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Les cahiers de IRDA N 001 janvier 2014

LES CAHIERS DE IRDA

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Les cahiers de IRDA N 001 janvier 2014

LES CAHIERS DE IRDA

Revue semestrielle

LES CAHIERS DE IRDA

Revue Scientifique d’Études Africaines

01 BP 525 Bouaké 01 Côte d’Ivoire

Tel. (225) 07 43 48 96/56 48 11 84/

46 26 26 16/31 63 51 61

http://www.institutirda.org/les-cahiers-de-l-IRDA.html

Courriel : [email protected]

No 001

Numéro Libre janvier 2014

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Les cahiers de IRDA N 001 janvier 2014

Ligne éditoriale L’Afrique est traversée par des crises dont la nature complexe impose de conceptualiser un agir bien pensé, une

pensée qui a conscience de la structure labyrinthique des réalités africaines, qui l’ouvre au regard, qui en remanie le mouvement giratoire. Cette attitude n’est possible que parce que nous avons répondu au rendez-vous frontal et symptomal de la pensée par un questionnement lucide et informé, un questionnement auto-critique. Cette posture se veut l’élan d’une pensée qui résiste, conteste, proteste contre les incertitudes sans lendemain et les certitudes closes comme forme de savoir qui enferment et menacent la pensée. Alors, comment et pourquoi ne pas céder au pessimisme suicidaire encore moins à l’optimisme béat, telle est l’urgence que nous imposent les conditions de notre survie, par une reprise en charge impérative de soi par la pensée. Re-penser l’Afrique, c’est interroger son être et son devoir-être comme devenir, la comprendre de fond en comble, sans tabou ni totem, sans paresse ni précipitation en développant une pensée ferme et rigoureuse de la vigilance informée.

Pour ce faire, il lui faut une terre comme source et un territoire comme ressource de pensée, un lieu théorique pour questionner, intuitionner ses rapports intérieurs et extérieurs aux choses. C’est pour satisfaire à ces exigences que IRDA (Institut de Recherches pour le Développement en Afrique) a créé LesCahiers de IRDA. C’est une revue en ligne qui se veut un espace de recherches et de productions critiques et auto-critiques sur tous les sujets en rapports avec l’Afrique. Ouvert aux chercheur(e)s, enseignant(e)s et étudiant(e)s de toutes disciplines pouvant scruter tous les horizons intellectuels, culturels et scientifiques touchant directement ou indirectement l’Afrique dans sa complexité comme réalité rhizomatique, diversité des possibles épistémiques à buriner au concept. Comme écho à cette urgence du moment comme exigence épistémologique et méthodologique, LesCahiers de IRDA répondent par la présence érectile et féconde de la pensée, comme moyen de re-dynamiser l’espace africain dans son actualité passée et présente.

LesCahiers de IRDA ont une double mission : rétrospective et prospective comme inauguralité d’un jour nouveau pour l’Afrique. Le caractère frontal et inaugural deLesCahiers de IRDA qui le fait donc réfléchir sur des horizons épistémologiques et méthodologiques encore inexplorés dont l’originalité de l’éclat juvénile ramène les Africains à repenser leur trajectoire spirituelle, pour déconstruire les actes manqués et les trous de mémoire de leur agir théorique et pratique entre hier et aujourd’hui. Ce travail exige des remises en question pour valider et consolider les acquis mais aussi tourner à rebours les paradigmes dominants, pour faire advenir de nouvelles préoccupations comme inquiétudes.

LesCahiers de IRDA veulent donc re-penser ce qui a déjà été, tout comme ce qui n’a jamais été comme moyen de scruter l’avenir, de répondre à son appel comme rappel à l’ordre face aux défis et enjeux du développement. LesCahiers de IRDA ont des feuillets où peuvent séjourner des discours théoriques contradictoires et différenciés. Cette métaphore des feuilles donne à penser que l’on remet toujours sur le chantier de la discussion et de la recherche toute forme de savoirs ou de pensées, les amener à révéler les scansions de son indicible secret. Comme tels, LesCahiers de IRDA est espace de dialogue critique, de débats entre différentes postures épistémologiques et méthodologiques agonistiques.

La spécificité de LesCahiers de IRDA est de favoriser le développement de productions scientifiques de qualité en Études Africaines, d’une part. LesCahiers de IRDA est une revue ouverte à des travaux en Études Canadiennes et Québécoises en relation avec des situations épistémologiques, méthodologiques, culturelles et politiques avec l’Afrique, d’autre part. Telles sont les promesses que LesCahiers de IRDA veulent semer sur des terres africaines aussi bien arides que fécondes. Éclater les limites du pensable par une réflexion ferme, rigoureuse et profonde, explorer et retrouver le choc initial épistémique originel, originaire et original comme moment tensionnel d’émergence et de développement des choses, pour que viennent au jour quelques faisceaux lumineux des impensés que l’ombre de l’impensable peut produire, tel est le défi et l’enjeu que se donnent LesCahiers de IRDA pour re-configurer l’Afrique.

LA RÉDACTION

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CONSIGNES DE RÉDACTION

Pour que votre article soit publié, Il ne doit pas dépasser 15pages. (maximun) La police des caractères doit être du Times New Roman et le corps des caractères est de 12. , interligne simple, les marges sont haut : 3 cm, bas : 3cm; gauche 3cm; droite 3cm Les signes de ponctuation uniquement suivis d’un espace sont : , . Ceux précédés d’un espace et suivis d’un espace sont : ? ! ; : - « » Pour les guillemets de ce type " " “ ” et les parenthèses, il n’y a pas d’espace à l’intérieur.

• Quand la citation est comprise dans une phrase, le point final viendra en-dehors du guillemet : Phrase "institut".

• Quand la citation est une phrase complète, le point est dans le guillemet: "Institut de recherches."

• Quand la citation est introduite par deux points, les deux sont possibles : Quand la citation est longue et par exemple : comporte plusieurs phrases, il est nécessaire de mettre le point à l'intérieur du guillemet. Quand la citation est un mot ou très courte, on peut mettre le point à l'extérieur (il dit : "prends".).

• Pour une phrase en français les guillemets doivent être de ce type : « Institut de recherches »

• Pour une phrase en anglais : "institut de recherches" et en italique

• Accentuer les "À", les "É" et "Ê" majuscules. Par exemple : À ce propos, École, Être, etc.,

NOTES DE BAS DE PAGE Deux choix sont possibles (mais il faut choisir l’un ou l’autre pour tout le texte) :

• Les notes sont placées : En bas de page. Le corps à utiliser est de 10 points soit 2 points de moins que le corps du texte. Les appels de note placés dans le texte doivent avoir le même corps que les rappels et le texte des notes. À la fin du texte, elles seront dactylographiées à un interligne et demi, en respectant le protocole suivant (y compris la ponctuation) :

• Livre, nom de l’auteur, initiale du ou des prénoms, titre. Lieu d’édition, nom de l’éditeur, année de publication, nombre de pages.. SAMBA DIAKITÉ (dir.) , Dictionnaire des auteurs africains. Abidjan, Presses Universitaires de Côte d’Ivoire, 2013, 230 pages

• Article, nom de l’auteur, initiale du ou des prénoms, « titre de l’article », nom de la revue, volume, numéro, année de publication : première et dernière pages de l’article.

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• Vanier .C. « L’homme qui aime la femme », L’Homme, XVI, 2-3 : 103-128.

• Texte dans un ouvrage collectif, nom de l’auteur, initiale du ou des prénoms, année de publication, « titre du chapitre » : première et dernière pages du chapitre, in initiale du ou des prénoms et nom du ou des directeurs de publication, titre du livre. Lieu d’édition, nom de l’éditeur, année d’édition.

• DUFFRENES M., « Le bleu et le noir » : 79-123, in F. Héritier-Augé et É. Capen et Allenr (dir.), Les margouillats. Volume I : Les mangeurs de mil. Paris, Éditions des Margouillats, 2013.

• Document Internet, comme les rubriques ci-dessus et, à la place du lieu d’édition et du nom de l’éditeur, la mention : Consulté sur Internet (adresse du site), le (date). Conseil africain de Bamako, 2013, introductions de séance, 7, 8 et 9 décembre. Consulté sur Internet (http://africa.ua.int/nations/off/conclu/dec2013/dec2013/_fr.htm), le 15 juillet 2013.

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ORGANISATION

Directeur de Publication :Prof. Samba DIAKITÉ

Directeur de Rédaction :Dr KOUMA Youssouf

Secrétaire de Rédaction : Dr KONATÉ Mahamoudou

COMITÉ DE RÉDACTION

Dr KOUMA YOUSSOUF, Maître-Assistant, Université Alassane Ouattara de Bouaké

Dr SORO DONISSONGUIMaître-Assistant Université Alassane Ouattara de Bouaké

DR KOUASSI KOUADIO LEONARD, Assistant, Institut National Supérieur d’Action Culturel Abidjan

DR SANGARÉ SOULEYMANEMaître-Assistant,Université Alassane Ouattara de Bouaké

DR KONATÉ MAHAMOUDAssistant, Université Alassane Ouattara de Bouaké

Dr KOUAKOU HYANCINTHE, Chercheur, Lycée Moderne d’Adzopé Côte d’Ivoire

DR SOUMAHORO FALIKOUAssistant, Université Alassane Ouattara de Bouaké

DR CHANTAL PALÉAssistant, Université Alassane Ouattara de Bouaké

DR SANOGO AHMEDAssistant, Université Alassane Ouattara de Bouaké

JACKIE DIOMANDÉ Doctorante,Université Alassane Ouattara de Bouaké

KOUAKOU EDWIGEDoctorante, Université Alassane Ouattara de Bouaké

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CONSEIL SCIENTIFIQUE

PROF. ABOU KARAMOKO, Professeur des Universités,Université Houphouët-Boigny ,philosophie de la culture , théorie critique et philosophie africaine

PROF COULIBALY DAOUDA,Maître de Conférences,Université Alassane Ouattara , études américaines

PROF DANY RONDEAU,Professeure des Universités,Université du Québec à RIMOUSKI, éthique, philosophie de la culture et des religions

PROF. DAVID MUSA SORO,Professeur des Universités,Université Alassane Ouattara, , philosophie grecque et études anciennes

PROF. HOUNTONDJI PAULIN,Professeur des Universités,Université du Benin, , philosophie africaine et philosophie politique

PROF. KOUASSI YAO EDMOND,Maître de Conférences, Université Alassane Ouattara, philosophie politique et sociale

PROF. N'GUESSAN DEPRY ANTOINE, Maitre de conférences, Université F.Houphouet Boigny, philosophie des sciences

PROF. SAMBA DIAKITÉ, Professeur des Universités,Philosophie de la culture, de l’éducation, éthique et philosophie africaine

PROF. TRO DEHO, Maître de Conférences,Université Alassane Ouattara, littérature africaine

PROF. YACOUBA KONATÉ,Professeur des Universités,Université FÉLIX Houphouët-Boigny, esthétique, philosophie de l’art et philosophie politique

PROF. BINDEDOU JUSTINEMaître de Conférences, Université Alassane Ouattara, philosophie politique

PROF. GRÉGOIRE BIYOGO, Professeur des Universités,Université Paris VII; Per Ankh Université Panafricaine de la Renaissance; égyptologie, épistémologie, méthodologie, linguistique historique et comparée, histoire de la philosophie, musicologie, poétique

PROF. MARIE STOLL, Professeur des Universités,Université of Michigan, Science and arts

PROF. NORMAND BAILLARGEON, Professeur des Universités, Université du Québec à Montréal Philosophie de l’éducation

PROF. KOUASSI MARCEL, Maître de Conférences, Bioéthique, éthique des technologies, philosophie pratique

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"CONTE, CONTÉ, À CONTER" : LES TROIS DIMENSIONS DU TEMPS ET LE

RÉEL CHEZ HAMPATÉ BA

Dr AHO Sopie Hélène Félicité∗

Assistante

[email protected]

Résumé

Par opposition à l’appréhension rationnelle de la pensée moderne à caractère exclusif, la pensée peule du monde traditionnel demeure, dans le fond des âges, unique et immuable sur la question du réel. Mais cette pensée qui vient du fond des âges et qui est restée dans le secret pour être révélée seulement à celui qui peut en faire bon usage, a un caractère multiple. Elle est la pensée futile des traditions, que couvrent les contes didactiques peuls, qui sert de distraction à la société. C’est la pensée qui distrait et amuse. Mais en même temps, elle est le savoir vrai, celui du réel qui prend source dans l’invisible et rend le visible, visible. Les contes que présente Amadou Hampaté Bâ enseignent la vie et ôtent au temps humain le sceau de la finitude. Ils établissent une parfaite communion entre l’homme et le Divin, entre le matériel et l’immatériel. Cependant, cet enseignement n’est pas un acquis. Il est plutôt une conquête, pour retrouver les lois profondes qui gouvernent l’univers entier, afin d’accéder à une élévation divine. C’est l’importance de ce savoir que Hampaté Bâ prône à travers la mythologie peule.

Mots-Clés :Le Conte, Le Divin, L’Invisible, Mythologie, Originalité, Réel, Vérité, Visible

Abstract

In opposition to the rational apprehension of the modern thought in exclusive matter, the Fulani thought remains, in the content of the ages, single and immutable. But this thought which comes from the bottom of the ages and which remained in the secrecy to be only revealed with this him who can put to good use of it, is multiple. It is the futile thought of the traditions, which cover the Fulani didactic tales, which is used as distraction at the company. It is the thought which distracts and amuses. But at the same time, it is the true knowledge, that of the reality which takes source in the invisible one and returns the visible visible one. The tales which Amadou Hampaté Bâ presents teach the life and removes at human time the seal of finitude. They establish a perfect communion between the man and the Divine one, equipment and the immaterial one. However, this teaching is not an asset. It is rather a conquest, to find the major laws which control the whole universe, in order to reach a divine rise. It is the importance of this knowledge which Hampaté Bâ preaches through Fulani mythology.

∗Université Alassane Ouattara de Bouaké

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Keywords:The Divine one, Tale, the Invisible one, Mythology, Originality, Reality, Truth, Visible

Introduction

Le matériel et l’immatériel sont deux choses opposées dans leurs natures, mais compatibles si l’on envisage une franche conciliation entre elles avec une élévation et un progrès intérieur. De cette conciliation, transparaît la vérité qui fait être le réel et qui permet aux générations de se reprendre et de se perpétuer le sens des origines. La vérité expose ainsi le réel qui devient le partenaire de l’homme dans sa progression éternelle. Elle demeure « le secret d’hier et celui de demain, secret d’aujourd’hui aussi, mais l’ignorant l’ignore. »1 C’est en cela que les contes sont des "conte, conté, à conter" qui expriment le présent, le passé, et le futur ; les trois extases du temps. Ce qui est dit aujourd’hui a été dit hier, et c’est la même chose qui se dira demain. Et cette réalité traduit, pour le traditionalisme peul, un fait religieux.

La société peule a subi des transformations inhérentes à l’évolution sociale et politique avec la modernité. Mais elle a gardé sa connaissance fondamentale, aussi bien ontologique que métaphysique, hors de cette évolution. La réalité que présente cette connaissance est une réalité qui s’est construite dans l’espoir que l’homme apprenne, non seulement à regarder le monde dans une perspective divine, mais aussi et surtout à le comprendre. Pour cette société, La connaissance divine est sacrée et révèle le réel. Elle transpose l’homme d’un simple fait de connaître à un mode d’être. Les contes, aussi bien que les mythes, constituent en ce sens le moyen terme par lequel l’homme accède à la fascination, au charme du réel à travers le sacré.

Le peul sait que la connaissance est un guide qui sert impérativement dans le dépassement de soi et de la chose visible. Dans ce dépassement, intervient en même temps un temps sacré, celui où les temps ne se succèdent plus, où les choses ne passent plus, où les hommes ne meurent plus. La connaissance que révèlent les contes et les mythes ici, est une connaissance du réel, une épuration grâce à laquelle l’homme pénètre progressivement le monde de la compréhension et rétablit ses rapports avec le sacré. Á partir de ce moment, la vie s’oriente dans une perspective symbolique qui exige du corps une certaine purification pour que s’opèrent la saisie intellectuelle du sens des choses et le développement de l’intuition qui permet de déceler l’invisible présent en chaque chose. Il faut donc comprendre qu’à l’arrière-fond du monde visible, les choses minimes et apparemment sans valeur sont des signes, des manifestations de l’invisible du réel qu’il faut saisir et comprendre. Mais d’où provient l’invisible et comment parvient-il à la réalisation du réel ? Comment de ce qui est irréel, quelque chose de réel peut-il venir à l’existence ? En définitive, quel rapport existe-il entre le visible et l’invisible, et comment

1Hampaté Bâ A., L’Éclat de la grande étoile, Abidjan, Classiques africains, 1976, p 37.

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la révélation du réel parvient-il aux hommes, de génération en génération ? Notre réflexion sera fondée sur ces interrogations.

I-La symbolique du verbe ou la source plurielle du

réel

Le monde est un réservoir inépuisable de choses matérielles qui se donnent comme symboles qui égarent les hommes pour préserver le mystère du réel. Le symbole, en tant que concret, est un signe, une présentation derrière laquelle s’étale un discours qui dit la vie comme mystère. Le symbole, c’est la moitié d’une chose, sa partie visible derrière laquelle se cache l’autre moitié, l’invisible, qui est sa réalité. C’est l’invisible qui fait être à l’existence le visible. Eliade pense en ce sens que « tout ce qu’on peut dire, c’est que l’actualisation d’un symbole n’est pas mécanique : elle est en relation avec les tensions et les alternances de la vie sociale, en dernière instance avec les rythmes cosmiques. »2

La vie toute entière est symbolique, et le passage du symbole à la connaissance sous-entend nécessairement l’aptitude à l’école de la parole, car c’est la parole qui dit ce qui est au-delà du symbole et rend le symbole possible.

Le mécanisme de la culture traditionnelle peule révèle cette importance du symbole. Selon cette culture, en effet, le symbole tient la place des concepts et les traduit de façon authentique. Et le domaine de la spiritualité est le lieu où il se fait le plus imminent. Que ce soit dans les sociétés traditionnelles ou modernes, le symbole reste le traducteur des pensées, des vies, des gloires, des échecs ; en un mot, de l’histoire. Il est la matérialisation d’une histoire ou d’une pensée profonde. Le symbole, c’est « tout ce qui est ou peut être considéré comme signe figuratif d’une chose qui ne tombe pas sous les sens. »3 Le symbole est le visible de l’occulté, il est un langage pour celui qui sait ; car celui qui parle de symbole sait que c’est un langage, une expression visible de l’inintelligible.

Il arrive que des images soient utilisées pour traduire l’aptitude des civilisations. Chez le Dogon du mali, par exemple, le tissage exprime la création du monde. « Le tissage étant une parole, fixe la parole dans le tissu par le va-et-vient de la navette sur la chaîne. »4 De même que le Divin a imprégné le monde de sa parole, le tisserand transmet sa pensée, son imagination dans le tissu. Et à l’image du Divin, il dit ceci : "Que le tissu soit". Et le tissu fut, comme il l’a désiré, le fruit de sa pensée, de son imagination ou tout simplement, de son histoire. L’harmonie des couleurs et la qualité du tissage traduisent ainsi la nature du tisserand. C’est une expression authentique. Pour celui qui sait, le "tissage" est un symbole, un signe ; le signe de quelque chose d’immatériel, mais qui reste incontestablement la réalité fondamentale de ce qui est "concret et palpable". Mais l’ignorance ferme définitivement l’écho de la parole des choses aux hommes. Elle donne l’impression d’une séparation qui rompt tout rapport entre le matériel et l’immatériel, entre le vrai et le faux. Mais la chose abstraite, celle qui révèle le concret, se donne dans

2Mircéa É., images et symboles, essais sur le symbolisme magico religieux, Paris, Gallimard, 1952, p. 30. 3Grand Larousse encyclopédique, Paris, PUF, 1964, Tome 10. 4Louis Vincent T. et Luneau R.,La terre africaine et ses religions, Paris, l’Harmattan, 1980, p. 106.

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la parole, une parole sacrée qui, pour le peul, vient du Divin et est l’origine de chaque chose. Cette parole inspire l’homme et génère en lui la pensée qu’il concrétise à travers ses entreprises. Entre la parole, la pensée, et les œuvres humaines, il y a le temps du dissimulé ; le temps où, au fond des symboles, l’invisible se préserve des « bambins et des fileuses de coton »5pour marquer sa distance avec les hommes. L’invisible ici, c’est le Divin. Il se dissimule entre les symboles et tout se réduit à faire accepter cette coïncidence comme lieu de discernement, où les signes sont la marque de l’unité, la trace de ce vers quoi l’on se tourne. La parole ici échoue dans sa tentative de dire l’immatériel. Elle exprime seulement sa trace de marque, de borne, de signe et de limite. La parole ici, est un chemin qui mène vers l’énigme, le mystère, la non-représentation.

Telle que ressentie par le traditionalisme peul, l’énigme est la seule voie qui permet à l’immatériel de se donner sans être trahi par l’écart que le langage postule. Dans les textes d’Amadou Hampaté Bâ, L’énigme qui se donne comme une offrande n’est pas encore ce qui expose l’immatériel, mais ce qui le voile et exige de l’homme un effort de recherche et de discernement. C’est seulement au bout de ces entreprises qu’il pourra disposer de la connaissance selon laquelle l’immatériel est le matériel, et il est le réel. En effet, l’immatériel est une énigme qu’il faut découvrir car il est l’autre face du réel et du visible qui ne sont que ses symboles. Et tel que la rationalité tribale l’a comprise, c’est-à-dire, tel que le monde traditionnel peul conçoit la logique des choses, l’énigme du symbolique est la parole tribale de la présence, le creux de la croyance qui se donne comme limite à l’image du Divin. C’est pourquoi, dans le poème Kaydara d’Amadou Hampaté Bâ, le Divin se présente comme « borne, limite, fin »6. Il pose le Divin comme l’invisible, origine absolue de la parole et de la réalité de toute chose. En un mot, le Divin est maître du symbolique à travers les signes qu’il présente.

Les signes du Divin, dans ce conte, sont une véritable pédagogie, mais une pédagogie sélective à l’image du filtre qui porte l’ambivalence de retenir dans l’ombre ce qui ne s’adapte pas aux contours de ses pores. En effet, le néophyte est « soumis à un ensemble d’épreuves qualifiantes, destinées à tester sa maturité et sa dignité à accéder au statu supérieur du sage »7, et les signes restent l’unique lecture de l’énigme. C’est pourquoi, l’enseignement initiatique proposé par Kaydara8 sera une lecture des signes qui permettent de suivre l’énigmaticité de l’existant en se tenant aux marques qui montrent comment "Kaydara" est "Kaydara" et ce, à travers le Verbe comme parole. La peur de la mort, par exemple, s’identifie à la peur de l’inconnu, à l’ignorance. Et c’est cette ignorance que la Vérité, comme le Verbe, veut dissiper pour redonner aux hommes la connaissance et l’assurance qu’ils avaient jadis.

Le Verbe est un secret, celui qui exprime l’invisible du réel et conduit les êtres à "l’immortalité." Mais en même temps qu’il est secret, il est sacré. Et comme tout ce qui 5Hampaté Bâ A., Kaydara,Abidjan, Nouvelles Éditions africaines, 1978, p. 17. Ici, « bambins et les fileuses de coton » est une expression pour désigner l’ignorant ou l’inconscient. 6Hampaté Bâ A., Kaydara, op. cit, p. 10. 7Mamoussé D., Critique de la raison orale : les pratiques discursives en Afrique noire, Paris, Karthala, 2006, p. 561. 8"Kaydara" est le nom du Divin dans le Kaydara, un récit didactique peul d’Amadou Hampaté Bâ.

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est sacré ne s’expose pas, tout comme le Divin lui-même, le sens du verbe reste caché "aux bambins" et aux "fileuses de coton",pour dire aux"mentons velus et talons rugueux"9 le secret qui permet d’échapper à l’anathème du temps. Le Verbe dit le mystère du temps, celui d’un avenir permanent qui véhicule les choses, non pas vers une fin tragique, mais vers leur point de départ, « au temps où le ciel parut, le soleil, la lune, les astres et les planètes et la terre se répandirent ; quand les montagnes, les vallées, les arbres et les rochers parurent. »10 Au sein des symboles et images que présente la nature, il y a la parole, le verbe comme expression de la force vitale du Divin, secret de la chose matérielle et de l’authenticité dans toute sa grandeur, qui fait pacifiquement retour vers l’origine. A l’instar de toutes les cultures africaines, le mécanisme de la culture peule, que présente Amadou Hampaté Bâ, révèle l’importance du symbole, et c’est l’une des raisons pour lesquelles le conte kaydara est jonché de symboles. En effet, le symbole tient la place des concepts. Que ce soit dans les sociétés traditionnelles ou modernes, il reste le traducteur des pensées, des vies, des gloires, des échecs, en un mot, de l’histoire. Il est « le signe de la parole »11, celui du Verbe, secret réparateur de la vie grâce auquel l’homme vainc son angoisse métaphysique en transformant la mort en un rite de passage. Naître, mourir, et renaître sont les trois moments qui caractérisent le retour éternel des choses. C’est le mystère qu’enseigne la parole. Et l’homme qui connait ce secret prend place dans le char d’un devenir divin.

La parole est une chose sacrée, et en tant que telle, elle demeure dans le secret pour préserver le secret du temps. Mais en même temps, elle se donne en instruction pour révéler le mystère dans lequel les choses ne périssent pas, mais restent en perpétuel devenir comme revenir à l’initial. La parole est, en effet, ce qui dans l’invisible, se pense dans le recueillement des textes initiatiques, comme ceux que présente Hampaté Bâ. Il y a notamment koumen, l’éclat de la grande étoile,kaydara, Njeddo-dewal… A travers ces récits, la parole s’exprime et se transmet après des épreuves dans le cycle de la vie que présente le Divin. Elle ouvre le monde en indiquant l’origine des choses comme la vérité de la chose matérielle. Elle s’intercale dans le temps des hommes et épuise toute distance entre les choses. La vie des hommes, en cet instant, regagne le temps primordial, elle intègre un univers sacré. Et la voie qui achemine vers cet univers est celle de la révélation.

II-Le mystère du réel ou la parole inintelligible

De façon précise, « L’objet réellement mystérieux est insaisissable et inconcevable non seulement parce que ma connaissance relative à cet objet a des limites déterminées et infranchissables, mais parce qu’ici je me heurte à quelque chose de tout autre, à une réalité qui, par sa nature, est incommensurable et devant laquelle je recule saisie de stupeur. »12 En effet, Le voile infranchissable donne l’impression d’une distance

9"Mentons velus et talons rugueux" désigne, dans le conte kaydara, les initiés ou les maîtres de la connaissance. 10Hampaté Bâ A., Kaydara, op. cit. p. 75. 11Kouma Y., « kaydara ou les trois métamorphoses de l’esprit », Baobab, no 9, 2012, pp. 138-154. 12Rudolf O., Le sacré, Paris, Édition Payot, 1996, p. 48.

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véritable, une distance maudite que l’homme ne peut surmonter et qui, en définitive, se fait la base de l’angoisse existentielle qui mine le monde. Mais c’est en même temps, du fond de ce voile, que la vérité établit son rapport avec le monde réel pour communiquer à l’homme sa présence. Ce qui justifie, dans le conte kaydara, son caractère « lointain et bien proche. »13 Ici, la vérité reste une quête de sens.

La quête du sens du réel est une épreuve initiatique où les hommes doivent se défaire de leurs besoins biologiques, mourir au corps et au temps humain, par rapport à ce qu’ils pensent pour penser autrement, c’est-à-dire, à l’immobilité du temps, où les choses sont "Un" en elles-mêmes. Car, l’attention qu’ils accordent au corps fait de la connaissance humaine une connaissance partielle, accordant à la vérité une seule facette. Or, comme la pierre triangulaire à l’entrée du pays de la pénombre dans le conte kaydara, la vérité a deux faces : « Une face de la pierre était peinte en noir et l’autre en blanc. »14 La face blanche exprime le côté visible des choses ; et la face noire, leur côté invisible. Mais le côté invisible qui se matérialise à travers le noir se garde dans le retrait, loin des regards pour ne se révéler qu’à celui qui est apte à son dévoilement. C’est pourquoi, à l’approche des hommes, la pierre triangulaire « cacha sa face noire et découvrit sa face blanche. Un escalier de neuf marches qui conduisait sous terre fut mise à nu.»15 Le chemin souterrain est ici le signe d’une quête pour la découverte de la vérité qui fait être les choses. C’est là où les sens exigent plus de subtilité possible. Ce qui, dans Kaydara, suscite chez Hamtoudo, l’un des voyageurs, cette exclamation : « Décidément, nous sommes au pays des miracles où l’œil voit des phénomènes que ne peut comprendre l’intelligence ordinaire ! »16 En effet, c’est le temps du langage raccourci où le symbole exprime en peu de mots ce que le Verbe dira de façon plus explicite, du fait de son caractère explicatif.

Bagoumawel17, dans l’éclat de la grande étoile, montre l’expression du symbole à travers la cérémonie qu’il fait faire à Diom-Diéri, un homme en quête de savoir : « Il prit la main gauche de Diôm-Diéri et y plaça le vêtement funèbre (…) souleva le bras droit de Diom-Diéri, glissa le coutumier sous l’aisselle et le fit retenir par le bras replié. »18Au-delà de cette image, il se dégage un texte qui est ceci : « si ta main droite t’exalte, songe à ta gauche ! tu n’es pas éternel, tu ne tariras pas le temps. Tâche d’y penser et jamais ne l’oublie. »19Véritablement, ce texte est la norme avec laquelle, selon le traditionalisme peul, un roi doit régir son peuple pour éviter qu’il ne se soulève contre lui ; car, dit le Peul, « le droit de commander implique l’obligation d’obéir aux lois de la coutume et le rappel constant que la mort n’épargne pas les rois. (…) autrement dit : si ta puissance t’enivre, songe que tu finiras comme n’importe quel mortel. »20 Ce symbole est donc, selon Amadou Hampaté Bâ, le code des lois de la chefferie et du commandement ; car,

13Hampaté Bâ A., Kaydara, op. cit. p. 24. 14Idem, p. 21. 15Ibidem. 16Idem, p. 35. 17Bâgoumâwel est un personnage mystérieux, dans l’œuvre Njeddo-dewal, dont la mission est de rétablir l’ordre dans la société, en détruisant l’excès de mal qui y règne. Et dans l’éclat de la grande étoile, il est commis à l’initiation de Diom-Dirri , un personnage avide de connaissance. 18Hampaté Bâ A., L’éclat de la grande Etoile, Paris, Classiques africains, 1976, p. 91. 19Ibidem. 20Idem, p.15.

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ajoute-t-il, « dans les communautés peules, les lois ne sont pas écrites, (elles sont gravées) sur des planchettes, des peaux ou une gourde. »21 Et seules des personnes avisées sont habilitées à les expliquer à ceux qui sont disposés à les écouter pour en faire bon usage. Les symboles sont donc exposés, visibles à tous. Mais ce qui les expose dans la matérialité est réservé et dit dans le retrait, des messages que l’apprentissage « fait transmettre et comprendre à ceux qui reçurent de Guéno deux oreilles chanceuses pour entendre tout propos. »22

En tant que figure, le symbole est une image, un moyen de connexion entre l’homme et l’invisible. C’est un langage à travers lequel l’homme parvient à la réalisation de sa condition. Loin d’être une simple figure esthétique ou un simple objet palpable, "présent là", il est un véritable langage qui dit l’univers comme un monde humanisé où la vie de l’homme coïncide avec celle de la nature. La nature entière est elle-même symbolique parce que tous ses mouvements sont des expressions du sacré. Les graines et les plantes, par exemple, apparaissent comme l’être humain, les différentes étapes de leur cycle de production étant identiques à celles de l’homme. Le poème kaydara l’indique bien à travers ces vers :

« Nous venons d’une gouttelette Tombée en pluie merveilleuse Dans une cavité secrète et fertile Nous allons vers la disjonction Vers la putréfaction Vers le retour à la source. »23 La "gouttelette" ici désigne le sperme, et "la cavité secrète et fertile", le sexe de la

femme. Le sperme renferme les spermatozoïdes qui représentent l’un des éléments essentiels de la reproduction humaine. Ils sont semés comme des graines dans le sexe de la femme. Aussi bien que l’homme, la plante vient à la vie après avoir passé différentes étapes. Et après la vie, les êtres sont acheminés à la mort où ils sont semés dans la terre. "La disjonction, la putréfaction", c’est le chemin de la mort, de la décomposition. C’est "le retour à la source", le retour à la poussière d’où l’homme a été tiré. Naître, mourir et renaître, tel est le cycle de la vie humaine. Et ce cycle est le même pour les êtres et les choses.

En effet, le poème dit le réel dans un langage voilé, d’abord, pour préserver le "non averti" de ce qui peut heurter sa sensibilité, mais aussi pour jouer le rôle de l’arrière fond de la vérité du visible. En termes plus clairs, il dit la vérité, la réalité du réel ou du concret. Il est, comme pourrait dire Hegel dans la phénoménologie de l’esprit, sa vérité, car, pense-t-il, l’invisible n’est pas écarté dans l’expression du visible. Il s’efface pour laisser venir l’autre dans lequel il est tout de même, manifesté.

Les contes, les mythes et les poèmes sont, pour la plupart, une matérialisation divine véhiculée pour combler un manque, ce qui leur confère un caractère sacré, mais en même temps, culturel ; parce qu’ils traduisent un mode d’être. Pour M. Eliade, en effet, « les symboles et les mythes viennent de trop loin. Ils font partie de l’être humain et il est 21Idem, p. 91. 22Idem, p.93. 23Hampaté Bâ A., Kaydara, op. cit. p. 44.

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impossible de ne pas les retrouver dans n’importe quelle situation existentielle de l’homme en cosmos. »24 Le monde est composé d’objets façonnés, d’institutions et de structures signifiantes au moyen desquels l’homme oriente sa vie. C’est pourquoi, contrairement aux animaux dont le mode de vie est biologiquement et instinctivement réglé, la vie de l’homme s’établit selon la société dans laquelle il évolue, et selon sa communauté propre. La symbolique du langage, la symbolique de la culture, et la symbolique de la religion confèrent à sa personne un mode d’être correspondant, qui diffère des autres communautés. « Nos intuitions, notre compréhension de notions complexes et difficiles comme celles de réalité, de vérité, de bonté ainsi que notre expérience et notre appréciation de ce qui est censé être essentiel et évident (…) sont façonnés et ordonnés par le langage que nous avons acquis. Et tout cela fait l’objet de grandes variations dans le monde et à travers l’histoire. »25Pour cette raison, la vérité ne saurait être unique. Elle est plutôt plurielle et cette dimension est la base de toute la richesse dont le monde peut disposer.

III-Le réel, une fusion du matériel et de l’immatériel

La question du réel dans l’œuvre d’Amadou Hampaté Bâ n’est pas l’apanage du seul monde peul. Elle concerne la société humaine tout entière, car, comme le dit l’auteur, « un conte est un miroir où chacun peut découvrir sa propre image. »26 Et chaque peuple possède des contes qui traduisent leur vie et leur histoire. On pourrait sans ambages affirmer que les contes, comme les mythes, constituent l’authenticité de chaque civilisation. Les contes constituent donc un miroir où chacun des hommes peut retrouver son identité, sa culture, et, peut-être, son histoire. La tradition africaine, comme la tradition peule, est étroitement liée au monde religieux. C’est donc à juste titre qu’Hampaté Bâ pense qu’en désertant ses traditions et son cortège de mythes, l’Africain a abandonné sa religion et sa culture pour la conquête d’une parole nouvelle ; une parole qui « a été pensée sous d’autres cieux, faite pour un autre peuple. »27Une parole qui le déracine, sans pour autant lui donner une stabilité réelle. Á travers sa pensée qui provient de la pure tradition peule, c’est à toute l’Afrique donc qu’Amadou Hampaté Bâ lance un appel.

Á l’instar de la société africaine, Il est temps pour toutes les civilisations de sortir du mode d’être enchanteur de la modernité afin de reconstruire la vie sur son fondement réel et de comprendre l’importance de l’immatériel dans le développement technique auquel aspire le monde moderne. Car, comme le dit Édouard Schuré, « le plus grand mal de notre temps est que la science et la religion y apparaissent comme deux forces ennemies irrésistibles. Mal d’autant plus pernicieux qu’il vient de haut et s’infiltre sourdement, mais sûrement, dans tous les esprits comme un poison subtil qu’on respire dans l’air. Or, tout mal de l’intelligence devient à la longue, un mal de l’âme et par suite sociale. »28La religion ici, ne fait pas seulement référence à Dieu ou au Divin en tant qu’être immatériel.

24Mircéa É., Images et symboles, op. cit., p. 31. 25Gordon K., La question de Dieu aujourd’hui, Paris, Édition du Cerf, 1975, p.120. 26Hampaté Bâ A., La poignée de poussière, Abidjan, Nouvelles Éditions africaines, 1987, p. 5. 27Louis Vincent T., Les sages dépossédés, Paris, Robert Laffont, 1977, p. 16. 28Shuré É., Les grands Initiés, Paris, Pocket, 1983, p. 1.

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Il s’agit aussi de tout ce qui est considéré comme force mystérieuse et fait être à l’existence le réel auquel l’homme reste attaché. C’est en cela que l’abstrait et le concret se confondent. Autrement dit, tout ce qui est réel est immatériel et tout ce qui est immatériel est réel. Ce développement s’effectue dialectiquement, selon les termes de Hegel, c’est-à-dire, par un dépassement de la thèse et de l’antithèse, que surmonte une synthèse. Le réel, dans la pensée hégélienne, est un tout ayant des membres épars. Et ces membres épars sont, bien évidemment, les contradictions existantes.

Le visible et l’invisible n’épuisent donc pas chacun le réel, mais en constituent des moments. C’est l’invisible qui, en se niant, se fait autre dans le visible, non pas dans un rejet éventuel de l’autre, mais dans la réalisation même des choses en tant que synthèse. C’est pour cette raison que les choses doivent être perçues comme des éléments « réciproquement nécessaires, »29 car le contraire est la condition de la réalisation et de l’existence de l’autre. Et c’est dans le renversement de chaque élément par l’autre que le réel vient à jour. La chose invisible n’est donc pas un concept isolé, c’est un être métaphysique qui, selon Hegel, existe en soi, dans notre pensée, et se donne comme chose concrète dans la nature. Et c’est cette pensée qui, en s’élevant par la dialectique jusqu’à l’intelligible, jusqu’à la contemplation de l’idée, parvient donc à saisir le réel lui-même en ce qu’il a d’éternel et d’absolu. L’absolu est l’idée, dit Hegel. Et cet absolu, le traditionalisme peul le nomme, le Divin. Vérité à l’état abstrait, pur pensée dont le développement logique engendre tout ce qui est. Ainsi, la pensée et le réel se confondent. « Tout ce qui est rationnel est réel et tout ce qui est réel est rationnel.»30 Á l’idée, s’oppose la nature, existence extérieure, étrangère à la pure pensée. Ni l’idée, ni la nature, ne révèle le réel. C’est plutôt leur synthèse qui s’effectue dans l’esprit, c’est-à dire, dans la pensée devenue consciente d’elle-même. Et elle n’atteint la pleine conscience de soi que dans l’esprit absolu, dans l’art, la religion, la philosophie, etc. ; dans toutes ces entreprises pour lesquelles la vérité exige une activité intellectuelle profonde. Il est donc opportun que les hommes s’engagent à une nouvelle contemplation, une contemplation synthétique du visible et de l’invisible, pour accéder à la vérité, à l’absolu, qui pourra constituer une base solide pour leurs entreprises multiples car, l’unilatéralité et la partialité ne peuvent participer à une réalisation solide. Une quête de la vérité, en ce sens, est nécessaire pour une meilleure appréhension du réel.

C’est, en effet, dans les rapports mystiques que s’établit l’union intégrale de l’homme et de la nature, où il découvre son langage. Dans la logique peule, selon Amadou Hampaté Bâ, le savoir acquis par la révélation du sens des choses n’est autre que la réalisation d’une quête, la recherche des lois profondes qui gouvernent l’univers. Ces lois sont un indicatif pour reconnaître le mystère. Ils apprennent que la vie est un mystère et que ce mystère est infranchissable. Par la chose palpable, se révèle le permis mais aussi, l’interdit derrière lequel se cache l’inaccessible. En recevant le sens des choses, l’individu devient un nouvel être, un être peut-être pas achevé d’un seul coup, mais transformé progressivement par la méditation constante et poursuivie. Il accède ainsi à une évolution spirituelle et acquiert la sagesse. Il devient maître de soi et conscient de sa valeur. La connaissance le conduit à un état de conversion, de retour sur soi pour pénétrer l’essence 29Hegel G. w. F.,Phénoménologie de l’esprit, Paris, Montaigne, 1941, p. 6. 30Hegel G. W. F., Principes de la philosophie du droit, Préface, Paris, Gallimard, 1972.

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des choses. Mais La société moderne, dans sa grande majorité, reste résolument tournée vers un nouvel espoir, la technique, capable de dissiper ses angoisses et d’enrayer ses souffrances, parce que la confiance au réel a fait faillite. Mais la technique, cette "vérité absolue" que tous les regards implorent, arrive-t-elle à donner aux hommes une satisfaction réelle?

Les temps changent et l’imagination évolue dans le sens de la recherche de solutions pour sortir l’humanité des multiples difficultés qui l’assaillent. Du coup, la simple contemplation divine et les prières deviennent passives et dépassées pour l’homme, tels Dembourou et Hamtoudo dans le conte kaydara, préservant leur richesse matérielle : « Nous n’avons nul besoin d’être des savants, ni en maxime, ni en adage. »31 Le savoir pour eux n’a plus aucune importance, car ce qui compte désormais, c’est le bien matériel. Avec les nombreuses découvertes et inventions, la technique a apporté des jets de lumière sur chacune des inquiétudes des hommes, et chaque illumination a donné naissance à des théories nouvelles. Ce que, jadis, les hommes cherchaient les yeux levés vers le ciel, ils viennent de le retrouver à leurs pieds, dans le sol. Désormais, on n’implorera plus le ciel, mais la terre, pour recevoir d’elle tout ce qu’elle contient. L’homme marche, en effet, le regard toujours fixant le bas, persuadé qu’il est, d’avoir localisé son bonheur dans la terre qui est, cependant, « le lieu de la vie sans en être la source. »32

Aujourd’hui, la cosmogonie moderne présente la vie sous un nouvel aspect. Les lois et les règles sont fixées par les hommes et ce, selon leurs aspirations. Dans toutes ces règles établies, il n’y a que la simple appréciation de l’homme qui compte. La question de l’immatériel, qui est le Divin, n’est plus au cœur de l’existence humaine. Elle n’est plus ce à quoi la vie entière se réfère. Les hommes ont évacué les mythes et les contes, parce qu’ils se sont constitués une cosmogonie nouvelle à partir de leurs besoins. Or, les mythes et les contes sont la matérialité même du Divin. Le conte ou le mythe dit comment une réalité est venue à l’existence et, partant, cette réalité devient un modèle sacré sur lequel s’appuie toute autre réalité. « La fonction maîtresse du mythe est donc de fixer les modèles exemplaires de tous les rites et de toutes les activités humaines significatives : alimentation, sexualité, travail, éducation… »33 Le mythe est l’expression de l’immatériel. Il est parole et enseignement. Le mythe dit le commencement, et comme tel, il dit l’origine des choses. L’enseignement qui se dégage des fentes de l’art, du mythe et du conte, c’est la vérité elle-même déployant des secrets : ceux du savoir, et ceux du "comment utiliser" le savoir, pour suivre comme un fleuve, les méandres du modèle authentique que le conte kaydara donne en exemple.

Au cœur de la demeure de Kaydara, dans le conte kaydara, les voyageurs reçoivent chacun trois charges d’or équivalents. Kaydara leur demande de bien utiliser cet or pour tous leurs besoins. Mais Dembourou et Hamtoudo trouvent fatalement la mort pour avoir voulu utiliser ce trésor à des fins uniquement matérielles. Ils ont nié le côté spirituel, l’invisible de la chose matérielle, et ce déséquilibre a occasionné leur perte. Il faut donc comprendre que l’existence humaine est constituée de deux faces : le visible et 31Hampaté Bâ A.,Kaydara, op. cit., p. 58. 32Louis Vincent, T., Les sages dépossédés, op. cit., p. 166. 33Mircéa É., Le sacré et le profane, Paris, Gallimard, 1965, p. 87.

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l’invisible, le matériel et le spirituel, tous interdépendants. De même que l’homme ne peut vivre sans le matériel, il ne peut non plus vivre sans le spirituel. Le spirituel est l’arrière fond de la chose matérielle, ce qui fait sa réalité. Et c’est entre ces deux états que l’homme peut trouver son équilibre. Alors, comme la chose concrète, si le fait religieux « était sérieusement vécu et appliqué par les hommes, (il) pourrait aider grandement l’humanité à mieux trouver son équilibre entre le monde matériel et le monde spirituel, tous deux assumés et harmonisés, sous le regard de Dieu et dans le respect de sa loi. »34 Malheureusement, la question spirituelle est oubliée, négligée à telle enseigne que, science et religion sont devenues des antagonistes ; l’une représentant le matériel et l’autre, l‘immatériel.

Science et religion sont les deux besoins fondamentaux de l’existence humaine. Pourtant, les hommes ne cessent de les dresser l’une contre l’autre. L’une abstraite, se borne à répondre aux besoins du cœur et de l’âme. Et l’autre, plus concrète, répond aux besoins matériels. Et chaque domaine se plait à dénigrer et à rejeter l’autre. Les hommes de sciences cherchent et trouvent les éléments nécessaires au bien-être de l’humanité : voiture, avion, appareils électroménager ; sans parler des bombes et des armes à feu pour combattre l’ennemi. Mais ils ne trouvent plus le moyen de freiner les nombreuses conséquences que ces choses bienfaisantes attirent dans la société, parce qu’ils se sont fermés aux secrets des choses. Ils ont perdu la voie du "comment utiliser".

Quant à la religion, elle semble avoir pris un nouveau sens. Le religieux n’est plus perçu comme celui qui est seulement lié à la nature en tant qu’expression du sacré. La religion semble avoir été limitée autour d’un Dieu d’amour, éloigné du monde des hommes, et auquel l’on accède par l’intermédiaire de messies. La pratique religieuse du monde traditionnel, celle où l’homme entretenait un rapport sacré avec la nature en tant qu’expression de la réalité de l’invisible, est bafouée et diabolisée. L’homme moderne n’entend plus parler la nature. La modernité l’a rendu sourd à son langage. La nature est elle-même profanée, désacralisée. L’homme moderne vit la religion comme une sorte de passion. Les scientifiques ou les guides intellectuels s’attèlent uniquement aux grandes découvertes dans le monde physique. Pourtant, ces deux domaines doivent s’accommoder pour équilibrer l’univers dans tous ses aspects. C’est donc à juste titre qu’Édouard Schuré pense « qu’une morale qui n’envisage pas les suprêmes destinées de l’homme ne sera qu’utilitaire et très imparfaite. De plus, la liberté humaine n’existe pas de fait pour ceux qui se sentent toujours esclaves de leurs passions et elle n’existe pas de droit pour ceux qui ne croient ni à l’âme ni à Dieu et pour qui la vie est un éclair entre deux néants. Les premiers vivent dans la servitude de l’âme enchaînée aux passions, les seconds dans la servitude de l’intelligence bornée au monde physique. »35

Les hommes doivent donc retrouver leur équilibre intérieur en se libérant de leurs passions respectives pour parvenir à la jonction du spirituel et du matériel afin d’acquérir le bien-être qu’ils recherchent. Car, « le jour où religion et sciences se respecteraient et collaboreraient dans l’intérêt commun de l’humanité, ce jour là les deux rails nécessaires

34Hampaté Bâ, A., Aspect de la civilisation africaine, op. cit., p. 108. 35Schuré É., op. cit., p. 354.

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à la marche de notre bonheur seraient posées. »36 Á cette pensée d’Édouard Schuré, on peut ajouter que la fusion de ces deux domaines révèlera la vérité sur le fondement du réel.

Conclusion

Au terme de notre cheminement, retenons que le matériel ne peut être éloigné de l’immatériel. Et l’opinion commune qui procède arbitrairement et choisit les cas favorables, l’unilatéralité et la partialité, ne peut accéder au réel, mais s’arrête à un de ses moments. Car ce qui est posé comme "vrai-être-là" n’est en réalité qu’un moment du cheminement pour aboutir au réel lui-même. Chaque réalité particulière, relative, finie, définissable, résulte d’une différenciation et ce qui importe avant tout, ce sont les articulations de toutes ces étapes entre elles et avec le tout. C’est cela qui donne naissance à la vérité des choses. C’est pourquoi, dans le traditionalisme peul que présente Amadou Hampaté Bâ, la Vérité est présentée comme « Dieu de l’or et de la connaissance. »37 Elle n’est donc ni seulement l’or, ni seulement la connaissance. Elle est plutôt une fusion des deux, c’est-à-dire, une fusion du matériel et de l’immatériel. La chose matérielle est elle-même comme un corps nouveau, inséré dans un organisme vivant qui est le système de l’immatériel et qui, par conséquent, ne peut vivre que s’il favorise la vie de ce système. Le monde matériel est donc incapable de vivre par lui-même sans le monde invisible. « Pour les anciennes sociétés traditionnelles, le principe de toute connaissance réelle, de quelques ordres soit-elle, vient toujours d’en haut. »38

La quête du réel à partir de la synthèse du visible et de l’invisible n’est donc pas une invitation à la confusion, mais au contraire, à la réflexion. C’est en cela que le réel se saisit, non pas de manière fixiste, mais en traçant l’odyssée de la conscience, où chacun de ses moments nie partiellement le précédant et le fait accéder à un degré de réalité complémentaire. Il convient donc de retenir qu’il est nécessaire d’arracher l’esprit au règne de l’inculture pour le conduire au savoir absolu et au réel, en l’activant à l’articulation de toutes les réalités entre elles. Qu’on reconnaisse alors aux choses visibles, à toutes les découvertes, une réalité profonde, et à l’homme, la nécessité d’assimiler cette profondeur. Car, si les choses ne sont pas connues dans leur essence, elles peuvent, à la longue, faire appel à l’intrigue et à l’angoisse. C’est à cet effet que les contes et les mythes transmettent la réalité des choses et gardent leur authenticité à travers le temps. Ce qui est passé, le présent le rend légitime partant de ses réalités, et le transmet au futur, qui fait sa promotion.

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