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CHAPITRE II LA CAISSE D'ESCOMPTE (1776-1793) ET LES ASSIGNATS (1791-1797) C'est le 24 mars 1776, 1. - LA ET LES plus d'un demi-siè- DE LA CAISSE D'ESCOMPTE 1 è 1 h d ce apr sac ute e Law, que le Conseil d'État se résolut à approuver le projet de banque qui lui était présenté par le Suisse Panchaud et l'Écos- sais Clonard. Ce projet, soutenu par Beaumarchais et que Turgot agréa, se gardait soigneusement de tout ce qui pouvait rappeler l'expérience de Law. Le mot même de banque, jugé trop compromettant, fut proscrit et, pour reprendre les termes de M. Harsin, « on camoufla, sous le nom trompeur de Caisse d'Escompte, une véritable banque d'émission» (1). Le nouvel établissement était une société en commandite par actions au capital de 15 millions, divisé en 5.000 actions d'un nominal de 3.000'livres. Sur ce capital, un tiers, soit 5 millions, devait servir de fonds de roulement à la Caisse, les deux autres tiers devant être déposés au Trésor, à la des engagements que pouvait prendre la nouvelle société. La' création de la Caisse, on le voit, présentait pour l'État cet avantage de lui donner quelques fonds, et dans une période il en avait grand besoin. Comme bien l'on pense, c'est cette considération qui prima toutes les autres dans l'appui que rencontra le plan de Panchaud. Mollien affirme dans ses Mémoires que Panchaud« était versé dans tous les genres de spéculation qui se font sur les places de Londres et d'Amsterdam. Le petit cercle qui se groupait (1) Harsin, Crédit public et Banque d'Etat en France du XVle au XVIlle siècle, 1933, p. 84.

Les débuts de la Caisse d'Escompte en 1776

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CHAPITRE II

LA CAISSE D'ESCOMPTE (1776-1793)ET LES ASSIGNATS (1791-1797)

C'est le 24 mars 1776,1. - LA CR~ATION ET LES D~BUTS plus d'un demi-siè-

DE LA CAISSE D'ESCOMPTE 1 è 1 h dc e apr sac ute e

Law, que le Conseil d'État se résolut à approuver le projet debanque qui lui était présenté par le Suisse Panchaud et l'Écos­sais Clonard. Ce projet, soutenu par Beaumarchais et que Turgotagréa, se gardait soigneusement de tout ce qui pouvait rappelerl'expérience de Law. Le mot même de banque, jugé tropcompromettant, fut proscrit et, pour reprendre les termes deM. Harsin, « on camoufla, sous le nom trompeur de Caissed'Escompte, une véritable banque d'émission» (1).

Le nouvel établissement était une société en commandite paractions au capital de 15 millions, divisé en 5.000 actions d'unnominal de 3.000'livres. Sur ce capital, un tiers, soit 5 millions,devait servir de fonds de roulement à la Caisse, les deux autrestiers devant être déposés au Trésor, à la sûr~té des engagementsque pouvait prendre la nouvelle société. La' création de laCaisse, on le voit, présentait pour l'État cet avantage de luidonner quelques fonds, et dans une période où il en avait grandbesoin. Comme bien l'on pense, c'est cette considération quiprima toutes les autres dans l'appui que rencontra le plan dePanchaud.

Mollien affirme dans ses Mémoires que Panchaud« était versédans tous les genres de spéculation qui se font sur les placesde Londres et d'Amsterdam. Le petit cercle qui se groupait

(1) Harsin, Crédit public et Banque d'Etat en France du XVle au XVIlle siècle,1933, p. 84.

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autour de lui espérait apprendre de lui la haute science de lafinance, c'est-à-dire l'art de spéculer sûrement sur les variationsdes cours des effets publics». Panchaud était donc un spécula­teur sur titres. C'était là une qualité qui ne le désignait pasparticulièrement pour constituer une banque d'émission. Aussihien Panchaud, tout comme l'Écossais Patterson qui créa laBanque d'Angleterre, ne resta-t-il que peu de temps à la têtede la maison dont il avait été le fondateur. Il fut évincé de laCaisse d'Escompte par les banquiers importants de la place deParis, auprès desquels il apparaissait comme un joueur sansgrande surface. Ces banquiers étaient suisses pour la plupart.

La faiblesse de Panchaud et de ses amis apparut d'ailleurstrès vite. Car si le capital de 15 millions fut rapidement souscrit,les versements effectifs se firent fort malaisément. A telleenseigne qu'en septembre 1776 le Trésor renonça à ses droitset remboursa à la Caisse les sommes qu'elle lui avait déjàversées. Il fallut attendre plusieurs années pour que les appels \faits aux actionnaires donnassent 12 millions, et c'est endéfinitive à ce chiffre que dut être ramené le capital de la Caisse.

L'objet avoué de la nouvelle société n'était pas l'émission debillets, mais le commerce des matières d'or et d'argent, l'es­compte des lettres de change à un taux ne pouvant dépas­ser 4 %, l'ouverture de comptes à tous particuliers qui désire-.raient la« charger en recette et en dépense» de leurs« deniers,caisses et paiemens » et ce sans que la nouvelle société pût« exiger d'eux aucune commission, rétribution ou retenuequelconque, et sous quelque dénomination que ce puisse être».Tout emprunt était interdit à la Caisse, laquelle, aux termes del'article 3 des statuts, ne pouvait contracter aucune obligationqui ne fût payable à vue. Mais, les billets étant précisémentremboursables à présentation, la Caisse, bien que le cas ne fûtpas expressément visé dans les statuts, était libre d'en émettre.Elle n'y manqua pas. Toutefois, elle se montra au début trèsprudente puisque, quinze mois après sa création, sa circulationn'atteignait pas 800.000 livres.

Financier avisé, Necker, quand il arriva aux affaires où ileuccédait à Turgot, chercha à développer les opérations de laCaisse. « Comme il apparaît des écrits mêmes du ministre­banquier, écrit M. Chappey, ce dernier partit de cette idée que

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FORMATION DES INSTITUTIONS 103

les mouvements de fonds entre banquiers parisiens avaient prisau XVIIIe siècle une importance considérable. Paris est devenula place où s'effectue le clearing des paiements et encaissementsdes commerçants en gros de l'ensemhle du pays. La monnaie depapier devra assurer ces mouvements de fonds d'une manièrecommode et peu coûteuse» (1).

Grâce aux efforts de Necker, la circulation de la Caissed'Escompte, qui était encore d'environ 1 million de livres au1er janvier 1778, quadrupla presque dans l'année.« C'est peu,écrit Harsin, si l'on songe qu'à la fin de l'année 1718, aprèstrente-et-un mois de fonctionnement, la Banque Générale de Lawavait émis, contre espèces ou lettres de change, près de 150 mil­lions (de billets). Il fallut d'ailleurs reprendre l'une des premièresmesures adoptées par l'Écossais pour accréditer son papier: onpermit la réception des billets de la Caisse d'Escompte auxfermes et aux recettes générales. En un an, la circulation doublaet elle atteignit 20 millions en 1781» (2). Elle était de 40 mil­lions en 1783. Cette dernière poussée ne correspondait malheu­reusement plus à un développement normal des opérationscommerciales. Car le Gouvernement, gêné dans sa trésorerie,avait obtenu de la Caisse un prêt secret de 24 millions et lacouverture métallique de la circulation ainsi grossie était deve­nue insuffisante. Cet état de choses transpira dans le public qui,pris de panique, demanda le remboursement de ses billets. Lasituation fut bientôt assez grave pour que, le 27 septembre 1783,le pouvoir royal dût intervenir et suspendre les remboursements.

Ainsi, il n'avait pas suffi à la Caisse d'Escompte de chercherà restreindre le cercle des porteurs de ses hillets en limitantla circulation à de grosses coupures (1.000, 600,300 et 200 livres).Bien qu'au moment où la panique se produisit, une dizainede maisons de banque, à elles seules, eussent chacune en caisse.plus de 1 million de hillets sur les 43 millions auxquels sechiffrait l'émission totale, et qu'ainsi le nombre de porteursnotables de hillets apparût très faihle, la Caisse d'Escompten'en fut pas moins victime d'un rune Les mesures grâce aux­quelles la Banque d'Angleterre, à ses débuts, avait pu s'assurer

(1) Chappey, op. cit., pp. 352 et 353.(2) Harsin, op. cil., pp. 85 et 86.

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104 LA MONNAIE ET SES INSTITUTIONS

une relative sécurité, s'avéraient ainsi peu efficaces dans notrepays. Chez nous, la confiance dans le billet de banque restaitextrêmement précaire quelle que fût la qualité des porteurs.

Diverses mesures furent prise~ pour ramener la confiance.Tout d'abord, la Caisse d'Escompte s'appliqua à réduire lacirculation. D'autre part, elle décida d'augmenter son capitalde 3 millions; cette opération fut réalisée par l'émission au pairde 1.000 actions nouvelles. Il fut également décidé d'imposerdésormais à la Caisse un plafond d'émission et un minimum decouverture métallique. Enfin, défense fut faite à l'Institutd'émission d'escompter les effets ayant moins de 3 signatures ouplus de trois mois à courir. Ainsi se dégageaient, sous la pressiondes nécessités, les points essentiels d'une réglementation del'émission.« Le succès couronna ces efforts: à la fin de 1784 lacirculation arrivait à 70 millions et les escomptes du secondsemestre de cette année avaient atteint 143 millions. Lesactions, émises à 3.000 livres, en cotaient 8.000 et le dividendedistrihué avait dépassé 9 % (1.800.000 livres)>> (1).

D'après ses sta­2. - LES OPÉRATIONS COMMERCIALES tuts la Caisse

DE LA CAISSE D'ESCOMPTE d'E ' . .scompte, aInSI

d'ailleurs que le fait prévoir sa raison sociale, avait pour rôled'« escompter des lettres de change ou autres effets à échéancefixe, commerçables ». M. Chappey s'est posé la question desavoir ce qu'il faut entendre par les mots « effets commer­çahles ». « Le XVIIe siècle, écrit-il, entend par « effe~s » lesdifférents éléments dont l'ensemhle constitue par solde lasituation de fortune de telle entreprise ou de telle personne. Auhilan de cette entreprise ou de cette personne figurent, d'uncôté, ses effets actifs et, de l'autre, ses effets passifs. Dans sonParfait Négociant, Savary nous précise que les effets actifscomprennent non seulement les lettres de change, les billets, lescréances inscrites au journal, mais aussi les immeubles, les mar­chandises, l'outillage... Toutefois, dès le début du XVIIIe siècle...l'usage tend à s'établir de désigner sous le nom d' « effetscommerçables », parmi l'ensemble des effets, une catégorie

(1) Harsin, op. cit., p. 88.

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