9
formation Actualités pharmaceutiques n° 505 Avril 2011 L’ objectif premier d’un antiseptique est de préve- nir les infections par la réduction du nombre de micro-organismes. L’antisepsie vise soit à éliminer les germes introduits par l’agent traumati- sant, soit à éviter la surinfection de la plaie par divers germes, notamment ceux de la flore cutanée résidente et transitoire. En effet, l’épiderme sain recèle des quan- tités importantes de micro-organismes, essentielle- ment des bactéries Gram +, quelques Gram - et des champignons filamenteux : toute lésion peut donc leur constituer une porte d’entrée (tableau 1). Mais atten- tion, l’action de l’antiseptique se limite à la réduction de cette flore, qui se reconstitue en 5 à 6 heures. Quelques définitions Antisepsie, désinfection, asepsie… Autant de termes dont il est nécessaire de connaître les définitions. L’antisepsie Le terme d’antisepsie devrait être réservé au cas où l’opération est destinée au traitement d’une infec- tion constituée, la désinfection prévenant, quant à elle, l’infection. Il est ainsi question de l’antisepsie d’une plaie et de la désinfection des mains. En ce qui concerne le lavage et la désinfection des mains, la normalisation européenne utilise le terme hygié- niqueà la place de celui d’antiseptique: le lavage hygiénique des mains sous-entend que soit utilisé un savon antiseptique et la friction hygiénique qu’une solution hydro-alcoolique pour la désinfection des mains sans rinçage soit employée. Un antiseptique L’appellation antiseptique est aujourd’hui limitée aux produits utilisés sur une peau lésée, alors que les désin- fectants concernent les surfaces inertes (sols, disposi- tifs médicaux) et la peau saine (solution biocide). Les antiseptiques sont des médicaments d’usage externe, répondant à un double critère d’efficacité et d’innocuité (articles L. 511-1 et L. 511-2 du Code de la santé publique). Certains peuvent faire office de désinfectants de la peau saine, par exemple lors d’un prélèvement sanguin. Leur dispensation doit être assurée sous la responsabilité d’un pharmacien et les actes les mettant en œuvre doivent faire l’objet de prescription médicale ou de protocoles écrits et validés. Il est question de l’antisepsie d’une plaie et de la désinfection des mains. Tableau 1 : Spectre d’activité théorique des principaux antiseptiques Bactéries Gram + Bactéries Gram - Champignons Spores VE VN et Pox V Biguanides Chlorhexidine +++ ++ + 0 +/- 0 Halogénés Dérivés iodés +++ +++ ++ ++ ++ ++ Dérivés chlorés +++ +++ ++ ++ ++ ++ Alcools Alcool éthylique 70°, alcool isopropylique… ++ ++ + 0 + +/- Tensio-actifs Ammoniums quaternaires +++ + + 0 ? 0 Diamidine + 0 + 0 0 0 Carbanilides Triclocarban ++ +/- 0 ? ? 0 Dérivés métalliques +/- +/- 0 0 0 0 Dérivés mercuriels + + + 0 0 0 Oxydants Peroxyde d’hydrogène 10 volumes + ++ anaérobies +/- lentement levuricide + +/- lentement virucide 0 Colorants +/- +/- 0 0 0 0 Activité létale forte : +++ Activité moyenne : ++ Activité faible : + Activité nulle : 0 Activité non précisée : ? • VE = virus enveloppés Herpesviridae (cytomégalovirus, varicelle-zona, herpès simplex, Epstein-Barr), virus des oreillons, de la rougeole, de la rubéole, de la fièvre jaune, de la rage, virus respiratoire syncytial, virus influenza (grippe) et para-influenza, rétrovirus (virus de l’immunodéficience humaine, virus T-lymphotropique humain, hépatite C, hépatite B +/- hépatite D). • VN = virus nus Entérovirus, polio, coxsackie, échovirus, hépatite A, hépatite E, rotavirus, adénovirus, papillomavirus (verrues, condylomes), parvovirus, calcivirus, astrovirus. • Pox V Poxvirus (variole, Molluscum contagiosum…), virus enveloppé très résistant.

Les antiseptiques, des médicaments à part entière

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Les antiseptiques, des médicaments à part entière

formation

Actualités pharmaceutiques • n° 505 • Avril 2011

L’objectif premier d’un antiseptique est de préve-nir les infections par la réduction du nombre de micro-organismes. L’antisepsie vise soit

à éliminer les germes introduits par l’agent traumati-sant, soit à éviter la surinfection de la plaie par divers germes , notamment ceux de la fl ore cutanée résidente et transitoire. En effet, l’épiderme sain recèle des quan-tités importantes de micro-organismes, essentielle-ment des bactéries Gram +, quelques Gram - et des champignons fi lamenteux : toute lésion peut donc leur constituer une porte d’entrée (tableau 1). Mais atten-tion, l’action de l’antiseptique se limite à la réduction de cette fl ore, qui se reconstitue en 5 à 6 heures.

Quelques défi nitionsAntisepsie, désinfection, asepsie… Autant de termes dont il est nécessaire de connaître les défi nitions.

L’antisepsie

Le terme d’antisepsie devrait être réservé au cas où l’opération est destinée au traitement d’une infec-tion constituée, la désinfection prévenant, quant à elle, l’infection. Il est ainsi question de l’antisepsie d’une plaie et de la désinfection des mains. En ce qui concerne le lavage et la désinfection des mains, la normalisation européenne utilise le terme “hygié-nique” à la place de celui d’“antiseptique” : le lavage hygiénique des mains sous-entend que soit utilisé un savon antiseptique et la friction hygiénique qu’une solution hydro-alcoolique pour la désinfection des mains sans rinçage soit employée.

Un antiseptique

L’appellation antiseptique est aujourd’hui limitée aux produits utilisés sur une peau lésée, alors que les désin-fectants concernent les surfaces inertes (sols, disposi-tifs médicaux) et la peau saine (“solution biocide”).

Les antiseptiques sont des médicaments d’usage externe, répondant à un double

critère d’effi cacité et d’innocuité (articles L. 511-1 et L. 511-2 du Code de la

santé publique). Certains peuvent faire offi ce de désinfectants de la peau saine,

par exemple lors d’un prélèvement sanguin. Leur dispensation doit être assurée

sous la responsabilité d’un pharmacien et les actes les mettant en œuvre doivent faire

l’objet de prescription médicale ou de protocoles écrits et validés.

Il est question de l’antisepsie • d’une plaie et de la désinfection des mains.

Tableau 1 : Spectre d’activité théorique des principaux antiseptiques

Bactéries

Gram +

Bactéries

Gram -Champignons Spores VE VN et Pox V

Biguanides

Chlorhexidine+++ ++ + 0 +/- 0

Halogénés

Dérivés iodés+++ +++ ++ ++ ++ ++

Dérivés chlorés +++ +++ ++ ++ ++ ++

Alcools

Alcool éthylique 70°,

alcool isopropylique…

++ ++ + 0 + +/-

Tensio-actifs

Ammoniums quaternaires+++ + + 0 ? 0

Diamidine + 0 + 0 0 0

Carbanilides

Triclocarban++ +/- 0 ? ? 0

Dérivés métalliques +/- +/- 0 0 0 0

Dérivés mercuriels + + + 0 0 0

Oxydants

Peroxyde d’hydrogène

10 volumes

+++

anaérobies

+/-

lentement

levuricide

+

+/-

lentement

virucide

0

Colorants +/- +/- 0 0 0 0

Activité létale forte : +++ Activité moyenne : ++ Activité faible : + Activité nulle : 0 Activité non précisée : ?

• VE = virus enveloppésHerpesviridae (cytomégalovirus, varicelle-zona, herpès simplex, Epstein-Barr), virus des oreillons, de la rougeole, de la rubéole, de la fi èvre

jaune, de la rage, virus respiratoire syncytial, virus infl uenza (grippe) et para-infl uenza, rétrovirus (virus de l’immunodéfi cience humaine,

virus T-lymphotropique humain, hépatite C, hépatite B +/- hépatite D).

• VN = virus nusEntérovirus, polio, coxsackie, échovirus, hépatite A, hépatite E, rotavirus, adénovirus, papillomavirus (verrues, condylomes), parvovirus,

calcivirus, astrovirus.

• Pox VPoxvirus (variole, Molluscum contagiosum…), virus enveloppé très résistant.

Page 2: Les antiseptiques, des médicaments à part entière

formation

Actualités pharmaceutiques • n° 505 • Avril 2011

Les antiseptiques, des incontournables de l'hygiène et de la prévention

Les normes européennes (EN) ont remplacé les normes Afnor (Agence française de normalisation) pour l’étude de l’activité des produits applicables sur la peau saine. Les antiseptiques ont, pour leur part, accédé au statut de médicaments. Ils doivent donc être soumis à une autorisation de mise sur le marché (AMM) et répondre aux exigences de la Pharmacopée française : indica-tion de l’activité avec et sans substance interférente, propreté microbiologique ou stérilité, étiquetage.Ils sont donc devenus des agents “antimicrobiens” utilisés dans des conditions précises. Les normes européennes sont élaborées en consensus par les acteurs du marché (producteurs, utilisateurs, pouvoirs publics, consommateurs). Il existe des normes de base (normes dites de phase 1) et des normes d’applica-tion (normes de phases 2 et 3) adaptées au domaine d’utilisation, de façon à se placer dans les conditions pratiques d’usage quotidien.

L’asepsie

L’asepsie est l’ensemble des mesures propres à empêcher tout apport exogène de micro-organismes ou de virus.

La désinfection

La désinfection est une opération permettant d’élimi-ner ou de tuer les micro-organismes et/ou d’inactiver les virus indésirables portés par des milieux inertes contaminés en fonction des objectifs fi xés. Le résultat de cette opération est limité aux micro-organismes et/ou virus présents au moment de l’opération.Cette action doit être distinguée de la stérilisation, l’ensemble des germes n’étant, ici, pas détruit.La désinfection est en général menée jusqu’à l’obten-tion d’un seuil jugé non générateur d’un risque sani-taire. La normalisation française est caractérisée par un abattement du nombre de germes d’un facteur 105.

Un désinfectant

Un désinfectant est un produit utilisé pour la désin-fection ou la décontamination effectuée dans des conditions défi nies. Si le produit ou le procédé est sélectif, ceci doit être précisé. Ainsi, un désinfectant ayant une action limitée aux champignons est nommé “désinfectant à action fongicide”.

La décontamination

La décontamination constitue le premier traitement devant être effectué sur les objets et matériels souillés par des matières organiques dans le but de diminuer la population des micro-organismes et de faciliter le nettoyage ultérieur. Cette opération a également pour but de protéger le personnel lors de la manipulation des instruments et permet d’éviter la contamina-

tion de l’environnement Selon la Société française d’hygiène hospitalière (SFHH), le terme de déconta-mi na tion devrait, dans le domaine de la lutte anti-infectieuse, disparaître au profi t de celui de prédé-sin fec tion. Il serait réservé aux risques chimiques et radioactifs.

La prédésinfection

La prédésinfection fait intervenir un produit détergent (“nettoyant”) contenant au moins un principe actif reconnu pour ses propriétés bactéricides, fongicides, sporicides ou virucides, c’est-à-dire un produit déter-gent désinfectant. Cette opération constitue une étape préalable à la désinfection ou à la stérilisation. Tout tissu vivant doit être propre avant d’être “aseptisé”, ainsi que toute surface avant d’être “désinfectée”.

Antiseptiques et résistancesLes micro-organismes ont un pouvoir d’adaptation consi-dérable dont l’une des manifestations les plus spectaculai-res concerne la résistance face aux agents anti-infectieux (antiseptiques, antibiotiques, désinfectants).• L’élément majeur de la résistance est constitué par la surface des micro-organismes. La majorité des anti-septiques et désinfectants exercent leur action princi-palement au niveau de la membrane cytoplasmique et doivent donc pour cela traverser la paroi. Si ces méca-nismes de passage sont altérés, il y a résistance.C’est ainsi que les mycobactéries possédant une couche de cire sont plus résistantes que les bactéries Gram -, elles-mêmes plus résistantes que les bactéries Gram + qui ne possèdent pas d’enveloppe externe.Paradoxalement, les virus à enveloppe sont plus sensibles que les virus nus, en raison de la grande proportion de lipides qui compose l’enveloppe externe, alors plus facilement désorganisée par les antiseptiques.Certaines bactéries peuvent également dégrader les antiseptiques, sans impliquer de plasmide. Enfi n, des notions de nutrition bactérienne et de diffusion de ces produits biocides doivent être prises en compte.• Dans la pratique, le problème se pose lorsqu’il y a résistance à des concentrations proches ou supé-rieures à celle de l’emploi. Une diminution de la concentration du produit peut donc entraîner l’émer-gence d’une résistance.

Il existe deux sortes de résistance :

• la résistance acquise qui résulte d’une modifi cation

génétique brutale chez une souche de l’espèce bactérienne ;

• la résistance naturelle qui est une caractéristique

d’une espèce microbienne donnée.

À retenir

Page 3: Les antiseptiques, des médicaments à part entière

formation

Actualités pharmaceutiques • n° 505 • Avril 2011

Faire le choix d’un antiseptique local• Pour réaliser une bonne antisepsie, les objectifs à atteindre sont un effet immédiat (abaissement du nombre de germes), un effet rémanent lors d’une seule applica-tion et un effet cumulatif après plusieurs applications.• Les critères de choix d’un antiseptique local sont multiples. Parmi eux, il est possible de citer :– une action locale, pour ne pas provoquer de toxi-cité systémique aiguë ou chronique (problème du traitement de grandes surfaces cutanées) en cas de résorption accidentelle par la peau, d’où l’établis-sement d’un coefficient de sécurité, c’est-à-dire l’écart entre la concentration microbienne effi cace et le maximum utilisable, sans danger, en clinique ;– un délai d’action rapide, en une seule application ;– une bonne intensité d’action antimicrobienne confé-rant un effet bactéricide et pas uniquement bactério-statique ;– un spectre d’action aussi large que possible sur les agents pathogènes ;– l’absence de transformation en produit toxique au niveau des tissus ;– pas de pouvoir colorant, cette propriété facultative étant très appréciée par les patients ;– pas d’inhibition de l’antiseptique par des substances organiques (pus, sang, débris cellulaires) ;– un pouvoir rémanent, sans induire de nécessité de lavage après un certain nombre d’applications sur les grandes surfaces chez les bébés et sur les dermatoses irritatives ;– des propriétés annexes de la formulation telles qu’une action détergente ou desséchante ;– une qualité du conditionnement qui doit être adapté à la pratique ;– la solubilité en toutes proportions dans l’eau et les liquides organiques ;– la stabilité, aussi bien dans les solutions étendues que dans le temps ;– une bonne tolérance, pour ne pas induire de causticité, de dermite d’irritation, de contact (allergies) ou de photo-sensibilisation, pour ne pas léser les cellules sur lesquelles il est appliqué ou pour ne pas ralentir la cicatrisation ;– un coût modéré.

Facteurs infl uençant l’activité des antiseptiquesDe nombreux facteurs physico-chimiques viennent modifi er l’activité des antiseptiques en intervenant sur leur disponibilité au niveau de leur(s) site(s) d’action :• l’infl uence de la température, celle-ci étant liée à l’énergie d’activation du produit ;• l’effet des solvants qui peut être synergique ou antagoniste ;• l’effet du pH, l’activité antiseptique étant liée à la forme non-libre le plus souvent ;• l’effet des électrolytes, les sels de l’eau “dure” interférant avec de nombreux antiseptiques ;• la formation de complexes et l’adsorption qui peuvent diminuer la disponibilité du produit ;• l’effet des surfactants, lié à l’affinité de l’anti-septique pour les micelles, fonction de la concentra-tion du surfactant ;• la concentration de l’antiseptique puisqu’il existe une relation exponentielle entre cette concentration et le temps nécessaire pour obtenir l’effet attendu ;• la distribution entre phases liquides non misci-

bles, l’effet étant lié au coeffi cient de distribution entre les phases ;• le temps de contact ;• l’interaction avec les matières organiques.

Principes d’utilisation des antiseptiquesLe Centre de coordination de la lutte contre les infections nosocomiales (CCLIN) a publié un certain nombre de recommandations concernant les princi-pes d’utilisation des antiseptiques :– vérifi er systématiquement avant l’emploi la date de péremption indiquée par le laboratoire commerciali-sant le produit ;

Les agents à visée antiseptique ne sont pas stérilisants :

ils réduisent temporairement le nombre de micro-organismes.

À noter

Antibiotiques voie topique/antiseptiques

L’antibiothérapie externe (antibiotiques et antifongiques externes)

s’apparente aux antiseptiques, puisqu’elle agit au niveau

des muqueuses infectées superfi ciellement afi n de réduire

le nombre de micro-organismes (bactéries et champignons

microscopiques) au lieu de l’infection en vue de l’enrayer. Elle

concerne essentiellement des infections auriculaires, oculaires,

cutanées et génitales externes.

Les antibiotiques en topique les plus utilisés sont les macrolides,

les synergistines, les lincosamides et l’acide fusidique.

Page 4: Les antiseptiques, des médicaments à part entière

formation

Actualités pharmaceutiques • n° 505 • Avril 2011

Les antiseptiques, des incontournables de l'hygiène et de la prévention

– préférer les petits conditionnements, voire les présen ta tions unidoses ;– respecter la durée d’utilisation du produit après son ouverture (jusqu’à 30 jours ; ce délai est arbitraire et peut varier selon les conditions d’utilisation et de gestion de ces médicaments) ;– manipuler avec précaution le fl acon et ne pas toucher son ouverture afi n d’éviter toute contamination ;– fermer soigneusement le fl acon après chaque mani-pulation ;– conserver le produit à l’abri de la lumière et de la chaleur (consignes particulières pour les produits infl ammables) ;– conserver les solutions dans le fl acon d’origine afi n d’éviter les contaminations, la perte des informations notées sur le fl acon et pour respecter les compatibi-lités contenu/contenant ; respecter la prescription et les indications ;– appliquer l’antiseptique sur une peau propre (sauf le savon antiseptique) et rincée en raison de la potentielle inhibition par les salissures protéiques ;– utiliser le produit sur la peau, les muqueuses ou dans les cavités (sauf exceptions) en fonction de l’AMM ;– respecter la concentration et le temps de contact ;– ne pas rincer l’antiseptique (sauf en néonatalogie, en pédiatrie et pour l’irrigation des cavités après laquelle un rinçage est nécessaire), sous risque de perdre l’effet rémanent ;– respecter des précautions d’emploi chez le nour-risson de 1 à 30 mois.

Principaux antiseptiquesUn certain nombre d’antiseptiques sont actuellement disponibles sur le marché. Le pharmacien d’offi cine doit connaître leurs indications, contre-indications et autres particularités afi n de conseiller le produit adapté.

L’hypochlorite de sodium

• L’hypochlorite de sodium (NaOCl) présente une bonne activité sur les bactéries et les virus, mais il est caustique et parfois allergisant. Appliqué sur une peau irritée ou lésée, il peut générer quelques effets indésirables tels qu’une sensation de brûlure ou d’irritation. Sous occlusion, il peut provoquer une irritation.• Le soluté de Dakin ou liqueur de Dakin, à base d’hypochlorite de sodium, est un antiseptique très effi cace dans la lutte contre la prolifération des bacté-ries ou autres infections virales. Il est dosé à 0,5 % de chlore actif, alors qu’Amukine®, plus diluée, titre seulement 0,06 % de chlore actif, ce qui permet d’uti-liser ce dernier pour l’antisepsie de l’œil.• L’hypochlorite de sodium sous forme d’Eau de

Javel (2 ,5 % de chlore actif) est un désinfectant utilisé dans des applications diverses et variées : élimination de germes sur les surfaces et d’odeurs, désinfection de l’eau, agent de blanchiment domestique…

Les étapes de l’antisepsie pour un soin de qualité

• La détersion, le nettoyage constituent une première étape indispensable, qui nécessite

l’utilisation d’un savon doux ou antiseptique et permet d’éliminer une fraction de la fl ore

cutanée par action mécanique.

• Le rinçage est réalisé à l’eau stérile.

• Le séchage, étape importante visant à ne pas diluer l’antiseptique devant être appliqué,

est réalisé par tamponnement avec des compresses stériles en fonction de l’indication.

• L’application de l’antiseptique, qui doit être choisi en fonction de sa compatibilité

avec le savon utilisé lors de la détersion, s’opère avec une compresse stérile, sans repasser

deux fois au même endroit.

• Le séchage à l’air libre représente également une étape importante permettant de ne pas

éliminer l’antiseptique appliqué et favorisant la rémanence.

• Les antiseptiques majeurs : bactéricides et à large spectre

Biguanides : chlorhexidine

Halogénés

Alcools : alcool éthylique 70°, alcool isopropylique…

• Les antiseptiques intermédiaires : bactéricides

et à spectre étroit

Ammoniums quaternaires : chlorure de benzalkonium

• Les antiseptiques mineurs : bactériostatiques et à spectre

étroit

Carbanilides : triclocarban

Diamidines : hexamidine

Acides : acide borique (préparations), acide salicylique

Dérivés métalliques : nitrate d’argent, sulfates de cuivre et zinc

• Les antiseptiques déconseillés en tant que tels

(toxicité et effets indésirables importants)

Dérivés mercuriels

• Les produits considérés à tort comme

antiseptiques

Peroxyde d’hydrogène : eau oxygénée à 10 volumes

(nettoyage des plaies et action hémostatique).

Colorants (action desséchante) : éosine aqueuse,

solution de Milian, violet de gentiane.

NB : les antiseptiques peuvent aussi être classés selon la structure chimique (halogénés, biguanides, ammoniums par voie intraveineuse…), les indications de l’autorisation de mise sur le marché (antisepsie de la peau lésée, des muqueuses…) et le spectre d’activité.

Les antiseptiques peuvent être classés selon leur spectre d’activité

Page 5: Les antiseptiques, des médicaments à part entière

formation

Actualités pharmaceutiques • n° 505 • Avril 2011

Les alcools

Les alcools sont des agents bactéricides pouvant être utilisés comme antiseptiques ou désinfectants. Ils sont peu coûteux et sont relativement peu toxiques lorsqu’ils sont utilisés localement.• L’éthanol (CH

3CH

2OH) est un agent bactéricide

plus actif sur les bactéries à Gram - que sur celles à Gram + et faiblement virucide et fongicide, mais non sporicide. Il pénètre dans les bactéries en dénaturant leurs protéines. Son activité maximale est atteinte lors-que le titre est de l’ordre de 70°.Il est utilisé comme antiseptique de la peau saine, surtout avant les injections parentérales et pour la désinfection du matériel. Il est mal supporté sur les plaies érodées et contre-indiqué sur les muqueuses. Il sert aussi de solvant à de nombreux antiseptiques dont il potentialise l’action. Il est cependant contre-indiqué chez l’enfant de moins d’un mois.• L’isopropanol (CH

3-CHOH-CH

3) et le 1-propanol

(CH3CH

2CH

2OH) sont principalement utilisés comme

antiseptiques de la peau et désinfectants. Leur acti-vité germicide est supérieure à celle de l’éthanol.• Le chlorobutanol (1,1,1-trichloro-2-méthyl-2-

propanol) est un agent bactériostatique et anti-fongique utilisé comme conservateur de solutions médicamenteuses (ophtalmiques, nasales…). Il possè de en outre, un effet anesthésique local.Il n’est commercialisé en France que sous forme d’asso cia tion comme dans Optrex®, solution pour lavage oculaire en cas d’irritation conjonctivale, se composant de chlorobutanol, d’acide salicylique, d’alcool, d’acide borique et d’eau d’hamamélis.• L’alcool benzylique (C

6H

5CH

2OH) est un anti-

bactérien qui possède également une activité anes-thésique locale. Il est souvent employé comme anti-prurigineux et utilisé en odontologie. En France, il n’est commercialisé que sous forme d’association pour son action légèrement anesthésique.

Les dérivés iodés

• Les antiseptiques iodés sont principalement

représentés par la povidone iodée, un complexe iodé avec la polyvinylpyrrolidone qui renferme envi-ron 10 % d’iode. Il s’agit d’un antiseptique à large spectre, bactéricide, fongicide et virucide, utilisé pour l’asepsie de la peau, du champ opératoire et pour le traitement des plaies et brûlures superfi cielles peu étendues.• Les spécialités renfermant de la povidone iodée,

principalement connues sous le nom de Béta-

dine®, se présentent sous de nombreuses formes pharmaceutiques : gel à 10 % pour application cuta-née, solution à 10 % pour bains de bouche, solu-tion vaginale à 10 %, ovule à 250 mg, compresses

imprégnées à 350 mg, solution pour irrigation oculaire à 5 %, solution alcoolique à 5 % pour applications cutanées, solution à 10 % pour applications cutanées et pour applications locales…La povidone iodée n’est pas toxique et peu irritante. Toutefois, en cas d’administrations répétées et prolon-gées, il peut se produire une surcharge d’iode sus-ceptible d’entraîner un dysfonctionnement thyroïdien, notamment chez le prématuré, le nourrisson et le grand brûlé.Le risque d’hypersensibilisation à l’iode est possible.De même, une certaine cytotoxicité peut se manifes-ter au niveau des muqueuses et des tissus profonds ainsi que des réactions cutanées locales (dermites caustiques et eczéma de contact).Notons que la peau enduite de povidone iodée prend une coloration brune qui s’élimine facilement à l’eau.Certains effets indésirables sont propres aux spécia-li tés à usage oculaire : rares cas d’hyperthermie conjonctivale, de kératite ponctuée superfi cielle et coloration jaune résiduelle de la conjonctive.La povidone iodée est contre-indiquée chez le nouveau-né. L’utilisation chez l’enfant de moins de 30 mois, si elle s’avère indispensable, doit se limiter à une application brève et peu étendue, suivie d’un lavage à l’eau stérile.

CH3

H3C CCI3HO

Chlorobutanol.•

L’association iode/dérivés mercuriels doit être proscrite

en raison d’un risque de formation d’un composé

caustique.

Mise en garde

• L’utilisation itérative de produits iodés chez la femme

enceinte, en particulier sur la muqueuse génitale, peut être

à l’origine d’une résorption transcutanéomuqueuse

et transplacentaire.

En cas d’allaitement, il convient d’éviter l’application

d’antiseptiques sur les seins.

Lorsque le risque infectieux est important, le rapport

bénéfi ce/risque justifi e l’emploi d’antiseptiques contre-

indiqués par l’autorisation de mise sur le marché,

en particulier les produits iodés.

• Chez le nouveau-né, la répétition des applications

de certains antiseptiques (iodés et alcooliques), même sur

une surface peu étendue, peut favoriser la survenue d’effets

systémiques.

• Chez l’enfant de moins de 30 mois, l’utilisation d’iode

ou de dérivés iodés pour l’antisepsie de la peau doit être

évitée du fait d’un risque d’hypothyroïdie.

Au comptoir, les produits iodés

Page 6: Les antiseptiques, des médicaments à part entière

formation

Actualités pharmaceutiques • n° 505 • Avril 2011

Les antiseptiques, des incontournables de l'hygiène et de la prévention

Les ammoniums quaternaires

• Les ammoniums quaternaires sont des agents

tensio-actifs : ils possèdent un pôle hydrophobe et un pôle hydrophile ; ce dernier étant chargé positive-ment, il est question de “surfactifs cationiques”.Ils sont le plus souvent associés à d’autres principes actifs : alcool, anesthésique local…Le chlorure de benzalkonium est le plus connu des ammoniums quaternaires mais d’autres existent tels que le cétrimide (Cetavlon®, Stérilène®), le dodéclo-nium (dans Sedaplaie®, Derméol®…), le mécétronium (dans Stérilium®) et le miristalkonium (dans Sterlane®).Leur spectre est assez étroit : activité sur les bacté-ries à Gram +, avec un effet uniquement bactério-statique sur les bactéries à Gram -, faible activité sur les champignons, activité sur les virus enveloppés.Les solutions aqueuses d’ammoniums quaternaires se contaminent très facilement ; elles doivent donc être conservées dans leur fl acon d’origine au maxi-mum 8 jours après ouverture.Aux concentrations habituellement utilisées, les ammoniums quaternaires sont peu irritants et peu toxiques, mais des réactions d’hypersensibilité peuvent survenir. Leur utilisation sur la muqueuse rectale peut provoquer une atonie comparable à celle observée avec les curarisants.

• Les contre-indications des ammoniums quater-

naires sont nombreuses :

– l’hypersensibilité à l’un des constituants, en particu-lier à la famille des ammoniums quaternaires ;– l’utilisation sur les muqueuses, notamment géni-tales (risque de balanite ou de vaginite érosive, débutant par des lésions punctiformes, devenant ulcéreuses, extensives et nécrotiques, à contour géographique) ;– l’utilisation pour l’antisepsie avant prélèvement (ponction et injection), pour tout geste invasif néces-sitant une antisepsie de type chirurgical (ponction lombaire, voie veineuse centrale, etc.), pour la désin-fection du matériel médicochirurgical.Les ammoniums quaternaires sous forme de colly re sont le bromure de céthexonium (Biocidan®, Monosept®, Sedacollyre®) et le chlorure de cétyl-pyridinium (Novoptine®).Certains ammoniums se retrouvent dans les collyres, mais seulement au niveau des excipients. C’est le cas, par exemple du collyre Chibro-Cadron®, à base de dexaméthasone, de néomycine (prin-cipes actifs) et de bromure de benzododécinium (conservateur).• L’utilisation des ammoniums quaternaires sous

la forme de collyre nécessite de respecter certaines précautions :– le traitement doit être limité dans le temps (15 jours), car l’utilisation intensive ou prolongée de ce type de produits peut être à l’origine d’altérations de l’épi-thélium conjonctival et (ou) cornéen ;– elle doit être évitée chez les porteurs de lentilles de contact car les ammoniums quater naires peuvent être adsorbés par les lentilles hydrophiles et être à l’origine de leur intolérance locale ;– en cas de traitement concomitant par un autre colly re contenant un principe actif différent, il convient d’espacer les instillations de 15 minutes.

Les biguanides

• La famille des biguanides comporte princi-

palement la chlorhexidine disponible dans de très nombreu ses spécialités sous forme de savon, de solu-tion aqueuse et de solution alcoolique pour applica-tions locales, de comprimés, de collyres, de pastilles, de pâtes dentifrice ou de gel urétral : Aphtéal®, Baséal®, Biorgasept®, Biseptine®, Biseptinespraid®, Catacol®, Cetavlex Aqueux®, Collunovar®, Corsodyl®, Cytéal®, Dermobacter®, Désomédine®, Diaseptyl®, Dosiseptine®, Drill®, Elgydium®, Eludril®, Euraxsepti®, Exoseptoplix®, Hibidil®, Hibiscrub®, Hibitane®, Instillagel®, Isodril Phényléphrine®, Mercryl®, Paroex®, Plurexid®, Prexidine®, Septéal®, Septivon®, Soludril®, Thio valone® et Visiodose®.

Les antiseptiques de la classe des ammoniums

quaternaires sont :

– neutralisés par les composés anioniques dont les savons ;

– inactivés par le pus et le sang.

À retenir

Povidone iodée,

quelles contre-indications ?

• Contre-indications générales communes à tous les produits :

– antécédent d’allergie à l’un des constituants, en particulier

la povidone. Il n’existe pas de réactions croisées avec les produits

de contraste iodés. Les réactions d’intolérance (réactions

anaphylactoïdes) aux produits de contraste iodés ou d’anaphylaxie

aux fruits de mer ne constituent pas une contre-indication à

l’utilisation de Betadine 10 % ;

– nouveau-né de moins d’un mois ;

– utilisation de façon prolongée pendant les 2e et 3e trimestres

de la grossesse ;

– allaitement, en cas de traitement prolongé.

• Contre-indications propres aux spécialités à usage oculaire :

– ne pas administrer en injection intra-oculaire et péri-oculaire ;

– ne pas administrer de façon concomitante à des topiques

à usage ophtalmique contenant des conservateurs mercuriels.

• Contre-indication relative propre aux spécialités à

usage vaginal : association à des produits spermicides

et à des antiseptiques dérivés du mercure.

Page 7: Les antiseptiques, des médicaments à part entière

formation

Actualités pharmaceutiques • n° 505 • Avril 2011

• La chlorhexidine se trouve également dans les

excipients de certains médicaments.Elle est rapidement bactéricide et possède une légère activité fongistatique. Son activité est potentialisée par l’association avec les ammoniums quaternaires ou avec l’alcool.Peu toxique et peu irritante, elle peut cependant parfois générer des réactions d’hypersensibilité et une photosensibilisation.Lorsqu’elle est utilisée en bains de bouche, la chlo-rhexidine peut provoquer une coloration brune de la langue et des dents, réversible à l’arrêt du traitement.Son utilisation est incompatible avec celle des agents anioniques et des halogénés.

Les colorants, l’éosine

• L’éosine est un antiseptique faible, uniquement actif sur les bactéries, mais qui présente l’avantage d’assécher les plaies.Elle est principalement commercialisée sous la forme d’éosine aqueuse à 2 % pour application locale comme traitement d’appoint des affections de la peau primitivement bactériennes ou susceptibles de se surinfecter, notamment l’érythème fessier du

nourrisson. L’éosine alcoo-lique à 2 % est, bien sûr, contre-indiquée dans ce cas.• L’éosine peut induire

quelques effets secon-

daires : un risque de photo-sensibilisation et des éruptions cutanées loca-

lisées. Un fl acon ouvert se contamine très rapi-dement et devrait être utilisé sous 24 heures, ce qui explique que l’éosine se présente en monodoses.

Les oxydants non-halogénés

• Le peroxyde d’hydrogène ou eau oxygénée (H2O

2)

est un agent bactériostatique. Il est stable en milieu acide, plus favorable à sa conservation, mais un fl acon ouvert ne devrait pas être conservé plus de 8 jours. En milieu alcalin ou réducteur, il se décompose en eau et oxygène. Il est également décomposé par la catalase des tissus.La solution d’eau oxygénée à 10 volumes est peu pénétrante, peu bactéricide et légèrement hémo-statique. Elle est utilisée telle quelle ou diluée au 1/5e

dans la désinfection de plaies et en gargarisme.L’eau oxygénée est aussi utilisée pour la désinfection des lentilles. Dans ce cas, elle doit, après usage, être correctement neutralisée pour que les effets secon-daires soient évités.• Le permanganate de potassium (KMnO

4) est

un oxydant énergique plus actif sur les bactéries à Gram - que Gram +. Il inactive aussi la plupart des virus. Son action est due au dégagement d’oxygène naissant qui se produit en présence de matières orga-niques en solution neutre.Il est employé en dermatologie (solution à 0,01 %) pour l’antisepsie de la peau, des muqueuses et des plaies, mais il provoque une coloration brunâtre des téguments. Il est toxique par voie orale et impropre à la désinfection du matériel médicochirurgical.

Les hexahydropyrimidines

• L’hexétidine présente un large spectre antibactérien et antifongique. Cet antiseptique est commercialisé sous les noms de Hextril® (bain de bouche, gel gingival, pâte dentifrice), Collu-Hextril® (collutoire), Givalex® (bain de bouche et collutoire) et Angispray® (collutoire).Le bain de bouche Hextril® est contre-indiqué chez l’enfant de moins de 6 ans.• L’indication de bains de bouche ne justifi e pas un traitement prolongé, d’autant qu’il pourrait exposer à un déséquilibre de la fl ore microbienne normale de la cavité buccale. Le traitement usuel ne doit donc pas dépasser 10 jours, période au-delà de laquelle la conduite à tenir est réévaluée.• En ce qui concerne la forme collutoire, la durée du traitement est limitée à 5 jours. L’indication ne justi-fi e pas un traitement prolongé au-delà, d’autant que le traitement pourrait également exposer à un désé-quilibre de la fl ore microbienne normale de la cavité buccale avec un risque de diffusion bactérienne ou fongique. En cas de persistance des symptômes au-delà de 5 jours et/ou de fi èvre associée, la conduite à tenir doit être réévaluée.Des manifestations d’hypersensibilité généralement cutanéomuqueuses d’allure allergique, en particu-lier angio-œdèmes, et des réactions locales ont été rappor tées avec les produits à base d’hexétidine.

Cl

HN

NH

HN

HN

NHNH

NH

NH

NH

NHCl

Chlorhexidine.•

Chlorhexidine et contre-indications• Hypersensibilité connue pour l’un des constituants de la spécialité.

• Ne doit pas être mise en contact avec le cerveau,

les méninges et l’œil, ni pénétrer dans le conduit auditif en cas

de perforation tympanique.

• Ne doit pas être utilisée sur les muqueuses, notamment

génitales (risque de balanite ou de vaginite érosive).

• Ne doit pas être utilisée pour la désinfection du matériel

médicochirurgical.

N NH3C

H3CH3C NH2

CH3

CH3

Hexétidine.•

Page 8: Les antiseptiques, des médicaments à part entière

formation

Actualités pharmaceutiques • n° 505 • Avril 2011

Les antiseptiques, des incontournables de l'hygiène et de la prévention

Les amidines

• L’hexamidine, qui appartient à la famille des

diamidines, est active contre les germes à Gram + et les Candida, notamment sous la forme de Hexomédine® transcutanée. Elle a la particularité de ne pas être inhibée par le pus, le sérum et les débris organiques. Elle peut entraîner des réactions de sensi bi li sa tion chez les sujets prédisposés et des manifestations bénignes telles que des sensations de picotements, des démangeaisons, des brûlures et une sécheresse cutanée.

• L’hexamidine est utilisée sous forme de collyres,

de solution pour pulvérisation nasale, de collu-

toi re, de solution ou de gels pour application

locale, principalement sous les noms de spécialités Désomédine® et Hexomédine®.

Les organomercuriels

Les dérivés organomercuriels sont efficaces. Toutefois, ils sont aujourd’hui de moins en moins utilisés en raison, d’une part, de la nécessité de respecter l’environnement et, d’autre part, de leur toxicité potentielle (néphrotoxicité, hypertension artérielle, accidents neurologiques, syndrome acrodynique).• Le thiomersal ou mercurothiolate est un antiseptique bactériostatique et fongistatique qui n’a aucune action sur les spores. Il est utilisé aujourd’hui, à très faibles doses, comme antibactérien.• La merbromine est un antiseptique de faible acti-vité, bactériostatique vis-à-vis des germes Gram + et Gram -. Elle est utilisée pour l’antisepsie des plaies et des brûlures superfi cielles et peu étendues (Solution aqueuse pour applications locales de mercurescéine Gifrer®).

Les carbanilides

• Le triclocarban est un agent bactériostatique de type diarylurée (carbanilide) employé dans certains détergents, savons, mousses à raser, pommade…Il ne supporte pas un chauffage excédant 50 °C puisqu’à cette température, il se transforme en aniline susceptible d’induire une méthémoglobinémie.Un risque d’irritation cutanée et de photosensibilisa-tion est possible.• Deux spécialités inscrites au Vidal renferment du triclocarban :– Cutisan® poudre pour application cutanée, utilisée dans le traitement d’appoint des intertrigos digito-plantaires de l’adulte ;– Solubacter®, solution pour application locale indi-quée pour le nettoyage et le traitement d’appoint des affections de la peau et des muqueuses primitivement bactériennes ou susceptibles de se surinfecter, ainsi que pour le traitement local d’appoint des infections vaginales à germes sensibles.

Les dérivés anioniques

• La classe des dérivés anioniques comprend le laurylsulfate de sodium (ou dodécylsulfate de sodium) présent dans la spécialité Dermacide®. Ce surfactant ionique est utilisé dans de nombreux produits tels que les solutions moussantes, les savons antibactériens, les dentifrices, les shampooings, les mousses à raser… Il l’est aussi dans les bains moussants pour ses effets épaississants et sa capacité à créer une mousse.• Divers autres antiseptiques sont utilisés tel que

le sulfate de cuivre dans la spécialité Ramet Dalibour Acide®, une solution pour application locale destinée au nettoyage des affections de la peau primitivement bacté-rienne ou susceptibles de se surinfecter, ainsi qu’en milieu légèrement acide à la toilette gynécologique externe.

Absorption percutanée des antiseptiquesToute altération de la surface cutanée par agression mécanique, chimique ou physique facilite le passage vers les structures cutanées profondes et le compar-timent sanguin systémique. Il en résulte une modifi ca-tion de biodisponibilité mise à profi t pour optimiser une action thérapeutique, mais qui, dans certains cas, peut s’avérer néfaste avec apparition d’effets toxiques.Peu de travaux ont été réalisés quant à l’absorption percutanée des antiseptiques, car leur action a priori locale ne nécessite pas une formulation permettant une augmentation d’absorption. Il est ainsi considéré que les antiseptiques exercent pleinement leur action au niveau de la surface cutanée lésée, la couche cornée de la peau exerçant son rôle de barrière vis-à-vis de la pénétration d’agents extérieurs.

O

NH

H2NO

NH

NH2

Hexamidine.•

Hexamidine,

quelles contre-indications ?

• Contre-indications communes :

– hypersensibilité à l’un des constituants ;

– antisepsie avant prélèvement (ponction, injection) ;

– tout geste invasif nécessitant une antisepsie de type

chirurgical (ponction lombaire, voie centrale veineuse) ;

– désinfection du matériel médicochirurgical ;

– application sur les muqueuses (et sur les plaies ouvertes

pour Hexomédine® transcutanée).

• Contre-indications de Hexomédine® collutoire :

– enfant de moins de 6 ans ;

– hypersensibilité à l’un des constituants.

COO–Na+

SHg CH3

Thiomersal.•

HN

HN

Cl Cl

Cl

O

Triclocarban.•

Page 9: Les antiseptiques, des médicaments à part entière

formation

Actualités pharmaceutiques • n° 505 • Avril 2011

Antiseptiques chez l’enfantLa peau du nourrisson et du nouveau-né n’est certes pas plus perméable que celle de l’adulte, mais le rapport surface/poids est multiplié par 7 chez le préma tu ré et par 3 à 5 chez le nouveau-né. Cette différence essentielle explique que, lors de l’applica-

tion d’un topique, l’absorption percutanée, propor-tionnelle à ce rapport, est beaucoup plus importante et conditionne la survenue d’effets secondaires toxi-ques marqués, habituellement faibles chez l’adulte, et dus à une action systémique du produit majorée par l’immaturité du système de détoxifi cation du nouveau-né.Il est donc nécessaire de diminuer la posologie pour les nouveau-nés et les nourrissons lors de l’applica-tion locale d’un antiseptique sur une surface corpo-relle importante, et d’autant plus que celle-ci présente des lésions.La chlorhexidine est actuellement l’antiseptique le plus utilisé en pédiatrie.

Interactions médicamenteuses avec les antiseptiques• Il faut, en général, proscrire les associations

entre agents antiseptiques et éviter le mélange

aux produits nettoyants, sous peine de voire apparaître une perte d’activité (antagonisme, inac-tivation), des résistances, une sélection de souches particulières (ex : Pseudomonas aeruginosa) et des incompatibilités.• Certaines associations permettent de potentia-

liser l’activité antiseptique de chacun des consti-

tuants. Par exemple, dans Biseptine® (chlorhexidine + chlorure de benzalkonium + alcool benzylique) :– l’effi cacité propre de chaque constituant actif est potentialisée par la présence des deux autres ;– le chlorure de benzalkonium confère des propriétés légèrement détergentes à la solution ;– l’alcool benzylique, à la concentration utilisée, exerce une activité légèrement anesthésique et anal-gésique locale (tableau 2). �

Christian Mœsch

Professeur des Universités, praticien hospitalier,

Faculté de pharmacie de Limoges (87)

Responsable de l’UF Toxicologie analytique environnementale

et de Santé au travail,

Service de pharmacologie et de toxicologie-pharmacovigilance,

CHU de Limoges

[email protected]

Jacques Buxeraud

Professeur des Universités,

professeur de chimie thérapeutique,

Faculté de pharmacie de Limoges (87)

[email protected]

Tableau 2 : Principales interactions médicamenteuses rencontrées

avec les antiseptiques

Principales familles d’antiseptiques Interactions

Halogénés • Composés iodés :Instabilité en milieu alcalin

Inactivation par le thiosulfate de sodium (antidote possible)

Effet amoindri en présence de matières organiques

Dérivés mercuriels (formation d’un dérivé toxique)

Les produits spermicides (pour les spécialités vaginales)

• Composés chlorés :

Inactivation par le thiosulfate de sodium

Inactivation par le bicarbonate de sodium (antidote en cas d’ingestion)

Effet amoindri en présence de matières organiques

Biguanides Inactivation avec de nombreux surfactifs anioniques ou non ioniques,

avec des savons et en milieu alcalin

Adsorption sur polyéthylène basse densité, cellulose, tanins du liège

Effet amoindri en présence de matières organiques

Ammoniums quaternaires Incompatibilité physico-chimique avec les surfactifs anioniques et les savons

Inactivés en présence de fi bres de cellulose et de coton.

Adsorption sur latex, liège, eau dure (baisse de l’activité)

La fl uorescéine, le nitrate de pilocarpine, les sels d’argent, l’acide borique,

les salicylates

Oxydants Instabilité en milieu alcalin, en présence de dérivés métalliques,

de composés réducteurs, de certains oxydants, de lumière et de chaleur

Dérivés mercuriels Incompatibles avec les dérivés iodés en raison de la formation d’iodure

de mercure irritant

• Les antiseptiques sont aujourd’hui parfaitement défi nis et regroupés par

familles chimiques aux usages spécifi és : halogénés, biguanides et ammoniums

quaternaires pour les plus importantes.

• Les spécialités sont fort nombreuses. Ceci impose des principes d’utilisation soumis

à des recommandations nécessitant l’adaptation du comportement individuel et une

formation collective, ainsi que l’établissement de protocoles pour un emploi adéquat et

homogénéisé. Par exemple, les différentes étapes du soin sont le nettoyage, le rinçage,

le séchage, l’application du produit et, enfi n, le séchage à l’air libre.

• Les antiseptiques sont des médicaments avec autorisation de mise sur le marché

(AMM), destinés à réduire le nombre de micro-organismes sur les tissus vivants lésés.

Leurs mécanismes d’action sont complexes, variés et rarement univoques, permettant

une activité sur un large spectre (bactéries, virus, champignons microscopiques) soumis

cependant à des cas de résistance. De plus, de nombreux facteurs physicochimiques

viennent modifi er cette activité (d’évaluation standardisée) en intervenant

sur la biodisponibilité au niveau du site d’action.

• Les critères de choix d’un antiseptique reposent sur les objectifs d’une action

immédiate, rémanente et/ou cumulative.

• Bien que d’indication locale, il existe une certaine absorption percutanée donnant

lieu à des précautions d’emploi et des contre-indications chez certains sujets

(femme enceinte ou allaitante, nourrisson).

• Comme pour tout médicament, il est nécessaire d’éviter, avec les antiseptiques,

certaines interactions médicamenteuses à l’origine de perte d’activité, de résistance,

de sélection ou encore d’incompatibilités.

Au comptoir, l’essentiel sur les antiseptiques