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Les Colloques UNAFAM 16 « L'Accompagnement dans le Parcours de soins de la personne en situation de Maladie Psychique » Deuxième rencontre Avec la participation du Centre Hospitalier Camille Claudel Quatre thèmes : - L'accompagnement dans les troubles bipolaires et schizophréniques:leurs descriptions et leurs traitements médicamenteux - L'accompagnement de la personne malade dans l'organisation charentaise des soins - L'accompagnement de la personne malade dans les thérapies complémentaires - L'accompagnement dans les psychothérapies 31 Mars 2016 CGR Cinémas- Salle1 30, rue Saint Roch- 16000 Angoulême Unafam 16-73 Impasse Joseph Niepce-CS 92417- 16024 ANGOULEME Cedex 06 07 36 42 21 www.unafam16.org [email protected] Les Actes du colloque UNAFAM16 1/38

Les Colloques UNAFAM 16 · Thomas Fovet Psychiatre, Thésard dans l'équipe du Professeur Jardri , au CHRU de Lille ... Auteur du livre « Dialogue avec moi-même : Un schizophrène

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Les Colloques UNAFAM 16

« L'Accompagnement dans le Parcours de soins de lapersonne en situation de Maladie Psychique »

Deuxième rencontre

Avec la participation du Centre Hospitalier Camille Claudel

Quatre thèmes :- L'accompagnement dans les troubles bipolaires et schizophréniques:leurs descriptions et leurs traitements médicamenteux- L'accompagnement de la personne malade dans l'organisation charentaise des soins- L'accompagnement de la personne malade dans les thérapies complémentaires- L'accompagnement dans les psychothérapies

31 Mars 2016CGR Cinémas- Salle1

30, rue Saint Roch- 16000 Angoulême

Unafam 16-73 Impasse Joseph Niepce-CS 92417- 16024 ANGOULEME Cedex06 07 36 42 21

[email protected]

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L'Accompagnement dans le Parcours de Soins de lapersonne en situation de Maladie Psychique

Sommaire

Ouverture M-F Raillard : Présidente-Déléguée UNAFAM16Introductions Luc Thiel : Directeur du CHCC d'Angoulême

Joël Lacroix : Délégué Territorial de l'ARS pour la CharenteXavier Bonnefont : Maire d'Angoulême

Modérateur Michel Hamon : Directeur de Recherche à l'INSERM, Professeur à l'Université Pierre et Marie Curie, Administrateur à l'UNAFAM« Focus sur la recherche en Psychiatrie »

I – L'accompagnement dans les troubles bipolaires et schizophréniques : leurs descriptions et leurs traitements médicamenteux

Diane Levy-ChavagnatPsychiatre, Chef de Pôle, Responsable de l'Unité ECT, du registre

ECT de la Fédération Ariathym à l'Hôpital Henri Laborit à Poitiers« Les troubles bipolaires : Description clinique, manifestations dela maladie, les traitements des accès dépressifs et maniaques et les effets des thymorégulateurs »

David MisdrahiPsychiatre, Coordinateur du Centre Expert Schizophrénie de l'Hôpital Charles Perrens à Bordeaux« Schizophrénies et parcours de soins : L'exemple des Centres Experts »

Amine BenyaminaProfesseur de Psychiatrie, Service Addictologie de l'Hôpital PaulBrousse à VilleJuif« Les addictions et comorbidités dans les troubles psychiatriques :

Le tabac, le cannabis, l'alcool : leurs incidences sur les troubles,leurs traitements »

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II – L'accompagnement de la personne malade dans l'organisation charentaise des soins

Marie-Josée RousseauPsychiatre, Présidente de la CME du CHCC d'Angoulême, Chef de Pôle, Responsable des RCP Régionales« L'organisation charentaise des soins et focus sur les apports de la Fédération Ariathym dans le soin des troubles bipolaires »

III – L'accompagnement de la personne malade dans les thérapies complémentaires

Christine Mirabel SarronPsychiatre, Responsable de l'Unité Fonctionnelle de psycho-thérapies THECCART de l'Hôpital Sainte-Anne à Paris« Les Thérapies Comportementales et Cognitives intégrant l'ETP dans le soin des troubles anxieux chroniques, des troubles del'humeur unipolaire résistants et bipolaire réfractaires »

Charlotte Danset-AlexandreNeuropsychologue dans l'équipe du Docteur AMADO à l'HôpitalSainte-Anne« La remédiation cognitive : ses effets dans la vie quotidienne »

Diane Levy-Chavagnat« La place de l'ECT dans les troubles psychiques aujourd'hui »

Thomas FovetPsychiatre, Thésard dans l'équipe du Professeur Jardri , au CHRU de Lille« Nouvelles stratégies thérapeutiques dans les schizophrénies : Dela stimulation magnétique transcranienne au neurofeedback »

IV – L'accompagnement dans les psychothérapiesPhilippe JeammetProfesseur Emérite de Psychiatrie à ParisV, PsychanalystePolo TonkaAuteur du livre « Dialogue avec moi-même : Un schizophrène témoigne »« Retours d'expérience sur le travail de psychothérapie dans lesmaladies psychiatriques »

V – Conclusions et perspectives en direction de la troisième rencontre en Mars 2017

Marie-Françoise Raillard et Michel Hamon

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OUVERTURE

« L'accompagnement dans le Parcours de Soins de la personne en situationde Maladie Psychique »

Madame Marie-Françoise Raillard : Présidente Déléguée UNAFAM16

Mesdames les Docteurs Diane Levy-chavagnat, Christine Mirabel Sarron, Marie-Josée Rousseau, Madame Charlotte Danset-Alexandre,Messieurs les Professeurs Amine Benyamina, Michel Hamon, Philippe JeammetMessieurs les Docteurs Thomas Fovet, David Misdrahi,Monsieur Polo Tonka,Monsieur le Directeur du CHCC, Luc Thiel,Madame la Vice-Présidente du Conseil Départemental, Isabelle LagardeMonsieur le Maire, Xavier Bonnefont,Madame la Maire-Adjointe, chargée de la santé et du Handicap, Isabelle Lagrange,Monsieur le Délégué Territorial de l' ARS, Joël LacroixMesdames et Messieurs du TGI, de la MDPH, de l'AGEFIPH, du PRITH,

Mesdames et Messieurs,

Parce que la maladie psychique est une agression fondamentale pour l'être humain,

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Parce que l'intégrité des personnes y est en jeu ce qui amoindrit leur autonomie,

Parce que leur libre expression est entravée par le caractère excessif difficilement supportable des manifestations des dépendances de ces maladies,

Parce que l'inquiétude existentielle, éprouvée chez tout être humain, reste ici béante non compensée, douloureuse,

Parce que les efforts de ces personnes, accomplis avec courage pour lutter contre l'adversité prend un caractère forclos,

Parce qu’au détour de leurs maladies pointent des éclairs de lucidité sur leur état ce qui les désespèrent ou bien parce que leur intelligence ne peut être mise à profit,

Nous, leurs familles, leurs proches aidants, nous sommes sollicités par eux pour mener avec eux le combat.

Pour tenir, nous éprouvons le besoin de nous rassembler, ce que nous permet l'UNAFAM. Nous y sommes réconfortés, nous y partageons nos connaissances, nos expériences, nos réflexions.....

C'est ainsi que nous avons découvert et compris que l'accompagnement est une notion indispensable, primordiale, et qui doit être pérenne, sans faille, tout au long du parcours de vie de la personne en situation de maladie psychique, le but étant d'éviter son effondrement, ses rechutes, et de progresser dans sa réhabilitation. Ici, le parcours de vie se superpose au parcours de soins de la personne. C'est ce que décline la stratégie nationale de santé dans le cadre de la santé mentale et de la psychiatrie de la nouvelle loi de modernisation du système de santé

Pour mettre en exergue l’importance de cette notion d'accompagnement, l'UNAFAM Charente a décidé d'organiser une trilogie de colloques dont le premier aborda l'an dernier 3 thèmes :

➢ Celui de l'alliance thérapeutique, car comment peut-on parler d'accompagnement adapté et personnalisé de la personne malade quand le dialogue n'est pas établi et recherché entre le patient, sa famille, le corps médical ou médico-social ou social.➢ Le deuxième thème fut celui de l'accompagnement par la famille, qui, par la psychoéducation, notamment le programme pro-famille, peut améliorer la vie relationnelle du et avec le malade et alléger l'incidence de la maladie à laquelle la jeune fratrie ne peut échapper.➢ Le troisième thème fut celui de l'accompagnement vers le soin posant la question de

la prévention cherchant à réduire les effets négatifs, notamment dans les troubles anxieux et schizophréniques ceci pour améliorer le pronostic de vie de ces personnes

malades.

Aujourd'hui, dans ce deuxième colloque sur « l'accompagnement dans le parcours de soins de la personne en situation de maladie psychique », nous allons parler de l'accompagnement dans les soins médicamenteux et les thérapies complémentaires dans les troubles schizophréniques, bi-polaires et unipolaires, avant d'aborder en mars 2017, l'accompagnement bien spécifique de ces personnes malades dans le soin médico-social et social.

Que nous soyons patients, aidants, soignants, professionnels de la santé, du médico-social ou du social, personnel d'un service du département ou de la région, élus ou membres d'une association....cette journée, par les différentes interventions, les échanges, les réflexions, ne

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manquera pas de nous apporter un nouvel éclairage sur l'étendue des connaissances concernant ces maladies, cherchant à nous amener à mieux comprendre l'accompagnement adéquat dont a besoin chaque malade.

Je souhaite à tous un excellent colloque.

INTRODUCTIONS

Monsieur Luc Thiel : Directeur du Centre Hospitalier Camille Claudel

Le Centre Hospitalier Camille Claudel est un dispositif de soins psychiatriques et de santé mentale pour tout le département de la Charente : Il couvre l'ensemble du territoire.

Il accueille essentiellement trois grandes catégories d'usagers :➢ La psychiatrie publique qui soigne de nombreuses personnes atteintes de psychose en appliquant les techniques actuelles. Elle fait appel à la psychiatrie institutionnelle avec un accompagnement au long cours. ➢ Les personnes qui présentent des psychopathologies variées ayant recours, elles aussi, à des techniques de soin. Dans ce cas, les prises

en charge sont brèves et bien déterminées.➢ Enfin, les personnes qui relèvent de la santé mentale. Le travail qui s'y effectue, se fait en lien avec de nombreux partenaires et démontre l'utilité de la psychiatrie dans ce domaine.

La dernière revue « Esprit » qui traite du thème de la colère relate bien la situation d'aujourd'hui. L'idée maîtresse qui s'en dégage est que la colère mène à la justice et à l'amitié politique. Si, comme tous citoyens et toutes les différentes institutions de l'Etat, la communauté soignante doit faire preuve de modestie et d'écoute, la psychiatrie doit être encouragée, jamais humiliée et ne doit jamais abandonner ses patients.

Monsieur Joël Lacroix : Délégué Territorial de l'ARS pour la Charente

Je suis heureux d'être parmi vous aujourd'hui, à l'ouverture de ce deuxième colloque de l'UNAFAM Charente sur « L'accompagnement dans le parcours de soins de la personne en situation de maladie psychique ».

Je suis ravi en tant que Directeur Départemental de l'ARS en Charente, car l'un des axes majeurs de l'action de l'ARS est de construire dans la nouvelle région, des politiques autour des besoins repérés dans la population, et de travailler dans les territoires avec les acteurs pour répondre à des parcours plus qualitatifs et sans rupture.

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Ensuite, le deuxième point concerne le développement significatif de la prévention et de la promotion en santé afin de réduire les inégalités d'accès aux soins et à la santé. La présence nombreuse de chacun témoigne de l'implication de tous, de cette alliance essentielle entre professionnels, associations, patients, accompagnants et familles, afin de réduire les obstacles que rencontrent les citoyens en situation de maladie psychique lorsqu'il s'agit, de prévention ou d'éducation à la santé, de cheminer entre les consultations médicales pour accéder à une hospitalisation dans de bonnes conditions, et pour développer un projet de vie personnelle.

Nous avons engagé en Charente des réflexions de cet ordre avec des groupes de travail présidés par Mme Martine Pinville, puis nous avons continué par un travail partenarial entre Camille Claudel et le Centre Hospitalier d'Angoulême sur l'accès aux soins somatiques des personnes ayant un trouble psychiatrique. Ceci est une porte d'entrée bien modeste qui doit démontrer ses résultats.

Je comprends la souffrance vécue au quotidien par les familles et les personnes malades psychiques, ainsi que les difficultés majeures de ces personnes pour accéder aux soins et organiser un parcours de vie. Les dirigeants des institutions médico-sociales nous disent combien un trouble non diagnostiqué peut être lourd de conséquences pour ces personnes et pour leur parcours de vie.

Plusieurs expériences en Poitou Charentes ont su démontrer leur intérêt dans leur fonctionnement : Ces projets cumulent, de façon pertinente, l'accès à un plateau technique, une approche fonctionnelle et adaptée de l'accompagnement des personnes, la réactivité des réponses, mais aussi une capacité d'appui et de coordination des partenaires médico-sociaux.

En Charente, nous avons du retard sur ce plan. Nous voulons nous saisir de ces bonnes pratiques pour formaliser des réponses en y attachant les projets de santé du monde libéral (maisons et pôles de santé...). Il nous reste beaucoup de travail pour que l'ensemble des professionnels et établissements acquièrent les réflexes de prévention et d'éducation à la santé du suivi somatique étayé par le savoir des accompagnants des personnes en situation de maladie psychique.

Face aux particularités des troubles psychiatriques, il arrive que les professionnels et les équipes se sentent déstabilisés et ne savent quelles conduites tenir. C'est l'objet d'une partie de nos travaux pour apporter des réponses et valoriser les expériences probantes. Elles sont insuffisamment connues mais elles se développent. Aujourd'hui, de nombreux partenaires de la région sont impliqués dans ce sens. Le CHCC en atteste sur le plan de la réhabilitation sociale.

En 2016, quatre projets sont soutenus par l'ARS-ALPC :➢ L'installation locale d'au moins un CLSM par département. Le but est de promouvoir la santé mentale en luttant contre la stigmatisation des pathologies psychiatriques, en prenant compte de l'usager - expert ayant un savoir en prévention en soin en accompagnement et en mobilisant toutes les ressources locales.➢ La structuration d'une offre de soins dédiée à la réhabilitation psychosociale avec l'appui du Centre Expert et du Professeur Nicolas Franck (présentation faite en Juin à Bordeaux).➢ La Fédération Ariathym dédiée au parcours de soins des personnes atteintes d'un trouble de l'humeur résistant aux traitements de 1ère et 2ème intentions.➢ Le développement de la prise en charge individualisée et bientraitante pour soutenir les patients souffrants de troubles psychiatriques persistants dans la construction de

leur projet de vie.

Ce colloque, en nous faisont partager les connaissances scientifiques et techniques des intervenants

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servira à chacun, ARS comprise, à se positionner, et à agir au service des malades. Je félicite l'UNAFAM16, à l'origine de ce cycle de congrès, qui nous invite ainsi à changer notre regard sur ces maladies.

Monsieur Xavier Bonnefont : Maire d'Angoulême

Je suis heureux avec Madame Lagrange, adjointe au maire et chargée de la santé et du handicap, d'accueillir à Angoulême les personnalités de la santé ici présentes. Dans ce colloque, les maladies psychiques vont être abordées sous leurs différentes formes en détaillant les thérapies et en illustrant leur accompagnement dans l'organisation charentaise des soins.

Nous sommes heureux de compter en Charente de nombreux professionnels et plusieurs structures capables d'accueillir des personnes en situation de maladie psychique dont le CHCC, de garantir aux malades psychiques l'exercice de la solidarité pour lutter contre l'exclusion et de

rendre possible leur parcours de soins. C'est notre rôle d'élu.

Pour cela, nous devons être :➢ Facilitateur au travers du CLS (L'UNAFAM en fait partie dans une action de soutien aux familles ayant un proche malade psychique)➢ Prendre en compte le malade, sa cellule familiale et son environnement,➢ Permettre l'accès aux soins des malades➢ Améliorer l'insertion par l'activité professionnelle.

La ville reste en alerte et joue un rôle d'interface dans les multiples accueils et lieux d'écoute. Par ses dispositifs elle met en relation les malades et leur entourage avec les interlocuteurs pertinents : Le CH d'Angoulême, le CHCC, le CCAS, le réseau d'écoute à la parentalité, le centre de loisir : « Enfant-soleil » et les associations comme l'UNAFAM.

Au sein de son CLS, Angoulême va créer un CLSM. Nous ne doutons pas de l'investissement des acteurs locaux essentiel à son investissement.

MODERATEUR

Monsieur Michel Hamon : Directeur de Recherche à l'INSERMProfesseur à l'université Pierre et Marie Curie, Président du Comité Scientifique

à l'UNAFAM

« Focus sur la recherche en Psychiatrie »

En France (comme dans toute l'Union Européenne), une personne sur quatre souffrira de troubles psychiques à un moment donné de sa vie. La charge sociétale de ces affections est énorme puisque

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le coût estimé dépasse les 100 milliards d'Euros, soit 5% du PIB de notre pays. Et pourtant, les 2 millions de nos concitoyens qui souffrent de troubles sévères se sont pas tous traités comme il convient., loin s'en faut, et leur qualité de vie en pâtit grandement. Pour s'en convaincre, il suffit de rappeler que le diagnostic de ces troubles n'est, le plus souvent établi que plusieurs années après leur apparition, ce qui entraîne des prises en charge souvent inappropriées. De plus, les personnes malades et/ou handicapées psychiques meurent souvent prématurément du fait de suicide, de comorbidités somatiques négligées ou considérées comme secondaires par les professionnels de santé.... De gros efforts de recherche doivent donc être faits pour réduire ces inégalités et améliorer les conditions de vie des personnes en situation de handicap psychique.

I - Les premières recherches, à l’origine des médicaments psychotropes

La recherche biomédicale en psychiatrie a véritablement commencé avec la découverte fortuite des effets psychotropes de diverses molécules, d'abord dans la famille des anti-histaminiques. C'est ainsi que, dans les années 1950, ont été développées les grandes classes des premiers médicaments psychotropes qui restent encore aujourd'hui des outils majeurs pour stabiliser les patients. Je veux parler des antidépresseurs tricycliques, des anxiolytiques, des antipsychotiques dont le premier d'entre eux, la chlorpromazine (le fameux Largactyl®, pour « large action »). Depuis, des améliorations notables ont été apportées de telle sorte qu'on dispose aujourd'hui de molécules actives présentant beaucoup moins d'effets secondaires, et/ou permettant une meilleure observance, comme c'est le cas avec les antipsychotiques « atypiques » sous forme « retard », c’est-à-dire à action prolongée (par ex. une seule prise toutes les deux semaines).

L'étude des effets cérébraux de ces médicaments, notamment chez l'animal de laboratoire, a permis de montrer qu'ils agissent sur les neuromédiateurs en charge de la communication dans les circuits de neurones, au niveau des synapses. Ainsi, le GABA, le neuromédiateur des synapses inhibitrices, est un acteur clé dans les effets des anxiolytiques. A contrario, le principal neuromédiateur excitateur au niveau des synapses, le glutamate, joue un rôle déterminant pour les fonctions cognitives, de concert avec l'acétylcholine. Pour leur part, les monoamines, à savoir la sérotonine, la dopamine, la noradrénaline, sont impliquées dans les effets psychotropes des antidépresseurs et des antipsychotiques.

Mais, en réalité, ces molécules ne font au mieux que réduire l'expression symptomatique des maladies psychiques. Elle ne sont prescrites qu'une fois les troubles déclarés, et ne guérissent pas puisqu'elles ne ciblent pas les causes des maladies. Il en est de même pour les nouvelles stratégies thérapeutiques, encore expérimentales mais en plein développement aujourd’hui, qui font appel à la stimulation cérébrale transcrânienne par l’application extra-crânienne, non invasive, d’un champ magnétique ou électrique. Un challenge important est donc de rechercher les dysfonctionnements du système nerveux central qui sont véritablement responsables des maladies psychiques, avec l'idée que leur détection la plus précoce possible, bien avant le premier épisode patent de psychose par exemple, devrait permettre d'intervenir efficacement pour les prévenir et/ou les guérir. Ainsi, dès les premiers signes, mêmes mineurs, d'anomalies comportementales, affectives, cognitives, qui pourraient suggérer un risque de développer une pathologie psychique, le suivi de biomarqueurs pertinents et validés pourrait-il contribuer à mettre en oeuvre le plus précocément possible une stratégie thérapeutique efficace pour s'opposer à la transition vers cette pathologie (30% des sujets ayant eu un premier épisode psychotique basculent dans la schizophrénie). L'identification de tels

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biomarqueurs est donc majeure. Actuellement, c'est un objectif prioritaire des recherches en vue d'améliorer la prévention et le traitement des pathologies psychiques. II - Un objectif majeur : l’identification de biomarqueurs pré-symptomatiques des maladies psychiques

Pour illustrer l'intérêt de biomarqueurs pour le diagnostic et la mise en œuvre du traitement le plus approprié, on peut prendre l'exemple du diabète (de type 2) ou encore celui de l'hypertension artérielle en cause dans les accidents cardio- et cérébro-vasculaires. Ainsi le dosage du glucose sanguin ou la mesure de la pression artérielle suffit pour démarrer des traitements efficaces en vue de prévenir le risque de neuropathies diabétiques ou un AVC. Malheureusement, pour les troubles psychiques, c'est beaucoup plus compliqué, il n'existe pas de biomarqueur de ce type. Les recherches actuelles visent donc à tenter d’en identifier par la mise en œuvre d’approches multiples, qui font appel à des dosages sanguins, à la génétique, à la neuroimagerie... avec l'espoir qu'une combinaison de tels examens permettra de repérer très précocement des profils types de telle ou telle pathologie, et d’initier le plus tôt possible (sans les retards de plusieurs années comme c’est le cas aujourd’hui) des prises en charge préventives/curatives appropriées.

Grâce au développement tout à fait considérable des recherches en neurosciences au cours des 30 dernières années, les investigations visant à identifier ces biomarqueurs peuvent recourir à des techniques sophistiquées très performantes.

Ainsi, la neuroimagerie, avec ses diverses composantes : résonance magnétique anatomique (IRM) ou fonctionnelle (IRMf), tenseur de diffusion, tomographie d’émission de positons (TEP), magnéto-encéphalographie (MEG), électro-encéphalographie (EEG), a permis de révéler des anomalies anatomiques et/ou fonctionnelles chez des patients schizophrènes, bipolaires, dépressifs. Y compris chez certains adolescents « à risque », laissant à penser que la présence de telle ou telle de ces anomalies pourrait constituer l’un des éléments biomarqueurs permettant d’anticiper le diagnostic.

La génétique aussi a été, et est toujours, très sollicitée pour tenter de repérer les sujets « à risque ». De fait, il est aujourd’hui clairement démontré que les schizophrénies et les troubles bipolaires en particulier ont des bases génétiques. La recherche systématique de spécificités géniques (polymorphismes de nucléotides ou SNP) par le séquençage du génome entier dans des études de type GWAS (Gene Wide Association Studies) a montré qu’une centaine de gènes répartis sur pratiquement tous les chromosomes pouvaient être impliqués, mais à des degrés divers. Cependant, même dans le « meilleur » des cas, la présence d’un polymorphisme donné ne concerne qu’une faible proportion de sujets « à risque », en accord avec l’idée qu’il existe non pas une schizophrénie mais plusieurs sous-types de cette pathologie psychique. Parmi les gènes ainsi repérés, on peut citer ceux qui codent la neuréguline 1, la dysbindine, en l’occurrence des protéines impliquées dans le fonctionnement des synapses « à GABA » ou « à glutamate » ou encore dans les capacités d’adaptation (plasticité) des synapses…

Donc, aujourd’hui, la neuroimagerie et la génétique ne sont pas suffisantes, loin s’en faut, pour véritablement repérer les sujets « à risque ». Il nous faut envisager d’autres approches complémentaires possibles, en particulier l’épigénétique et les dosages de métabolites circulants.

L’épigénétique est l’étude des mécanismes de régulation de l’expression des gènes ou comment des facteurs multiples, notamment dans l’environnement au cours des différentes phases de la construction du cerveau (jusqu’à 20-22 ans pour les zones les plus frontales) peuvent influer sur leur capacité à générer les protéines qui vont constituer les matériaux cellulaires et assurer le

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fonctionnement des neurones dans les circuits cérébraux. En particulier, des événements de vie délétères (infections, malnutrition, maltraitance, agressions de nature diverse…) peuvent entrainer des perturbations dans la transcription des gènes en ARN messagers et/ou la traduction de ceux-ci en protéines, de telle sorte que lorsque ces perturbations surviennent à une étape clé de la construction du cerveau, il pourra en résulter des défauts de construction à l’origine de désordres dans le fonctionnement cérébral avec un retentissement définitif sur les traits tempéramentaux, les capacités affectives et cognitives.

Ces effets de l’environnement « au sens large » sur l’expression des gènes impliquent d’une part des modifications biochimiques (réalisées par des enzymes, comme des méthylases, des kinases…) au niveau même de l’ADN qui les constituent et/ou de certaines protéines qui y sont associées, les histones, et d’autre part des produits de la transcription de séquences non-codantes d’ADN (c’est-à-dire qui n’aboutit pas à la synthèse de protéines, en réalité 98% de l’ADN des chromosomes), les micro-ARN (séquences d’une vingtaine de nucléotides). Aussi bien ces modifications biochimiques que les micro-ARN influent sur les mécanismes cellulaires de production de protéines à partir des gènes, et donc lors de la construction du cerveau, sur la mise en place des réseaux neuronaux qui sous-tendent les capacités affectives et cognitives. Plus de 2000 micro-ARN ont déjà été identifiés dans le cerveau, et plusieurs d’entre eux se retrouvent dans la circulation sanguine. Leur dosage a révélé des variations des taux sanguins de certains micro-ARN chez des patients souffrant de dépression sévère, de troubles bipolaires, de schizophrénies. Par ailleurs, des études récentes ont mis en évidence des modifications biochimiques (méthylation) de l’ADN génomique de cellules sanguines qui pourraient être corrélées au risque de conversion psychotique chez des jeunes sujets « à risque ». Ainsi, des modifications épigénétiques pourraient aussi constituer des biomarqueurs de ces désordres psychiques, pour leur repérage présymptomatique, en complément des données génétiques et de neuroimagerie.

Enfin, toujours au niveau sanguin, beaucoup d’équipes recherchent une éventuelle « signature biologique » des maladies psychiques par des dosages de métabolites, d’hormones, de facteurs trophiques, etc. Dans ce domaine aussi des résultats prometteurs, mais compliqués, ont été rapportés. Ainsi, la détermination des concentrations sanguines de 26 composés distincts pourrait permettre, selon certains auteurs, de pronostiquer le risque de conversion schizophrénique chez des adolescents ou jeunes adultes ayant présenté des difficultés comportementales. Pour les troubles bipolaires, la « fiche signalétique » nécessiterait le dosage de 20 composés sanguins distincts. Ces données, en comparaison du seul dosage sanguin du glucose pour le diabète, illustrent la complexité du problème en matière de repérage présymptomatique des maladies psychiques par le suivi de biomarqueurs.

Néanmoins, de nombreuses équipes de par leur monde travaillent dans ce domaine, et on peut espérer que l’utilisation combinée de la neuroimagerie, la génétique, l’épigénétique, des dosages sanguins permettra d’établir un diagnostic présymptomatique de ces maladies, pour une meilleure prise en charge clinique, le plus tôt possible et avec un maximum de chance de succès thérapeutique. III - Les nouvelles pistes pour une meilleure thérapeutique préventive et/ou curative

D’ores et déjà, la recherche de ces biomarqueurs a abouti à des découvertes majeures concernant les mécanismes en cause dans les dysfonctionnements cérébraux associés aux pathologies psychiques. En particulier, les dosages sanguins ont révélé des taux anormalement élevés de protéines sécrétées par les cellules du système immunitaire lors d’une inflammation : les cytokines, laissant à penser

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que les maladies psychiques, au moins certaines formes de schizophrénies et de dépression sévère, pourraient être associées à des processus inflammatoires. Cette hypothèse a généré de très nombreux travaux, notamment en neuroimagerie par tomographie de positons, qui, de fait, ont montré une activation de la microglie, typique d’une réaction inflammatoire, dans diverses structures cérébrales aussi bien chez des patients schizophrènes que chez des sujets, pré-symptomatiques, mais à risque élevée de psychose. De plus, en relation avec les nombreuses études montrant l’importance du statut intestinal dans la présence ou non de marqueurs de l’inflammation au niveau sanguin, des caractéristiques particulières de la flore intestinale - qu’on appelle désormais le microbiote intestinal - ont été mises en évidence chez certains patients souffrant de désordres psychiques. Ces observations conduisent aujourd’hui à envisager d’associer des anti-inflammatoires (comme adjuvants) aux psychotropes pour en accroître l’efficacité thérapeutique. Ou encore, plutôt que de co-prescrire des médicaments anti-inflammatoires (aux effets secondaires parfois non négligeables), préconiser l’apport alimentaire de bactéries : les probiotiques (par ex. des lactobacilles), ou de nutriments ayant certaines propriétés anti-inflammatoires et anti-oxydantes : les prébiotiques (par ex. les acides gras poly-insaturés, les fameux oméga-3), pour modifier la composition du microbiote et réduire son potentiel inflammatoire. D’ores et déjà, les études de modèles animaux ont montré l’efficacité de ces probiotiques et prébiotiques pour réduire, voire supprimer complètement, non seulement l’état inflammatoire mais aussi les déficits dans les interactions sociales et les performances cognitives induits par l’exposition à des situations fortement stressantes.

En réalité, ces recherches nous rappellent que le cerveau n’est pas – bien sûr - un organe isolé, mais qu’il intéragit, en l’occurrence avec l’intestin, et tous les organes et systèmes dits périphériques. Au delà de l’impact des actions au niveau intestinal (sur la composition du microbiote), des activités « périphériques » comme l’exercice physique sont également bien connues pour avoir des effets bénéfiques, et même thérapeutiques, sur la santé psychique, l’humeur, les capacités affectives et cognitives. On redécouvre aujourd’hui le « vieil » adage : « Bien dans son corps, bien dans sa tête, et réciproquement », avec de nouvelles perspectives pour la clinique, à savoir, enfin, l’examen complet du patient, psychique et biologique, dans le cabinet du psychiatre, et le traitement simultané des affections psychiques et physiologiques, centrales et périphériques. IV - La place de l’UNAFAM dans le monde de la recherche en santé mentale

Pour conclure, permettez-moi de rappeler combien l’UNAFAM s’implique dans des actions de soutien à la recherche en matière de santé psychique. Elle est partenaire à part entière de la Fédération pour la Recherche sur le Cerveau et, à ce titre, subventionne cette année une équipe travaillant sur l’étiopathogénie (cad sur les causes) des désordres psychiques. Dotée d’un comité scientifique pluridisciplinaire, où sont représentées à parts égales les sciences bio-médicales et les sciences humaines et sociales, l’UNAFAM attribue un prix de recherche à un jeune docteur particulièrement méritant dans chacun de ces domaines. Enfin, l’UNAFAM joue pleinement son rôle de veille scientifique avec sa revue « Un autre regard » et l'organisation cette année de deux colloques destinés à faire le point des recherches en France et dans le monde, le 23 juin et le 9 décembre, à Paris.

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I – L'ACCOMPAGNEMENT dans les TROUBLES BIPOLAIRES et SCHIZOPHRENIQUES : leurs descriptions et leurs traitements

médicamenteux

Madame Diane Levy Chavagnat : Psychiatre, Chef de Pôle, Responsable de l'Unité ECT et du Registre ECT de la Fédération Ariathym à l'Hôpital Henri

Laborit à Poitiers

« Les troubles bipolaires : Description clinique, manifestations de la maladie, le traitement des accès dépressifs et maniaques et les effets des thymorégulateurs »

Dans cette intervention, les troubles bipolaires sont abordés sous l'angle :➢ de la description clinique des troubles, ➢ des comorbidités psychiques et somatiques qu'ils entrainent, ➢ du concept de bipolarité, ➢ de la Thérapeutique.

I – Description clinique des troubles

Une personne bipolaire parle de sa maladie comme étant une succesion de hauts et de bas.

Le spectre bipolaire est une terminologie qui présente l'intérêt de situer la pathologie dans l'ensemble des troubles psychiatriques : Schizophrénies, bipolarité type 1, type 2, type 3, cyclothymie, hyperthymie, unipolarité, troubles du tempérament et de la personnalité. Les différents types de troubles de l'humeur vont de l'épisode dépressif majeur, en passant par les symptômes dépressifs, l'hypomanie, jusqu' à l'état maniaque. Selon le type de troubles, la variation de l'humeur

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est plus ou moins importante.

En ce qui concerne les diagnostics :➢ Le trouble bipolaire type 1, demande la présence d'au moins un épisode maniaque. ➢ Le trouble bipolaire type 2, demande la présence d'un épisode dépressif majeur associé à un épisode hypomaniaque supérieur ou égal à 4 jours. ➢ Le trouble bipolaire non spécifié, demande la présence d'un épisode dépressif majeur associé à un épisode maniaque ou hypomaniaque qui pourrait avoir été induit par une substance soit toxique soit médicamenteuse.

Selon le DSM4, l'hypomanie est définie face à l'existence :➢ D'un épisode d'au moins 4 jours,➢ D'au moins 3 des symptômes suivants, d'intensité significative :

- l'augmentation de l'activité orientée vers un but social, professionnel, sexuel, scolaire,- l'augmentation de l'estime de soi,- l'augmentation de la communicabilité,- la diminution du besoin de sommeil,- la fuite des idées- la distractibilité,- l'engagement dans des activités agréables mais à risques élevés de

conséquences dommageables. ➢ L'hypomanie ne présente pas de signes de sévérité tels que des éléments psychotiques (délires, hallucinations), et pas d'hospitalisation,➢ Des changements sont observés par l'entourage➢ Les symptômes ne sont pas dûs aux effets d'une substance ou d'une affection.

Selon le DSM4, l'épisode dépressif majeur est défini face à l'existence :➢ D'un épisode dépressif d'une durée de plus de 2 semaines,➢ D'au moins 5 symptômes suivants :

- humeur dépressive - perte d'intérêt ou de plaisir, - insomnie (90%) ou hypersomnie (10 à 15%), - perte ou gain de poids supérieur à 5% par mois, - agitation ou ralentissement psychomoteur - fatigabilité ou perte d'énergie, - sentiment de dévalorisation ou de culpabilité, - difficulté de concentration, - idées suicidaires.

Les aspects épidémiologiques de ces troubles concernent la prévalence et le diagnostic .

La prévalence des troubles bipolaires de type 1 serait entre 0,4% à 1,6%. Si on cumule les troubles bipolaires de type 1 avec ceux de type 2 la prévalence augmente entre 5 à 7% avec une répartition à peu près égale entre l'homme et la femme. Les personnes atteintes de troubles bipolaires ont une espérance de vie réduite. Les coûts directs liés aux soins pour ces maladies et les coûts indirects par perte de productivité sont élevés.

Dans ces pathologies, les diagnostics sont souvent effectués par excès ou par défaut. Ces erreurs

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pourraient être évitées par l'évaluation systématique des facteurs cliniques qui augmentent la probabilité de l'apparition de la maladie avant même l'application des critères diagnostics DSM.

Des retards fréquents existent dans le diagnostic. Ils sont dûs à un consensus international sur les erreurs et les retards de diagnostic des troubles bipolaires : En effet en Europe et aux Etats-Unis, on constate des erreurs de diagnostic de 30 à 69%. De plus, entre le premier épisode majeur et le diagnostic correct de troubles bipolaires avec prescription d'un thymorégulateur, il s'écoule généralement 8 à 10 ans Ces conséquences sont dommageables pour le patient mais aussi de façon socio-économique.

Autre raison de ce retard : Au stade initial, la présentation clinique des troubles bipolaires est assez atypique. Au début de la maladie, souvent cette présentation clinique ne correspond à aucune des catégories. Ceci est d'autant plus probant quand l'âge de l'apparition des troubles est précoce (40 à 60% pour les moins de 20 ans et 10 à 20% pour les moins de 12 ans).

Toujours pour justifier le retard de diagnostic, la présentation sémiologique est variée dans ces troubles. 25% des patients diagnostiqués comme unipolaire développent dans les 9 ans à venir une phase hypomaniaque. Il peut arriver aussi que la phase maniaque fasse penser à un diagnostic différentiel avec la schizophrénie par la présence fréquente et simultanée de symptômes psychotiques. Des confusions ou concomitances peuvent exister également avec des troubles de la personnalité : état limite. Enfin dans 30% des cas s'ajoutent des comorbidités addictives. A cela précisons, qu'en phase maniaque, les patients ne sont pas demandeurs de soins.

II – Comorbidités psychiques et somatiques

Les comorbidités psychiatriques sont fréquentes dans les troubles bipolaires (69%) . Elles sont dûes à des conduites suicidaires, à l'abus de substances, à des troubles anxieux et des troubles du comportement alimentaire.

Les conduites suicidaires dans les épisodes dépressifs majeurs sont la principale cause de suicide. En effet, une étude norvégienne montre que les facteurs à risque associés aux tentatives de suicide chez les patients bipolaires sont :

➢ La polarité dépressive prédominante,➢ La comorbidité avec abus d'alcool ou autres substances,➢ Des épisodes affectifs induits par les antidépresseurs et l'alcool.

Par contre, les facteurs de protection sont les épisodes maniaques ou psychotiques prédominants, et un taux élévé d'hormones thyroïdiennes.

Par rapport à l'abus de substances, une étude récente démontre le risque de diagnostic par excès de bipolarité chez les alcoolodépendants.

Dans les troubles anxieux, les comorbidités fréquentes entre troubles anxieux et bipolarité seraient dues à des facteurs familiaux.

Enfin, les troubles du comportement alimentaire concernent 10 à 20% des patients bipolaires.

A côté des comorbidités psychiatriques, les troubles polaires présentent souvent des comorbidités somatiques : Dans cette affection chronique les aspects bio-psycho-sociaux s'expriment de façon continue. Si la santé physique reste encore trop souvent ignorée dans les troubles bipolaires, son

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altération contribue pourtant à la cause de ces troubles.

Parmi les affections somatiques, les pathologies métaboliques et cardiovasculaires constituent des affections centrales sur le plan physiopathologique. Ces physiopathologies représentent un lourd fardeau dans les troubles bipolaires diminuant la durée de vie de ces patients de 25 à 30 ans. A leur origine on évoque de plus en plus une hypothèse inflammatoire. En effet, l'adaptation à un stress généré par des troubles affectifs met en jeu différents mécanismes aboutissant à un état de sub-inflammation chronique. L'inflammation et le stress oxydatif pourraient rendre compte de la co-concurrence de ces pathologies et de leur impact sur le vieillissement de l'organisme.

Si on en revient aux comorbidités cardio-métaboliques, les données épigénétiques sont :➢ Le traumatisme, la maltraitance et les troubles bipolaires,➢ Les marqueurs génétiques du veillissement cellulaire sous l'influence du stress précoces,➢ Les modifications sous l'effet de l'environnement de la structure de l'ADN entrainant des modifications de l'expression des gènes.

On peut donc soutenir l'hypothèse de mécanismes fondamentaux partagés dans l'émergence des troubles de l'humeur et des pathologies métaboliques chez la personne soumise à un stress précoce.

III – Le concept de polarité

La notion de polarité prédominante introduit la constitution de sous-groupes de patients en fonction de leur polarité prédominante, ce qui permet d'envisager une lecture évolutive du trouble et d'adapter la prise en charge.

La polarité prédominante est une polarité dépressive quand 2/3 des épisodes présentés par un patient remplissent les critères d'épisode dépressif majeur. On parle de polarité maniaque chez un patient pour une proportion similaire d'épisodes maniaques ou hypomaniaques. En ce qui concerne les états mixtes, les études les incluent dans des formes à polarité maniaque.

La polarité dominante semble stable au cours de l'évolution de la maladie, c'est à dire les patients ayant débuté leur maladie par un épisode dépressif présenteront plus fréquemment des récurrences dépressives (et inversement pour la polarité dominante maniaque). La polarité dépressive dominante est associée à des conduites suicidaires et à l'usage d'alccol. La polarité maniaque est associée à un âge précoce de début de la maladie et à une première hospitalisation précoce.

Dans les troubles de l'humeur, l'âge de début de la maladie est plus précoce chez les patients bipolaires que chez les patients unipolaires. Les troubles bipolaires ont un taux de récurrence plus élevé que dans les troubles unipolaires. Les hommes présentent plus fréquemment des troubles bipolaires que des dépressions unipolaires. Enfin les troubles bipolaires à prédominance dépressive seraient plus fréquents chez les femmes. La polarité du premier épisode pourrait être un trait familial en particulier pour la polarité maniaque.

Les accès aigus nécessitent généralement une hospitalisation souvent sous contrainte, 20% présentant des risques suicidaires. Le traitement qui en suivra cherchera à prévenir la récurrence des accès.

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IV- La thérapeutique

Elle offre une palette de soins :➢ La chimiothérapie avec les thymorégulateurs ( lithuim ), les anticonvulsivants,

les antipsychotiques atypiques. Les antidépresseurs ne sont jamais prescrits seuls. ➢ La psychothérapie, les Thérapies Comportementales et Cognitves (TCC), l'Education Thérapeutique du Patient (ETP),➢ Le rôle important des associations de patients et de proches (ARGOS 2001).

V - Conclusion

Les troubles bipolaires font l'objet de recherches scientifiques qui vont dans le sens d'une affectation plus globale que les seuls aspects psychiatriques. Ces troubles ont encore dans la société et le monde du travail une dimension stigmatisante pour les personnes qui en souffrent. Les associations d'usagers de proches participent à l'évolution du regard porté sur ces maladies.

Monsieur David Misdrahi : Psychiatre, Coordinateur du Centre-Expert Schizophrénie de l'Hôpital Charles Perrens à Bordeaux

« Schizophrénies et parcours de soins : L'exemple des Centres Experts »

Cet exposé comporte deux parties : ➢ La première s'attache aux différents aspects de la schizophrénie,➢ La seconde aborde l'activité des Centres-Experts.

I – Les différents aspects de la schizophrénies

Les aspects généraux :➢ La schizophrénie est une affection fréquente qui touche 1% de la population, ce qui représente environ 600 000 patients en France,➢ C'est une maladie qui débute en fin d'adolescence ou chez le jeune adulte (15-25 ans)

plutôt avant 20 ans chez les hommes et après 20 ans chez les femmes,➢ Les formes d'apparition sont variées, avec un début brutal dans 50% des cas (délires ou hallucinations). Dans les autres cas, il s'agit plutôt d'une forme d'apparition progressive insidieuse qui rend le diagnostic plus difficile.➢ C'est une maladie qui présente une évolution chronique. Dans 50% des cas, une résolution partielle est possible avec une stabilité vers un état fonctionnel « disadaptatif ». Dans 20 à 25% des cas une détérioration progressive s'opère

présentant une dégradation sociale et psychique profonde. 20 à 25% des patients réussissent à se ré-intégrer dans la société. 80% des sujets ne peuvent pas exercer une activité professionnelle.

➢ Les facteurs étiologiques des différentes formes de la schizophrénie sont divers. Il n'y a pas d'étiologie unique définie à ce jour.

Un diagnostic clinique :On repère 3 grands types syndromiques :

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➢ Les schizophrénies à symptômes positifs avec délires, hallucinations, excitation,➢ Les schizophrénies présentant une désorganisation avec un relachement dans les processus de pensées et des difficultés cognitives (attention, planification des tâches)➢ Les schizophrénies à symptômes négatifs avec un retentissement fonctionnel majeur (isolement social, apathie, alogie, incurie). C'est la forme la plus invalidante.

Une maladie complexe :➢ Aux symptômes classiques peuvent s'associer d'autres symptômes tels que la dépression, l'anxiété, des troubles du sommeil, des troubles bipolaires ( troubles

schizo- affectif ), un état de stress lié à un trauma ancien, des symptômes obsessionnels,➢ Les schizophrénies présentent des aspects spécifiques qui rendent le soin difficile : Ce sont les questions liées à l'insight ( conscience de la maladie ), à l'observance du traitement, et ce sont les formes résistantes. ➢

Les principes du traitement : Il constitue un trépied multidisciplinaire indispensable :➢ Un traitement médicamenteux avec des antipsychotiques,➢ Un traitement comprenant un volet socio-thérapeutique,➢ Un traitement psychothérapeutique.

Des facteurs de pronostics : La réduction d'espérance de vie chez les patients schizophrènes est de 20 ans par rapport à la population générale. Ils décèdent non pas seulement de leur maladie psychique mais aussi de leur maladie somatique. Ceci est dû à :

➢ Un très fort risque de décès par suicide (40 à 50% des patients font une tentative de suicide dans leur vie et 7 à 10% meurent par suicide),➢ Un défaut d'accès aux soins,➢ Des styles de vie avec un manque d'activité physique amenant des risques cardiovasculaires➢ Une prise de poids entrainant des syndromes métaboliques comme le diabète.

Les addictions : A côté des addictions par drogues ou alcool, la consommation de tabac est très fréquente avec une prévalence autour de 50%. Une prise en charge sur ce sujet doit être réfléchie pour réduire les risques, notamment de cancer.

II – Les missions de la Fondation FondaMental

Elles sont de trois ordres:➢ Une mission de soin avec la plateforme des Centres-Experts,➢ Une mission d'information et de communication sur les maladies ce qui permet de déstigmatiser,➢ Une mission pour accélérer la recherche, car en France, seulement 2% de la recherche en santé est consacrée aux troubles psychiatriques, contre 7% aux Etats Unis et 16% en Angleterre.

Le réseau des Centres-Experts Schizophrénie :➢ Les Centres Experts font le constat d'un retard de diagnostic en moyenne de 2 ans, avec le fait qu'il est difficile de faire un bilan complet dans le cadre de la médecine quotidienne privée ou publique.

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➢ Les objectifs sont alors de développer des projets de soins personnalisés, d'améliorer les liens entre les soins de la médecine générale et les soins de la médecine spécialisée, de mettre à disposition des patients des techniques innovantes de soin.

Les Centres-Experts articulent les soins et la recherche .

L'adressage des patients se fait par l'intermédiaire des généralistes ou des psychiatres. Le bilan pour un diagnostic personnalisé est une photographie la plus fine possible de la situation clinique du patient. Il recouvre les aspects psychiatrique, somatique, cognitif et social de la pathologie. Il demande 2 jours d'examens en Hôpital de Jour. Un mois plus tard, le patient est reçu avec son entourage, s'il le souhaite, pour lui donner le compte rendu détaillé du bilan qui ensuite est adressé aux différents partenaires du soin du patient. Une réévaluation, sur une journée se fait un an plus tard, puis 3 ans après pour déterminer l'amélioration du patient..

Le Centre-Expert est une plateforme régionale qui développe des prises en charge innovantes, celles-ci sont évaluées puis peuvent être divulguées sur le plan régional.

Les demandes sont faites par les patients et leurs familles et par les médecins .

Les patients et leurs familles demandent généralement la confirmation du diagnostic, les conduites à tenir devant les effets secondaires du traitement (prise de poids, sédation...) et devant les difficultés de fonctionnement interpersonnel, familial ou professionnel.

Les médecins demandent un bilan cognitif, un avis sur le diagnostic et sur la thérapeutique, une évaluation et des avis sur les comorbidités somatiques et psychiatriques.

Focus sur le réseau de Centres Experts FondaMental pour la schizophrénie :➢ Le maillage sur la France regroupe 10 Centres-Experts : 3 en région parisienne, 1 à Strasbourg, à Lyon, à Grenoble, à Clermont-Ferrand, à Marseille, à Montpellier, et à Bordeaux. ➢ La plateforme n'a obtenu un financement que pour 5 d'entre eux : les 3 de la région parisienne, celui de Marseille et de Strasbourg.

L'adressage pour le Centre-Expert de Bordeaux :➢ L'adressage est fait par 53% de Psychiatres Hospitaliers, 26% de Généralistes, 21% de Psychiatres Libéraux.➢ La sollicitation pour consulter le Centre-Expert de Bordeaux est très large : le grand Sud-Ouest et sa proximité.

Les Centres-Experts Schizophrénies sont des plateformes de recherche .

Il s'agit du projet Psy-Coh élaboré à partir d'une cohorte de patiens observable sur 5 ans. La base de données issue des dossiers médicaux de ces patients et de la constitution d'une biobanque permettent d'étudier les aspects génétiques et inflammatoires des schizophrénies.

Le Centre-Expert de Clermont-Ferrand travaille sur les problèmes physiques repérés dans la schizophrénie (obésité, diabète) pour mettre en place des traitements adaptés.

A Montpellier, des groupes de 4 à 6 personnes de remédiation cognitive permettent d'améliorer les performances cognitives, le fonctionnement et l'autonomie des patients.

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Le Centre-Expert de Bordeaux développe une recherche autour de l'observance thérapeutique par l'utilisation de smartphone rappelant les rendez-vous et autour de la recherche de diminution des risques de rechute par le biais d'un programme psychoéducatif destiné aux aidants.

Monsieur Amine Benyamina : Professeur de Psychiatrie, Service d'Addictologie

de l'Hôpital Paul Brousse à Villejuif

« Les addictions et les comorbidités dans les troubles psychiatriques : le tabac, le cannabis, l'alcool : leurs incidences sur les troubles, leurs traitements ? »

La présence comorbide d'un ou plusieurs troubles psychiatriques avec une ou plusieurs addictions chez un patient entraînent l'apparition de nombreux processus synergiques entre les deux pathologies qui amènent une modification des symptômes, une diminution de l'efficience des traitements ainsi que l'aggravation et la chronicisation de leur évolution.

De nombreuses enquêtes américaines démontrent :➢ L'association fréquente entre les troubles psychiatriques et les conduites alcooliques - 38% des patients ont une addiction associée à un trouble mental comorbide, - 44% des hommes alcooliques et 65% des femmes présentent au moins un trouble psychiatrique.➢ Cette comobidité pose la question du caractère primaire ou secondaire des deux troubles.

L'étude menée par le National Institute of Alcohol Abuse and Alcoholism, la plus grande enquète épidémiologique de comorbidité menée à ce jour, a pour objectif de mesurer la prévalence et la comorbidité des troubles liés à l'utilisation essentiellement d'alcool avec un certain nombre de troubles psychiatriques (notamment les troubles de l'humeur).

Les résultats démontrent que :➢ Les troubles mentaux et les troubles liés à l'utilisation de l'alcool représentent un fardeau important sur le plan de la santé publique,➢ Les troubles mentaux qui coûtent chers, ne cesseront d'augmenter dans les années à venir➢ De nombreux patients ne sont pas pris en charge par rapport à leur maladie.

Les comorbidités sont pourtant un cercle infernal. Les précurseurs psychologiques non pathologiques tels que l'hyper-activité facilitent la rencontre, l'usage et l'escalade dans les substances, qui à leur tour vont aggraver les troubles psychiatriques. La prise en charge doit donc être globale, intégrative associant le soin des addictions et des troubles psychiatriques.

I – L'Alcool

Les troubles bipolaires liés à l'usage de l'alcool sont associés à un fort risque de rechute dépressive chez les patients bipolaires de type1.

Les conséquences de l'usage de l'alcool sont :➢ La troisième cause de décès aux Etats-Unis,

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➢ Les violences domestiques,➢ Le syndrome d'alcoolisme foetal,➢ Les problèmes judiciaires➢ Le coût élevé de santé publique,➢ La perte de productivité et la perturbation du fonctionnement,➢ Les troubles neuropsychologiques,➢ Les comorbidités psychiatriques.

II – Les opiacés

Aux Etats-Unis, la consommation d'opiacés est liée à :➢ La demande grandissante de prise en charge de la douleur,➢ L'augmentation des prescriptions et des ventes.

Cependant l'efficacité des opiacés dans les douleurs chroniques hors cancer fait débat car 10% des patients ne sont pas soulagés, 22% arrêtent leur traitement à cause des effets secondaires et seulement 48% ont véritablement des douleurs.

Toujours au travers des études, plusieurs facteurs de risque d'abus d'opiacés se distinguent :➢ L'handicap lié à la douleur et le chômage,➢ Les troubles somatiques,➢ Les antécédents personnels et familiaux de troubles liés aux substances,➢ Le stress, l'anxiété.

III – Le tabac

En ce qui concerne le tabac en France :➢ Environ 16 millions de personnes fument soit un tiers des personnes entre 15 à 85 ans. 36% sont des hommes contre 28% de femmes.➢ On dénombre 73000 décès prématurés par an en France,➢ La moitié des victimes du tabac meurent jeunes entre 35 et 69 ans,➢ 90% des cancers du poumon sont attribués au tabagisme .

Les études de prévalence démontrent que :➢ Le taux de tabagisme chez les personnes atteintes de maladie mentale est multiplié par 2 à 4 par rapport à la population générale,➢ Le début de l'usage du tabac précède généralement le développement d'un trouble mental, cependant la relation de cause à effet n'est pas prouvée,➢ Fumer à l'adolescence est souvent associé à des troubles paniques, de l'anxiété, à l'agoraphobie, la dépression, les conduites suicidaires, les addictions et la schizophrénie à l'âge adulte

Les patients shizophrènes consomment 2 à 3 fois plus de tabac que la population générale. 70 à 80% d'entre eux fument . Une méta-analyse portant sur 42 études menées dans 20 pays démontre le lien entre schizophrénie et tabagisme.

En ce qui concerne la dépression, il existe une relation de comorbidité entre dépendance tabagique et l'existence d'un trouble dépressif : L'humeur dépressive est l'un des symptômes du syndrome de

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sevrage tabagique, et l'humeur dépressive après arrêt du tabac est associée à une plus grande fréquence de reprise tabagique.

Il existe plusieurs raisons au fait que des personnes dépressives fument :➢ Des influences communes de l'environnement comme des difficultés sociales ou des évènements stressants peuvent en effet déclencher à la fois tabagisme et dépression,➢ La nicotine a des propriétés antidépressives.

Enfin chez les personnes atteintes de troubles mentaux, le tabac correspond à une pré-disposition génétique, atténue le retrait social, provoque du plaisir et permet de contrôler le poids. Psychologiquement, c'est un moyen d'adaptation. Il favorise les interactions sociales, et combat l'ennui. Enfin le tabagisme est absent de tout traitement en psychiatrie.

IV - Le cannabis

Il existe des liens forts entre cannabis et psychose :➢ L'utilisation précoce du cannabis est clairement associée à un risque augmenté de psychose et ceci de façon proportionnelle.➢ Plus le principe actif du canabis ( delta-9 Tétra-Hydro-Cannabinol THC ) augmente, plus le principe antipsychotique diminue, plus le risque de psychose augmente.➢ Le cannabis modifie la régulation de la plasticité synaptique.➢ Le cannabis modifie les processus cognitifs, même sur le cours terme.➢ Les personnes ayant des antécédents familiaux de troubles psychotiques sont plus sensibles aux effets du cannabis.➢ Il existe des interactions entre les traumatismes précoces de l'enfance, l'usage du cannabis et l'augmentation de risque psychotique.

Enfin le suivi de plus d'un millier de personnes pendant 38 ans avec une évaluation neuropsychologique avant l'usage de THC et après usage de THC indique :

➢ Une baisse des scores de QI .➢ La consommation avant 15 ans est associée aux baisses les plus importantes de QI, baisse qui persiste après l'arrêt.

V - Conclusion

Les comorbidités liées à l'utilisation de substances psychoactives sont associées à une diminution de la santé et de la qualité de vie. L'usage de ces substances associées à des psychotropes est un facteur d'aggravation des troubles mentaux. La fréquence de l'association de ces comorbidités pose des questions sur le plan des modifications pathologiques des fonctions de l'organisme. La prise en charge de ces comorbidités se doit d'être globale et intégrative.

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II - L'ACCOMPAGNEMENT de la PERSONNE MALADE dans l'ORGANISATION CHARENTAISE des SOINS

Madame Marie-Josée ROUSSEAU : Psychiatre, Présidente de la CME, Chef de Pôle, Responsable des RCP régionales, Hôpital Camille Claudel d'Angoulême

« L'organisation charentaise des soins et focus sur les apports de la Fédération Ariathym dans la prise en charge des troubles de l'humeur et des troubles bipolaires »

I - L'organisation charentaise des soins

Le parcours du patient, de l'accueil à l'ambulatoire, a conduit à la création d'une nouvelle structure : l'UAOCC (Unité d'Accueil et d'Orientation du Centre Hospitalier Camille Claudel), ceci pour plusieurs raisons qui sont :➢ L'amélioration de la réponse aux situations d'urgence et de crise dans le domaine psychiatrique,➢ L'amélioration de l'accueil global du patient,➢ L'assurance d'une permanence des soins médicaux, infimiers et psychologiques,

➢ La régulation du flux des admissions et la proposition d'alternative aux hospitalisations.

Cette nouvelle structure est à la disposition des usagers du département quel que soit leur âge. Elle peut-être sollicitée par tout professionnel du champ médico-social, judiciaire ou autre...

Elle assure une permanence de 24 heures sur 24 qui est faite par un psychiatre, ou un infirmier et un psychiatre. En journée s'adjoignent un psychologue, une assistante sociale et un somaticien.

L'accueil téléphonique permanent permet à l'usager d'avoir immédiatement une écoute et une évaluation de sa demande, qui lui permet de rencontrer un psychiatre, un psychologue ou une assistante sociale dans les plus brefs délais. S'il s'agit de l'appel d'un professionnel, la prise en compte de sa problématique lui permet d'avoir une information et d'être dirigé vers un psychiatre ou un psychologue ou une assistante sociale.

Les consultations sont réalisées par un psychiatre et un infirmier. Elles peuvent être individuelles, faites en couple ou avec l'entourage du patient.

Ces consultations peuvent donner lieu à un retour chez soi, ou à une orientation sociale, ou à une prise en charge qui peut être ambulatoire (suivi médical, suivi psychologique, suivi avec un infirmier du secteur, ou consultation d'addictologie). Si une hospitalisation est nécessaire, le patient peut être accueilli dans une des unités d'admission ou bien au centre de crise ou bien en clinique privée.

Quelques chiffres : En 2015, la structure a réalisé 3541 accueils et 5487 entretiens pour une file active de 2087 patients. En moyenne, l'accueil s'est soldé par 60% de retours à domicile, 20% de transferts en unités fermées et 20% au centre de crise. Les hospitalisation programmées et les soins psychiatriques sans consentement sont directement accueillis en unités de soins.

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II - La Fédération Ariathym

En 2012 l'ARS souhaite améliorer l'offre de soins sur la prise en charge des troubles bipolaires. Trois groupes sont alors créés :

➢ Une groupe recherche animé par le Professeur Jaafari et le Docteur Dubois,➢ Un groupe de sismothérapie animé par le Docteur Levy Chavagnat➢ Un groupe du parcours du patient animé par le Docteur Rousseau.

Les objectifs sont d'accroître la qualité des soins sur le territoire régional, d'appliquer les recommandations de l'HAS, d'augmenter les coopérations inter-établissements, de développer la recherche clinique, de mettre en place des réunions de concertation pluridisciplinaires (RCP).

La mise en place de cette filière de soins concoure au partage des savoirs et pratiques entre les soignants qui participent à l'accueil du patient, et ceux qui assurent les soins pendant l'hospitalisation, organisent la sortie et le suivi ambulatoire. C'est ainsi que l'évaluation initiale est partagée entre les différentes structures, que le bilan somatique est standardisé. L'évaluation clinique répond à des grilles d'évaluation communes, le risque suicidaire et les comorbidités addictives sont déterminés. L'évaluation psychologique et neuropsychologique est effectuée, les stratégies thérapeutiques sont partagées. Enfin, le parcours du patient intègre selon le cas, ECT, ETP, Réhabilitation Psychosociale.

Les objectifs de la RCP sont l'amélioration de la qualité des soins, l'égalité des chances pour chaque patient, l'étude des cas complexes en ce qui concenre le diagnostic et la prise en charge.

Au delà du soin, la Fédération Ariathym crée un partenariat inter-établissement, conduit au partage des pratiques en recherche infirmière et en recherche médicale, sollicite la Clinique de Saujon pour l'accueil des patients en SPDT, les sismothérapies étant effectuées à l'Hôpital Henri Laborit ou à la Clinique de Saujon. Cette fédération s'est formalisée au travers d'une charte et une traçabilité existe par les fiches RCT.

La Fédération Ariathym met en œuvre une pluridisciplinarité médicale avec les psychiatres séniors, des internes, un médecin généraliste, un addictologue, un pharmacien, un endocrinologue, un radiologue, un gériatre, un généticien et un médecin traitant.

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III – L'ACCOMPAGNEMENT de la PERSONNE MALADE dans les THERAPIES COMPLEMENTAIRES

Madame Mirabel Sarron : Psychiatre, Responsable de l'Unité Fonctionnelle de Psychothérapies THECCART de l'Hôpital Sainte-Anne à Paris

« Les thérapies comportementales et cognitives intégrant l'ETP dans le soin des troubles anxieux chroniques, des troubles de l'humeur unipolaires multiréccurents résistants et bipolaires

réfractaires »

Cet exposé abordera les thérapies comportementales et cognitives (TCC), puis celles intégrant l'Education Thérapeutique du Patient (ETP) dans le soin des troubles bipolaires non suffisamment améliorés par le traitement médicamenteux.

Le Centre de Responsabilité de Psychothérapies de Sainte-Anne est un service universitaire non sectorisé qui regroupe un ensemble de démarches psychothérapiques : les TTC, les thérapies à médiations artistiques et des approches psychanalytiques. Il est le plus grand centre de psychothérapie universitaire national.

I – Les TTCs

Elles s'inscrivent dans une démarche psychologique proposée depuis les années 1920, issues directement du savoir scientifique et de la psychologie dans le domaine des émotions et de l'apprentissage des comportements humains. Les premières indications ont concerné les troubles anxieux, puis dès 1960 les troubles dépressifs, enfin à partir de 1980, de nombreuses souffrances psychiatriques au sein de prise en charge multidisciplinaires (TCA, addictions, psychoses, etc...).

Les TCCs sont des psychothérapies verbales d'une durée de 15 à 20 séances. Il s'agit d'apprendre au patient certaines compétences psychologiques afin de l'aider à mieux faire face à ses problèmes et obtenir une meilleure qualité de vie dans le futur.

La relation thérapeute-patient est très interactive, collaborative. L'indication du travail thérapeutique est posée après des entretiens préliminaires (analyse fonctionnelle). Les modalités de traitement sont définies dans un contrat. Une évaluation clinique et psychologique est effectuée avant la thérapie et renouvelée à la fin dans le but d'estimer les changements. Un travail personnel de « tâches à domicile » est demandé au patient en dehors des séances de thérapies, pour généraliser les acquis à sa vie quotidienne.

II – Les TCCs intégrant l'ETP

Elles sont efficaces dans le soin des troubles bipolaires réfractaires.

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L'ETP est une psychoéducation qui a pour objet de :➢ Faire connaître et comprendre au patient sa maladie, le bénéfice de ses traitements médicamenteux et non médicamenteux,➢ Lui apprendre à reconnaître les symptômes de la maladie, les effets liés aux différents traitements,➢ Réduire le nombre et la sévérité de ses symptômes, ➢ Améliorer sa qualité de vie, ➢ Sensibiliser, avec son accord, son entourage aux contraintes de la maladie, des traitements, et des répercussions qui en découlent.

Les TCCs intégrant l'ETP s'adressent à des patients ayant des troubles bipolaires de type 1 ou de type 2, des fluctuations de l'humeur invalidantes malgré un traitement thymorégulateur suivi depuis plus de 6 mois. Ces patients sont adressés par leur psychiatre référent.

Le but principal de ces TTCs avec ETP est de réduire les rechutes dépressives et maniaques. Pour cela, il convient d'arriver à :

➢ Augmenter l'observance médicamenteuse,➢ Rétablir un rythme de vie régulier (sommeil, alimentation, activités journalières,...),➢ Identifier les signes précurseurs dépressifs ou maniaques et apprendre les différents moyens comportementaux et cognitifs pour faire face aux premiers symptômes,➢ Identifier les facteurs de stress précipitant les rechutes afin de limiter le taux de récurrence.

Intégrant ces objectifs, le programme du Pr Lann (1999) se déroule en 20 séances qui comprend 3 étapes (une étape éducative suivie d'une étape TCC puis d'une étape de consolidation des acquis). Il est proposé depuis 2002 dans notre centre avec d'excellents résultats.

Dans un même état d'esprit, un programme québécois TCC destiné aux patients unipolaires multirécurrents est présenté.

Madame Charlotte Danset Alexandre : Neuropsychologue dans l'équipe du Docteur Amado à l'Hôpital Sainte-Anne à Paris

« La remédiation cognitive : ses effets sur la vie quotidienne »

80% des patients souffrant de schizophrénie ont des déficits cognitifs. Si le profil cognitif de ces patients est très hétérogène d’un individu à l’autre, les études ont montré que certaines dimensions étaient souvent altérées, à savoir : la cognition froide ou neurocognition (l'attention, la mémoire, les fonctions exécutives) et la cognition sociale ou cognition chaude. Ces difficultés ont un impact important sur la vie quotidienne. Une étude a d’ailleurs pu montrer que les difficultés d'intégration psycho-sociale et la qualité de vie des patients souffrant de schizophrénie étaient davantage associées aux troubles cognitifs qu'aux symptômes psychotiques eux-mêmes (Green et al., 2007).

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C’est donc un enjeu majeur, à la fois : ➢D’évaluer les compétences cognitives des patients et leur impact sur la vie quotidienne,➢De prendre en charge ces troubles cognitifs dans la perspective de favoriser

la réintégration socio – professionnelle des personnes. Ceci est tout l'intérêt de la Remédiation Cognitive (RC).

I – La Remédiation Cognitive

La RC a pour objectif :➢D'améliorer les capacités cognitives altérées➢D'amener le patient à mettre en place des stratégies pour répondre aux exercices proposés, qu’il pourra alors transférer dans son quotidien.

La RC s'inscrit dans un parcours de soins personnalisé en synergie avec les autres prises en charge. Elle se veut être un tremplin vers la réintégration socio-professionnelle.

La mise en place d'un programme de RC débute par une consultation médicale, suivie d'un bilan neuropsychologique, et d’une évaluation fonctionnelle faîte par les thérapeutes de RC.

En premier lieu, la consultation médicale s'attache à savoir si le patient a bien connaissance de sa maladie. Le participant doit également être stabilisé sur le plan clinique et du traitement depuis au moins un mois. La consommation de cannabis et/ou d'alcool doit être occasionnelle (préférer une prise en charge spécifique en cas d’addiction véritable). Le patient doit également être motivé, et se plaindre de ses difficultés cognitives. Le projet de demande de RC doit enfin s'inscrire dans un projet de réinsertion, élaboré avec les équipes du sanitaire et du médico-social.

Le bilan neuropsychologique a pour objectif de dégager un profil cognitif, c’est-à-dire identifier les difficultés cognitives mais aussi les ressources sur lesquelles le patient va pouvoir s’appuyer. L’évaluation fonctionnelle va venir compléter cette évaluation en interrogeant plus précisément l’impact de ces difficultés dans le quotidien (e.g. budget, environnement, nutrition, repas, gestion du traitement, relations familiales).

A la fin des évaluations, s’en suit une discussion multidisciplinaire visant à établir un projet de soin individualisé autour de la RC, tenant compte des besoins et des souhaits du patient. Les objectifs de la RC sont alors rediscutés et définis avec le participant. Puis, commence le programme de RC.

Il existe différents programmes de remédiation cognitive, visant à travailler la cognition froide (e.g. CRT, RECOS, RehaCom, Méthode NEAR) et la cognition sociale (e.g. Gaïa, TomRemed, RD2S, SCIT, IPT). Les points communs de ces programmes sont d'améliorer les compétences cognitives et de s’inscrire dans une temporalité. Ils durent quelques mois à raison d'1 à 2 séances par semaine, avec des tâches à accomplir seul à domicile (dîtes Tâche A Domicile, TAD).

Une évaluation post-remédiation (médicale et neuropsychologique) est proposée à la fin du programme afin d’évaluer les bénéfices espérés de la RC et réinterroger le parcours de soin.

La RC est une technique efficiente qui a fait ses preuves depuis plusieurs années. Les bénéfices sont quantitatifs (amélioration des scores aux tests cognitifs notamment) et qualitatifs (meilleure estime de soi, moins d'impact fonctionnel des troubles cognitifs). Cependant, la difficulté majeure réside dans le transfert des acquis de la RC à la vie quotidienne.

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Ainsi, afin d’améliorer la mise en place effective de stratégies pour répondre aux tâches du quotidien, nous proposons de :

➢Individualiser au maximum la prise en charge en fonction de la plainte du patient au quotidien,➢Faire le lien avec la vie quotidienne par des exercices pratiques,➢Travailler en synergie avec les autres intervenants .

Ceci a conduit à la création de 2 programmes au sein de notre unité:➢Le parcours TAQ (Transfert des Acquis eu Quotidien) ➢Le jeu Mathurin (programme de RC en réalité virtuelle).

II – Le programme TAQ

Il concerne les patients se plaignant au sujet de difficultés de cognition froide, en particulier de:➢La vitesse de traitement et d'initiation de l'action (e.g. « je n'arrive pas à me mettre à faire mon ménage »)➢L'attention et la mémoire de travail (e.g. « je n'arrive plus à lire... », « je perds le fil des conversations »)➢La mémoire épisodique (e.g. « j'oublie mes rendez-vous.»)➢Les fonctions exécutives (e.g. « je ne sais pas gérer mon emploi du temps »).

Les difficultés rapportées par les patients doivent pouvoir être expliquées par des déficits cognitifs objectivés par le bilan neuropsychologique.

Deux séances de préparation sont nécessaires avant de commencer le programme TAQ :➢Une séance de psychoéducation aux troubles neurocognitifs pour favoriser la prise en conscience des difficultés en lien avec la neurocognition et développer la motivation.➢Une deuxième séance pour déterminer les objectifs concrets ancrés dans la vie quotidienne de la personne, désigner une personne relais de l'entourage du patient et mettre en place un cahier de transmission.

Le parcours TAQ se base sur le programme de remédiation cognitive CRT. Celui-ci consiste en une thérapie individuelle d’une durée de 3 mois ½ à raison de 3 séances par semaine (2 x 1h à l’hôpital et 1h chez soi de TAD). Cette thérapie est composée de 5 modules travaillant sur l’attention, la vitesse de traitement, l’inhibition, la flexibilité, la mémoire et la planification. Au cours du programme, les patients vont réaliser une série de tâches répétitives de difficulté croissante graduellement adaptée au niveau du patient. La verbalisation, l'utilisation de stratégies et le renforcement positif sont essentiels à cette méthode.

Dans le cadre du parcours TAQ, nous allons apprendre une méthode inspirée des techniques de résolution de problème, appelée « procédure générale » permettant d’aborder une tâche et de la résoudre :

1 - Je me concentre (description générale de l'action)2 - Quel est le problème ? (analyse de la consigne)3 - Quelles sont les étapes et les stratégies à mettre en place ?4 - Je résous le problème,5 - Je vérifie et je critique ce que j'ai fait

L’idée générale de ce suivi TAQ va être d’appliquer cette procédure dans la vie de tous les jours sur

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des tâches concrètes grâce à l’élaboration de scripts d’action en séance, et qui seront appliqués dans le quotidien avec l’étayage d’une personne relais, soit un autre intervenant (e.g. à domicile : soignant faisant des visites à domicile, membre du foyer, famille etc. et/ou sur le lieu professionnel : moniteur d’ESAT, professionnel du médico-social etc.). Le programme TAQ donne au patient un outil pour faire face aux tâches du quotidien dans un faire avec et non à sa place. Le retour des patients sur ce programme est très positif car il permet d'accroître le transfert des acquis dans le quotidien. De plus, ce programme favorise les liens entre les équipes hospitalières, le secteur, les structures médico-sociales et les familles.

III – Le « jeu Mathurin »

Le jeu Mathurin est un programme de remédiation cognitive en réalité virtuelle. Il a été conçu en collaboration avec le Laboratoire « Mémoire et Cognition » de l’université Paris-Descartes (Pr Piolino et Eric Orriols). Il est proposé à des patients souffrants de schizophrénie, accueillis en structure de jour (HDJ, CATTP etc.), et pour qui une insertion professionnelle est difficile. Il s’agit d’un groupe interactif (6 participants maximum) permettant de travailler les difficultés de planification et d’organisation au quotidien.

Le programme se déroule sur 3 mois (1 session d’1h30 par semaine). Pendant les séances, les participants vont travailler leurs capacités d’orientation dans l’espace (repérage sur un plan 2D, passage de la 2D à la ville virtuelle en 3D), de planification d’une séquence d’action (e.g. aller chez le fleuriste, prendre un ami à la gare etc.) et d’élaboration d’un itinéraire. L’action sera par la suite réalisée sur ordinateur, en naviguant dans la ville virtuelle. Chaque séance aborde une thématique particulière en lien avec les difficultés souvent retrouvées dans la schizophrénie (e.g. organisation des rendez-vous médicaux, tri des papiers, courses alimentaires etc.). En fin de séance, un échange a lieu autour des situations de vie réelle rapportées par les participants et leur organisation au quotidien.

Ce programme semble très prometteur au regard du premier groupe réalisé. Il permet d'améliorer les capacités attentionnelles ainsi que le fonctionnement général, le bien-être physique et l'autonomie dans la cité. Nous avons également pu observer chez l’ensemble des participants une envie d’évolution de leur quotidien, qu’il s’agisse de pouvoir bénéficier d’un programme de psychoéducation, de remédiation cognitive individualisée ou encore la reprise d’un travail.

Madame Diane Levy Chavagnat

« La place de l'ECT dans les troubles psychiques aujourd'hui »

L'ECT est un traitement de stimulation électrique transcranienne datant des années 1938 découvert par les psychiatres italiens Ugo Cerletti et Lucio Bini. Ce fut une véritable révolution thérapeutique pour les malades. Après une période de moindre utilisation dans les années 50 à 80, dûe à l'apparition et à l'efficacité des antidépresseurs, l'ECT a retrouvé une place importante et unique dans les stratégies de traitement de troubles de l'humeur pharmaco-résistants. Son utilisation est parfaitement réglementée.

L'ECT exige un duo composé d'un psychiatre et d'un anesthésiste : Il s'agit de provoquer une crise comitiale tonico-clonique généralisée au moyen d'un courant appliqué transcranien. L'ECT est une

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thérapeutique physique par opposition à tout traitement pharmacologique, qui nécessite une anesthésie générale et une curarisation.

L'ECT conserve à tort une image négative qu'il convient de déstigmatiser : Ce n'est pas une thérapeutique violente. Elle a un rôle sur la plastie neuronale, qui est le traitement antidépresseur le plus efficace à l'heure actuelle et qui requiert le consentement écrit du patient.

Une fois l'indication posée, l'ECT demande un bilan préliminaire pour éliminer la contre-indication due à l'hypertension intracranienne. Un plan du traitement est établi (placement des électrodes, détermination du nombre de séances et de leur fréquence, prévision d'une évaluation.....).

Le risque de mortalité par ECT est de 1/10 000 patients. L'ECT demande une intervention chirurgicale mineure. Les effets secondaires sont des troubles mnésiques antérograde ou rétrograde qui sont génants mais s'améliorent en quelques semaines ou quelques mois.La cure demande une hospitalisation. Selon les cas, elle est composée de 4 à 20 séances ayant lieu à un rythme de 2 fois par semaine. Des séances d'entretien sont nécessaires dans 40 à 50% des cas. Elles ont alors lieu en ambulatoire.

A côté des troubles de l'humeur pharmaco-résistants, l'ECT peut être prescrite pour les dépressions majeures, les schizophrénies aux formes résistantes ou présentant des éléments dépressifs, les risques suicidaires (réponse rapide) et pour les troubles ayant une résistance thérapeutique ou ayant une intolérance aux autres traitements

L'ECT est la première indication concernant la dépression sévère des patients ayant suivi une prescription de 2 antidépresseurs sur une durée d'au moins 4 semaines. L'ECT se révèle être efficace dans 90% des cas alors que les antidépresseurs le sont dans 60% des cas.

Elle est le traitement d'urgence :➢ Dans les épisodes dépressifs accompagnés d'un ralentissement psychomoteur et de conséquences sur l'alimentation et l'hydratation,➢ Chez les patients dépressifs à haut risque suicidaire ou ayant fait une rechute. Dans ce cas, il est prouvé que la réduction des idées de suicide est de 40% après une semaine d'ECT, de 62% après 2 semaines et de 81% à la fin de la cure.

Dans le traitement de la dépression bipolaire par ECT le but est de ne pas majorer les effets indésirables mais si possible de potentialiser les effets thérapeutiques. Selon le cas, certains médicaments seront arrêtés ou pas.

Dans les états maniaques, les études montrent une rémission de l'ordre de 57% à 78% chez patients sous ECT.

Le traitement actuel des états mixtes reposent sur les thymorégulateurs anticonvulsivants et les antipsychotiques. L'ECT est aussi très efficace et est un bon recours en cas de symptômes intenses et résistants. Seulement les résultats sont obtenus après un nombre plus important de séances.

L'ECT a été créée, il y a 68 ans pour traiter la schizophrénie. Aujourd'hui, l'ECT s'emploie seulement dans le cas de formes résistantes et nécessitant un soulagement rapide ou dans le cas de forme schizo-affective.

En conclusion, l'ECT se révèle être une thérapeutique encore indispensable. Rappelons qu'elle est

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très réglementée et surveillée, qu'il ne faut pas oublier d'utiliser les ECTs d'entretien. Une inégalité de cet offre de soin existe sur le territoire à cause du manque de centre. Il conviendrait également de former les internes en psychiatrie et des infirmiers à cette thérapeutique.

Monsieur Thomas Fovet : Psychiatre, Thésard dans l'équipe du Professeur Jardri au CHRU de Lille

« Nouvelles stratégies thérapeutiques dans les schizophrénies : De la stimulation magnétique transcranienne au neurofeedback »

Les hallucinations sont définies comme des perceptions sans objet. Elles entrent dans le cadre des fausses perceptions au même titre que les illusions (perceptions déformées de la réalité) par exemple.

Les hallucinations peuvent être retrouvées dans des contextes divers : prises de toxiques, pathologies (psychiatriques ou non) ou même chez les sujets indemnes de tout trouble (on parle de healthy voice-hearers).

Dans le cadre des pathologies psychiatriques au cours desquelles des hallucinations peuvent être retrouvées, la schizophrénie apparait au premier plan puisqu’on considère qu’environ 70% des patients souffrant de ce trouble présentent des hallucinations auditives, et 30%, des hallucinations visuelles.

Par ailleurs, il s’agit d’un symptôme fréquemment résistant aux traitements médicamenteux actuellement disponibles (dans environ 25% des cas, le traitement ne permet pas de supprimer les hallucinations). Il y a donc une urgence à développer des moyens thérapeutiques alternatifs aux médicaments.

Actuellement, les progrès en imagerie cérébrale, et notamment le développement de techniques comme l’IRM fonctionnelle (IRMf), permettent de mieux appréhender les bases neuronales de symptômes subjectifs comme les hallucinations. Ces avancées autorisent le développement de stratégies thérapeutiques innovantes comme les techniques de neuromodulation ou le neurofeedback.

Les techniques de neuromodulation (Stimulation Transcranienne par Courant Continu (tDCS), Stimulation Magnétique Transcranienne répétée (rTMS), etc.) permettent d’induire des modifications neuroplastiques afin d’obtenir des effets thérapeutiques en corrigeant l’activité pathologiques de certains neurones ou circuits neuronaux.

La tDCS consiste à provoquer la circulation d'un courant électrique de faible intensité entre 2

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électrodes placées sur le scalp du sujet. C'est une thérapie non invasive et indolore. Elle agit en modulant transitoirement l'excitabilité corticale

La rTMS est aussi une technique non invasive et indolore qui offre une sécurité d'emploi. Elle présente peu d'effets indésirables (céphalées modérées dans 20% des cas). La seule contre-indication à son utilisation est la présence d’un matériel ferromagnétique ou d’un dispositif de neurostimulation à moins de 2 cm de la bobine. Plusieurs résultats de la littérature scientifique indiquent une bonne efficacité de la rTMS sur les hallucinations auditives. Dans ce cadre, elle est délivrée de manière répétée par sessions quotidiennes pendant plusieurs jours voire plusieurs semaines.

La meilleure connaissance de la physiopathologie des hallucinations auditives permet également le développement de nouvelles approches comme le neurofeedback.

Le principe du neurofeedback est simple : l’activité cérébrale du sujet est mesurée (par EEG ou par IRMf) et cette information est présentée en temps réel au sujet (par exemple, sous la forme d’un thermomètre dont le niveau augmente avec le niveau de l’activité cérébrale). Il est ensuite demandé au sujet de moduler le niveau d’activité qui lui est présenté.

Grâce à cette technique, il est possible de modifier, par exemple, l’intensité douloureuse ressentie par un sujet en lui apprenant à moduler volontairement l’activité du cortex cingulaire (une région impliquée dans le vécu subjectif douloureux).

Des résultats prometteurs ont été obtenus chez des sujets souffrant de troubles psychiatriques comme la dépression (les sujets apprennent pour cela à réguler l’activité d’une autre région cérébrale : l’amygdale) et des études sont en cours pour évaluer l’intérêt du neurofeedback dans le traitement des hallucinations auditives.

Cette technique pourrait autoriser, dans les années futures, le développement du concept de psychothérapie guidée par l’imagerie en permettant aux personnes souffrant de troubles psychiatriques de trouver des stratégies cognitives efficaces pour lutter contre leurs symptômes grâce à l’interface du neurofeedback.

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IV – L'ACCOMPAGNEMENT DANS LES PSYCHOTHERAPIES :LE CHEMINEMENT AU LONG COURS DE LA PERSONNE

MALADE

Monsieur Philippe Jeammet : Professeur Emérite de Psychiatrie à Paris V, Psychanalyste

Monsieur Polo Tonka : Auteur du livre « Dialogue avec moi-même : Un schizophrène témoigne »

« Retours d'expériences sur le travail de psychothérapie dans les maladies psychiatriques »

Cet exposé est un dialogue entre le Professeur Jeammet et Polo Tonka retraçant leurs réflexions sur la vie professionnelle de psychiatre du Professeur Jeammet, et celles sur la maladie qui habite Polo Tonka. Ce dialogue est retranscrit ici au plus près de leurs paroles.

Le Professeur Jeammet :« Est-ce qu'il est fou ou est-ce que c'est mental ? A l'heure actuelle, face à cette question, le terme de maladie mentale continue à être employé, malgré les connaissances considérables qui ont été faites sur le cerveau.

Le psychisme est l'apanage de l'être humain. Parler de maladie psychique connote profondément négativement la personne et remet en cause ce qu'il y a d'humain en elle. Alors, peut-on continuer à parler ainsi des maladies psychiques et mentales au 21éme siècle ? Mais répondre par l'affirmatif ou le négatif, à la question : « il est fou ou il n'est pas fou ? » n'a pas de sens, car l'humain s'inscrit dans un continuum.

Le psychisme est la capacité que nous avons de jouer avec les représentations. Cela fait appel à la conscience. Dans le cerveau malade, il y a également une forme de conscience. A partir du moment où le cerveau nous permet de jouer avec nous-mêmes (je suis moi et un peu l'autre), cette capacité

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que nous avons d'être pris dans nos émotions met en jeu notre capacité de jeu réflectif qui nous permet de jouer avec nos représentations. Nous sommes conscients de nous-mêmes, et en même temps, nous nous nourrissons de l'autre. Cela pose le problème de comment être soi sans être l'autre. Là, la réponse nous appartient : Nous avons le choix. Et grâce à ce choix, nous pouvons être des générateurs de bonheur.......ou pas.

Un parcours de vie peut changer par le biais de rencontres, par le fait de passer de la peur à la confiance. C'est toute l'histoire de la rencontre humaine. Certes, on hérite d'un potentiel génétique, mais il se développera en fonction de nos rencontres. Dans la maladie psychique, un être humain peut s'en sortir, tout dépendra de son état d'esprit, de son état mental. C'est une question de regard sur le monde, d'atmosphère, de climat émotionnel.

Les malades ne sont pas si fous que cela. Ils ne choississent pas leurs comportements inadaptés et incohérents. Ils sont dans la peur de ce qui les habite. En allant mal, ils se sentent moins mal ce qui les apaisent. Cela donne du sens aux hallucinations et aux délires. Le problème c'est que ces troubles les imputent d'une partie de leurs potentialités dans 3 domaines essentiels : le prendre soin de leur corps, le développement de leurs compétences, le développement de leurs compétences sociales. Dans les troubles mentaux, il y a une fermeture qui s'opère dans l'un de ces 3 domaines. Pour combattre cette fermeture, le malade doit retrouver le pouvoir d'agir et de se protéger. Mais, pour cela, il a besoin de se sentir agent de sa vie, agent de sa créativité, agent dans le partage, agent pour créer du bonheur....et cela se fait dans l'échange avec les autres. A partir du moment où une personne est bien avec les autres, elle peut accepter leur réponse. Si un malade est fermé à l'autre, il ne peut accepter de dépendre de l'autre, et se retrouve dans l'impuissance. Paradoxalement, c'est en se détruisant qu'il se sent exister.

Il y a quelques années, j'ai eu la chance de rencontrer Polo. Face à sa schizophrénie, il fallait trouver un sens à sa maladie mentale, à la lumière de ses difficultés, à gérer ses émotions, à gérer l'information venant du monde extérieur. La réponse adaptative qu'il avait trouvée à laquelle il s'accrochait et qui donnait un sens à sa maladie, devait être travaillée car elle était mal adaptée C'était possible si une confiance suffisante s'établissait avec lui. C'est en cela que son témoignage est important. Dans son livre, dans ce dialogue avec lui-même, il s'agit de sa chair, de sa vie émotionnelle. La schizophrénie ne lui enlève pas sa capacité symbolique à pouvoir dialoguer avec lui-même, à exercer sa capacité réflexive, qu'aucune maladie d'ailleurs, ne fait disparaître.

Arrêtons de dire : « Ah ! C'est une maladie mentale.... ». Ne nous arrêtons pas aux représentations véhiculées par la société. Face à cela, regardons nous, regardons nos faiblesses. Arrêtons d'apporter toutes les justifications raisonnables que nous voulons !!! »

Polo Tonka :« Je me souviens du jour où j'ai rencontré le Professeur Jeammet. J'allais vraiment mal, j'étais dans un gouffre. L'histoire que j'avais avec la maladie était particulière. Elle avait commencé avec de très forts troubles, et le psychiatre qui s'occupait de moi n'avait pas jugé bon de me dire autre chose que le mot dépression, alors qu'il pensait déjà à un trouble borderline. Pendant 6 ans, j'ai été prisonnier de ce mensonge. En même temps, cela m'arrangeait parce ce que je me disais que ma dépression devait pouvoir se soigner. J'ai vécu 6 ans de dépression massive, de souffrances extrêmes. Six ans pendant lesquelles j'avais déjà des hallucinations. Seulement, j'avais un problème de désignation de mes hallucinations : Celles que j'entendais, et celles qui traînaient dans ma pensée et dont je ne me sentais pas à l'origine : Je les diagnostiquais comme des pensées et non comme des voix. Tant et si bien que quand le premier psychiatre m'a demandé si j'entendais des voix, je lui ai dit que non.

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Après ces 6 ans, à la suite d'un événement à caractère religueux qui fut un choc et qui m'a fait accèder à une première rémission, j'ai demandé, voire exigé de mon médecin, d'arrêter la médication. Il a commencé mon sevrage. Deux ans après, je suis entré en décompensation dans un trouble que j'ai vécu intimement comme un épisode de folie. Là, j'ai rencontré le Professeur Jeammet. J'étais prisonnier d'une souffrance extrêmement violente. Actuellement, j'en ai un vague souvenir . Par contre, j'ai le souvenir de ce regard bleu du Professeur Jeammet qui me croissait et qui ce jour là, m'a illuminé. Ce souvenir est toujours aussi vif. pour moi»

Professeur Jeammet :« Dans cette rencontre, ce qui est important, c'est ce regard bleu, cette connotation positive. C'est un espoir. Il s'est échangé là, un vécu émotionnel. »

Polo Tonka :« Une très forte attente au cœur de la souffrance. »

Professeur Jeammet :« Ce que m'a prouvé mon métier, c'est que la déception est à la mesure de l'attente. On a trop tendance à fonctionner en médecin. En fait, il faut s'appuyer sur les points de confiance du patient, sur ses potentialités liées à son attente, qui , à un moment donné, lui donnent envie de prendre soin de lui. Ce qu'il ne faut pas oublier dans toute thérapie, remédiation cognitive ou autre, c'est la confiance que fait la personne : C'est ce qui assure la continuité et qui est à l'origine de ses potentialités positives. Pour éviter les ruptures de soin si fréquentes, qui renvoient à une rupture de la confiance et à un sentiment de solitude chez le patient, il faut établir la confiance dans la distance avec une personne de référence. Un programme de remédiation cognitive par exemple, passe par le cerveau, et en même temps, cela se joue dans la relation. Ceci nous oblige à nous questionner sur notre regard sur la vie. La personne ne peut pas être réduite à sa maladie. Le savoir nous permet de rechercher les points positifs de la personne et de ne pas nous laisser prendre dans ses points négatifs. »

Polo Tonka :« On a vu ce matin que beaucoup de schizophrènes ont une addiction au tabac. Moi, je fumais plus de 2 paquets de cigarettes par jour. J'avais le désir d'arrêter, ne serait-ce que pour faire des économies. Quand j'ai demandé à mon médecin comment faire, il m'a répondu que ce n'était pas le moment, de m'occuper à gérer mes problèmes psychiques, qu'on verrait ensuite quand j'irai mieux. J'avais essayé, mais la cigarette que je voulais être la dernière, me montrait à quel point je n'étais pas prèt : C'était une souffrance de me dire que je n'avais plus qu'une inspiration. Parallèlement, cela faisait plus de 8 ans que je cherchais un éditeur pour mon livre, et je m'étais dit que quand je l'aurai trouvé, j'arrêterai de fumer. Quand Odile Jacob a accepté de m'éditer, c'est là que j'ai fumé ma dernière cigarette. Je me suis mis un patch, je me suis couché et le lendemain matin je me savais libéré de la cigarette. Je n'ai jamais plus fumé, sauf dans mes rêves.

La veille de ma première communication avec le public, j'avais rencontré un problème avec le patin de ma lunette. Je n'allais pas excessivement bien à l'époque. J'allais mieux grâce à la dynamique qu'avait créé en moi l'édition de mon livre. Mon souci était que je ne connaissais pas l'opticien à côté de chez moi, et c'était plus qu'éprouvant pour moi de le rencontrer. Parler devant 100 personnes le lendemain, n'engageait que moi, et je savais ce que j'avais à leur dire, alors que pour l'opticien, tout dépendait de sa réponse : Allait-il accepter ou pas la réparation? Cela m'a procuré une nuit très pénible, très courte, et le lendemein, je me suis dit : « vas-y, tu verras bien »....Et l'opticien avec un grand sourire m'a changé mon patin....quand j'ai rejoint le Professeur j'ai dit : « C'est le plus beau jour de ma vie »

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Professeur Jeammet :« Pour moi, ce qui vient d'être dit, est l'image en miroir de la même force qui peut paralyser au moment où est remarqué le patin manquant. Il y a là catatonie émotionnelle, sidération. Cela a la même intensité, quand les choses se passent bien mais aussi à l'inverse quand elles se passent mal. Derrière ce trouble, il y a la peur. »

Polo Tonka : « C'est la peur de l'impuissance. Mon médecin en congé de maternité m'avait offert une remplaçante : Une psychiatre qui manquait de psychologie. C'était une période où j'allais particulièrement mal et où j'espérais être hospitalisé. J'étais agité et au lieu de me calmer, elle a essayé de me mater en s'énervant. Elle a dit : « votre maladie n'est pas assez intéressante pour que vous soyez admis. chez nous ». Je suis parti en claquant la porte, et j'ai eu la chance de croiser l'infirmière qui s'occupait de moi. Elle m'a écouté, m'a calmé, m'a conduit vers le psychiatre qui m'a proposé une hospitalisation ».

Professeur Jeammet : « Il ne faut pas oublier qu'il faut agir comme cela quand un patient va mal, pour qu'il aille moins mal sur le moment. Derrière la maladie, il y a une personne qui est comme un enfant, qui a peur, se sent seul, démuni face aux souffrances qui le dépassent. »

Polo Tonka : « La rencontre d'une personne du service m'a permis de prendre conscience, que par souci de me protéger, j'étais rentré dans une démarche de vérité par rapport à mes capacités à affronter les difficultés du quotidien. Je me suis rendu compte que j'amplifiais mes faiblesses. Du fait de la maladie, je ne m'autorisais pas une quelconque force intérieure pour affronter. Le fait de réaliser cela, de me forcer un peu à me sentir habité par la force nécessaire, un peu comme avec la méthode Coué, cela m'a permis d'opérer un petit miracle. »

Professeur Jeammet : « On rejoint la remédiation cognitive. Il faudrait s'unir sur une compréhension collective : Il faut prendre en compte la demande du patient et ce qui fonctionne pour lui. »

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V – CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES EN DIRECTION DE LA TROISIEME RENCONTRE EN MARS 2017

La Délégation UNAFAM-Charente tient tout particulièrement à remercier tous les intervenants pour la qualité de leurs prestations, ainsi que tout le public pour l'intérêt porté à cette journée.

Elle fut sensible à l'accueil et à la collaboration du Centre Hospitalier Camille Claudel dans l'élaboration de ce projet.

Enfin, elle remercie chaleureusement tous les sponsors qui ont couvert le financement de ce colloque : la MGEN, Harmonie Mutuelle, la ville d'Angoulême, le Conseil Départemental, le Conseil Régional, l'ARS, l'Assemblée Nationale.

Si ce colloque a pu se dérouler dans de bonnes conditions, la Présidente-Déléguée rend hommage à tous les bénévoles qui ont cru en ce projet et qui y ont participé avec conviction en fonction de leurs talents. Sont nommés : Gisèle, Chantal, Anne-marie, Véronique, Marie-Josèphe, Sandra, Lyhi, Alain, Francis, Hervé, Guy, Florence, Jacques, Amparo, Françoise, Monique, Xavier, José, Denis, Frédérique.

Ce deuxième colloque sur « l'accompagnement dans le parcours de soins de la personne en situation de maladie psychique » a abordé les questions relatives aux traitements médicamenteux, aux différentes thérapies complémentaires, et au prendre soin de la personne malade.

La délégation espère que les apports de ce colloque vous ont permis d'acquérir un certain savoir pour mieux connaître ces maladies si invalidantes, et qu'il vous sera utile pour mieux comprendre les personnes en situation de maladie psychique que vous accompagnez au quotidien.

Pour poursuivre dans cet objectif, la délégation vous donne rendez-vous en mars 2017 pour un dernier colloque sur le thème de « l'accompagnement dans le parcours de soins de la personne en situation de maladie psychique ». Il traitera de l'accompagnement bien spécifique de ces personnes dans leur parcours de soin médico-social et social.

Au mois de Mars 2017 pour un nouveau colloque riche en partage et en informations.

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