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EHESS Les, chrétiens de l'Iinde, entre castes et Églises by Catherine Clémentin-Ojha Review by: Françoise Jacquin Archives de sciences sociales des religions, 53e Année, No. 144 (Oct. - Dec., 2008), pp. 200-202 Published by: EHESS Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40386453 . Accessed: 12/06/2014 16:29 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . EHESS is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Archives de sciences sociales des religions. http://www.jstor.org This content downloaded from 195.34.79.20 on Thu, 12 Jun 2014 16:29:51 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

Les, chrétiens de l'Iinde, entre castes et Églisesby Catherine Clémentin-Ojha

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Les, chrétiens de l'Iinde, entre castes et Églises by Catherine Clémentin-OjhaReview by: Françoise JacquinArchives de sciences sociales des religions, 53e Année, No. 144 (Oct. - Dec., 2008), pp. 200-202Published by: EHESSStable URL: http://www.jstor.org/stable/40386453 .

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son antisémitisme, ils établissent un lien entre l'auteur du Capital et la tradition juive, plus précisément prophétique, une relation au mes- sianisme de la justice. Bel hommage.

Enfin, dans la partie historique, la pré- sentation du sionisme et des conditions de naissance de l'État d'Israël semble particuliè- rement décalée par rapport à la production historiographique récente et à la réalité poli- tique présente : ainsi, rien sur la montée de l'extrémisme religieux, rien sur les territoires et la colonisation juive et leurs effets délétères sur la société israélienne. Par chance, la partie littéraire - riche, variée et équilibrée en ses diffé- rentes rubriques - comble en partie ces lacunes.

Ces quelques critiques ne doivent cepen- dant pas occulter la qualité d'ensemble de l'ou- vrage ni les services qu'il est appelé à rendre à ceux qui l'auront en main.

Régine Azria

144-22 Catherine Clémentin-Ojha

Les, chrétiens de linde, entre castes et Églises Paris, Albin Michel, coll. « Planète Inde », 2008, 300 p.

Le livre s'intitulant Les chrétiens de l'Inde et non « Les Églises en Inde », oriente d'entrée vers autre chose qu'une austère classification. Son sous-titre Entre castes et Églises, qui aurait pu en être avantageusement le titre, précise bien le propos. On s'interroge sur l'opportu- nité d'un troisième lieu, administratif celui-là : hindouisme et nation indienne sont tellement imbriqués ! En effet, les chrétiens de l'Inde, se doivent d'assumer une triple appartenance : à leur caste, à leur Église, à leur pays.

Catherine Clémentin-Ojha connaît bien le terrain. Elle a fréquenté nombre de ces quelque vingt-quatre millions de baptisés (2,4 % du bon milliard d'habitants) - rattachés à une trentaine d'Églises particulières - et a tissé des liens avec plusieurs de leurs responsables. Elle parvient à conduire son lecteur avec une remarquable clarté à travers un surprenant enchevêtrement de données complexes, sinon contradictoires. Sa ténacité ne la fait reculer devant aucune des questions brûlantes, comme celle de la liberté religieuse dans une tradition qui l'ignore (car est hindou celui qui naît en Inde) celle des avantages, ou désavantages, socioéconomiques de la conversion, celle du droit coutumier qui régit encore - et différem-

ment selon les États - bien des contrats, tels ceux de mariage et d'héritage. L'auteur sou- ligne en passant que, contrairement à l'islam où le converti entre sous le régime de la charia, le christianisme en lui-même ne propose aucun statut juridique propre. Mais quels que soient les imbroglios de l'histoire et des divisions confessionnelles qui en résultent - toutes ces Églises participent d'un même dénominateur : la confession de la foi en Jésus-Christ au sein d'un multimillénaire cloisonnement de la société en castes.

Mais s'agit-il d'une société hindoue ou indienne ? La noble réponse du président Nehru dans son discours de 1946, The Discovery of India, judicieusement placée en exergue de l'ouvrage (p. 7) et le préambule de la Constitu- tion de 1947 ont vainement tenté de mettre fin, une fois pour toutes, à cette ambiguïté, source d'épisodes dramatiques toujours d'ac- tualité. Les chrétiens, principalement localisés aux deux extrémités du pays ainsi qu'aux deux bouts de l'échelle sociale (les hautes castes dans les Églises malayalis du Kerala, les basses castes dans les campagnes du Tamil Nadu, les hors-castes ainsi que les tribaux au Nord-Est) sont frappés de plein fouet par ces violences d'une nature incompréhensible pour un Occidental : la terrible chape des interdits du pur et de Yimpur. Au XIXe siècle, la breath- cloth controversy chez les shanars du Kérala en est une pittoresque illustration (p. 187).

Plus de la moitié des chrétiens est consti- tuée d'intouchables et de tribaux {Depressed classes) : c'est d'ailleurs parmi les premiers, les hors-castes ou dalits, que s'exacerbent les revendications les plus vives quant à leur statut d'exclus. Les plus évolués d'entre eux prennent en effet conscience du scandale qui oppose le message évangélique d'amour et de fraternité à leur condition. Malgré les paroles apaisantes des hiérarchies, catholique et pro- testante, les clivages se retrouvent à l'intérieur même des Églises : certains vont jusqu'à faire de Jésus le Dalit suprême. Une pensée théolo- gique cohérente se cherche, mais reste encore prisonnière de modes d'expression occidentaux. La formulation de la foi chrétienne, singulière, au moyen de notions empruntées aux mul- tiples écoles de la philosophie hindoue n'est pas aisée. Les Églises d'Inde comptent pour- tant une forte proportion de théologiens mais leurs positions divergent sur des points fonda- mentaux relatifs au rôle salvificateur de l'hin- douisme, mais leurs joutes n'intéressent guère les pratiquants de base. Ceux-ci - puisque tel

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Bulletin bibliographique - 201

est l'objet du livre - se sentent beaucoup plus concernés par la dévotion (la bhaktï) : la piété est unanimement respectée. Le pèlerinage à Notre-Dame de Velankanni, les grandes fêtes populaires de Diwali, de Ganesh rassemblent en une ferveur commune des foules où se côtoient hindous, chrétiens et musulmans venus recevoir le darshana (la bénédiction) et présenter le pr asada (les offrandes).

Que le lecteur soit patient car de nom- breuses questions soulevées dans la première partie « Etre chrétien en Inde aujourd'hui » se trouvent éclairées grâce à la seconde partie scrutant « Le legs du passé missionnaire ». L'éparpillement historico-socio-géographique des Églises appelle sans cesse des explications : un décryptage croisé des deux parties serait idéal ! Néanmoins, il faut avoir constamment à l'esprit que, pendant les trois premiers quarts de leur histoire, les chrétiens de l'Inde se sont sentis parfaitement chez eux, sans doute beau- coup plus proches de l'origine palestinienne que ne le sont les Églises d'Occident. L'ère des « grandes découvertes » a provoqué un trau- matisme qui n'est pas totalement évacué ; dès la fin du XVIe siècle, en une solennelle réunion, certaines communautés du Kérala ont opté pour la séparation brutale avec la juridiction des évêques portugais afin de garder leurs privilèges au sein de l'Église syro-chaldéenne non romaine. Signalons au passage une erreur (p. 204), l'Église syro-malabare - catholique ou non - est précisément restée fidèle au rite syriaque et ne célèbre donc pas en rite latin.

L'Église latine a tenté plusieurs stratégies, généralement auprès des plus pauvres, au grand scandale des « premiers » chrétiens du Kérala et de Goa. Franciscains, puis jésuites ont œuvré dans le sens d'une meilleure inté- gration sociale : que l'on songe aux fameux paravars de Saint François Xavier sur la côte de Coromandel. Au pays tamoul, les célèbres Nobili, Britto, Beschi ont adopté une autre tactique afin de se concilier les brahmanes par l'étude poussée de leurs traditions. Des que- relles d'influence entre le Padroado portugais et la Propaganda fide romaine, la pression des intérêts politiques et économiques pour attri- buer à telle compagnie ou telle congrégation, une sorte de monopole sur un territoire donné, a progressivement empoisonné la rencontre avec les populations. Le début du XVIIIe siècle voit de nouveaux arrivants et de nouvelles méthodes : les Missions étrangères de Paris ont pour priorité la formation d'un clergé indigène alors que les luthériens puis les anglicans se

consacrent d'abord aux œuvres de traduction et d'éducation. Par leur ouverture au dialogue interreligieux, les noms de Bartholomäus Ziegenbald, Friedrich Schwartz, William Carrey, Daniel Wilson - peu connus des catholiques - ne peuvent être passés sous silence. De nouvelles générations d'intellectuels hindous se familiarisent avec les valeurs occi- dentales. Parmi eux, il est une personnalité, moins illustre qu'un Tagore ou un Gandhi, qui mériterait une étude approfondie pour le plus grand bénéfice des Églises d'Inde et d'Occident : Brahmahbandhab Upadhyaya (1861-1907), sage bengali qui incarna avec une édifiante authenticité P« indianisation » du christianisme si ardemment recherchée par la plupart des missionnaires.

Quelques documents inaccessibles, parti- culièrement précieux pour nous qui nous flattons de maîtriser les problèmes d'inter- culturalité, nous évitent de nous égarer dans de dangereux anachronismes. Retenons, parmi d'autres, la réflexion d'un exégète de Poona, G. Soares-Prabhu, sur une lecture indienne de l'Écriture (pp. 113-114), les récits d'un compa- gnon de Vasco de Gama (pp. 107-109) et l'expérience du Saint-Office par un médecin français du XVIIe siècle (pp. 135-136). Une chronologie, un glossaire rudimentaire mais suffisant, quelques cartes guident fort utile- ment le lecteur. Quant à la bibliographie, C. Clémentin-Ojha l'a établie avec une acuité remarquable qui en fait un rare instrument de travail.

Aujourd'hui, alors que l'Inde est devenue une grande puissance internationale, où un inévitable brassage social se fait par le rapide accroissement de ses villes et de ses universités, comment peut-elle ignorer encore l'universelle référence au respect de l'homme ? Pourquoi continue-t-elle de considérer les chrétiens (pas tous, pensons aux funérailles nationales de Mère Térésa) comme facteurs de pollution de la société ?

Pour combien de temps encore, la « forteresse idéologique des brahmanes » (M. Biardeau) restera-t-elle imprenable ? La finance prenant chaque jour le relais du reli- gieux, l'interrogation va finir par se poser massivement. La conscience de l'individu, véhi- culée par l'enseignement (il y a des milliers d'écoles chrétiennes en Inde) et les médias, interviendra à plus ou moins long terme et la conversion deviendra choix personnel et non décision de groupe.

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En conclusion, on ne peut cacher la montée des intégrismes Hindutva mais aussi la timidité des Églises. Si ces dernières inter- viennent ponctuellement pour dénoncer les actes de violence perpétrés contre les per- sonnes quelle que soit leur origine, pourquoi ne pas se mobiliser ensemble contre Postra- cisme dont sont victimes les membres des non scheduled classes ? Pourquoi ne pas contester l'ambiguïté de certaines conversions d'intou- chables qui espèrent par là jouir des avantages octroyés par les « quotas » réservés aux tri- baux ? Pourquoi laisser se reproduire, dans les régions les plus déshéritées du Nord, les modèles missionnaires les plus archaïques ? Assurément, 2,4 % de chrétiens, ce n'est pas beaucoup. On rêve qu'ils parlent d'une seule voix !

Françoise Jacquin

144-23 Denis Cohen-Tannoudji, (coord.)

Entre Orient et Occident Juifs et musulmans en Tunisie Paris, Éditions de l'Éclat, 2007, 379 p.

Cet ouvrage publié sous les auspices de la Fondation du Judaïsme français avec le sou- tien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, rassemble les contributions de cher- cheurs français, israéliens et tunisiens, au colloque international organisé par la Société d'Histoire des Juifs de Tunisie (dont le vice- président est D. Cohen-Tannoudji), tenu en Sorbonne en avril 2003.

Quelles furent la réception et l'impact des « idées modernes » sur les populations juives et musulmanes ? Quel rôle jouèrent les Lumières, la Révolution française, mais aussi le modèle ottoman ?

C'est un des mérites de cet ouvrage de montrer qu'à côté de l'influence indéniable des idées européennes sur les deux populations, bien avant le protectorat français de 1881, il ne faut pas négliger l'influence ottomane : sur les élites musulmanes inspirées par les Tanzimat mis en œuvre par la Sublime Porte, sur les élites juives qui, en correspondance avec leurs coreligionnaires ottomans, étaient en mesure d'apprécier leurs conditions juri- dique et sociale.

S'il y eut pénétration des idées modernes dans les deux communautés, elles furent plus rapidement acceptées et adoptées par la mino-

rité juive. C'est à la compréhension de tout cela que nous invitent les différentes commu- nications proposées dans ce volume par des historiens, des littéraires, des anthropologues, des musicologues.

Éclairante sur le plan de la pénétration de la modernité est la contribution du coordon- nateur sur « La famille Cohen-Tanoudji. De la tradition à la modernité ». À travers les périples de cette famille de notables et de rabbins, chassée d'Espagne puis du Portugal par l'Inquisition, installée un temps à Tanger (dont elle garde le souvenir dans son patro- nyme) d'où elle sera chassée par les Almohades, installée enfin en Tunisie au XVIIe siècle, nous voyons se développer les liens avec des commu- nautés juives européennes, en particulier avec celle de Livourne, en Italie : liens familiaux mais aussi économiques, culturels, technolo- giques. C'est là qu'on fera imprimer les livres en hébreu, avant d'apprendre les techniques d'imprimerie, qui seront importées à Tunis. Jacques Taïeb, dans sa communication, nous apprend que « sur 100 livres publiés par des lettrés tunisiens (juifs) de 1759 à la fin du XIXe siècle, 98 le furent à Livourne ». Puis ce sera la fréquentation de l'école, écoles ita- liennes, mais aussi dans le sillage du protecto- rat français, écoles françaises, essentiellement celles de l'Alliance Israélite française, qui va bouleverser ce monde traditionnel. De même, le statut de protégé obtenu auprès des puis- sances européennes, essentiellement italienne, anglaise et française, permettront aux juifs livournais d'échapper au pouvoir du Bey et de n'être plus soumis au statut humiliant de la dhimma.

La communication de Claude Nataf, président de la Société d'Histoire des Juifs de Tunisie, nous apprend que la quelque cinquantaine de français qui gravitent autour du Consulat de France à Tunis, et tous ceux qui ont des relations avec eux, vont vivre quasiment en temps réel les événements de la Révolution française. Les juifs érudits, ceux qui commerçaient avec les Français, puis ceux de la Hara, ont appris que Bonaparte avait délivré les juifs italiens de leurs ghettos, qu'il avait levé les discriminations dont ils souf- fraient. Il devient leur héros. Très vite les juifs livournais de Tunisie bénéficient des mêmes avantages puisqu'ils passent sous la juridiction du consulat français à Tunis : « ils ne manquent pas d'être enviés par leurs coreligionnaires tunisiens qui les voient échapper au bon plaisir du Bey ». L'influence des idéaux de la Révolu-

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