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Les Chrétiens d'Orient. Boucs émissaires depuis 2 000 ans

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Aujourd'hui persécutés par les fondamentalistes islamistes, les Chrétiens d'Orient sont considérés depuis deux mille ans, le plus souvent, comme des gêneurs. Un dossier dérangeant écrit par des spécialistes de leur histoire.

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4 HISTORIA FÉVRIER 2015

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Mikaël NichanianSpécialiste du génocide arménien, il se penche sur l’Empire ottoman – refuge puis enfer pour les adeptes de la croix (p. 56).

Jacques-Noël PérèsCet éminent théologien revient sur les relations entre Rome et les Églises d’Orient : frères d’armes ou rivaux ? (p. 52)

Jean-François ColosimoL’auteur des Hommes en trop (Fayard, 2014) fait le point sur le martyre actuel que subissent les chrétiens d’Orient (p. 62).

Christian CannuyerLe professeur de théologie relate l’épopée des Coptes, puissante communauté chrétienne d’Égypte (p. 50).

Antoine SfeirCe grand spécialiste du monde musulman analyse le statut des chrétiens en terre d’islam, entre tolé-rance et soumission (p. 46).

Catherine SallesSpécialiste de l’Antiquité, elle nous fait partager le martyre des premiers disciples de Jésus sous l’Empire romain (p. 36).

Anne BernetL’historienne nous relate la naissance du christianisme (p. 34) et la lutte des Perses mazdéens contre l’« héré-sie » chrétienne (p. 42).

Véronique DumasJournaliste, elle revient sur l’élaboration de la Solution finale et sa mise en place dans le principal camp de la mort, Auschwitz (p. 18).

Johann ChapoutotHistorien, spécialiste de la Shoah, il décrypte le docu-mentaire Jusqu’au dernier sur la destruction des Juifs d’Europe (p. 6).

6 Événement// 8 Jusqu’au dernierL’éclairage de l’historien Johann Chapoutot sur les faits marquants d’un documentaire exceptionnel, diffusé sur France 2.

// 18 Le camp d’Auschwitz, « usine modèle » des nazisDans l’enfer du système concen-trationnaire. Voyage au bout de l’horreur.

22 À l’afficheExpos, cinéma, jeux, théâtre… la sélection d’Historia.

28 L’art de l’HistoireHorace Vernet, le « militaire qui fait de la peinture »

66 Ce jour-là6 février 1934 : une sanglante émeute antiparlementaire

72 PortraitDon Pedro, le « poilu » de la RenaissanceOffert à Henri II, le « sauvage » devient la coqueluche de la cour.

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Les chrétiens d’Orient, boucs émissaires depuis deux mille ansIls furent les premiers disciples de Jésus et n’ont jamais renoncé à leur foi, malgré les persécutions – passées ou présentes.

// 34 L’Orient, berceau du christianisme

// 36 Les mal-aimés de l’Empire romain

// 40 Les Églises d’Orient en 585

// 42 Les boucs émissaires des rois perses

// 46 Les brimés du califat

// 50 Les Coptes, éternels suppliciés de l’Égypte

// 52 Les rejetés de l’Église latine

// 56 Exterminés par l’Empire ottoman

// 62 Victimes des fondamentalistes

79 L’inédit du moisLutte d’influence en Provence entre Frédéric II et Raymond VII

81 L’air du tempsFoule sentimentale

83 Pas si bête !L’hermine d’Anne de Bretagne

85 À tableLe pâté de foie gras de Strasbourg

87 Un illustre inconnuBoycott

89 Un mot, une expressionProfession(s) de foi

91 Mots croisés

92 Livres

98 Les couacs de l’HistoireLe mauvais calcul de Cromwell

Dossier

66

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ÉVÉNEMENT

6 HISTORIA FÉVRIER 2014

France 2 va diffuser un documentaire exceptionnel de Blanche Finger et William Karel, qui décrypte, comme jamais auparavant, le processus qui a conduit à la destruction des Juifs d’Europe. L’éclairage d’Historia.

JUSQU’AU DERNIER

À voir sur

FÉVRIER 2014 HISTORIA 7

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32 HISTORIA FÉVRIER 2015

DOSSIER

BYZANTIN Le Christ panto crator (« tout-puissant »). Détail d’une mosaïque du musée Sainte-Sophie, à Istanbul.

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FÉVRIER 2015 HISTORIA 33

Elles ont l’âge du christianisme. Pourtant, dans

cette partie du monde qui fut leur berceau, les Églises

d’Orient vivent un vrai calvaire. En Irak, en Syrie, en

Égypte, les disciples de Jésus, assimilés à une cin-

quième colonne de l’Occident, sont la cible des fon-

damentalistes, notamment de Daech. Cette épreuve

rappelle d’autres épisodes de leur histoire. Car ces

chrétiens, qui composent une mosaïque de commu-

nautés isolées les unes des autres, ont en commun un

lourd fardeau : celui d’être des boucs émissaires. À

leur égard, Rome, la maison mère, n’a pas toujours

eu la compassion d’un frère. En témoignent les croi-

sades, quand la reconquête de la Terre sainte a dé-

bouché sur l’exclusion des patriarches d’Antioche ou

de Jérusalem de leurs propres terres. Des « hommes

en trop »… C’est ainsi que l’essayiste et théologien

Jean-François Colosimo désigne ces Églises en péril.

Historia, par ce dossier, a choisi de les mettre en

lumière. Pour mieux leur rendre justice.

LES CHRÉTIENS D’ORIENT

Boucs émissaires depuis deux mille ans

DOSSIER LES CHRÉTIENS D’ORIENT

36 HISTORIA FÉVRIER 2015

L’auteur

Spécialiste du monde

gréco- romain,

elle a publié en 2014 Les Bas-Fonds

de l’Anti-quité (Payot,

« PBP »).

Par Catherine Salles

So u s d o m i n a t i o n r om a i ne, l ’O r ient constitue le centre de gravité de la nou-velle religion. Plu-

sieurs villes (Antioche, Jérusa-lem, Alexandrie puis Constan-tinople après sa fondation) deviennent des centres actifs de propagation du christia-nisme. Au cours des deux pre-miers siècles, Rome n’en est pas encore un foyer important, car, essentiellement représenté par des émigrés, il se manifestera plus tard dans la Péninsule.

C’est donc dans l’Orient romain qu’apparaissent pour les structures et les compo-santes du christianisme mon-dia l . Le premier bâtiment consacré au culte chrétien est l’église de Doura Euro-pos, construite au début du IIIe siècle sur la rive romaine de l’Euphrate. Dans les grandes

vince. Il est entouré de prêtres, de diacres et de ministres de rang inférieur. Les commu-nautés se multiplient dans les campagnes. Deux institu-tions créées par les chrétiens d’Orient sont destinées à un avenir glorieux : le culte des martyrs et le monachisme, apparu en Égypte.

La prédominance du chris-tianisme oriental se manifeste aussi dans la littérature chré-tienne en grec, qui se propage pendant les quatre premiers siècles en Égypte, en Syrie et en Judée. Des figures marquantes s’imposent : Ignace d’Antioche, Clément d’Alexandrie, suivis au IVe siècle par Jean Chrysos-tome, Eu sèb e de C ésa ré e, Cyrille de Jérusalem, Grégoire de Naziance et bien d’autres, dont la plupart sont évêques de leur cité d’origine et ont sou-vent subi le martyre.

villes, les lieux de culte f leu-rissent : on compte 14 églises à Antioche. Le calendrier litur-gique se met en place avec diffé-rentes dates selon les régions : les Orientaux fêtent l’Épipha-nie (la manifestation de Dieu sur terre) le 6 janvier ; Constan-tin entérine, pour les Occiden-taux, la date du 25 décembre comme célébration de la nais-sance de Jésus. Les langues liturgiques varient selon les régions du monde méditerra-néen : les Orientaux utilisent le grec ; les Occidentaux, le latin.

Litanie de victimes dans l’Orient latin

Dans les cités d’Orient, la hiérarchie ecclésiastique s’organise. L’archevêque, ou métropolite, installé dans la capitale locale, est supérieur aux autres évêques de la pro-

�Les mal-aimés �de�l’Empire�romain

De Byzance à Alexandrie en passant par Jérusalem, les légions de Rome s’imposent en Méditerranée. Partout résonne le même mot d’ordre : « Les chrétiens aux lions ! »

42

L’apôtre Jacques, le frère de Jean, est décapité sur ordre d’Hérode Agrippa Ier.

50

Apparition du terme « chrétien » à Antioche.

303-313

Grande Persécution, perpétrée sous le règne de Dioclétien.

362

L’empereur Julien interdit aux chrétiens d’enseigner la philosophie, la grammaire et la rhétorique.

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FÉVRIER 2015 HISTORIA 37

Les premières victimes chrétiennes des persécutions de l’État romain habitent des villes orientales : Polycarpe, évêque de Smyrne et disciple de l’apôtre Jean, est brûlé vif ; le soldat Basilidès est décapité à Alexandrie ; Maximus est lapidé à Éphèse ; la jeune vierge Apolline est brûlée à Alexan-drie. Pendant la Grande Per-sécution, organisée à partir de 302 par Dioclétien – qui veut éliminer le christianisme par quatre édits en procédant à des mises à mort et en détruisant des églises –, l’Orient est par-ticulièrement touché par la

bien la dureté de la violence romaine en Orient. Dans le cli-mat d’exaspération qui se crée entre païens et chrétiens, il est aisé pour le pouvoir impérial de rejeter sur ces derniers la responsabilité de tous les mal-heurs qui surviennent dans une région. Comme l’écrit l’au-teur latin Tertullien, « Le Tibre a-t-il débordé à Rome, le Nil n’a-t-il pas inondé les campagnes, le ciel est-il resté immuable, la terre a-t-elle tremblé, la famine ou la peste se sont-elles décla-rées, aussitôt on crie : “Les chrétiens aux lions !” » (Tertul-lien, Apologétique, 40, 2.)

répression impériale. L’empe-reur Galère se montre lui aussi très cruel en multipliant les exécutions jusqu’en 311.

Exaspération entre chrétiens et païens

Les récits des martyres de Philéas et Philorome, décapités en Égypte, ceux d’Apphianos et de son frère Edésios, déchi-quetés et pendus par les pieds à Césarée de Palestine, des deux ascètes Gouria et Schamouna, décapités à Édesse (Syrie), et d’Agapios, dévorée par une louve à Césarée, i l lustrent

STIGMA­TISÉS Les adeptes de Jésus placent leur credo au-dessus de l’allégeance à Rome. Une menace pour l’Empire. En l’an 320, 40 légion-naires convertis qui refusent d’ab jurer sont exposés, nus, sur le lac gelé de Sébaste, en Arménie.

LES COUACS DE L’HISTOIRE Par Joëlle Chevé

98 HISTORIA FÉVRIER 2015

Le minuscule, et donc ridicule, agent de sa mort contraste avec la témérité de ses ambitions et leur caractère attentatoire à l’ordre naturel et divin.

Le 3 septembre 1658, Oliver Cromwell, lord-protecteur des trois royaumes – Angleterre, Écosse et Irlande –, rend à Dieu son âme de puritain fanatique,

de régicide et de dictateur. Atteint de troubles urinaires, un ultime calcul, bloqué dans son uretère, a provoqué une infection qui l’envoie en quelques jours ad patres. Il répétait pourtant à ses médecins qu’il ne mourrait point de cette maladie, n’ayant reçu aucun signe divin de sa mort prochaine.L’infime caillou, qui met fin à dix ans au cours desquels l’Angleterre fut un Commonwealth, c’est-à-dire un État libre, gouverné par les représentants du peuple réunis en Parlement, ins-pire à Pascal l’une de ses « pensées » les plus célèbres : « Cromwell allait ravager toute la chrétienté ; la famille royale était perdue et la sienne à jamais puissante, sans un petit grain de sable qui se mit dans son uretère. Rome même allait trembler sous lui.

Mais ce petit gravier, s’étant mis là, il est mort, sa famille abaissée, et le roi rétabli. » À grands événements, minuscules origines !C’est en ce sens que fut générale-ment interprétée cette réflexion. Le concept de couac semble trouver ici sa parfaite illustration : alors que tout paraît établi et ordonné, une scorie enraye les rouages de l’His-toire et détourne son cours – et ce, de façon totalement inattendue. Mais, à bien relire Pascal, la mort de Crom-well n’a rien de hasardeux. Le gra-vier serait, selon lui, une manifesta-tion de la volonté divine. C’est parce qu’il a bouleversé l’ordre politique et l’ordre religieux voulu par Dieu

– en l’occurrence, le régime monar-chique, la prééminence du catholi-cisme et le magistère de la papauté – que Cromwell a été frappé. Le minus-cule, et donc ridicule, agent de sa mort contraste avec la folle témérité de ses ambitions et leur caractère attenta-toire à l’ordre naturel et divin. Mais il souligne aussi leur caractère déri-soire au regard de la toute-puissance divine. Cromwell disparu, l’univers céleste retrouve son harmonie. Du côté des royalistes britanniques, l’in-tervention de la Providence pour éli-miner le « monstre » est également une évidence, tandis que leurs adver-saires voient le signe de sa gloire dans le terrible ouragan qui, comme pour Romulus, se déchaîna au moment de sa mort – il s’agissait d’une tempête d’équinoxe très prévisible… L’ironie de l’histoire est que Cromwell était tout aussi persuadé que Pascal d’être un jouet misérable dans les mains de la Providence : « J’ai été appelé par le Seigneur et je ne suis pas éloigné de croire qu’il permettra à son humble serviteur, à son pauvre vermisseau, d’accomplir sa volonté. »Au regard de l’historien, sa mort fut un événement inattendu, car, comme il le redoutait, il aurait pu tout aussi bien finir ses jours frappé d’un coup de poignard, tant il avait d’ennemis. Cependant, le véritable couac vient de son héritier, Richard, qui lui succède dans le calme mais qui, incapable par la suite de défendre son pouvoir face à une coalition d’opposants, démis-sionne. Et, là encore, Pascal avance une réponse : « Le nez de Cléopâtre, s’il eût été plus court, toute la face de la terre aurait changé » L

En 1658, après avoir décapité la royauté, soumis l’Irlande puis l’Écosse, le tyran anglais est terrassé par un adversaire inattendu.

Le mauvais calcul de Cromwell