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Les effets additifs de la syntaxe et de la forme des syllabes lors de la reconnaissance specifique chez le Troglodyte (Troglodytes troglodytes) MICHEL KREUTZER ET JEAN-CLAUDE BR~MOND Laboratoire d'e'thologie expe'rimentale, Station de terrain de Saint-Lucien, 28210 Nogent-le-Roi, France Re~u le 24 juillet 1985 KREUTZER, M., et J.-C. BR~MOND. 1986. Les effets additifs de la syntaxe et de la forme des syllabes lors de la reconnaissance spkcifique chez le Troglodyte (Troglodytes troglodytes). Can. J. Zool. 64 : 124 1 - 1244. Les chants du Troglodyte des forets posskdent une organisation bien caractkristique. Nous savons que la syntaxe est un facteur qui permet au Troglodyte des forets d'assurer la reconnaissance spkcifique. Dans la prksente recherche, les auteurs construisent des chants de syntaxes anormales et montrent que ces oiseaux rkagissent a ces signaux. Cependant, les reactions territoriales sont significativement plus faibles que celles induites par un chant normal. 11 faut altkrer a la fois la syntaxe du chant et la forme des syllabes pour voir diminuer considkrablement les rkactions territoriales. La reconnaissance spkcifique repose donc sur le dkcodage de plusieurs traits acoustiques. Mais chaque trait ne peut, a lui seul, kvoquer des rkponses comportementales aussi fiables ou intenses que tous les traits rkunis. La reconnaissance spkcifique chez le Troglodyte des fortts est le rksultat de processus additifs. KREUTZER, M., and J.-C. BR~MOND. 1986. Les effets additifs de la syntaxe et de la forme des syllabes lors de la reconnaissance spkcifique chez le Troglodyte (Troglodytes troglodytes). Can. J. Zool . 64 : 1241 - 1 244. Songs of Winter wrens have a characteristic pattern. We know that syntax is a factor involved in species recognition. In this study, we used different parts of a Winter wren song to construct abnormal syntax songs. Birds react specifically to these atypical signals, but the territorial reactions are significantly less intense than those to a normal song. To induce very weak territorial reactions, it is necessary to modify syntax and syllable shapes at the same time. Species recognition is subordinate to some acoustic cues, but each cue cannot, by itself, induce reactions as strong and reliable as all cues included in a normal song. Thus, Winter wren species recognition is the result of an additive process. Introduction Une syntaxe particulikre caracterise les chants de chaque espkce d'Oscines. Cette syntaxe, veritable marqueur s@cifique, est peu alterke par la diversitk des chants que l'on rencontre au sein d'une espkce. Les differences proviennent essentiellement des syllabes qui composent les chants. Ces faits laissent supposer que la syntaxe est susceptible de jouer un r61e important dans les processus de reconnaissance spkcifique. En effet, on imagine aisement qu'un oiseau puisse identifier comme specifiques des chants qu'il n'a jamais chantes ni entendus, s'il reconnait la syntaxe habituelle de son espkce. La realit6 est en fait beaucoup plus complexe. Emlen (1972) et Becker (1982) ont compark les processus de reconnaissances specifiques connus chez differentes espkces. Ces auteurs constatent que deux grands traits sont toujours prksents. D'une part, il existe, dans tous les chants, une grande redondance des informations spkcifiques et, d'autre part, tous les parametres acoustiques ne sont pas aussi importants les uns que les autres pour assurer le decodage des chants de l'espkce. Le Bruant proyer (Emberiza calandra), qui exige une syntaxe normale des syllabes et des silences pour reconnaitre les chants de son espkce (Pellerin 1982), est sans doute une exception a la regle commune. En effet, de grandes modifications de la syntaxe n'affectent que faiblement le dkcodage des chants chez la plupart des espkces etudiees : Pinson a gorge blanche (Zono- trichia albicolis) (Falls 1963), Bruant indigo (Passerina cyanea) (Emlen 1972), Alouette des champs (Alauda arvensis) (Aubin et Bremond 1983). Par contre certaines alterations de la syntaxe sont acceptees et d'autres le sont moins chez d'autres espkces : Rouge-gorge (Erithacus rubecula) (Bremond 1967), Pouillot fitis (Phylloscopus trochilus) (Schubert 1971 ; Helb 1973), Pinson des arbres (Fringilla coelebs) (Brkmond 1972)' Roitelet huppe (Regulus regulus) (Becker 1976)' Carouge a kpaulette (Agelaius phoeniceus) (Beletsky et al. 1980), Tohi aux yeux rouges (Pipilo erythrophtalmus) (Ewert 1980). Ainsi, chez la majorite des espkces etudiees, la syntaxe habi- tuelle n'est pas indispensable pour que les chants spkcifiques soient reconnus. Ceci prouve indirectement que les mkcanismes de dkcodage accordent un r6le important a d'autres paramktres que la syntaxe. Par exemple, l'information contenue dans les syllabes est trks importante pour assurer la reconnaissance specifique chez le Bruant indigo (Passerina cyanea) (Shiovitz 1975; Shiovitz et Lemon 1980) et le Bruant zizi (Emberiza cirlus) (Kreutzer 1985). L'objet de ce travail consiste a rechercher si, chez le Troglodyte des foriits (Troglodytes troglodytes), la syllabe est un facteur de reconnaissance du chant. Cette etude est com- plementaire d'une autre menee par Brkmond (1968), qui mettait en evidence, chez cette espkce, le r61e tenu par la syntaxe lors de la reconnaissance specifique. Cet auteur a montrk que l'on peut evoquer, chez le Troglodyte, des manifestations territoriales en diffusant un chant construit a partir de syllabes du Rossignol philomkle (Lilscinia megarhynchos) . I1 suffit , pour cela, de combiner ces syllabes selon une syntaxe Troglodyte; 30% des Troglodytes rkagissent alors aussi intenskment qu'a un chant normal de Troglodyte. Habituellement, un Troglodyte ne reagit jamais ii un chant de Rossignol philomkle et vice versa. Cette experience souligne donc l'importance accordee a la syntaxe lors du decodage. Afin de rechercher si le Troglodyte est capable de focaliser son decodage sur d'autres paramktres que la syntaxe habituelle, nous avons systematiquement detruit cette dernikre en cons- truisant differents types de chants ayant tous des syntaxes atypiques. Ces chants furent ensuite diffuses afin de tester leur degre de dkcodage par le Troglodyte. Methode Le test de dkcodage quantifie les rkactions territoriales de Troglo- dytes sauvages, vivant en totale libertk dans la nakure. Ces expkriences ont ktk rkaliskes entre le 15 mars et le 15 mai, en Ile-de-France et dans le val de Loire. Can. J. Zool. Downloaded from www.nrcresearchpress.com by UNIVERSITY NC AT WILMINGTON on 11/10/14 For personal use only.

Les effets additifs de la syntaxe et de la forme des syllabes lors de la reconnaissance spécifique chez le Troglodyte ( Troglodytes troglodytes )

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Les effets additifs de la syntaxe et de la forme des syllabes lors de la reconnaissance specifique chez le Troglodyte (Troglodytes troglodytes)

MICHEL KREUTZER ET JEAN-CLAUDE B R ~ M O N D Laboratoire d'e'thologie expe'rimentale, Station de terrain de Saint-Lucien, 28210 Nogent-le-Roi, France

R e ~ u le 24 juillet 1985

KREUTZER, M., et J.-C. BR~MOND. 1986. Les effets additifs de la syntaxe et de la forme des syllabes lors de la reconnaissance spkcifique chez le Troglodyte (Troglodytes troglodytes). Can. J. Zool. 64 : 124 1 - 1244.

Les chants du Troglodyte des forets posskdent une organisation bien caractkristique. Nous savons que la syntaxe est un facteur qui permet au Troglodyte des forets d'assurer la reconnaissance spkcifique. Dans la prksente recherche, les auteurs construisent des chants de syntaxes anormales et montrent que ces oiseaux rkagissent a ces signaux. Cependant, les reactions territoriales sont significativement plus faibles que celles induites par un chant normal. 11 faut altkrer a la fois la syntaxe du chant et la forme des syllabes pour voir diminuer considkrablement les rkactions territoriales. La reconnaissance spkcifique repose donc sur le dkcodage de plusieurs traits acoustiques. Mais chaque trait ne peut, a lui seul, kvoquer des rkponses comportementales aussi fiables ou intenses que tous les traits rkunis. La reconnaissance spkcifique chez le Troglodyte des fortts est le rksultat de processus additifs.

KREUTZER, M., and J.-C. BR~MOND. 1986. Les effets additifs de la syntaxe et de la forme des syllabes lors de la reconnaissance spkcifique chez le Troglodyte (Troglodytes troglodytes). Can. J. Zool . 64 : 124 1 - 1 244.

Songs of Winter wrens have a characteristic pattern. We know that syntax is a factor involved in species recognition. In this study, we used different parts of a Winter wren song to construct abnormal syntax songs. Birds react specifically to these atypical signals, but the territorial reactions are significantly less intense than those to a normal song. To induce very weak territorial reactions, it is necessary to modify syntax and syllable shapes at the same time. Species recognition is subordinate to some acoustic cues, but each cue cannot, by itself, induce reactions as strong and reliable as all cues included in a normal song. Thus, Winter wren species recognition is the result of an additive process.

Introduction Une syntaxe particulikre caracterise les chants de chaque espkce

d'Oscines. Cette syntaxe, veritable marqueur s@cifique, est peu alterke par la diversitk des chants que l'on rencontre au sein d'une espkce. Les differences proviennent essentiellement des syllabes qui composent les chants.

Ces faits laissent supposer que la syntaxe est susceptible de jouer un r61e important dans les processus de reconnaissance spkcifique. En effet, on imagine aisement qu'un oiseau puisse identifier comme specifiques des chants qu'il n'a jamais chantes ni entendus, s'il reconnait la syntaxe habituelle de son espkce.

La realit6 est en fait beaucoup plus complexe. Emlen (1 972) et Becker (1982) ont compark les processus de reconnaissances specifiques connus chez differentes espkces. Ces auteurs constatent que deux grands traits sont toujours prksents. D'une part, il existe, dans tous les chants, une grande redondance des informations spkcifiques et, d'autre part, tous les parametres acoustiques ne sont pas aussi importants les uns que les autres pour assurer le decodage des chants de l'espkce.

Le Bruant proyer (Emberiza calandra), qui exige une syntaxe normale des syllabes et des silences pour reconnaitre les chants de son espkce (Pellerin 1982), est sans doute une exception a la regle commune. En effet, de grandes modifications de la syntaxe n'affectent que faiblement le dkcodage des chants chez la plupart des espkces etudiees : Pinson a gorge blanche (Zono- trichia albicolis) (Falls 1963), Bruant indigo (Passerina cyanea) (Emlen 1972), Alouette des champs (Alauda arvensis) (Aubin et Bremond 1983). Par contre certaines alterations de la syntaxe sont acceptees et d'autres le sont moins chez d'autres espkces : Rouge-gorge (Erithacus rubecula) (Bremond 1967), Pouillot fitis (Phylloscopus trochilus) (Schubert 197 1 ; Helb 1973), Pinson des arbres (Fringilla coelebs) (Brkmond 1972)' Roitelet huppe (Regulus regulus) (Becker 1976)' Carouge a kpaulette (Agelaius phoeniceus) (Beletsky et al. 1980), Tohi aux yeux rouges (Pipilo erythrophtalmus) (Ewert 1980).

Ainsi, chez la majorite des espkces etudiees, la syntaxe habi- tuelle n'est pas indispensable pour que les chants spkcifiques soient reconnus. Ceci prouve indirectement que les mkcanismes de dkcodage accordent un r6le important a d'autres paramktres que la syntaxe. Par exemple, l'information contenue dans les syllabes est trks importante pour assurer la reconnaissance specifique chez le Bruant indigo (Passerina cyanea) (Shiovitz 1975; Shiovitz et Lemon 1980) et le Bruant zizi (Emberiza cirlus) (Kreutzer 1985).

L'objet de ce travail consiste a rechercher si, chez le Troglodyte des foriits (Troglodytes troglodytes), la syllabe est un facteur de reconnaissance du chant. Cette etude est com- plementaire d'une autre menee par Brkmond (1968), qui mettait en evidence, chez cette espkce, le r61e tenu par la syntaxe lors de la reconnaissance specifique. Cet auteur a montrk que l'on peut evoquer, chez le Troglodyte, des manifestations territoriales en diffusant un chant construit a partir de syllabes du Rossignol philomkle (Lilscinia megarhynchos) . I1 suffit , pour cela, de combiner ces syllabes selon une syntaxe Troglodyte; 30% des Troglodytes rkagissent alors aussi intenskment qu'a un chant normal de Troglodyte. Habituellement, un Troglodyte ne reagit jamais ii un chant de Rossignol philomkle et vice versa. Cette experience souligne donc l'importance accordee a la syntaxe lors du decodage.

Afin de rechercher si le Troglodyte est capable de focaliser son decodage sur d'autres paramktres que la syntaxe habituelle, nous avons systematiquement detruit cette dernikre en cons- truisant differents types de chants ayant tous des syntaxes atypiques. Ces chants furent ensuite diffuses afin de tester leur degre de dkcodage par le Troglodyte.

Met hode Le test de dkcodage quantifie les rkactions territoriales de Troglo-

dytes sauvages, vivant en totale libertk dans la nakure. Ces expkriences ont ktk rkaliskes entre le 15 mars et le 15 mai, en Ile-de-France et dans le val de Loire.

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CAN. J. ZOOL. VOL. 64, 1986

FIG. 1. Chants de syntaxes anormales. Un chant naturel de Troglodyte (T) a CtC ultilisC pour construire des chants de syntaxes atypiques. La reunion des syllabes rkpktkes en trilles forme le signal E l . La rkunion des syllabes de liaison entre les trilles forme le signal E2. Le signal E3 est cornposC de syllabes (trilles ou liaison) disposCes dans un ordre tel qu'aucune n'est suivie ou prCckdCe de la rnCrne rnaniere que dans le chant naturel. Pour modifier a la fois la syntaxe et la forme des syllabes, nous avons dCcoupk, dans le chant T , de petites unites. Puis nous les avons rnklangCes pour obtenir le signal E4.

Le principe du test consiste a comparer un signal << expkrimental >>

a un signal cc tCmoin D. Les tests expkrimentaux sont fondks sur la rnCthode des skries appariCes, c'est-a-dire que chaque individu est a lui-mCme son propre tkmoin .

Nous m s o n s d'abord le chant exp6rimental. Ce signal est constituk par un chant naturel rnodifiC; il permet d'explorer les capacitCs de dCcodage. Nous diffusons ensuite le chant normal tkrnoin qui respecte les regles de codage, puisqu'il s'agit d'un chant naturel typique de l'espece. I1 constitue la rkfkrence, la base de cornparaison pour kvaluer les rkactions au premier chant.

En choisissant de toujours diffuser le signal expkrimental avant le chant tCrnoin, nous plasons l'oiseau le plus possible dans une situation naturelle. En nature, quand un Troglodyte entend un chant qu'il ne connait pas, il doit dkcider, sans voir l'krnetteur, s'il s'agit ou non d'un congknkre arrivant. S'il identifie alors un rival, il rCagit et cherche I'intrus. C'est pour observer et rnesurer cette premiere dCcision que nous diffusons le signal expkrimental en premier lieu. Le chant tkmoin place en deuxikrne position fournit une mesure du cornportement (( maximum >> que cet oiseau peut manifester en cet instant a un chant de son espkce.

Le test comportemental n'a pas kt6 applique plus de 2 fois au m6rne individu, afin d'kviter tout processus d'habituation.

Le protocole expkrimental adopt6 consiste diffuser le signal expkrimental pendant 1 rnin. Ce signal est composC par la rCpktition, a toutes les 5 s, du rn6rne chant. Ce rythme d'kmission est calquk sur celui qu'adoptent le plus souvent ces oiseaux lors de leurs Crnissions naturelles.

Avant de diffuser le chant tkmoin, l'expkrimentateur attend que l'oiseau s'Cloigne et retrouve le comportement qu'il avait antkrieure- rnent a l'expkrience. Le signal tkmoin qui est ensuite diffuse, dure kgalernent 1 min, il est compose d'un chant kmis a toutes les 5 s.

Un haut-parleur est plack dans un buisson, a environ 1 m du sol. Dix rnktres de cible le relient it un amplificateur et a un rnagnktophone que rnanipule l'expkrimentateur.

Le haut-parleur est de type Medomex, a bande passante de 500 - 12000 Hz ( 5 5 dB). L'amplificateur est un appareil construit au laboratoire; il fonctionne sur piles et possede une puissance de 10 W , une bande passante de 100 - 13 000 Hz (-+5 dB). Le magnetophone, un Nagra 4.2.' lit les signaux a la vitesse de 19,05 crn/s. La bande passante est comprise entre 30 et 15 000 Hz ( + 2 dB).

Lors de chaque experience, l'expkrimentateur attribue, g r k e a une grille Cthologique, une note aux rkponses territoriales observkes (Kreutzer 1974b). Les rksultats sont trait& par le test non paramktrique de Wilcoxon pour des skries appariCes (Siege1 1956).

Resultats En Europe, quelque soit leur origine geographique, les chants

de Troglodytes presentent une syntaxe homogene (Kreutzer 1974~). 11s sont composes de syllabes repetees en trilles, alors que d'autres syllabes, non repetees, foment des << liaisons >> entre les trilles. Nous avons pris un chant normal temoin (T) que nous avons modifie de plusieurs manieres, afin d'en alterer la syntaxe (fig. 1).

Modification de la syntaxe des syllabes Nous avons construit trois types de signaux: signal E l , chant

compose uniquement des syllabes repetees en trilles; signal E2, chant compose uniquement des syllabes de << liaisons >>; signal E3, chant dont les syllabes (trilles ou liaisons) sont disposees dans un ordre tel qu'aucune n'est suivie ou precedee de la mCme maniere que dans le chant naturel. Ce dernier signal correspond a un desordre maximal de la syntaxe.

Mod@cation de la syntaxe et de la forme des syllabes De maniere aleatoire, nous avons decoupe le chant en petites

unites, sans tenir compte des syllabes ou des silences qui de ce

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KREUTZER ET BREMOND

TABLEAU 1. RCactions territoriales (moyenne + Ccart type) de Troglodytes a un chant expCrimenta1 (E) et h un chant tCmoin (T)

Indice de rCaction Nombre d'individus Chant ProbabilitC de

(n) expkrimental E T reponse plus intense h T

NOTA : Les rksultats sont traites par le test non parametrique de Wilcoxon pour des series appariees. * P < 0,02. * * P < 0,Ol .

fait pouvaient Ctre interrompus. Puis nous avons melange ces unites. Nous avons ainsi construit un chant atypique (signal E4) dont la forme des syllabes et la syntaxe sont atypiques.

Dicodage des signaux El et E2 Les syllabes repetees en trilles (El) comme les syllabes de

liaisons (E2) determinent des reactions territoriales. Ainsi, la syntaxe habituelle n'est pas indispensable pour que le chant soit decode. Cependant, ces reactions sont significativement moins intenses que celles declenchees par un chant normal temoin. Ainsi, l'absence de syntaxe normale entraine une baisse d'intensite des reponses comportementales (tabl. 1).

De'codage du signal E3 Les syllabes dans le desordre induisent des reactions terri-

toriales significativement moins importantes que celles deter- minees par le temoin. Ces reactions, moms intenses que celles induites par les signaux El et E2 denotent que la syntaxe joue un r6le dans la reconnaissance specifique. Mais l'existence de reactions specifiques au signal E3, mCme moins intenses que la normale, montre que d'autres parametres que la syntaxe jouent un r6le lors du decodage (tabl. 1).

De'codage du signal E4 L'alteration de la forme des syllabes, additionnee a celle de la

syntaxe, diminue considerablement la valeur reactogene du signal, preuve que la forme des syllabes constitue un parametre important lors de la reconnaissance specifique (tabl. 1).

Discussion L'absence d'une syntaxe normale des syllabes n'empCche

pas les Troglodytes de riagir specifiquement. En effet des reactions comportementales sont induites par les signaux atypiques E 1, E2 et E3.

I1 faut alterer a la fois la syntaxe et la forme des syllabes (E4) pour que le dkcodage du chant devienne difficile.

Nous avons vu precedemment que Bremond (1968) a demontrk l'importance jouee par la syntaxe lors du decodage du chant chez le Troglodyte. Les risultats obtenus ici prouvent qu'a c6te d'une strategie focalisee sur la syntaxe, le Troglo- dyte est egalement capable d'utiliser une strategie fondee sur la forme des syllabes pour identifier un chant comme specifique.

Chez d'autres especes aussi, la forme des syllabes est tres importante. Peters et al. (1980) ont recherche les parametres acoustiques qui assurent une barriere interspecifique entre deux pinsons nord-americains du genre Melospiza : le Pinson chanteur (Melospiza melodia) et le Pinson des marais (Melospiza georgiana). La syllabe est le facteur essentiel : chacune de ces especes accepte de repondre a des chants construits selon la

syntaxe de l'autre, mais a la condition que les syllabes utilisees soient celles de sa propre espece.

De petites differences dans la forme des syllabes sont parfois suffisantes pour inhiber leur decodage. Bremond (1976) a appele << marqueur de rejet >> ces parametres acoustiques qui, contrairement aux << marqueurs specifiques >> n'ont pas besoin d'Ctre redondants. Cet auteur montre que chez le Pouillot de Bonelli (Phylloscopus bonelli), le sens de la modulation de frequence de la syllabe est tres important pour son decodage. Ce phenomene est verifie egalement chez le Pouillot veloce (Phylloscopus collybita) (Becker et al. 1980). D'ailleurs, Schubert (197 1) avait souligne que cette espece repond a des chants hybrides << vkloce - fitis >> uniquement si les syllabes << fitis >> choisies sont proches de celles emises par le Pouillot veloce .

Le Troglodyte, comme d'autres Oscines, ne possede pas une, mais plusieurs strategies de reconnaissance specifique. Si un parametre acoustique est absent ou masque (Bremond 1978), un autre parametre peut Ctre utilise. Cette variete des strategies mises en oeuvre augmente la fiabilite du decodage. Cependant, chacune de ces strategies ne permet pas a elle seule de determiner des reponses comportementales aussi importantes que celles declenchees par un chant normal. En consequence, la reconnaissance specifique est le resultat de processus additifs, tels ceux que decrivent Lemon (1977) et Shiovitz et Lemon (1980). Chaque processus parait lie a la detection d'un trait specifique (syntaxe, forme des syllabes . . .). Les responses territoriales sont d'autant plus intenses qu'un plus grand nombre de traits est detecte.

Remerciements Ce travail a beneficie des credits du Centre national de la

recherche scientifique (Unite associee No 667) et de ceux de 1'Universite Paris X. Les auteurs remercient T. Aubin, C. Mechin et deux rapporteurs anonymes pour leurs remarques sur le manuscrit.

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1244 CAN. J. ZOOL. VOL. 64, 1986

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