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Source : Eléments N°27 – Hiver 1978 La mythologie nordique a toujours occupé une place prépondérante dans l’œuvre de Jean Mabire. L’un de ses derniers livres, « Thulé », évoquait la quête de ceux qui, depuis l’Antiquité, ont été fascinés par le blanc soleil des Hyperboréens. Jean Mabire explique ici les raisons qui l’ont poussé à écrire « Les dieux maudits » (Copernic) et à se faire le chroniqueur fidèle des dieux et des héros du nord de l’Europe. À la rencontre des dieux maudits Pourquoi ne pas l’avouer ? Je me suis résolu à écrire ce petit livre parce que j’avais grande envie de le lire. Il n’existait rien de tel en langue française : une sorte de Que sais-je de la mythologie nordique. Guère plus de deux cents pages et un peu d’ordre dans ces récits décousus et parfois contradictoires. Cet ouvrage a donc été d’abord composé comme mon propre « pense- dieux ». Je voulais en faire une sorte d’aide-mémoire élé- mentaire pour éclairer tant de ténèbres. Ténèbres au milieu desquelles j’ai longuement vagabondé, la torche à la main, telles héros de Jules Verne dans les méandres souterrains de la lointaine Islande, bien certain de découvrir comme eux le secret des runes au terme de ce Voyage au centre de la foi... Dissiper les nuages qui obscurcissent le ciel, c’est parfois s'enfoncer dans les entrailles de la terre et de l’Histoire. Interroger la mémoire la plus longue. Que l’on se rassure : je ne suis point spécialiste et encore moins universitaire. Pour évoquer nos dieux, je n’ai d'autres titres, que l’espérance et la fidélité - poussées au point de devenir hantises et vertus théologales d’un paganisme enfin naturel. S’il est un livre que je me devais d’écrire, c’est bien celui- ci. Normand d’origine et de passion, fondateur de la revue Viking, collaborateur de Heimdal ou de Haro qui en ont repris le flambeau, auteur d’une histoire des Normands et d’une épopée des Vikings, chroniqueur des explorations polaires, familier des Sagas du moins celles traduites en français - pélerin fervent du soleil hyperboréen de l’ultima Thulé, navigateur dont le compas sentimental s’obstine depuis quelques décennies à toujours marquer le Nord, il me fallait rendre aux dieux d’Asgard la vie qu’ils m’avaient naguère offerte. Je rêvais depuis longtemps de restituer leurs périples, afin de les rendre familiers et populaires, comme il sied à des dieux de notre clan. Dans cette entreprise, toute érudition me semble inutile. Ce qui importe, ce sont les couleurs et les gestes. Donner à voir importe plus que donner à croire. Je ne vais pas jouer au savant que je ne suis pas. Le Futhark runique ne me sert pas d’alphabet clandestin. Je ne veux être qu’un amateur. Mais passionné et fureteur, inlassable comme ce Ratatosk, qui ne cesse de courir des branches aux racines d’Ygdrasil, pour attiser l’éternel combat de l’aigle et du serpent. C’est un fait. La mythologie nordique s’enveloppe de cette brume tenace et glacée, que les marins appellent la crasse, et qui évoque tout de suite les vaisseaux éventrés. Il existe d’innombrables ouvrages popularisant les grands thèmes de la mythologie des Grecs et des Romains. Familiarisés dès l'école avec les dieux et les déesses de l’Olympe, nous retrouvons leurs traits figés dans le marbre des musées. Ils restent des symboles évidents, à défaut d'être encore des divinités tutélaires. Mais cette lumière, dont

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La mythologie nordique a toujours occupé une place prépondérante dans l’œuvre de Jean Mabire. L’un de ses derniers livres, « Thulé », évoquait la quête de ceux qui, depuis l’Antiquité, ont été fascinés par le blanc soleil des Hyperboréens. Jean Mabire explique ici les raisons qui l’ont poussé à écrire « Les dieux maudits » (Copernic) et à se faire le chroniqueur fidèle des dieux et des héros du nord de l’Europe. Source : Eléments N°27 – Hiver 1978

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Source : Eléments N°27 – Hiver 1978

La mythologie nordique a toujours occupé une placeprépondérante dans l’œuvre de Jean Mabire. L’un deses derniers livres, « Thulé », évoquait la quête de ceuxqui, depuis l’Antiquité, ont été fascinés par le blancsoleil des Hyperboréens. Jean Mabire explique ici lesraisons qui l’ont poussé à écrire « Les dieux maudits »(Copernic) et à se faire le chroniqueur fidèle des dieuxet des héros du nord de l’Europe.

À la rencontre des dieux maudits Pourquoi ne pas l’avouer ? Je me suis résolu à écrire cepetit livre parce que j’avais grande envie de le lire. Iln’existait rien de tel en langue française : une sorte deQue sais-je de la mythologie nordique. Guère plus dedeux cents pages et un peu d’ordre dans ces récitsdécousus et parfois contradictoires. Cet ouvrage a doncété d’abord composé comme mon propre « pense-dieux ». Je voulais en faire une sorte d’aide-mémoire élé-mentaire pour éclairer tant de ténèbres. Ténèbres au milieu desquelles j’ai longuementvagabondé, la torche à la main, telles héros de JulesVerne dans les méandres souterrains de la lointaineIslande, bien certain de découvrir comme eux le secretdes runes au terme de ce Voyage au centre de la foi...Dissiper les nuages qui obscurcissent le ciel, c’est parfoiss'enfoncer dans les entrailles de la terre et de l’Histoire.Interroger la mémoire la plus longue. Que l’on se rassure : je ne suispoint spécialiste et encoremoins universitaire. Pourévoquer nos dieux, je n’aid'autres titres, que l’espéranceet la fidélité - poussées au pointde devenir hantises et vertusthéologales d’un paganismeenfin naturel. S’il est un livre que je medevais d’écrire, c’est bien celui-ci. Normand d’origine et depassion, fondateur de la revueViking, collaborateur deHeimdal ou de Haro qui en ont repris le flambeau, auteurd’une histoire des Normands et d’une épopée des

Vikings, chroniqueur des explorations polaires, familierdes Sagas du moins celles traduites en français - pélerinfervent du soleil hyperboréen de l’ultima Thulé,navigateur dont le compas sentimental s’obstine depuisquelques décennies à toujours marquer le Nord, il mefallait rendre aux dieux d’Asgard la vie qu’ils m’avaientnaguère offerte. Je rêvais depuis longtemps de restituerleurs périples, afin de les rendre familiers et populaires,comme il sied à des dieux de notre clan.

Dans cette entreprise, toute érudition me semble inutile.Ce qui importe, ce sont les couleurs et les gestes. Donnerà voir importe plus que donner à croire. Je ne vais pasjouer au savant que je ne suis pas. Le Futhark runique neme sert pas d’alphabet clandestin. Je ne veux être qu’unamateur. Mais passionné et fureteur, inlassable comme ceRatatosk, qui ne cesse de courir des branches aux racinesd’Ygdrasil, pour attiser l’éternel combat de l’aigle et du

serpent.C’est un fait. La mythologienordique s’enveloppe de cettebrume tenace et glacée, que lesmarins appellent la crasse, etqui évoque tout de suite lesvaisseaux éventrés. Il existed’ innombrables ouvragespopularisant les grands thèmesde la mythologie des Grecs etdes Romains. Familiarisés dèsl'école avec les dieux et lesdéesses de l’Olympe, nous

retrouvons leurs traits figés dans le marbre des musées.Ils restent des symboles évidents, à défaut d'être encoredes divinités tutélaires. Mais cette lumière, dont

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resplendit la tradition « classique », n’en rend que plusténébreuse l’ombre qui entoure le légendaire « barbare ».Cette opposition, soigneusement entretenue par descuistres, n’a pas peu contribué à défigurer un héritage quireste à la fois méconnu et rejeté. Maudits, nos dieux l’ontété tout autant par les missionnaires de l’évangélisationque par les pédagogues de la latinité, séduits par le mythede l’Ex oriente lux dont se réclament les libres-penseursépris de progrès tout autant que les bigots les plustraditionalistes.

Certains ecclésiastiques pourtant, au début du siècle, nese montraient guère effrayés par le paganismemaurrassien. Derrière les hauts murs des collègescatholiques, la mythologie gréco-latine semblait appri-voisée et affadie. Elle n’était plus jugée dangereuse et lesadolescents se voyaient autorisés à taquiner les muses. Letonnerre de Zeus devenait anodin. La légende dorée desdieux et des héros de l’ancienne Hellade ou de la Romeantique se trouvait ainsi récupérée, véritablementaseptisée, débarrassée de tous les miasmesseptentrionaux, qui constituaient pour les clercs une sortede mal absolu. L’Antéchrist venait du froid...Les dieux maudits, ignorés,perdus dans les brumes duNord devaient fatalementm’apparaître séduisants, dans lamesure ou ils restaient interdits.Réflexe élémentaire de toutadolescent : la révolte contrel 'ordre établi e t surtoutenseigné. Il se trouve toujoursdes collégiens pour trouver quepieux et pions ont la mêmeétymologie.A la religion des autels et deslivres, comment ne pas préférerla croyance aux bois et auxsources ? Le Nord, pour moi,c’était d'abord la Nature. Laterre contre l’au-delà, si l’onveut. Et la poésie contre ledécalogue.Je ne voyais guère cependant,l’intérêt de remplacer le bonDieu ou Jupiter par Odin, si ce n’est par goût del’irrespect, donc de la sagesse. Il me parut bien viteévident qu’il ne fallait pas décalquer l’une sur l’autre lesreligions antagonistes. Échanger la croix du Christ contrele marteau de Thor n’est qu’un geste rituel. C’est lanature même de la foi qui doit devenir différente. D’uncôté, la nuée, et de l’autre, le réel. D’où la nécessité de nepas lire l’Edda comme une Bible, de ne pas chercherdans la mythologie nordique autre chose que des imageset des symboles, des maximes et des récits. Il n’est pasinutiles de le rappeler au seuil de ce petit livre.L’essentiel de la conception de vie des anciensNordiques n'est pas codifié, mais suggéré. Leurmythologie doit se traduire et non se subir. Être fidèle àces dieux maudits, c’est d'abord comprendre, c’est-à-dire, bien souvent, écouter une voix intérieure.

Une fois libéré de l’idée d'un Dieu unique, donctotalitaire, et de ses commandements numérotés etabsolus, on découvre vite que le sacré peut être multiple,c’est-à-dire vivant. Alors s’estompe la rigoureusefrontière entre les dieux, les héros et les humains. Lareligion n’est plus extérieure mais intérieure. Le divin seretrouve au coeur de chacun. Démarche essentielle dupaganisme. Les dieux du Nord peuvent se montrersouvent terribles et parfois burlesques, ils restent avanttout familiers. Aucun des neuf univers de la mythologiescandinave n’est insensé. Les voyageurs passent sanscesse de l’un à l’autre. Il n’existe pas d’arrière-monded’une nature différente.Le paganisme nordique a finalement mieux résisté auxassauts étrangers que le paganisme méridional. Sansdoute, parce qu’il a été vaincu plus tard. Le fait est là,dans son altérité sentimentale. Étudier la mythologie« classique » ne conduit pas retrouver la foi, au sensexact du terme; cela ne dépasse guère l’émotionintellectuelle.

L'évocation des sources antiques, si chères aux poètes etaux peintres du Parnasse, à la fin du siècle dernier, n’est

pas un mouvement religieux,mais seulement littéraire etartistique. Sauf, peut-être,pour un personnage aussisingulier que Louis Ménard,dont les Rêveries d’un païenmystique demeurent un fortcurieux témoignage.Par contre, pour aborder lam y t h o l o g i e « barbare »,j’oserai dire qu’il faut déjàposséder la foi. Non lacroyance en un dogme etencore moins la soumission àune chapelle, mais un élan del’âme vers un ailleurs que lesanciens situaient dans cetteultima Thulé aux limitesseptentrionales du mondeconnu. Aborder l’universspirituel nordique, dont lamythologie n’est qu’un

aspect, ne saurait être un passe-temps ou une curiosité,mais une découverte et une quête, que certains ontnaguère comparé à la recherche du Graal. Mais sans lamystique, le Graal n’est qu'un gobelet. Dans cette optique, le retour à la foi nordique peut fortbien se passer de Thor, d’Odin ou de Frey, quiapparaissent bien davantage comme des figures quecomme des idoles.

Il ne faudrait pas trop abuser de l’opposition Nord-Sud, même si ce réductionnisme simplificateur a de quoiséduire les naïfs. Pendant très longtemps, des préjugésméridionaux ont cherché à rendre encore plus obscuresles légendes septentrionales. Répondre par d’autresmépris serait d’autant plus stupide qu’il existe une indé-niable similitude religieuse entre le monde scandinave et

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le monde hellénique, entre l’univers germain et l’universromain. Les recherches de Georges Dumézil sur la tripar-tition ont lumineusement démontré la parenté des peuplesindo-européens.

Opposer en un affrontement absolu le Sud et le Nordaboutit à gravement mutiler un héritage commun. Il estbon de le rappeler au seuil d’un livre qui veut justementmettre en lumière des dieux maudits, ce qui ne veut pasdire rejeter dans l’obscurité des dieux plus aimables etplus aimés.Tout familier de la mythologie méditerranéenne netrouvera pas dans la mythologie scandinave un climatsensiblement différent. Passé le premier moment desurprise provoqué surtout par la consonance de nomsinhabituels a qui n’est pas familiers des languesgermaniques, tout s’éclaire. Les comparaisons sautentaux yeux, tellement évidentes qu’il n’est pas nécessaireici d’y insister bien longtemps. Apollon et Balder ne sontpas des ennemis mais des frères, au moins des cousins.

Pour les sectaires de la culture classique, les dieuxhyperboréens se confondent plus ou moins avec lesdivinités lapones. Il serait tout aussi stupide d’identifierles dieux hellènes avec les démiurges levantins. Et ilfaudra bien réconcilier un jour les dieux celtes et lesdieux slaves, écartelés dans la fragile mémoire de nospeuples d’Europe. Que l’on ne s’y méprenne pas. J’ai voulu rendre la vieaux dieux maudits d’Asgard non pas parce qu’ils seraient« supérieurs », mais surtout parce qu’ils restaient « mau-dits », c’est-à-dire, par un singulier paradoxe, à la foisméprisés et ignorés. Depuis un millier d’années, il y a eu« déicide » au nord de notre continent. Et en ce domaine,l’Université a longtemps pris la relève de l’Église.

Il ne s’agit donc pas ici de vengeance, mais de justice.Au dieu unique, qui les a naguère vaincus, répondentenfin les dieux différents. Ceux-ci ont longtemps été mal-traités par l’histoire, sans doute parce qu’ils étaient lesplus purs, comme figés dans la glace d’une lointainepatrie.

De la mythologie scandinave,la plupart des Français neconnaissent guère que lachevauchée des Valkyries, qu’ilsimaginent d’ailleurs à travers latransposition lyrique et déjà« méridionale » (ou si l’on veut« classique ») des opéras deRichard Wagner. C’est tout justes’ils font le rapprochementWotan-Odin, à l’instar de lac o m p a r a i s o n Zeus-Jupiterrabâchée sur les bancs du lycée.Le crépuscule des dieux - que lesNordiques nomment Ragnarok –n’est pour eux qu’un roulementde timbales qui fait frissonner lesnuages de toile peinte. Hors cela, tout n’est qu’obscurité. Il y a plus grave que la niaiserie et c’est la trahison.On a posé la question tout en fournissant déjà la réponse :

cette mythologie nordique ne serait-elle pas néfaste,puisqu’on a vu s’abreuver a sa source les apôtres d’unpangermanisme qu’il convient aujourd’hui de remiser aumagasin des accessoires du théâtre européen ? Une tellecalomnie prouve une méconnaissance totale de l’universmental ou s’est épanouie la littérature nordique primitive.Dans cette Islande de la haute époque médiévale, sur laterre des glaciers et des volcans, va naître le premierparlement du monde ! Cet Althing, qui réunit tous les hommes libres, imposele respect de la loi commune, c’est-à-dire l’ordre, sanslequel il ne saurait y avoir de liberté. De ces païensislandais, les voyageurs étrangers ont pu dire, stupéfaits :« Ils n’ont pas de roi, seulement une loi ». Aucune nationn’a été plus rebelle au totalitarisme politique ou religieuxque ce peuple de l’Atlantique nord, longtemps fidèle ausouvenir de ceux des leurs qui avaient fui la dictature despremiers monarques norvégiens. Sur cette Islande - que l’on peut sans démesurenommer Île sacrée du Nord – va surgir, comme floraisona la fonte des neiges, une prodigieuse littérature héroïqueet mystique, dont la puissance, l’originalité et la grandeurséduisent tous ceux qui la découvrent.

Les récits, plus ou moins contemporains de l’âgeviking, que l’on nomme sagas et ou s’entremêlent lestravaux champêtres, les batailles sanglantes et lesnavigations hasardeuses, sont désormais de mieux enmieux connus hors du monde scandinave. Il s’en dégageun certain nombre de figures héroïques devenuesaujourd’hui assez familières à défaut d'être encoreexemplaires.

Le monde des dieux est moins connu que celui deshéros. Il apparaît plus abrupt et les textes qui l’évoquentse dressent comme de hautes falaises au-dessus derivages désolés. Il est difficile d’y aborder et biendavantage encore de les gravir.

Ces textes sont essentiellement constitués par lesEddas et par un ensemble de poèmes, dont on peutsupposer qu’ils ne représentent que les fragments d’uneimmense littérature engloutie, un peu comme le sommet

de ces icebergs qui émergent del’océan et dont les trois quartsdisparaissent sous les flots gla-cés.

On a coutume, en l’opposantaux sagas, de parler de l'Edda. Enréalité ce mot désigne deuxréalités assez différentes. D’unepart, l’Edda de Snorri Sturluson,rédigée vers 1230, et quicomprend entre autres, sous lenom de Gylfaginning, ce queRégis Boyer nomme trèsjustement « un véritable manueld’initiation à la mythologienordique destiné aux jeunespoètes ».

Quant à l’Edda anonyme, diteaussi Edda poétique ou Edda ancienne, elle restitue unetrès ancienne tradition orale qui fut, elle aussi, recueillieau début du XIIIème siècle, mais contient de très

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nombreux passages archaïques, assez bien préservés detoute influence chrétienne.

Il faut rappeler quand même, pour dater toute cetteaventure spirituelle, que l’Islande s’est convertie à lareligion du Christ lors de l’Althing de l’an Mil, non parune décision autoritaire d’un souverain mais par un vote,dont le résultat dégagea une majorité longtempstolérante pour la minorité restée fidèle aux anciens dieuxpaïens.

Des deux Eddas, il n’existe pas de traduction intégraleen langue française. De même, un grand nombre depoèmes d’inspiration mythologique nous sont encoreinconnus. Il convenait donc d’en réaliser une sorte desynthèse et surtout de la rendre accessible à un très largepublic.

Malgré l’habileté technique desversificateurs, malgré les interditsdes miss ionna i res , malgrél ’ e n c h e v ê t r e m e n t parfoisinextricable des personnages, dessymboles et des péripéties, cettemythologie scandinave primitive aété populaire. Elle a inspiréd'innombrables récits de veillée,elle a longtemps attisé les rires etles craintes, les peines et les joies,les rites et les peurs d’hommessimples. Paysans et marins, ilsvivaient tous dans l’intimité de cesdieux d’Asgard. Guerriers, ilscroyaient mériter un jour le palaisétincelant du Valhalla. Ces récitsformaient la trame même de leur vieet les aidaient à accueillir sanscrainte la mort.

Aujourd'hui, ces dieux mauditsne doivent pas nous apparaîtrecomme des dieux étrangers, nisurtout comme des dieux mystérieux et inaccessibles. Celivre a pour première ambition de « populariser » leursaventures...

Ces récits vont apparaître, à l’image même de la vie, fortdivers. On y passe tour à tour du merveilleux augrotesque, de l’épouvante à la farce, de la tragédie la plusgrave à la comédie la plus folle : cela ne va pas sanshorreur ni sans trivialité. Les dieux naviguentallégrement du champ de bataille à la salle de banquet.Ils ripaillent et s’insultent. Nous voici en pleinetruculence. Loki lance son fait à chacun. Il traite Freya deputain et Thor de cocu. Odin lui-même n’est pas épargnéet devient une ganache de la pire espèce. On peut trouver choquant ce mélange. Mais c’est celuide toute une vieille tradition européenne, telle qu’elle vase perpétuer pendant tout le Moyen Age et éclater dansl’œuvre écrite d’un Rabelais ou dans l’œuvre peinte d’unBreughel.

Une des grandes leçons de cettemythologie, par ailleurs siincohérente, est peut-être le refus debriser l’unité profonde de la vie. Ilapparaît tout aussi naturel, pour lesvieux Nordiques, d’assumer sondestin en se faisant tuerjoyeusement que de ripailler entredeux combats. Il est aussi noblepour eux de brandir une épée que devider une corne à boire. Ce qui estignoble, c’est la lâcheté, lemensonge et le parjure.

L’unité de ces récits vient du faitque l’on y retrouve les mêmespersonnages – mais dans dessituations souvent fort diverses. Ellevient aussi du cadre immuable : lesneufs mondes et surtout Asaheim etJotunheim, car les géants servent deperpétuels « faire-valoir » auxdieux. Les hommes sont presquetoujours absents de ces aventures,

encore plus effacés que les nains besogneux et les elfesévanescents. Mais ces dieux sont humains, trop humainsparfois.

Jean MABIRE