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Les commerçants Chinois à Alger Samia Hammou, CEPED, Paris Mots clés : Immigration, Commerçants Chinois, Alger, Intégration L’Afrique attire l’attention des différentes disciplines de la recherche. Les sociologues s’intéressent au phénomène migratoire du continent Africain vers l’Europe et aux problèmes d’intégration des immigrés et de leurs enfants. La circulation des Africains du Sud vers le Nord remonte à la Grande Guerre. Après la 2 ème Guerre Mondiale, une migration économique est entamée. Le ralentissement économique de l’Europe a conduit à l’intensification de la surveillance des frontières et au durcissement des lois de séjour. Une récente migration est née dans l’autre sens (Nord-Sud). Des cohortes d’étrangers viennent en Afrique pour investir, construire (bâtiments, autoroutes, stades, etc.) et lancer des activités commerciales. Nous nous sommes intéressés à la présence particulière des petits commerçants Chinois à Alger, un sujet peu traité au niveau académique. La Chine et l’Algérie entretiennent des relations remontant à la Conférence de Bandung (1955). Ces relations n’ont cessé depuis de s’affirmer à travers les visites diplomatiques et les multiples accords bilatéraux. Les géants de la construction Chinoises raflent de gros marchés en Algérie, comme la réalisation de l’autoroute Algérienne Est-Ouest reliant la frontière Tunisienne à la frontière Marocaine, un projet qui a nécessité des milliers de travailleurs Chinois. Ce phénomène de migration économique a alors drainé dans son sillage un nombre appréciable de commerçants Chinois venus investir dans le commerce, à la conquête de cette terre quasi-vierge de toute concurrence notoire. Cet investissement des commerçants Chinois en Algérie nous pousse à poser la question : cela peut-il se traduire par une implantation durable et donc d’une volonté de rester ? Ou au contraire, l’Algérie est-elle juste un pays de transit pour un certain moment ? Après avoir effectué une enquête sur le terrain auprès des commerçants Chinois établis à Alger et certains établissements publics, puis procédé à des entretiens semi-directifs et à l’observation non participante, nous avons pu dégager certains éléments de réponse. Les commerçants Chinois proviennent pour la plupart du Sud de la Chine. Selon le Centre National des Registres de Commerce d’Alger, 729 commerçants Chinois étaient inscrits au registre du commerce fin 2009, la Capitale concentre 614 commerçants dont les magasins proposent des produits variés destinés à toutes les tranches de la société. Le made in China semble avoir un succès auprès de la population locale, les prix alléchants font le bonheur des petites bourses. Les Chinois sont parvenus à se faire une petite place au sein de la société Algérienne. Une harmonie semble opérer entre ces deux cultures (apprentissage de l’arabe, mariages mixtes, conversion à l’Islam). L’émancipation du planning familial favorise l’implantation durable des familles Chinoises. Les Algériens commencent à étudier la langue Chinoise. Des activités culturelles (concours d’écriture, implantation d’arbres, etc.) sont organisées par l’ambassade de Chine et l’association d’amitié Algérie-Chine pour renforcer la compréhension mutuelle entre les deux peuples. Notons que les vagues d’immigration Chinoise vers les Etats Unis d’Amérique (moitié du 19 ème siècle) et vers Algérie (fin 1990) sont deux schémas migratoires quasi-similaires à bien des égards (reconstruction post-guerre civile, réalisation d’ouvrages d’art reliant les frontières Est-Ouest, installation des petits commerçants, émergence des Chinatowns). En résumé, ce phénomène d’implantation des Chinois en Algérie montre une volonté d’intégration et un désir de rester durablement. Ceci est expliqué par la pugnacité de ces commerçants.

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Les commerçants Chinois à Alger Samia Hammou, CEPED, Paris

Mots clés : Immigration, Commerçants Chinois, Alger, Intégration

L’Afrique attire l’attention des différentes disciplines de la recherche. Les sociologues s’intéressent au phénomène migratoire du continent Africain vers l’Europe et aux problèmes d’intégration des immigrés et de leurs enfants. La circulation des Africains du Sud vers le Nord remonte à la Grande Guerre. Après la 2ème Guerre Mondiale, une migration économique est entamée. Le ralentissement économique de l’Europe a conduit à l’intensification de la surveillance des frontières et au durcissement des lois de séjour. Une récente migration est née dans l’autre sens (Nord-Sud). Des cohortes d’étrangers viennent en Afrique pour investir, construire (bâtiments, autoroutes, stades, etc.) et lancer des activités commerciales. Nous nous sommes intéressés à la présence particulière des petits commerçants Chinois à Alger, un sujet peu traité au niveau académique.

La Chine et l’Algérie entretiennent des relations remontant à la Conférence de Bandung (1955). Ces relations n’ont cessé depuis de s’affirmer à travers les visites diplomatiques et les multiples accords bilatéraux. Les géants de la construction Chinoises raflent de gros marchés en Algérie, comme la réalisation de l’autoroute Algérienne Est-Ouest reliant la frontière Tunisienne à la frontière Marocaine, un projet qui a nécessité des milliers de travailleurs Chinois. Ce phénomène de migration économique a alors drainé dans son sillage un nombre appréciable de commerçants Chinois venus investir dans le commerce, à la conquête de cette terre quasi-vierge de toute concurrence notoire. Cet investissement des commerçants Chinois en Algérie nous pousse à poser la question : cela peut-il se traduire par une implantation durable et donc d’une volonté de rester ? Ou au contraire, l’Algérie est-elle juste un pays de transit pour un certain moment ?

Après avoir effectué une enquête sur le terrain auprès des commerçants Chinois établis à Alger et certains établissements publics, puis procédé à des entretiens semi-directifs et à l’observation non participante, nous avons pu dégager certains éléments de réponse. Les commerçants Chinois proviennent pour la plupart du Sud de la Chine. Selon le Centre National des Registres de Commerce d’Alger, 729 commerçants Chinois étaient inscrits au registre du commerce fin 2009, la Capitale concentre 614 commerçants dont les magasins proposent des produits variés destinés à toutes les tranches de la société. Le made in China semble avoir un succès auprès de la population locale, les prix alléchants font le bonheur des petites bourses. Les Chinois sont parvenus à se faire une petite place au sein de la société Algérienne. Une harmonie semble opérer entre ces deux cultures (apprentissage de l’arabe, mariages mixtes, conversion à l’Islam). L’émancipation du planning familial favorise l’implantation durable des familles Chinoises. Les Algériens commencent à étudier la langue Chinoise. Des activités culturelles (concours d’écriture, implantation d’arbres, etc.) sont organisées par l’ambassade de Chine et l’association d’amitié Algérie-Chine pour renforcer la compréhension mutuelle entre les deux peuples. Notons que les vagues d’immigration Chinoise vers les Etats Unis d’Amérique (moitié du 19ème siècle) et vers Algérie (fin 1990) sont deux schémas migratoires quasi-similaires à bien des égards (reconstruction post-guerre civile, réalisation d’ouvrages d’art reliant les frontières Est-Ouest, installation des petits commerçants, émergence des Chinatowns).

En résumé, ce phénomène d’implantation des Chinois en Algérie montre une volonté d’intégration et un désir de rester durablement. Ceci est expliqué par la pugnacité de ces commerçants.