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Presses Universitaires du Mirail Quelques mots pour Marvel Moreno et un regard sur ses manuscrits Author(s): Jacques GILARD Source: Caravelle (1988-), No. 65, LES CULTURES POPULAIRES EN AMÉRIQUE LATINE (1995), pp. 219-222 Published by: Presses Universitaires du Mirail Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40853315 . Accessed: 16/06/2014 01:23 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Presses Universitaires du Mirail is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Caravelle (1988-). http://www.jstor.org This content downloaded from 194.29.185.145 on Mon, 16 Jun 2014 01:23:37 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

LES CULTURES POPULAIRES EN AMÉRIQUE LATINE || Quelques mots pour Marvel Moreno et un regard sur ses manuscrits

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Presses Universitaires du Mirail

Quelques mots pour Marvel Moreno et un regard sur ses manuscritsAuthor(s): Jacques GILARDSource: Caravelle (1988-), No. 65, LES CULTURES POPULAIRES EN AMÉRIQUE LATINE (1995),pp. 219-222Published by: Presses Universitaires du MirailStable URL: http://www.jstor.org/stable/40853315 .

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C.M.H.L.B. CARAVELLE n° 65, pp. 219-225, Toulouse, 1995

Recouvrâmes

Quelques mots pour Marvel Moreno et un regard sur ses manuscrits

Marvel Moreno s'est éteinte à Paris alors que se levait le matin du 5 juin 1995, lundi de Pentecôte - un jour de fête religieuse, elle qui avait rompu à quinze ans avec le catholicisme de son enfance et l'avait rem- placé par un refus définitif de toute forme de foi. Elle était née à Barranquilla (Colombie) en septembre 1939, sous le signe de la mo- dernité terrible dont était porteuse la nouvelle Guerre Mondiale qui ve- nait à peine d'éclater. Le milieu dans lequel elle avait grandi - la bonne société de ce port des Caraïbes, une grande famille locale sur le déclin, décadence feutrée qu'elle se rappelait avec lucidité et détachement - ne 1 a prédisposait nullement à devenir écrivain. Elle aurait pu être un de ces personnages féminins que l'on voit dans ses récits, une de ces dames du quartier du Prado qui partageaient leur temps entre les papotages du Country Club, les soirées mondaines et l'ennui d'une vie opulente et vide. A vingt ans, admirée de tous pour sa beauté, elle fut reine du carna- val, ce qui fit d'elle pour quelques jours le personnage le plus important de Colombie. Mais sa vocation intellectuelle et son amour de la littérature, un amour secret mais intransigeant, la poussaient vers d'autres chemins.

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Elle avait commencé à écrire dès l'enfance, mais elle attendit sa trentième année pour s'estimer satisfaite de Tun de ses récits et se risquer enfin à publier sa première nouvelle, "El muñeco". Dès lors, avec la même minutie et la même exigence implacable - et malgré une maladie qui sans cesse menaçait de l'emporter à bref délai - elle se consacra à la rédaction de ses nouvelles : seulement huit en huit ans, qui s'ajoutèrent lentement à "El muñeco". Cet ensemble devait constituer le recueil Algo tan feo en la vida de una señora bien. Le volume, publié à Bogota en 1981 - même si l'achevé d'imprimer prétend qu'il est de 1980 -, apparut mutilé d'une nouvelle, vraisemblablement du fait d'un acte de censure décidé par l'éditeur bogotan (Pluma) : "Autocrítica", dédié à Carlos Franqui, ne figure que dans la version française du livre (Paris, Des Femmes, 1984). On peut d'ailleurs se demander ce que devint l'édition originale : elle semble ne pas avoir circulé, ne pas avoir eu pratiquement de lecteurs. Lorsque le film Oriane, de la Vénézuélienne Fina Torres, inspiré par un des récits de Marvel Moreno ("Oriane, tía Oriane"), re- cueillit plusieurs prix dans les festivals de cinéma, la curiosité pour le livre naquit enfin dans le public colombien, mais Algo tan feo. . . resta introuvable. Comme si un mystérieux acheteur avait plus ou moins fait main basse sur l'édition à peine sortie des presses, afin d'empêcher le livre de circuler. L'auteur en reçut néanmoins un certain nombre d'exemplaires et l'on rencontre parfois, mais très rarement, des per- sonnes qui ont eu la chance de trouver le livre dans quelque librairie co- lombienne. Plus d'une fois, j'ai rappelé à Marvel Moreno qu'une mésa- venture de ce genre, plus drastique encore, était arrivée auparavant à Joyce avec ses Dubliners, mais ce précédent flatteur ne la rassurait guère et ne la consolait qu'à moitié.

A l'automne 1977, lorsqu'elle en eut fini avec la rédaction des nou- velles qui allaient donner Algo tan feo. . . ("La noche feliz de Madame Yvonne", dernier texte rédigé, était achevé au début de l'été), Marvel Moreno décidait, comme elle me le disait alors dans une des très rares lettres qu'elle écrivait (elle préférait le téléphone), de "retourner à la chasse au tigre". Elle s'était alors attaquée à la rédaction de son roman, En diciembre llegaban las brisas, qui lui prit un temps presque équivalent à celui qu'avait exigé Algo tan feo. . . En diciembre llegaban las brisas parut à Barcelone en 1987 (Plaza & Janés). Marvel Moreno revint alors au genre de la nouvelle et put ainsi publier en 1992 un autre recueil, El encuentro y otros relatos (Bogota, El Ancora). Entretemps étaient sorties les traductions française (Paris, Robert Laffont) et italienne (Florence, Giunti) de En diciembre. . . Le roman fut primé en Italie comme le meilleur titre étranger de l'année 1988.

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RECOUVRANCES 221

Malgré l'aggravation de son état de santé, Marvel Moreno continuait à écrire. Depuis la parution de El encuentro. . . d'autres nouvelles s'étaient accumulées, qui pourront donner lieu à la publication d'un troisième et dernier recueil (quelques-unes ont déjà été publiées). Certaines d'entre elles avaient été terminées dans les premiers mois de 1995. Une nouvelle reste inachevée : elle devait s'intituler "Los amores de mi madre". Quelques semaines avant sa mort, Marvel Moreno avait terminé la deuxième version d'un roman, El tiempo de las amazonas. Le premier état de ce livre était achevé dans le courant de l'hiver 1993-1994 ; ma dernière rencontre avec elle, en mars 1994, avait été consacrée à la relec- ture de certains passages. Depuis, malgré sa faiblesse croissante et tout en écrivant quelques nouvelles, elle avait pu retravailler l'intégralité du roman.

La nécessaire brièveté de ces lignes ne me permet pas d'évoquer en détail ce que furent l'amitié qui m'unissait à la personne - une amitié qui allait atteindre sa vingtième année en novembre 1995 - et l'admiration que je vouais à l'écrivain. Du moins faut-il dire que cette amitié et cette admiration naquirent de la lecture du manuscrit de "La sala del Niño Jesús", que Plinio Apuleyo Mendoza - alors marié à Marvel Moreno - lui avait arraché pour me l'envoyer, convaincu qu'il fallait le faire figurer dans les "Littératures" du numéro 26 de Caravelle, consacré à la Colombie. Et c'est ce à quoi je veux me limiter ici. Depuis 1976, Caravelle a publié cinq nouvelles de Marvel Moreno. Chaque étape de sa vie de "cuentista" a eu sa manifestation dans nos pages. Après "La sala del Niño Jesús", qui correspondait à la longue gestation de Algo tan feo...y et une fois achevée la rédaction de En diciembre llegaban las brisas, Marvel Moreno nous a successivement donné "Barlovento" (n° 48, 1987), "En las oscuras alas del deseo" (n° 50, 1988 ; lors de la publication en volume le titre est devenu "Sortilegios") et "La sombra" (n° 55, 1990), nouvelles qui allaient figurer ensuite dans El encuentro... Enfin, ce fut "El revolver", paru dans notre dernière livraison, le numéro 64, en juin 1995. Il a manqué quelques jours de vie à Marvel Moreno pour voir son récit imprimé.

Marvel Moreno vit désormais dans la mémoire et la nostalgie de ses proches et de ses amis, et dans son oeuvre, une oeuvre à laquelle elle avait tant sacrifié, et avec tant de silencieuse ferveur, qu'il serait difficile de ne mettre que de la tristesse dans l'évocation de la personne aujourd'hui disparue. Tous ceux qui l'ont bien connue savent que l'oeuvre était l'es- sentiel, que cette oeuvre subsistera et finira par rencontrer ses lecteurs. C'est pourquoi, plutôt que de rédiger un in memoriam, j'ai préféré que cet au-revoir de Caravelle*. Marvel Moreno prenne la forme d'une "recouvrance". Habituellement, les "recouvrances" de notre revue concer-

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nent des textes déjà publiés, et oubliés ou méconnus. Celle que nous pro- posons maintenant veut surtout signifier qu'un jour devra s'ouvrir une nouvelle étape dans la connaissance de cette oeuvre qui reste à découvrir, même pour les amis les plus proches et les lecteurs les plus anciens et les plus fidèles.

L'étude des manuscrits sera un des chemins obligés de cette décou- verte. Nous l'inaugurons ici et, avec l'accord de Jacques Fourrier, mari de Marvel Moreno, et de ses filles Caria et Camila Mendoza Moreno, nous proposons la transcription de deux manuscrits. L'un et l'autre sem- blent correspondre àia fin des années 1970 et figurent sur des feuillets d'un même format, sur lesquels Marvel Moreno a utilisé un seul et même stylo à bille. Les deux textes sont des fragments que leur auteur avait dû longuement travailler, puisqu'ils ne portent aucune rature. Le premier couvre un peu moins de deux pages et demie de l'écriture élé- gante et régulière (difficile aussi) de Marvel Moreno ; sa construction circulaire peut le faire lire comme un tout autonome et esthétiquement achevé : les lecteurs de Algo tan feo. . . y reconnaîtront une référence à la nouvelle "Ciruelas para Tomasa" mais, de par son ouverture sur un autre univers plus moderne et urbain, ce fragment doit appartenir plutôt à une étape d'expérimentation, des premiers temps de la rédaction de En di- ciembre llegaban las brisas. Le second, beaucoup plus bref, et contempo- rain du premier, figure sur un feuillet qui était classé avec les trois autres ; il trouve déjà avec sûreté le ton qui sera retenu pour le roman, dont il ébauche l'univers et l'atmosphère. Aucun des deux manuscrits ne portant de titre, leurs premiers mots en tiendront lieu.

Jacques GILARD

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