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279 Ann. Endocrinol., 2005 ; 66, 3 : 279-283 © Masson, Paris, 2005 HYPOPHYSE – THYROÏDE Les diabètes monogéniques : une dimension à intégrer dans la pratique clinique des diabétologues R. Valéro (1) , S. Béliard (1) , V. Paquis-Fluckinger (2) , B. Vialettes (1) (1) Service de Nutrition, Maladies métaboliques et Endocrinologie, Hôpital de la Timone, CHU de Marseille, rue Saint-Pierre, 13005 Marseille. (2) Laboratoire de Génétique, Faculté de Médecine, CHU de Nice. Tirés à part : B. Vialettes, à l’adresse ci-dessus. e-mail : [email protected] Monogenic diabetes: a useful dimension for diabetology practice R. Valéro, S. Béliard, V. Paquis-Fluckinger, B. Vialettes Ann. Endocrinol., 2005 ; 66, 3 : 279-283 The number of identified monogenic diabetes progressively increases with time even if these forms of diabetes represent less than 5% of the cases. Every monogenic diabetes is characterized by an impairment of Beta cell at various levels. They are good models of diabetes-prone mechanisms. Diabetologists should recognize these forms because the management of the patients could be modified as a function of the genetic anomaly, in terms of either choice of hypoglycaemic agents, prognostic, management of associated manifestations or genetic counselling. Key words: Diabetes, genetics, diagnosis, mitochondria, MODY. Les diabètes monogéniques : une dimension à intégrer dans la pratique clinique des diabétologues La liste des diabètes monogéniques s’allonge de jour en jour même si leur fréquence n’excède pas 5 % des cas de diabète. Ces formes de diabète intéressent toutes la cellule Bêta à des niveaux divers et sont à ce titre des exemples de méca- nismes pouvant conduire au diabète. Le spécialiste diabétologue doit être capable de les reconnaître car la conduite thérapeutique qui découle de ce diagnostic no- sographique peut en être modifiée, soit dans le choix de l’hypoglycémiant, soit dans le pronostic, soit dans la prise en charge de manifestations associées, soit en- fin pour le conseil génétique. Mots-clés : Diabète, génétique, diagnostic, mitochondrie, MODY. Les diabètes monogéniques apparais- sent de plus en plus nombreux alors que parallèlement les gènes impli- qués dans la genèse des diabètes « communs », de type 1 comme de type 2, semblent si difficiles à carac- tériser. Même si ces formes généti- quement authentifiées sont diverses, il n’en demeure pas moins qu’elles paraissent relativement rares en prati- que quotidienne. On pourrait avoir l’impression que ces formes aty- piques de diabète restent l’apanage des services de diabétologie hyper- spécialisés. Un tel sentiment serait une erreur pour diverses raisons. D’abord, leur rareté n’est qu’appa- rente. Il suffit de rendre plus aigu l’œil clinique, de ne pas négliger des associations pathologiques ou des modes particuliers de transmission fa- miliale, pour découvrir de tels cas. L’expérience des réseaux nationaux sur les diabètes mitochondriaux, les MODY ou bien encore des syn- dromes de Wolfram confirme que bien des cas répertoriés dans ces re- gistres sont pris en charge et ont été diagnostiqués par des endocrino- logues de terrain. La deuxième raison est que la reconnaissance des ces for- mes monogéniques de diabète n’est pas sans influence sur la prise en charge médicale des patients. La ca- ractérisation génétique d’un diabète peut conduire à une inflexion ou à une confirmation de la thérapeutique antidiabétique. Elle peut aussi asso- cier un pronostic particulier à ce dia- bète, soit favorable (exemple du

Les diabètes monogéniques : une dimension à intégrer dans la pratique clinique des diabétologues

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279

Ann. Endocrinol., 2005 ; 66, 3 : 279-283© Masson, Paris, 2005

HYPOPHYSE – THYROÏDE

Les diabètes monogéniques : une dimension à intégrer dans la pratique clinique des diabétologues

R. Valéro

(1)

, S. Béliard

(1)

, V. Paquis-Fluckinger

(2)

, B. Vialettes

(1)

(1) Service de Nutrition, Maladies métaboliques et Endocrinologie, Hôpital de la Timone, CHU de Marseille, rue Saint-Pierre, 13005 Marseille.(2) Laboratoire de Génétique, Faculté de Médecine, CHU de Nice.

Tirés à part :

B. Vialettes, à l’adresse ci-dessus.e-mail : [email protected]

Monogenic diabetes: a useful dimension for diabetology practice

R. Valéro, S. Béliard, V. Paquis-Fluckinger, B. Vialettes

Ann. Endocrinol., 2005 ; 66, 3 : 279-283

The number of identified monogenic diabetes progressively increases with time evenif these forms of diabetes represent less than 5% of the cases. Every monogenicdiabetes is characterized by an impairment of Beta cell at various levels. They aregood models of diabetes-prone mechanisms. Diabetologists should recognize theseforms because the management of the patients could be modified as a function ofthe genetic anomaly, in terms of either choice of hypoglycaemic agents, prognostic,management of associated manifestations or genetic counselling.

Key words:

Diabetes, genetics, diagnosis, mitochondria, MODY.

Les diabètes monogéniques : une dimension à intégrer dans la pratique cliniquedes diabétologues

La liste des diabètes monogéniques s’allonge de jour en jour même si leurfréquence n’excède pas 5 % des cas de diabète. Ces formes de diabète intéressenttoutes la cellule Bêta à des niveaux divers et sont à ce titre des exemples de méca-nismes pouvant conduire au diabète. Le spécialiste diabétologue doit être capablede les reconnaître car la conduite thérapeutique qui découle de ce diagnostic no-sographique peut en être modifiée, soit dans le choix de l’hypoglycémiant, soitdans le pronostic, soit dans la prise en charge de manifestations associées, soit en-fin pour le conseil génétique.

Mots-clés :

Diabète, génétique, diagnostic, mitochondrie, MODY.

Les diabètes monogéniques apparais-sent de plus en plus nombreux alorsque parallèlement les gènes impli-qués dans la genèse des diabètes« communs », de type 1 comme detype 2, semblent si difficiles à carac-tériser. Même si ces formes généti-quement authentifiées sont diverses,il n’en demeure pas moins qu’ellesparaissent relativement rares en prati-que quotidienne. On pourrait avoirl’impression que ces formes aty-piques de diabète restent l’apanagedes services de diabétologie hyper-spécialisés. Un tel sentiment seraitune erreur pour diverses raisons.D’abord, leur rareté n’est qu’appa-rente. Il suffit de rendre plus aigul’œil clinique, de ne pas négliger desassociations pathologiques ou desmodes particuliers de transmission fa-miliale, pour découvrir de tels cas.L’expérience des réseaux nationauxsur les diabètes mitochondriaux, lesMODY ou bien encore des syn-dromes de Wolfram confirme quebien des cas répertoriés dans ces re-gistres sont pris en charge et ont étédiagnostiqués par des endocrino-logues de terrain. La deuxième raisonest que la reconnaissance des ces for-mes monogéniques de diabète n’estpas sans influence sur la prise encharge médicale des patients. La ca-ractérisation génétique d’un diabètepeut conduire à une inflexion ou àune confirmation de la thérapeutiqueantidiabétique. Elle peut aussi asso-cier un pronostic particulier à ce dia-bète, soit favorable (exemple du

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MODY2), soit dramatique (exemple du syndrome deWolfram). Elle peut aussi conduire à rechercher des ma-ladies associées qui nécessitent un traitement ou uneprise en charge particulière. Enfin, dans des contextes fa-miliaux ou pour des formes particulièrement graves, ilpeut exister une demande de conseil génétique, voire dediagnostic prénatal. Dans certains cas, enfin, la caractéri-sation de l’origine génétique d’un diabète chez le propo-sant peut conduire à améliorer la prise en charge desautres membres de la famille. Tous ces éléments justi-fient que le diagnostic nosographique fasse partie inté-grante des préoccupations du diabétologue confronté àun nouveau cas de diabète.

Il est aussi important de préciser que sauf quelquesexceptions, ces formes de diabètes monogéniques sontà l’interface entre les diabètes de type 1 et les diabètesde type 2. Ainsi, dans les diabètes mitochondriaux oudans certains MODY, l’insulino-dépendance et l’insu-lino-indépendance sont-elles parfois observées au seind’une même famille.

Dans cette revue des diverses formes monogéniquesde diabètes nous nous bornerons à rappeler les aspectspratiques du diagnostic ou de la prise en charge de cescas par le diabétologue.

LES DIABÈTES MODY

(MATURITY-ONSET

DIABETES OF THE YOUNG)

Les diabètes MODY sont caractérisés par un diabètede type 2 non cétosique transmis au sein de la familleselon le mode autosomique dominant et apparaissantprécocement dans la vie. Ils représentent 1 % à 5 %des diabètes. En fait cette classe nosographique esthétérogène regroupant des formes de diabète de sé-vérités variables et de mécanismes différents. Deuxformes de MODY dominent les autres par leur fré-quence, le MODY 2 et le MODY 3. Les autres sontplus anecdotiques.

MODY 2

Le MODY 2 est la première forme de ce type qui a étécaractérisée au niveau moléculaire. Il s’agit de mutationsdu gène de la glucokinase, enzyme de la voieglycolytique, spécifique de la cellule Bêta et de l’hépato-cyte. Le rôle de « capteur de glucose » de cette enzymepour ces deux cellules explique l’expression clinique. Ils’agit d’un diabète caractérisé essentiellement par unehyperglycémie à jeun modérée traduisant le défaut spé-cifique de signalisation par le glucose. Les autres méca-nismes régulant la sécrétion d’insuline comme lesentéro-hormones sont préservés expliquant une réponsepostprandiale quasi normale. Une autre caractéristique

de ce syndrome est l’absence d’évolutivité du diabèteavec le temps, liée à l’absence de glucotoxicité.

Cette forme de diabète apparaît dès la naissance. Letraitement n’est pas toujours nécessaire, au moins tantque l’HbA1c ne dépasse pas la barre des 6,5 %. Si untraitement est nécessaire, il n’existe pas de consensuspour le choix de l’hypoglycémiant. Les insulino-secréta-gogues sont préférés mais ils peuvent faire courir unrisque d’hypoglycémie. Enfin, l’insuline doit être envisa-gée au cours des grossesses. La caractérisation géné-tique de cette forme est particulièrement utile pouréviter une insulinothérapie que l’âge du sujet et l’ab-sence d’obésité pourraient faussement suggérer et pourrassurer le patient et sa famille du fait du pronostic ex-cellent du MODY 2.

MODY 3

Le MODY 3 est aussi relativement fréquent. L’anoma-lie moléculaire en cause est une mutation d’un facteurde transcription de la cellule Bêta et de l’hépatocyte,

HNF-1

α

(Hepatic Nuclear Factor 1

α

)

. Il existe unegrande hétérogénéité dans l’expression clinique, voiredans la pénétrance, du MODY 3 même au sein d’unemême famille. Il peut s’agir d’un « diabète de type 2 »prématuré et sans obésité. La présentation cliniquepeut être aussi un diabète apparemment de type 1mais auquel manque la présence des marqueurs im-munogénétiques de cette affection (anticorps antiGAD et/ou HLA prédisposant). Une caractéristique decette forme de diabète est la présence d’une glycosu-rie rénale par diminution du seuil de réabsorptionmaximale du glucose au niveau du tubule rénal. Ilexiste aussi une sensibilité toute particulière de cetteforme de diabète aux sulfamides hypoglycémiants [5].Ces diabètes ont le même pronostic que les diabètescommuns en terme d’évolutivité ou de complicationsmicro- ou macro-vasculaires. Une association entre leMODY 3 et une adénomatose hépatique a été obser-vée dans quelques familles, suggérant qu’une écho-graphie hépatique doit figurer dans le bilan despatients atteints de MODY 3 [12].

Les autres MODY

Les autres formes de MODY sont plus rares.Le MODY 1, du à une mutation de

HNF-4

α

,

est trèsproche dans son expression et son pronostic du MODY 3.

Le MODY 5 est aussi relié à des mutations d’un autrefacteur de transcription,

HNF-1

β

. L’expression clinique aété analysée dans une série française par Christine Bel-lané-Chantelot [4]. La sévérité du trouble de la tolé-rance glucidique est variable, le diabète apparaissantentre 20 et 38 ans. Il existe souvent une atrophie pan-

Vol. 66, n° 3, 2005 Les diabètes monogéniques : une dimension à intégrer dans la pratique clinique des diabétologues

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créatique associée à une insuffisance sécrétoire exo-crine. Une dysplasie des reins (petite taille, perte de lacorticale, kystes) conduisant souvent à une insuffisancerénale est observée. On note aussi des anomalies dutractus génital avec chez la femme des malformationsde l’utérus et chez l’homme des kystes épididymaires,une atrophie des déférents ou une asthénospermie.Une élévation des enzymes hépatiques est relativementfréquente. Il est à relever que certains phénotypes trèsvoisins sont associés à un gène

HNF-1

β

normal, suggé-rant l’existence d’autres gènes de la même famille oude la même voie de régulation.

Les autres formes de diabète MODY 4 et 6 sont liés àdes mutations de gènes impliqués dans le développe-ment et la spécialisation des cellules Bêta. Le MODY 4par anomalie du facteur de transcription

IPF-1

(

InsulinPromoter Factor-1

) entraîne un diabète de type MODYdans sa forme hétérozygote et une agénésie pancréa-tique dans sa forme homozygote. Le MODY 6 est, lui,lié à une mutation du gène

NeuroD1

(

NEUROgenic Dif-ferentiation factor 1

). Enfin, certains MODY restent en-core mystérieux (MODY X).

LES DIABÈTES MITOCHONDRIAUX

Les mitochondries possèdent leur propre matérielgénétique codant une partie des protéines impliquéesdans la chaîne respiratoire. Certaines mutations,délétions ou duplications de l’ADN mitochondrialpeuvent être diabétogènes. En général le diabètes’inscrit dans un contexte particulier résumé parl’acronyme MIDD (

Maternally Inherited, Diabetes,Deafness

). Ces formes ont été décrites de manière ex-tensive grâce à la cohorte française analysée par legroupe GEDIAM [6].

On pensera à la possibilité d’un MIDD quand sont réu-nies au moins deux des conditions suivantes :• surdité neurosensorielle acquise• transmission matrilinéaire du diabète et/ou de la sur-dité au sein de la famille• anomalies de l’épithélium pigmentaire rétinien dites« poivre et sel » (

macular pattern dystrophy

)• anomalies neurologiques ou musculaires évocatricesd’un syndrome MELAS (

MyoEncephalopathy, Lactic Aci-dosis, Stroke-like episodes

) avec une intolérance mus-culaire à l’effort, des migraines ou des accidentsvasculaires transitoires, un ptosis de la paupière…• insuffisances hormonales (hypoparathyroidie, hypo-gonadisme)• manifestations digestives à type de constipation, dediarrhée ou d’épisodes d’occlusion fonctionnelle

Ces diabètes peuvent revêtir tous les modes de pré-sentation de l’intolérance au glucose à l’insulinodépen-

dance absolue. Le plus souvent, il s’agit de formesévoluant en deux temps, d’abord non insulinodépen-dante puis échappant secondairement aux hypoglycé-miants oraux. Les anticorps anti GAD sont absents.L’équilibre métabolique est assez facile à obtenir. L’obé-sité semble rare. Ces patients sont relativement proté-gés de la rétinopathie diabétique et de l’hypertensionartérielle. En revanche le risque de complication rénaledemeure élevé probablement du fait de la possibilitéd’une influence du défaut oxydatif sur la fonction deces organes. Le pronostic du MIDD est aussi dépendantdes manifestations associées. On retiendra surtout lerisque de myocardiopathie et/ou de troubles du rythmecardiaque. Une surveillance semestrielle par échogra-phie et ECG est à préconiser. Enfin, de grandes crises,types MELAS, dominées par une hyperlactatémiepeuvent aussi survenir en particulier après un jeûne glu-cidique prolongé.

La caractérisation moléculaire de l’anomalie génétiqueest nécessaire au diagnostic. Elle peut cependant poserdes problèmes du fait de la multiplicité des mutationsdiabétogènes [15] d’une part et de l’hétéroplasmied’autre part [10]. La mutation la plus fréquente est loca-lisée dans la partie codant l’ARN de transfert de laleucine,

A3243G

. Néanmoins, de multiples autres muta-tions disséminées sur l’ADN mitochondrial ont aussi étéassociées à des cas de diabète [15], quoique beaucoupplus exceptionnelles que la mutation

A3243G

. Onpourra les rechercher quand il existe une très forte pré-somption de MIDD et que la mutation

A3243G

estabsente.

Le deuxième problème tient au choix du tissu servantau diagnostic moléculaire. Dans certains tissus à fortpouvoir réplicatif, comme les cellules sanguines, la mu-tation peut devenir de moins en moins présente avecl’âge et devenir même indétectable. L’hétéroplasmie faitque pourtant dans d’autres organes ou tissus elle peutêtre encore représentée de manière majoritaire. Le tissude référence pour le diagnostic moléculaire est lemuscle mais il nécessite une biopsie qui est un acte in-vasif. Dans notre expérience, le frottis buccal est un pré-lèvement qui donne une sensibilité très intéressantemême dans les cas où la recherche de la mutation dansle sang est négative [10].

Le conseil génétique dans ces formes peut être parfoisdélicat. On rassurera sans arrière pensée un homme quinous interroge sur le risque présenté par sa descen-dance puisque la maladie est exclusivement transmisepar les mères. En revanche, si l’on peut être quasimentcertain que l’ADN mitochondrial muté sera transmis à ladescendance d’une femme atteinte, on ne peut pas pré-dire l’expression clinique qui peut lui être associée et en-core moins l’âge d’apparition des diverses complicationschez ses enfants.

R. Valéro et al. Ann. Endocrinol.

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LES DIABÈTES MONOGÉNIQUES

APPARENTÉS AU DIABÈTE DE TYPE 1

Ces diabètes se présentent comme des diabète detype 1 avec une insulinodépendance rapide. Deux d’entreeux ont un substratum auto-immun voisin du diabètecommun (les syndromes APECED et IPEX) et le troisièmerépond à un trouble de la réplication des cellules Bêta(le syndrome de Wolfram).

Le syndrome APECED (Autoimmune Polyendocrinopathy Candidiasis Ectodermal Dystrophy) [11]

Ce syndrome, nommé aussi syndrome de Whitaker ouSyndrome polyendocrinien autoimmun de type 1 (APS-1),est défini par la coexistence d’au moins deux des ano-malies suivantes : une hypoparathyroïdie, une insuffi-sance surrénale et une candidose cutanéo-muqueuse. Ilpeut s’y associer bien d’autres maladies auto-immunes àtropisme endocrinien dont d’authentiques diabètes detype 1. Cette maladie rare est due à une mutation dugène

AIRE (AutoImmune REgulator)

qui code pour unfacteur de transcription des cellules épithéliales thy-miques contrôlant l’expression de protéines ectopiquesreprésentatives des divers organes ou tissus de l’orga-nisme [14]. L’anomalie de AIRE conduit à une altérationde la sélection négative des clones T autoréactifs. Lepronostic de cette maladie est surtout dominé par lesconséquences de la mycose chronique.

Le syndrome IPEX (Immune Polyendocrinopathy Enteropathy X-linked syndrome) [3]

Ce syndrome très exceptionnel de la petite enfance estcaractérisé par une association pathologique mettant enjeu le pronostic vital à court terme. Il est dominé parune diarrhée incoercible due à une atteinte auto-im-mune du tube digestif. Un diabète de type 1 est aussiprésent dans un contexte dysimmunitaire multiorganeintéressant la thyroïde, l’hématopoïèse, le rein… Latransmission est liée à l’X avec quelques formes spo-radiques chez le garçon. Il s’agit d’une maladie rapidementmortelle même si des améliorations transitoires ont étéobtenues par la greffe de moelle allogénique. Le méca-nisme en cause est une invalidation fonctionnelle d’unesubstance nommée la scurfine par mutation du gène

FOX-P3

. La scurfine est un facteur de transcription es-sentiel à l’apparition des cellules T régulatrices (Treg) auphénotype CD4+CD25+ [16]. Celles-ci sont absentes aucours du syndrome IPEX libérant ainsi de nombreuxclones T autoréactifs du contrôle périphérique qui em-pêche leur nocivité.

Le syndrome de Wolfram ou DIDMOAD

(Diabetes Insipidus, Diabetes Mellitus, Optic Atrophy, Deafness)

Le syndrome de Wolfram est caractérisé par un en-semble de manifestations ou handicaps concernant lepancréas endocrine et le tissus nerveux. Le tableauclinique [2], particulièrement sévère, s’installe progressi-vement avec des séquences variables d’un individu àl’autre. Il comporte : un diabète juvénile apparemmentde type 1 mais sans autoanticorps et indépendant desspécificités HLA (médiane d’âge d’apparition : 6 ans),une atrophie optique entraînant rapidement un handi-cap visuel sévère (médiane : 11 ans), une surdité neuro-sensorielle (présente dans 62 % des cas dans ladeuxième décennie), un diabète insipide (73 % dans lamême tranche d’âge). Apparaissent en général plustard, des anomalies fonctionnelles urinaires (vessie neu-rologique reflux, dilatation des voies urinaires…), destroubles neurologiques (ataxie, myoclonies, dysautono-mie, atrophie du tronc cérébral et du cervelet…), desmanifestations psychiatriques (dépression, épisodes sui-cidaires, démence…). L’espérance de vie est raccourciepuisque l’âge moyen du décès est de 30 ans.

Le diagnostic de cette affection est avant toutclinique, reposant sur la conjonction d’un diabète insuli-nodépendant et d’une atrophie optique avant l’âge de20 ans. Il est maintenant possible de confirmer le dia-gnostic clinique par une étude moléculaire du gène

WFS-1.

Dans la plupart des cas, les anomalies observéessont des mutations homozygotes (consanguinité) ou hé-térozygotes composites [7]. Un autre gène WFS-2 aaussi été décrit. Il serait impliqué dans des formes desyndrome de Wolfram sans diabète insipide mais aveculcérations digestives et hémorragies [1]. L’identificationdes anomalies génétiques responsables permet d’envisa-ger un diagnostic prénatal de l’affection.

Le diabète est insulinoprive et donc insulinodépen-dant. Les marqueurs immunogénétiques du diabète detype 1 sont cependant absents. Le mécanisme serait uneanomalie du développement des cellules Bêta qui, enl’absence de wolframine active, seraient incapables dese répliquer et deviendraient hypersensibles aux phéno-mènes pro-apoptotiques [8].

L’HÉMOCHROMATOSE

Historiquement, l’hémochromatose est la premièreforme de diabète monogénique reconnue. Le diabètes’inscrit dans un tableau clinique composite : hépatomé-galie, hypogonadisme, chondrocalcinose, mélanoder-mie, cardiomyopathie. Il peut constituer la premièreexpression de la surcharge ferrique. Le diagnostic de

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cette maladie récessive est évoqué devant une augmen-tation du coefficient de saturation de la transferrine(> 45 %) associée ou non à une hyperferritinémie. Il estconfirmé par la recherche d’une homozygotie pour lamutation C282Y sur le gène HFE1. Le rôle de polymor-phismes comme H63D ou S65C sur la surcharge mar-tiale et/ou l’hémochromatose est plus que discuté.L’IRM permet de quantifier la surcharge hépatique enfer et d’éviter le plus souvent la biopsie hépatique. Letraitement spécifique par les saignées est importantpour éviter les conséquences à long terme de la sur-charge martiale et notamment le cancer du foie.

À cette forme classique d’hémochromatose (diteHFE1), la plus fréquente en particulier dans le nord-ouest de l’Europe, on associe d’autres causes géné-tiques de la surcharge en fer (revue in 9) :• l’hémochromatose juvénile (HFE2A) due à des muta-tions sur un gène non identifié du chromosome 1 et ca-ractérisée par une expression précoce dominée parl’hypogonadisme et la cardiomyopathie,• l’hémochromatose HFE3 due à des mutations dugène codant le récepteur 2 de la transferrine (

TfR2

)(quelques familles décrites en Italie ou Sicile),• l’hémochromatose HEF4 due à une mutation du gènede la ferroportine 1 (

FPM1

). C’est la deuxième caused’hémochromatose en France. Elle est caractérisée parune discordance entre une hyperferritinémie et un coef-ficient de saturation de la transferrine normal ou sub-normal,• l’hémochromatose HFE5, autosomique dominante,causée par des mutations dans la sous-unité H de la fer-ritine (une famille japonaise),• l’hémochromatose HFE6 dont le gène est celui del’hepcidine (

HAMP

)Au total, la liste est longue des causes monogéniques

de diabète. Dans la plupart des cas, le diagnostic peutêtre aisément suggéré par l’existence d’associationscliniques inhabituelles ou une transmission familiale évo-catrice. Si le diagnostic moléculaire est maintenant acces-sible, au moins dans des laboratoires de référence, il estimportant de rappeler que la demande d’une confirma-tion biologique n’est justifiée que parce qu’il existe aumoins une très forte présomption clinique.

Outre l’intérêt pratique d’une telle approche diagno-stique pour la prise en charge des malades, il fautreconnaître que la description de ces formes relativementsimples de diabète est un outil irremplaçable pourcomprendre les mécanismes qui conduisent au diabètecommun. On remarquera que toutes ces formes mono-géniques sont dues à des anomalies fonctionnelles locali-sées au niveau de la cellule Bêta elle-même. C’est uneévidence qui rappelle que, même si l’insulinorésistance

est un facteur de risque important, les altérations qualita-tives et quantitatives des cellules productrices d’insulinesont les éléments déterminants du développement dudiabète.

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