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Les Années Radio...LES ANNÉES 50: LA RADIO EST FORMIDABLE Avant la guerre: l'irrésistible ascension de la TSF La TSF est née. de la TSF! Il aura fallu en effet les expériences

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  • Remerciements

    Les auteurs, dans l'impossibilité de citer ici tous ceux qui ontbien voulu leur confier leurs souvenirs, leurs ouvrages ou leurs

    documents, les en remercient.

    Ils remercient aussi le musée de Radio-France pour leur avoir

    permis de reproduire quelques-unes des piècesde ses collections.

    © Editions Gallimard, 1989.

  • De l'influence de la radio sur la petite et moyenne bourgeoisie dans les années 50.

  • Certaines émissions, parmi les plus célèbres, font l'objet d'un développe-ment particulier. Elles sont signalées dans le courant du texte par unastérisque renvoyant aux articles qui leur sont consacrés. Ces articles sontdisposés en marge par ordre alphabétique à l'intérieur de chaque décennie.

    Avertissement

  • LES ANNÉES 50:

    LA RADIO EST FORMIDABLE

    Avant la guerre:l'irrésistible ascension de la TSF

    La TSF est née. de la TSF! Il aura fallu en effet les expériences detélégraphie sans fil menées à la fin du xixe siècle par Branly, Marconi etpar bon nombre d'autres inventeurs pour rendre possible quelquesannées plus tard la transmission des sons par la téléphonie sans fil.C'est en 1906, dans la nuit de Noël, que la première transmission de lavoix est réussie aux Etats-Unis par Reginald Fessenden. L'expérienceconstitue en même temps la première émission culturelle et distractive,composée de musique le Largo de Haendel et de la lecture dequelques versets de l'Evangile.

  • Le modèle Lyre de SBR pureté

    des lignes.

    Un des premiers auto-radio, 1950.

    Pendant une quinzaine d'années, la TSF ne quitte pas la sphère étroite del'expérimentation et c'est seulement en 1920 que s'ouvre la premièrestation de radiodiffusion. L'initiative est américaine, mais la France netarde pas à suivre l'exemple du Nouveau Monde. Un an plus tard, legénéral Ferrié inaugure des programmes radiophoniques réguliers endirect de l'émetteur militaire de la tour Eiffel. Chaque jour, un bravesapeur y lit solennellement le bulletin météorologique et y donne avis descours de la bourse!

    En 1922, Emile Girardeau, inventeur productif et directeur de la SFRSociété française radio-électrique obtient l'autorisation de fonder unestation privée sur le modèle américain qu'il vient de découvrir. C'estRadiola, qui commence à diffuser quelques heures de musique et trouvebientôt son public restreint de « radio-amateurs» grâce à la voix d'or dupremier speaker français, le fameux Radiolo, alias Marcel Laporte. Lapublicité étant interdite par l'administration tutélaire des PTT, Girar-deau compte sur la vente des récepteurs Radiola pour entretenir sa

    station. En 1924, en même temps que l'installation d'un émetteur pluspuissant, le poste d'Emile Girardeau prend le nom de Radio Paris.

    Le sapeur météorologiste et son matériel.

  • Cette première expérience tente bientôt d'autres intérêts privés. Ledirecteur du quotidien Le Petit Parisien crée sa station en 1924, quideviendra dans les années 30 le très populaire Poste Parisien. L'ingénieurLucien Lévy, inventeur et fabriquant comme Girardeau, lance Radio LLpour promouvoir ses produits. Des problèmes financiers l'obligeront àcéder sa station en 35 à un jeune publicitaire, Marcel Bleustein, qui enfera le poste phare de l'entre-deux-guerres, Radio Cité.En province, les stations foisonnent, meurent parfois aussi vite qu'ellessont nées, ou bien acquièrent une notoriété sur tout le territoire, commeRadio Toulouse dont le speaker Jean Roy doit à sa voix rugueuse et à sonaccent du Sud-Ouest d'être devenu une véritable vedette nationale.

    En 1933, l'Etat achète Radio Paris qui devient ainsi un poste national auton sérieux dont les journalistes sont étroitement surveillés par legouvernement. C'est aussi le 31 mai de cette année qu'est instituée lapremière redevance radiophonique, en échange de l'autorisation de lapublicité sur les stations privées. En même temps, le groupe promoteurdu Poste Parisien, handicapé par l'étroitesse des petites ondes, décide decréer à l'étranger une station « périphérique» sur les grandes ondes. Ils'adresse au grand-duché de Luxembourg et parvient à créer la CLT,Compagnie luxembourgeoise de radiodiffusion. Le 15 mars 1933, RadioLuxembourg commence à émettre. La fameuse adresse du 22, rueBayard figurera trois ans plus tard dans l'annuaire parisien.Sur Radio Cité, Gédovius fait découvrir le jazz tandis que La Voix deParis, le journal dirigé par Jean Antoine et Jean Guignebert, informe àchaud à partir des premiers cars de reportages. Depuis 1937, la familleDuraton se réunit chaque soir avant de laisser la place au très populaireCrochet radiophonique* ou aux Fiancés de Byrrh, l'émission de Saint-Granier qui passionne et fascine les auditeurs par les fastueux cadeauxdont sont dotés les couples jugés les mieux assortis.Comme ses concurrents, Radio Luxembourg a remplacé depuis long-

    temps ses soirées de concerts classiques par des jeux et des émissions devariétés. On n'utilise pas le mot, mais on connaît déjà les émissions« ciblées » les femmes ont leur programme bien à elles en fin d'après-midi, c'est Le Passe-temps des dames et des demoiselles qui distillerecettes culinaires et règles de savoir-vivre.Sur le Poste Parisien, le début des émissions est signalé par une sonnerie

    réglementaire de clairon, censée dynamiser l'auditeur à son réveil. PierreDac y invente La Course au trésor, chef-d'œuvre de loufoquerie radio-phonique, Jean Nohain assure la distraction des familles et Les Incol-lables, avec le jeune lycéen Henri Kubnick, instruisent et amusentcomme le feront plus tard, sur le même modèle, Les Grosses têtes dePhilippe Bouvard.

    Quand la France entre en guerre en 1939, la TSF, trônant au salon ou surla table de la salle à manger familiale, fait bel et bien partie de la viequotidienne. On dénombre 5 millions de postes récepteurs pour 41 mil-lions d'habitants, et le territoire est couvert par un réseau de 32 émet-teurs, dont 20 appartiennent à l'Etat et 12 au secteur privé.

    La guerre: « Radio Paris ment .»

    Après la défaite, quand la convention d'armistice est signée entre laFrance et l'Allemagne le 22 juin 1940, instituant la ligne de démarcation,les occupants s'emparent de Radio Paris et des stations privées. La

    Le Maître de la Radio

    Ded Rysel omniprésent avantguerre, après guerre, pendant laguerre.

  • À L'ÉCOLE DES VEDETTESProgramme parisien

    Lundi 20 h 35

    1955-1960

    Cantatrice d'opéra et d'opérette avant

    la guerre, Aimée Mortimer devient

    après la Libération un des person-

    nages irremplaçables de la radio. Sesnombreuses émissions de variétés,

    présentées avec distinction et sincéri-

    té, évoquent toujours le luxe, la quali-

    té, la tradition et le prestige, répon-dant exactement à certains besoins des

    Français après les années grises.

    Orient-Express, Mélodies sans fron-

    tières, Train de plaisir, Paris reçoit,

    Joyaux de Paris, L'auberge du bon-heur les stations de la Radiodiffusion

    nationale ont trouvé en elle le chantre

    d'un certain art de vivre à la française,

    le complément « haut de gamme » deJean Nohain.

    Grande découvreuse de talents, elle

    inaugure en octobre 1955 une nouvelleémission dont la vocation est d'offrir

    aux jeunes espoirs de la chanson, duthéâtre et de l'art lyrique les moyensd'entamer une vraie carrière. C'est A

    l'école des vedettes, où les futurs ta-

    lents arrivent timidement sur scène,

    répondent à quelques questions del'hôtesse et sont parrainés par des ar-

    tistes confirmés qui leur donnent la

    réplique à l'occasion. Rien d'un cro-chet il faut découvrir les grands ar-tistes de demain.

    L'émission est publique: la salle et lesauditeurs notent les concurrents de 0 à

    10 points. A la fin de chaque mois sedétache un gagnant et, en fin de sai-

    son, huit prix de 100 000 francs ré-

    compensent les prestations les plusremarquées.

    Un an plus tard, Aimée Mortimer fait

    le bilan: près de 150 jeunes artistes sesont succédés devant son micro, et

    certains, comme Claude Nougaro,confirmeront bientôt les promesses de

    leur coup d'essai.Le succès est tel que l'émission se

    transporte tout naturellement à la télé-vision en 1960 où elle devient une

    véritable institution. C'est là queJohnny Hallyday fera sa première et

    très remarquée apparition, peu de

    temps après que Lucien Morisse aitcassé son disque sur l'antenne d'Eu-

    rope N°l en prononçant ces mots sans

    appel: « c'est la première et la der-

    nière fois que vous entendrez ce chan-teur. »

    Radiodiffusion Nationale, animée par l'esprit du Maréchal, cherche à

    renaître à Vichy dans des installations de fortune.Radio Paris, prise en main par les services de propagande nazis, proposeUnjournaliste allemand vous parle et d'autres émissions aux titres sanséquivoque. Elle réunit une équipe des plus virulents collaborationnistes,comme Jean Hérold-Paquis, qui conclut invariablement ses éditoriauxvéhéments par ces mots: « l'Angleterre, comme Carthage, sera dé-truite ».

    Mais pour contrer l'Allemagne, les Britanniques sont entrés dans laguerre des ondes. Afin d'être entendue dans le reste de l'Europe, la BBCutilise les ondes moyennes et diffuse des émissions dans les langues detous les pays occupés. Autour du général de Gaulle, les Français deLondres, Jean Oberlé, Pierre Bourdan, Maurice Schumann, Pierre Dacet d'autres, peuvent ainsi lancer Les Français parlent aux Français,diffusant des messages codés pour la Résistance, des bulletins d'informa-tions et des réponses vengeresses aux attaques de Vichy ou de Paris. On ychante « Radio Paris ment, Radio Paris est allemand» et on y diffuse,bien sûr, l'appel du 18 juin.

    La reprise:l'Etat s'empare du monopole

    « Ici la Radiodiffusion de la nation française. » le 22 août 1944 estainsi affirmée, par la voix de Pierre Crénesse, la libération de la radio.

    L'annonce solennelle est immédiatement suivie d'un appel à l'insurrec-tion.

    Animée par Jean Guignebert, une poignée de jeunes reporters va assurerla « couverture» des derniers jours de l'occupation, dans un studioinstallé depuis longtemps par Pierre Schaeffer, au 37 rue de l'Université,

    et en profitant d'un émetteur « réquisitionné»à Gennevilliers et trans-porté en charrette à bras à travers les rues de la capitale encombrées desoldats allemands. C'est l'embryon de la RDF, la Radiodiffusion fran-

    çaise.Sous l'occupation, deux lois avaient défini le monopole de l'Etat sur laradio, en laissant toutefois la possibilité de concéder l'exploitation decertains postes à des sociétés privées. A la Libération, l'ordonnance du23 mars 1945 établit le strict monopole en interdisant toute concession.

    Quant aux installations techniques appartenant aux réseaux privésd'avant guerre, elles sont réquisitionnées au profit de l'Etat.Les Allemands ont détruit nombre d'émetteurs en se retirant. Les projets

    abondent, mais leurs promoteurs doivent se contenter d'installationstechniques réduites. En 44, la RDF émet sur deux chaînes, le Pro-gramme national et le Programme parisien, au réseau beaucoup plus

    restreint. Deux ans plus tard, on pourra leur ajouter une petite station,Paris Inter, grâce à la récupération d'un émetteur parisien qui servaitjusque-là aux forces américaines stationnées en Europe. Faible portée,faibles moyens: la petite sœur restera confidentielle jusqu'en mars 1952,date à laquelle Paris Inter, grâce aux puissantes installations d'Allouis,pourra arroser tout le territoire sur 1829 mètres, grandes ondes.

    En attendant, la RDF est devenue en 1951 la RTF (avec un T commetélévision!) et elle offre aux auditeurs des programmes variés, plutôtsérieux et prestigieux sur la chaîne nationale, plus légers et populaires sur

  • la chaîne parisienne, et presque exclusivement musicaux sur Paris Inter.Cette dernière accueille aussi des émissions conçues par le Club d'essai,un vivier né du Studio d'essai qu'animait Pierre Schaeffer sous l'occupa-tion. Le Club est un véritable laboratoire d'art radiophonique où lesauteurs et les metteurs en ondes peuvent chercher leur style et mettre aupoint de nouvelles manières de jouer de l'outil sonore. Dirigée par lepoète et dramaturge Jean Tardieu, cette petite cellule toujours eneffervescence possède son propre orchestre, quelques moyens techniqueset un émetteur de faible puissance. Dans une ambiance très « Saint-Germain-des-Prés », une équipe de jeunes passionnés, parmi lesquels oncompte des personnalités aussi variées que François Billetdoux, MichelPolac, Jean Bardin, André Francis, Claude Dominique, André Frédé-rique, Jean Chouquet, Pierre Tchernia, Pierre Desgraupes, Pierre Du-mayet, Pierre Badel, invente dans toutes les directions et produit desprototypes d'émissions qui deviendront souvent des modèles, comme LeMasque et la Plume*, la tribune critique de Michel Polac et François-Régis Bastide ou encore Le Petit conservatoire de la chanson deMireille.

    Eclatés en plusieurs points de la capitale, les services artistiques etadministratifs de la RTF ont bien besoin d'être regroupés. On parled'une Maison de la radio depuis 1938 et l'hebdomadaire Radio 54 enprésente les plans en exclusivité, avec ce commentaire « On espère qued'ici 5 ans, la RTF habitera ces bâtiments ultra-modernes agréés après unsérieux concours.» Prévision légèrement optimiste, puisqu'il faudraencore attendre 9 ans pour voir inaugurer la Maison ronde.

    Radio1 Luxembourg: une mosa~ique

    Rendu muet par les autorités du Grand-Duché désireuses de manifesterleur neutralité en 39, libéré depuis septembre 44 et utilisé par lesAméricains, l'émetteur de Radio Luxembourg n'est restitué à la stationqu'en novembre 45.

    On met à sa tête un homme de radio exceptionnel, Louis Merlin. Sorti del'école des Hautes Etudes Commerciales en 1920, Merlin a commencé sa

    carrière d'annonceur publicitaire à Radio LL, avant de travailler avectous les postes privés de l'avant-guerre. Il déborde d'imagination et iln'hésite pas à s'inspirer des méthodes américaines, largement en avancesur les nôtres.

    La première préoccupation de la direction est de retrouver la belleclientèle publicitaire qui assurait sa prospérité avant guerre. Grâce à safiliale IP (Information et Publicité), Radio Luxembourg propose desémissions « clés en main» fabriquées par les Programmes de France,autre filiale, ou accessoirement par Air Production, la société de Jean-Jacques Vital.

    Une organisation à tiroirs qui explique le foisonnement et la brièveté desémissions patronnées par de grandes marques les plus grands succès desannées 50, comme Quitte ou double* ou le Crochet*, n'occupent dans lesprogrammes qu'un quart d'heure par semaine! Le client achète sontemps d'antenne, on lui propose un support en rapport avec son produit,et il entre dans une petite case de la grille des programmes.

    Les émissions de jeu doivent composer avec ces impératifs publicitairesl'apéritif Dubonnet pourra ainsi être associé au très populaire Jeu dubonnet animé par Zappy Max, où le candidat ayant reconnu une chansonmystérieuse se verra coiffé du couvre-chef traditionnel des universitaires

    L'ACADÉMIE JOYEUSERadio Luxembourg

    Vendredi 20 h

    1950

    Inventée par Henri Kubnick et ac-cueillie en ce début des années 50 au

    sein de L'Heure joyeuse, cette digne

    assemblée de chansonniers est chargée

    chaque semaine de commenter un

    grave sujet, dont l'exemple suivantdonnera une idée: si vous aviez le

    pouvoir de faire disparaître trois ani-maux de la planète, lesquels choisi-riez-vous ? Le résultat des délibéra-

    tions, émaillées de mots d'esprits,donnera cette fois dans l'ordre: le

    scorpion, le serpent et l'homme, trois

    espèces venimeuses, les deux pre-

    mières étant moins redoutables que la

    dernière, contre laquelle il n'existe pasde vaccin!

    L'académie, qui compte en son sein

    le professeur Amour-Amour et

    M. Slache, délégué bruxellois, est do-

    minée par la figure du docteur Bol-

    doss, représentant l'Académie royale

    de Lidurie. Un personnage qu'ArthurAllan incarne avec un savoureux

    accent balte et qui décrit les merveilles

    de la Lidurie pommes de terre quipoussent tout épluchées ou vergers de

    cerises à l'eau-de-vie quand il ne

    disserte pas gravement de l'amour etdes femmes avec Pauline Carton et

    Yvette Dinville, surnommée la Pan-

    thère, épouse à la ville d'Henri Kub-nick.

    On retrouvera ce pittoresque Lidurienà diverses occasions sur l'antenne de

    Radio Luxembourg où il aura mêmesa « minute de bon sens » dans A vous

    docteur Boldoss. Dernier avatar

    connu, c'est sous le nom du docteur

    Proutski et avec la voix de Roger Carel

    qu'il apparaîtra dans les Procès pour

    rire intentés par Henri Kubnick surParis Inter.

    A vos postes!Aujourd'hui,à 17 h. 25

    L HEURE Gsonne à Radio Luxembourg

    et G. c'est GIBBS

  • L'APPEL SCOUT

    Paris Inter

    jeudi 13 h 201949

    Plus vigoureux que jamais au sortir de

    la guerre, le mouvement scout est bien

    présent sur les ondes des années 50.Pour rendre compte du jamboree de

    Moissan, la radio y dépêche un repor-

    ter c'est le jeune Michel Droit qui

    participe en culottes courtes au

    grand rassemblement international.

    Les boy-scouts ont aussi sur Radio

    Luxembourg leur émission spéci-fique, La Voix du scoutisme, que

    dirige Jacques Tournier, le futur Do-

    minique Saint-Alban, auteur de

    maints feuilletons radiophoniques.

    Roland Dhordain, tout jeune institu-

    teur chargé de la promotion des Eclai-

    reurs de France, vient souvent y re-présenter le mouvement laïc. C'est làqu'il rencontre définitivement sa voca-

    tion, encouragé par Saint-Granier qui

    promet une belle carrière au futur di-recteur de France Inter.

    Justement, il n'y a pas d'émissionscout sur la radio nationale. Roland

    Dhordain s'adresse au directeur Jean-

    Vincent Bréchignac, qui en acceptel'idée. Faute de moyens, le jeune pro-

    ducteur sera toutefois bénévole, mais

    L'Appel scout est bel et bien diffuséchaque jeudi et dure un quart d'heure.

    Pendant quelques mois, tout ira bien

    pour ce magazine d'informations trèsspécialisé. Jusqu'au jour où le nou-

    veau secrétaire d'État à l'Information,Raymond Marcellin, décide qu'il n'y

    aura plus d'émission parlée sur Paris

    Inter qui doit devenir une chaîne es-sentiellement musicale. Qu'à cela ne

    tienne, un éclaireur digne de ce nomdoit être débrouillard et Roland Dhor-

    dain prend le parti de faire chanter par

    une chorale l'intégralité des sujets del'émission

    Peu de temps après, il propose une

    nouvelle émission pour les adoles-

    cents, qui trouvera sa place naturelle

    le jeudi en début d'après-midi. C'est

    La République des jeunes, dont le

    titre dit bien qu'elle veut traiter lesenfants en adultes, au contraire de

    l'esprit qui règne dans les programmesde Jaboune ou d'Arlette Peters, où les

    gamins font figures de singes savants

    charmants et irresponsables.Ce sont donc eux, les jeunes, qui fe-

    ront l'émission, depuis sa conception

    jusqu'à sa présentation, en choisissantles thèmes. La chanson de Prévert En

    sortant de l'école s'impose comme indi-

    catif, et Roland Dhordain joue lesconseillers, saluant son équipe d'unchaleureux: « Bonjour, mesdames etmessieurs les écoliers. »

    Pour éviter les bruits intempestifs, onenregistre en chaussettes, mais le pro-

    ducteur n'a pas besoin de jouer lessurveillants généraux: les jeunes jour-

    britanniques et aura accès au coffre magique rempli de lots. Magnéto-stop est offert par les biscuits Gringoire le candidat écoute une bandemagnétique sur laquelle se succèdent rapidement des noms de lots et desgages comiques. Il stoppe la bande avec une trompette comme le lapindessiné sur les emballages des biscuits Gringoire et gagne le lot quisuit ou, s'il a moins de chance, doit accomplir un gage. Autre exemple deraffinement publicitaire Henri Spade présente avec Annie Cordy uneémission qui doit révéler des talents artistiques pour demain, c'est LeChampionnat des Increvables. Incongru, ce titre? Pas le moins dumonde, puisque la demi-heure est offerte par les pneus Kléber-Co-lombes Quant à la revue Sélection, elle finance chaque dimanche matinune Sélection des meilleurs moments radiophoniques de la semainetandis qu'une fameuse marque de stylos à bille demande à Jean-JacquesVital d'animer Bic et Bic et colegram. Que dire enfin de Prenez garde àla pointure, une émission présentée par Robert Rocca, sinon qu'elle estpatronnée par. les chaussures André?

    Mais Louis Merlin est très vigilant sur la publicité: les marques qui« offrent » les émissions ne peuvent y rappeler la qualité de leursproduits qu'une ou deux fois, généralement sous la forme d'une chan-sonnette au début et à la fin. Les débordements sont impossibles,puisque tout est enregistré, sévèrement écouté et minuté. Il faudra

    attendre la décennie suivante pour découvrir les « messages» et les« écrans publicitaires» qui s'inséreront dans le cours des émissions sansavoir de rapport avec elles.

    Louis Merlin, qui aura fait de Radio Luxembourg la première station dedivertissement populaire, quitte IP en 1953 pour se tourner, croit-il, versla télévision. En fait, il va être appelé bientôt à inventer de toutes piècesune nouvelle conception de la radio à la tête d'Europe N° 1.

    Les autres stations:~N

    Radio Monte Carlo est née en juillet 43. Elle connaît des premièresheures houleuses sous les exigences de l'occupant allemand. En 46, ellereprend ses émissions et, dans la première moitié des années 50, sertessentiellement de relais méridional à Radio Luxembourg pour la plupartdes grandes émissions « patronnées» produites par les Programmes deFrance. Après l'apparition d'Europe N° 1 en 1955, elle quittera petit àpetit la tutelle de Luxembourg pour devenir la radio du soleil, que lesParisiens découvriront chaque année un peu mieux au mois d'août. Unscoop à mettre à son actif: la retransmission, le 18 avril 56, du double« oui» prononcé par Rainier de Monaco et Grace KellyLa formule rituelle qui ouvre les programmes de Radio Andorre, « AquiRadio Andorra », prononcée par une voix de jeune femme devenue lamascotte de la station, est une expression que les auditeurs des années 50connaissent par cœur, même s'ils ne sont pas familiers des programmesde la station. La première « mademoiselle Aqui », Victoire, est arrivéefuyant l'Espagne quelques jours avant l'inauguration du poste, le7 août 1939. Quelques semaines après, elle reçoit des centaines de lettresd'amour et le bruit court qu'elle serait une ancienne religieuse violée pardes anarchistes. Elle quittera bientôt la station pour épouser un garagisteet retombera dans l'anonymat, mais toutes les jeunes filles qui luisuccéderont auront une part de son auréole.

  • Zappy Max l'animateur et son double au musée Grévin.

    Après la guerre commence une longue bataille juridique entre RadioAndorre et le gouvernement français. Procès, brouillage des émissions,interventions du gouvernement espagnol, protestation de l'évêque d'Ur-gel auprès de son co-prince le Président de la République française rienn'y fait, et le litige aboutit à la création par la France d'un posteconcurrent, la Radio des Vallées, qui prendra plus tard le nom de SudRadio.

    Les moyens d'-écouter:1 1 et sophistication

    2 millions de postes récepteurs sont vendus en 1948, soit plus du doublequ'en 1938. Bien avant le réfrigérateur, la radio est en passe de devenirl'équipement de base de la famille française. Mieux, on commence à voirapparaître dans les journaux des campagnes publicitaires pour ledeuxième poste: à côté du beau meuble d'ébénisterie dont toute la

    famille peut profiter à table ou au salon, il est conseillé de fairel'acquisition d'un autre récepteur, plus petit, moins coûteux, emboîtépar exemple dans les premières matières plastiques. Et pourquoi mêmene pas en brancher un dans la chambre des enfants?De nouvelles techniques font timidement leurs premiers pas. Sur uneinitiative du Club d'essai de la RTF a lieu en juin 1950 la première

    émission en stéréophonie. C'est la retransmission d'une dramatique, Une

    larme du diable, réalisée par le cinéaste René Clair d'après ThéophileGautier. Les comédiens y sont prestigieux: Gérard Philipe et DanielleDelorme. L'auditeur curieux de cette nouveauté doit évidemment dis-

    poser de deux récepteurs, l'un réglé sur la chaîne parisienne, l'autre surParis Inter. L'émission, encensée par la critique, sera couronnée par lepremier prix Italia qui récompensera dorénavant chaque année descréations radiophoniques de qualité.

    nalistes ils ont entre douze et quin-

    ze ans sont passionnés par leurs

    activités et l'avenir le confirmera,

    puisqu'ils s'appellent Philippe Labro,

    Dominique Merlin, Jean-Pierre Spie-

    ro ou Thierry Roland.Ils veulent parler du grave problème

    de l'argent de poche, mais aussi es-sayer de comprendre la constitution

    des Etats-Unis quand le général Eisen-

    hower est élu président. Ils souhaitent

    débattre des gros mots, écrire un feuil-leton ou même rendre visite à Maurice

    Chevalier chez lui, à La Louque.

    Cette République des jeunes durera

    plusieurs années, encensée par lesmouvements de jeunes et les éduca-

    teurs progressistes, mais violemment

    attaquée par la presse conservatrice

    qui l'accuse de ruiner la famille endonnant la parole aux enfants!

    LA BRIDE SUR LE COU

    Paris Inter

    Samedi 21 h

    1953-1960

    En devenant directrice du tout nou-

    veau Paris Inter en 1953, Agathe Mel-

    la va puiser dans le vivier du Clubd'essai de la RTF et demander à deux

    jeunes gens, Jean Bardin et BernardHubrenne, de concevoir une émission

    de variétés pour les soirées du samedi.Cette carte blanche offerte comme un

    coup d'essai durera sept ans et devien-dra une véritable institution qui auramême les honneurs d'une version télé-

    visée.

    L'équipe qui participe à cette émission

    de variétés ferait rêver un producteur

    d'aujourd'hui: Boris Vian et André

    Frédérique écrivent les sketches de

    présentation de Bardin et HubrenneMarius Constant et Michel Legrand

    composent des musiques originalesqu'André Popp interprète, entouré

    d'une vingtaine de musiciens. Il ac-

    compagne aussi les jeunes chanteurs

    débutants que sont Brel ou Brassens,

    et les grands confirmés comme Piaf ouMaurice Chevalier.

    André Castelot vient raconter une pe-

    tite anecdote historique et les numérosde Darras et Noiret trouvent le même

    succès que dans les cabarets où ils se

    produisent. C'est encore dans LaBride sur le cou que Raymond Devos

    fera ses débuts de soliste: il se produi-

    sait auparavant avec Verbaecke dansun numéro de duettistes, les Pinsons!

    Le rythme est rapide, le ton est jeune,

    les invités nombreux. Le prestige dece rendez-vous du samedi soir contri-

    buera à faire de Paris Inter une vraie

    chaîne nationale.

  • CENT FRANCS

    PAR SECONDE

    Radio LuxembourgJeudi 20 h1951-1958

    L'émission la plus drôle du monde,

    selon son slogan, est un jeu inventé par

    Jacques Antoine et Jean-Paul Blon-deau, animé par Jean-Jacques Vital et

    offert par l'apéritif Dubonnet. Le can-

    didat y joue à une sorte de « pigeonvole » en répondant oui ou non par un

    coup de sifflet ou une sonnerie detrompette. A chaque fois qu'il commet

    une erreur, il doit se prêter à un gage.Il sera assis, par exemple, sur unecaisse d'où sortent six mèches. Une

    seule d'entre elles est reliée à un pé-

    tard. Si celui-ci n'explose pas, il peutcontinuer à jouer.

    Le jeu est très rapide, et pour cause:

    on y gagne cent francs par seconde.Mais comme rien ne doit être facile

    dans un jeu simple, une épée de Da-

    moclès est suspendue au-dessus dumalheureux, déjà assis sur un baril de

    poudre C'est « l'événement exté-rieur » un reporter Maurice Fa-

    vières se trouve par exemple devant

    l'entrée du tunnel de Saint-Cloud, où

    il attend le passage d'une traction

    avant grise. S'il en voit une, il alerteimmédiatement le studio le candidat

    est éliminé et il perd tous ses gains

    précédents.

    Une règle dépouillée et superbementdramatique: il s'agit d'amasser le plus

    de billets de cents francs tout en ayant

    la prudence de s'arrêter avant

    l'échéance fatale. Impossible d'inven-ter un meilleur suspens radiopho-

    nique

    Jacques Antoine en tira un scénario de

    film où il imaginait qu'un candidat,

    pour des raisons accidentelles, ne s'ar-rêtait jamais de gagner, au grand af-

    folement des organisateurs. Médiocre-

    ment réalisé en 1952 par Jean Boyer, le

    film ne connut qu'un relatif succès,malgré la présence au générique duséduisant jeune premier Philippe Le-maire.

    L'émission, elle, fut une des plus po-

    pulaires de l'époque. Suivie par unauditoire considérable, elle dura des

    années, partit en tournée avec Bourvilet fait rarissime connut même

    l'honneur d'être achetée par la télé-vision américaine.

    Le Solistor, premier transistor.

    Le « poste », meuble du quotidien il faut s'entendre sur le programme.

    C'est au milieu des années 50 qu'on peut aussi assister aux débuts de lamodulation de fréquence. Le 28 mars 1954, la RTF lance un émetteur

    en MF (équivalent français de la FM des Américains !) « sur ondesultra-courtes de 2 à 5 mètres ». Dans les années suivantes, le programmeMF propose aux amateurs éclairés et assez fortunés pour disposerd'un récepteur spécial des émissions littéraires de qualité, des retrans-missions de concerts, des dramatiques et, tout naturellement, les produc-tions du Club d'essai comme les Rendez-vous avec le jazz d'AndréFrancis ou La tribune des critiques de disques* d'Armand Panigel.Les postes portables à piles apparaissent en 54, coupant le cordon

    ombilical qui interdisait à la radio de sortir du foyer. C'est un premier pasvers une banalisation définitive et hautement profitable de la TSF.Le premier poste à transistors est présenté en octobre 56. Il s'appelle leSolistor et la presse spécialisée est déjà consciente de vivre une révolution

    technique qui va bouleverser les mœurs des auditeurs. Ce poste qui nepossède ni lampe encombrante, ni câble électrique permettra littérale-ment d'emporter la radio dans sa poche!La sophistication des récepteurs de radio va de pair avec la démocratisa-tion de l'automobile près de cinquante mille voitures sont équipées depostes en 51. L'auto-radio miniaturisée est une révolution qui excitel'imagination des producteurs, mais inquiète les médecins et les officiersd'état-major. Les premiers s'interrogent encore sur les dangers qu'ellepeut présenter pour le conducteur, mais s'accordent déjà à reconnaîtrequ'elle ne provoque pas de distraction et qu'elle favorise l'éveil. Quantaux seconds, ils n'apprécient pas la profusion et la mobilité de cesrécepteurs le Journal Officiel publie en décembre 52 le texte d'un décretexigeant qu'en cas de mobilisation, les possesseurs d'un auto-radio enfassent le dépôt aux autorités dans un délai de quarante-huit heures!L'idée que chaque Frégate, chaque Dauphine et, pourquoi pas, chaque

  • 2CV puisse être un jour prochain équipée d'un poste récepteur permetd'imaginer le principe du radio-guidage. En juin 55 est inaugurée surParis-Inter la Route de nuit* de Roland Dhordain, suivie bientôt par des

    opérations de rentrées de week-end organisées en collaboration avec lagendarmerie.

    Les1 Libération:

    on reprend les mêmes.

    Entre la reprise des émissions et la fin des années 40, le problème dechaque station est le même fournir des programmes dans des structuresencore mal reconstruites. Les jeunes résistants qui ont découvert la radiopendant l'Occupation ne sont pas assez expérimentés pour pallier lemanque de moyens. La plupart, d'ailleurs, se tournent vers les informa-tions et deviendront des journalistes et des grands reporters.Pour les émissions artistiques, on s'adresse donc naturellement à ceuxqui avaient fait leurs preuves avant que la guerre vienne interrompre lesprogrammes. Et ces vaillantes vedettes des années 30 vont reprendredans un premier temps leurs succès bien rodés.Ded Rysel était un des animateurs phares de Radio Cité. On lui doit lescommentaires de la fameuse Course d'escargots sur laquelle pariaient lesauditeurs et qui fit à peu de frais les beaux jours de Radio LL. Il semultiplie après la Libération, entre sa participation à La famille Dura-ton*, ses apparitions de chansonnier avec son personnage de Piédalu etles nombreuses émissions qu'il anime. En 49, il est titulaire d'un grandprogramme de variétés en public, le dimanche soir sur Radio Luxem-bourg Du beau, du bon, du bonheur, mêlant allègrement comme sontitre l'indique la chanson, la publicité de l'apéritif Dubonnet et un peu dephilanthropie pour venir en aide aux détresses nées de la guerre encoretoute proche.

    Saint-Granier le vrai bon sens.

    100 000 FRANÇAIS. ONTTOUJOURS RAISON

    Europe N'ljeudi 20 h 50

    1955

    Imaginée par Jacques Antoine et pré-sentée par André Gillois, cette émis-sion eut une durée de vie remarqua-blement courte environ deux mois

    et demi mais elle mérite une place

    d'honneur pour avoir fait figure de

    précurseur dans le domaine des son-

    dages d'opinion.

    A une époque où l'IFOP, créé pour-

    tant depuis 1936, n'intéresse que les

    spécialistes et sert surtout de cible auxchansonniers, la radio va servir à réali-

    ser chaque semaine un « gallup instan-

    tané » sur un problème d'actualité.Reste à constituer le fameux échantil-

    lon représentatif. Rien de plus simple,on ira le chercher là où se rencontrent

    les deux sexes et toutes les catégoriessociales: au cinéma! Pour consulter

    100 000 Français, l'équipe de JacquesAntoine sélectionne donc 225 salles

    obscures sur tout le territoire.

    Au début de la séance, les ouvreuses

    exposent la question au public et dé-

    comptent les voix, puis elles trans-mettent immédiatement les résultats

    au studio parisien, via les services de

    SVP réquisitionnés par la radio pour

    une des toutes premières fois. Pour la

    première émission, diffusée à la veillede l'ouverture du 42e salon de l'auto,

    on demande (déjà!) s'il convient delimiter la vitesse des véhicules sur les

    routes. On saura bientôt que 72 des

    Français sont. contre une telle me-sure. Au fil des jeudis, on apprendra

    ensuite que 63 des Français sontpour la peine de mort, 65 contre lalimitation des naissances et 73 favo-

    rables aux guérisseurs.Mais cette manière révolutionnaire

    d'interroger 'l'opinion publique esttrès mal vue des journalistes, jaloux de

    leurs prérogatives, et surtout de la

    classe politique qui n'en est pas encore

    à se repaître de son image. Le jour oùAndré Gillois doit poser une questionsur la situation en Indochine, Louis

    Merlin convoque Jacques Antoine etlui explique non sans embarras que les

    autorités ne souhaitent pas vraimentconnaître, et encore moins faire

    connaître, l'opinion de 100 000 Fran-çais sur ce sujet brûlant.

    Ce jeudi soir, la question est rempla-

    cée par une autre qui ne pourra pasfaire froncer les sourcils des hommes

    d'Etat: « êtes-vous pour ou contre le

    port du pantalon par les femmes ? »

    68 des personnes interrogées se pro-noncent contre et ce débat anodin clôt

    une brève série d'émissions dont le

    seul défaut aura été d'avoir vingt ansd'avance.

  • On chante dans mon quartier une estrade. et des milliers de spectateurs,