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Jean Nahenec

les dames debretagne

tome 21488-1492

Rebelles

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Copyright © 2014 Fredrick d’AnternyCopyright © 2014 Éditions AdA Inc.Tous droits réservés. Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite sous quelque forme que ce soit sans la permission écrite de l’éditeur, sauf dans le cas d’une critique littéraire.

Éditeur : François DoucetRévision linguistique : Féminin plurielCorrection d’épreuves : Nancy Coulombe, Katherine LacombeConception de la couverture : Mathieu C. DandurandPhoto de la couverture : © ThinkstockMise en pages : Sébastien MichaudISBN papier 978-2-89733-955-5ISBN PDF numérique 978-2-89733-956-2ISBN ePub 978-2-89733-957-9Première impression : 2014Dépôt légal : 2014Bibliothèque et Archives nationales du QuébecBibliothèque Nationale du Canada

Éditions AdA Inc.1385, boul. Lionel-BouletVarennes, Québec, Canada, J3X 1P7Téléphone : 450-929-0296Télécopieur : [email protected]

DiffusionCanada : Éditions AdA Inc.France : D.G. Diffusion Z.I. des Bogues 31750 Escalquens — France Téléphone : 05.61.00.09.99Suisse : Transat — 23.42.77.40Belgique : D.G. Diffusion — 05.61.00.09.99

Imprimé au Canada

Participation de la SODEC.Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) pour nos activités d’édition.Gouvernement du Québec — Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres — Gestion SODEC.

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Nahenec, Jean, 1967-

Les dames de Bretagne Sommaire : t. 1. Farouches -- t. 2. Rebelles. ISBN 978-2-89733-952-4 (vol. 1) ISBN 978-2-89733-955-5 (vol. 2)I. Nahenec, Jean, 1967- . Farouches. II. Nahenec, Jean, 1967- . Rebelles. III. Titre. IV. Titre : Rebelles. V. Titre : Farouches.

PS8557.A576D35 2014 C843’.54 C2014-940954-0PS9557.A576D35 2014

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À madame Micheline Orr, conférencière amoureuse d’histoire, née à Versailles, devant le château des rois de France.

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J’ai toujours senti dans mon corps, ma tête et mes tripes le poids de ce combat. Si j’ai choisi de le mener, ce fut sûrement dès l’époque où je commençai d’exister dans le ventre de ma mère, Marguerite. L’époque où mon père venait déjà me parler, sa bouche posée dou-cement sur le satin blanc de la chair distendue. De ses comptines chantonnées, de ses espoirs murmurés, j’ai tissé mon destin.

Dès mon plus jeune âge, ensuite, j’ai toujours su que la terre de Bretagne coulait dans mes veines. Mon sang aussi chantait. Il parlait de liberté.

Mes actes m’ont ainsi, en quelque sorte, été dictés. Et pour donner à mon âme quelque repos, j’ai accepté de suivre ce courant violent, cette voie, cet appel fait de tous les cris de ces gens qui croyaient en nous. Qui croient encore.

Alors, j’ai œuvré. Au péril de ma vie et de la raison, parfois, en usant des idées les plus folles comme des plus audacieuses, en voguant telle l’intrépide caravelle sur les flots de la colère, mais aussi sur ceux de l’amour. L’amour de la terre et des gens qui y vivent, et sur ce postulat d’un duché de Bretagne indépendant et fier pouvant avec noblesse coexister avec la France et ses puis-santes voisines.

Si j’ai fait ce rêve et qu’il meurt, alors que je meure aussi.Mais pas sans combattre.

Anne

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Table des matières

1- L’homme-ours . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1

2- La faille . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9

3- Sous la tente du vainqueur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19

4- Brèves retrouvailles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27

5- Une signature difficile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41

6- L’éternité pour linceul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51

7- Une lugubre cérémonie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61

8- Des exigences irrecevables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73

9- Tiré par le col . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85

10- L’ombre boiteuse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95

11- À la chasse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107

12- Le coup de force . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117

13- La riposte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123

14- Un cadeau de roi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129

15- La déchirure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139

16- Désespoir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 149

17- Un ange en enfer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 155

18- Quelques leçons . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 167

19- L’affront . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 177

20- Une heureuse proposition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 187

21- L’éblouissante vision . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 197

22- Mesures et ordonnances . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 207

23- L’ambassadeur secret . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 217

24- Les feux de l’amour . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 229

25- La coupe d’or . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 241

26- Le guet-apens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 249

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27- Deux visiteurs nocturnes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 257

28- Au marché . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 269

29- Le grand tour de Bretagne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 281

30- L’hermine blanche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 291

31- Le chat perdu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 301

32- Le prix du pardon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 309

33- Quand la mort rôde . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 317

34- Une cloche solitaire et lugubre . . . . . . . . . . . . . . . . 329

35- Au revoir, mon bel amour ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 337

36- Une ambassade attendue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 349

37- De drôles d’épousailles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 359

38- La reine des Romains . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 367

39- Frissons dans la nuit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 377

40- Un chaud manteau sur tout le corps . . . . . . . . . . . . 387

41- L’intrusion nocturne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 395

42- Le premier boulet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 403

43- « Par ordre du roi ! » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 413

44- Une joute courtoise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 423

45- Retrouvailles glaciales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 435

46- Par un froid matin de novembre . . . . . . . . . . . . . . . 449

47- L’humiliation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 459

48- La chute . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 467

49- La première nuit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 473

50- « Un de nous deux… » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 483

51- Une reine pour la France . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 491

Index des personnages historiques . . . . . . . . . . . . . . . . 499

Index des personnages fictifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 505

Quelques repères historiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 509

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Chapitre 1

L’homme-ours

Sur la route de Saint-Aubin-du-Cormier, dimanche 27 juillet 1488

Agrippée à l’encolure de son cheval, Françoise de Maignelais luttait pour chasser les images de mort

et de désolation qui envahissaient son esprit . Son cauchemar de la veille lui revenait en force, à tel point qu’elle avait l’im-pression de galoper dedans . Heureusement, tout cela n’était qu’illusions et chimères . Simon le lui disait, le lui criait, parfois !

Il se penchait et prenait sa main :— Nous ne sommes plus très loin, madame…« Le Gros », comme on le surnommait, savait que la jeune

femme n’allait pas bien . Le vieux destrier de Françoise souf-frait aussi . Ils avaient quitté Nantes des heures auparavant, s’étaient égarés à plusieurs reprises à cause des chemins de traverse qu’il fallait prendre pour éviter de tomber sur des Français .

À la nuit tombée, ils s’engouffrèrent dans une forêt touffue . Animaux et habitants effrayés fuyaient pêle-mêle leurs tanières et leurs maisons, et peuplaient ces bois . Les

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deux cavaliers trouvèrent refuge contre un pan de roche : un abri de fortune qui n’était même pas une grotte . Les chevaux s’abreuvèrent . Eux-mêmes mangèrent le peu qu’ils avaient emporté .

Françoise s’assoupit pendant que Simon prenait son tour de garde . La jeune femme avait rassuré son compagnon : elle aussi veillerait pour lui laisser le temps de récupérer . En vérité, elle dormit d’un sommeil agité traversé de tant de songes inquiétants que le jeune homme n’eut pas le cœur de la déranger .

L’aube arriva, et avec elle des bruissements secrets, comme si la forêt accueillait en son sein des milliers de sol-dats invisibles . La brume jouait à hauteur d’homme, et tous les spectres se mélangeaient : ceux encore vivants ce matin et ceux qui seraient morts ce soir .

Françoise se leva trop vite . Un violent étourdissement la força à se rasseoir .

— La terre bascule, gémit-elle . Trop de victimes . Elle boit leur sang .

La fille aînée du duc de Bretagne perdait-elle l’esprit ? Simon hésitait . Françoise avait toujours été à ses yeux la fille, celle qui avait surgi dans la vie de Pierre, son meilleur ami, pour le lui voler . Celle aussi qui disait lire l’avenir dans ses rêves ou ses cauchemars . Il y a quatre ans, d’un seul baiser, elle avait fait échouer le projet de fuite des deux garçons . Depuis, elle entretenait avec Pierre une relation brûlante, secrète, dangereuse . Ce jeu les menait aujourd’hui au cœur de cet enfer tissé par un brouillard aussi gluant que mille toiles d’araignées .

Françoise insista pour remonter en selle . Elle prétendait savoir où se trouvait l’armée bretonne . « Toujours son idée

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Rebelles

fixe, se dit Simon : aller trouver les chefs et tenter de les dis-suader d’affronter les Français . »

De temps en temps, la jeune femme tirait sur ses rênes . — Simon, avoua-t-elle, je ne sais pas si nous allons

réussir . Les images…, les images sont si précises, si réelles dans ma tête !

Son visage était tendu, tordu, même, sous l’emprise d’une douleur et d’une horreur intérieures qu’elle ne pouvait pas, avec la meilleure des volontés, partager avec son compagnon .

— Vous êtes épuisée, maugréa Simon . Et ces bois ne sont pas sûrs .

— Nous ne pouvons plus rebrousser chemin . Ils sont près, je le sens .

Le jeune homme hocha la tête . Lui aussi savait qu’ils n’étaient pas seuls dans ce brouillard . Non loin renâclaient d’autres chevaux . En combattant aguerri, Simon savait reconnaître la présence des hommes en armes . Des cen-taines, voire des milliers de soldats étaient rassemblés non loin, et pourtant cachés, dérobés par les bancs de brume .

L’angoisse l’étreignait aussi à cause de ces autres hommes, leurs poursuivants, dont il avait presque senti l’haleine durant la nuit . Il hésitait à en parler à Françoise, de peur de lui causer davantage de soucis .

Car la fille souffrait . Non pas pour elle-même, mais pour Pierre . L’amour était une chose incroyable et périlleuse que Simon ne connaissait pas encore . Mais après avoir vu son ami se débattre dans ses filets, il n’était pas trop certain de vouloir un jour éprouver cette émotion puissante qui vous mettait l’âme et le cœur à nu .

— Madame… lâcha-t-il soudain en dégainant son épée .

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— Là ! s’exclama Françoise, un village .« Ou un hameau », songea Simon .Ils venaient d’atteindre Moronval, un bourg voisin de

Saint-Aubin-du-Cormier . La rue unique était déserte . Les maisons qui la flanquaient gardaient leurs portes et leurs volets clos . Les feux étaient éteints, la place, vide . Quelques cheminées fumaient, signe que les habitants s’étaient cloî-trés . Ils avisèrent plusieurs chèvres et brebis qui bêlaient et allaient au hasard . Des traces de bataille et de sang encore frais étaient visibles sur les murs et près de l’unique puits .

— Il y a eu des combats, ici, grommela Simon .Il tenait sa lame basse, prête à fendre . Il entendit soudain

le déclic métallique familier de l’arbalète que l’on charge, fouilla les taillis du regard…

Françoise mettait pied à terre . Elle s’approchait d’une porte… Simon perçut le feulement du carreau .

— Attention ! hurla-t-il .Il se rua sur Françoise et la renversa . Une idée battait ses

tempes . S’il arrivait malheur à la fille que Pierre aimait, jamais son ami ne lui pardonnerait ! Le jeune homme reçut les deux carreaux d’arbalète destinés à la fille dans les reins . Peu après, trois hommes jaillirent du bois et s’approchèrent .

— Fuyez ! râla Simon .Mais Françoise tira sa propre épée . Elle ne portait pas

une armure de chevalier pour rien .— Arrière ! gronda-t-elle .Également vêtus de fer, les inconnus avaient baissé la

visière de leur heaume .— Lâches ! siffla Françoise tandis qu’ils s’approchaient

en demi-cercle .

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Rebelles

Simon tenait son épée à deux mains . Cependant, ses forces l’abandonnaient . Il ouvrit la bouche : nul son ne sortit de ses lèvres . Françoise capta pourtant sa pensée et se récria :

— Je ne fuirai pas . Déclinez vos noms !Les trois soldats rirent tout bas . Ils étaient venus dans un

but précis . La veille, déjà, ils avaient cru rattraper les fugitifs . Cette nuit, ils les avaient cherchés dans le noir . À présent, l’heure était venue…

Françoise le savait : ces hommes voulaient l’assassiner . Elle battait des paupières sans pouvoir empêcher le flot d’images de la submerger ; sa jeune vie passait en accéléré devant ses yeux . L’invasion du château de son père par les barons en colère, en avril 1484 . Son don de double vue qui l’avait prévenue de ce funeste événement, ce cauchemar qu’elle avait fait et qui l’avait conduite, dans un état de demi-sommeil, sur le chemin de ronde . Et puis, le beau garçon aux yeux si bleus qui l’avait sauvée . Pierre ! Le palefrenier qui rêvait de liberté . Pierre ! L’artiste qui dérobait des bijoux pour en faire des copies en bois avant de les rendre .

Les images…Pierre qui ne l’avait par la suite plus quittée . Il s’était

insinué en elle avec la fureur d’un ouragan . Son cœur, son âme, son corps en avaient été imprégnés . Les mois passant, ils s’étaient apprivoisés . Tous deux rebelles et écorchés vifs, ils cherchaient leur place dans cet univers fait de vio-lence et de folie .

Lors du siège de Nantes, au printemps de 1487, ils avaient fait l’amour pour la première fois . Ensuite…

Des larmes venaient aux yeux de la jeune femme . Le cercle de ses assassins se rapetissait . Elle voyait scintiller leurs lames . Bientôt, elle pourrait les toucher avec la sienne .

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Et cependant, les images déferlaient en elle avec la force d’un ressac en colère .

Françoise avait été forcée d’épouser l’affreux baron Raoul d’Espinay . Elle avait vécu sur les terres de son époux . Elle avait conçu un enfant, Arnaud, qu’elle avait confié à Odilon et Awena, sous la garde de sa sœur Anne, à Nantes, avant d’entreprendre ce voyage de la dernière chance .

— Vous êtes Bretons ! haleta-t-elle, désespérée, en reve-nant à la réalité . Alors, aidez-moi ! Il me faut gagner notre camp pour empêcher un bain de sang .

Les autres rigolèrent encore et avancèrent d’un autre pas .À bout de force, Simon avait glissé contre un battant

de porte . Une trace sanguinolente trahissait ses blessures profondes . Françoise l’entendait râler . Bientôt, elle irait le rejoindre .

« Non ! se rebiffa-t-elle . Je suis la fille du duc ! Je suis la comtesse de Clisson et la baronne du Palet ! »

— De grâce, implora-t-elle de nouveau, reculez ! Je vous paierai .

Un coup brutal s’abattit sur sa lame . Le choc résonna le long de son bras .

— Tu vas mourir, bâtarde ! cracha un des agresseurs .Françoise tenta de briser l’encerclement . Elle fit des mou-

linets avec sa lame, gagna l’espace de quelques toises . Les autres s’esclaffèrent . Puis, d’un commun accord, ils réso-lurent d’en finir .

— Sus ! s’écrièrent-ils avant de s’élancer .Françoise ferma les yeux . C’en était terminé de sa jeune

vie, de son combat, de son amour interdit . La dernière sensa-tion qui lui vint fut le sentiment à la fois doux et ardent qu’elle éprouvait pour Pierre . Le souvenir de leur dernière

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Rebelles

nuit passée ensemble dans les combles du château de Nantes . L’infinie tendresse qui les avait alors unis .

« Je meurs heureuse », se dit-elle en souriant sous son heaume .

Désormais trop lourde pour sa main, sa lame tomba d’elle-même . Elle s’abandonna à la violence des hommes .

« Et à celle des femmes », songea-t-elle en devinant in extremis le nom de celle qui avait commandité son meurtre . Le visage de la comtesse Françoise de Dinan-Laval lui apparut, fourbe, calculateur, moqueur, sombre . Les secondes s’égrenaient . Elle imaginait la comtesse triomphante . La Dinan avait trahi le duc, sa famille, sa patrie . Ironie du sort, elle était responsable de l’éducation d’Anne et d’Isabeau !

Au bout d’un moment impossible à mesurer, Françoise se demanda si elle n’était pas déjà morte . Hébétée, elle battit des paupières . Allait-elle se voir étendue aux côtés de Simon le Gros ? Transpercés de coups d’épée, tous deux seraient promptement jetés dans un trou recouvert de terre . Une méthode rapide, efficace et anonyme qui avait à maintes occasions fait ses preuves .

Au lieu de cela, ses trois agresseurs gisaient et geignaient devant elle . Étrangement, ils avaient chacun une lance tirée à bout portant dans le cœur et ils se tenaient la poitrine en chancelant .

Il y avait d’autres hommes autour d’elle, ainsi que des femmes .

— Venez, lui murmura-t-on . Asseyez-vous . Buvez un peu d’eau…

Elle aperçut son heaume entre les mains d’une paysanne . Un homme énorme vêtu d’une peau d’ours noire la dévisageait .

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Il dit :— Vous êtes en sécurité . Vous pouvez vous reposer .— Je suis Françoise de Maignelais, balbutia-t-elle, la

fille du duc . Je viens pour…La tête lui tournait . Elle s’en remit aux femmes, qui lui

tendaient les bras .— Il faut que…Elle ajouta qu’il était urgent de gagner le camp breton

pour empêcher un massacre . La face effrayante de l’homme-ours se rapprocha . Une infinie tristesse flottait dans ses traits rudes .

— La magicienne a assuré qu’il était déjà trop tard, laissa-t-il tomber en réponse à sa supplique .

Françoise n’était pas sûre de comprendre . On la tira dou-cement par un bras .

— Venez . La magicienne avait dit que vous viendriez, que trois hommes voudraient vous assassiner, qu’il fallait vous sauver .

On la conduisit dans une maison .— Il y a eu des combats, ajouta l’homme-ours . Beaucoup

ont fui . D’autres, comme nous, vous ont attendue .Françoise frôlait l’épuisement . Ses cauchemars, elle en

était sûre, allaient de nouveau l’engloutir . Ce don obscur et peut-être démoniaque qui lui permettait de voir l’avenir la tenait en vérité prisonnière . Elle but un gobelet de vin, qu’elle avala en s’étranglant à moitié . Un nouveau visage se présenta devant ses yeux : celui d’une vieille femme dont les yeux étaient aussi purs qu’un cristal de roche . Devant tant de beauté, rien d’autre ne pouvait exister : que le bon, le doux, le lumineux .

— C’est ça, ma belle, fit la magicienne, laisse-toi aller sans crainte, sans peur…

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Françoise de Maignelais galope pour sauver Pierre, son amant, parti se battre avec les troupes du duc de Bretagne. Elle seule pressent que cette bataille sera

un désastre. Deux mois plus tard, après l’emprisonnement de Louis d’Orléans et la mort de François II, se dessine une nouvelle Bretagne en proie à la guerre civile.

Seule avec son fi ls, meurtrie par son amour perdu, Françoise soutient Anne, sa sœur, qui résiste à son conseil de tutelle. La toute jeune duchesse de Bretagne refuse en effet d’épouser le vieillard qu’on cherche à lui imposer, et elle signera ses missives de son titre. Cet acte de rébellion déclenche une nouvelle guerre avec la France.

Découvrez la bataille de Saint-Aubin-du-Cormier, le mariage d’Anne avec son vainqueur, le roi adolescent Charles VIII, et les années de guerre, d’espionnage et d’intrigues amoureuses…

Voici le deuxième tome de la fresque romanesque et aventureuse de Françoise et de Pierre, et les destins tumultueux d’Anne de Bretagne et du duc Louis d’Orléans.

ISBN 978-2-89733-955-5

19,9

5 $ C

AD

[email protected]

TOME 1

Saint-Aubin-du-Cormierjuillet 1488

Rebelles

TOME 21488-1492

JEAN NAHENEC

TOME 21488-1492

LES DAMES DE

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2Rebelles

missives de son titre. Cet acte de rébellion déclenche une

Découvrez la bataille de Saint-Aubin-du-Cormier, le mariage d’Anne avec son vainqueur, le roi adolescent Charles VIII, et les années de guerre, d’espionnage et d’intrigues amoureuses…

Voici le deuxième tome de la fresque romanesque et aventureuse de Françoise et de Pierre, et les destins tumultueux d’Anne de Bretagne

ISBN 978-2-89733-955-5

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Les dames de bretagne.indd 1 2014-05-26 10:36