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Les Enjeux politiques des ajustements structurels au Niger, 1983-1990

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Les Enjeux politiques des ajustements structurels au Niger, 1983-1990Author(s): Myriam GervaisSource: Canadian Journal of African Studies / Revue Canadienne des Études Africaines, Vol.26, No. 2 (1992), pp. 226-249Published by: Taylor & Francis, Ltd. on behalf of the Canadian Association of African StudiesStable URL: http://www.jstor.org/stable/485871 .

Accessed: 16/06/2014 06:58

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Les Enjeux politiques des ajustements structurels au Niger, 1983-1990

Myriam Gervais

Abstract The review of structural adjustment measures in Niger from 1983 to 1990 reveals that, in fact, the State has tried to evade IMF and World Bank imposed conditions. A detailed examination of the reforms implemented through the Structural Adjustment Programmes (SAP) shows how state power holders attempted to obstruct changes to existing patterns of resource allocation. Government behaviour toward SAP implementation underscores the issues and internal interests at stake and shows, in prac- tice, how political choices have consisted in deciding on which social groups would fall the greater proportion of adjustment costs. This article stresses the political consequences of policy choices over compliance or non-compliance with SAP. The Nigerian case illustrates the government's capacity to resist when faced with measures that could compromise its con- trol over resource allocation. The article concludes that political dimen- sions must be considered in evaluating structural adjustment programmes.

Introduction Deux 6tudes menees en 1990 sur la situation 6conomique du Niger soulig- naient de fagon unanime la persistance et l'approfondissement de la crise que subissaient ce pays depuis le debut de la decennie 8o. Un rapport de mission de la Banque mondiale mettait en evidence que l'6conomie nigerienne avait enregistr6 un declin de 2% depuis 25 ans et connu une baisse du revenu per capita depuis 1980 (Banque mondiale 1990o, ). II concluait que la situation s'6tait nettement d6t6rior6e au cours des cinq dernieres annees et ce en d6pit des programmes d'ajustement structurel mis en place par le FMI et la Banque mondiale depuis 1983. Une 6tude commandee par le gouvernement nig6rien corroborait ces tendances alarmistes. Selon les auteurs de cette derni re, le PIB per capita 6tait alors A son plus bas niveau depuis 1966 et s'avyrait par

Cet article est le r6sultat d'une recherche post-doctorale menee au Niger de mai 1989 A aouit 199o. L'auteure tient a exprimer ses remerciements A Jonathan Barker pour ses encouragements et ses commentaires concernant la version pr61iminaire de ce texte.

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consequent inferieur A sa valeur des annees de grande secheresse et de famine (CERDI 199o, I I).

Sur la base de ce diagnostic, force nous est de constater que la mise en oeuvre des politiques d'ajustement structurel n'a pas produit les resultats escomptes en terme de croissance et que visiblement les causes de la crise n'ont pas et6 maitris6es.

Pourtant jusqu'A la fin de l'annee 1988, les evaluations des programmes d'ajustement structurel 6taient resolument optimistes laissant anticiper de tres bons r6sultats: le Niger 6tait alors considere comme un pays modele par les organisations financieres internationales. Durant la premiere moiti6 de l'annee 1990o, on a assist6 a un revirement complet de l'opinion de ces bail- leurs: multiples reports des d6caissements d'aide budgetaire et negociations ardues lors de l'adoption "in extremis" en novembre 1990 du cadre de poli- tique economique et financibre pour 1990-1993. i

Ces faits illustrent l'importance des enjeux internes que soulkve la r6vi- sion du role de l'Etat au sein de la societe nigerienne. Dans les ann6es 70, les revenus issus des ressources minibres ont permis d'op6rer des transferts, lesquels ont servi au renforcement de l'appareil de l'Etat et l'implantation d'un systeme de subventions destine principalement au secteur priv6 et a l'6ducation universitaire. La crise financiere qu'a connu le Niger au debut de la decennie 8o et qui s'est traduite par un declin des revenus fiscaux pour l'Etat a pose le probleme de la repartition des ressources disponibles.

La recherche de l'6quilibre des finances publiques et un d6sengagement de l'Etat de l'6conomie, principaux objectifs poursuivis par les PAS, concernent directement la gestion de l'Etat et sa capacit6 de financement. Par con- sequent, les changements impos6s par les PAS modifient les mecanismes de pr 1kvements et de redistribution des revenus, compromettant le r61le que l'Etat s'6tait traditionnellement assigne.

L'analyse concrete du premier PAS au Niger permet de mesurer le degr6 de r6sistance de l'Etat et de decouvrir comment ce dernier contourne l'applica- tion des reformes lorsque celles-ci remettent en cause le mode d'allocation des ressources.

Une telle 6tude implique l'examen du rBle de l'Etat et de la mise en oeuvre des r6formes pr6nees par le programme d'ajustement structurel durant la p6riode 1983-1990. Mais dans un premier temps, l'analyse des reformes et des enjeux qu'elles suscitent passe par une comprehension des faits his- toriques (I960-I983) ayant conduit a la situation initiale. L'6mergence de l'Etat post-colonial a coincide avec la mise en place d'un moddle de crois- sance lequel est A l'origine de plusieurs desequilibres structurels. Identifier les secteurs economiques et les mecanismes qui ont permis a cette institution de satisfaire ses ambitions et ses exigences sont des pr6misses

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indispensables pour la poursuite de la discussion sur les restructurations impos6es par les organisations financieres internationales.

Problkmes Structurels de l'dconomie nigerienne, 1960-1983 Pays sah1lien enclave, le Niger a vu son economie dominee par une agricul- ture et un 1levage extensifs et, depuis 1973, par l'exportation de l'uranium. En depit de son faible potentiel en terres cultivables (12% seulement du sol nigerien est consid6r6 comme cultivable), environ 8o% de la population vit d'activites rurales. De plus, malgre les aleas climatiques qu'il subit, le Niger a toujours 6t6 autosuffisant sur le plan alimentaire exception faite des deux periodes de s6cheresse de 1973 et 1984. La production agricole, essentielle- ment vivriere, est le fait des communaut6s domestiques vivant dans le cadre de l'autosubsistance. Les conditions favorables du marchM international et la mise en exploitation de deux mines d'uranium au debut des ann6es 70 favoris rent l'essor d'un secteur moderne et conforthrent la place dominante de l'Etat dans l'6conomie.

Periode de 196o-1974 Le Parti Progressiste Nigerien (PPN) sous la conduite de Hamani Diori con- serve au moment de l'independance le pouvoir qu'il avait conquis lors des elections de 1958. Le gouvernement de Diori, d's 196o, instaure dans les faits un regime de parti unique en depit des dispositions de la Constitution qui pr6voyait le multipartime. Le controle de l'Etat post-colonial par une bureaucratie urbaine de souche djerma et vouee A la defense de ses int6rets, prefigure de la nature de ses interventions au plan 6conomique. A cette 6poque, peu de Haussas prendront part a la lutte pour le pouvoir politique et, bien qu'ils constituent le groupe ethnique le plus important, 2 seront avec les autres ethnies (Peul, Touareg, Kanouri) dominds politiquement par les Djer- mas (Fuglestad 1983, 191). 3

La source de revenus du nouvel Etat provenait de l'exportation de cultures de rente (arachide et coton) et des produits de l'6levage. Ses revenus s'av6raient limites car ils reposaient sur des productions aux rendements fai- bles et sensibles aux al6as climatiques. A titre d'exemple, la production de l'arachide, principale exportation, a stagn6 sur l'ensemble de la p6riode 1962-1972 passant de 220 700 tonnes B 260 200oo tonnes avec de constantes variations d'une annie par rapport A l'autre (SONARA 1990). Le mil 6tait et de loin la premiere production d'une societ6 essentiellement agro-pastorale.

Les societ6s publiques cr~6es durant cette periode avaient pour fonction de reorganiser le commerce au profit de l'Etat. Ceci devait se faire en substi- tution au capital frangais pr6sent depuis l'epoque coloniale avec des

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entreprises comme la Compagnie Frangaise de l'Afrique de l'Ouest (CFAO) et la Societe Commerciale de l'Ouest Africain (SCOA). 4 L'Etat est intervenu pour controler les reseaux de commercialisation des produits agricoles avec l'Office des Produits Vivriers du Niger (OPVN) et la Societ6 Nationale de l'Arachide (SONARA) ainsi qu'avec la COPRO-NIGER pour l'importation et la distribution des produits de premiere necessit6. Durant cette p6riode, les monopoles mis en place par l'Etat utilisaient les commergants prives comme relais de leurs op6rations (Gr6goire 1986, 86-88). Ainsi les commergants de Maradi, de Tahoua et de Zinder ont ben6ficie d'avantages relatifs A la traite de l'arachide et du betail. 5

Les commergants haussas avait vu durant l'6poque coloniale une part importante de leur pouvoir economique sap6 dans ses fondements par la sup- pression du commerce trans-saharien. Mais cette classe marchande qui ori- gine des familles dominantes de la societ6 haussa a reussi sa conversion en maintenant des rapports commerciaux privilegies bases sur des liens eth- niques et familiaux avec les commergants et industriels de la r6gion de Kano au Nig6ria. Ce groupe a 6t6 influent durant cette periode et a pu obtenir de la bureaucratie des mesures favorables pour prot6ger ses activit6s commerci- ales.

Durant cette phase, l'industrie agro-alimentaire a 6t6 largement domin6e par la pr6sence de l'Etat avec une participation d'entreprises 6trangeres au capital. On denombre en fait durant cette periode sept entreprises publiques impliquees dans cette branche dont Riz du Niger (riz), SOTRAMIL (mil) et SICONIGER (huile d'arachide). L'Etat a fait une modeste incursion dans le secteur manufacturier avec une industrie textile (SONITEXTIL) et une cimenterie (SNC).

Le developpement de cultures de rente, bien qu'a une echelle modeste, ainsi que quelques industries de transformation de ces produits de base cons- tituaient par consequent les grands traits de l'economie nig6rienne durant cette premiere p6riode post-coloniale.

La secheresse de 1973 a pr6cipit6 la chute du gouvernement Diori qui a 6t6 accus6 d'avoir d6tourner l'aide alimentaire d'urgence destin6e aux popu- lations les plus durement atteintes par la s6cheresse. Ceci a cr66 un climat propice pour que l'armee prenne le pouvoir en avril 1974 et voit son action l6gitim~e par la population et l'opinion internationale.

Periode I1974-1983 Pour sa part, le gouvernement militaire de Kountch6 s'est appuy6 sur une rente issue des revenus de l'uranium pour favoriser un interventionnisme accru de l'Etat.

Jusqu'en 1971, le secteur minier se caracterisait par une exploitation A

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Tableau I Evolution de l'activite dans le secteur de l'uraniumt

Annees 1978 I98 I1984 1986 1988 1989

Production 2 o61 4 363 3 276 3 113 2 970 2 86i Prix (FCFA/kg) 23 500 20 000 29 250 30 000 27 600 25 000

Exportations 46,7 I,o oo00,o0 88,5 81,9 74,2 Recettes de l'Etatt 17,4 12,1 11,9 1o,7 9,0 n.d.

t La production est exprimee en tonnes metriques, les exportations et recettes en milliards de FCFA. f Ces donnees different 16grkment des recettes fiscales du secteur mineur du tableau 2. Ces 6carts, mineurs et sans incidence au fins de notre analyse, sont dos . la difference de periode couverte: l'annee calendaire ici et l'annee fiscale (de septembre A septembre) au tableau 2. Sources: Niger, Ministere du Plan, 1989; Marches Tropicaux I juin 199o: 1526; Diagne 1989.

faible echelle de la cassiterite sous la direction de la Soci6t6 Miniere du

Niger. En 1971, la Soci6t6 des Mines de l'Air (SOMAIR)6 a commenc6

l'exploitation d'un important gisement d'uranium situ6 a Arlit de sorte que d&s 1973, l'uranium devint la principale exportation du Niger. Une deuxibme mine a et6 mise en exploitation en 1978 par la Compagnie des Mines d'Akouta (COMINAK).7 La production d'uranium au Niger s'est chiffr6e a 4.363 tonnes en I98I, sommet qui n'a plus et6 atteint durant la d6cennie 8o.

L'expansion de la production d'uranium va permettre A l'Etat de s'intro- duire dans plusieurs champs 6conomiques et d'y occuper une position pr6dominante. En effet, entre 1978 et 1980, les revenus g6n6r6s de l'exploita- tion et de l'exportation de l'uranium couvraient un tiers du budget gdairal d'op6ration et presque toutes les depenses du budget d'investissement de l'Etat. Durant cette p6riode, le gouvernement a donc utilise le programme budg6taire comme principal instrument de d6veloppement 6conomique.

De fagon syst6matique, l'Etat a tent6 de nationaliser ou de contr6ler les

entreprises minibres A capital 6tranger. Dans ce domaine, l'intention de l'Etat s'est tris t6t manifest6e, notamment dans le discours du 22 avril 1974 du Pr6sident Kountch6 lorsque celui-ci r6vble la politique que l'Etat entend suivre dans le secteur minier:

Les ressources du sous-sol sont et demeurent des ressources nationales. Leur exploitation et leur commercialisation ne peuvent se concevoir que dans le cadre du developpement de notre pays. (Niger, Ministbre du Plan 1980, 231)

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Ainsi, par la cr6ation de structures - Office Nationale des Ressources Minieres (ONAREM), Soci6t6 Nig6rienne de Charbonnages (SONICHAR), Soci6t6 Nig6rienne des Salines Tidekelt (SONISALT) - et par sa participation dans les entreprises minieres (COMINAK, SOMAIR), l'Etat a effectu6

d'importants investissements dans l'industrie miniere. La periode 1974-1983 voit aussi le renforcement de la pr6sence de l'Etat

dans le secteur manufacturier oii le capital francais intervenait d6ja dans la transformation du riz, du coton, des cuirs et peaux. Durant cette p6riode, I'Etat a vis6 de fagon explicite l'augmentation de sa participation ainsi que celle de priv6s nationaux dans la gestion des entreprises a capitaux 6trangers

d6ja existantes. Le cas de la Soci6t6 Nig6rienne de Tannerie (SONITAN) est

typique de l'attitude de l'Etat durant cette p6riode. Cr66e en 1969 par un

groupe de priv6s europ6ens, la SONITAN 6tait une entreprise rentable occu-

pant une fonction 6conomique centrale dans la filiere des cuirs et peaux: achat des peaux aux 1leveurs, revente du cuir et des peaux trait6s aux arti-

sans, exportation des surplus. En i980, par le biais de soci6t6s d'6conomie mixte telles la Soci6t6 Nig6rienne d'Exploitation et de Recherches Animales

(SONERAN), la Soci6t6 Nig6rienne de Collecte des Cuirs et Peaux (SNCP) et la Banque de D6veloppement de la R6publique du Niger (BDRN), I'Etat a pris le contr6le de l'entreprise en acquerant 73% du capital. Dans ce cas, l'inter- vention de l'Etat r6pondait surtout A sa volont6 de "nig6rienniser" la fili re 8 et non a celle de suppl6er A une carence dans ce secteur.

Durant cette p6riode, il y a eu une volont6 politique manifeste de pro- mouvoir, avec l'appui de l'appareil d'Etat et de ses institutions, une bourgeoi- sie d'origine djerma. 9 Cette classe en formation n'a pas investi dans les sec- teurs productifs mais dans les transports, le commerce (produits alimen- taires, textiles traditionnels), les batiments et travaux publics. Grace a sa collusion avec des membres du gouvernement, elle a obtenu des contrats de l'Etat (fourniture de services et d'6quipement ou construction de batiments) et des prets pr6f6rentiels.

Cette couche de nouveaux entrepreneurs a connu sa p6riode d'expansion entre 1978 et 1985. La quasi-totalit6 de ces entreprises sont disparues lors du revirement de la situation 6conomique au Niger: faillites de CONCONIGER

(1979-83), de NIGER-PEINTURE (I980-87), de POLYNIGER (1978-80). Apres 1985, cette cat6gorie d'entrepreneurs va fortement diminuer et

plusieurs de ses membres vont s'expatrier en C6te d'Ivoire, au Togo, au B6nin et au Nig6ria.

Les politiques d'orientation 6conomique mises de l'avant entre 1979 et 1983 ont privil6gi6 des secteurs et des couches sociales au d6triment d'autres. L'analyse du plan 1979-1983 et sa r6alisation permet de montrer en faveur de quels groupes la r6partition des ressources nationales s'est faite.

Le plan quinquennal 1979-1983 6tait construit sur des anticipations

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Tableau 2 Recettes et d6penses r6alis6s de l'Etat

(en milliards de FCFA)

Ann6es 1978 1981 1984 1986 1988 1989

Recettes budg6taires totales 72,9 75,2 71,5 69,9 68,I 71,5

Recettes fiscales 65,2 64,1 61,2 59,6 54,1 56,6 dont secteur mineur 18,9 11,9 10,5 10,7 n.d. n.d.

D6penses totales 113,3 172,9 127,6 135,3 153,4 147,4

Budget de fonctionnement 75,7 88,9 80,3 91,3 102,0 lo3,3 Service de la dette 8,7 18,1 42,6 48,4 47,0 52,5 R6echelonnements 0o,o 0 0o,o0 21,5 20,0 11,2 16,7 Fonctionnement courant 29,9 32,5 40,7 43,8 49,9 51,7

dont personnel 16,7 18,9 23,8 25,4 31,4 33,7 Transferts et investissements 37,1 38,3 18,6 19,o 16,3 15,8

Budget d'investissements 66,4 11,5 53,9 51,3 56,2 48,4 Financement de l'Etat 28,7 27,5 6,6 7,3 4,8 4,3 Financement ext6rieur 37,7 84,0 47,3 44,o0 51,4 44,2

dont emprunts 19,o 61,6 25,8 20,7 22,1 20,3 dont dons 18,7 22,4 21,5 23,3 29,3 23,9

D6ficit budg6taire 2,8 13,7 8,8 21,4 33,9 31,8

Besoin global de financement 40,4 97,7 56,1 65,4 85,3 75,9

Source: Compilation A partir des Tableau des operations financieres de 1'Etat (TOFE) et Loi de finance, Ministbre des Finances, Niger, diverses anne6s.

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fortes de revenus tir6s de la production et de l'exportation de l'uranium. Le financement de ce plan 6tait en effet bas6 sur un taux de croissance moyen de la valeur de la production du secteur minier de 19,2%. II 6tait prevu une aug- mentation de la production de l'uranium de 1978 A 1983 de 2.061 tonnes A

5.ooo tonnes (Niger, Ministbre du Plan I980, 232-233), soit une hausse de

242,6% pour la periode. L'examen des r6alisations du plan 1979-1983 r6vble que les investisse-

ments publics ont 6t6 orient6s vers les infrastructures et la construction de nouveaux complexes miniers alors que les investissements dans l'agricul- ture sont demeur6s faibles. Le cofit total du programme d'investissements miniers du plan s'1levait Ai 261,5 milliards de FCFA dont 39,5 milliards financ6s par I'Etat. Les investissements autres que miniers ont surtout servi

a cr6er des infrastructures administratives (sieges de ministeres et d'offices publics) et routieres (2 5oo km de routes bitum6es) et A financer des construc- tions (hOtels, 6difices, hopital et &coles).

Les investissements pour le secteur minier, les infrastructures et les pro- grammes d'accompagnement ont 6t6 largement effectu6s en d6pit du pro- gramme d'aust6rit6 budg6taire qui a 6t6 mis en place en 1982.

Les investissements dans l'agriculture ont 6t6 diriges vers le soutien et le renforcement de l'administration agricole et vers les projets d'am6nage- ments hydro-agricoles ne touchant qu'une infime minorit6 de producteurs. Les cultures irrigu6es, encadr6es par l'Office National de l'Hydraulique et des Am6nagements (ONAHA), se sont vues attribu6es 3I,I milliards de FCFA durant le plan soit 36,5% des montants prevus pour le secteur agricole. La strat6gie de d6veloppement rural entre 1974-1983 a 6t6 d'assurer l'auto- suffisance A travers des projets qui se sont av6r6s coUiteux, utilisant une tech- nologie inappropri6e et soutenus par une infrastructure institutionnelle tres lourde.

Si l'on en juge par les seuls resultats des campagnes agricoles de 1978 a 1983, les investissements agricoles effectu6s durant la p6riode de prosp6rit6 ne se sont pas adresses a l'ensemble de la population paysanne et n'ont pas provoque, malgr6 l'apport majeur d'aide 6trangere, IO d'augmentation sen- sible et de la production, et des rendements. Si les superficies de mil, princi- pale production vivriare du pays, ont cr i de pras de 15 % sur la periode, les rendements ont stagne montrant ainsi que les investissements dans ce sec- teur furent presqu'uniquement le fait de particuliers et non attribuables a des interventions 6tatiques (Niger, Ministere de l'Agriculture 199O; Projet FEWS/USAID 1990).

La secheresse de 1984 a mis en evidence l'inefficacit6 globale des inves- tissements publics en agriculture, la faible capacit6 de l'administration a faire face a une penurie alimentaire et la grande vulnerabilit6 de l'agriculture extensive nigerienne face aux conditions climatiques.

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Tableau 3 Evolution de la dette publiquet

(en milliards de FCFA)

Annees 1978 1980 1982 1984 1986 1988 1989

Encours 41,2 90,0 203,1 322,0 340,1 402,8 330,0 Service av.

r46ch. 1,9 8,8 37,1 40,5 48,7 49,3 n.d.

Service ap. r66ch.t n.a. n.a. n.a. 24,6 27,8 36,8 23,1

t Dette publique ext6rieure directe ou garantie par I'Etat. t n.a. signifie "ne s'applique pas." Sources: Bulletin de la BCEAO, 1981 et ss; Direction de la dette publique, Ministere des Finances, Niger, 1990; CERDI 1990, 43.

Tableau 4 Effectifs de la fonction publique (par cat6gories)

1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989

A I436 2 138 2 418 2 859 3 186 3 800 4 386 4 788 B 3 179 4 168 4 720 5 187 5 499 6 o15 6 387 6 820 C 4 751 6085 7 359 7 695 7 532 7 947 8 720 8 608 D 4364 4 662 4 849 4 937 5 003 5 296 5 655 5 747 E 1450 96 69 62 45 40 30 22

Total cadres 15810 17149 19415 20740 21265 23098 25178 25985

Auxi-

liares II 366 12233 12538 12 183 II288 11o84 10952 10994

Total 26545 29382 31 953 32923 32 553 34182 36130 36979

Source: Niger, Ministere du Plan, 1990; CERDI 1990.

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Le budget d'investissement et les d6penses publiques ont servi A renforcer l'appareil d'Etat. Ceci a r6sult6 notamment en une inflation de personnel et une prolif6ration d'entreprises publiques et parapubliques. Le secteur moderne de l'6conomie au Niger a vu naitre entre 1960 et 1983 plus d'une quarantaine d'entreprises publiques." I

Ces distorsions au niveau de la rdpartition des ressources disponibles seront exacerbees par le declin des revenus fiscaux et par le maintien du rythme des depenses publiques a partir de I98I. Bien que les revenus pro- venant de l'uranium commencent A d6cliner d&s 198I, 12 le gouvernement a continu6 durant cette p6riode la r6alisation de son plan quinquennal qui s'est reve1 e l'analyse fort ambitieux. Pour maintenir et concr6tiser les objectifs du plan apres la chute sensible des revenus issus de l'uranium, le gouverne- ment a diu proc6der a des emprunts sur le march6 international pour financer un budget en pleine croissance. Dans les faits, les deux tiers du deficit ou du manque a gagner de l'Etat nig6rien ont 6t6 comblks par des emprunts ext6rieurs. Cette strat6gie provoqua tris rapidement une crise budgetaire de l'Etat: de l'exercice 1980

' celui de i98i, le deficit budgetaire a quintuple et le besoin global de financement a plus que double.

Le tarissement d'une importante source de revenus fiscaux et la volonte de ne pas r6duire les d6penses gouvernementales ont rapidement entraine la hausse de la dette publique. Le Niger qui, au lendemain du premier choc p6trolier 6tait un pays peu endette, a vu ~ partir de 1978 l'encours de sa dette augmente de fagon considerable. Comme le montre le tableau 3, la dette a 6t6 multiplie par 5 entre 1978 et 1982.

L'6mergence de la crise budg taire de l'Etat et du deficit de la balance des paiements (hausse du service de la dette publique) I3 a fait apparaitre l'extreme dependance de l'Etat et de l'6conomie nigerienne a l'/gard du sec- teur minier et face A l' volution du march6 international.

La crise 6conomique qui en a r sult6 est r6v61atrice de la fagon dont ont et6 alloues les surplus de l'uranium. Le boom de l'uranium a favorise un mode d'allocation des ressources et contribue a des changements structurels significatifs: croissance spectaculaire du secteur public et emergence d'un secteur priv6 nig rien fortement dependant du support de l'Etat. Le secteur agricole a vu sa part dans les exportations et dans la production nationale diminuer; neglige par les investissements etatiques, il s'est "developpe" sans liens v6ritables avec le secteur moderne de l'6conomie.

En definitive, ces revenus generes par l'uranium ont permis B l'Etat d'operer des transferts en faveur de categories sociales determinees: entre- preneurs prives, fonctionnaires, diplomes, travailleurs dans le secteur minier. Les agriculteurs et les nomades ont 6te ignor6s dans cette repartition des ressources nationales.

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Nature des interventions des organisations financieres internationales Des facteurs externes (effondrement de la demande mondiale de l'uranium et de son prix, hausse des taux d'interet) et internes (aleas climatiques et pro- gramme d'investissements de l'Etat) ont eu comme resultat de compromet- tre la situation financibre du pays et d'acc616rer la crise 6conomique.

En 1983, le Niger signait avec le FMI un premier accord de confirmation pour l'aider A r 6quilibrer sa balance des paiements: 33 millions de dollars US en 1983, 14 millions en 1984 et Io millions en 1985. Le premier pro- gramme d'ajustement structurel (PAS) avec la Banque mondiale etait mis sur pied en 1986 pour un montant de 8o millions de dollars US. En 1987, un pro- gramme d'ajustement du secteur des entreprises publiques (PASEP) d'une valeur de 6o millions de dollars US, est venu appuyer le premier PAS.

Le programme d'ajustement structurel mis en place au Niger a focalis6 et insist6 sur la resorption des deficits exterieur et public et sur la restructura- tion du systeme productif au profit du secteur priv6. Le FMI accorde en effet la priorit6 aux grands equilibres financiers et A la r6duction des deficits des finances publiques. Par ailleurs, la position que la Banque mondiale a developpe pour le Niger est le resultat concret d'une r6flexion que cette insti- tution a amorcee A la fin des annees 70 sur le moddle 6tatiste de developpe- ment en Afrique subsaharienne. La forte emprise de l'Etat sur l'6conomie, la croissance rapide du secteur public et son dysfonctionnement sont cibles comme etant les principales causes structurelles des problemes des economies africaines. Aussi, les objectifs des programmes d'ajustement soutenus par la Banque mondiale apparaissent ici sans ambiguit6: lib ralisa- tion de l'6conomie et emergence du secteur priv6 (Banque mondiale 1986, 1989).

Les propositions d'action formulees par la Banque mondiale ont provoqu6 de vives reactions quanta la r6vision du r61e de l'Etat dans l'6conomie (CEA 1989; Jacquemot 1988). Au-delA de la polkmique qu'engendre l'opposition entre liberalisation et interventionnisme, il apparait que des solutions alter- natives ne peuvent etre envisag6es sans considerer l'incidence de la baisse des revenus 6tatiques sur le maintien des schames ant rieurs de la redistri- bution des ressources. La majorit6 des pays d'Afrique sub-saharienne sont confront6s a ce problkme, qu'ils soient sous ajustement ou non. La reduction de l'autonomie financibre des Etats impose dorenavant a ces derniers l'obli- gation d'envisager une nouvelle rationalit6 quant A l'utilisation des res- sources desormais disponibles.

Dans leur application, les PAS obligent d'une part, a une transparence de la gestion de 1'Etat et d'autre part, a une reduction des diverses formes de sub- ventions indirectes. Cela implique generalement que 1'Etat cesse de soutenir l'emploi dans le secteur moderne par l'embauche dans la fonction publique.

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Ces conditions ou pre-requis A une nouvelle repartition des revenus A l'6chelle nationale vont A l'encontre des int6rets poursuivis par l'Etat avant la crise financibre. Le comportement de l'Etat consiste, dans les faits, A rechercher le maintien d'un statu-quo en contournant les conditions impos6es par le FMI et la Banque mondiale, meme si cela a pour effet de compromettre un peu plus la situation 6conomique. Cette strategie de l'Etat, vou6e a la defense des inter&ts des groupes associes au pouvoir, n'est pas sans r6percussions sur la repartition des revenus.

La capacit6 de resistance des regimes face aux r6formes exigees soulkve toute la question de la dimension politique des programmes d'ajustement structurel (Campbell et Loxley 1989, 3-4). Le maintien du statu-quo en terme de transferts financiers incite le pouvoir politique A faire subir A des cat6gories sociales le poids des mesures d'ajustement. L'application des mesures fait apparaitre que, dans la pratique, les choix politiques ont con- sist6 a decider quels groupes sociaux supporteront la plus grande partie des coits de l'ajustement.

Les principales mesures qui ont ete arretees dans le cadre du premier PAS au Niger furent: la reduction drastique des depenses de 1'Etat; le lib6ralisme au niveau des prix; et la privatisation des entreprises 6tatiques d6ficitaires. (Tinguiri, 1990, 29-30)

Le bilan de ces mesures d'ajustement au Niger, en plus de demontrer de quelle fagon l'Etat a fait obstacle aux changements imposes par le PAS, per- met de mettre en lumibre les enjeux politiques suscites par l'application des reformes du FMI et de la Banque mondiale.

Mesures appliquees dans le cadre des reformes conomiques, 1983-I990 Le financement de l'ajustement structurel procade generalement par le d6caissement en quelques tranches de montants allou6s en aide budgetaire a l'Etat lorsque les reformes exigees en contrepartie sont effectuees.

Le Budget de l'6tat Au Niger, la plus importante mesure a et6 de s'attaquer au contr6le du deficit budgetaire de l'Etat et de limiter l'embauche dans la fonction publique. En contrepartie de decaissements permettant d'allger le manque a gagner de l'Etat et le paiement du service de la dette, I'Etat s'etait engage A appliquer les mesures suivantes: (i) gel des salaires dans la fonction publique; (2) fiscalisa- tion du secteur informel; (3) limitation de l'embauche dans la fonction pub- lique.

L'analyse des recettes et des depenses de 1'Etat durant la decennie 80 (cf. au tableau 2) montre que les depenses du budget g n ral de fonctionnement de l'Etat ont crfi de 36,5% durant la periode sous ajustement et ce malgr les

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restrictions budgetaires demand es par le FMI. Paralldlement, les recettes ont diminu6 de 13,2%.

Une premiere constatation qui s'impose est que le "gap" de financement pour rendre compte des besoins de 1'Etat s'est creus6 durant toute la periode. La tendance majeure du d6ficit structurel du budget de l'Etat ne s'est donc pas renversee. Cela tient au fait que: (I) les revenus de l'uranium ont diminue a cause du fl6chissement de la demande mondiale; (2) l'Etat n'a pas perqu davantage de revenus fiscaux originant du secteur commercial traditionnel; (3) les d6penses de l'Etat ont

augment4. La ventilation des depenses de 1'Etat revble que leur augmentation est attribuable a celle de la masse salariale et a la hausse du service de la dette, quoique ce dernier poste fut att6nu6 par l'effet des r66chelonnements. En depit des mesures d'ajustement structurel, la masse salariale a poursuivi une croissance en termes reels (6% par an) alors que les recettes budg6taires n'ont cesse de stagner ou meme de decroitre depuis 5 ans. Ces resultats montrent

l'incidence directe sur le budget de mesures d'ajustement structurel qui n'ont pas 6t6 appliquees par le gouvernement bien que les decaissements aient 6t6 effectues jusqu'en 1990.

A premiere vue, la classe dirigeante a fait des concessions majeures face aux demandes du FMI et de la Banque mondiale en acceptant d'imposer aux fonctionnaires le gel des salaires et des coupures de poste. Mais dans les faits, ces mesures ont 6t6 contourn es par diff6rents m6canismes caches. L'Etat a pu maintenir les privileges et le pouvoir d'achat des fonctionnaires grace notamment aux promotions et A une politique de primes.

Au Niger, la promotion A l'int6rieur de la fonction publique se fait essen- tiellement par diplomation. Sur l'ensemble de la p6riode, on note une crois- sance des effectifs de la fonction publique en faveur des cat6gories les mieux payees: les cadres E, dernier echelon, ont enregistr6 une croissance n6gative (-98,5%) alors que la cat6gorie la plus e1evee, les cadres A, a connu une forte augmentation de ses effectifs (233,4%). Le gel des salaires a 6te contra en bonne partie, semble-t-il, par le passage A un grade superieur. Le systeme de bourses 6tant relativement g6nereux au Niger, nombreux furent les fonc- tionnaires qui ont ben6fici6 d'un d6tachement pour formation. A leur retour, ils 6taient automatiquement promus.

Par ailleurs, l'Etat a continu6 de soutenir l'emploi des jeunes dipl6m6s au Niger par leur embauche dans la fonction publique. Comme le revele le tableau prec6dent, les effectifs de la fonction publique ont crfi de 39,3% entre 1982 et 1989 et cette augmentation s'est faite au profit des dipl6m6s (les cadres ont vu leurs effectifs croitrent de 71,2 % alors que les auxiliaires subis- saient une baisse de 3,3 %).

Ces donnees illustrent une volont6 manifeste de la part du gouvernement

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d'attenuer l'effet r6el des mesures concernant la limite d'embauche dans la fonction publique et le blocage des salaires. Cette tendance A maintenir le statu-quo et le choix politique qui le sous-tend de pr6server les acquis et privilkges de la fonction publique sont confirmes par l'analyse des inves- tissements faits en d6veloppement rural depuis 1984.

Le budget des investissements est en principe depuis la chute des revenus de l'uranium et la s cheresse de 1984 destin6 prioritairement au developpe- ment rural. Dans le dernier plan quinquennal 1987-1991, les differents min- isteres avaient fortement insist6 sur la necessit6 d'accorder la priorit6 a l'agriculture pluviale et de mettre en place de nombreux projets de developpement rural integr6. Les r6sultats obtenus illustrent toutefois une des plus importantes distorsions au Niger en terme de r6partition des res- sources.

Une 6tude faite en 199o r6v6lait que, sur une moyenne annuelle de 52 mil- liards de FCFA en investissements depuis 1984, 40% (20,8 milliards de

FCFA) sont r6ellement destines aux projets de developpement et seulement 3 milliards de FCFA se rendent A la base (PACSA 1989, 6). '4

Des sommes allou es au d veloppement rural via le budget d'investisse- ments, de 40 50o% "est d6vor6 par des depenses de personnel, d'achats de v6hicules qui ne sont pas toujours indispensables." 15 Dans ces cas, il s'agit de pallier aux benefices marginaux des fonctionnaires (perdiem, bons d'essence, etc.) et non de combler les besoins en fourniture de materiel requis pour l'execution de leurs fonctions. L'utilisation du budget d'investissement a des fins autres est rendue possible par le contr1le de l'administration sur les flux de l'aide. Contrairement aux autres pays du Sahel, les projets agricoles sont lourdements chapeautes et encadr6s par l'administration nigerienne et les organismes d'aide ne peuvent s'adresser directement aux populations.

Le detournement de l'aide pour des frais de fonctionnement a pour effet de maintenir les privilkges de cette techno-structure administrative. Le budget d'investissement etant finance depuis 1984 A plus de 85% par l'aide 6trangere (cf. tableau 2), c'est dire que le coait des privileges octroyes aux fonctionnaires a et6 assume dans les faits par les bailleurs.

L'augmentation de la masse salariale dans les annres

8o a 6t6 6galement accompagnee de compressions sevires dans d'autres rubriques de depenses, particulibrement dans le secteur social qui a 6t6 le plus touch6. La diminu- tion des moyens de fonctionnement en education et en sante a provoqu& de fait une degradation sensible des infrastructures dans le secteur des services sociaux (CERDI 199o, 159). En effet, la masse salariale a tendance A s'accroitre entrainant une diminution de la part des depenses globales accordee aux moyens de fonctionnement. La part du personnel dans le bud- get de fonctionnement, calculke a partir des donn6es du tableau 2, est pass6e

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de 56% en 1980, a 58,5% en 1984 A 65% en 1989. Pour les m-mes ann6es, le ratio des depenses en mat6riel sur les d penses salariales est passe ainsi de 0,78 A o,7I puis A o,53.

Pour l'ensemble de la p6riode, on constate que les financements d'ajuste- ment structurel (FMI, Banque mondiale, France et autres) de l'ordre de plusieurs milliards de FCFA par an verses en aide budgetaire ont en definitive servi A payer les fonctionnaires. Et le bilan est encore plus negatif si on y ajoute la pittre performance des investissements faits en developpement rural, lesquels sont finances par les aides bilaterales et multilat6rales. Celles-ci representent une contribution annuelle moyenne de 47 milliards de FCFA au budget d'investissement.

En somme, le deficit du budget est chronique et s'est accru de 1983 a 1990. En mime temps, les mesures "comptables" de l'ajustement structurel ont 6t6 contourn6es par diff6rents m6canismes cach6s dont nous avons fait 6tat.

Le Programme de Restructuration des entreprises publiques (PASEP) En 1984, le secteur nationalis6 comptait 54 entreprises, employait 13,000 personnes et concernait tous les secteurs d'activites. Les entreprises pub- liques enregistraient en 1982/83 des pertes d'environ Io milliards de FCFA et 6taient endettees pour environ 85 milliards de FCFA, representant ainsi 31% de l'endettement global du pays. '6

Le programme de reformes du secteur des entreprises publiques (PASEP) a et6 lanc6 en i987 pour reduire l'importance du secteur 6tatique. Le pro- gramme visait a retroceder au secteur priv6 les entreprises a vocation com- merciale ou manufacturibre, rehabiliter les entreprises d'utilit6 publique qui seraient maintenues dans le secteur d'Etat et a liquider purement et simplement les autres.

L'l1aboration d'un cadre juridique devait permettre de regir les relations entre l'Etat et les entreprises d'utilit6 publique afin de mieux fixer et assurer leur autonomie face A l'Etat: l'OPT (Postes), NIGELEC (Electricite), OPVN

(Securit6 alimentaire), ORTN (Radio-Television), SNE (Eau). En d'autres termes, le but 6tait d'eviter dorenavant que ces entreprises enregistrent un deficit suite A l'imposition de charges additionnelles par le gouvernement ou suite au non rbglement des factures par leurs clients dont l'Etat (Ex. la com- pagnie d'1lectricite, la NIGELEC, s'est retrouv6e avec des arrier6s impor- tants provenant des impayes de l'Etat, des autres entreprises publiques et des particuliers). Dans la plupart des cas, ces entreprises detenaient une situa- tion de monopole et souffraient d'une mauvaise gestion et d'un personnel plethorique.

Au debut du PASEP, les dettes croisees representaient plus de 15 milliards de FCFA. Le PASEP avait pour but d'1liminer la dette croisee publique avant la fin de l'annee 1989. Le programme dans son ensemble a pris du retard sur

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l'cheancier prevu et, malgr6 sa prolongation jusqu'en mars i991, n'a pas reussi a d caisser la totalit6 des financements pr vus. De fait, un reliquat de pres de 8 millions de dollars US n'a pas 6t6 verse au Tresor compte tenu des faibles performances du Niger dans le respect de ses engagements. En effet, les dettes crois es n'avaient pas 6t6 r6sorb6es et les cr6ances de la BDRN aupres des d6biteurs prives n'avaient 6t6 que tris peu recouvrees.

De plus, on notait que les entreprises d'utilit6 publique (OPT, Nigelec, SNE) eprouvaient encore des difficultes de paiement de la part de l'Etat. En fait, les arri res de l'Etat face aux entreprises publiques se sont maintenus tout au long du programme, les paiements d'arri6res 6tant annihiles par le non paiement des factures courantes. A la fin de 199o, les arrieres 6taient estimes superieurs A ce qu'ils etaient en debut de programme: l'Office National des Produits Pharmaceutiques et Chimiques (ONPPC) et les entreprises petrolieres se sont elles aussi mises a connaitre des ardoises impayees de l'Etat. '7

On a enregistr6 6galement une forte resistance a la diminution des emplois dans le secteur para-public et a la privatisation. Les quelques donnees disponibles font 6tat de la perte d'emploi de 300oo 5oo personnes mais ne refl6tent pas toutefois la situation dans son ensemble. A titre d'exemple, pour l'OPT, on a remarque une augmentation effective de la masse salariale de 50o% malgr6 la mise en place de l'automatisation. La NIGELEC, pour sa part, aurait connu un taux annuel de 25 a 30%. '8 Aussi, il semble que la diminution d'emplois dans certaines entreprises ait 6t6 com- pensee par l'embauche dans d'autres entreprises.

Le cas de la societ6 de commercialisation de l'arachide et du nieb6, la SONARA, est un cas typique de la resistance du gouvernement concernant une privatisation lorsque des int&r&ts importants sont mis en cause.

Cette entreprise publique qui, dans les faits, ne remplissait plus son man- dat depuis 1976, a 6t6 maintenue jusqu'en i99o. En effet, des 1972, la produc- tion de l'arachide avait chute considerablement. De 1976 ' 1986, sur une pro- duction annuelle moyenne de 8oooo 000 tonnes, la SONARA n'achetait que 4 300 tonnes par an et a peine 2 ooo tonnes par an de 198 a I1986 (SONARA 1990o). Quant au nieb6 commercialise par les producteurs, il 6tait export6 en presque totalit6 par le marche parallkle vers le Nigeria. La SONARA est devenue en fait depuis le milieu de la decennie 70 plus active dans l'immobi- lier. Comme les autres entreprises du secteur para-public, elle connaissait au moment du PASEP des deficits d'exploitation.

Invoquant qu'il fallait redynamiser la culture, la SONARA avait decid6 en 1985 de hausser le prix pay4 au producteur de ioo a 130 FCFA/kg pour l'ara- chide en coque. Durant la campagne 1986/87, la SONARA a demande aupres de la BDRN un credit de campagne illimit6 pour l'achat de l'arachide. La pro- duction commercialisee par la SONARA s'est alors chiffree a 35 300 tonnes

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en 1986/87 comparativement'a i 659 tonnes pour la campagne precedente (SONARA, 199o). Cette operation de la SONARA lui a cotit 4,6 milliards de FCFA. Une grande partie (la majorit6) du tonnage commercialisee provenait du Nigeria oui le cours 6tait A l'apoque de 65 FCFA/kg.

Pour ses campagnes d'achat, la SONARA n'intervenait pas directement auprbs des petits producteurs individuels mais rachetait la production aupres de certains commergants intermediaires. La SONARA a ainsi vers6 4,6 milliards de FCFA a des commergants intermediaires qui faisaient ainsi un benefice brut de plus de 40%. Cette operation n'a, en definitive, eu aucun impact sur la situation des producteurs. Tout indique qu'en 1987 la SONARA a plut6t servi comme moyen privilkgi6 d'accumulation pour un certain groupe social: commergants et membres pres du pouvoir.

En meme temps que cette campagne d'achat menee par la SONARA, le gouvernement adoptait des mesures pour faciliter les importations d'huile par les commerqants. Ceci a eu pour effet d'entrainer la fermeture des huileries locales, principaux clients de la SONARA. Celle-ci s'est donc retrouvee en situation de sur-stockage et a dO couler sa marchandise a perte. La campagne 1986/87 de la SONARA a contribu6 pour le tiers de son endettement (13 milliards de FCFA) aupres de la BDRN, le reste etant rede- vable a ses operations immobilieres.

Cette contre-performance exceptionnelle dfie A la campagne 1986/1987 a amplifi enorm ment les problames financiers de la SONARA, provoquant de ce fait une demande de liquidation de la part de la Banque mondiale. En retardant a plusieurs reprises la liberation des deuxieme et troisieme tranches de financement du PASEP, la Banque mondiale insistait sur la necessit6 du demantelement de la SONARA (aucun repreneur ne s'6tant manifest6). La SONARA fut finalement dissoute a l'automne 199o.

Le cas a lui seul de la Banque de Developpement de la Republique du Niger (BDRN) est significatif d'enjeux et d'interets menaces par des reformes structurelles mais aussi de la volont6 du pouvoir politique d'imposer un statu-quo.

La BDRN a 6te cr6e en 1961 et sa vocation etait celle d'une banque de developpement. Le capital de la BDRN en 1985 se chiffrait a 8,4 milliards de FCFA qui se r6partissait de la fagon suivante: Etat, 37%; offices et socite's d'Etat, 40,3%; Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest, 12,3%; autres institutions, 8,2% (dont la Caisse Centrale de Cooperation Economique, 2,91%); divers, 2,2% (BDRN 1989, 7).

Durant la periode 1976-1986, l'activit6 de la BDRN s'est avere tres importante. C'6tait la periode forte d'investissements et la banque a fait de nombreux prets aux entreprises publiques et parapubliques ainsi qu'a des entrepreneurs prives.

La BDRN a essentiellement soutenu les societes d'Etat et les societes du

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secteur priv6 cr66es entre 1979 et 1983. Les prets au secteur priv6 se sont adresses a des commergants oeuvrant dans la distribution de biens et materiels et a des entreprises du batiment public. Les dossiers de la BDRN r6vilent que l'analyse de marchM et l'6valuation des projets n'avaient pas r6gulibrement 6t6 faite au moment oui les prets 6taient consentis.

En 1989, la BDRN est au bord de la faillite technique bien qu'elle ait connu son premier plan de rehabilitation des 1985. Le non remboursement des prets de la part des entrepreneurs prives et des entreprises publiques a contribu6 a deteriorer la situation financiere de la BDRN. Le secteur des entreprises publiques avait a lui seul des comptes courants debiteurs pour plus de 15 milliards de FCFA (BDRN 1989).

Une rumeur officieuse entretient l'idee au niveau de la population que ce sont les grands commergants du secteur informel (entendre les commergants haussas de Maradi et de Zinder) qui ont compromis la BDRN sur le plan financier en refusant de rembourser les prets qui leur avaient 6t6 consentis. La realit6 demande a tre plus nuancee, d'autant que de 1979 a 1983, il sem- ble y avoir eu une intention politique pour que la BDRN s'engage dans un effort de promotion de commergants et entrepreneurs djermas. De fait, selon les informations obtenues, plus de 70% des prets au secteur priv6 auraient ete accordes A des promoteurs djermas. '9

Cette rumeur persistante cherche a faire oublier les responsabilites du pouvoir politique et a masquer sa collusion avec des int6rets d'origine djerma en rejetant le blame sur les commergants haussas, 6vitant par la mime occasion le d-bat sur le coat de la creation d'un secteur nationalis'.

Les tentatives de recouvrement des prets sont demeurees peu convain- cantes, malgr6 les pressions de la Caisse Centrale de Cooperation Economique et de la Banque mondiale qui avaient fait de ce point une condi- tionnalit6 importante du PASEP. En effet, on constatait au milieu de l'ann~e 1989, soit 2 ans apres le debut du PASEP, que la BDRN n'avait recouvr6 que 15 millions de FCFA par rapport A l'objectif de recouvrement de 18 milliards de FCFA. Cet objectif ne representait qu'une portion des 55,4 milliards de FCFA d'actifs de la BDRN compromis auprbs du secteur priv6. Environ 87% des prets a recouvrer concernaient 2oo dossiers; les plus gros debiteurs se limitaient a 69 clients pour des montants de ioo millions de FCFA et plus chacun. Durant toute la duree du PASEP, on a pu noter de la part du gouvernement et des autorites de la BDRN une nette reticence a recouvrer ces prets.

La BDRN a et6 finalement liquidee en aoult 199O et la banque qui lui a

succ'd', la SONIBANQUE, n'a repris que ses actifs sains, les autres actifs etant confies A la societ6 de recouvrement de la BDRN. Ces recouvrements s'averent essentiels pour rembourser les d4posants penalises par sa faillite. Neanmoins, en d4pit des engagements reiteres de l'Etat face a la Banque

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mondiale, les recouvrements n'atteignaient toujours que 1,2 milliards de FCFA en fevrier 1991 sur les 2,4 milliards de FCFA attendus pour decembre 1990.

Les privatisations, lorsqu'elles se sont produites, semblent avoir 6t6 faites beaucoup plus pour satisfaire la conditionnalit6 de la Banque mondiale que dans le but reel de privatiser les entreprises. Des pressions aupres des com- mergants ont 6t6 faites pour qu'ils rachatent ces entreprises dont certaines etaient problematiques (Courcelle et De Lattre 1988). Le rachat de ces entreprises 6tatiques a 6t6 suivi dans certains cas de leur demanthlement pur et simple (par exemple, entreprises de tabac et des cuirs et peaux).

On peut 6galement s'interroger sur la possibilit6 reelle d'6mergence d'un secteur priv6 tel que l'entend la Banque mondiale. Pour l'instant, le capital priv6 est represent6 au Niger par le capital commercial traditionnel qui est en ce moment en difficult4 en raison de la fermeture des frontieres avec le Nigeria et de la devaluation de la naira. 20 Le capital industriel et commer- cial lie a l'Etat a connu de nombreuses faillites et on observe plutOt une fuite majeure des capitaux. Pour la seule annee 1989, 8o millions de dollars US auraient quitt6 le Niger pour etre 6changes sur le march4 bancaire europeen. Par ailleurs, les investissements 6trangers au Niger diminuent. En dehors de l'industrie minibre oli les entreprises ont reduit leur capacit6 de production, des entreprises commerciales comme la CFAO, OPTORG (Peyrissac), Unil- ever et SCOA connaissent depuis 1985 d'importantes restructurations ou une diminution sensible de leurs activites (Courcelle et De Lattre 1988, 56). Dans le secteur manufacturier, la pr6sence du capital @tranger demeure tres faible.

En somme, durant le premier PAS, le r6gime a offert une r6sistance a la r6duction du secteur public et para-public dans l'6conomie nig6rienne. Cette reduction aurait des r4percussions aux niveaux suivants: (i) une forte dimi- nution de l'emploi en zone urbaine pourrait engendrer des coots 1leves en terme de stabilit6 politique; (2) l'opacit6 de la gestion et le contr1le du capital officiel qui permet des activit6s tres profitables (BDRN et SONARA en sont des exemples 1loquents) seraient remis en cause; (3) l'actuel secteur priv& national pourrait se retrouver dans une situation precaire sans les subven- tions indirectes de l'Etat.

Enjeux socio-politiques lies aL l'ajustement structurel L'6tude des fonctions de pr616vement-redistribution de l'Etat au Niger per- met de decouvrir qui profitait de la repartition des revenus a l'6chelle nationale et d'identifier les bases sociales de 1'Etat.

Le gouvernement autoritaire de Kountch6 redistribuait une portion des revenus issus de l'uranium a certaines categories sociales et assurait par la mime occasion la stabilit6 de son regime. La chute des revenus de l'uranium

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ainsi que les mesures d'ajustement structurel ont compromis ce mode d'allo- cation des ressources.

Pour resoudre le dilemme de la baisse tendancielle des revenus servant A financer le budget de l'Etat au Niger, celui-ci devrait accroitre la pression fis- cale aupres de la couche superieure des commergants oeuvrant dans le sec- teur informel ou aupres du secteur priv6 subventionn6 par l'Etat. L'attitude de l'Etat dans le cas de la BDRN montre bien que la classe dirigeante est peu desireuse de fiscaliser ces segments influents de la population. Par ailleurs, la rationalisation des secteurs public et para-public perturberait fortement la situation de l'emploi des couches urbaines dans le secteur moderne de l'/conomie. Par consequent, I'Etat a opt6 pour un accroissement du d6ficit budgetaire et la constitution d'arrieres. La marge de manoeuvre de 1'Etat s'est aver~e en effet tres 6troite car la classe dirigeante se refuse a appliquer les reformes du PAS visant a attenuer la baisse de ses revenus. Les arri6r6s permettent de perpetuer le mode de gestion ant6rieur et d'6viter les effets des r'formes qui limiteraient A la fois le pouvoir de la classe dirigeante et sa sta- bilit6 politique.

Aussi, il ne faut pas voir dans la lib6ralisation du r6gime depuis quelques annees une nouvelle r6partition des ressources: c'est plut6t la recherche du statu-quo tel que nous le rvidle le bilan des mesures d'ajustement structurel que nous venons d'effectuer.

Le processus de democratisation qui a 6t6 engage A partir de 1988 peut etre vu comme une tentative pour consolider le regime dirig6 par Ali Salbou, 21

successeur de Kountch6, en lui donnant une assise populaire faisant con- trepoids a ses rivaux qui profitaient du soutien de puissantes factions mili- taires. Toutefois, ce processus avait 6t6 6galement rendu imp6rieux par le contexte socio-6conomique et pour rendre compte des exigences impos6es par le programme d'ajustement structurel. Le r6gime etait A la recherche d'une source alternative A la perte des revenus de l'uranium et, a court terme, c'etait l'aide etrangere qui pouvait la lui offrir. La liberalisation apparente du regime 6tait par consequent une tentative de se concilier l'appui des princi- paux donateurs.

Neanmoins, les manifestations 6tudiantes de fevrier 1990o ont montre que le retour A un regime civil au Niger n'avait pas entrain6 un veritable pro- cessus de democratisation de la vie politique, ni contribu6 a une plus grande transparence du pouvoir. Ce processus de democratisation avait culmind avec l'd1ection de Saibou comme president le io decembre 1989 et la forma- tion d'une nouvelle Assemblke nationale (ainsi que l'adoption d'une consti- tution qui n'admettait pas le multipartisme). Cette Assemblke nationale ne pouvait se prevaloir de pouvoir reel car le Mouvement National pour la Societ6 de Developpement (MNSD) qui chapeautait toute la societ6 nigeri- enne, ne modifiait en rien les pratiques politiques precedentes.

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L'instabilit6 dont a fait preuve le gouvernement durant la premiere moiti6 de 1990o est reve1atrice de la lutte entre fractions a l'int'rieur de la classe diri- geante concernant des changements au sein du mode d'allocation des res- sources. Le gouvernement nigerien 6tait alors en n6gociation avec la Banque mondiale pour 6tablir une entente portant sur un programme d'ajustement sectoriel en education lequel obligerait I'Etat, s'il 6tait ratifie, A reorienter en faveur de l'6ducation primaire les ressources budg6taires affect6es A ce sec- teur, et ce au detriment de la formation superieure (cadres). Au meme moment, les organisations internationales et les bailleurs se faisaient plus pressants concernant notamment les dossiers de la BDRN et de la SONARA. Le report de l'adoption du "Policy Framework Paper" pour 1990-1993 illus- tre bien les tensions observables au sein de l'appareil politique.

Les 6v6nements de i99o furent aussi le pre1ude d'une contestation de la part d'autres groupes sociaux qui craignaient qu'un nouveau mode d'alloca- tion des ressources soit contraire A leurs interets (fonctionnaires, ouvriers des zones minieres, enseignants). Toutes ces pressions sociales ont amend le r6gime a conceder le multipartisme et la tenue d'une Conf6rence Nationale en 1991.

Toutefois, ces changements au niveau politique ne semblent pas indiquer qu'on assiste a une r6partition nouvelle du pouvoir au Niger allant dans le sens d'une participation des groupes sociaux actuellement marginalises. La crise du pouvoir politique au Niger apparait etroitement liee a la persistence du declin 6conomique dans ce pays et aux tentatives de l'Etat de maintenir un statu-quo au sein du mode actuel d'allocation des ressources.

Conclusion Dans leur application, les PAS tendent a imposer des changements qui pour- raient modifier sensiblement les mecanismes de pr61vement et de redistri- bution des revenus, allant ainsi A l'encontre des interets poursuivis par les Etats avant la crise financibre.

Le bilan des mesures d'ajustement au Niger (1983-1990) rev le que 1'Etat, dans les faits, a cherch6 a contourner les conditions imposees par le FMI et la Banque mondiale. Le degr6 de r6sistance de l'Etat illustre sa volont6 de main- tenir un statu-quo quanta la repartition actuelle des revenus, meme si cela a pour effet de compromette encore plus la situation economique.

Ce comportement de l'Etat souligne les enjeux internes suscit6s par l'application du PAS et fait apparaitre que, dans la pratique, les choix poli- tiques ont consist6 a decider quels groupes sociaux supporteront la plus grande partie des co its de l'ajustement. Les resultats de cette etude suggerent que la dimension politique devrait, par consequent, etre integr~e aux analyses portant sur l'6valuation des PAS.

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Notes I. Ce document triennal paraph6 par les autorites gouvernementales d'un pays sous

ajustement, le FMI et la Banque mondiale consigne l'ensemble des reformes poli- tiques a entreprendre et est pr6requis a tous les financements d'ajustement struc- turel. Mieux connu sous l'appellation de "Policy Framework Paper," il est de nature confidentielle.

2. La repartition des principaux groupes ethniques au Niger est la suivante: Haussa (53,5%); Djerma (21,2%); Peul (10,4%); Touareg (9,3%); Kanouri (4,3%); Toubou (o,5 %). L'orthographe des noms d'ethnies au Niger ne fait pas consensus. Nous avons retenu celle qui est actuellement la plus usitee en langue frangaise.

3. La localisation geographique des Djermas a favoris6 une mise en contact plus precoce avec le systhme colonial, lequel a affect6 plus profondement leurs structures sociales. Les Djermas ont constitu6 des cette 6poque le noyau des recrutes dans les structures administratives et militaires.

4. Les filiales de ces groupes se sont reconverties au Niger dans des activites de quasi- monopole: quincaillerie, mat6riel industriel et de construction, pi6ces mecaniques, etc.

5. Entrevue avec un agro-6conomiste, ancien fonctionnaire du Ministere de l'Agricul- ture, Niamey, 29 mars 199o.

6. En 1971, la SOMAIR 6tait un consortium d'interets frangais, italiens et allemands avec 16,75% de participation du gouvernement nigerien. La participation du Niger dans la SOMAIR a 6te portte A 33% en 1975.

7. Les proprietaires de la COMINAK sont I'Etat, la COGEMA (Commission d'Energie Atomique) et Japanese Overseas Uranium Resources Development.

8. Cette entreprise a enregistr6 par la suite plusieurs d6ficits si bien qu'elle a fait l'objet d'une privatisation dans le cadre du PAS. Elle fut rachetee par des commergants nig'riens qui l'ont d'finitivement fermee, securisant ainsi leur commerce avec le Nigeria.

9. La prise de pouvoir par l'arm'e en 1974 a permis aux Djermas de dominer plus que jamais la scene politique. Profitant des revenus croissants de l'uranium, fonction- naires et militaires se sont alli6s pour favoriser l'6mergence d'une bourgeoisie qui pourrait contrebalancer le poids 6conomique des commergants haussas.

Io. De i974 1 i978, le volume de l'aide a double, passant de 66 milliards A 145 milliards de FCFA, dont 65 % en subventions (Niger, Ministare du Plan 1980).

I1. Nous excluons de notre compilation les instituts de formation, les centres et les laboratoires de recherche ainsi que les infrastructures universitaires.

12. Le prix d'achat de l'uranium nig6rien est tomb& de 23 500oo FCFA/kg 2000ooo FCFA/kg en 198I. Parallklement, les recettes de l'Etat en provenance du secteur de l'uranium sont pass6es de 17,4 milliards de FCFA en 1978 12,I milliards de FCFA en 1981 (voir tableau I).

13. Le service de la dette avant re6chelonnement est passe de 8,8 milliards de FCFA a 37, I milliards de FCFA entre 1980 et 1982.

14. Suite A ce constat, le Ministre du Plan declarait: "Dans l'ensemble des investissements de l'Etat, quand on fait des calculs on se rend compte que ce qui va effectivement au monde rural est infdrieur A Soo FCFA par famille et par an" (Le Sahel 2 novembre 1989: 6).

15. Entrevue donnee par le Ministre des Finances au journal Le Sahel 30 octobre 1989: 6. 17. Entrevue avec le Directeur de la cellule charg6e du secteur para-public, Ministere des

Finances, Niamey, I6 avril 199o; Le Sahel 27 novembre 1989: 5.

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Entrevue avec un 6conomiste de la cooperation canadienne au Niger, Montreal, 2 avril 1991. Entrevue avec un repr6sentant de la Caisse Centrale de Coop6ration Economique, Niamey, 24 avril 199o. Selon des intervenants ayant eu une part active dans le dossier de la BDRN concernant cette periode, une directive politique officieuse voulait que la BDRN s'engage dans ce sens. Entrevues avec un representant de la Caisse Centrale de Cooperation Economique, Niamey, 24 avril 199o0; avec un haut-fonctionnaire du Ministare des Finances, Niamey, 16 avril 199o. La divulgation ult6rieure de la liste des principaux debiteurs prives auprbs de la BDRN par l'Union des Syndicats des Travailleurs du Niger vient confirmer ces dires. Entrevue avec le professeur Kiari L. Tinguiri, Facult6 des sciences 6conomiques et juri- diques, Universit6 de Niamey, Niamey, 12 avril 199o. Il a toujours 6t6 consider6 comme un fiddle de Kountch6 et est membre du m me sous- groupe ethnique djerma.

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