Les enjeux liés à la compensation écologique dans le «projet de loi biodiversité»

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"Point de vue d'experts" Janvier 2016Par Harold LEVREL, économiste, professeur à l'AgroParisTechet Denis COUVET, écologue, professeur au Muséum National d'Histoire Naturelle

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  • Par Harold LEVREL & Denis COUVET

    HAROLD LEVRELProfesseur lAgroParisTech, cono-miste cologique au sein du Centre International de Recherche sur lEnvironnement et le Dveloppement.

    DENIS COUVETProfesseur au Musum National dHistoire Naturelle, cologue au sein du dpartement Ecologie et Gestion de la Biodiversit .

    Janvier 2016

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    #Compensation

    #viter-Rduire-Compenser

    #PrservationDuVivant

    #Nature

    Point de vue dexPerts

    Les enjeux lis la compensation cologique dans le projet de loi biodiversit

    Sommaire

    Avant-propos de la FEP 1. La squence viter-rduire-compenser (ERC) : la compensation et ses prsupposs 2. Les mesures compensatoires existantes : un dfaut dmocratique lorigine des contestations ?3. La dfinition de lquivalence cologique4. La dfinition de ltat de rfrence du site impact : une exhaustivit illusoire5. Substituabilit de la biodiversit et des fonctions cologiques

    5.1 Sous quelles conditions doit-on refuser la substituabilit ?5.2 Sous quelles conditions peut-on envisager la substituabilit

    6. Construction sociale de la substituabilit : du principe de durabilit faible au principe de durabilit forte 7. Lintroduction doutils de cadrage, de contrle et de rgulation des mesures compensatoires est incontournable8. La planification cologique : les mesures de compensation comme outil de politique co-sociale

    8.1 Laccs aux amnits environnementales 8.2 Le statut des terres agricoles : un facteur dincita-tion vers des pratiques agricoles durables ?

    9. Lanticipation des impacts : lexprience amricaine des rserves dactifs naturels10. Juger les effets de la loi biodiversit laune de critres objectifs Conclusion : compensation et devenir de la biodiversit

  • AVANT-PROPOS DE LA FEPMardi 26 janvier 2016, le Snat a vot en premire lecture, par 263 voix pour et 32 contre, le projet de loi pour la reconqute de la biodiversit, de la nature et des paysages , qui avait t adopt en premire lecture lAssemble nationale, le 24 mars 2015, une large majorit, par 325 voix contre 189. Le texte reviendra devant les parle-mentaires, en deuxime lecture, pour une adoption dfinitive prvue avant la fin de lanne.Premier texte denvergure depuis la loi de 1976 sur la protection de la nature, cette loi avait t annonce lors de la premire confrence envi-ronnementale de 2012 comme lune des trois grandes lois cologiques du quinquennat, avec la loi de transition nergtique et la rforme du code minier.Il sagit dun texte ambitieux et complexe, de par la diversit et la va-rit des domaines auxquels il sapplique (biodiversit terrestre, aquatique et marine). La loi ne se contente pas de consacrer certains espaces rservs, mais entend tendre le souci de la biodiversit lensemble des activits humaines impactant lenvironnement. Cest le principe de solidarit cologique qui appelle prendre en compte dans toute prise de dcision publique ayant une incidence notable sur lenvironnement, les interactions des cosystmes, des tres vivants et des milieux naturels ou amnags . Le triptyque viter, rduire, compenser sapplique tout amnageur dont le projet entrane des dgradations cologiques. La compensation est dfinie de manire gnrale comme: un avan-tage qui compense un inconvnient, un mal, un prjudice ; un ddom-magement . Elle ne remplace pas, elle quilibre le prjudice sur un site par des oprations qui amliorent ltat de la biodiversit en dautres lieux, ce qui est une faon de rparer les torts que cause lamnage-ment. On comprend intuitivement les difficults quelle peut poser lorsquil sagit de lappliquer lensemble des activits humaines im-pactant lenvironnement. Chaque milieu concern est particulier, les interactions sont complexes, les espces non substituables. Il sagit de dfinir des critres et une mthode dans le respect des spcificits de chaque situation. Lvaluation du prjudice comme de la valeur de ce qui est dtruit, ou menac, est centrale et fait lobjet de vives contro-verses. Le processus de dcision autour des projets damnagement devrait galement tre repens afin dintgrer les points de vue de lensemble des parties prenantes, des amnageurs aux associations de protection de la nature.Par la faon dont elle met en relation lvaluation cologique et lva-luation conomique, la squence viter, rduire, compenser est au cur des dbats autour de la loi sur la biodiversit. Les enjeux lis la valorisation de la nature et la possibilit mme de son valuation, constituent un axe principal du programme de travail de la Fondation de lEcologie Politique-FEP pour lanne 20161. Point de dpart dune srie de publications qui, nous lesprons, invitera dautres auteurs sexprimer sur ces sujets, le texte qui suit fournit des claircissements sur les problmes que posent les diffrents lments du triptyque viter, rduire, compenser , notamment sur la question de la com-pensation.Ce texte, qui runit les points de vue dun cologue et dun conomiste, propose une valuation des avantages et des dangers de ladoption des mesures compensatoires en France. partir dexemples pris aux Etats-Unis les auteurs prnent galement lintroduction doutils de ca-drage, de contrle et de rgulation des mesures compensatoires qui leur semblent ncessaires pour en faire un outil de politique publique acceptable car efficace dans la lutte contre lrosion de la biodiversit.- 2 -

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    1. Sappuyant sur des exemples concrets, le livre Faut-il donner un prix la nature ?, de Jean Gadrey & Aurore Lalucq, Institut Veblen-Les Petits Ma-tins, 2015, Prix du livre de la Fondation de lEcologie Politique 2015, aborde de faon exhaustive les enjeux lis aux valuations montaires. Disponible galement en ligne la vido du dbat Donner un prix la nature : vraie ou fausse solution ? , avec Catherine Larrre, Prsidente de la FEP, profes-seur mrite lUniversit de Paris I-panthon-Sorbonne : http://goo.gl/k91jTfr

  • 1. Notons ds prsent que de nom-breuses dynamiques dartificialisation pourraient tre vites travers la suppression de subventions gnrant des incitations lartificialisation ou de lanalyse srieuse de la viabilit co-nomique et de lutilit sociale de nom-breuses infrastructures (zones dactivi-ts commerciales ou infrastructures de transport surdimensionnes, logiques de projets immobiliers couplant des intrts fonciers, lectoraux et cono-miques discutables, etc.).2. On comprendra ici tant la biodiver-sit, ou diversit biologique, que la la godiversit, ou diversit du monde abiotique (ou la vie est donc exclue) ter-restre, gologique et sous-marine. Pour biodiversit on entend lensemble des organismes vivants ainsi que les inte-ractions qui existent, dune part, entre les organismes vivants eux-mmes, dautre part, entre ces organismes, leurs habitats naturels et leurs milieux de vie. La godiversit intgre la diver-sit gologique (roches, minraux, fos-siles), gomorphologique (formes du relief) et pdologique (sols), ainsi que lensemble des processus dynamiques qui les gnre. - 3 -

    1. La squence viter-rduire-compenser (ERC) : la compensation et ses prsupposs Ds 1976, la loi relative la protection de la nature, prvoit que tout projet, priv ou public, damnagement, dquipement et de production, doit tre valu et se conformer la squence viter-rduire-compenser (ERC). En effet, toute action dartificialisation des sols et de construction dinfrastruc-tures, a des effets sur lenvironnement, sur la biodiversit, quelle que soit la qualit des projets. Ces effets rsultent : de la perte dhabitats riches en biodiversit, irrversibles lorsquil y a

    artificialisation des sols ; de la fragmentation des cosystmes, crant des isolats qui sap-pauvrissent en biodiversit ; de prlvements accrus des ressources en eau, et donc une pression plus importante sur la nappe phratique qui alimente le territoire in-vesti par linfrastructure ; des rejets de matires, plus au moins polluantes, dans latmosphre, dans les sols, dans les cours deau et terme dans la nappe phratique.Dans le cadre de la squence ERC, il sagit dans un premier temps dviter1 autant que possible les impacts sur les lments considrs comme les plus importants de la nature2. Il sagit ensuite de rduire ces impacts en tu-diant des solutions moins intrusives. Enfin, la troisime et dernire tape, la compensation, cense tre dautant moins importante que les deux pre-mires tapes ont t bien traites, a pour objectif de compenser les impacts rsiduels, ncessairement prsents aprs vitement et rduction. Lide gn-rale de la compensation est de crer des gains de biodiversit par des actions humaines sur un cosystme ou une espce, ailleurs que sur le site impact.Il existe quatre types dactions admises aujourdhui par ladministration pour mettre en uvre des mesures compensatoires des impacts des activi-ts humaines sur la nature : lamlioration de la qualit dun cosystme ; la prservation dun cosystme ; la restauration dun cosystme par rapport un tat ou une dyna-mique antrieure ; la cration dun nouvel cosystme.Il faut souligner que les actions damlioration, de prservation ou de cra-tion des cosystmes soulvent des problmes importants en matire de gains surfaciques et de biodiversit en tant que telle. En effet, lamlioration des habitats vise agir sur les flux qui gnrent une dgradation de ces derniers (espces envahissantes, dgradation de la qualit de leau, etc.). La prservation a pour objectif de sauvegarder des parcelles dj en bon tat cologique. La cration implique le remplacement dun habitat par un autre (fort par zone humide par exemple) supposs avoir une plus grande valeur. Cest pourquoi la seule action qui vaille vraiment compensation est la restauration cologique. La restauration cologique peut se traduire par la remdiation de sites in-dustriels (dpollution des sols), par la renaturation de sites btis ou artifi-cialiss, par la destruction de barrages et dautres infrastructures sources de fragmentation, par la restauration de parcelles agricoles, par la refores-tation ou la remise en tat de zones humides.2. Les mesures compensatoires existantes : un dfaut dmocratique lorigine des contestations ?Les mesures compensatoires sont prsentes dans plusieurs vhicules l-gislatifs et rglementaires, franais et europens : Directive Natura 2000, tudes dincidence au titre de la loi sur leau, loi sur la Responsabilit En-vironnementale, loi davenir pour lagriculture, lalimentation et la fort et Code forestier. Au sein de la squence ERC, la compensation na t vrai-

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  • 3. Les mesures compensatoires sont mentionnes dans larticle 33A du pro-jet de loi. Le texte examin en deuxime lecture lAssemble nationale porte maintenant le numro 3442. http://www.assemblee-nationale.fr/14/projets/pl3442.asp 4. Le snateur Joel Labb, en colla-boration avec le rapporteur du texte au Snat, Jrme Bignon, a lanc une consultation en ligne sur le projet de loi pour la reconqute de la biodiver-sit, de la nature et des paysages qui sest conclue le 18 janvier 2016. Les participants pouvaient sexprimer en commentant les articles du texte, en votant sur les propositions faites et en proposant de nouveaux articles ou des amendements : https://goo.gl/a91j0l

    ment considre que rcemment, en particulier compter du Grenelle de lenvironnement. Lexamen des dossiers dposs au Conseil National de la Protection de la Nature (CNPN) montre que cette compensation reste trs partielle ; une grande proportion despces classes en liste rouge par lUnion Internationale pour la Conservation de la Nature en France (UICN) ne fait lobjet daucune mesure de compensation (Regnery et al. 2013), en ce sens quil nest pas prvu de parer aux dangers et atteintes pesant sur ces espces, pour compenser les dangers et atteintes rsultant de linfrastruc-ture concerne. Par ailleurs, les rcents articles sur les mesures compensatoires en France soulignent le manque dinformation dont on dispose pour se faire une ide claire de la situation (Rgnery, Qutier et al., 2014), labsence de registre na-tional empchant toute possibilit de dresser un premier tat des lieux sur cet outil et compliquant fortement toute forme de capitalisation sur les suc-cs et les checs de son application. Face cette insuffisance, on ne pourrait que se fliciter de lintroduction de mesures visant prciser et dployer la squence ERC dans le projet de loi pour la reconqute de la biodiver-sit, de la nature et des paysages , dsormais adopt en premire lecture au Snat le 26 janvier 2015 aprs une premire lecture lAssemble na-tionale3. Mais comme prcdemment dit, la compensation cologique est un instrument rglementaire clivant et son application est perue de diff-rentes manires selon le point de vue que lon adopte. Simple droit d-truire pour les uns et frein la croissance pour les autres, elle ne laisse jamais indiffrent et a pour point commun de mobiliser plus de dtracteurs que la plupart des autres articles du projet de loi pour la reconqute de la biodiversit, de la nature et des paysages (il suffit dailleurs de se reporter aux votes en ligne4 concernant les alinas du texte de loi pour se rendre compte que ce concept est clivant). Pour les tenants du dveloppement co-nomique, il sagit dun pur outil de politique de protection de la biodiversit tandis que pour les dfenseurs de lenvironnement, il sagit clairement dun outil conomique au service des secteurs du btiment.De manire gnrale, mettre en place une compensation cologique revient considrer quil peut tre lgitime de dtruire la biodiversit pour faire face une demande dinfrastructures. Il est important de souligner que, pour qui se proccupe de biodiversit, devoir compenser est ncessaire-ment un pis-aller dans une situation de toute manire dfavorable la biodiversit o les squences viter et rduire nont pas su faire mieux. Alors, pourquoi accepter den discuter ? Et quelles conditions ? Dans le cadre de la squence ERC, les amnageurs, les banquiers, les finan-ceurs des projets, les promoteurs immobiliers, les agriculteurs et les repr-sentants politiques amens dcider des projets damnagement du terri-toire, sont aujourdhui contraints dintgrer le maintien et la restauration des systmes cologiques parmi les tapes incontournables des projets et celui-ci est indniablement un point en faveur de la prservation de la bio-diversit. Mais il est important den valuer les modalits. Dans le cadre des procdures de dcision relatives aux projets damnage-ment qui prvoient une dclaration dutilit publique (DUP), si lensemble des parties prenantes ont pu correctement dfendre leurs avis lors du d-bat public et que ce dbat sest conclu, malgr les consquences dfavo-rables pour la biodiversit, en faveur de la construction dune infrastructure dsormais qualifie dutilit publique , que faire des impacts rsiduels ? Pourquoi exclure la possibilit dagir en faveur de la (re)constitution dun site dintrt cologique, dune zone humide, ou dun nouvel cosystme ?Il est vrai quaujourdhui, ce sont justement ces procdures de consultation des populations qui peinent fonctionner de manire convaincante. Parmi les raisons qui expliquent les conflits autour des projets qui gnrent des impacts ncessitant des compensations cologiques, il y a un dficit mani-feste soit de dbat dmocratique local, soit de traduction des conclusions du dbat et des recommandations qui en sont issues. La procdure associe au respect de la squence ERC est le plus souvent ouverte au public une - 4 -

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    fois que le dossier a t trait par les administrations en charge de donner laccord du projet de dveloppement et du projet de compensation asso-ci. Elle se rsume souvent une simple enqute publique, qui nimplique pas un vritable processus dlibratif. Cela conduit des recours de la part dONG environnementales qui nont pas dautres leviers et dautres solu-tions pour agir sur le projet. Le dfaut de dmocratie en amont fait que les acteurs du territoire ne sont pas au courant, ne peuvent pas tre associs aux discussions sur les meil-leures manires dviter, de rduire et de compenser. Cela conduit gn-rer de mauvais projets de dveloppement (tant du point de vue co-nomique, cologique que social) qui bnficient pourtant de la Dclaration dutilit publique (DUP), de mauvaises applications de la squence ERC et des procdures qui financent davantage les cabinets davocats que des actions en faveur de la restauration cologique. Crer des obligations rglementaires de consultation des parties prenantes autour de la procdure ERC autoriserait que ds lorigine du projet, des dbats soient organiss sur les meilleures manires dviter, de rduire et de compenser. Cela permettrait de crer une dynamique de dialogue, en lieu et place des habituelles procdures juridiques de recours, et aux d-veloppeurs de ne pas monter des projets qui devront systmatiquement se confronter la mobilisation des acteurs environnementaux. Un tel travail en amont, en partenariat avec les administrations concernes, permettrait par ailleurs de faciliter une logique de planification cologique du territoire sur laquelle nous reviendrons plus loin. Pour mieux comprendre le risque de gnrer des effets pervers, contraires aux intentions dune loi qui a pour but la reconqute de la biodiversit, de la nature et des paysages, nous revenons ci-dessous sur la dfinition de certains concepts incontournables dans la pratique de lcologie. Il sagit dvaluer le plus prcisment possible quels impacts sont envisags, de les viter ou de les rduire, bien avant de devoir les compenser. Nous abordons notamment les notions d quivalence cologique et de substituabilit et leurs consquences de nature socio-conomique et thique.3. La dfinition de lquivalence cologiqueSi dans son tat actuel le texte du projet de loi pour la reconqute de la bio-diversit, de la nature et des paysages ne suppose pas que lon puisse res-taurer lidentique, il anticipe par contre que lon puisse tablir des quiva-lences (Titre V, Chapitre II, Section 1A, Article n 33A) entre sites impacts par les projets et sites restaurs. Mais revenons dabord sur quelques prin-cipes fondamentaux quand il sagit de grer les espaces et les espces de faon respectueuse et soutenable. Alors que la compensation concerne essentiellement les espces menaces et seulement de manire partielle comme nous lavons soulign il sem-blerait tout aussi pertinent de prendre en compte les espces ordinaires et donc non menaces selon les critres de lUICN, dautant plus quelles sont souvent en dclin gnral (oiseaux communs, pollinisateurs). De plus, il semblerait logique que les fonctions cologiques5 qui permettent le maintien des cosystmes et des services cosystmiques quils dlivrent soient pris en compte dans le cadre des nouvelles mesures compensatoires .La diversit biologique, qui dpend la fois de la diversit en espces me-naces et en espces ordinaires, a une importance en soi. Elle dtermine la capacit de la biodiversit rpondre et sadapter aux changements envi-ronnementaux. Le maintien de la godiversit, ou diversit des lments physico-chimiques du paysage (Hjort et al. 2015) tels que la topographie, le microclimat, les types de sols ou lhydrographie, peut aussi aider prser-ver les capacits adaptatives de la biodiversit.Cette double diversit contribue la stabilit et la rsilience des cosys-tmes : un cosystme simplifi, peu diversifi, est plus sensible aux alas environnementaux quun cosystme riche en espces et/ou en interac-

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    5. Les fonctions cologiques sont dfi-nies comme les processus biologiques qui permettent le fonctionnement et le maintien des cosystmes (vision cologique). Cette notion conduit la notion de services cosystmiques, ou de bnfices retirs par lhomme des processus biologiques (vision cono-mique). Source : Vers des indicateurs de fonctions cologiques. Liens entre biodiversit, fonctions et services , Economie et valuation, n51, mai 2010, CGDD.

  • tions prouves par la slection naturelle et lvolution. Ainsi, des commu-nauts de pollinisateurs sauvages ne peuvent tre que trs partiellement remplaces par des populations dabeilles domestiques, plus homognes au plan gntique et dans les fonctions cologiques assures. Intgrer la diminution ou la disparition des fonctions cologiques parmi les impacts des activits humaines compenser par la loi, requiert la dfinition de critres pour la prise en compte de ces fonctions. Ces critres peuvent tre labondance et/ou la diversit gntique et spcifique des groupes fonctionnels majeurs et bien identifis (oiseaux, insectes pollinisateurs..), ou bien ils peuvent concerner ltat des chanes alimentaires (en examinant par exemple labondance des espces en haut des chaines alimentaires, les carnivores), ltat des rseaux cologiques (notamment la diversit des in-teractions plantes-pollinisateurs).Mais le maintien et la restauration des fonctions cologiques doivent repr-senter galement un objectif majeur des nouvelles mesures de compensa-tion, notamment travers le maintien de la fertilit des sols, de leur faune et de leur flore, des espces mutualistes (dveloppant des cooprations avec dautres espces) telles les pollinisateurs, ou encore le contrle biologique exerc par les carnivores. En consquence, ltat des groupes fonctionnels majeurs, ncessaires au bon fonctionnement de lcosystme, devrait four-nir un critre pour le calcul de lquivalence prvue par la loi entre site(s) impact(s) et restaur(s). Ceci reviendrait avoir une approche par com-munauts. Focaliser les mesures compensatoires sur des quivalences en termes de communauts despces a des vertus cologiques mais aussi oprationnelles. Il est ainsi plus ais pour un gestionnaire ou un agent de ladministration davoir une logique intgre concernant lcosystme dans son ensemble, plutt que davoir une approche espce par espce. Lco-logie de la restauration et lingnierie cologique devraient ds lors tre beaucoup plus fortement mobilises dans les diagnostics de ce quil est pos-sible de compenser ou pas et dans les mesures qui permettront de justifier le concept dquivalence.Retenons quil est donc possible et souhaitable dtre plus ambitieux dans la compensation, de ne pas se limiter aux espces menacs, de prendre en compte la biodiversit ordinaire, les fonctions cologiques, la godiversit. Et quil existe des critres scientifiques permettant de prendre en compte ces objectifs de manire pragmatique.4. La dfinition de ltat de rfrence du site impact : une exhaustivit illusoireDfinir ltat de rfrence pour la diversit biologique nest pas trivial. Inventorier de manire aussi prcise que possible la biodiversit sur le site impact nest pas ncessairement suffisant et par ailleurs relative-ment illusoire. Le plus souvent, ce sont essentiellement des vertbrs et des plantes sup-rieures qui sont identifis. La plupart des groupes dinvertbrs, dautres vgtaux ne sont pas pris en considration, notamment faute de spcialistes et de mthodes permettant ces identifications un cot et en un temps compatibles avec les moyens disponibles. En consquence, lexigence de surfaces de compensation suprieures celles du site impact peut tre considre comme une mesure de prcaution minimale face ces incerti-tudes scientifiques difficiles lever.Il semble ncessaire de tenir compte de la dynamique de la biodiversit, des variations de prsence et dabondance des espces dans lcosystme impact par lintervention humaine, que ces variations soient lies aux d-placements, aux migrations, aux alas environnementaux En effet les communauts animales et vgtales, celles des micro-orga-nismes, sont dynamiques : leur composition est sujette des phnomnes alatoires lis aux conditions climatiques et pdologiques du site impact. Il pourrait donc tre pertinent dvaluer la biodiversit manquante qui nest - 6 -

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    pas prsente sur le site, mais qui aurait pu y tre, correspondant au mme type de diversit biologique, assurant les mmes fonctions cologiques. Cela permettrait den infrer une biodiversit de rfrence lchelle rgionale, en sappuyant sur la description dcosystmes proches et comparables.Cela pourrait offrir lopportunit de compenser pour des espces rares et considres comme importantes lchelle rgionale, qui auraient pu tre prsentes sur le site de compensation mme si elles ne ltaient pas, plutt que des espces largement rpandues lchelle rgionale et en effet prsentes sur le site impact au moment de la ralisation de linventaire. En dautres termes, prendre en compte cette biodiversit potentielle revient considrer les enjeux de prservation de la biodiversit lchelle rgionale, et dpas-ser les simples enjeux associs au site impact, en tenant compte des dyna-miques et du fonctionnement de la biodiversit et des fonctions cologiques une plus grande chelle. Les contributions respectives du site impact et du site de compensation cette dynamique de la biodiversit rgionale dtermi-neront dans une large mesure le bilan cologique de la compensation. Ces considrations sur la dfinition de ltat de rfrence renvoient au pro-blme de la dfinition de la substituabilit.

    5. Substituabilit de la biodiversit et des fonctions cologiques

    5.1 Sous quelles conditions doit-on refuser la substituabilit ?La possibilit de compenser les pertes de biodiversit lies la construc-tion dinfrastructures est intrinsquement lie la notion de substituabi-lit de la biodiversit, entre celle qui tait prsente sur le site impact et celle qui sera prsente terme sur le site de compensation. Comme prcis plus haut, lide de compensation suppose lexistence dune possibilit qui vaudrait quivalence de substitution dune perte dans un endroit par un gain dans un autre .Cependant ce raisonnement nest pas du tout automatique. Les individus dune espce, quelle que soit lespce, ne sont pas substituables et leur des-truction doit tre vite autant que possible. Une possibilit est de dplacer les individus, condition que leurs conditions de survie et de reproduction soient satisfaisantes sur le site o ils sont dplacs. Les projets pouvant provoquer la disparition dindividus dans des cosys-tmes, chez des espces mondialement menaces (esturgeon europen ou vautour percnoptre titre dexemples), doivent faire lobjet dvitement, la compensation, en ce cas, nest pas une option.Par ailleurs, ces individus, travers les populations, les communauts, les cosystmes quils constituent, participent au maintien de la diversit bio-logique des espces avec lesquelles ils ont des interactions cologiques. Ils assurent aussi un certain nombre de fonctions cologiques qui de mme devraient tre prserves ou recres sur le nouveau site. Aussi, la prsence significative dhabitats menacs, dinteractions cologiques du site impac-t avec des espces menaces prsentes alentour, de fonctions cologiques trs menaces par exemple la pollinisation , pourrait conduire refuser la compensation. De plus, certaines mesures compensatoires de restauration ou de cration dcosystmes sont trop incertaines pour tre ralistes (par exemple, la cration de tourbires ou la cration de pelouses calcaires sches). Aus-si, les constructions dinfrastructures pourraient tre retardes tant que les mesures de compensation nont pas fait la preuve de leur efficacit, nont pas montr que les espces et les fonctions cologiques, seront bien maintenues, et/ou restaures. Les projets gnrant des impacts sur des habitats pour lesquels les ca-pacits de restauration sont faibles, que ce soit pour des questions de temporalit ou dincertitude des rponses cologiques, devraient tre entirement prohibs.

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  • 5.2 Sous quelles conditions peut-on envisager la substituabilit ?En revanche, pour ce qui concerne les espces dites ordinaires , gn-rant de nombreuses fonctions cologiques, la substituabilit et donc la com-pensation peuvent senvisager. A laune du devenir des espces ordinaires identifies, il sagit de comparer la pertinence du site impact et du site de compensation, aprs actions humaines de restauration. Il sagit en fait de comparer la contribution du site impact et du site de compensation aprs restauration la dynamique cologique de la biodiversit rgionale. On peut concevoir quune perte de fonction de pollinisation dans un site donn puisse tre compense par une restauration dans un site de compensation.Il en va de mme pour la substituabilit des fonctions cologiques. La com-pensation suppose donc que ces fonctions cologiques puissent tre main-tenues; ceci en substituant des pertes sur un site dont la qualit va tre d-grade par le projet damnagement, par des gains sur un autre site dont la qualit va tre amliore. Ce qui permet dassurer le maintien de la biodi-versit une chelle plus large que celle du site impact.Enfin, pour savoir dans quelles conditions la substituabilit peut tre en-visage, il est indispensable dintgrer lincertitude des rsultats attendus, pour dterminer les espces et les cosystmes requirant la compensa-tion. Crer un habitat favorable telle espce ne garantit pas quelle occupe-ra effectivement cet espace. En effet, la prsence et le maintien des espces dpendent de phnomnes alatoires, des changements globaux, et par consquent le succs nest jamais assur 100% . Lcologie de la restauration a dmontr quil tait possible de restaurer certaines composantes de la biodiversit ou certaines fonctions colo-giques. Les recherches dans ce domaine indiquent que les cosystmes d-grads peuvent tre restaurs en moyenne 75% de leur tat naturel, dans un laps de temps allant de quelques annes plus dun sicle selon lhabitat considr. Bien videmment, ce chiffre recouvre une grande variabilit se-lon lhabitat, mais ce rsultat montre quil est possible de restaurer des co-systmes largement dgrads ou artificialiss. Lcologie de la restauration nous dit aussi comment amliorer lefficacit des actions et mesures entre-prises - lefficacit de la restauration augmente avec la surface de lhabitat considr, par exemple.Sous certaines conditions, la substituabilit est donc envisageable, la condition quelle tienne compte de multiples critres cologiques tels que ltat des espces, des communauts, des cosystmes impacts, des fonc-tions cologiques assures, de la non compltude des inventaires et donc de lincertitude des gains . A la lumire des conditions nonces, on ralise la fragilit scientifique de tout bilan qui conclurait a priori au caractre satisfaisant de loption com-pensation. Il sagit en effet dune situation caractristique dapplication du principe de prcaution : il sagit dagir en situation dincertitude en sachant que lcologue et le naturaliste prfreraient que lon sursoie la construc-tion de linfrastructure.La compensation doit tenir compte des connaissances partielles que lon a sur la biodiversit, notamment lors des inventaires faits lors de ces opra-tions. On ne peut se contenter de considrer ce qui a t inventori, mesur. Ces critres et ces incertitudes dordre cologique doivent donc tre placs dans un cadre plus large, qui est celui du dbat social, ce que nous allons maintenant aborder.6. Construction sociale de la substituabilit : du principe de durabilit faible au principe de durabilit forte Un enjeu fort concerne ainsi la nature de lquivalence et la capacit dont dispose aujourdhui la socit obtenir cette quivalence, que ce soit en matire de techniques de restauration cologique, dexigence rglemen-taire ou de police environnementale. - 8 -

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    Pendant des annes, le principe dquivalence a t envisag implicitement sous langle du critre de bien-tre social (ce qui est dcrt dutilit pu-blique), lgitimant la destruction de la biodiversit (ordinaire ou classe) au motif que ces impacts taient plus que contrebalancs par la croissance conomique ainsi alimente. La compensation se rsumait alors la rpa-ration montaire et consistait, lorsque le droit lexigeait, indemniser des acteurs qui subissaient des prjudices pcuniaires lis aux dgradations en-vironnementales. A titre dexemple, les pertes lies un amnagement d-clar dutilit publique, gnrant la destruction dun habitat naturel, taient compenses en estimant la valeur foncire de cet habitat et ventuellement le manque gagner pour le propritaire (par exemple, dune fort exploi-te). Dans le cas dimpacts accidentels, dus par exemple une mare noire, ces derniers taient compenss hauteur du manque gagner pour les p-cheurs et les commerants dpendant du tourisme. Dans tous les cas, lqui-valence tait base sur une compensation financire selon une conception trs troitement utilitariste de la biodiversit.Cette forme dquivalence conomique sappuyait sur un principe de durabilit faible correspondant lide quil existe une forte substituabi-lit entre diffrentes formes de capitaux, ou de patrimoines naturel, hu-main et physique permettant in fine daccrotre le niveau de richesse dune population. Pour rappel, le capital ou patrimoine physique reprsente toutes les pro-ductions manufactures accumules par les socits et qui est lacception classique de la notion de capital. Le patrimoine (capital en conomie) na-turel est reprsent par les ressources renouvelables et non renouvelables permettant de produire ce que lon nomme aujourdhui les services cosys-tmiques. Le capital humain est mesur par les conomistes par le niveau dducation et de sant dune population, mais a bien dautres dimensions.Un principe de durabilit forte repose, au contraire, sur lide que les diffrentes formes de patrimoines (capitaux) sont complmentaires. Il affirme, par consquent, quil est crucial de conserver un niveau donn de patrimoine naturel, mme si sa dgradation peut gnrer des gains sur dautres plans. Ceci se justifie aussi bien pour des raisons thiques quco-nomiques, lrosion de la biodiversit faisant courir des risques difficiles apprhender pour le bien-tre des populations. Cette ide de patrimoine naturel maintenir admet des logiques de subs-titution dans les composantes de ce dernier, tant que les fonctions colo-giques ou services cosystmiques que ces composantes permettent de produire sont maintenus. Il semble que ce principe sapplique ainsi relati-vement bien aux espces ordinaires.videmment, la porte dune telle approche est fortement lie ce que lon considre comme le maintien des fonctions et services cosystmiques et de ce que lon va intgrer dans la notion de patrimoine naturel . Il nem-pche, la notion de compensation cologique correspond une vision op-rationnelle du principe de durabilit forte visant maintenir des fonctions cologiques et non plus seulement augmenter la richesse conomique dune population. Ainsi, qui dit compensation cologique dit arrt, en valeur absolue, de la d-gradation de la biodiversit cible6, en considrant que ce qui est gagn par des actions de restauration permet de contrebalancer (au moins) ce qui est perdu par des projets qui ont des consquences ngatives sur la biodiversit. Pour autant, le dcalage entre lobjectif que sous-tend le principe de com-pensation cologique et les rsultats obtenus par sa mise en uvre peut tre grand, voire trs grand : dun principe qui sinscrit dans un schma de durabilit forte en crant un cadre contraignant pour notre modle de d-veloppement, on peut insidieusement tendre la mise en place dun outil rglementaire supplmentaire permettant dobtenir des droits dtruire des espaces naturels si les outils de cadrage, de contrle et de rgulation sont insuffisants (Levrel et al., 2015).

    7. Dispositions de larticle n25 de la LOI n 2014-1170 du 13 octobre 2014 davenir pour lagriculture, lali-mentation et la fort : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?-cidTexte=JORFTEXT000029573022&-dateTexte=20160114, dont il reste dfinir les modalits par dcret.

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  • 7. Lintroduction doutils de cadrage, de contrle et de r-gulation des mesures compensatoires est incontournable.Les premiers bilans plus que mitigs autour des mesures compensa-toires en France sont lis un manque de cadrage rglementaire prcis. Il faut tablir des rgles qui ne soient plus de simples lignes directrices ou des doctrines (qui reste simplement indicatives), mais des cadres l-gaux prcis qui peuvent donner lieu des contrle et des sanctions si ncessaire. Les innovations mettre en place, pour faire dune rglementation sur les mesures compensatoires un outil de politique publique efficace, sont de plusieurs natures : techniques, juridiques et procduraux. Outils tech-niques car il faut adopter des mthodes de suivi cologiques et des indi-cateurs de rsultats clairs mais aussi des instruments dvaluation de lquivalence qui soient standardises et exigeants, sans quoi lincertitude rgnera sur la ralit de la compensation. Outils juridiques car il est nces-saire de mettre en place des fonds assurantiels en cas dchec des actions de restauration, et des garanties lgales visant protger perptuit les parcelles restaures. Outils procduraux car il est ncessaire dtablir des critres prcis et partags pour : donner une priorit aux actions de restauration et limiter autant que possible le recours aux actions de prservation, de cration et dam-

    lioration pour justifier dune compensation ; distinguer ce qui peut tre compens de ce qui ne peut pas ltre et tablir ainsi une frontire de compensation ; stabiliser les tapes de mise en uvre dune mesure compensatoire digne de ce nom ; crer une organisation ad hoc indpendante, en charge de valider, contrler et sanctionner, si ncessaire, les acteurs de la mise en uvre des mesures compensatoires; dvelopper des cadres de gouvernance transparents et plus intgra-tifs lchelle locale, permettant de discuter des dclarations dutilit publique des projets, des options dvitement, de rduction et de com-pensation ds le dbut des projets en vue de faciliter une planification cologique lchelle des territoires.

    En labsence de ce type de rgles, cest lincertitude qui rgne et les conflits qui apparaissent trs rapidement. Tout cela a un cot mais les capitaux naturels et humains tant des biens communs, il apparat logique de reporter ces investissements sur les sec-teurs lorigine des impacts auxquels ils seront soumis, dautant plus que ces dpenses permettront le dveloppement dun secteur de la restauration cologique de qualit. Comme voqu au point 2. de la note, les tapes dune mesure compensa-toire digne de ce nom, devraient intgrer la consultation des parties pre-nantes en amont de la squence ERC et aller dans le sens dune planification cologique des territoires. 8. La planification cologique : les mesures de compensation comme outil de politique co-sociale

    8.1 Laccs aux amnits environnementales

    La planification cologique devrait avoir pour objet de crer de la coh-rence entre les mesures compensatoires exiges par les diffrents vhicules lgaux et rglementaires (loi sur leau, Natura 2000, loi sur les tudes dim-pacts, trame verte et bleu, loi davenir pour lagriculture, lalimentation et la fort), mais aussi de rendre plus lisibles les procdures aussi bien pour les entreprises que pour les acteurs environnementaux et les administrations, ce qui ne veut pas dire en rduire la porte. - 10 -

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    Dans le cadre dune planification cologique aboutie, les mesures compen-satoires pourraient fournir un levier de prquation territoriale, en favo-risant laccs aux amnits environnementales pour les populations des sites concerns par les actions de compensation. Cela ncessite notamment dvaluer quelles sont les logiques de mutualisation des compensations qui peuvent permettre de crer des espaces naturels restaurs qui vont bn-ficier la population environnante (il faut imaginer ici un site de la taille dun parc ou dun jardin public). Il faudrait galement crer les conditions permettant ces populations de pouvoir accder ces espaces renaturali-ss sans gnrer dimpacts sur ces zones, sans quoi latteinte de lobjectif de compensation pourrait tre menace. 8.2 Le statut des terres agricoles : un facteur dincitation pour des pratiques agricoles durables ? Lagriculture est indirectement concerne par les compensations colo-giques. Dune part parce que les terres agricoles les plus productives, la priphrie des villes, sont souvent impactes en priorit par les projets dinfrastructures. Ensuite parce que les compensations sont souvent rali-ses sur des terres agricoles. Enfin, du fait que ces deux dynamiques crent une pression sur les prix du foncier agricole. Cest la raison pour laquelle certains acteurs du secteur agricole parlent de triple peine ( lexception de ceux qui vendent les terres). Nanmoins, lobligation depuis lt 2015 de raliser des compensations pour les pertes de terres agricoles7 pourrait corriger cette dynamique par exemple en remettant en terrains agricoles des friches industrielles ou des stocks spculatifs de terrains btir, avec des gains envisageables pour la biodiversit, dans la mesure o elle devrait tre plus prsente sur des terres agricoles que sur des terres artificialises. Ce qui suppose des pratiques agricoles favorables la biodiversit sur ces terrains.En consquence, la compensation pourrait conduire promouvoir des pra-tiques agricoles favorables la biodiversit, telles que lagriculture biolo-gique et lagrocologie, sous forme de contractualisation. Ce qui pourrait contribuer une transition gnrale de lagriculture vers des pratiques agricoles plus compatibles avec le maintien de la biodiversit, un bnfice potentiel majeur pour la biodiversit. Pour tre raliss, ces bnfices de-mandent dvaluer clairement les gains correspondant ce qui a t dtruit par ailleurs. Par exemple, il semble dlicat de considrer que les impacts sur des zones humides de bonne qualit puissent tre compenss par des changements dactivits agricoles du fait quil ny aurait pas de gain surfa-cique mais plutt des gains fonctionnels travers ce changement dusage. En revanche, si les impacts compenser ont t produits sur des zones hu-mides de faible qualit, alors ce type de compensation pourrait avoir du sens. Il faut donc pouvoir imaginer une hirarchisation des modalits de compensation au regard des types dimpacts.En dautres termes, le cas des terres agricoles souligne que mme si la substituabilit a de nombreuses limites directes, ses bnfices indirects, en fonction des types dimpacts compenser, pourraient tre plus importants.9. Lanticipation des impacts : lexprience amricaine des rserves dactifs naturels. Une rserve dactifs naturels (RAN) est une parcelle, gnralement de grande taille, sur laquelle des actions de restauration cologique ont t menes, permettant de crer des gains cologiques. Ces gains peuvent tre utiliss pour compenser des pertes cologiques lies des impacts produits sur dautres parcelles, sous conditions que la nature des gains et des pertes soit quivalente et que la distance entre la zone impacte et la zone restau-re ne soit pas trop grande (aux Etats-Unis autour de 20-30 km pour les zones humides, au sein du mme bassin versant, par exemple).

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  • Au regard des premires tudes sur le sujet, les diffrences entre la loca-lisation des sites dimpact et celle des sites de compensation ne semblent pas marques par un niveau durbanisation spcifique, les impacts ne se concentrent pas en zone urbaine, ni les compensations en zone rurale ; ni par une structuration sociale spcifique, les emplacements des zones dim-pact et de compensation ne se trouvant pas prfrentiellement dans les zones o habitent des catgories de population particulirement aises ou dfavorises (Bendor et al., 2011 ; Bendor & Stewart, 2011). Il en rsulte ce-pendant ncessairement des phnomnes de land-sparing , cest--dire une dynamique de spcialisation des territoires, des zones ddies au dveloppement anthropique dune part et la protection de la biodiversi-t dautre part, do limportance dune planification cologique et sociale (voir plus haut), pour ne pas laisser aux simples logiques conomiques la responsabilit de la redistribution des zones humides sur le territoire.La mise en place de rserves dactifs naturels (appeles banques de com-pensation ) ncessite videmment la capacit valuer prcisment les gains et les pertes, tant dun point de vue qualitatif que quantitatif, et leur substituabilit, ce dont nous avons dj prcis le caractre alatoire plus haut, ainsi que lincertitude quant aux rsultats attendus. Ces rserves dac-tifs naturels doivent par ailleurs offrir des garanties de prennisation des gains cologiques correspondant la dure des pertes quelles sont censes compenser. Ds lors, si les impacts sont irrversibles et dfinitifs (ce qui est souvent le cas) il faudra que les gains soient tout aussi irrversibles et dfinitifs. Les RAN ont pour objectif de faciliter lanticipation et la mutualisation de la compensation. Elles prsentent ainsi plusieurs avantages : Concentrer les responsabilits de la mise en uvre des mesures com-pensatoires dans les mains dun nombre limit doprateurs, ce qui

    conduit faciliter les procdures de contrle de lefficacit cologique des actions de compensation (en Floride, par exemple, les RAN sont contrles chaque anne, parfois par des bureaux dtudes habilits ces audits - Vaissire et Levrel, 2015). Obtenir une meilleure efficacit cologique du fait de la taille plus grande des parcelles restaures et de leur plus grande connectivit avec dautres habitats de mme type ; il a en effet t dmontr que des tailles de surfaces restaures plus importantes augmentaient trs significativement les taux de succs des actions de restauration pour les zones humides (100% pour la biodiversit structurelle au-dessus de 100 hectares) (Moreno-Mateos et al. 2012) ; en outre les projets de restauration grande chelle gnrent des conomies dchelles. Obtenir une meilleure efficacit cologique du fait quune partie de la restauration est effective avant la survenue des impacts quelle a vo-cation compenser, vitant alors des pertes temporaires mme si une partie des crdits peuvent potentiellement tre dbloqus partir du moment o le foncier est scuris, travers une servitude environne-mentale par exemple, et que des fonds de garantie financire ont t crs (Robertson et Hayden, 2011). Permettre une planification cologique par les administrations, en charge du contrle de ces actions de compensation, lchelle de rgions, bassins versants, aires de distribution, en vue de crer de la cohrence et de la complmentarit entre diffrentes actions de compensation. Ces avantages potentiels demandent nanmoins tre compars aux ef-fets pervers potentiels, en particulier lmergence dun lobbying des pro-pritaires des rserves dactifs naturels en faveur de la construction din-frastructures en vue davoir plus dopportunits de vendre leurs crdits. Mais lexprience amricaine montre que le lobby en question a surtout pour objectif de veiller ce que la rglementation soit applique scrupuleu-sement, sans quoi les propritaires de RAN pourraient perdre de largent. Ainsi, les propritaires de RAN aux Etats-Unis ont lanc ces dernires an-- 12 -

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    nes de nombreuses procdures juridiques auprs des cours administra-tives contre les administrations en charge du respect de lapplication des mesures compensatoires (Levrel et al., 2015b).Depuis 2008, il est possible de considrer que ce systme organisationnel a t assez bien stabilis aux Etats-Unis, suite aux critiques du National Re-search Council et du Government Accountability Office (lorganisme daudit du Congrs) qui soulignaient le manque defficacit des mesures compensatoires. Il est organis autour dun ensemble de rgles qui permettent de garantir un niveau dexigence cologique relativement lev. Ces rgles sont les suivantes : aprs avoir acquis le foncier ncessaire la restauration cologique, la RAN doit apposer sur la parcelle une servitude environnementale

    qui implique un renoncement dfinitif tout usage ayant des impacts ngatifs sur les zones humides, y compris en cas de changement de propritaire; il est ensuite ncessaire de fournir un plan de restauration cologique qui donne le dtail des tapes qui vont tre suivies (y compris un plan dassurance des travaux proposant un plan de rectification des ob-jectifs si besoin) et qui vont justifier loctroi progressif de crdits de compensation tout au long du processus de mise en oeuvre de ce plan ; il est obligatoire de crer un fonds de garantie qui puisse tre dblo-qu en cas de faillite de la banque et qui sera mis disposition de lad-ministration pour finaliser le travail de restauration; il est obligatoire de crer un fonds de gestion long-terme, gnrant un taux dintrt fixe, qui permettra de mobiliser les fonds ncessaire la gestion perptuit du site ; les gains cologiques doivent tre dmontrs partir dun suivi prcis dun grand nombre dindicateurs fonctionnels et structurels, qui conditionnent loctroi des crdits ; les pertes et gains cologiques (en fonctions et en espces) sont va-lus partir de mthodologies standardises, appliques lors de lvaluation et du suivi des banques, et lors des demandes dautorisa-tion des projets damnagement.Trois acteurs jouent un rle cl dans ce cadre : Les lgislateurs ont cr une instance organisationnelle indpendante (comprenant diffrentes agences de protection de lenvironnement mais aussi des reprsentants des communauts locales) qui a pour objectif de valider le programme de compensation, den contrler lap-plication et de dlivrer les crdits de compensation. Cet organisme, de part son indpendance, se trouve en capacit de rsister aux pressions de diffrentes partie-prenantes ; les consultants et bureaux dtudes jouent un rle de mdiateur entre les rgulateurs et les propritaires des RAN, en ngociant les crdits et les plans de gestion des banques ; les organisations de protection de la nature bnficient des rtroces-sions de servitudes environnementales une fois que les RAN ont atteint leurs objectifs de restauration cologiques et vendu leurs crdits de compensation. Ces organisations rcuprent aussi le fond de gestion de long-terme qui leur permettra de financer les actions de gestion de manire prenne.Les observations ralises aux Etats-Unis montrent par ailleurs que les de-mandes dautorisation de construction nont pas augment depuis le dve-

    loppement des rserves dactifs naturels, probablement du fait du cot des crdits de compensation (Levrel et al., 2015). En effet, le cot de la compen-sation pour les zones humides (habitats menacs et essentiels pour lqui-libre cologique territorial) se situe entre 100 000 et 300 000 $ par hectare impact selon les types de zones humides et les juridictions dans lesquelles ces compensations ont lieu (Levrel et al., 2015a). Certains propritaires re-noncent dailleurs tout simplement au permis de destruction qui leur a t octroy, transformant leurs terrains constructibles en rserves

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  • dactifs naturels. Si des cots aussi levs apparaissent, cest parce que les procdures de compensation sont devenues ces dernires annes extrme-ment strictes et que les innovations techniques, juridiques et procdurales mentionnes plus haut ont t adoptes par ladministration amricaine.Une premire remarque qui simpose lorsquon rflchi ce mcanisme pour la France est quactuellement aucunes des rgles et outils juridiques mentionns ci-dessus nexiste et quil ny a donc aucune raison pour que cela puisse permettre damliorer les mesures compensatoires... Notons par ailleurs que ces rserves dactifs naturels, faisant intervenir le secteur priv et des logiques de transfrabilit propres au march, sont mal perues par de nombreux acteurs. Pourtant cette perception doit tre nuance, car le systme des RAN reprsente une forme organisationnelle hybride plutt que purement marchande (Vaissire et Levrel, 2015). Ainsi, lexprience amricaine nous montre que les RAN ont eu pour fonction de remettre des droits privs sur la biodiversit dans le domaine public (Le-vrel et al., 2015b). Cependant ce diagnostic na pour linstant t ralis que pour les Etats-Unis. Mais, contrairement lhypothse selon laquelle une telle dmarche ne serait pas envisageable en France faute de rserves foncires dispo-nibles, il est possible dopposer une ralit politique tout autre. Certains Etats amricains, plus densment peupls, disposant de moins de rserves foncires que la France et ayant un fort pass industriel, comme cest le cas dans le Nord-Est, ont russi mettre en place ce type de systme de com-pensation. Cest le cas du New-Jersey o les actions de compensation ont principalement lieu dans des friches industrielles. Evidemment, les cots de restauration sont trs levs. La diffrence avec la France ne concerne ainsi pas tant le foncier disponible que le contexte politique, social et co-nomique dans lequel sappliquent les compensations cologiques.10. Juger les effets de la loi biodiversit laune de critres objectifs Les effets de cette loi sur la compensation devront donc tre jugs laune de critres objectifs, non infods aux intrts des parties prenantes. Parmi ces critres, le principal est la rduction de lartificialisation des sols et habitats quelle aura permis terme, en valeur absolue, dans la mesure o cet effet est mesurable. A cet gard, on peut souli-gner quaux Etats-Unis la perte de zones humides a t fortement rduite (pertes estimes 134 000 hectares par an dans les annes 70-80 et 16 000 hectares par an entre 2004 et 2009) via des politiques environne-mentales actives, parmi lesquelles les mesures compensatoires, visant les protger (Dahl, 2011). Une autre question cl est celle de la volont politique de faire appliquer la rglementation autour des mesures compensatoires environnementales. Au regard de la complexit de ce nouvel outil de politique environnemen-tale, le lgislateur devra sassurer que les outils de cadrage, de contrle et de rgulation soient suffisamment robustes pour accompagner les actions de compensation cologique envisages par le projet de loi.

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    Rfrences bibliographiquesBenDor T, Lester TW, Livengood A, Davis A, Yonavjak L 2015. Estima-ting the Size and Impact of the Eco-logical Restoration Economy , PLoS ONE 10(6): e0128339. doi:10.1371/journal.pone.0128339 BenDor T. & Stewart A., 2011. Land Use Planning and Social Equity in North Carolinas Compensatory Wetland and Stream Mitigation Pro-grams , Environmental Management, 47, 239253.BenDor T.K. & Riggsbee J.A., Doyle M., 2011. Risk and Markets for Ecosys-tem Services , Environmental Science and Technology, 45, 1032210330 Dahl T.E., 2011. Status and Trends of Wetlands in the Conterminous United States 2004 to 2009, Washington. Frame B., OConnor M., 2011. Inte-grating valuation and deliberation: the purposes of sustainability assess-ment. Environmental Science and Policy, 14 (2011) 110.Levrel H., Frascaria N., Hay J., Martin G., Pioch S. (eds.), (2015a), Restaurer la nature pour attnuer les impacts du dveloppement. Analyse des mesures compensatoires pour la biodiversit, Collection Synthses, Editions Quae, 320p.Levrel H, Scemama P, Vaissire A-C, (2015b) Risques associs aux banques de compensation et adap-tations des rgulateurs aux Etats-Unis , in Levrel H., Frascaria N., Hay J., Martin G., Pioch S. (eds.), Restaurer la nature pour attnuer les impacts du dveloppement. Analyse des mesures compensatoires pour la biodiversit, Collection Synthses, Editions Quae, pp.128-139

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    CONCLUSION : COMPENSATION ET DEVENIR DE LA BIODIVERSITLes diffrents points abords dans cette note montrent que la compensa-tion requiert des rgles de compromis entre biodiversit, infrastructures et amnagement des territoires. Comparer les enjeux lis la prserva-tion de la biodiversit du site impact et linfrastructure projete soulve des questions thiques et sociales majeures auxquelles nos socits ne peuvent plus se soustraire. Sommes-nous prts lgifrer en respectant le principe de durabilit forte ? La loi biodiversit inscrira-t-elle une tra-duction ambitieuse des mesures compensatoires ?Face lexigence du lgislateur de viser des compromis, on ne peut que tirer des anticipations contrastes sur le devenir possible de la biodiversit. Les logiques conomiques qui prvalent dans le domaine de lamnage-ment du territoire ont conduit une consommation effrne despaces naturels et de terres agricoles potentiellement favorables la biodiversit, notamment ces dernires dcennies. Ds lors, il est possible de considrer que les mesures compensatoires peuvent produire des effets positifs sur ltat de la biodiversit en France, mais certaines conditions : Quelles gnrent une vritable contrainte pour les logiques cono-miques qui conduisent lartificialisation des sols en engendrant des investissements significatifs dans lvitement et lattnuation des im-pacts, tout autant que dans la restauration cologique des cosystmes dgrads. En dautres termes, comme observ aux Etats-Unis, le cot de la com-pensation devrait tre suffisamment dissuasif, pour freiner la construc-tion de nouvelles infrastructures. Actuellement le cot des mesures compensatoires nest pas lev en France. Le cot de la compensation est toujours li la qualit de la restauration cologique et lacquisi-tion foncire. Quelles concernent des impacts sur des espaces naturels dj dgra-ds et permette datteindre un niveau de qualit cologique suprieur celui qui avait t valu pour lcosystme sur lequel limpact a eu lieu. Quelles ouvrent lopportunit, travers les logiques de substitution et de planification cologique quelles sous-tendent, damliorer les po-tentialits cologiques de certains cosystmes, que ce soit en termes de connectivit, daccueil despces ou de production de fonctions co-logiques. Quelles entranent des amliorations dordre thique chez des publics non sensibiliss la prservation de la biodiversit (amnageurs, dci-deurs politiques, banquiers, etc ), en les amenant sinterroger sur la valeur en soi de la biodiversit.Si lon peut admettre quil est faisable de compenser des cosystmes qui sont dj dans un tat cologique dgrad, il nen va pas du tout de mme

    des cosystmes qui bnficient dun bon statut de conservation. Dans ce type de situation, il semblerait raisonnable de considrer les impacts comme non compensables du fait de lexistence dune frontire de com-pensation ne pas dpasser (cf. plus haut). Une application trop extensive de la notion de substituabilit crerait les conditions pour que les pertes de biodiversit deviennent, dune faon ou dune autre, acceptables , ce qui entranerait un changement de nature thique tout--fait prjudiciable la biodiversit. De mme, elle pourrait favoriser la dgradation de la bio-diversit en dsarmant les oppositions et en affaiblissant la lgitimit des contestations des projets dinfrastructures.Ces effets pervers indirects peuvent dpasser les bnfices directs de la compensation. Une hypothse dautant plus crdible que le cot de la com-pensation serait ngligeable par rapport au cot des infrastructures.

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    Moreno-Mateos D., Power M.E., Co-min F.A., Yockteng R., 2012. Struc-tural and functional loss in restored wetland ecosystems , PLoS Biology, 10 (1), e1001247, doi: 10.1371/jour-nal.pbio.1001247. Regnery, B., Kerbiriou, C. Couvet D. 2013. Offset measures and deve-lopment projects: the conservation of protected species under the EU Birds and Habitats Directives , Conserva-tion Biology, 27, 1335-1343.Robertson, M. & Hayden, N. 2008. Evaluation of a Market in Wetland Credits: Entrepreneurial Wetland Banking in Chicago , Conservation Biology, 22, 636646. Vaissire A.C., Levrel H., 2015. Bio-diversity offset markets: what is it really? An empirical approach of wet-lands mitigation banking , Ecological economics, 110, 81-88.

  • Leffet de la compensation cologique sur la biodiversit pourrait ga-lement dpendre de limportance accorde la cration demplois, de la manire dont les dcideurs souhaitent prfrentiellement investir pour en crer: soit par la construction dinfrastructures, soit par le maintien et la restauration des cosystmes et pour prserver la biodiversit. A ce sujet, il faut souligner quaux Etats-Unis le secteur de la restauration cologique reprsente aujourdhui 126 000 emplois directs crs alors que le secteur du charbon ou celui du fer et de lacier ne reprsentent respectivement que 80 000 et 91 000 emplois (Bendor et al., 2015).En rsum, le manque dinstruments lgaux offrant des protections de long terme sur les sites compenss, labsence de cadre dvaluation clair, mais aussi de moyens de contrle et de sanction, ne permettent pas de penser que les conditions sont runies aujourdhui en France pour faire des mesures compensatoires un outil efficace de lutte contre lrosion de la biodiversit.

    LES AUTEURS

    Harold LEVREL est professeur lAgroParisTech, conomiste colo-gique au sein du Centre International de Recherche sur lEnvironnement et le Dveloppement (CIRED). Son principal domaine de recherche est celui de ltude compare des politiques environnementales ayant pour objet la conservation de la biodiversit et la gestion des cosystmes exploits ou protgs. Ses travaux de recherche concernent lvalua-tion montaire et non-montaire des services cosystmiques et leurs usages, lanalyse institutionnelle des mcanismes de rgulation autour des mesures compensatoires et de restauration cologique, le rle des cots de transactions dans le domaine des politiques environnemen-tales et les formes de co-gestion adaptatives permettant dy faire face.Il a rcemment co-dit la rdaction dun ouvrage intitul Restaurer la nature pour attnuer les impacts du dveloppement. Analyse des me-sures compensatoires pour la biodiversit, publi aux ditions Quae.Denis COUVET est professeur au Musum National dHistoire Natu-relle, cologue au sein du dpartement Ecologie et Gestion de la Bio-diversit . Ses recherches portent sur les stratgies de prservation de la biodiversit, limportance de la biodiversit ordinaire, le rle des processus participatifs, la mobilisation par les politiques publiques des notions de services cosystmiques et de compensation cologique. Ce qui conduit au thme gnral des relations biodiversit-socits, de la mcanique des choix sociaux, de leur base informationnelle, mobili-sant observatoires, indicateurs et scnarios de biodiversit, connais-sances et reprsentations.

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    La Fondation de lEcologie Politique - FEP31/33 rue de la Colonie 75013 ParisTl. +33 (0)1 45 80 26 07 - [email protected] FEP est reconnue dutilit publique. Elle a pour but de favoriser le rassemblement des ides autour du projet de transformation cologique de la socit, de contribuer l laboration du corpus thorique et pratique correspondant ce nouveau modle de socit et aux valeurs de lcologie politique. Les travaux publis par la Fondation de lEcologie Politique prsentent les opinions de leurs auteurs et ne refltent pas ncessairement la position de la Fondation en tant quinstitution. www.fondationecolo.org

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