9
2 Chapitre Les Édifices Ordonnées : Les cristaux FIGURE 2.1: L’obsidienne est un matériau amorphe, il se brise le long de lignes courbes. L’obsidienne est produite lorsque la foudre frappe du sable, ce qui fait rapidement pas- ser le sable sous forme de liquide, qui se re- froidit ensuite très rapidement. Dans ce chapitre nous étudions deux grandes familles de solides : les solides amorphes et les solides cristallins. Ces deux types de solides se dis- tinguent par certaines de leurs propriétés à l’échelle macroscopique, cepen- dant c’est véritablement l’agencement miscroscopique de leurs constituants qui les distingue : les atomes d’un solide cristallin sont ordonnés, alors que les atomes d’un solide amorphe sont désordonnés. Dans ce chapitre nous présentons ces deux types de solide à l’échelle macroscopique, puis étudions en détails la structure microscopique des cristaux. 1 Les différents types de solides 1.1 Les solides amorphes Les solides amorphes sont les solides tels que le verre, ou l’obsidienne, (voir figure 2.1. Les atomes des matériaux amorphes sont désordonnés car ils sont obtenus suite au refroidissement très rapide d’un liquide, ce qui ne donne pas assez de temps aux atomes pour s’ordonner. Un solide amorphe, c’est un fluide figé, sans ordre de position au delà de l’échelle moléculaire. Cet agencement désordonné des constituants à l’échelle microscopique se répercute sur les propriétés macroscopiques des solides amorphes, par exemple ils se brisent le long de lignes courbes. Nous n’approfondirons pas l’étude des solides amorphes dans le cadre de ce cours. 1.2 Un cristal : Le chlorure de sodium FIGURE 2.2: Échantillon de chlorure de so- dium NaCl (aussi utilisé comme sel de table), mines de sel de Wieliczka, en Pologne. Ce so- lide se rompt le long de facettes bien planes. C RÉDITS P HOTO : Didier Descouens Les cristaux vont occuper une part plus importante du cours. Pour cela avant de les définir dans le cas général, nous présentons un cas particulier :

Les Édifices Ordonnées : Les cristaux

  • Upload
    others

  • View
    3

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Les Édifices Ordonnées : Les cristaux

2

Cha

pitre

Les ÉdificesOrdonnées : Les

cristaux

FIGURE 2.1: L’obsidienne est un matériauamorphe, il se brise le long de lignes courbes.L’obsidienne est produite lorsque la foudrefrappe du sable, ce qui fait rapidement pas-ser le sable sous forme de liquide, qui se re-froidit ensuite très rapidement.

Dans ce chapitre nous étudions deux grandes familles de solides : les

solides amorphes et les solides cristallins. Ces deux types de solides se dis-

tinguent par certaines de leurs propriétés à l’échelle macroscopique, cepen-

dant c’est véritablement l’agencement miscroscopique de leurs constituants

qui les distingue : les atomes d’un solide cristallin sont ordonnés, alors que

les atomes d’un solide amorphe sont désordonnés.

Dans ce chapitre nous présentons ces deux types de solide à l’échelle

macroscopique, puis étudions en détails la structure microscopique des

cristaux.

1 Les différents types de solides

1.1 Les solides amorphes

Les solides amorphes sont les solides tels que le verre, ou l’obsidienne,

(voir figure 2.1. Les atomes des matériaux amorphes sont désordonnés car

ils sont obtenus suite au refroidissement très rapide d’un liquide, ce qui ne

donne pas assez de temps aux atomes pour s’ordonner. Un solide amorphe,

c’est un fluide figé, sans ordre de position au delà de l’échelle moléculaire.

Cet agencement désordonné des constituants à l’échelle microscopique

se répercute sur les propriétés macroscopiques des solides amorphes, par

exemple ils se brisent le long de lignes courbes.

Nous n’approfondirons pas l’étude des solides amorphes dans le cadre de

ce cours.

1.2 Un cristal : Le chlorure de sodium

FIGURE 2.2: Échantillon de chlorure de so-dium NaCl (aussi utilisé comme sel de table),mines de sel de Wieliczka, en Pologne. Ce so-lide se rompt le long de facettes bien planes.C R É D I T S PH OTO : Didier Descouens

Les cristaux vont occuper une part plus importante du cours. Pour cela

avant de les définir dans le cas général, nous présentons un cas particulier :

Page 2: Les Édifices Ordonnées : Les cristaux

2 M RC A Z A

le chlorure de sodium, utilisé par exemple comme sel de table.

Le chlorure de sodium, issu de l’évaporation de l’eau de mer, présente

une structure à facettes, comme l’illustre la figure 2.2. Lorsqu’on découpe ces

facette, la structure à facettes est préservée : on découpe facilement le sel en

cubes, que l’on peut à leur tour découper en cubes et ainsi de suite.

On peut alors s’interroger : peut-on découper indéfiniment le sel et tou-

jours obtenir de plus petits cubes ? La réponse est négative : en effet, lorsqu’on

atteint l’échelle atomique 1, on découvre un agencement microscopique bien 1. L’échelle atomique correspond à des lon-gueurs de l’ordre de l’angström, noté Å 1Å =1×10−10 m

particulier entre les ions Na+ et Cl – , comme l’illustre la figure 2.3 : le sel est

constitué de la répétition périodique d’un motif dans trois directions de

l’espace.

Na Cl

Cl

Na

Cl

Na

Na

Cl

Na

Cl

Na

Cl

b

c

a

Cl

Na

Na

Cl

Cl

Na

Cl

Na

Na

Cl

Na

Na

Cl

Cl

Na

FIGURE 2.3: Structure microscopique duchlorure de sodium NaCl, visualisée sur le lo-giciel Vesta. Les centres des ions Cl – et Na+

sont séparés de a = 2.57Å.

Page 3: Les Édifices Ordonnées : Les cristaux

S . C A Z AY U S : C O U R S D ’ E N S E I G N E M E N T S C I E N T I F I QU E 1È R E 2020-2021 3

Propriété 2.1: Lien macro-micro

De nombreuses propriétés macroscopiques peuvent s’expliquer à

partir de la structure microscopique du sel. Par exemple on peut cite :

• La friabilité est due à la faiblesse des liaisons entre groupes NaCl !

• La masse volumique dépend de l’agencement spatial des atomes

et de leur masse.

1.3 Les cristaux : cas général

a)

b)

c)

FIGURE 2.4: E X E M P L E S D E C R I S TAU X :a) Un motif (en rouge) se répète périodique-ment dans une direction, on parle d’un cris-tal à une dimension (1D).b) Un motif (en rouge) se répète dans deuxdirections, on parle d’un cristal à deux di-mensions (2D).c) Aucun motif ne se répète de façon pério-dique, ce n’est pas un cristal.

Le chlorure de sodium n’est pas un cas isolé de solide à facettes. En effet

on peut observer que le quartz, le diamant, le graphite, la glace d’eau, le

cuivre, l’or, le plutonium etc... présentent un ordre spatial périodique de

leurs constituants à l’échelle miscroscopique. Il appartiennent tous à une

même famille d’éléments chimiques : les cristaux.

Définition 2.1: Cristal

Un cristal est défini par un motif répété périodiquement dans une

ou plusieurs directions de l’espace.

Définition 2.2: Maille élémentaire

Dans un cristal, une maille est une zone de l’espace à partir de la-

quelle on peut reconstituer le cristal par répétition périodique. Elle

est dite élémentaire si elle ne contient pas de sous-maille plus petite.

(Voir figure 2.5)

FIGURE 2.5: E X E M P L E S : Voici deux cristauxen 2D : un cristal carré et un cristal hexago-nal. Les atomes sont représentés en bleu etles liaisons en noir. En rose, nous colorionsdes mailles : laquelle n’est pas élémentaire ?Pourquoi ?

Page 4: Les Édifices Ordonnées : Les cristaux

4 M RC A Z A

1.4 TODO : Plusieurs formes cristallines d’un même com-

posé (variétés allotropes)

Un composé de formule chimique donnée peut cristalliser sous différents

formes de structures qui ont des propriétés macroscopiques différentes.

Ainsi les minéraux se caractérisent par leur composition chimique et leur

organisation cristalline. Une roche est formée de l’association de cristaux

d’un même minéral ou de plusieurs minéraux. Des structures cristallines

existent aussi dans les organismes biologiques (coquille, squelette, calcul

rénal, etc.).

2 Propriétés des cristaux en 3D

Jusqu’à présent, nous avons seulement présenté des cristaux 1D et 2D

par soucis didactique, car cela est plus simple pour définir les notions de

maille et de motif. Cependant la majorité des cristaux présents dans la nature

cristallisent dans 3 directions de l’espace (on parle de cristaux 3D). À partir

de maintenant, nous ne parlons plus que de cristaux 3D.

La plus simple des mailles que l’on puisse réaliser en 3D est la maille

cubique. Lorsqu’on positionne des atomes de différentes façons dans la

maille cubique, on obtient différents cristaux. Par la suite, nous proposons

l’étude de deux cristaux dérivés de la maille cubique : le cristal cubique

simple et le cristal cubique à faces centrées.

En 2.1 nous définissons des grandeurs reliées aux cristaux 3D, ces gran-

deurs permettent de montrer que l’étude du contenu d’une seule maille d’un

cristal permet de déduire les propriétés du solide dans son ensemble. En 2.2

nous présentons et nous étudions la maille cubique simple en détails pour

manipuler ces grandeurs dans leur contexte. En 2.3 nous présentons et nous

étudions la maille cubique simple en détails.

2.1 Définitions

Définition 2.3: Nombre d’atomes par maille

Le nombre d’atomes par mailles N est le nombre d’atomes COM-

PLETS que contient une maille du cristal.

Définition 2.4: Compacité

La compacité d’un cristal, notée c, c’est la proportion de volume

occupée dans une maille :

c = Voccupé

Vmai l le

Page 5: Les Édifices Ordonnées : Les cristaux

S . C A Z AY U S : C O U R S D ’ E N S E I G N E M E N T S C I E N T I F I QU E 1È R E 2020-2021 5

La structure microscopique du cristal conditionne certaines de ses pro-

priétés macroscopiques, dont la masse volumique. En effet, par définition,

la masse volumique d’un cristal est la masse d’un échantillon de ce cristal

sur le volume du cristal. Or le cristal est constitué de la répétition périodique

d’un même motif, il suffit donc de raisonner sur une maille pour déterminer

la masse volumique du cristal dans son ensemble !

Propriété 2.2: Propriétés macroscopiques

La masse volumique peut s’exprimer

ρ = mmai l le

Vmai l le

ρ = n ∗m

Vmaille

où n est le nombre d’atomes par maille, m est la masse d’un de ces

atomes et Vmaille est le volume de la maille.

2.2 Le cristal cubique simple

La maille cubique simple est représentée en perspective figure 2.6.

FIGURE 2.6: Maille cubique simple vue enperspective cavalière.

C A LC U L D U N O M B R E D ’ ATO M E S D A N S L A M A I L L E : Dans la maille

Page 6: Les Édifices Ordonnées : Les cristaux

6 M RC A Z A

cubique simple, on trouve 8 atomes, chacun de ces atomes est partagé en 8

(voir 2.6) car il appartient à 8 mailles différentes. Ainsi on a

N = 8 · 1

8= 1

atome par maille.

FIGURE 2.7: Maille cubique simple, condi-tion de tangence a = 2r . Pour le montrer,représentez une face de la maille, remar-quez que les atomes sont tangents au milieud’une arête.

CO M PAC I T É Soit a le paramètre de maille, qui désigne la longueur de

l’arête du cube. On cherche à exprimer la compacité du cristal en fonction

de a, dans l’hypothèse où les atomes sont représentés par des sphères en

contact bord-à-bord, comme illustré figure 2.7.

D’une part le volume de la maille

Vm = a3

.

D’autre part le volume occupé dans la maille

Voccupé = 1︸︷︷︸Nombre d’atomes dans la maille

×

Volume d’une sphère de rayon r︷ ︸︸ ︷4

3πr 3

Où r est le rayon d’un atome. La condition de tangence, illustrée figure 2.7

permet d’exprimer r en fonction de a :

r = a

2Ainsi

Voccupé = 1× 4

( a

2

)3

Finalement, on obtient

c = Voccupé

Vm= 4

( a

2

)3 1

a3 = π

6' 52%

NB : En fin de compte, on remarque que la compacité c ne dépend pas du

paramètre de maille a !

M A S S E VO LU M I QU E Le polonium 21084Po cristallise selon la maille cubique

simple. Son paramètre de maille a = 3.36Å. Quelle est sa masse volumique?

D’une part

mmai l le =N=︷︸︸︷1 ×

Masse d’un atome︷ ︸︸ ︷(210mn +84 me−︸︷︷︸

me−'mn /1000 donc négligé

) = 210×1.67×10−27 = 3.5×10−25 kg

D’autre part

Vmai l le = a3 = (3.36×10−10)3 = 38.0×10−30 m3

Finalement on obtient par le calcul ρ = 9210kg/m3, à comparer à la valeur

expérimentale ρX P = 9200kg/m3, soit 0.01% seulement d’écart relatif entre

les deux valeurs !

Page 7: Les Édifices Ordonnées : Les cristaux

S . C A Z AY U S : C O U R S D ’ E N S E I G N E M E N T S C I E N T I F I QU E 1È R E 2020-2021 7

2.3 Cristal cubique à faces centrées

FIGURE 2.8: Maille cubique faces centrées(CFC) vue en perspective cavalière.

C A LC U L D U N O M B R E D ’ ATO M E S D A N S L A M A I L L E : Dans la maille

CFC, on trouve 8 atomes partagés en 8 (voir 2.8) car il appartient à 8 mailles

différentes. On trouve aussi 6 atomes partagés en 2. Ainsi on a

N = 8 · 1

8+6 · 1

2= 4

atomes par maille.

FIGURE 2.9: Maille CFC, condition de tan-gence a

p2 = 4r . Pour le montrer, représen-

tez une face de la maille, puis utilisez le théo-rème de Pythagore.

CO M PAC I T É Soit a le paramètre de maille, qui désigne la longueur de

l’arête du cube. On cherche à exprimer la compacité du cristal en fonction

de a, dans l’hypothèse où les atomes sont représentés par des sphères en

contact bord-à-bord, comme illustré figure 2.9.

D’une part le volume de la maille

Vm = a3

.

D’autre part le volume occupé dans la maille

Voccupé = 4︸︷︷︸Nombre d’atomes dans la maille

×

Volume d’une sphère de rayon r︷ ︸︸ ︷4

3πr 3

Page 8: Les Édifices Ordonnées : Les cristaux

8 M RC A Z A

Où r est le rayon d’un atome. La condition de tangence, illustrée figure 2.9

permet d’exprimer r en fonction de a :

4r = ap

2

Ainsi

Voccupé = 4× 4

(ap

2

4

)3

Finalement, on obtient

c = Voccupé

Vm= 42

p23

43 =π

p2

6' 74%

NB : En fin de compte, on remarque que la compacité c ne dépend pas du

paramètre de maille a !

M A S S E VO LU M I QU E Le polonium 21084Po cristallise selon la maille cubique

simple. Son paramètre de maille a = 3.36Å. Quelle est sa masse volumique?

D’une part

mmai l le =N=︷︸︸︷1 ×

Masse d’un atome︷ ︸︸ ︷(210mn +84 me−︸︷︷︸

'mn /1000 donc négligé

) = 210×1.67×10−27 = 3.5×10−25 kg

D’autre part

Vmai l le = a3 = (3.36×10−10)3 = 38.0×10−30 m3

Finalement on obtient par le calcul ρ = 9210kg/m3, à comparer à la valeur

expérimentale ρX P = 9200kg/m3, soit 0.01% seulement d’écart relatif entre

les deux valeurs !

Page 9: Les Édifices Ordonnées : Les cristaux

S . C A Z AY U S : C O U R S D ’ E N S E I G N E M E N T S C I E N T I F I QU E 1È R E 2020-2021 9

À la fin de ce chapitre, je sais (extrait du B.O.) :: Cristallographie :

Savoirs

• Le chlorure de sodium solide (présent dans les roches ou issu

de l’évaporation de l’eau de mer) est constitué d’un empilement

régulier d’ions : c’est l’état cristallin.

• Plus généralement, une structure cristalline est définie par une

maille élémentaire répétée périodiquement.

• Un type cristallin est défini par la forme géométrique de la maille,

la nature et la position dans cette maille des entités qui le consti-

tuent.

• Les cristaux les plus simples peuvent être décrits par une maille

cubique que la géométrie du cube permet de caractériser. La po-

sition des entités dans cette maille distingue les réseaux cubique

simple et cubique à faces centrées.

• La structure microscopique du cristal conditionne certaines de

ses propriétés macroscopiques, dont la masse volumique.

• Dans le cas des solides amorphes, l’empilement d’entités se fait

sans ordre géométrique. C’est le cas du verre. Certaines roches

volcaniques contiennent du verre, issu de la solidification très

rapide d’une lave.

À la fin de ce chapitre, je sais (extrait du B.O.) :: Cristallographie :

Savoirs-faire

• Utiliser une représentation 3D informatisée du cristal de chlorure

de sodium.

• Relier l’organisation de la maille au niveau microscopique à la

structure du cristal au niveau macroscopique.

• Pour chacun des deux réseaux (cubique simple et cubique à faces

centrées) :

· Représenter la maille en perspective cavalière.

· Calculer la compacité dans le cas d’entités chimiques sphé-

riques tangentes.

· Dénombrer les atomes par maille et calculer la masse volu-

mique du cristal.