête...

Elleplongesesmainsdansmescheveux,meforçantàreleverlatête,déglutitetmesouffle:

–J’aime,net’arrêtepas,jet’ensupplie.

J’insèrealorsundoigtdanssonsexe, touten reprenantmesmouvementsde langue.Sonorgasmenetardepasàvenir.

Ellemeguidealorspourm’installersurlatableets’assiedsurmoi,venants’empalersurmonmembreturgescent.Exquise,elleonduleavecaisance.Jelalaissem’imposersonrythme,lentetdoux.J’exploresaboucheavecmalangue,ellegémit,fermesesyeuxetcriemonnomdansunsoupir.

–Bradley,je…

–OhAbbygaël…jouispourmoi.

Qu’allait-ellemedire ?Jelaissedecôtémaquestionpourm’endormirauprèsd’elle.

Chapitre24-Abbygaël

Bradleyetmoiavonslézardétoutelajournéedudimanche.Nerienfairepeuts’avérertrèsplaisant,surtoutensacompagnie !

Lundimatin,Bradleyestpartitôtautravail,alorsquepourmoi,c’estrepos.Finalement,Juliaabienfaitdeprolongersonséjourchezsacousine:j’imaginelatêtequ’elleauraitfaitesielleavaitvuBradleysortirdemachambre…nucommeunver !Elleauraitcertainementfrôlél’arrêtcardiaque.Cetteimageapoureffetdemefairesourire,maismonsourires’estomperapidementenpensantàlasoiréedesamediprochain.J’aisoudainunnœudàl’estomac...

Je suis angoissée à l’idée de rencontrer Serena, Simon m’ayant confirmé sa présence. Faireconnaissanceavecuneex-femme,c’estunesacréeétape,non ?Bradleyabeauessayerdemerassurer,rienn’y fait.Si jamaisellevenaitànepasm’apprécier ? Il se retrouverait sur le frontd’unchampdebataille,carjenerisquepasdebaisseraussivitelesarmes,alorsquenousn’ensommesqu’auxprémicesdenotrerelation.

J’appréhende également la rencontre entreMatthew etBrad, parce que, si au départ je cherchais àprovoquer ce dernier en faisant inviterMatt, aujourd’hui la donne a changé, et c’est bien la dernièrechosequejesouhaite.

Jeprofite demon jourde repospourme lancerdansmonhebdomadaire sortie shopping. Je craquepourunesomptueuserobedecocktailjauned’orquiferaàcoupsûrforteimpression.Puisquepersonnen’estlàpourlefaire,jem’admiretouteseuledanslemiroirdelacabine:ledosnudecetterobedescendsibasquel’onpourraitpresquedevinerlehautdemesfesses.Elleestégalementdécolletéeàl’avant,cequimetgénéreusementmescourbesenvaleur.Unliensatinévientsublimerletout,marquantmataille,ets’achevantencroixdansmondos.Lavendeusen’apuretenirun«oh !»d’émerveillementquandjesuissortiedelacabined’essayage.

Cetterobeestfaitepourmoi !

Il me reste à me procurer un accessoire indispensable pour rendre ma tenue encore plussensationnelle:unepairedebouclesd’oreilles,assortieaucollierqueBradm’aoffertetquiorneramoncou,etletourserajoué.

Demain, en plus de cet achat,mamission après le travail sera de trouver un cadeau original pourSimon.

Enchaîner travail et shopping, dans une même journée, s’avère beaucoup plus épuisant qu’on nepourrait le croire.Mesdeuxmissionsont toutefois été accomplies : je suis l’heureusepropriétaire demagnifiquesbouclespendantesetdedeuxplacespourTheLionKing.J’espèrequec’estmoiqueSimonchoisirapourl’accompagner !

Jesuisbiencontentederetrouvermoncanapémoelleuxaprèstoutecetteactivité.

Mon regard se pose sur ma table basse. Je ferme les yeux un instant pour revivre notre étreintepassionnelle.Quand jepenseque j’étais àdeuxdoigtsde lui avouermes sentiments... J’auraispu toutgâcherendeuxminutes.Qu’est-cequ’ilm’apris ?

Jerouvrelesyeuxetfouilledansmonsacpourregarderànouveaulecartond’invitationdeSimon.Lagrandeclassequand j’ypense, fêter ses trenteansdans la sallede réceptionduMandarinoriental ! Ilrisqued’yavoirpasmaldemonde,j’espèrequecelaserasupportable.

Lerestedelasemaine,nousalternonsentrechezBradetchezmoi.Toutsepasseàmerveille,aucunnuageàl’horizon.

Matthewm’aappeléeenmilieudesemainepourmedirequ’ilavaitacceptéleposte.Jesuiscontentedelesentirépanoui,iln’apasarrêtédemerépéterparmessagequeManhattanétaitfaitepourlui.

Aprèsunrendez-vouschezl’esthéticienneetlecoiffeur,jesuisfinprêtepourlasoirée.Jemetstoutesles chances demon côté pour faire partie des plus jolies convives, surtout lorsqu’il y a une certaineSerenadanslesparages...

Bradleym’aenvoyéunmessagepourmedirequ’ilmeretrouveraitlà-bas,maisSimonainsistépourqu’unevoiturepassemeprendreàl’appartement.

Etmevoilàauxportesdel’hôtel, lecœurpalpitant.J’ajustemonchâleetmelaisseemporterpar lefluxdesconvives,tousplusapprêtéslesunsquelesautres.

Jemesenstoutepetite…

JenetardepasàrepérerSimonparmilafoule.Jemefrayeuncheminjusqu’àlui,attrapantaupassageunecoupedechampagne.

–Abbygaël,tuesrenversante !

–MerciSimon.

–Tuasdelachancequejesoisgay !

Jememetsàrirelorsque,sansmêmemeretourner,jesenslaprésencedeBradleyderrièremoi...

–TuesépoustouflanteAbbygaël,memurmure-t-ilàl’oreille.

Jemeretourneetlèvelatêtepourluifaireface,ilm’embrassesurlefront.

–Tun’espasmalnonplus !

– Je peux affirmer sans l’ombre d’un doute que je suis l’homme le plus chanceux de la soirée,merépond-ilfièrement.

–Jeterappellequejesuisaccompagnéecesoir…

JedécidedetaquinergentimentBrad,maisSimon,lui,semoqueouvertementdelui.

Bradleynouslanceunregardfroid(maispasaussiglacialqueceluiauquelj’aieudroitquandjeluiaiannoncéqueMatthewseraitmoncavalier),maismeproposequandmêmedel’accompagnersurlapistededanse.

Jesaisislamainqu’ilmetendetlelaissemeguider.Nousévoluonssurlerythmedouxd’unemusiqueclassique.Ilmeserretoutcontrelui.Jemesenssibiendanssesbrasquej’enoubliequenousnesommespasseuls.

Bradleyparaîtnerveuxtoutàcoup.

J’ailoupéunépisode ?

–Abbygaël,ilfautquejeteparle.

Meparler ?Maisdequoi ?Etpourquoimaintenant ?PasdepaniqueAbby,pasdepanique…Ohmondieu,jesuistotalementaffolée!

–Jemelance...J’aitoujourspenséquelessentimentsmenaientincontestablementàlaperte,etqu’ilsétaientunsignedefaiblesse, l’exempledemonpèrem’ayantprofondémentmarqué.Ilétaitéperdumentamoureuxdemamère,etcetamourl’aanéanti.J’aiquandmêmebaissémagardeavecSerena,etj’enaibeaucoup souffert. Quand l’opportunité s’est présentée pour elle de partir, j’étais convaincu qu’elleresterait,pournous,quel’onconstruiraitunevieensemble...Maiselleestpartie,réduisantànéantmesprojets d’avenir commun. Avec le temps, je me suis fait une raison, mais, depuis ce jour, je suisimperméableàtoutesformesdesentimentsdansunerelation.Jemesuisfaitunepromesse,dûmenttenuejusqu’àaujourd’hui.Maisvoilà,tuasdébarquédansmavieetjemesensbeaucoupmoinsétanche.

Jedéglutis…Va-t-ilm’annoncerqu’ilarrêtenotrerelationparpeurdesessentiments ?Pasici,pasmaintenant…Jenemesentiraispascapabledetenirdebouts’ilmefaisaitça !

–Tumefaispeur,oùveux-tuenvenir ?

–Laisse-moifinirs’ilteplaît...Onneseconnaîtpasdepuislongtemps,c’estunfait,maiscequel’onvitensemblemesuffitpourêtreheureux.

Ilmelaisseletempsd’assimilersesmotsetreprend:

–Àtraverstesyeux,j’ail’impressiondevoirenmoiunhommemeilleur.

Mesjambessontcommeducoton,jesuisàdeuxdoigtsdem’écrouler.

– J’aimerais vraiment que l’on officialise notre relation, tous les deux. J’aimerais arrêter de fairecoulerdel’encresurmoi,finileplay-boydecesdames,jeneveuxappartenirqu’àuneseulefemme...Toi,AbbygaëlClare...

Piégée par ses yeux incandescents, et complètement prise au dépourvu par cette déclaration, je netrouvepasquoiluirépondre.Bradleysembledéstabilisé.

–Abbygaël ?Tonabsencederéactionestunbonouunmauvaissigne ?

–Jenesaispastropquoidire...

–Serais-tuprêteàenvisagerun«nous»officiel ?

Moncœurloupeaumoinshuitbattements.Sijem’attendaisàcelaenmerendantàcettesoirée !

–OUIBradleyO’Connell,jesuispartantepourun«nous»officiel !

Jemehissesurlapointedespiedsetplaquemeslèvressurlessiennes.Sonvisages’illumine.Alorsqu’ilmeserrefortcontrelui,jesenslerythmeinfernaldesoncœur.

Quelleépreuve !Voilàquelelions’estamourachédelagazelle !

REDESCENDSABBYGAEL,cen’estpascommes’ilavaitditqu’ilt’aimait…

Non,maispourmoi,c’esttoutcomme !

–Cen’estpasfacilepourmoideparlerdecegenredechose,maisavec toi, toutsemblebeaucoupplussimple.

Pourallégerl’atmosphèreaprèscetintermèdesérieux,jeprendslepartidelecharrierunpetitpeu:

–Pas faciledeparlerde«relations», tuveuxdire ?Pourtant tues toujours lepremieràplaisantersur...

– En parlant de cela, j’espère que tu ne comptes pas remettre cette petite robe un jour, car vu leprogrammequejeteprévoisaprèslasoirée…

Aprèsdeuxchansonssansnousdétacherd’uncentimètre,noussommesinterrompuspar...Matthew.

–Puis-je ?

D’abordconfuse,jeluisourisetfaislesprésentations.

Ilss’affrontentduregard...J’ail’impressiond’assisteràuncombatentrel’alphaetl’oméga !

–Tues resplendissantemabelle, laisse-moi t’inviterpour laprochainedanse,commeaubonvieuxtemps.

Leclind’œilqu’ilmefaitn’étaitpas,maisalorspasdutoutnécessaire...

LesmâchoiresdeBradleysecontractent,samainmebroielesdoigts.Jeposemonautremainsursontorsedansl’espoirdelecalmer.

–TunousexcusesBradley ?

Jelesupplieduregardpourqu’ilneperdepassonsang-froid.Maparole,ilestencoreplusjalouxquemoi !Ilaperdusabonnehumeurenl’espaced’uninstant.

Jesuisuneidiote,quelleidéej’aieued’inviterMattici ?

Surlapistededanse,cedernierfaitcommesiderienn’était,maiscelanedurepas.

–Alorscommeça,tuluiasdonnéunesecondechance ?

–Ehbien...Enfaitoui !luiavoué-je.

–Jesuisassezdéçu...Enfintuvois...Toietmoi...Jepensaisque…

–ÇafaitdeuxansMatt !Tunepouvaispasespérerrevenircommeçaetquerienn’aitchangé !

–Tuassûrementraison...

–Jenesaispastropquoitedire,àpartquejesuistrèsattachéeàBradley !

Jeregardedansladirectiondecedernierquinenousquittepasduregard,sesyeuxlançantdeséclairs.

–Jemetrompepeut-être,maisj’aienvied’ycroire !

–Jecomprends.Tantpispourmoi,j’ailaissépassermachance…FaisattentionàtoiAbby,etsachequetupourrastoujourscomptersurmoi.

–MerciMatt,etdésoléedet’avoirembarquéici,jen’aipastropréfléchi,àvraidire.

–J’aiacceptéavecplaisirAbby.Onesttoujoursamis,n’est-cepas ?Etpuisçam’aurapermisdelerencontrer !

Enparlantderencontre,monregardest toutàcoupattiréparunefemmebrune,grandeet finevêtue

d’une somptueuse robe sirène bleu opale... Elle se dirige droit surBrad et Simon. Je n’ai plus aucundoutesursonidentité:Serena.

Ilestgrandtempspourmoid’allerlesretrouver !Matthewàmasuite,jeprendsmoncourageàdeuxmainspourmejoindreaulepetitgroupe.

Bradleynousvoitarriverets’empressedenousprésenter.

–Abbygaël,jeteprésenteSerena.Serena,voicimadélicieuseAbbygaël !

Jerougis.

Ilenfaittrop !

Jenotequ’ilignoresuperbementMatthew,lepauvre.

–EnchantéeAbbygaël,vouspermettezquejevousappelleAbby ?

–Biensûr,enchantée,Serena !

–Lesprésentationsétantfaites,jevouspriedenousexcuser,Simonetmoi.NousdevonssaluernotreamiPaulWalter,unpotentielacquéreur.

–Brad,tun’espassérieux,c’estmonanniversaire,jenesuispascensébosser !Tuabuses !

–Ilparaîtquetuluiplais !

Enentendantcesmots,Simonchangedutoutautout.

–Vusouscetangle !Lesfilles,vousmetrouvezcomment ?Mescheveux ?

D’uneseulevoix,nousrépondons:

–Parfait !

Lemomenttantredoutéestarrivé…MoiencompagniedeSerena.Jemetriturelesdoigtssansm’enrendrecompte.

Jenesuismalàl’aisequequelquessilencieusessecondes,puisque,trèsvite,SerenafaitfaceàMattetl’aborded’unevoixquiseveutcharmeuse:

–Nousn’avonspasétéprésentés,vousêtes ?

–MatthewTurner,

–Enchantée !

–Etmoidonc !répond-il,toutmielleux

Lesvoilàlancés: ilsparlentvoyages,musées, livres...Jeconstatequ’ilss’entendentàmerveille.Jeprofitedufaitqu’ilsnemeprêtentpasattentionpourm’éloignerunpeu,letempsqueBradleyrevienne.M’isolermesembleêtreunebonneidée.Aprèstout,j’aibienméritéunpeudetranquillité !

LesmotsprononcésparBradleysurlapistededansetournentenboucledansmatête.Sijem’attendaisàça !Jesuisheureuse,j’ail’impressionquelarouetournepourmoi,quelesmalheurssontderrièremoi.J’aienviedecroirequeçavamarcher.

Nous passons le reste de la soirée ensemble.Même siBradley est sollicité à plusieurs reprises, ilvienttoujoursmeretrouverdèsqu’illepeut.

Aussiétonnantquecelapuisseparaître,Serenas’avèreêtreunefemmecharmante.

Nousrentronsauxalentoursdetroisheuresdumatin.Jem’endorspaisiblementdanslesbrasdemonpetitamiofficiel,alorsquemaconsciencefaitladansedelajoie...

Chapitre25-Abbygaël

Bilan de la soirée : une véritable réussite ! Je suis encore sur mon petit nuage… L’aveu de Bradrésonnetoujoursdansmatête.Jeprofitequ’ilestsousladouchepouralleracheterdequoipetit-déjeuneràlaboulangeried’enface.

Deretourdevantl’immeuble,jemedécideenfinàouvrirlaboîteauxlettres.S’ilyabienunecorvéepourlaquellejeprocrastine,c’estcelle-là !Commesijecraignaisdemefaireagresserparladécouverted’unefacture !Chargéecommeunebourrique,jecaletantbienquemallesacdeviennoiseriesetlepainchaudsousmonmentonafind’ouvrir lapremièreenveloppe. Il s’agitde l’acceptationdemademanded’adhésionauxcoursdusoir !

Génial !

Lesaffairesreprennent !

Jesuissurprisedevoirletampondemonancienneuniversitésurladeuxièmelettre.Toutenregagnantmonappartementj’ouvrecelle-ci.

Tiens,uneinvitation ?

Monsieur le doyen et l’ensemble du personnel de la faculté de Morris seraient particulièrementhonorésdevotreprésenceàl’occasiondelapremièrerencontreentreélèvesanciensetactuels,quiauralieulesamedi16mai2015àpartirde19h.

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Mercideconfirmervotreprésenceparmail:

[email protected]

Aupremierabord, jenesuispasvraimentenjouéeàl’idéederemettrelespiedsdansleMinnesota.Certes,c‘estl’occasionderevoirmesparents,maisjenepeuxm’empêcherd’avoirpeur…

JevaisdemanderàJuliaetMatts’ilscomptents’yrendre,j’aviseraiparlasuite.

Enjetantl’enveloppesurmatablebasse,unpetitmots’enéchappeettombeausol.Jeleramasseetreconnais immédiatement l’écriture : aucundoute, il vientdePatrickPattersonenpersonne.C’était unprofesseurappréciédetous.Jemesouviensdecettefacilitéqu’ilavaitàenseigner.Jedoisdirequ’ilm’abeaucoup aidée durant mes années àMorris. Je lui dois de nombreuses bonnes notes. Je culpabilised’êtrepartiecommeunefugitive...J’auraispuleprévenir,neserait-cequeparrespectvisàvisdetoutcequ’ilafaitpourmoi…

ChèreMademoiselleClare,

J’aicroisévosparentsrécemmentetmesuispermisdeleurdemandervotreadresse.

Jesuisheureuxdevoirquevousavezreprisvotrevieenmain.Sij’encroislesdiresdecollègues,ilsembleraitmêmequevousayeztrouvél’amour.

J’aimeraisprofiterdecettesoiréepouréchangeravecvouscommenousavionscoutumedelefaire.

J’espèrequej’aurail’honneurdevousvoiràcetévénement.N’hésitezpasàveniraccompagnée.

Mesamitiés,

Patrick

Je suis touchée par son mot, c’est l’une des dernières personnes dont je m’attendais à avoir desnouvelles.JevaisproposeràBradleydem’accompagneràlasoirée,ceseral’occasionpournousdesefaireunpetitweek-endailleursqu’àNewYork.Puis,qui sait, çapourraitêtreaussi l’occasionde luiprésentermesparents.

Etsiçanel’enchantepasplusqueça,j’enprofiteraipourpasserplusdetempsavecmafamilleetmesamis.Detoutefaçon,sijedisàBradqueMattseralà-bas,jepensequ’ilnemelaisserapaspartirseule !

J’envoieunmessagegroupéàMattetJulia.

«Salut,jeviensderecevoiruneinvitationpourunesoiréedesanciensélèves !

C’estprévule16mai !Vouspensezyaller ?Sioui,jeprendsunbillet !

LaréponsedeJuliameparvientenpremier.

Pourquoipas ?Çapourraitêtresympa !

Bisous»

Aumomentoùjem’aperçoisquejen’entendsplusl’eaucoulerdanslasalledebain,jesenslesmains

chaudesdeBradseposersurmeshanches.Ilposesonmentonsurmonépauleetm’enlace.

–Jepensaisquetuviendraismerejoindresousladouche…

–J’yaipensé...maisj’aifaitmieux,jesuisalléechercherlepetitdéjeuner.

–Miam,excellenteidée,jemeursdefaim.

Ildéposeunbaiser surma joue, et s’écartedemoi. Jeme retourneet contemple son torsenu. Ilneportequ’uneminusculeserviettequim’offreunevuedirectesursesmuscles:ilesttaillécommeunroc !Etparchance,ilestofficiellementàmoi !Savourantcespectacle,jem’attardesurlerestedesoncorps...etplusparticulièrementsur lesgouttesd’eauquidégoulinent lentement le longdesoncou, jusqu’àsespectoraux.

J’aimeraisbienêtreunegoutted’eau...

Bradleyattrapeuncroissantetseredresse,mesurprenantenpleineobservation.

–Cequeturegardesteplaît,j’espère ?m’interroge-t-il,fierdem’avoirprisesurlefait.Situveux,onpeutdéjeunerplustard…mepropose-t-ilavecunsouriremalicieux.

–Mmmpourquoipas ?Chambre ?Canapé ?

–J’aiuneautreidée !

Ilme prend par la taille etm’embrasse tout enme faisant reculer. Je percute le plan de travail etcommenceàcomprendreoùMonsieurveutenvenir.

–Surleplandetravail,indique-t-il,aucasoùjen’avaispassaisi.

–Quevousêtesautoritaire,letaquiné-je.

–Avectoidanslesparages,jenedomineplusmespulsions…Àcetinstant,jen’aiqu’uneenvie,tefairejouir,jusqu’àcequetumesuppliesd’arrêter...

Alorsquejemerhabille,dusalonj’entendsBradleymedemander:

–Abbygaël,c’estquoicetteinvitation ?

Toutencontinuantd’enfilermonpantalon,jeluiréponds:

–Oh,justeunesoiréedansmonancienneuniversité,leweek-enddu16mai.

–Tucomptest’yrendre ?

Savoixestmaintenantproche.

–Ehbienoui.Juliayva,etj’attendslaréponsedeMatt.

–Est-cequetucomptaism’enparler ?

Ils’appuiecontrelechambranledelaporte,toujoursnu,toutenmedévorantdesyeux.

Jemefaisviolencepourleregarderdroitdanslesyeux,maisc’esttoutdemêmeenbégayantquejeluiréponds.

–Oui…oui...biensûr...maistuvois,avecnoscâlinsàrépétition,jen’aipastrouvéletemps.

Jelerejoinsd’unpashésitantetposemesmainsdepartetd’autredesanuque.

–BradleyO’Connell,est-cequetuveuxbienm’accompagnerdansleMinnesota ?

Ilfaitminederéfléchiretlâcheenfin:

–Avecgrandplaisir !

Ilsepencheetm’embrassetendrementavantd’ajouter:

–Jeseraistrèshonoréd’êtreàtescôtés.

Jerougisinstantanément.Ilmecaresselajoueduboutdesdoigts:

–J’adoretevoirrougir…

–L’éventuelleprésencedeMattnet’embêtepas ?

–Maintenantquetoietmoi,onestofficiellementensemble,paslemoinsdumonde.

Jesuissurprise,ilyaquelquesjoursilnepouvaitmêmepaslevoirenpeinture.

–Pourquoi ?Tupensesquejedevrais ?

Enguisederéponse,jeposemeslèvressurlessiennes.

Lesdeux semaines suivantes sont idylliques,Bradley se comporte enparfait gentleman.Cela faisaitvraimentlongtempsquejenem’étaispassentieaussibien.

Letempss’écoulesiviteàsescôtés,quelejourdudépartpourleMinnesota,laveilledelasoirée,arrivesansquejem’enrendecompte.Bradnousagentimentproposédenousemmener,Mattetmoi,aveclejetprivéd’undesesamis.

Malgrélefaitquetoutsedérouleàmerveille,plusnousapprochonsdenotredestination,plusjesensunnœuddansmonestomac.J’aibeaumeserinerquetoutvabiensepasser,monangoissepersiste.

Bradleysembleliredansmespensées.Ilsepencheversmoietmemurmureàl’oreille:

–Jenetelâcheraipasd’unesemelle,tupeuxcomptersurmoi,mabelle.

Jeluisouris.J’adorequandilm’appellecommeça !Jedéposeunbaisersurseslèvreschaudes.

–Merci,ajouté-je.

Nous atterrissons aux alentours de quinze heures.Du hublot, j’aperçois la vieille,mais très chérie,Cadillacdemonpère.

Celafaitplusdesixmoisquejenelesaipasvus.JeprendslamaindeBrad,leregardedanslesyeuxetluidemande:

–Prêtàaffrontermonpère ?

–Ohqueoui !TuenvauxlapeineAbby…merassure-t-ilenpressantmamainetenm’entraînantverslavoiture.

Moncœurfaitunbonddansmapoitrine.Mesparentssortentdelavoituredèsqu’ilsnousaperçoivent.Mamanestdéjàentraindepleurercontremonpère.JelâchelamaindeBradetmelancedansleursbras.Aprèsnoseffusions,jem’écartepourprésenterBrad.

Mamèresefichedesrèglesdeconvenanceetvientl’embrasseràsontour.JesensBradleysecrisperàsoncontact.

–Trèsheureusedevousrencontrer,Bradley.

–Enchantéégalement,madameClare,répondpolimentBrad.

–Appelez-moiJeanne,lereprend-elleenm’adressantunclind’œilaupassage.

Jereconnaisbienmamèreetsespetitesmanies.

Jemetourneversmonpère,quitendunemainréservéeversBradley.

–BonjourmonsieurO’Connell,jesuisRoyClare.

–EnchantéRoy.

–MonsieurClare,corrige-t-il.

–Papa !leréprimandé-je,cessedoncd’êtrevieuxjeu.

–Veuillezm’excuser,enchanté,monsieurClare,c’estunplaisirdefairevotreconnaissance.

Commeparprovocation,monpèreadresseunsourireàMatt,quisetrouvejustederrièreetluiserrelamainavecentrain.

Lesprésentationsfaites,nousvoilàsurlechemindelamaison.AprèsavoirdéposéMattchezlui,nous

arrivonsenfinàdestination.Lorsquej’entre,jefermeinstinctivementlesyeuxpourmelaisserenvahirparl’odeurdesvieuxmeubles.Jesuisalorsprojetéedanslepassé,etlesdouxsouvenirsdemonenfancemesubmergent.Lorsquej’ouvrelesyeux,jevoisBradleymefixertoutenmesouriant.

–Contented’êtrerentrée,àcequejevois.

–Oui...très,luiréponds-jeenmeblottissantdanssesbras.

Monpèreromptcemomentenannonçant,ledoigtpointéverslachambredurez-de-chaussée:

–Nousvousavonspréparéunechambre,monsieurO’Connell.

Choquée, jeme tourne versmamère qui hausse les épaules enme lançant un regard qui signifie :«Désoléemapuce,jen’airienpufaire»...

Jesouffleetmetourneverslecoupableavecunregardnoir.

–Papa,jepeuxteparlerdeuxminutes ?

–Oui,biensûr,dis-moi ?merépond-ilinnocemment.

–Pasici,luidis-jesèchement.

Chapitre26-Bradley

Maintenant, lespremiers instantsaveclesparentsd’Abbygaëlpassés,etmalgré ladiscussionquejedevinetendueentreAbbyetsonpère, jemesensplutôtserein.Monanxiétés’estompepetitàpetit.Laréaction du père d’Abbyme semble justifiée. C’est tout à fait normal qu’il émette des doutes surmapersonne, étant donné qu’il ne me connaît pas. J’espère juste qu’il n’est pas du genre à faire desrecherches sur Google, sinon je suis grillé ! Sa mère, elle, semble m’avoir adopté dès la premièreseconde.Unsurdeux,c’estdéjàpasmal,etleweek-endnefaitquecommencer.

C’estétrange,jedevraisêtretotalementpaniquéparcetterencontre,maisbizarrementjemesensbien.DepuisquejeconnaisAbby,jeressensdeschosesquejen’avaisjamaisressenties.Aucuneautrefemmen’avaiteuceteffetsurmoi,pasmêmeSerena.

Notrerelationesttellementhors-norme…Toutchezellem’estdevenuvital:sonregard,sonsourire,sabouche,sesseins…Dèsquel’onsevoit,c’estcataclysmique.Plusnousfaisonsl’amour,plusjemedisquejen’arriveraisjamaisàmerassasierd’elle,desescris,desesgémissements,desesbaisers.Jen’envisagepasunseulinstantquecelas’arrêtedemain.Jel’aidanslapeau,c’estuneévidence !

J’aimerais que ce week-end soit à la hauteur de ses attentes, que les personnes qu’elle aimem’apprécient,àcommencerparsesparents.

La mère d’Abbygaël profite que l’on se retrouve seuls tous les deux pour faire plus ampleconnaissance. Elle me pose des questions sur mes études, mon travail, mes loisirs, et en vient à medemandercequefontmesparentsdanslavie.Jeperdsmesmoyensethésitependantquelquessecondes,mais,s’apercevantdemagêne,ellechangerapidementdesujet.Jenesaispaspourquoi,maisl’évocationdemesparentsmemettoujoursdansdesétatspascroyables.Jeluisouris,reconnaissantqu’ellen’insistepas.Ellefaitmêmeuneplaisanteriesurletravaildesonmaripourallégerl’atmosphère.

Voyantquecedernieretsafillenerefontpassurface,Jeannes’excuseetpartmettreuntermeàleuréchangeinterminable.

–J’aipréparéquelquesgourmandisesàvotreattention,jevaisleschercherenmêmetempsquejefaisrevenirnosgrandsabsents.

–Avecplaisir !

C’estunefemmeindéniablementcharmante,qui,malgrésonâge,nelaissepasdedoutesursabeauté

passée.Abbygaëlahéritédesesyeuxazuretdesacheveluredorée.

JemeretrouveseuldanslesalondesClare.L’odeurboiséeesttrèsagréable,ilsontbeaucoupdegoûtenmatière de décoration. J’ai l’impression d’être dans un chalet, niché au cœur desmontagnes.Monregardestattiréparleboisbrut,omniprésentdanslapièce.Aucentre,unegrandetableentouréedehuitchaises laisse imaginer de beaux repas de famille. Entre deux fenêtres, un grand miroir donne uneimpression de profondeur à ce petit salon à l’ambiance tamisée. Taillé dans l’écorce, son cadre luiconfère une allure imposante, tout en accentuant le côté zen et naturel du reste de la décoration. Lesrideauxpastel ornésdepetits imprimésblancs finalisent cedécor chaleureux eny ajoutant une toucheaccueillante.Cetensembletrèsharmonieuxestunplaisirpourlesyeux.

Chaqueélémentsembleavoirététravailléavecsoinetdélicatessepardesmainsexpertes.

Lachaleurprovenantdelacheminéem’envahit,jemesenscommedansunniddouillet.Jesourisenmedisantqu’aucontraire,ildoitrégnerunfroidpolairedanslacuisine...SiAbbyahéritéducaractèredesonpère,ellerisquedemedonnerdufilàretordre !

Jen’aipasenviequ’elle se froissepourunesimplehistoiredechambre.Après ledramequ’ilsontvécu,c’estnormalquesonpèreveuilleàtoutprixlaprotéger.Cecoconfamilialsolidesetrouveêtreauxantipodesdumien.Cen’estpasmamèrequiseseraitmiseàpleureràmonarrivée...Elleauraitétédixfoisplustouchéeparundiamantqueparlavuedesonfils.

Je passe nerveusementmamain dansmes cheveux. Je commence à angoisser, seul aumilieu de cesalon,medemandantcequ’ilspeuventbiensediredepuistoutletempsquedureleurconversation.Cen’estpasundrameensoi sinous faisonschambreàpart. Jedécidedoncdeprendre lesdevantspourapaiser les tensionsetvais frapperà laportede lacuisine.En l’ouvrant, jedécouvreAbbyenpleinenégociation,s’agitantdanstoutelacuisineavecunairsuppliantetmonsieurClare,assissurunechaise,laregardantfairelescentpas,lesbrascroisés.Lorsquejecommenceàparler,lepèred’Abbysetournedansmadirection.

–Écoutez,jeneveuxpascréerdeproblèmes.Lachambreaurez-de-chausséemeconviendratrèsbien,jevousremerciedéjàdem’hébergersousvotretoit,monsieurClare.

Celui-cihochelatête.Abby,laboucheouverte,surpriseetchoquéedemacapitulation,n’ajouterien,maislanceunregardnoiràl’intentiondesonpèreavantdemerejoindre.

–Tuasgagnépapa,j’espèrequetuescontentdetoi !lâche-t-elled’untonameralorsqu’ellequittelacuisine.

Ellenousentraînealorsdanslachambrequel’onm’aattribuée.

–JesuisvraimentdésoléeBrad…J’aimêmehonteducomportementdemonpère.Cen’estpascommesij’étaisuneenfant…Parfois,ilavraimenttendanceàdevenirsurprotecteur !

Je la prends dans mes bras et plonge mon regard dans le sien tout en replaçant sa mèche rebellederrièresonoreille.

Cequ’ellepeutêtrebellequandelleestencolère...

–Iln’estquestionquededeuxnuits,riend’insurmontable.

–Etc’esttoiquidisça ?Tusaistoutaussibienquemoiqueçavaêtreunevéritabletorturededormirchacundansunechambre,souslemêmetoit !

Jetenteunpeud’humourpouressayerdeladétendre.

–Cequevouspouvezêtrenégative,mademoiselleClare !Depuisquejevousconnais,monquotadesommeilaconsidérablementdiminué.J’aibesoindemereposerpourpouvoirrépondreàvosnombreusesexigences…

–Pourquoitesphrasesfinissenttoujourscommeça ?Toujourslesexe,maistun’asqueçaentêtemaparole !

–Parcequejesuisunpervers…

Jeposemesmainssursesfessesetajoutesurlemêmeton:

–Etparcequetonpetitculestvraimentbandant.

Jelaserreplusfortafinqu’ellesentel’érectionqu’aéveilléeenmoicecontact.

Nouspartonsdansunfourire,nevoyantpaslamèred’Abbyarriver,chargéed’unplateauavecquatretassesfumantesetuneassiettepleinedecookies.Jeretireimmédiatementmesmains.

Troptard !!!

Jeannepiqueunfard.

–Oh,jesuisdésoléedevousinterrompre,balbutie-t-elleenrougissantinstantanément.

Jesaisd’oùvientcettecharmantehabitude…

–Jevousaifaitducafé,sejustifie-t-elle.

Je vais à sa rencontre pour la débarrasser de son plateau.D’abord surprise demon geste, ellemeremercied’unsourire.

Jel’entendsdireàsafille,surletondelaconfidence:

–Quelgentleman !

Jesourismalgrémoi.

Ellenousguidedanslesalonoùsonpèreestdéjàassissurlecanapé,faceàlacheminée,pensif.

Auboutd’unmoment,Royentamelaconversation.

–AlorsBradley,vousêtesarchitecteàManhattan ?

–Oui,monsieur.

–Lesmagazinesne tarissentpasd’élogesàvotresujet,me lance-t-il ironiquement.Si j’encrois lesrumeurs,vousêtesplutôtdugenreàaimerlechangement,sivousvoyezcequejeveuxdire…

Etmerde…Illitlapresseàscandale…

–Papa,arrêteunpeud’incriminerBradleydelasorte,tuveux ?

–EllearaisonRoy !intervientsamère.

–J’aimaislechangementcommevousdites...Jusqu’àAbbygaël.

–C’estdusérieuxentrevous ?medemande-t-il.

JeregardeAbbygaëletplongemesyeuxdanslessiens.

–OuimonsieurClare,c’esttrèssérieux.

Sinousn’étionsquetouslesdeux,j’auraismontréàAbbyàquelpointc’étaitdusérieux,maislepoidsduregarddesonpèreasuffiàfreinermesardeurs.

Jetented’enchaînersurunsujetplusléger.

–Ilfaittoujoursaussifroidàcettepériodedel’année ?

–Malheureusementoui,merépondJeanne,mais riende telqu’unbonfeudans lacheminéepourseréchauffer,n’est-cepas ?

Nous passons finalement tous un excellent moment à discuter au coin du feu. Aussi fou que celaparaisse, sonpèreetmoinous trouvonsmêmeunpointcommun,autrequeceluidevouloir lebonheurd’Abby:noussupportonslamêmeécurieenFormule1.C’estdonctoutnaturellementquejeluiproposedem’accompagnerauprochaingrandprix,cequ’ilaccepteavecjoie.

Encontrepartie,ilm’offreledroitdeconduiresafilleàlasoiréededemain,danssaCadillac.Vulapassionqu’ilsemblevouerauxvoitures,etàlasienneplusparticulièrement,j’ensuistrèstouché.

Après les parents, une autre étape peut-être encore plus délicate : jeme prépare à l’arrivée de sameilleureamie.Monangoisseremonteenflèche:iln’estplusquestiondeséduction,sinonjesaisqu’elleauraitadhérécommetouteslesautres.Jen’aipaseulachancederencontrerJulialorsdesonséjouràManhattan.Abbygaëlm’aprévenuqu’elleneseraitpascommode,étantdonnéquenousétionsenfroidlejourdesonarrivée.

Çapromet...

Jen’oseimaginerlapiètreopinionqu’elles’estfaitedemoi.

Lasonnettedelaporteretentit.Nousysommes.

Chapitre27-Abbygaël

JemeprécipitepourallerouvrirlaporteetsauterdanslesbrasdeJulia.

Vêtue d’un simple jean, de talons aiguilles noirs, et d’un chemisier vert émeraude somptueux,monamieestresplendissante.

Avantqu’ellenediseunmot,jemetsmonindexsursabouchepourluifairecomprendrequej’aimeraisqu’onaitunepetitediscussiontouteslesdeux.

Jeluifaissignedemesuivredanslacuisine,sachantquemamèreestdehors,avecmonpère,entrainderamasserquelquesbûches,etqueBradestsûrementencoredanslasalledebainouautéléphoneavecundesescollaborateurs.Depuisnotrearrivée,jevoisbienqu’ilestperturbé.Sontéléphonenecessedevibrer.Parmoment,ilsemblecomplètementailleurs.

–C’estquoicetteembuscade ?s’enquiert-elle,surprise.

–Jeprendslesdevants,commetuvois.JevoulaisteparlerdeBradavantqu’iln’arrive.

Juliaseraidit.

Vusaréaction,cen’estpasgagné...

–Ju,j’apprécievraimentBradleyetj’aimeraisquetufassesuneffortpourmoi.Jesaisquetuauraispréféré que je donne une seconde chance àMatt,mais il a eu la sienne.Et quand ilm’a embrassé ladernièrefois, jen’airienressenti...C’étaitcreux...Alorsqu’avecBradley,onestcommedeuxaimantsquis’attirent,c’estfusionnel.Jen’aipasbesoindelevoirpoursavoirqu’ilestdanslamêmepiècequemoi.Onestconnectésl’unàl’autre,c’estindéniable.

LestraitsduvisagedeJulias’adoucissentimperceptiblement.

Jem’empresse de finir lemonologue que j’avaisméticuleusement préparé plus tôt dans la salle debain.

–Jesaisquetutefaisdusoucipourmoi,etsituétaisàmaplace,avecunbagagecommelesien,jeréagiraispareil.Maisjet’assurequ’ilmerendheureuse.

–Abbygaël,je…jevaisfaireuneffort,pourtoi.Maistunem’empêcheraspasdelecuisiner !

–OK,OK !Maissachequepapas’enestdéjàbienchargé !Ilaeusadosepouraujourd’hui.S’ilteplaît,essaied’êtrelaJuliacoolquej’adore.

Jeluifaisunbisousurlajoue,histoiredel’attendrir…unpeutoutaumoins.

C’estàcemomentqueBradleynousrejointdanslacuisine.

–Bonjour,ditcelui-ci,vousdevezêtreJulia,enchanté.

–BonjourBradley.J’aibeaucoupentenduparlerdevous,luidit-elled’untonacerbeenluiserrantlamain.

–Onpeutpeut-êtresetutoyer ?

–Mmm…mmm,lance-t-elleavecunecertainedistance.

Lorsquecelui-citournelestalonspourallerrejoindremesparents,Juliam’agrippeparlebras.

–Eneffet,jecomprendsmieuxpourquoituasflashésurlui,ilestsupercanon !

Pourquoijenesuispasétonnée ?

EffetBradley,bonjour !

–Attention,jenesuispasentraindetedirequej’adhère,jetedisjustequ’iln’estpasmal.Ilaunfrère ?

–Ehnonmabelle,filsunique,etilestàmoi !raillé-je.

AprèsavoirposéencoreunmilliondequestionsàBrad,Juliasembleavoirchangéd’avisàsonsujet.Ilsontmêmel’airdebiens’entendre,vulastratégiequ’ilsmettenttousdeuxsilencieusementenplaceaucoursdelapartiedeMonopolyquisedérouleaucoindufeu,aprèsledîner.Stratégiefructueuse,étantdonnéqu’ilsnousbattentàplatecoutureetsedisputentlapremièreplace,àunemaisonprès.Versminuit,Julia prend congé,mesparents vont se coucher et après undernier petit câlin sur le canapé, je laisseBradleyregagnersonlitseul,àcontrecœur.

Nous passons la journée du samedi à visiter la ville. Jemontre des coins où j’avais l’habitude detraîner avecmes amis et particulièrement avecMatt,mais jeme garde bien de le préciser àBradley.Celui-ciparaîtdétenducematin.J’airéussià lefairedécrocherdesontéléphonequandje l’ai rejointdanssachambrepouruncâlinmatinal.Jenesaispassic’estlefaitdedevoirêtretrèsdiscretspournepasrisquerdenousfairesurprendreparmesparents,maisnotreexcitationsemblaitdécuplée.

JeletraînedanslecentrecommercialleplusvisitéduMinnesota:«MallofAmerica».Aprèsavoirfaitquelquesemplettespourcesoir,nousrentronsnouspréparer.

Jesorsdeladoucheetenfilemonvieuxpeignoirdesoiequemamanasoigneusementconservémalgrél’usure.

Toujoursaussiprévenante !

Dansmonanciennechambre,jem’arrêtesurquelquesdétails.C’estfouquandj’ypense,mesparentsn’ontabsolumentrientouché.Lemurdufondesttoujourscouvertdepublicitésdemodeetdecouverturesdemagazinesenvrac.Jedoisreconnaîtrequej’avaisdéjàungoûtcertainpourladécoration...SurmonbureautrônentplusieursphotosdeJulia,Matt,moietmesparents.Jesorsdemavaliselatenuequej’aichoisiespécialementpourcettesoirée.J’entendsmon téléphonevibrerpourm’annoncer l’arrivéed’unSMS.Jesourisquandjevoisdequiilprovient.

Ondiraitbienqu’ilnepeutplussepasserdemoi…

«Abby,peux-tuvenirmerejoindre,j’aiunpetitsoucivestimentaire...

P.-S.C’esturgent…

(Promisjegarderaimesmainsderrièremondos)»

Jeréponds:

«Tuasintérêt,jenet’aipasdit,maismonpèreaunebellecollectiondecouteaux:)

J’arrivetoutdesuite.»

Alorsquejem’apprêteàdescendre,jemesouviensquej’aiuncadeaupourlui.Jefouilleparmimesnombreuxsacs,ensorsunpetitécrinetm’empressed’alleràsarescousse.

Jem’appuiecontrel’encadrementdelaporte,souriante,faceàunBradleybeaucommeundieu...avecunpaquetdanslesmains.Sonregardseposesurmalégèretenue,puissurmesmains.

–J’ail’impressionquenousavonseulamêmeidée,luidis-jeenm’approchantdelui.

Ilposelepaquetsurlelitetmetendlesbras.Jeviensm’ylover.

Ilglissesesmainsendessousdemonpeignoir.Aucontactdesesmainsfraîches,mestétonsdurcissentinstantanément.

–Tuessibelle…J’aivraimentenviede t’enleverça…,soupire-t-ilen faisantglisser lesbordsdemonpeignoirentresesdoigts.

–Dois-jeterappelerquenousnesommespasseulsetquenoussommesattendus ?

Ilgrondeetenfouitsatêtedansmescheveuxencorehumides.

–Jetemangerais,sijepouvais…

Ilillustresesproposenmemordantlelobedel’oreille,cequiprovoqueenmoidesdéchargesdanstoutesmes cellules nerveuses. Je perds tout contrôle lorsqu’ilme soulève. Je serre spontanémentmesjambesautourdesataillealorsqu’ilmecombledebaisersardents.Jenesaispascomment,maisjemeretrouvedosàlaporte.Jelesensdurcommeleferentremescuisses.Jenesuispassûredepouvoirluirésisterpluslongtemps.Jegémisdanssabouche.Salanguemedévore,jesuisàdeuxdoigtsdeluicéder.

Dansunbrefmomentdelucidité,jeluidemandedemereposersurlesol.

–J’aiunpetitcadeaupourtoi,tenté-jed’argumenter,essoufflée.

–Non,jenetelaisseraipasmefilerentrelesdoigts !Tuessichaude...

–Allez,Brad,repose-moietouvremoncadeau,sinononvavraimentfinirparêtreenretard.

Ils’exécute,àcontrecœur.

–Celadevraitêtreinterditderompreunmomentcommeça.Jesuisbonpourreprendreunedouche,FROIDE,cettefois-ci !

Nous échangeons alors nos cadeaux, en souriant commedeux adolescents. J’ouvre son paquet et ensorsunesomptueuserobedecocktailnoire,trèsélégante.

Vuletissu,elleadûluicoûterunefortune…

–MerciAbby,pourlesboutonsdemanchettes,ilssontsuperbes.

Bradleygare laCadillacdemonpère surundesparkingsde la faculté.Matt et Julia s’extirpentdel’arrièredecelle-ci tantbienquemal.Lesvieillesvoitures,sibellessoient-elles,nebrillentpaspourleurconfort.

Unefoissortie,jemeserrecontreBrad.Ilmechuchoteàl’oreille:

–Détends-toi,toutvabiensepasser.

–C’estbizarrederemettrelespiedsici…mejustifié-jesimplement.

–Jecomprends,maisjesuissûrquetuvasapprécierderevoirtesancienscollèguesetprofesseurs.

–Nousyvoilà !s’écritMatt.Etsionentrait ?Ilcailledehors,nousdit-ilensefrottantlesmainsetensoufflantdessuspouressayerdelesréchauffer.

Jeprendsunegrandeinspirationetnouspénétronsdanslehall.

Noussommesaccueillispardeuxfillesquinousdemandentnosnoms.LarouquinedévoreBradleyduregard,maiscelui-cin’yprêtepasattention.

–Vouspouvezyaller,nousditlablondetoutenmâchantvulgairementsonchewing-gum.

Sexy !!!Jecroisqu’ilsnepouvaientpastrouvermieuxcommehôtesses !

JepréviensMattetJuliaqu’ilesthorsdequestiondefaireunenuitblanche.

–Net’inquiètepasmabelle,jen’aipasprévuderesterlongtemps.

Àpeinea-t-elleditçaquesesyeuxs’illuminent.

–Jeviensd’apercevoirmonsieurGrantaubar,jevouslaisse,jevaisallerlesaluer.

Etlavoilàaussitôtpartie,sefrayantuncheminparmilafoule.

Bradleyestperplexe.

–Àl’époque,elleétaitdinguedeceprof,expliqué-jeensouriant.Ilfautvoircommentilenseignait,ilenamarquéplusd’un !

–Tuveuxboirequelquechose ?meproposeMatt.

Bradleyletoiseduregard.

–Jeveuxbien,merci,accepté-jepoliment.

Ils’éloigne,sansavoirprislacommandedeBrad.

Jeposemamain sur sonavant-brasdans l’espoirquecedernier sedétende. Jedécidemêmede letaquinerunpeu.

–Alorscommeça,iln’yaplusdesoucientrevous ?

–Etçatefaitrire ?ronchonne-t-il.

–Detevoirjaloux ?Jedoisl’avouer,c’estunpeugrisant.

Unevoixchaleureusenousinterrompt.JemeretourneettombenezànezavecmonsieurPatterson.Aupremierabord,ilnesemblepasavoirchangéd’unpoil.

Celui-cimeserrelamain.

–Jesuisraviquevousayezpuvouslibérer,Abbygaël.

–C’estunplaisirdevousrevoir,monsieurPatterson.

–Patrick,Abbygaël,Patrick…

Bradleynousinterrompt.

–Nousn’avonspasétéprésentés.BradleyO’Connell,lepetitamid’Abbygaël.

–Trèsheureuxdefairevotreconnaissance.

LetéléphonedeBradleymetuntermeàcessommairesprésentations.

– Je vous prie de bien vouloir m’excuser. Abbygaël, mon assistante devait m’appeler concernantTokyo.Cedoitêtreelle,jedoisàtoutprixrépondre.

Celui-cis’éloignepourprendrel’appel.

Pourunepersonnequinedevaitpasmelaisserseule,çacommenceplutôtbien.J’inspireungrandcouptoutenmerépétant:«Toutvabiensepasser».

Chapitre28-Patrick

Ilyaencorequelquetemps,jeneparvenaispasàpenseràAbbygaëlsansenavoirlecœurdéchiré.Elle m’avait abandonné, blessé, alors que je ne voulais que son bien. Je m’étais juré que si je luiremettaislamaindessus,ellenem’échapperaitplus.Maisenlavoyantentrerdanslasalle,jenepeuxenvisagerunseulinstantqu’elleserefuseàmoi.

Elleestencoreplusbellequedansmessouvenirs…Etcetterobeluivaàlaperfection.Ellemetenavantsescourbesgénéreuses.

Le fait qu’elle ait répondu àmon invitation signifie bien qu’elle est consentante.Nous allons enfinpouvoiravancer.

–VousvoussentezbienAbbygaël ?

–Oui.Jesuisdésolée,cen’estpasfaciledereveniriciaprèscequ’ilm’estarrivé,vouscomprenez ?

–Jecomprendstrèsbien…Jeregardetouslesjourslesinformationsdansl’espoird’apprendrequelapolicearetrouvévotreagresseur.

–C’estgentilàvous.

–Jenesaispassivousenavezeuvent,maisilyaeudescassimilairesauvôtreàMorris.

Auvudesaréaction,jecomprendsvitequ’ellen’étaitpasaucourant.Elleestlivide.

–Je…je…nesavaispas...

–Pour lemoment, ilsn’ontpas réussià localiser les fillesdisparues.Nousavonsprisdesmesurespour assurer la sécurité de nos étudiants : un couvre-feu a été instauré sur le campus et nous avonsrenforcéleservicedesécurité.

–C’estatroce…

Siellesavaitquej’agisuniquementàcaused’elleetdesonrefusdeserendreàl’évidencequenoussommesfaitsl’unpourl’autre.Jenesuispasfou !Jesuisamoureux...etelleaussi !

–Changeonsdesujet.Jen’aimepasvousvoirpâlirdelasorte.

–J’espèrejustequ’ilsvontlesretrouvervivantesetquecemonstrefiniraderrièrelesbarreaux.

Moi,unmonstre ?Jedétestequ’elleparledemoicommeça.

Ellenemecomprendpas…jefaistoutçapourelle !Ilfautquejeluifasseentendreraisonetqu’ellecomprennequejel’aimeetqu’elleestàmoi !Uniquementàmoi.

Jehaiscethommequil’accompagne ;maissitoutsedéroulecommedansmesplans,d’icidemainilneseraplusunobstacleentrenous.

–MonsieurPatterson ?

Ellemedévisage,soucieuse.

Jemesuiségaré.Ilfautquejemereprenne,sinonmonplanvaéchouer.C’estl’uniqueoccasionqu’ilmerestepourl’avoir.

–Veuillezm’excuserAbbygaël,jeviensdemerappelerquej’avaisundiscoursàprononcer.

–Oh,j’enoubliemesbonnesmanières.J’aiapprisquevousavezétépromudoyen.Jevousprésentetoutesmesfélicitations.

Elleposesamainsurmonbras:cecontactm’électrise.

–MerciAbbygaël, celame touchebeaucoup.Si lecœurvousendit,nouspourrionsboireunverreaprès,avecvotreami,luiproposé-je,innocemment.

–Avecplaisir,jevaisprévenirBradley.

Lasonneriedesontéléphonemetfinànotreéchange.Abbygaëlyjetteunœil,etparaîtdépitée.

–Quesepasse-t-il ?osé-jedemandercandidement.

–Bradleyadûpartir.Ils’excusedecedépartprécipité.

Parfait !

–Riendegrave,j’espère ?

–Jenecomprendspascequiapusepasser.Sivousvoulezbienmepardonner,jevaisessayerdelecontacter.

J’entendsquel’onm’appelleaumicro,ilesttempspourmoid’allerfairemondiscoursàcescancres.Jesaisdéjàd’expérienceque,pourlaplupartd’entreeux,leurrêved’avenirvasesolderparuncuisantéchec.

Derrière le pupitre, je parcours la salle du regard dans l’espoir d’y repérerAbbygaël. Je finis parl’apercevoirprenantleverrequeluitendMatt,entouréedeJuliaetduprofesseurGrant.

Toujoursentraindemarchersurmesplates-bandescelui-là.

Unjour,ceseraàsontourdepayer…Déjà,quandnousétionsétudiants,ilpassaitlamajeurepartiedesontempsàessayerd’entrerencompétitionavecmoi.

Un souvenir bien précisme revient enmémoire.C’était un lundi, à onze heures tapantes, lors d’uncoursavecleprofesseurStewart.J’avaisététiréausortpourprésenteruncaspratiqueendroit.Àcetteépoque,j’étaisloind’avoirl’assurancequej’aiaujourd’hui.C’étaituneépreuvepourmoidepasserautableau devant vingt-cinq autres étudiants. Je m’étais préparé pendant une semaine, sans relâche. Jen’avaisfinalementpresquepaseubesoindeliremesnotes,tantj’étaisaupoint.Mais,aumomentoùmoncalvaireprenaitfin,Grants’étaitacharnéàmeposerdesquestionstoutesaussiimprobableslesunesquelesautres.Iln’avaitqu’unseulbut:anéantirmontravailetmeridiculiserdevanttoutlemonde.Ilavaitréussi ;auboutdelacinquièmequestion, j’avaisséché…Leprofesseurm’avaitoctroyéunquatorzeetprécisaitsurmacopiequej’auraispuprétendreàplussij’avaisapprofondimondevoir.Quelsalopard !Jem’étaisjuréqu’unjoursonheureviendrait.

Quelquesannéesplustard,l’heuredelavengeanceavaitsonné.Nousétionsaucoudeàcoudepourlepostededoyen.Jemesouviendraitoutemaviedesatêtequandleverdictétaittombé.Grantétaitsortifurieuxdubureau,criantàl’injustice,etrépandantlarumeurselonlaquellej’avaiseulepostegrâceauxprouessessexuellesdemamèreavecundesdécideurs.

C’étaitunebelle revanche,maisdepuis, ilnecessede traînerdansmespattes.Toujours là,àposermillequestions,àremettreencausemontravailauprèsdesautresprofesseurs.Iln’attendqu’unechose:unfauxpasdemapart.Maisjeneluiferaipasceplaisir.

C’estlesifflementd’unélèvequimesortdemespensées.

–J’ail’honneurcesoirdeprésidercettepremièreéditionderencontreentreélèvesanciensetactuels.

Rassurez-vous,jenecomptepasvousennuyeravecunlongdiscours.

Maremarquealedondefairesourirel’assemblée.

–J’iraidoncdroitaubut.Auvudelafinimminentedescours,mescollaborateursetmoi-mêmeavonspenséqu’ilétaittempspourvousdefaireunepause,dûmentméritéepourlamajoritéd’entrevous.»

J’entendsunétudiantdanslasallecrier:

–Etdefaireunepausepourvousaussi,monsieur,avouez-le !

Encoreunquisecroitmalin…

Je souris cependant, pour ne rien laisser paraître de mon agacement. Les apparences sont souventtrompeuses,etjesuisunexpertenlamatière.

–Unepausepourvous…etaussipournous,bienentendu.Pourêtretoutàfaithonnêteavecvous,cettesoirée n’a pas été organisée uniquement dans le but de faire la fête. Nous avons pensé qu’il seraitintéressantpourvousquevousrencontriezd’anciensétudiants.Nouslesavonsdoncconviésafinqu’ilspartagentleursexpériencesavecvous,qu’ilsvousparlentdesdébouchés,maisaussidesembûchesqu’ilsontpurencontrersurleurchemin.Jetiensàvousrappelerquepourréussirdanslavoiequevousavezchoisie,ilestimportantdesaisirtouteslesopportunitésquis’offrentàvous,etcelle-cienestune,alorsjecomptesurvouspourjouerlejeu !

Pour finir, je tiens personnellement à remercier ceux et celles des anciens élèves qui ont réponduprésentsànotreinvitation.»

JefixeAbbygaëlquandjediscettephraseetlavoisrépondreàmonsouriretimidement.

Jelèvemonverreetterminemondiscours:

«Passezuneexcellentesoirée.»

C’estdansuntonnerred’applaudissementsquejedescendsdel’estrade.

Jeregardemamontre.Ilestl’heuredelafairemienne…

Chapitre29-Abbygaël

–Vousprendrezbienunverre ?medemandemonsieurPatterson.

–Ouioui,merci...acquiescé-je.

Ilmetenduneflûte.

–Trinquonsànosretrouvailles.

–Ànosretrouvailles,luisouris-jepoliment.

Jeboisquelquesgorgées,histoiredecalmermonanxiété.Jen’aitoujourspasréussiàjoindreBradley.Ily aquelques jours, il a fait allusionàun souci avec sonassistanteau sujetdeTokyo,peut-êtrequec’étaitl’objetdesonappel.Maisjenecomprendsquandmêmepassasoudainedisparition,résoudrecedifférendauraitpuattendredemainmatin.Etsicelaavaitunrapportavecsondépartl’annéeprochaine ?S’ildevaitl’avancer ?

Pourqu’ilpartecommeça,sansriendire,cedoitêtred’uneimportancecapitale.

Cettepenséemenouel’estomac…Jenem’ysuispaspréparée.

AllezAbby,laisseunpeutesidéesnoiresdecôtéetreprends-toi !

J’aienvoyéunmessageàSimonpourqu’ilmedonneplusd’informationssurlagravitédelasituation.Je sens mon téléphone vibrer dans ma pochette. Je demande à monsieur Patterson de bien vouloirm’excuserdeuxsecondes.

«Abbygaël,

Jeviensd’avoirÉlisabeth, et ellemecertifiequ’ellen’apaseudenouvellesdeBradleyduweek-end.»

Jeluiréponds,tremblante:

«IlyaungrosproblèmeSimon.Jenesaispascequec’est,maisjelesens !»

Mon téléphonemeglissedesmains, lenomdeSimonapparaît sur l’écran, je tentede le récupérer,

maismonsieurPattersonsebaisseetleramassepourmoi.

OùestBradley ?Ques’est-ilpassé ?Toutallaitpourtantsibien…Jenecomprendspas…Ets’ilm’avaitmentipourrejoindreSerena ?C’estimpossible…Çanepeutpasêtreça…

Latêtemetourne,desgouttesperlentsurmonfront.

Quem’arrive-t-il ?

JechercheJuliaduregard,maisjenelavoispas.JereconnaisMatt,maisilesttroploin,jen’aipaslaforce de le rejoindre. Je regardemonsieur Patterson quime scrute. Agité, il ne cesse de regarder samontre.

Je voudrais prendre congéde lui, pour aller prendre l’air, et réfléchir à la situationplus posément,maismestentativessontvaines,aucunsonnesortdemabouche.Jefixeunpointdanslasalle,maistoutledécorsemetàtournerdevantmesyeux.Jenediscernepluslevisagedesgensquim’entourent,toutdevienttrouble.

Lavoixduchanteursedéforme,lesonquisortdesbassesneressembleplusàrien.Unevoixdansmatêtemesommedem’éloigner.Tousmessenssontenalertes.

Ledangerestprésent,jedoisfuir.

Jeparcourslasalleduregard,et,àtraverslabrumequioccultemavue,jetentedetrouverlasortielaplusproche.Ilfautquejeprennel’air.J’optepourlasortiedesecoursàenvironcinqmètres,etjemedirigeverselle, tantbienquemal.Ilfaitdeplusenpluschaudici.Mesjambessedéplacentavecuneextrême lenteur, comme si on avait appuyé sur une hypothétique « touche ralenti ». J’ai l’impressiond’êtrecomplètementivre,alorsquejen’aibuqu’unedemi-coupe.

Qu’est-cequ’ilt’arriveAbby ?Ressaisis-toi !

Aprèsdeuxpas, jemanquedem’affalersur lesol.Mes jambessemblentneplusdu tout répondreàmesrequêtespourtantsimples.LesbrassolidesdemonsieurPattersonmerattrapentdejustesse.

Ilmesourit,passesonbrasautourdemataille.Ilm’entraîneverslasortie.

Oùestmonportable ?

IlfautquejecontacteJulia,ellepourram’aider.

Çatambourinetellementdansmatêtequejen’arriveplusàréfléchir.J’aimal,jevaism’évanouir...

Jeleregardeencore,lesyeuxdanslebrouillard,fatiguée...

–Net’endorspastoutdesuite,jel’entendsmedire.

Quoi ?Maisoùm’emmène-t-il ?Sonpasestpressé…

J’aienviede luidiredemeramenerprèsdeJulia,ellequisait toujourscequ’il fautfaire.J’essaied’ouvrirlabouche,maiscequej’aiàdirerestecoincéaufonddemagorge.

Nouspassonsprèsd’unepoubelle,jelevoisjetermonportabledanscelle-ci.

MonDieu !Maisqu’est-cequ’ilfait ?NONNONNON !!!

Jevoudraiscrierdetoutesmesforces.

AUSECOURS !AUSECOURS !ÀL’AIDE !

Maiscommemesjambes,mabouchenerépondplus.Mesamissontlà,àseulementquelquesmètresdemoi,mais je suis incapable d’appeler à l’aide. Je tiens à peine debout lorsque nous franchissons lesportesdelasortie.Unefoisdevantsavoiture,ilouvrelaportière.J’aimeraispouvoirmedébattre,maisjen’enaipaslaforce.

Jesuisdanssesfilets…

Ilm’installesurlesiègepassager,sarespirationestrapide…

Ilmesusurreàl’oreille:

–Tupeuxdormirpaisiblementmonange...

Mon cœur manque de lâcher. Cette voix, ces mots, ne font que confirmer les pires craintes quim’habitentdepuisquelquesminutes.

Ohmondieu,non !MonsieurPattersonest…monagresseur !Etcettefois,jeneparviendraipasàluiéchapper.Jevaismourir…LadernièreimagequimevientavantdesombrerestcelledeBradley.Àcetinstant,jesaisquejen’auraiplusjamaisl’occasiondeluidirequejel’aime...

Lefracasd’uneassiettesebrisantsur lesolmefaitbrutalementémergerdemoninconscience.Monregardseposesurlafemmeresponsabledecevacarme.Prèsdelaporte,celle-cimefixe.Sansunmot,elletournelestalonsenlaclaquantderrièreelle.

–Attendez !crié-je.

Troptard,elleestdéjàpartie.

Sijen’étaispasaussisonnée,j’auraisditquejelaconnaissais.Àpartsesgrandsyeuxverts,ellemesemblait familière... Mais où l’ai-je déjà vue ? Des bribes de la soirée me reviennent peu à peu,«monsieurPattersonm’aenlevé»étantlaplusimportante.

Jenesaispascombiendetempss’estécoulédepuis.

J’essaiedebouger,envain…Sûrementlerestedeseffetsdel’analgésiquequ’iladûmettredansmonverre.Jeregardeautourdemoietjecomprendspeuàpeuoùjesuis.L’effrois’emparedemoi.Ilyadeux

ans,jemetrouvaisdanscettemêmechambre...

J’entends le craquement du parquet àmesure que des pas se rapprochent. Je retiensmon souffle. Ilvientsûrementfinirletravailqu’iln’apasputerminerquelquesannéesauparavant.Moncœurbatàtoutrompre…Jedoisessayerdem’enfuird’icipartouslesmoyens.Siseulementmesmembrespouvaientseremettreàfonctionner !Mapremièretentativepourmeremettresurmespiedssesoldeparunéchec.Jeretombedetoutmonlongsurlelit.

Toujourscebruitdepas,deplusenplusfort.

AllezAbby !Bouge !

Jeremuelesdoigts,maisjesuistoujoursdansl’incapacitéderemuerlesjambes.

Lebruitdepass’arrête,uneombresedessinedansl’intersticeentrelaporteetlesol…

Ilestderrière…

Laportes’ouvresurlui.Jepousseuncrid’épouvanteàlavuedecemasquequim’atellementhantée.Jen’arriveplusàrespirercorrectement…

–Bonjourmonange.Tuesréveillée !constate-t-iltoutenvenantàmarencontre.J’aisisouventespéréterevoirici,allongéedanscelit…Etçayesttueslà…MIENNE !

Jesuispétrifiée.

Arrête-toi !

Ils’installesurlereborddulitetcaressemonépaule.

–Jesaisquetum’asreconnusouscemasque.J’aienvied’entendremonnomsortirdetabouche.

Jenerépondspas.

–DIS-LE !mehurle-t-ildessus.

Jesursaute,mespoumonssevidentd’aird’unseulcoup.

–Monsieur…

–Non,jeveuxquetum’appellesparmonprénom.

Aprèsquelquessecondes,jeprendsunebrèveinspiration.

–Patrick…lâché-je,dansunsouffle.

–C’estmieux,medit-ilenpassantsesmainsdansmescheveux.

Jesursauteàsoncontact,cequisemblel’énerver.

Doucement,ilretiresonmasque.

–J’auraistellementaiméqu’entrenouscesoitplussimple,confie-t-ilsurletonduremords.

Maisdequoiparle-t-il ?Ilestcomplètementfou…

–Jenecomprendspas…Pourquoimoi ?

–Pourquoirefuses-tud’accepterl’évidence ?mecoupe-t-ilenélevantlavoix.

Jenesaispasquoifaire...

–Tuétaistimideàlafaculté,maismaintenantiln’yaplusderaison.

–Je…je…pourquoim’avoirchoisiemoi ?répété-je.

–Quandnous nous sommes rencontrés la première fois, j’ai tout de suite compris qu’entre nous ceseraitgrandiose.

Jenemesouviensmêmeplusdecejour…

–Tut’ensouviens,n’est-cepas ?m’interroge-t-il.

–Je…

–Tun’aspaspuoublier !s’impatiente-t-il.

J’aitellementpeur…

–Oui,oui,biensûr,jemens.

Jelevoisremuernerveusement.

– Et puis, il y a eu ce connard de Matthew qui est venu perturber notre histoire. Tu n’étais plusdisponiblepouréchangeravecmoicommenouslefaisionssisouvent…

–Jesuisdésolée.

–Tum’asfaitdumallesoiroùtut’esdonnéeàluipourlapremièrefois…

Patrickm’attrapelepoignetetexerceunepressionsurcelui-ci.

Mondieu…Ilm’espionnait…etnousépiait,Mattetmoi…

–Jesuisdésolée…

Ilaccentueencorelapressiondesesdoigts.

–Patrick,vousmefaitesmal…laissez-mois’ilvousplaît !

Ilrelâchealorssonempriseetregardelamarquerougequ’ilalaisséesurmonbras.

Ilsebaisseetdéposeunbaisersurcelle-ci.Aucontacthumidedeseslèvres,jetrembledepeuretdedégoût.

–Necrainsrien,monange,situnemepoussespasàbout,jeneteferaiaucunmal.

Ilregardemamainetleboutdemesdoigtsquiremuent.

–Jevoisquel’analgésiquecommenceàneplusfaireeffet.C’estparfait, tuvaspouvoir tepréparerpourlerepas.J’aivuquetun’avaisrienmangédurantlasoirée,jemesuisditquetuauraisfaimàtonréveil.Puis,jepensequ’ilestaussiimpatientquemoidetevoir…

–Qui ?demandé-je,effrayée.

Ilselèvesansunmot,etunefoisarrivédevantlaporte,ilmefaitfaceetrépond:

–Notreinvité,biensûr !Jeteconseilled’êtreTRÈSobéissante,sinon,crois-moisurparolemonange,tuleregretterasamèrement !Jepeuxêtreuntoutautrehomme,et,fais-moiconfiance,tun’aimeraispasavoir affaire à lui. Je préfère t’avertir. Tu trouveras dans l’armoire une robe de soirée. Je te laissel’enfileretnousretrouverdanslesalon,àdroitedesescaliers.

Surcesparoles,ilmelaisseseulefaceàmespeurs.

Aprèsm’êtrehabillée,jemeregardeunedernièrefoisdanslemiroir.Larobebleunuitqu’ilmeforceàporterestsifinequejefrissonnedefroid.Jen’aiaucunenotiondel’heurequ’ilest.Jeregardeparlafenêtre,ilfaitnuitnoiredehors,àl’exceptiond’unminusculecroissantdelune.Leventsouffledanslesbranches à peine fleuries des arbres. Leurs ombres noires se reflètent sur l’herbe, dans une dansemacabre.Unelégèrebrumem’empêchedevoirl’horizon.Onsecroiraitdansunfilmd’horreurdontjen’aiaucuneenvied’êtrel’héroïne.

Lesmartèlementsdansmatêtemefontsouffrir.Laseulechoseàlaquellejepensec’estlui:Bradley…

Je prie intérieurement pour qu’il vienne me sauver, mais je sens au fond de moi que sa soudainedisparitionetmonenlèvementnepeuventpasêtreunecoïncidence.

J’inspireunedernièrefoisetouvrelaportepourrejoindremonbourreau.

Chapitre30-Abbygaël

Arrivéeaubasdesescaliers,jemedirigeverslesalon,labouleauventre.

Cen’estqu’unefoisdanslapiècequejel’aperçois…Jemetsmamaindevantlabouchepourétoufferuncrid’horreur.

Bradleyestassisàl’extrémitédelagrandetable,avachisursachaise,lesbrasliésderrièresondos,totalementinconscientetlevisagecouvertdesang.

Faitesqu’ilsoitenvie !

–Bradley !m’écrié-jeencourantverslui.

Patrickm’arrêtebrutalementsurmalancéeenm’attrapantfermementparlebras

–Lâchez-moi !hurlé-jetoutenmedébattant.

Sonempriseestsifortequejeneparvienspasàbougerd’uncentimètre.

–Taplaceestàmescôtés,rugit-ilenmeforçantàm’asseoirsurunechaise,prèsdelui.

Je suis secouée face à ce spectacle d’horreur. Patrick l’a salement amoché. Son œil droit estboursouflé,seslèvressontviolacéesetunfiletdesangs’écoulelelongdesatempe,jusqu’àsabouche.Àtraverssachemiserougieelleaussi,jevoissontorsesesouleveraurythmesaccadédesarespiration.

Ilestenvie !

Jesuistentéed’envoyermachaiseàlafiguredePatrickpourrejoindreBradetleréconforter,luidirequetoutvas’arranger,maisjesenssurmoilepoidsduregarddemongeôlier.

Jemetourneversluienluiagrippantlebras.

–Monsieur…Patrick,jeveuxdire.Pourquoinelelaissez-vouspaspartir ?C’estmoiquevousvoulez,non ?l’imploré-je.

Ilmechuchoteàl’oreille:

–J’aidesplanspourlui.Net’inquiètepas,ilneviendraplust’ennuyer.

Maisqu’est-cequ’ilraconte ?

–Patrick....

– Chut… Il serait malvenu, mon ange, de m’importuner avant notre repas. Surtout que je l’aiconsciencieusement préparé pour l’occasion : des lasagnes, les mêmes que celles de ta maman, tespréférées,monange.

Maiscommentsait-iltoutça...

Jenepeuxm’empêcherderegarderendirectiondeBradley:unelarmechaudecoulesurmajoue.Levoirainsi,danscetétat,àcausedemoi…Unflotdelarmess’échappealorsdemanièreincontrôléedemes yeux. J’aimerais tant pouvoir le toucher, le prendre dans mes bras, lui dire que ce n’est qu’uncauchemaretquetoutvabientôts’arrêter ;maisnoussommesbienlà,aumilieudenullepart,avecunfouquicroitdurcommeferquejeluiappartiens.

–Abbygaël,monange,s’ilt’esttropinsupportabledelevoir,jenousendébarrasse.

Iladitçaensouriant,presquecommes’ilproposaitdem’ôteruneéchardedudoigt.

Jem’essuielesyeuxaveclaservietteetjeréponds:

–Veuillezm’excuser.

Ilmetapotelamainetajoute:

–Bonnepetite…Tuprendrasunverredevin,monange ?enchaîne-t-il,commesicelapouvaitêtreunedemespréoccupations.Ilfauttoutefoisquejejouesonjeu,sijeveuxespérersauverBrad.

–Non,justedel’eaus’ilvousplaît,Patrick.

Ilfautquej’arriveàtrouverunmoyendenoussortirdelà.

Dans l’état de Brad, çame paraît compliqué,mais tant que nous serons vivants, je ne perdrai pasespoir.

Laportedelacuisines’ouvresurlafilleauxlongscheveuxblondsquej’aientraperçueplustôtdans«machambre».Jecomprendsmieuxpourquoiellemeparaissaitsifamilière…Hormislacouleurdesesyeux,onseressemblecommedeuxgouttesd’eau.

Devantmonairahuri,Patrickmetsamainsurlamienneetm’annonce:

–JeteprésenteSuzan.SuzanvoicilatantattendueAbbygaël.

Jedétailleduregardcettefille.Deprimeabord,elleparaîtdouceetchétive.

Lapauvre…Uneautrevictimedecetaré…Depuisquandest-ellelà ?Yena-t-ild’autres ?

–BonsoirmademoiselleClare.

–BonsoirSuzan…

Elledéposesurlatableunebouteilledevinetretourneencuisine.

–Pourquoinemange-t-ellepasavecnous ?demandé-jeàPatrickenleregardantdroitdanslesyeux.

–C’estunjourspécial,jenesouhaitepastepartager.Puis,tudoisêtreunpeuremuéeparlaroute,jenevoudraispasteperturberdavantageavecunenouvellerencontre.

Ouibiensûr,c’estlaroute,etuniquementlaroutequim’achamboulée !Maisilestcomplètementfoucetype !

–Patrick,j’insistepourqueSuzanpartagecerepasavecnous.Sinousdevonscohabiter, jesouhaiteapprendredèsàprésentàlaconnaître.

Ilsoupiredemanièrerésignée.

– Si tu insistes, qu’il en soit ainsi, mon ange. Dès qu’elle reviendra avec le plat, je l’inviterai às’installeravecnous.

–Merci,réponds-je,d’untonquiseveutaimable.

Aprèsquelquesminutesquimeparaissentdesheures,Suzanrefaitenfinsurface.

–Suzan,Abbygaëlaimeraitquetutejoignesànouspourdîner.

–Commevousvoudrez,Patrick…

C’estlesyeuxrivéssurseschaussuresqu’elles’installeàtable.

–Suzan,prendsmonassiette,jen’aipasfaim,luioffré-je.

–Suzan,va te chercheruneassiette encuisine, toutde suite,m’interromptPatrickenme lançantunregardmenaçant.

Elleselèvesansdemandersonresteetdisparaîtdanslapièceàcôté,dontellerevient,uneassietteentrelesmains,quelquessecondesplustard.

–Tunevasquandmêmepasboudermeslasagnes,monange?

Son ton doucereux est en totale opposition avec la noirceur de ses yeux. Il me déstabilisecomplètement,etjesaisquec’estlebutrecherché.Ilfautquejemereprenne.

–Je…

–Tuvasmanger,Abbygaël.

Pasdeplacepourlanégociation.

–Patrick,jenevoulaispasvousoffenser.JevoulaisjusteêtregentilleavecSuzan,medéfends-je.

–Contrairementàl’idéequetut’esfaite,Suzanesttrèsbienici.Elleestàlaplaceoùelledevaitêtre,commetoi.Jetelerépètedoncpourladernièrefois:c’estunjourspécialaujourd’hui.Nousfêtonsnosretrouvailles.Tuvasdoncmangerceplatquej’aipréparépourtoi !

JesensquePatrickperdpatience.Plusétrangeencore,jeconstatequeSuzanmeregardeméchamment.

Duranttoutlerepas,etquandmesyeuxnesontpasrivéssurBrad,jel’observediscrètement.ElleacettedrôledefaçonderegarderPatrick,presqueavecvénération.

–Patrick,ilyad’autrespersonnesici,misàparnous ?

– Non, nous sommes seuls, me répond-il en me caressant le revers de la main. Pourquoi cettequestion ?J’espèrequetunemeprendspaspouruncollectionneur ?

Cetteéventualitélefaitrire.D’unrirefroidquimehérisselespoils.

–Non,pasdutout.

Enmeregardantdroitdanslesyeux,ilajoute:

–Iln’yaquetoiquicomptes,Abbygaël.

–EtSuzan,ajouté-je,sinonelleneseraitpaslà.

–Suzanestspéciale,maispasautantquetoi,monange.

Gênée,jejetteunœilàSuzan.Denouveau,ellemetoise,sonvisageestsombreetsonregardemplidehaine.

Àlafindurepas,jetentetantbienquemaldecaptersonattention,maiscelle-cigardelamajoritédutemps,latêtebaissée,commesisonassietteétaitsonrefuge.Patrick,quantàlui,asavourésonrepas.Ilparledetempsentemps,maisjenel’écoutepas,troppréoccupéeparl’étatdesantédeBradley.Jenerépondsquepar«oui»oupar«non»cherchantàledissuaderdepersisteràfairelaconversation.

–A...BB..Y..GAËL…

Bradleyrevientàlui.

Jevoudraisbondirdemachaise,maisilfautquejemecontrôle.

–JesuislàBrad,toutvabien,lerassuré-je.

–Tais-toi,Abbygaël,m’ordonnePatrick.

Jelesuppliedemelaisserm’occuperdeBradley.

–Del’eauuniquement,l’imploré-je,attrapantlepandesavestedansunélandedésespoir.

–C’esthorsdequestion.

–Mais…maisc’estcruel !m’indigné-je

–Tuauraisdûypenseravantdel’imposerdansnosvies.

–Patrick,jeferaitoutcequevousvoudrez…

Jeluilanceunregardprofondetintense.

–Tout,ajouté-je.

Patrickfinitparacquiescerdelatête.

Jeviensdevendremapeauaudiable.

JemeprécipiteauchevetdeBradleyavecmonverred’eau.

Jevaispour luicaresserdiscrètementunedesmainsqu’ilaattachéesdanssondos,mais,envoyantl’étatdesonindex,uncrim’échappe.

–Queluiavez-vousfait ?Pourquoi ?

–MonsieurO’Connellnes’estpasmontrétrèscoopératif.J’aiétéobligédeluifairecomprendrequiestlepatronici.NousnesommespasàManhattan,n’est-cepas,monsieurO’Connell ?

–Vousêtesun…

–Àtaplace,Abbygaël,jen’abuseraispastrop !

Jereprendsunecontenanceetdonnelaborieusementdel’eauàBradley.Jem’apprêteàluiessuyerlefiletdesangsursajoue,maisjesuisstoppéedansmonélanparlavoixdePatrick.

–Jet’interdisdefaireça,Abbygaël.

Avantdemeréinstalleràmaplace,jemurmurediscrètementàl’oreilledeBradley:

–Onvas’ensortir,jetelepromets !

C’estunefoisdevantlaportedemachambrequePatrickmelâchelamain.

–Monange,jesuissiheureuxquetusoisderetour.J’espèrequetupartagesmonenthousiasme.

Jegardelatêtebasseetnerépondspas,nesouhaitantqu’uneseulechose:qu’ilmelaisseretournerrapidementdansmachambre.

Desamain,ilm’obligeàleverlementon.Nosregardssecroisent.

–J’aidit:j’espèrequetupartagesmonenthousiasme !

–Oui…soufflé-jepourl’apaiser,alorsquemaconsciencehurlelecontrairedansmatête.Patrick ?

–Oui,monange ?merépond-ilenmecaressantlajoue.

–S’ilvousplaît,laissezBradleyendehorsdenotrehistoire.Jesuislà,avecvous,jenepartiraiplus,j’aicomprisquemaplaceétaitàvoscôtés.

Ilfermelesyeuxetpenchesonvisageverslemien.Instinctivement,jefaisunpasenarrière.Lorsqu’ilrouvresesyeux,safureurestpalpable.

Ilfautquej’arriveàl’apaiser…

Jeneleluilaissepasletempsdecommencersaphrasequejemeruesursabouche.

D’abordinterloqué,ilouvregrandlesyeuxpourensuitelesrefermerafindesavourerl’instant.Iltented’insérersalangueentremeslèvres,maisjenelelaissepasfaire.

JesursauteenvoyantSuzannousfixerprèsdesescaliers.Lorsqu’ellecroisemonregard,elles’éloigneversuneportequidoitêtrecelledesachambre.

J’espèrequ’ellenecroitpasquejeressensquoiquecesoitpourPatrick.

Jem’écartedelui.

–Bonnenuit,Patrick.

Jeluitourneledos,ouvrelaporteetm’engouffredanslachambre.Jel’entendsrépondreàtraverslaporte:

–Bonnenuit,monange.

Monplanesttrèssimple:jevaisattendred’êtresûrequetoutlemondedormeetj’iraiàlarecherchedeBradleydanslamaison.Jecommenceraiparlesoigneraveclesquelquesmédicamentsquej’airéussiàdégoterdans«ma»salledebain.J’aienrouléletoutdansunpullprovenantde«ma»garde-robe.

Jevaisaussi tenterd’entrerencontactavecSuzan.Lapauvre,elledoitsesentir tellementseule.Ennous voyant, elle a dû se dire que nous étions sa chance de retrouver sa vie d’avant. Quand je l’airegardée,au-delàdelaressemblancephysique,jemesuisvuemoi,ilyaquelquesannées,pétrifiéedepeur,medemandantcequej’avaisfaitpourméritermonsort.Avanttoutechose,ilfautquejem’assurequemonfauxbaiserabienportésesfruitsettrompéPatrick.Pourenavoirlecœurnet,jeposemamainsurlapoignéedelaporteetl’abaisselentement…

Bingo !

Ilnem’apasenfermée !

Jepatientedoncenaffinantmonplandansmatête.

Jedescendslesescalierssansfairedebruit.Lesalonestuniquementéclairéparlefaibleéclatdelalune.Avecunsoulagementmêlédetristesse,jeconstatequeBradleyn’apasbougéd’unpoil.Unefoisàsahauteur,jeluitouchelebras,ilsursauteetgrimacededouleur.

–Abbygaël…

–OhBradley,maisqu’est-cequ’ilt’afait…

Deslarmess’écoulentdemesyeuxsansquejepuisselesretenir,faceàunBradleymeurtri.

–Ceconnardn’yestpasallédemainmorte.

Jepassemonbrasautourdesataillepourl’aideràselever.Ilessaietantbienquemaldesemettredebout,maisils’écrouleaussitôt.

–Jenevaispaspouvoirallerbienloin…Jecroisbienqu’ilm’acassélajambe…

Ilm’observeetmedit:

–Dieusoitloué,ilnet’arienfait.

–Non…Maistoi…

–Écoute-moiattentivement.Tuvasallerchercherdel’aide.

–Jenepartiraipassanstoi,luiaffirmé-jeentredeuxsanglots…Toutçaestarrivéparmafaute.

–Arrête !Tun’asrienfait,c’estluilemalade !

–Brad,je…

Jesuis soudainaveugléepar la lumière.Patrick se tient sur lepasde laporte,unearmeà lamain,Suzanderrièrelui.

–Tiens,tiens…Net’avais-jepasinterditdet’approcherdelui ?Tun’aspasrespectémesordres,monange.Mapatienceadeslimites…Tuviensdesignerl’arrêtdemortdetonami.

Unedétonationretentit.

–NOOOOON !!

Chapitre31-Julia

–MonsieurGrant,c’estunplaisirdevousrevoir.

–Plaisirpartagé,Julia.J’aiapprisparunconfrèrequevousétiezdevenueuneexcellenteavocate.

–Jen’iraispasjusque-là,maisjesuisravied’entendrequemontravailestapprécié.

–Jedoisavouerquevosincessantesquestionsdurantmescoursmemanquent.

–Oh!vousditesçamaintenant,maissurlemoment,vousn’étiezpastoujoursemballé,letaquiné-je.

Nousnousmettonsàrireàl’évocationdecessouvenirs.JeparcoursduregardlasallepourtrouverAbbygaël.Jelavoisengrandeconversationaveccequiressembledeloinàunprofesseur.

Cheveuxchâtainfoncé,légèrementgrisonnantsurlestempes,ildépassed’aumoinsunetêteAbby.Vêtud’uncostumemarronassezaustère,sacravatejaunemoutarden’arrangerienàl’ensemble.Vulafinessede ses traits, et son goût très douteux pour lamode, il n’y a aucune équivoque sur son interlocuteur :monsieurPatterson.Jemesouviensdeluicommesic’étaithier.SelonAbbygaël,ilressemblaitcommedeux gouttes d’eau à Colin Firth dans le film Bridget Jones, style vestimentaire compris ! Déjà àl’époque,jen’étaispasd’accord.Aveclesannées,jenechangepasd’avis:ilestbienplusvieuxetplusmince !

Mevoilàrassurée,Abbyestenbonnecompagnie.

–Quicherchez-vous ?medemandeleprofesseurGrant.

–Veuillezm’excuser, jesuisvenueavecAbbygaëlClare,et jevoulaism’assurerqu’ellen’étaitpasseule.

– Ah, mais oui, bien sûr, les inséparables. Comment va-t-elle depuis cette abominable histoired’enlèvement ?

–Elleareprisledessus,ellevitàManhattanàprésent.

–Jesuisheureuxpourelle,ellelemériteamplement.

Nouscontinuonsdebavarderdetoutetderien.Jenevoispasletempspasser.Cen’estquelorsqueMattsejointànousquejeconsulteenfinmamontre.

Uneheure,nousavonspasséuneheureàpapoter !

–Tun’auraispasvuAbbygaël ?medemandeMatt.

–Ladernièrefoisquejel’aiaperçue,ellediscutaitavecleprofesseurPatterson.

–J’aidéjàfaitletourdelasalledeuxfois,etaucunetrace,nideBradley,nid’Abby.

Moncœurfaitunraté,jedoism’inquiéterpourrien,mais…

–Sivouslesouhaitez,nouspouvonsnoussépareretleschercher,proposegentimentmonsieurGrant.

–Oui,c’estaimableàvous.

–C’estbiennormal.

Auboutdequinzeminutes,nousnousretrouvonsprèsdelasortie.Lamusiqueestassourdissante,noussommesobligésdehurlerpournousfaireentendredanscevacarme.

–Jen’aivupersonneetAbbygaëlnerépondpasautéléphone,leurcrié-jeenmerapprochantdeleursoreilles.

– Je viens du parking. La voiture de monsieur Patterson n’est plus là, et il ne répond pas à sontéléphonenonplus,hurlemonsieurGrant.

–J’essaieunedernièrefoisd’appelerAbby.

Auboutd’unesonnerie,jetombesurunevoixquejeneconnaispas.J’entendslamusiqueàtraverslecombiné. Je me retourne et repère à proximité deux jeunes avec un téléphone. Je reconnaisimmédiatementlacoquerosed’Abby.

Jemeprécipiteverseux.Jesaisiscelui-cidelamaindujeuneblondinet.

–Oùavez-voustrouvécetéléphone ?luihurlé-je.

–Eh!oh!calmez-vous !C’estDanquil’atrouvédanslapoubellelà-bas.

JelanceunregardpaniquéàMatt.

–Neperdonspasuneminute.Julia,appellelapolicetoutdesuite,ordonneMatt,quelquechosenevapas.

–OhmonDieu…Abby !

Devantmadétresse,leprofesseurposesamainsurmonbras.

–Julia,nousallonslaretrouver,jevouslepromets.

Lapolicemetunebonnedizainedeminutesàarriver.

MattetmonsieurGrantsechargentdefaireuntopodelasituationàl’inspecteurMarlon.Celui-cimedemande d’appeler les parents d’Abbygaël pour écarter l’hypothèse peu crédible selon laquelle elleseraitrentréesecouchersansnousavertir.J’essaietantbienquemaldecacheràsamèremonangoisse,maiscelle-cin’estpasdupe.L’inspecteurreprendl’appelenluifaisantpromettrederesterchezelleaucasoùsafilleetsonamireviendraientousilesravisseurstentaientd’entrerencontactaveceux.

Quelquessecondesaprèsavoirraccroché,jereçoisunmessage:

«Julia,

Jet’ensupplie,appellemoidèsquetuensaisdavantage.C’estunetragédie !»

Jeluiréponds:

«Jeanne,

Nousallonstoutfairepourvouslaramenersaineetsauve,jevouslepromets !»

Après cequime semble êtreuneéternité, nouspartons tous endirectiondu logementduprofesseurPatterson.

Notreseulepisteestunejeuneétudiantequiauraitvuleprofesseurquitterlasoiréeavecunefemmequicorrespondàladescriptiond’Abbygaël.

C’est en abusant dema fonction que je force lamain de l’inspecteur pour qu’il nous autorise à lessuivre.

Lamaisonsemblevide,undeséquipiersenfaitletour.Aprèsdeuxminutesquienparaissentdix,jedis àMatt dem’attendre dans la voiture et décide d’aller rejoindre l’inspecteur toujours posté sur leporche.

–Vousn’avezrienàfairelà,mademoiselleDavenport,m’annoncecelui-ci.

–Inspecteur,l’heuretourne…

–Jesaisbien,maisnousnepouvonspasentrersansunmandatd’arrêt,vousconnaissezlesrègles.

–Marlon !

Lavoixdesoncoéquipiernousparvientdel’arrièredelamaison.

–Allonsvoir,m’écrié-jesanshésiter.

–Restezderrièremoi,c’estbienclairmademoiselleDavenport ?

Arrivéeàlahauteurdupolicier,jepousseuncrid’effroi.L’odeurquis’échappedeladépendanceestnauséabonde,jesuisàdeuxdoigtsdevomir.

–Uncorps !Appelezdurenfort !

–Oui,inspecteur.

Une fois les renforts sur place, ils ne mettent pas longtemps à faire le tour de la maison et à enressortir.Jerejoinsànouveaul’inspecteurMarlon.

–Alors ?

–Nousavonsinspectélamaisonetnousavonsfaitunesinistredécouverte,enplusducorpsdecettepauvrefemme.MonsieurPattersonfaitunevéritableobsessionsurvotreamie,entreautres.

–Commentça ?luidemandé-jedécontenancée.

–Ehbien,danssachambre,ilyaunmurcouvertdephotosd’Abbygaël.Etdedeuxautresfemmes.

Horrifiée,jemetsmamainsurmabouche,etmemetsàpleurer.Matt,quim’arejointe,meserredanssesbras.

–Quantaucadavretrouvédansladépendance,toutporteàcroirequec’estceluidesamère.

–Quellehorreur !

–Inspecteur !criel’undespoliciersàsonencontre.NousavonsréussiàgéolocaliserleportabledemonsieurO’Connell.Ilseraitàunedizainedekilomètresd’ici.

– Nous avons aussi trouvé des factures d’électricité et d’eau, concernant un logement près d’ici,égalementaunomdemonsieurPatterson,ajouteunsecond.

– Il y a de fortes chances que nous les trouvions là-bas. Je veux du renfort, allons-y, achèvel’inspecteur.

Dans lavoiture,nous faisons le trajetdansun silencepesant. Jen’aipas la forcedeparler àMatt.Deuxfois,voilàlaseulechoseàlaquellejepense.Nousvivonspourladeuxièmefoiscetteépouvantablehistoire.Leschémaserépète.

Nousarrivonsàproximitédecequiressembleàunevieilleferme.Àtraverslabaievitrée,jevoisdelalumière.Lecalmerègne.Jesuispersuadéequ’ilssontici.

Chapitre32-Bradley

Ladétonationrésonneencoreàmesoreilles.Laballen’estpaspasséeloin.Elleaentoutcasatteintlebutescompté,quin’étaitpasdemetuer:Abbyestterrorisée.

Jemesens fatiguéet faible, chaqueparcelledemoncorpsestdouloureuse, commesides lamesderasoirmetailladaientdetoutespartsdèsquejefaislemoindremouvement.

Laseulechoseàlaquellejepense,c’estàAbbygaël,deboutàcôtédemoi.

–Jeferaitoutcequevousvoudrez,l’implore-t-elleenpleurant.

–Tum’asdésobéi,aboie-t-il.

–Jenepouvaispaslelaisserseviderdesonsangsansrienfaire,sanglote-t-elle.

Il fautque j’essaiedememettredebout. Jedois laprotéger, pour lepeude tempsqu’ilme reste àvivre.

La dernière chose dont jeme souviens avant deme réveiller ici, c’est d’avoir reçu un appel d’unnuméroinconnuàlasoirée.

–Allô ?

–AbbygaëlClarecourtungravedanger.

Lavoixàl’autreboutdelaligneétaitdéformée.

–Jevousdemandepardon ?Quiestàl’appareil ?

–AbbygaëlClarecourtungravedanger,répètelavoix.

–Sic’estuneplaisanterie,jenelatrouvepasdrôledutout.

–Celan’enestpasune…

–Quivousadonnémonnuméro ?

–Votreassistante...

Étrange !

Celle-ci a pour consigne de ne jamais communiquer mon numéro de portable.Qu’est-ce qu’il sepasse ?

–Quiêtes-vous ?

Aucuneréponse...

–Jevouspréviens,çanem’amusepasdutout,jevaisraccrocheretappelertoutdesuitelapolice.

–Jevousdéconseilledelefaire,sivousnevoulezpasavoirlamortd’Abbygaëlsurlaconscience,monsieurO’Connell !

–Dites-moicequevousmevoulez !

–Jeveuxquevoussortiezparlaporteprincipale,jeresteenligne.

En traversant lapièce, jecroise le regarddeJulia.Je lui fais lesgrosyeux,pour tenterde lui fairecomprendrequ’ilyaquelquechosequicloche.Ellemesouritetseretourne.

OK !Ellenemeseradoncd’aucuneaide !Merde !

–J’ysuis.Etmaintenant ?

–EnvoyezunmessageàAbbygaëlenluiindiquantquevousdevezpartirurgemment.

J’écrisrapidementlemessageenpensantàAbbygaël…

Queva-t-ellepenser ?

–C’estfait,etmaintenant ?

–Dormezbien !

–Pardon ?

Jen’aipasletempsdemeretournerquejereçoisungrandcoupsurlatêteavecunobjetdurcommedelapierre.

Puistoutdevientnoiretjetombe.

Quandjemesuisréveillé,lapremièrechosequej’aientendue,c’est:

–Admirezledécorquiseralelieudevotremort,monsieurO’Connell.

J’aimisquelquessecondesàreconnaîtreleprofesseurqu’Abbygaëlm’avaitprésentéunpeuplustôt.

J’avaislesmainslibres,j’aidoncvoulumontreràceconnardàquiilavaitaffaire,maisilm’amenacéavecunearmeetm’aligoté.Ilm’ainjectéunproduitetànouveau,j’aiétéplongédanslenoircomplet.

IlavaitensuiteprofitédemoninconsciencepourmemettreK.O.

Quellâche !

Àmonsecondréveil,j’aientenduunevoixdefille.J’aiimmédiatementpenséàAbbygaël,avantdemerendrecomptequecettevoixnasillarden’étaitpaslasienne.

–Patrick,nousn’avonspasbesoind’ellepourêtreheureux.

–Qu’est-cequeturacontes ?Abbygaëlasaplaceparminous.

–Jen’aijamaisessayédem’échapper,contrairementàelle.

–Tuviscommeuneprincesseici.Ilnet’arriveraplusrien,carjesuislàpourteprotéger.

–Etjevousenseraitoujoursreconnaissante,luirépond-elleenentourantsoncoudesesbras.

Autonobséquieuxdesavoix,j’endéduisqu’iladûlobotomisercettepauvrefille...

Patrickserapproched’elleetl’enlaceparlataille.

–Tuesunebonnepetite.D’ailleurs,jetel’aiassezmontré,non ?

–Jetrouvequevouspourriezmelemontrerplussouvent,minaude-t-elle.

Lesvoilà en trainde s’embrasser. Je suis confus, çadoit être ladrogue. Ils sont combien ici ?QuevientfaireAbbygaëldanscettehistoire,s’ilestaveccettefille ?

Sansfaireexprès,jebougeetmachaiserâpecontrelesol.Ilsseretournenttouslesdeuxversmoi.

–Queva-t-onfairedelui,monsieur ?

–Letuer.

Ilabalancéçasanssourciller,commeuneévidence.

–Est-cevraimentnécessaire ?

–Mettrais-tuendoutemonplan ?

–Non,mais…

– Je t’ai fait la promesse de te protéger, mais si tu oses encore une fois remettre mes paroles encause…

–Jevousdemandepardon,monsieur,

Ilpasseunemaindanssescheveux.

–Bonnepetite.

Elleronronnecommeunchat.

–Vavérifiersesliensetreviensici,s’ilteplaît.

–Oui,monsieur.

Desrelentsdeparfumdecuirmemontentaunezquandellesepenchesurmoi.Uneenviedevomirs’empare alors de moi. Pour ne pas arranger les choses, elle s’approche encore plus de moi, et memurmureàl’oreille:

–Jesuissincèrementdésoléepourvous.Vousdevriezremerciercettegarced’Abbygaël,c’estàcaused’ellesivousêteslà…

–Jevouspréviens,sivoustouchezneserait-cequ’unseuldesescheveux…

–Neluiadressepaslaparole,veux-tu ?

Commeunbonpetitchien,elleseredresseaussitôt,etcourtretrouversonmaître.

–Fais-moiplaisir,vavoirsielleseréveille.Jen’aimeraispasquenoussoyonsenretardsurnotreprogramme,madouce…

–Patrick !Jevousensupplie,iln’yestpourrien.Iln’arienfait !crieAbby,quis’estplacéedevantmoi,àlasuiteducoupdefeu.

–Rienfait ?

LevisagedePatrickestrévulséd’horreur.Ilpoursuit:

– J’ai senti ta peau imprégnée de son odeur quand je t’ai reprise. Cela m’a rendu fou… Ta sidélicieuseodeurvanillée,mélangéeàdupiment...

–Mais…

–IlestdeTROP !

Ilahurlécederniermot.Ilestcommepossédé,mais,laseconded’après,lecalmereprendlecontrôledesoncorps,etc’esttoutnaturellementqu’ilpoursuit:

–C’estunparasite,etcommetoutparasite,ilfautl’exterminer.

Surlemêmetontranquille,Abbygaëlprendlaparole:

–Ceseraitunparasites’ilreprésentaitréellementquelquechosepourmoi.

Quoi ?Maisqu’est-cequ’elleraconte ?

Elle s’éloignedemoi, lesmains levées,etvaà la rencontredePatrick.Àsahauteur,elleposesesmainssursontorse.

Jenepeuxpaslalaissersejeterdanslagueuleduloupcommeça.

–Patrick,s’ilteplaît,ilnereprésenterienpourmoi.Neperdonspasdetempsaveclui,alorsqu’onpourraitsibiens’amusertouslesdeux.

–Mais…maisjenecomprendspas…bégaiePatrick,sceptique.

–Ilm’adraguéàlasortiedurestaurantoùjetravaille.Jemesentaisperduedanscettegrandevilleet,dans un moment de solitude, je me suis dit pourquoi ne pas me donner à lui ? Mais si j’avais euconnaissancedevos sentiments,Patrick, jevous assureque jamais jeneme serais laissée aller de lasorte !Jen’aipasd’aveniraveclui,etjeneleveuxpasd’ailleurs,vouspouvezmecroiresurparole.Ilest beaucoup trop instable. Je nevais pas attendrequ’ilme larguedu jour au lendemain. Il n’a aucunrespectenverslesfemmes.Cenesontpourluiquedesobjets,qu’ilbaiseetjetteensuite.

Jenepeuxpascroirecequej’entends.Jesuissûrqu’elleditcelapourmeprotéger,maissontonestsidur,queledoutes’insinueenmoimalgrétout.

J’utiliselesdernierseffortsqu’ilmerestepourriposter,j’aibesoindesavoir.

–Abbygaël ?Je...

Ellesetourneversmoi.

Sonregard…Jem’attendaisàcequ’ellemente,maisceregardnetrompepas.

Jesaisqu’ellen’éprouverienpourcePatrick,qu’ellechercheàtrouverunmoyendefuir,maismêmesi elle les dit pour me protéger, elle pense vraiment tous les mots qu’elle vient de prononcer meconcernant.

–Bradley,sincèremententrenous,cen’étaitquephysique,tunecroyaisquandmêmepasque…lance-t-elleàmonattentionsanssourciller.Jesuisdésoléesijet’ailaissécroirequoiquecesoit…Maislaréalitéestquejenet’aimepas…

Je sens enmoi quelque chose se briser. Cette douleur quime comprime le cœur est cent fois plusintensequecellequitorturemajambeoumescôtescassées.

Touscesmomentspartagés…DanslejardindesPalmer.Jem’ensouvienscommesic’étaithier…Notrepremierbaiser.Jesensencorelegoûtdeseslèvreschaudessurlesmiennes…Leregardqu’ellem’alancé,chargédedoucespromesses,quandnousétionsàCentralPark…L’opéra…Nosétreintesdansmachambred’hôtel…Etpuisl’aquarium.Ellem’avaitvraimentsurpriscejour-là.Sijem’étaisattenduàpartagerunetelleexpérienceavecelle!Onnesedonnepasautantdemalpourquelqu’unpourquionneressentrien,bonsang !

Aufond,jesaismaintenantquetoutcequemoijeressentais,c’étaitdel’amour.

Lasimpleidéed’ouvrirlaportedechezmoietdelavoirderrièremerendaitfou.J’avaisunesoifinsatiabled’elle.C’estlapremièrefoisquej’envisageaisavecplaisirdemeréveillerauxcôtésd’unefemme.Etquel’idéequecesoitchaquejourcommeçanemerebutaitpas,bienaucontraire.

Sionm’avaitditquecelas’arrêteraitdecettefaçon,j’enauraisprofitébienplus.

Ellevientd’anéantirtousmesespoirsenquatremotsquiserépètentenboucledepuisqu’ellelesaprononcés:JENET’AIMEPAS.

Je ne devrais pas être étonné, les femmes sont toutes les mêmes. Pourquoi Abbygaël serait uneexception…monexception.

Jem’étaispourtantpromisquejenelaisseraisplusaucunefemmem’atteindreaprèsSerena.MaisAbbygaël…Cen’étaitpasn’importequellefemme.

Quand elle est venue tout à l’heure pour me secourir, je me suis juré que j’allais lui dire lesquelquesmotsquichangeraientlecoursdenosvies,maisforceestdeconstaterquemessentimentsnesontpaspartagés.Malgrétout,ilfautquej’arriveànoussortirdelà,carjenepeuxmerésoudreàlaperdreentrelesbrasdecemonstre.Jeneveuxquesonbonheur,mêmesielledoitlepartageravecunautrequemoi.

–Pourquoiavoirversédeslarmestoutàl’heuremonange,situnel’aimespas ?

–S’ilyabienunechosequ’il fautsavoirsurmoi,c’estque jedéteste laviolencegratuite.Sivousm’aviezquestionnéavantdelebattre,vousauriezsuqu’iln’envalaitpaslapeine.

Lesmotsqu’elleprononcesontplusdouloureuxquelesblessureselles-mêmes.

Patrick semble sous le choc, s’il s’attendait à ce retournement de situation. Abby s’avère être uneexcellentecomédienne,entémoignentlesquelquessemainesquiviennentdes’écouler…

–Patrick,j’aimeraisquel’ons’isoletouslesdeuxunpetitinstant.

Elle luisaisit lebraset l’entraînevers lacuisine.Jeresteseulavec l’autrefille.LorsqueAbbygaëlrevient,elletienttoujoursPatrick,parlebras,dansungesteplusintime.

Ques’est-ilpassédanscettecuisine ?

Auvudesonregardnoirteintéd’angoisse,jesensqu’ellelutteintérieurementpournepasexploser.Unebombeàretardement.

–Patrick,jesaisqu’ilesttard,maisquedirais-tudeprendreunthé ?

C’estuncauchemar…J’aimal…jesensquejenevaispastarderàm’évanouir.

–Excellenteidée.Suzan,vanousfaireduthé.

Décontenancée,celle-ciseraiditautonimpérieuxdesonordre.

Ils s’installent face àmoi. Patrick pose son arme sur la table, trop absorbé par le regard enfiévréd’Abby.

Monesprit étantencore trouble, jenesuispas sûrdecomprendre la scènequi sedéroule sousmesyeux.Touts’enchaînetrèsrapidement.

Abbygaëls’empareprécipitammentdel’armedePatricketselève.Tropoccupéàdévorerlapoitrined’Abbydesyeux,Patrick réagit avecun tempsde retard.Elle lemeten joue, tremblotante.Une larmes’échappede ses yeux, sonvisage est rougi par l’adrénaline.Pourtant, son regarddéterminéne laisseaucuneplaceaudoute:aumoindrefauxpas,ilestmort.

–NevousapprochezpasPatrick,sinonjetire.

–Tuneferaisjamaisça,tuescontrelaviolencegratuite,tuterappelles ?

Patrickselèvedesachaiseettendunemainversl’arme.

–Unpasdeplusetjetire,s’égosille-t-elle.

Onentendalorsunbruitenprovenancedelapièced’àcôté.Abbygaël,déstabilisée,jetteunbrefcoupd’œilverslaportedelacuisine.Bref,certes,maisc’estsuffisantpourquePatrickplongesurellepouressayerdeladésarmer.C’estlàquelepremiercoupdefeuéclate.

Abbygaël ?Patrick ?

Jenevoisrien.

Suzanentredanslapièce,complètementaffolée.

–C’estfini,lanceAbbyàsonattention,ilestmort.Onvapouvoirs’enfuird’ici,toutvas’arranger.

EnmêmetempsquePatricks’écroule,j’entendslebruitdumétaldel’armesurlesol.

Suzan s’accroupit près du cadavre de Patrick, le visage déformé par l’émotion.Discrètement, je lavoistendresamainversl’arme.

Non !Non !Abby !Ellevasefairetuer !Jeveuxlaprévenir,maisaucunsonnesortdemabouche.

Lascènesejouetrèsvite:enunmillièmedeseconde,Suzans’estemparéedel’arme,s’estredresséeetmenacemaintenantAbbygaël.

Enproieàl’incompréhension,cettedernièreregardealternativementSuzan,puislerevolverdanssamain.Ellessetoisentdansunsilencedemort,pendantcequimesembledurerdesheures,puistoutsepasse très vite. Abbygaël est la première à bouger. Elle se rue sur Suzan… Elles tombent à terre,j’entendsAbbygaëlpousseruncridedouleur.

Lesecondcoupretentit…Jehurle...

Mapoitrinemebrûle…

Jefixelepointd’impact.Ilestcouvertd’unliquiderougeâtre…

Monsang.

Lachaisevacille,jemesenstomber...

–BRADLEY !NOON !!!

Dessirènes…

Untroisièmecoup…

Jem’écroulesurlesol…suffoquantdedouleur...

Abbygaëlsejettesurmoi.Ellemesecoueenhurlant:

–Àl’aide !!!Ausecours !

Elleregardeautourd’elleaffolée.

–Bradley…Jet’ensupplie,resteavecmoi !

Sonvisageestbaignédelarmes.

J’entendsquel’ons’affaireautourdenous,jevoisunhommeencostumebleuprendreAbbygaëldanssesbraspouressayerdelafairereculer.

–Abby,laisselesfaire,ilsvonts’occuperdelui.

Matt ?

Etc’estlenoircomplet…

Chapitre33-Abbygaël

Jemedemandecequej’aibienpufairepourméritertoutça.Jecommençaisenfinàmedirequelesténèbresétaientderrièremoi,etledestinm’arappeléeàl’ordre...

Jen’entendsquelessirèneshurlantesdel’ambulanceetnevoisquelevisageinconscientdeBradley.Undesambulanciersarrachesachemisemaculéedesang,unautreluienfonceuneaiguilledanslebras…Il ne réagit pas. Je m’accroche au rythme cyclique du monitoring. Je fixe les oscillations et je prieintérieurementpourqueBrads’ensorte.

Sijamaisilmourait…Toutseraitentièrementdemafaute.Jenem’enremettraisjamais.

JetiensfermementlamainchaudedeBradley,etcecontactm’empêchedemelaisseraller.Jedoisêtrefortepournousdeux.

C’estlavoixd’undesambulanciersquimesortdematorpeur.

–Mademoiselle…MademoiselleClare,c’estbiencela ?Commentest-cequevousvoussentez ?

–Çava…Enfinjecrois…

Jeluiposelaquestionquimebrûleleslèvres:

–Est-cequ’ilvas’ensortir ?

–Jepréfèrehonnêteavecvous…Ilaperdubeaucoupdesang.Nousallonstoutfairepourqu’ils’ensorte,mademoiselle.

Je respire au ralenti… J’ai l’impression que si j’arrête de fixer le monitoring, il va s’arrêterspontanément,anéantissantaupassage tousmesespoirs, toutceque j’aisecrètementenvisagédevivreavecBradley.

L’ambulance stoppe brutalement et les portes s’ouvrent, laissant apparaître des personnes vêtues deblanc.

L’ambulanciercrielesinformations:

–Hommede33ans,deuxplaiesparballe,constantesstables.Ilaperdubeaucoupdesang.

Malgré lesdouleurs, jene lâchepas lamaindeBradley. Je suis lebrancard jusqu’à l’entréed’unesalledanslaquelleplusieursmédecinsetinfirmièress’affairentdéjà.L’und’entreeuxsetourneversmoi.

–Vousnepouvezpasallerplusloin,madame,jesuisdésolé.

–Non...Non…Jeveuxresteraveclui !Jevousensupplie...

–Abbygaël...

LavoixdeMattrésonnederrièremoi.Ilposesesmainssurmesépaules,m’obligeant,doucement,maisfermement,àlesuivre.

–Abbygaël,laisse-lesfaireleurboulot.Ilsvontbiens’occuperdelui,net’inquiètepas.

JevoiscesinconnusenblouseblanchedéplacerlecorpsinertedeBrad…Lesportesdelasallesereferment.

Mondieu,j’aipeur…

–Vienst’asseoiravecmoi,Abby.Tunepeuxrienfaired’ici…Tutrembles…

Jemelaissesubmergerparunocéandelarmes.

–Non,jerestelà…Jenepeuxpasl’abandonner,Matt...

–Onvas’installerlà,justeàcôté,insiste-t-ilendésignantlesdeuxchaisessituéesfaceàlasalle.Jemesuisrenseignéenarrivant,lemédecinurgentistequiestavecBradleyestlemeilleurquejeconnaisse.Ilestentredebonnesmains,jepeuxtelepromettre.

–Matt…j’aipeur…Etsi…

–Non,Abby,jet’arrêtetoutdesuite.

–Jel’aime…

Jesuissecouéedespasmes,leflotdelarmesredouble.

C’estàcemoment-làquejevoismesparents,accompagnésdeJulia,apparaîtreaufondducouloir.

Enmevoyant,cettedernièresemetàcouriretmeserrefortdanssesbras,aussitôtimitéeparmamèrequin’enfinitpasdepleurer.

–Bradleyest…

Ladouleurm’oppressetellementquejen’arrivepasàm’exprimer.

–Calme-toiAbby,jesuissûrqu’ilestplusfortquetunecrois.

–Ilesttellementmalenpoint…Je…

Jen’aipas le tempsde finirmaphraseque jevois troisblousesblanchesentrerencourantdans lasalleavecunchariotderéanimation.

Jemeprécipiteàleursuite,maislaportedelasalleserefermedevantmonnez,avantquejen’aieeuletempsd’apercevoirquoiquecesoit.Lesoncontinudumonitoring,lui,jel’entendstrèsdistinctement.Celuiqu’onentenddanslesfilms,etquepersonnen’aenvied’entendredanssaréalité.Celuiquetoutlemonderedoute,celuiquiindiquequelecœurnebatplus…

Jeperdspied.Letempssefige,plusrienautourdemoinesemeut.Touslessonsquiarriventàmesoreillessontétouffés.Moncœurseserre.Jenesaispassilesangquicouleenmoimebrûleoumeglace,maiscequiest sûr,c’estque ladouleurquim’envahitest insupportable. Jesenspeuàpeumonpoulsralentir…Cequejevisnepeutpasêtreréel.C’estuncauchemar,ilfautquejemeréveille.

LamainqueposeJuliasurmonbrasmesortdemes tourments,etmereplongebrusquementdans laréalité.Ànouveau, lesonstridentetcontinude lamachineemplitmesoreilles.Lesconcepteursdecesystème, souventannonciateurde simauvaisesnouvelles, auraientaumoinspu ladoterd’unemusiqueplusdouce.

Étranges,lespenséesquipeuventt’envahirl’espritquandtucherchesàéchapperauprésent…

L’hommequej’aimeestentraindemourir.Àboutdesouffle,jehurle:

–NOOOON…

J’entendslemédecincrier:

–Onleperd,injectez-luitroismilligrammesd’adrénaline !

L’activitébatsonpleinderrièrelaporte:

–1…2…3,ondégage !

Lesonémisparlemonitoringesttoujourscontinu…

–Àmonsignal,ondégageànouveau.1…2…3 !

Aprèsquelquesinterminablessecondes,l’oscillationreprendsoudain.

Quelquesminutes plus tard, tous sortent de la salle, emportantBrad vers le bloc opératoire. J’ai àpeineletempsdeluilancerundernierregardqu’ildisparaîtdéjàderrièredeuxgrandesportesbattantes.

Aprèsquelquesheures,l’undeshommesenblouseblanche,lechirurgien,jeprésume,surgit,poussantlesdeuxportesetsedirigeversnous.Sonvisageestimpassible.Ilretiresonmasqueetsacharlotte.

–Bonjourmademoiselle,êtes-vousdelafamilledemonsieurO’Connell ?

–Oui,acquiescé-je,reconnaissantàpeinemavoix,tantelleesttendue.

– Monsieur O’Connell a subi de graves blessures. Nous sommes parvenus à faire cesser lessaignements.Lesdeuxballesqu’onluiatiréesdessusnel’ontpastraversé,maisnousavonsréussiàleslocaliseretàlesluiretirer.Parchance,aucunedesdeuxn’atouchéd’organevital.Sonpronosticvitaln’estpourlemomentplusengagé,maisildoitencoresubirplusieursinterventionschirurgicales.Surtout,ilvaavoirbesoindebeaucoupderepos.

–Quandestcequejepourrailevoir ?

– Après les opérations, nous l’installerons en salle de réveil. Dès qu’il sera réveillé, nous letransféreronsdanssachambre.Vouspourrezlevoiràcemoment-là.Certainementd’icidemainmatin.

Avantque ledocteurneme tourne ledos, je luiagrippe lebraset le remercie. Ilmerépondparunsourire.

Jemejettedanslesbrasdemamèreettoutel’angoissequim’habitaitjusqu’alorsmequittedoucement.Jepleure,encoreetencore.

Ellemefaitasseoirsurl’unedeschaisesetmeproposedeboireuncafé.Mevoyanttoutetremblante,ellemeprometdenepasresterloin.

JuliaetMatts’installentdepartetd’autredemoi.

–Commentlapoliceafaitpournoustrouver ?m’enquiers-je.

– Lorsque je me suis aperçue que toi et Bradley aviez disparu, je me suis dit que quelque choseclochait,merépondJulia.AvecMattetmonsieurGrant,nousnoussommesmisàvotrerecherche.Mattesttombésurquelqu’unquinousaditt’avoirvupartiravecPatterson.Grantaessayédelejoindresurson portable, sans succès. Nous avons décidé d’appeler la police, et vu ton passé, ta disparition aimmédiatementétépriseausérieux.NousnoussommestousrendusaudomiciledePattersonetc’estlàqu’onadécouvert…

–Julia,cen’estpeut-êtrepaslemomentpourlesdétailsmorbides,tunecroispas ?l’interromptMatt.

Juliahochelatête.

–Tuasraison.

–Nontuastort,jeveuxsavoirpourquoicetaréenaeuaprèsmoi…réclamé-jedansunsanglot.

–Tuessûre ?Carcen’estpasgaidutout.

–Oui,affirmé-jed’unevoixrésolue.

–Ehbien…Lapoliceafrappéàlaporte,maispersonnenerépondait.Certainsontdoncfaitletour.Etc’estlàqu’ilsonttrouvélecadavred’unefemmeendécomposition.

Mondieu,jesuisàdeuxdoigtsdevomir.

– Les renforts arrivés, la fouille a commencé. Dans la chambre de Patrick, ils ont trouvé, cachéederrièreuntableaublanc,unecentainedephotosdetoiàl’époquedulycée…Ilyavaitdesphotosdedeux autres filles aussi. Du coup, la police s’est mise à fouiller un peu partout et ils ont trouvé desdocumentsàsonnom.L’und’euxmentionnaitunemaisondecampagneappartenantàsafamille.L’adresseétaitàtrenteminutes.Nousavonssuivilapolicejusqu’àlaferme.Etlasuite,tulaconnais.

–Quiétaitcettefemmequ’ilsontretrouvéemorte ?

–Samère !Glauque,jetejure…

–MademoiselleClare ?

Jemetourneversunhommeenuniforme.

–Oui,c’estmoi.

–Jemeprésente, jesuis l’inspecteurMarlon.Nousavonsquelquesquestionsàvousposer,pouvez-vousnoussuivre ?

–Vousnepouvezpaslalaisserreprendresesesprits ?intervientmamère.Ellen’atoujourspasvuledocteurpoursablessureaubras.

–Cen’estrienmaman.InspecteurMarlon,voussavezcombiendetempscelavadurer?

– Nous n’avons besoin que de votre déposition. Rassurez-vous, nous pouvons faire ça sur place,commeçavousneserezpasloinsibesoin.

–Bienentendu.

Jemetourneversmesamisetmesparents.

–Jecomptesurvouspourm’avertirs’ilyalemoindrechangement,promis ?

–Biensûr,tupeuxcomptersurnousmachérie,meditmonpèreenmeserrantfortdanssesbras.

Ilmechuchoteàl’oreille:

–JeremercieDieuqu’ilnetesoitrienarrivé.Jet’aimemaprincesse.

Soudain,jemesouviensqu’unepersonneesttoujoursdansleflouconcernantcequ’ilsepasse.

–Julia,peux-tuprévenirSimondelasituations’ilteplaît ?Demandeàparleràl’assistantedeBradleyaucabinet.

–Pasdesouci,jem’enoccupetoutdesuite.

Je suis alors l’inspecteur etmeperdsdansmespensées. Je repense à tout ceque l’on avécu avec

Bradley.J’aitoutfaitpournepastomberamoureusedelui,pourprendredeladistancefaceàlui.Etpuis,toutabasculé,jenesaispasvraimentàquelmoment.Malgrémoi,j’aipeurquecedramenouséloigne.Ilaprisdesballespourmoi.Ilarisquésaviepourmoi.Toutestdemafaute,sijenel’avaispaslaisséentrer dans ma vie, il ne serait pas dans cet état, sur un lit d’hôpital. J’angoisse à l’idée qu’il merepousse,maisjenepourraipasluienvouloirsic’estlecas.Jenepeuxpasleforceràresteravecmoiaprès ce qui est arrivé. C’est décidé, je le laisserai partir, même si je suis convaincue que je neretrouverai jamaisunhommecomme lui,quepersonnenepourraeffacer lamarquequ’il a laissée surmoi.Mêmesijesaisquejeseraianéantie…

–Installez-vous,mademoiselleClare.

Nousprenonsplacedansunbureaudel’hôpitaldépourvudecouleurs,fade.L’inspecteurmedésigneunedesdeuxchaises.

–Souhaitez-vousuncafé ?Unverred’eau,peut-être ?

–Non,rien,merci.Allonsdroitaubut.

–Entendu, c’est commevousvoulez, capitule-t-il en s’installant.Alors, si je comprendsbien, vousconnaissiezbienmonsieurPatterson.

–C’étaitmonprofesseuràlafac.

–Savez-vouscequiapusepasserpourquemonsieurPattersons’intéresseautantàvous ?Avez-vousentretenuunerelation ?

–Biensûrquenon !m’insurgé-je.

Lasimpleidéequececingléposesesmainssurmoimehérisselespoils.

–Pouvez-vousmeracontercedontvousvoussouvenezdelasoirée ?

–Ehbiennousétionstousréunispouralleràlacérémonie.MonsieurO’Connellm’accompagnait.Àunmomentdurantlecocktail,ilareçuunappelets’estéloigné.Iln’estjamaisrevenu,maisilm’aenvoyéun message pour me prévenir qu’il devait s’absenter pour des raisons professionnelles. Je me suisrapidementinquiétée,carçaneluiressemblaitpas.PatrickPattersona,semble-t-il,profitéd’unmomentd’inattentiondemapartpourglisserquelquechosedansmonverre.Jemesuisécrouléequelquesminutesaprès. Jemesuisensuite réveilléeaumêmeendroitqu’ilyadeuxans…Patrickétaitpersuadéque jeressentaislesmêmessentimentsquelui…

–Quid’autreétaitprésentdanslamaison ?

–Ilyavaitcettefille,Suzan,cellequiatirésurBradley,ajouté-jelamâchoireserrée.

–Ques’est-ilpasséensuite ?

– Je me suis efforcée de jouer le jeu de Patrick, de lui faire croire que j’avais effectivement des

sentimentspour lui.C’était leseulmoyendenousprotéger…Celan’afonctionnéqu’un temps, ils’estaperçudusubterfugeetnousamenacésavecsonarme.Ilatiréunefois,pluspournousfairepeurquepourtoucherréellementquelqu’un.J’airedoubléd’effortspourleduper.J’aidit…deschosesaffreusessurBrad…Maisçaafonctionné,j’aiprofitéd’uninstantdedistractiondesapartpourm’emparerdesonarme.Jeluiaitirédessusalorsqu’iltentaitdelarécupérer.

Je sensmes larmes refaire surface : toute l’angoisse et le stress autour de l’état de santé de Bradm’avaientempêchédepenserplus tôtàcettescène,mais là, je réaliseque j’ai tuéunhomme…Aussihorriblesoit-il,j’aiôtélaviedequelqu’un.Jetremblecommeunefeuille.

Marlonposedélicatementsamainsurlamienne.

–Cequevousavezvécun’estpasfacile,mademoiselleClare,maisvousvousensortezbien.

Jeleregardedroitdanslesyeux.

–Jeveuxêtrelàquandilseréveillera,inspecteur.

–Jecomprends.Nousenavonspresquefini.Pouvez-vousm’endireunpeuplussurcetteSuzan ?

–Quandje l’aivupour lapremièrefois, jepensaisque, toutcommemoi,elleavaitétéenlevéeparPatrick.J’étaisàmillelieuesdemedouterqu’elleétaitsacomplice.

Monestomacseretourne,j’aitoutàcoupunegrosseenviedevomir.

– Vous ne pouviez pas savoir, mademoiselle Clare. Vous avez entendu parler du syndrome deStockholm ?

–Vaguement...

–Ehbienjepensequenoussommesfaceàcecas.Suzanadéveloppéunsentimentdeconfianceetdesympathie, voire plus, envers Patterson. Il a réussi à lui faire croire que tout ce qu’il faisait l’étaituniquementpoursonbien,etelleafiniintimementpersuadéequelesagissementsdesonravisseurétaientjustifiés.

–Jeluiaitirédessus…Aprèsquej’aitirésurPatrick,ellearécupérél’armeetnousamenacés,Bradetmoi.Jemesuis jetéesurelle,maisellea tirésurBradley…Dans la lutte, j’ai réussiàatteindre lerevolveretuncoupestparti.

–Ilsembleraitquelecoupquevousluiavezportén’aitpasétéfatal,ellearéussiàprendrelafuite.

–Cequiveutdirequ’ellepourraitressurgiràtoutmomentpoursevenger ?

– J’aiuneéquipe sur le terrainquipasse la forêt aupeigne fin.Ellene s’en sortirapascommeça,surtoutauvudesesblessures.

Nousfinissonsl’interrogatoirequelquesminutesplustard.

Deretourauprèsdemafamille,mamèremeprévientqueBradleyaétéinstalléensallederéveil.

–Tudevraisallertereposer.

–Jenepeuxpas…Jesuissûrequedèsquejevaisfermerlesyeux,jevaisrevivrececauchemar.

–Ilestmort,tentedemerassurermaman.

–Jesais,maissacomplicecourttoujourslesrues.

–Paspourlongtemps,ajoutepapatoutenmecaressantlebras.

J’arriveàtrouverlesommeil,entouréedemesparents.Mêmesurleschaisesinconfortablesdelasalled’attente,jesombredansunsommeilprofond,sansrêves.

C’estl’odeurenivranteducaféquimesortdemoncoma.Àtraverslesstores,lesrayonspuissantsdusoleililluminentlapièce.Jemedemandebienquelleheureilpeutêtre.

–Bradleyaétéinstallédansunechambre,m’informemamèremetendantunmuffinauchocolatetuncafé.

–Pourquoinepasm’avoirréveilléeplustôt ?luidemandé-jeenprenantlegobeletfumant.

–L’infirmièrem’aditqu’ilreprenaitdoucementsesesprits,doncjemesuisditqu’uneheurederepossupplémentaire,pourlui,commepourtoi,neseraitpasplusmal.TunevoudraispasqueBradleytevoiedanscetétattoutdemêmemachérie ?plaisantemamère.

–Tuasraison,maman.Jevaisallerfaireuntourauxtoilettes,histoiredemepasserunpeud’eausurlevisage.

–Tiens,metsça,meditJuliaenmetendantunsac.

Devantmonairinterrogateur,elleajoute:

–Jesuispartieteprendrequelquesvêtementsmabelle,précise-t-elleenmefaisantunclind’œil.

–Merci.

Àpeinechangéeetdébarbouillée, jemedirigevers lachambredeBrad. J’aperçoisau loinSimon,adossé au mur, en train de pianoter sur son téléphone. Dès qu’il me voit, il vient directement à marencontre,etmeserrefortdanssesbras.

–Jenesavaisquetuétaislà.

–J’aiprisunaviondèsquej’aipu.Commentvas-tu ?

–Onfaitaller...Iln’estpasréveillé ?l’interrogé-je.

–Sisi…

JevoisqueSimonestmalàl’aise,sanscomprendrepourquoi.

–Jevaisallerlevoiralors.

Jelecontourne,maisSimonmesaisitlebras.

–AttendsAbbygaël,iln’estpastoutseul.

–L’infirmière ?

–Non,medit-ild’unairembarrassé.

–Quiestàl’intérieuralors ?

Vusonexpression,jecroisquejeconnaislaréponse.

Laportedelachambres’ouvreetc’esteffectivementuneSerenaresplendissantequiensort.

–BonjourAbbygaël.Commentest-cequevousvoussentez ?

Ellenesemblepastrèsàl’aisedeseretrouverainsifaceàmoi.

–Çavaunpeumieux,maintenantquejesaisBradleysainetsauf.

–Àcepropos,jevoudraisjustementvousparler.Seuleàseule,ajoute-t-elleàl’attentiondeSimon.Jesuisdésolée,Bradleym’amissionné,sejustifie-t-elle.

–Oui,biensûr,jeluiréponds,réticente.

Nousnousmettonsunpeuàl’écart.

–Cequej’aiàvousdiren’estpasfacile.Croyez-moi,jenelefaispasdegaietédecœur,maisilm’afaitpromettre…

–Dequois’agit-ilSerena ?lacoupé-jeimpatiemment.

–Commevouslesavez,Bradleyafaillisuccomberàsesblessureshiersoir.Ilm’ademandédevouspasserunmessage.

–Oui,jevousécoute.

Mavoixestenrouéeparl’anxiété.

–Aveccetteagression,ila…besoindeprendredeladistance…

Toutl’aircontenudansmespoumonss’échapped’uncoup,unpoidsmecomprimelacagethoracique.Serenavientdemepousserdubordduprécipiceetdemejetercentmètresplusbas.Lesbattementsdemoncœursontmaintenantirréguliers.

Lemomentquej’appréhendaistantestarrivé,lesonduglasquiannoncelafin.Lafindenotrehistoire.

Nous étions jusqu’à présent dans le même train, puis il y a cet arrêt, celui où Bradley décide dedescendre,demelaissercontinuerletrajettouteseule.Laportièreserefermeetletrainreprendlarouteverssadestination,tandisqueBrad,surlequai,neseretournemêmepaspourmefaireunderniersignedelamain.

Jenepeuxmalheureusementquecomprendresonchoix.Aprèscequ’ilavécuparmafaute,jenepeuxpasluienvouloir.

LavoixdeSerenameparvientdeloinetlesmotsquisortentdesabouchecontinuentàmefairemal.

–Abbygaël…Abbygaël,vousm’entendez ?

Aucunmotnefranchitmeslèvres,jehochesimplementlatêteenguisederéponse.

–Abbygaël,regardez-moi.Ilnevousenveutpas,rassurez-vous !Maisilpensequ’ilseraitmieuxpourvousdeuxdeprendredeladistance.

JemefaisviolencepournepasmelaisserallerdevantSerena.C’estbête,maisjemevoismalpleurerensaprésence,elleetsonéléganttailleurfaitsurmesure.Quandjelaregarde,jetrouvequejefaistache.

–Abbygaël,jesaisexactementcequevousressentez,jel’aivécutrèsrécemment.

Jehocheencorelatête.Sontéléphonesemetàsonner.

–Jesuisdésolée,jedoisvouslaisser.J’aiencorequelquesdétailsàréglerpourletransfertdeBrad.

–Letransfert ?

–Oui,ilsouhaiterentreràNewYorkauplustôt.

Elleposesamainsurmonavant-brasetajouteavantdemetournerledos:

–Boncourageàvous.

Chapitre34-Abbygaël

Commedanstoutesruptures,ilyalaphase«jeréalise».

Chezmoi,elleaduréunesemaine.

J’aifaitcouleruntorrentdelarmesetusédescentainesetdescentainesdemouchoirs.J’aiboudémonmeilleur ami, le café, trop excitant dansmon état, pour le remplacer par d’énormes pots de glace aucaramel. Juliaa réussi,par jene saisquelmiracle, àobtenirànouveauquelques joursdecongépourprendresoindemoi.C’estuniquementgrâceàcelaquemesparentsontacceptéquejeretournechezmoiun peu plus tard.Dès qu’Andrew a appris ce qu’ilm’était arrivé, par l’intermédiaire de Jess, ilm’aappelépourprendredemesnouvellesetsavoircommentj’allais.Sansquejen’entredanslesdétails,nepouvantdécemmentpasluidiretoutelavérité,ilabiensentiquejen’étaispasaumieuxdemaforme.

Ilm’agentimentaccordédeuxsemainesdecongés.

Bref,me voilà aujourd’hui à J+8. Je n’ai eu aucun signe de vie deBradley.Dans les journaux, ilsparlentdelongreposàlasuited’unincident.

Jenedonnepasdeuxsemainesauxjournalistespourentrouverlacause.

J’envisagededéménageretderefairemaviedansuneautreville.

J’ail’impressiondereveniraupointdedépart.

LefaitdepenseràPatrick,bienquejesachequecettefois,ilnepeutplusmefairedemal,medonnelachairdepoule.Monrythmecardiaques’affole,etBradn’estpaslàpourlefaireralentir…

Combiendetempsjevaismettrepouroublier ?

Abbygaël,reprends-toi !

Mavoixintérieurearaison,ilmefautclorelechapitreetenécrireunautre.

EtpourquoinepaslecommencerparunebaladeàCentralPark ?

Ilesttempspourmoitenterunretourparmilacivilisation.Jedécidedeprendreunebonnedouche.Jetroquemonvieuxjoggingdéprimantparunjeannoir,unepairedebasketslégères,unechemisecorailetunpetitgiletGucci.

J’attrapemesclés,ouvrelaporteetpréviensJuliaquejesorsprendrel’air.Ellemeregarded’unaircirconspect.

–Jepensequeçavamefairedubien.Tuveuxquejeterapportequelquechose ?

–Tuessûrequetuneveuxpasquejet’accompagne ?

–C’estgentilma Ju,mais tuasdéjàbienassez faitpourmoi.Profited’unmomentde répit sans tapleurnicheuse préférée, et moi je crois que j’ai besoin de me retrouver seule avec moi-même pourquelquesheures.

–Commetulesens.Detoutefaçon,siçanevapas,tum’appellestoutdesuite,hein !

Aprèsquelquessecondes,elleajoute,d’unepetitevoix:

–JeveuxbienquetumeprennesunfrappéauStarbucks.

Arrivée àCentral Park, jem’émerveille devant le spectacle qui se déroule sousmes yeux. J’avaisoublié àquelpoint c’était agréablede sepromener commeça, sansbut.Mon regard s’attarde surunemamanquifredonneunairàsonbébépendantqu’ilboitsonbiberon.Jevoisunhommefairesonjogging,accompagnédesonlabradorqui,àvoirsalanguependante,doitcourirdepuisunmoment.

Jem’arrêtedevantunkiosque,etcommandeuncafébiennoir.J’inspireprofondémentenfermantlesyeuxpoursentirleparfumdeslysquim’entourent.Leserveurrevientavecmaboisson.

–Quefaituneaussibelledemoiselleseuleici ?

–Ellepansesonchagrinavecuncafé,jeluirépondshonnêtement.

Étonnamment,leserveur,d’uncertainâge–sûrementlepatron,vients’installeràcôtédemoi.

–Vouspermettez ?medemande-t-il.

–Ouioui,biensûr,maisvousn’allezpasavoirdesproblèmessivousabandonnezvotreposte ?

–Non,nevousinquiétezpas.

Surletondelaconfidence,ilajoute:

–Àlamaison,c’estmadamequicommande,maisici,c’estmonbar,doncj’enprofite.Alors,majolie,c’estvraimentterminéavecvotreJules ?

J’aperçoissurlatableadjacenteunportraitfamilier…Jesaisislemagazine.

Engrostitre:«BradleyetSerena,unenouvelletentative ?»etdessous,unepetitelégendeindiquant:

«Onleursouhaitecettefois-ciqueleurhistoiredure».

Jetournelemagazineverslemonsieuretluiconfirmefébrilement:

–Jecroisbienqueoui.

Soudain,lemondequim’entourem’oppresse,ilfautquejeretourneàlamaison,dansmoncocon.Jelaisse lamonnaiesur la tablesansprendre le tempsdeboiremoncafé.Jenepeuxplusrienavalerdetoutefaçon.

– Je suis désolé,ma belle demoiselle.Mais il est bien idiot pour laisser filer une aussi charmantejeunefille.

–Vousêtesgentil.Àbientôt.

–Àbientôt,j’espère.

Àpeineai-jerefermélaportequeJuliamesautedessus.

–Tuaslulesjournaux…

–Oui…

Jefondsenlarmesdanslesbrasdemonamie.

–Jenesaispasquoi faire…J’essaiepourtantd’oublier…maisc’est tropdur. J’ai l’impressiondem’êtrebercéd’illusionschaquejourquej’aipasséaveclui.Julia,jen’yarriveraipas…

–Jesais…Jesais…Écoute,tueslapremièreàmedirequ’ilnefautpascroiretoutcequ’onlitdanslesjournaux.Cetteconsignes’appliqueàtoiaussi.

–Iln’amêmepasvoulumeparler…pourBradley,jen’existeplus…

–Ilaététrèslâchesurcecoup,j’avoue.

L’entendreletraiterdelâchemefaitmal.Iln’apasdemandéàêtretabasséetàfrôlerlamort.

–Non,toutestdemafaute,Julia.

Ellemeprendlatêteentresesmains,meforçantainsiàlaregarderdroitdanslesyeux.

–Cen’estpastafaute.C’estcelledecetarédePatricketdecetteSuzan,d’accord ?

J’acquiescefaiblement.

–Plusdeconviction,c’estpossible ?

–Cen’estpasmafaute,bougonné-je.

–Répète-leunedernièrefois,avecencoreplusdeconviction,s’ilteplaît.TumeconnaisAbby,tusaisquejenetelâcheraipastantquejeneseraipasconvaincue !

–CEN’ESTPASMAFAUTE,luihurlé-jedansl’oreille,avantd’éclaterderiredevantsonairahuri.

J+15,nousyvoilà.C’estlareprisedutravail.

Dansl’ensemble,elles’estbiendéroulée.

Simonestpasséau restaurantpourmedemander si j’avaisunpeude tempsà lui accorderaprès letravail. Je dois dire que le revoirm’a fait un bien fou. C’est une personne vraiment attachante.Mesparentsm’envoientdesnouvellesquotidiennement,etattendentdemoiquejefassedemêmeenretour.Nevoulant pas contribuer à la hausse de leur tension, jem’astreins à cette tâche avec diligence tous lesjours.

Juliam’aétéd’ungrandsecours,maiselleadûrepartirdansleMinnesota.Ellem’appelletouteslesdeuxheuresenviron,etsicenesontpasdesappels,cesontdesmessages.Jeluirépètetouslesjoursquejevaisbien.

Je vis, ou, devrais-je dire, j’erre çà et là. Jeme fatigue à trouver desmillions d’excuses pour toutrefuser,sorties,cinémas…RetrouverSimoncesoir,etdoncunsemblantdeviesociale,meferaleplusgrandbien,jel’espère.

Jefinisdemepréparer,lorsquej’entendslasonnettedelaporteretentir.

–Quiest-ce ?

–C’estl’épicier !Vousavezoubliévotrechampagneàlacaisse.

Jememetsàrire,sacréSimon !Jeluiouvrelaporteetluitombedanslesbras.

–Bonjourbonjour,dameAbbygaël.

–Dame ?Ehbien,tuesparticulièrementenjouécesoir !C’estpourquoicettebouteille ?

–J’aiuneincroyablenouvelleàt’annoncer !

Jeleregarde,curieuse.Ilmelaissepatienterainsipendantunebonneminute,pourbienfairemonterlesuspense.

–Bon,jemelance:j’aiétépromudirecteurgénéral !

Unsourirecontagieuxilluminesonvisage.Jel’embrassesurlesjoues.

–Toutesmesfélicitations !

–Merci,merci !

–Leposteétaitvacant ?

–Enfait,vuqueBradleypartpourleJapon,ilm’ademandédeleremplacerici.

Bradleypart…

J’essaied’encaisserlanouvellesansrienlaisserparaître,maisjesuiscomplètementretournée.

Jepeineàmasquermesémotions,cequinepassepasinaperçuauxyeuxdeSimon.Ilpassesamainsurmonbraspourmeréconforter.

–Oh!Abbygaël,jesuisdésolé.Jet’annonceceladebutenblanc,jemanquedécidémentdetact…

Ilseconfondenexcuses.

–Ohnon,net’inquiètepas.Jesavaisqu’ildevaitpartir,maisjenepensaispasqueceseraitpourtoutdesuite.

–Ilaavancéleprojet…

–Ilparttoutseul ?

Nejamaisposerdequestiondontonn’estpassûrdevouloirconnaîtrelaréponse…

–Jemedemandaisçacommeça,curiositéfémininemalsaine.

–Oui,ilparttoutseul !Etpouralimenterunpeuplustacuriositéfémininemalsaine,siçat’intéresse,Bradleyfaitpartircejouruneplaintepourdiffamation.

Ilmeprendlamainetmedis:

–Bradleyn’estpasencoupleavecSerenapourlabonneetsimpleraisonqu’elleestraidedingued’uncollaborateurauservicecomptable.

–Ah…

Sauter de joie devant Simon serait un peu déplacé, donc je me retiens, et me contente d’un brefhochementdetête.

–Ilestmal, tusais…Jepeuxt’affirmerque jene l’aipasvudanscetétatdepuis…lamortdesonpère,meconfie-t-ild’unairpeiné.

–Jeteremerciedemediretoutçapourm’aideràallermieux,mais…Ilmemanquevraiment…

–JesaisAbby,jesais…

Sontéléphonesemetàsonner.

–Accorde-moideuxminutes.

Ilrevientauboutdequelquesinstants.

–Désoléemajolie,jevaisdevoirt’abandonner…J’aiuneurgence,maisgarde-moicettebouteilleaufrais !

Jeprendsladirectiondelachambrepourenfilermatenuefétichedumoment,monpyjama.

J’entendsquel’onfrappedenouveauàlaporte.CedoitêtreSimonquiaoubliéquelquechose.

J’ouvrelaporte,etm’arrêtenetdansmonélan.Bradley…

Sestraitssonttirés,descernesviolacéssoulignentsesyeux,iln’apasbonneminedutout.Cequinel’empêchepasd’êtrebeaucommeundieu.Ilporteunsimplepantalonnoir,avecunpullcolroulétaupequimoulesesmuscles.Jeledétaillesoigneusement.

Amusé,ilmedit:

–Tunemelaissespasentrer ?

–Jenecroispasquecesoitunetrèsbonneidée…Qu’est-cequetuveux ?

–J’aimeraisteparler !

Jemepenche,regardantàsadroiteetàsagauchepuisjeluidemande:

–Toninterprèten’estpaslà ?Encongé,peut-être ?

–Abbygaël,s’ilteplaît,nerendpasleschosesplusdifficiles.

Ilmeditçad’untonlasquimeserrelecœur.Jem’écartedoncpourlelaisserentrer.

J’aiàpeineletempsdefermerlaporte…

–ÉcouteAbby,cesdernièressemainesontétélesplushorriblesdemavie.Jenepensaispasrevivreçaaprèslamortdemonpère.Tuastotalementchamboulémavieetquandtuenessortie,çam’apresquetué.

–Alorspourquoias-tuvouluprendretesdistances ?Pourquoias-tuenvoyéSerenarompreavecmoi ?

–J’étaissecoué,ladernièrechosequej’aientendueavantdem’écrouler,c’estquejenecomptaispasàtesyeux.Abbygaël,laseulefemmequiétaitcenséem’aimernel’ajamaisfait.Mamèrem’aabandonné,Serenaafaitlamêmechose,alorsquandjet’aientenduprononcercesmots,j’ai…Jesaisquetuneveuxpasteprojeterdansl’aveniravecmoi,maisjesuisprêtàm’enaccommoder.

–Mais…c’étaitcomplètementfauxBradley !

Unelarmes’échappeetvientroulersurmajoue.

–Commentas-tupucroireuneseulesecondequejenet’aimaispas ?

Il est déboussolé. Je vois passer toutes sortes d’émotions sur son visage, jusqu’au soulagement. Ils’approchedoucementdemoietvientessuyerd’unreversdemainlatracedelalarmequiacoulé.

–Jesuisamoureuxdetoi.

Ilaccompagnesesmotsd’untendrebaiser.

–Jelesaisdepuisnotrejournéeàl’aquarium,maisj’enaivraimentprisconsciencequandj’aifailliteperdre,AbbygaëlClare.

Jepleure,maiscettefoiscen’estpasdelapeinequejeressens,maisuneprofondejoie.

–Jet’aime,BradleyO’Connell.

Moncœurmanqued’exploserdansmapoitrine,sijem’attendaisàça!

Ilm’attrape par la taille etme soulève. J’enroulemes jambes autour de lui. Je sens son érection àtraverssonpantalon.

–J’aicrudevenirfou,nepaspouvoirtetoucher,t’embrasser…

Jegémis.Quec’estbondelesentirànouveau…

–Fais-moil’amour !Tum’astellementmanqué…

–Tesdésirssontdesordres !

Notrenuitn’aétéqu’unesuitedecâlinsetcaresses.Ilareprislecontrôledelamoindreparcelledemoncorps.Malgrécettesoifinsatiable,nousavonsfiniparnousendormirdanslesbrasl’undel’autre,toutsimplementheureux.

Jeprofitequ’ilestoccupéàpianotersursontéléphonepournouspréparerdequoidéjeuner.Affairéeàmatâche–c’est-à-direfairelemaximumpournepascasserl’œufcuitdurantletrajetpoêle/assiette–jenevoispasarriverBradleyderrièremoi.

Jemanquedetoutfairetomberquandilpassesesmainsfroidessousmontee-shirt.

–Çasentbon,medit-iltoutenm’embrassantdanslecou.

–Merci !Installe-toi,jeteramèneunetassedecafé.

–Abbygaël,j’aicroiséSimonhierquisortaitdecheztoi.Iladûtedirepoursapromotion.

Jemeretournepourluifaireface.Ilsemblesoucieux.Jepassemamainsursajoue.

–Oui,jesuisaucourantdetondépartimminentpourleJapon,réponds-jetristement.

Ilresserresaprisesurmeshanchesetrecouvremamainaveclasienne.

Je ne veux pas qu’ilme confirme son départ, qu’ilm’annonce qu’il va partir dans deux, cinq, dixjours…Nousnoussommesàpeineretrouvés,qu’ilfautdéjàsedireaurevoir.

Ilsoulèvemonmenton,m’intimantdeleregarder.

–Jeveuxquetuviennesavecmoi !

Jesuisbouchebée,aucunmotnefranchitlabarrièredemeslèvres.

–Jesais,tuvasmedirequec’esttroptôt,maisj’aienviequetum’accompagnes.Pourêtretoutàfaithonnête,jeneveuxpluspasserunjourdeplussanstoiàmescôtés.

–Jenesaispasquoitedire…

–Dis-moijusteoui !Tupourraisreprendretesétudesdedroit,onenprofiteraitpourdécouvrirl’Asie,poursedécouvrirnousdeux.

–Jenesaispas…

–Jet’aimeAbby !Jeveuxquenousdeux,çamarche.Jeveuxpouvoirprofiterde toiàpleintemps.C’estsûrementtroptôtpourledireetjevaissûrementtefairepeur,maisjeveuxqu’unjourtusoislamèredemesenfants.Jesuisintimementconvaincuquetueslafemmedemavie.Etjevaistoutfairepourquetuacceptesdemesuivre.J’aidestechniquesdepersuasionassezefficaces.

Sesyeuxbraquéssurmoinelaissentaucundoutesursesintentions.

Levoirainsi,sansbarrière,àcœurouvert,désespéréàl’idéed’êtreséparédemoimebouleverse.Jeneréfléchispasetluisautedanslesbras.

–J’accepte !

–C’estvrai ?

–Oui,jet’accompagne ;maisàuneseulecondition…

–Laquelle ?

–Quenoustrouvionsunappartementavecunénormedressing !

–Entendu !Jem’attendaisàuntrucpluscoquinvenantdetapart.

Jememetsàriredevantsonairpassiinnocent.

– Monsieur O’Connell, vous n’avez pas changé, toujours maître dans l’art de rapporter toutes lesconversationsausexe.

–Pourquoiveux-tuquej’abandonneundemesdomainesdeprédilection ?

J’éclatederireetleserrefortdansmesbras.Ilritàsontour,mesoulèveetmefaittournoyer.Ilmereposeetmechuchoteaucreuxdel’oreille:

–Tunevaspas leregretter.Jevaisdecepas tedonnerunavant-goûtdecequevaêtrenotrevieàdeux.

Ilmeprendlamainetm’emmènedirectionmachambre.

Jesuisconvaincuequejeprendslabonnedécision.Pourquoi ?

Carilestdevenumonévidence...

Pendantcetemps-là…

–Bonjour,unbilletpourNewYork,s’ilvousplaît.

En sortant mon passeport, je grimace de douleur. Elle me le paiera, cette salope. Elle va souffrircommej’aipusouffrirquandelleaappuyésurladétente.

Patrick…

FIN

Remerciements

C’était avec beaucoup d’émotion que j’ai terminé ce livre. J’ai même failli pleurer. Je me suisbeaucoup investie pour donner du sens à cette histoire.Mettre le dernier point, c’est comme dire aurevoiretjenesuispasdouéepourlesadieux.C’estpourquoi,unjour,j’écriraiunesuiteàlahauteurdevosattentes,jel’espère.

«Lesaléasdudestin»estmontoutpremierroman.

Jenesuispaslaseuleàavoirétésubmergéeparl’émotion.

C’estpourquoijevoudraistoutparticulièrementremerciermesdeuxadmirablescorrectrices,MathildeetKristel.Ellesontenrichi,embellietsurtoutcorrigémesnombreusesfautes.Avecmoi,leLaroussepeutfaireunecrisecardiaque.Inventerdesmots,réinventerlesexpressionssontmesspécialités.Ellesontétéd’indispensablescomplicesàcettehistoirequimetenaitàcœur.Ellesontsumerassurerenpériodededoutes,ellesont«brainstormé»avecmoiunnombreincalculabledefois,denuitcommedejour.

OnpourradécernerunemédailleàKristelpoursaprécieusepsychorigiditétemporelle.

Unmerciégalementtoutparticulieràdeuxfabuleusesbloggeuses:

À FlorenceMattei, avenante et sympathique, quim’a soutenue et a faitma première chronique surinternet ;

AStéphanieRobinpoursesnombreuxconseilsetsabonnehumeur.

Merciàmonéditeur,L’ivre-Book,d’avoircruenmoi.Rejoindrecettemaison,c’estcommerejoindreunefamille.

Ungrandmerciégalementàmes«cobayes»,commeClairequi, enattendant l’arrivéedesonpetitgarçonaaccordédutempsàl’histoiredeBradleyetAbbygaël.

MerciàEdwige,masuperamiemédecinquim’ainspirésurlapartiemédicale.Mélanie,Françoise,

Souriya – le trio de choc –, Amandine (Cokine) qui ont pris le temps de me lire et corriger mesproblèmesde«s».

Unénormemerciàmonconjoint,quim’alaissédéserterlelitlesoirpourallerrejoindremonmeilleuramidumoment:l’ordinateur,pendantquemesdeuxpucesdormaient.

Jesuischanceuseetreconnaissanted’êtreaussibienentourée,soutenueparmonentourage.

J’espèrequevous,lectricesetlecteurs,vousprendrezautantdeplaisiràlirequej’enaieuàécrire.

L’aventuredeBradleyetAbbygaëls’arrêtelàpourcettefois,maissurtoutpasdéfinitivement.

Àtrèsbientôt,pourdenouvellesaventures.Vouspensiezenavoirfiniavecmoi,ehbiennon.J’aiunstockinépuisabled’idéespourdeprochainsromans !

CarolineGAYNES

L’Auteur

Paroùcommencer?Jevousépargnelespremièresannéesdemavie…

Jem’appelle CarolineGAYNES, j’ai toujours aimé lire des romans d’amour et, après avoir fait nuitblanche sur un livre d’Emily Blaine, je me suis dit pourquoi pas moi ? Pourquoi ne pas écrire unehistoire?Unedecellesquinousfontvibrer,uneoùenlalisantvousvousdites«bonj’arrêteàlafinduchapitre…etnonc’estimpossible,tropcurieusedeconnaîtrelasuite».

Jemesuislancée,etc’estcommecelaqu’estnémonpremier«bébé»LesAléasdudestin,àparaîtreprochainementchezL’ivre-Book.

Depuis, écrire est devenu une drogue. Dès que je le peux, j’écris. Je m’installe sur la banquette,ordinateurenmainetjelaissemonimaginations’exprimer.

DumêmeauteurchezL’ivre-Book

–Jourd’intempéries(Coll.L’ivreCourt)

Lapagedel’auteurchezL’ivre-Book:CarolineGaynes

Notedel’éditeur

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