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1 TRADUCTION MONUC NOVEMBRE 2007 Strictement confidentiel 26/11/2007 Rapport Spécial MONUC Mission des Nations Unies au Congo Division des Droits de l’Homme des Nations Unies en République Démocratique du Congo Mai 2007 ENQUETE SPECIALE SUR LES EVENEMENTS DE KINSHASA DE MARS 2007 ET LEURS RETOMBEES

LES EVENEMENTS DE KINSHASA - congoone.net · Centre Pénitentiaire et de Rééducation de Kinshasa, ou «Makala. Ce qui suit est en fait la page 5 de la version anglaise les autorités

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TRADUCTION MONUC NOVEMBRE 2007

Strictement confidentiel 26/11/2007

Rapport Spécial

MONUC

Mission des Nations Unies au Congo

Division des Droits de l’Homme des Nations Unies en République Démocratique du Congo

Mai 2007

ENQUETE SPECIALE SUR

LES EVENEMENTS DE

KINSHASA

DE MARS 2007 ET LEURS RETOMBEES

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TABLE DES MATIERES

1. RESUME EXECUTIF 2. METHODOLOGIE ET DIFFICULTES RENCONTREES 3. CONTEXTE ET SURVOL DES EVENEMENTS

3.1. Contexte

3.2 Composition, armement et structure de commandement des belligérants

3.3 Combats dans la Commune de Gombe les 22 et 23 mars

3.4 Déplacement des hostilités vers les communes de Barumbu et de Limete à partir du 23 mars et description des opérations visant à ceinturer les zones de combat et l’organisation des recherches à la suite des événements.

3.5 Combats à Maluku le 23 mars.

4.0 VIOLATIONS DES DROITS DE L’HOMME COMMISES DURANT ET APRES LES AFFRONTEMENTS ARMES.

4.1. L’usage illégitime de la force

4.2 Exécutions sommaires

4.2.1 Commune de la Gombe

4.2.2 Communes de Limete et de Barumbu

4.2.3 Camps militaires et autres endroits

4.3. Pillages et destructions de biens privés

4.4. Arrestations arbitraires massives, détentions illégales, traitements cruels, inhumains et dégradants infligés aux personnes détenues.

4.5. Viols et violences sexuelles

5.0 INTIMIDATIONS ET HARCELEMENTS DANS LE CHEF DES FORCES DE SECURITE A LA SUITE DES EVENEMENTS ;

5.1 Membres de l’opposition politique

5.2 Journalistes et organisations médiatiques

5.3 Equatoriens, personnes et institutions perçus comme étant favorables à Bemba

6.0 CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

6.1 Conclusions principales

6.2 Recommandations

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ANNEXE I – Chronologie des réactions aux événements de Kinshasa et autres développements à la suite des événements

ANNEXE II

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ENQUETE SPECIALE SUR LES EVENEMENTS DE KINSHASA DE MARS 2007 ET LEURS RETOMBEES

CONSTATATIONS PRELIMINAIRES

1. Résumé exécutif retour

1. A la suite des confrontations armées à Kinshasa entre les forces gouvernementales de la RDC et l’unité de sécurité personnelle du Vice-président Jean-Pierre Bemba les 22 et 23 mars 2007, la MONUC a mis sur pied une équipe multidisciplinaire chargée d’une enquête spéciale sur ces incidents. L’Equipe en a conclu que quelque 300 personnes avaient perdu la vie durant et après les hostilités. Le nombre exact de victimes, qui pourrait être beaucoup plus élevé, fut cependant difficile à évaluer, en grande partie en raison du manque de coopération des autorités tout au long de l’enquête. La situation sécuritaire qui prévalait, l’échelle et la complexité des incidents ont aussi rendu difficile, sinon impossible, la vérification de certains incidents et de certaines accusations.

2. La violence a éclaté lorsqu’une confrontation tendue entre les Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) et la garde personnelle de Jean-Pierre Bemba (DPP : Département de la Protection Présidentielle) (1) a dégénéré en affrontement armé dans le centre de Kinshasa. Le 6 mars 2007, le Général Kisempia, Commandant (2) des FARDC, émit un ordre enjoignant l’ensemble du personnel militaire assurant la sécurité des anciens vice-présidents, entre autres, de se présenter au Camp Kokolo, à Kinshasa, pour le 15 mars, avec armes et bagages afin d’être enregistrés ou redéployés (3) au sein des forces armées régulières. Bemba refusa cependant de suivre cet ordre, et le DPP demeura donc retranché derrière les enceintes des camps de Bemba de la commune de la Gombe, au cœur de Kinshasa. Les FARDC et le DPP ont failli engager le combat dans ce secteur à trois reprises au moins entre les 19 et 21 mars. Cependant, le 22 mars, les véritables combats éclatèrent. Des armes lourdes comme des mortiers et des missiles lance-grenades (RPG) furent utilisés par les deux camps, les forces gouvernementales déployant alors des chars qui ouvrirent le feu au canon sur leurs cibles. Les hostilités demeurèrent initialement limitées à la Gombe, à l’exception d’une attaque contre le Camp de Bemba et sa résidence à Makulu (4), qui survint le matin du 23 mars. A la même date dans la ville de Kinshasa, les combats se déplacèrent progressivement vers d’autres secteurs dans les Communes de Limete et de Barumbu, alors que le DPP se dirigea dans ces directions, poursuivi par les Forces Gouvernementales. Les opérations militaires se poursuivirent au sud de Ndolo et de Kingabwa jusqu’au 25 mars. La semaine suivante, la Police, les Services de Renseignements et l’Armée effectuèrent des opérations afin de ceinturer les zones et d’effectuer des recherches dans plusieurs secteurs de la ville dans le but d’arrêter des soldats du DPP, de trouver des armes, des munitions et de l’équipement militaire que le DPP était soupçonné d’y avoir cachés.

3. L’Equipe (5) a établi que de graves violations des droits de l’homme furent commises durant et après les violences. L’Equipe a documenté des incidents impliquant l’usage disproportionné, extrême ou sans discrimination de la force survenus tout au long des opérations militaires menées par les Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) et la Garde Républicaine (GR). Des armes lourdes furent utilisées par les deux camps, tant dans le centre ville que…

1. Département de la Protection Présidentielle. Cette unité ne doit pas être confondue avec la Garde Républicaine (voir ci-dessous) qui est elle responsable de la sécurité du Président Kabila.

2. Chef d’Etat-major 3. Le communiqué fait référence à «l’enregistrement et prise en force» de ces

soldats. 4. Camp militaire situé à environ 80 km au nord-est de Kinshasa.

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5. Conduite par la Division des Droits de l’Homme de la MONUC et composée de personnel de la Division des Droits de l’Homme des nations Unies, de la Protection de l’Enfance de la MONUC et d’UNPOL, avec la contribution de la JMAC.JOC, des militaires de la MONUC et des hommes de la Division des Affaires Politiques (PAD).

…dans des quartiers résidentiels à forte densité de population où aucun objectif militaire n’était à même de justifier les moyens ou le degré de force utilisés et où la vie des populations civiles n’a fait l’objet d’aucune espèce de considération. Au moins 40 civiles et soldats du DPP en reddition, auraient ainsi été les victimes d’exécutions sommaires, principalement perpétrées par la GP, durant ou à la suite de ces opérations. Des informations indiquant l’existence de fosses communes et la présence de corps de victimes non-identifiées (civiles et militaires) repêchés dans le Fleuve Congo (certaines étant ligotées et ayant les yeux bandés) attestent du fait que le nombre d’exécutions sommaires commises a été sensiblement plus élevé durant et après ces événements.

4. Plus de 200 personnes ont été arrêtées par des soldats des FARDC, par la GR, la Police d’Intervention Rapide (6), les Services Spéciaux de Renseignements de la Police (7), mais aussi par les Services de Renseignements Militaires et Civils (8), durant et après les combats, sans respecter les procédures légales et le plus souvent parce que la personne arrêtée était tout simplement originaire de la province de l’Equateur. Un nombre important de victimes a subi des traitements cruels, inhumains et dégradants au cours de leur détention.

5. De très nombreux actes de pillages ont été constatés, commis d’abord par le DPP et ensuite par les soldats des FARDC et de la GR. Le centre de Kinshasa a été le secteur le plus touché.

6. Un climat de peur a été créé à la suite des événements avec le harcèlement de membres de l’opposition et de personnes soupçonnées ou perçues comme étant affiliées à celle-ci (comme des journalistes travaillant pour des stations de radio ou de télévision pro-Bemba), qui ont été menacés ou intimidés par les services de sécurité de l’Etat. La situation politique et sécuritaire qui s’en est suivie à Kinshasa atteint son paroxysme avec le retrait des trois groupes parlementaires de l’opposition de l’Assemblée Nationale, en signe de protestation, du 13 au 25 avril.

7. Bien que le Président Kabila ait donné une conférence de presse à propos des événements le 26 mars, il y eut fort peu de réactions officielles par la suite : aucun bilan officiel du nombre de victimes n’a été communiqué et aucune explication précise n’a été fournie au public quant à l’origine des combats. L’ouverture d’une enquête par le Procureur Général (9) dans le but d’ouvrir des poursuites contre Jean-Pierre Bemba fut la seule action judiciaire remarquable prise à la suite des événements. Aucune enquête, aucune poursuite n’a été engagée contre la GR, les FARDC ou des éléments de la Police soupçonnés d’avoir commis des violations graves des droits de l’homme au cours des événements. L’Auditeur Général militaire (10) a cependant réuni une Commission chargée d’étudier la légalité de la détention de centaines de personnes à la prison centrale de Kinshasa. RESULTAT ???

2. Méthodologie et difficultés rencontrées retour

8. L’Equipe d’Enquêteurs a été composée tout de suite après les événements du 24 mars et s’est livrée à des vérifications et à des recherches à Kinshasa et dans les environs durant tout le mois d’avril et les deux premières semaines de mai. L’Equipe a inspecté plusieurs sites de détention, y compris le Camp Tshatshi (camp militaire de la Garde Républicaine, accès restreint), le Camp Lufungula (camp de la police dans le district de Lukunga) l’Etat-major des Renseignements Militaires

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(11) (accès restreint), l’IPKin (Etat-major de la police provinciale), Kin-Mazière (Services Spéciaux de Renseignements de la Police) et la Prison Centrale de Kinshasa (CPRK) (12). L’Equipe a aussi visité des hôpitaux et des installations médicales et dispensaires, des cimetières et différents secteurs de Kinshasa touchés par les événements, en particulier ceux autour de Ndolo. L’Equipe a interrogé plus de 200 personnes y compris….

6. PIR : Police d’Intervention Rapide 7. SSRP : Services Spéciaux de Renseignements de la Police 8. Respectivement l’ex-DEMIAP et l’ex-ANR 9. Le Procureur Général, dans une lettre adressée au Président du Sénat, datée du

10 avril 2007 (mais publiée le 12 avril), demandait l’autorisation d’enquêter sur le Sénateur Jean-Pierre Bemba, en tant que «responsable intellectuel des actes criminels commis par les soldats de sa garde personnelle.» Ces actes comprennent : violation de la sécurité nationale, meurtre, vol à main armée, pillage, incitation aux soldats pour qu’ils commettent des actes contraires à leur devoir, agression et destruction de biens. Dans une lettre datée du 19 avril, il informait le SRSG de ce que «une enquête est en cours… concernant les affrontements armés qui ont opposé des soldats des FARDC à ceux de la garde personnelle du Sénateur Jean-Pierre Bemba, à Kinshasa, du 22 au 24 mars 2007.»

10. Auditeur Général 11. Etat-major des Renseignements militaires. Anciennement connu en tant que

«DEMIAP.» 12. Centre Pénitentiaire et de Rééducation de Kinshasa, ou «Makala.»

Ce qui suit est en fait la page 5 de la version anglaise

… les autorités militaires, policières, des renseignements, des politiciens et des responsables administratifs ; des soldats des DPP, GR et FADRC ; des représentants de l’opposition, des membres des justices militaire et civile ; des autorités carcérales et des détenus ; des témoins et des victimes des deux camps ; des responsables des hôpitaux et des installations médicales ; des fossoyeurs ; des responsables d’ONG locales ; des journalistes. L’Equipe était dotée du matériel professionnel nécessaire pour mener des enquêtes sur les droits de l’homme : caméras vidéo, appareils photo digitaux et équipement de navigation GPS.

9. Il est opportun de rappeler maintenant que l’enquête de l’Equipe n’était ni judiciaire, ni criminelle, et n’empêche d’aucune manière les autorités congolaises de mener leurs propres investigations indépendantes à propos des accusations de crimes et de violations des droits de l’homme graves commis durant les événements dont il est ici question. Il faut se rappeler à cette fin que l’Equipe n’avait pas les pouvoirs de convoquer des témoins pour interrogatoire, de se livrer à des examens scientifiques ou à des autopsies, ordonner l’exhumation de corps ou d’obliger les autorités à l’autoriser à avoir accès partout dans l’intérêt de leur enquête. Les informations recueillies par l’Equipe doivent donc être considérées comme des preuves apparentes des actes criminels et des violations des droits de l’homme dont il est ici question. Dans le cadre de ce rapport, une accusation confirmée signifie qu’une preuve accablante a été trouvée pour appuyer les affirmations faisant l’objet de l’enquête. Une preuve accablante est celle qui soutient fortement une accusation particulière, y compris des témoins visuels et des témoignages corroboratifs, des preuves physiques (comme des sépultures anonymes récentes, des dégâts causés par des armes lourdes dans des endroits spécifiques et des lésions corporelles relevées sur les corps de victimes) et les preuves documentées (comme les registres des hôpitaux et des morgues).

10. La coopération de la part de toutes les autorités fut plus que réticente. L’Equipe a été accueillie avec hostilité et même de l’agressivité de la part de la GR en tentant d’effectuer des

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vérifications au Camp Tshatshi. L’Equipe ne fut autorisée à pénétrer des endroits clés comme les camps de Bemba, le Palais de Marbre, le GLM (13), et les installations militaires de la RG (par exemple le Camp CETA). Par exemple, en ce qui concerne les camps de Bemba (lesquels, selon plusieurs sources, ont été le théâtre de violations des droits de l’homme graves, y compris des exécutions sommaires), les membres de l’Equipe ont été priés de s’adresser à pas moins de huit responsables des services policiers ou militaires, et le Gouverneur de la Banque Centrale. Tous ont affirmé qu’ils n’étaient pas autorisés à permettre à l’Equipe d’inspecter les sites. Quand le Général Patience Yav (Commandant de la PIR) a finalement été approché à ce propos, il refusa d’emblée l’entrée des installations à l’Equipe. Interrogé sur les motivations de sa décision, le Général déclara, entre autres, que la République Démocratique du Congo n’était plus une colonie. Dans d’autres cas, seul un accès restreint (14) fut accordé (par exemple l’Etat-major des Renseignements militaires à Kitambo, le Camp Tshatshi). Des visites effectuées à l’improviste dans des endroits où des personnes étaient détenues se heurtèrent très souvent à un refus d’entrée, malgré le mandat très clair de la Division des Droits de l’Homme de la MONUC en la matière. En règle général, le personnel des hôpitaux, cliniques, dispensaires et les responsables des morgues ont refusé de partager avec l’Equipe leurs listes ou toute autre information concernant les personnes tuées ou blessées parce qu’ils avaient reçu pour instruction de ne pas le faire avec des personnes extérieures à leur organisation.

11. L’enquête a encore été rendue plus compliquée par le climat politique et sécuritaire qui régnait à la suite des événements (voir ci-dessus). Beaucoup de victimes et de témoins rechignaient à rencontrer l’Equipe, et ce en particulier au début de l’enquête. D’autres étaient disposés à parler aux enquêteurs mais craignaient pour leur sécurité personnelle et affirmaient qu’ils ne pouvaient rencontrer l’Equipe parce qu’ils se cachaient. De même, dans les hôpitaux et les centres médicaux ainsi que dans certains secteurs clés, les gens étaient mal à l’aise quand il s’agissait de rencontrer des membres de l’Equipe car ils étaient convaincus d’être sous la surveillance des services de renseignements. Ce fut le cas dans des endroits proches de ceux où des corps ont été découverts dans le fleuve Congo par des pêcheurs, de même que dans les cimetières où un grand nombre de cadavres ont été transportés dans des camions militaires immédiatement après les événements et enterrés dans des sépultures anonymes. L’Equipe a pu observer que ces cimetières étaient toujours surveillés de près par des soldats de la GR et des agents de l’ANR, pour un certain temps encore après les événements.

13. GLM – Groupe Lito Mobutu : une agence de renseignements placée sous l’autorité directe du Président, et située à proximité de la résidence présidentielle.

14. «Accès restreint» signifie que l’Equipe ne fut pas autorisée à circuler librement ou à interroger des personnes de manière confidentielle, ou que l’Equipe fut retardée avant de pouvoir pénétrer sur un site particulier.

Ceci est en fait la page 6 du texte anglais.

12. En définitive, en raison des considérations sécuritaires et du manque de temps, l’Equipe n’a pas été en mesure d’enquêter systématiquement dans tous les quartiers touchés par les événements, bien que des missions de vérification ad hoc ont été menées dans plusieurs de ces endroits. L’Equipe a entendu de nombreuses accusations de crimes et d’abus commis dans des quartiers comme Funa, Ofitra, Sokopao, Pakadjuma, Gemo-nord, Hôtel FIKIN (Commune de Limete), Mandrandela, Maman Zende, Yaounde, Kingabwa (Commune de Lemba), Bon Marché et Ndolo (Commune de Barumbu).

3. Contexte et survol des événements retour

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1. Contexte

13. Durant la Transition, des membres du Gouvernement Transitoire furent autorisés à conserver une garde militaire personnelle plus ou moins réduite, constituée de membres de leurs anciennes factions militaires respectives (le Mouvement de Libération du Congo (MLC) dans le cas du Vice Président Jean-Pierre Bemba). Bien que ce personnel militaire fut, en théorie, membre des FARDC, il n’obéissait, de facto, directement qu’à leurs anciens maîtres de guerre. Durant la période englobant les premier et second tours des élections présidentielles, la situation était tendue à Kinshasa et le personnel de sécurité du Candidat Bemba et du Président Kabila s’est affronté l’arme à la main dans la ville du 20 au 22 août 2006. Le PNC et les FARDC ont aussi échangé des coups de feu avec le DPP dans la Gombe le 16 novembre 2006, et quelques jours après, le PNC a échangé des tirs avec le DPP près de la Cour Suprême le 21 novembre 2006.

14. La proclamation à la Magistrature Suprême du Président Kabila et l’installation d’un nouveau gouvernement impliquaient des changements portant sur la réorganisation de la sécurité des anciens membres du gouvernement. Bemba, devenu Sénateur, continua à maintenir des troupes à Kinshasa, dans sa résidence privée (Avenue du Fleuve, Gombe), et dans sa résidence officielle et son complexe de bureaux (Avenue de Justice, Gombe), ainsi qu’à Maluku (à 80 km au nord-est de Kinshasa), site de sa maison de campagne. Le 6 mars 2007, l’ordre fut donné par le Général Kisempia à tout personnel militaire assurant la sécurité, entre autres, des anciens vice présidents, de se présenter au Camp Kokolo, à Kinshasa, pour le 15 mars, avec leurs armes et équipements pour enregistrement ou pour leur enrôlement dans différentes unités des forces armées régulières. Bemba affirma que le fait de se plier à un tel ordre mettrait sa vie en danger, étant donné la pauvreté, selon lui, des remplacements offerts en échange du DPP (15) et de précédents attentats à sa vie dont il affirmait avoir été la cible. Son refus d’obliger ses troupes d’obéir à cet ordre et une accusation publique de haute trahison qu’il avait proférée à l’égard du Président Kabila ouvrit une phase de tensions accrues dans la capitale. Au centre de Kinshasa, à proximité des camps de Bemba, des soldats des FARDC et du DPP furent sur le point de s’affronter à trois reprises au moins entre les 19 et 21 mars.

2. Composition, armement et structure de commandement des parties belligérantes retour

15. La GR était la principale unité gouvernementale engagée dans les combats avec le DPP, mais l’Equipe ne fut pas en mesure de confirmer si elle était déployée dans la Gombe depuis le début, ou si elle intervint quelque temps après le retrait de la 7ème Brigade Intégrée (7ème BI) (16). Les soldats de la GR exerçaient d’ordinaire des missions de sécurité ou de gardes d’honneur à des endroits bien précis (Cimetière de la Gombe, au Beach ONATRA, les salons de la Présidence, le yacht présidentiel au chantier naval ONATRA, à la RTNC (17), avenue de l’Ouganda, au Palais de la Nation, etc.) dans la ville. Peut-être ont-ils participé aux combats avant l’arrivé du reste de la GR. L’ensemble de la force GR/FARDC a été estimée par la MONUC à trois bataillons (soit quelque 2.600 hommes), plus des chars et leurs équipages. Il n’y a eu aucune confirmation à propos des informations concernant la participation de troupes étrangères aux côtés des forces gouvernementales. Toutefois, plusieurs sources ont évoqué la présence et la participation de troupes angolaises lors des combats (18). Les forces gouvernementales étaient ….

15. Le DPP devait être remplacé par une unité de sécurité tournante de 12 membres de la PNC.

16. Lire l’alinéa 3.3 ci-dessous. 17. Radio Télévision Nationale Congolaise. 18. Selon des sources militaires, plusieurs unités de la GR et de la PIR, bien qu’étant

composées de Congolais, ont été formées en Angola, et ont coutume de se parler en Portugais comme signe de reconnaissance. Ceci expliquerait les informations circulant à propos de la présence de soldats lusophones. Des sources de la JMAC ont fait état d’un appareil Iliouchine-76 transportant une compagnie des Forces

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Spéciales Angolaises ayant effectivement atterri à l’aéroport de Ndjili à Kinshasa aux environs de 19h00 le 22 mars. Certains membres du personnel d’organisations internationales ont aussi affirmé avoir vu des hommes portant des uniformes militaires portugais durant les combats. Il y a officiellement 40 conseillers militaires angolais basés en permanence à Kinshasa, mais, officieusement, le nombre de soldats angolais serait plus proche de 300 (source : JMAC)

Ceci est effectivement la page 7 du texte anglais.

… armées de fusils d’assaut, de mitrailleuses lourdes, de RPG (des grenades propulsées (19)) et d’artillerie, y compris des mortiers (20). En plus, la GR utilisait une dizaine de chars T-55 et des véhicules de combat d’infanterie BMP. Officiellement, le commandant en chef des opérations militaires était le Général Kisempia en personne, alors que la GR était probablement sous les ordres définitifs du Général Banze (21). Le Général Nabiola, Commandant de la 7ème BI et de la Défense Ville Kinshasa (DVK) fut blessé au cours des événements, mais les circonstances ne sont claires (voir ci-dessous).

16. Pour ce qui concerne le DPP, on estime le nombre de personnes présentes dans les camps de la Gombe entre 500 et 600, et dont la moitié seulement était des soldats professionnels du DPP, le reste étant des adolescents, des enfants des rues (shegués), en plus de leurs dépendants. Le DPP était principalement armé de fusils d’assaut, mais aussi d’un nombre limité de RPG et de mortiers. Le DPP était initialement organisé en trois compagnies et un bataillon, tous cantonnés dans les camps de Bemba le long du Boulevard et du Fleuve. En théorie, le DPP était placé sous le commandement direct du Sénateur Bemba, bien que les décisions tactiques étaient probablement prises par un nombre limité d’officiers de carrière, y compris le Major Jean Benoit et le Capitaine Patrick. Un groupe du DPP assurait la garde rapprochée de Bemba.

3.3. Combats dans la Commune de la Gombe les 22 et 23 mars (22) retour

17. Pour ce qui concerne le début des combats, selon les informations récoltées par l’Equipe (et aussi par la Brigade Occidentale de la MONUC et le JMAC), il semble que le gouvernement avait déjà pris la décision de désarmer le DPP de force pour le 21 mars, ignorant les appels de la communauté internationale en faveur d’une solution négociée de la confrontation. Cela a été confirmé par la présence de renforts autour du camp de Bemba. En raison de ce renforcement des troupes sur place et des tensions déjà élevées, les combats ont probablement commencé plus tôt que ce que le gouvernement avait prévu. L’attaque n’était vraisemblablement pas programmée pour débuter le 22 mars mais à un stade ultérieur (23). Une opération d’assaut programmée aurait vraisemblablement été fixée à l’aube (afin de minimiser les pertes civiles et de profiter des heures d’obscurité pour disposer les troupes hors de vue de l’ennemi.)

18. La préparation de l’opération militaire visant à prendre les camps exigeait le ceinturage du secteur, qui était encerclé de positions tenues par des soldats de la 7ème BI des FARDC. Les hostilités éclatèrent vers 12h00 environ le 22 mars. Peu avant 12h00, des troupes de la GR avaient été observées en route de l’aéroport vers les camps de Bemba. Les premiers coups de feu ont été entendus vers 12h20 ; venant d’un endroit situé entre les résidences de Ruberwa et de Bemba, Avenue de la Justice. Aussitôt ou presque, le crépitement des armes automatiques fut accompagné par les détonations des mortiers et des RPG alors que les combats s’intensifiaient rapidement. La bataille s’est étendue au reste de la Gombe, bien que les affrontements restèrent dans un premier temps limité à un périmètre réduit entre le Boulevard du 30 juin et le Fleuve Congo, ainsi qu’entre l’Etat-major de la MONUC et le rond-point Mandela.

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19. Selon le Commandant adjoint des renseignements militaires, la compagnie de la 7ème BI des FARDC qui avait pris position autour du camp de Jean-Pierre Bemba dans la Gombe, devait être relevée par une autre compagnie et des camions (vides) étaient venus les chercher lorsqu’un soldat isolé du DPP agissant sans ordres provoqua les FARDC en ouvrant le feu avec une mitrailleuse lourde…

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19. Une arme anti-char que le fantassin tire de l’épaule, lançant un missile non guidé équipé d’une ogive explosive.

20. Un mortier est une arme se chargeant par la bouche, au tir indirect, propulsant des obus à basse vélocité, à courte portée, et ayant des trajectoires balistiques élevées.

21. Le Commandant de la Garde Républicaine. 22. Voir l’Annexe II – Carte du Déploiement – Kinshasa, le 22 mars, y compris les

sites des incidents (Source : JMAC) 23. Le 21 mars, le Commandement des FARDC mis la dernière main à un plan visant

à renforcer la présence des FARDC et à encercler les camps, dans l’intention de désarmer le DPP par la force au cas où les négociations échoueraient. Durant la nuit du 21 au 22 mars, deux Compagnies des FARDC (‘Comp’) furent déplacées du Camp Maluku au Camp Kokolo. Une Comp. et un Peloton se dirigèrent vers la Gombe dans la matinée, pour y arriver seulement vers 10h30 à la suite de problèmes logistiques. Des éléments des Forces Navales eurent pour tâche de prévenir tout mouvement sur le fleuve, particulièrement à proximité de la résidence de Bemba.

Ceci est effectivement la 8ème page du texte anglais.

…tuant sur place sept soldats des FARDC (24). Les FARDC ripostèrent ensuite et la confrontation armée s’intensifia rapidement. La théorie selon laquelle des camions vides étaient venus de Maluku pour relever les compagnies de la 7ème BI n’a pas beaucoup de sens d’un point de vue logistique ou militaire : il est difficile de comprendre pourquoi les troupes devant assurer la relève ne soient pas arrivées en ville à bord de ces camions en premier lieu, afin de s’épargner un long trajet depuis Maluku et d’éviter de laisser les positions des FARDC en infériorité numérique pour une période relativement longue. Cette version est aussi contredite par plusieurs témoignages visuels, y compris des sources de la MONUC, qui ont fait état de concentrations de troupes le matin du 22 mars. Selon des soldats du DPP interrogés après les événements, ce sont les soldats des FARDC qui ont déclenché les hostilités, les prenant par surprise et ouvrant le feu sans prévenir. Selon un rapport rédigé par des membres de la société civile congolaise (25), les premiers coups de feu ont été tirés quand la 7ème BI s’est heurtée à des troupes de l’Etat Major Général envoyées pour les remplacer. Toujours selon cette version des faits, la 7ème BI n’avait pas été informée de ce qu’elle allait être relevée et a refusé d’obéir, déclenchant des échanges de tirs entre les deux unités des FARDC. Le DPP aurait alors profité du malentendu entre les forces gouvernementales pour gagner du terrain. Le Commandant de la 7ème BI aurait été blessé alors qu’il essayait de se plaindre de l’incident.

20. Une chose n’est cependant pas claire du tout, qui est de savoir lequel des deux camps a ouvert le feu le premier, et aucune des versions qui s’affrontent à ce sujet ‘a pu être confirmée de manière satisfaisante. L’un des scénarios les plus plausibles est, cependant, que le DPP, se rendant compte de son encerclement imminent, a essayé de se dégager du secteur en direction du sud-ouest, le long du Boulevard du 30 juin, qui était d’ailleurs la seule direction qui s’ouvrait encore à eux après que les troupes des FARDC aient reçu leurs renforts et aient été redéployées.

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21. Quoi qu’il en soit, selon des sources de la MONUC, des militaires et d’autres sources indépendantes, une fois les combats déclenchés, la 7ème BI a été retirée et remplacée par la GR. Initialement en position autour des camps, la 7ème BI comptait quatre compagnies sur le Boulevard du 30 juin, rond-point Mandela, la Gombe, le cimetière, le golf et la Cour suprême. La 7ème BI a vraisemblablement reçu l’ordre de ne pas s’engager dans un combat tous azimuts avec le DPP pour deux raisons : d’abord afin de se prévaloir de l’entraînement et de l’armement supérieur de la GR et de minimiser le risque qu’une panique éclate au sein des FARDC, entraînant soit des désertions, soit des ralliements au DPP (26). La 7ème BI s’est repliée du côté sud du Boulevard du 30 juin, qui est devenu pour certain temps la limite de facto entre les deux camps. Elle fut cependant impliquée dans diverses escarmouches dans la Gombe et dans d’autres secteurs à la suite de ce repli.

22. A partir de 12h30 environ, des tirs d’armes lourdes furent entendus à proximité du QG de la MONUC. Les combats s’étendirent rapidement sur la quasi-totalité de la Gombe et se poursuivrent quasiment sans interruption jusqu’au jour suivant. A la fin de la journée, les soldats du DPP s’étaient répandus dans une grande partie de la Gombe, divisant leurs effectifs en sections de 10 à 15 personnes. Le DPP s’était rendu maître de pans importants du centre de Kinshasa, particulièrement autour du Beach Ngobila et de l’ONATRA, de l’Hôtel Memling, du QG de la MONUC et de Kin-Mazière (l’état-major des Services Spéciaux de la Police.) (27) Bien que les Renseignements Militaires aient affirmé que les soldats du DPP opéraient selon un plan organisé, il ne semblait pas y avoir eu de chaîne de commandement bien précise car de petits groupes du DPP se sont dispersés dans tout le centre ville. Le DPP semblait initialement vouloir assumer une forme de contrôle sur le centre ville avant de prendre la fuite quand il fut avéré qu’il ne pouvait tenir tête aux troupes gouvernementales (28). Selon des soldats du DPP interrogés…

24. Lors de sa conférence de presse du 26 mars, le Président Kabila a aussi fait référence à de prétendues provocations de la part de soldats du DPP, lesquels, avait-il affirmé, ouvrirent le feu les premiers, tuant sept soldats des FARDC. D’autres sources ont déclaré que, au tout début des combats, le DPP a réussi à tuer six ou sept soldats des FARDC près de la Cour Suprême et que le reste de la compagnie des FARDC déployée à cet endroit prit alors la fuite, abandonnant plusieurs armes (dont un mortier de 60mm). Cette version des événements expliquerait aussi comment Jean-Pierre Bemba réussit à s’éloigner de la Gombe sans être aperçu ou capturé.

25. Déclaration commune des professionnels des droits de l’homme, des analystes politiques et des libres penseurs de la société civile sur les affrontements de Kinshasa du 22 au 24 mars 2007.

26. 30% environ de la 7ème BI sont des anciens soldats du MLC. 27. Selon des sources des Renseignements Militaires, un groupe de soldats du DPP

prit le contrôle du Port (secteur du Beach) et un autre s’empara de Kin-Mazière le soir du jeudi 22 mars. Un troisième groupe, qui était arrivé à proximité du Ministère des Affaires étrangères (non loin de la résidence de Kabila), provoqua ainsi le déploiement de la Garde Républicaine (GR).

28. Selon le Commandant adjoint des Renseignements Militaires, le Colonel Mulondo, le DPP s’est divisé en plusieurs groupes, suivant un plan bien organisé. Une copie de cet «ordre de bataille» signé par Jean-Pierre Bemba en personne, aurait été retrouvée après être tombée de la poche d’un soldat du DPP affecté comme garde du corps à la résidence de François Mwamba. Toutefois, l’Equipe d’enquête n’a pas été en mesure d’obtenir ou de consulter une copie de ce plan. Les informations récoltées à la suite de plusieurs conversations, y compris avec des soldats du DPP, tendent à indiquer qu’il n’existait pas de plan d’action précis, n’était ce qu’il fallait défendre les camps. Jean-Pierre Bemba, dans une interview accordée à una radio

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belge le 23 mars, déclara qu’il n’était pas en mesure contrôler ses hommes dès lors qu’ils quittaient sa résidence.

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… leur mission était de protéger les camps et de se rendre maître de la zone située entre les camps et le Beach Ngobila afin de pouvoir procéder éventuellement à l’exfiltration du Sénateur Jean-Pierre Bemba et des membres de leurs propres familles. Il est cependant possible que le DPP disposait bien de l’un ou l’autre plan de contingence en cas d’attaque, ceci pouvant expliquer l’envoi de sections de soldats du DPP qui avaient quitté leurs positions du Boulevard du 30 juin pour tenter de rejoindre d’autres quartiers de la ville (c'est-à-dire Ndolo, Kin-Mazière (29) et d’autres secteurs clés). Il est possible qu’ils aient tenté de retrouver des caches d’armes et de munitions et d’inciter la population à la révolte dans des quartiers favorables à Bemba, comme à Ndolo, dans l’espoir de déclencher un soulèvement populaire contre Kabila et de gagner l’appui de d’ancienne troupes du MLC enrôlées dans la 7ème BI.

23. Mots de la tombée du jour le 23 mars, l’ensemble du secteur de la Gombe était sous le contrôle du DPP. Mais les soldats du DPP n’avaient pas été réapprovisionnés en nourriture et en munitions. Certains avaient ôté leur uniforme tandis que d’autres n’en avaient jamais porté depuis le début, les rendant difficiles à identifier. Les FARDC et la GR contrôlaient les artères principales, de même que le reste de Kinshasa, où la situation était calme. La GR avait été déployée en nombre à ce stade. Un groupe de soldats du DPP avait escorté Jean-Pierre Bemba vers les installations diplomatiques sud-africaines, où il chercha asile.

24. Le 23 mars, des combats violents éclatèrent à nouveau dans le centre ville vers 05h00 et durèrent presque toute la matinée, devenant cependant petit à petit sporadiques. Des soldats du DPP commencèrent alors à se rendre en grand nombre à la MONUC, après que les forces gouvernementales eurent pris le contrôle des camps de Bemba dans la Gombe entre 6h00 et 07h00 du matin. Quand la GR prit le contrôle de ces camps, les soldats du DPP auraient tenté de se regrouper avec leurs familles dans l’immeuble de la CCTV, dans l’intention de se rendre à la MONUC (30). Mais avant d’atteindre leur but, ils furent apparemment encerclés par les forces gouvernementales, qui prirent le contrôle du bâtiment avant 09h30. La plupart des soldats du DPP décidèrent alors de se rendre au QG de la MONUC pour y déposer les armes, ou fuirent tout simplement la Gombe. Un nombre important de soldats et des membres de leurs familles réussirent à atteindre le Beach Ngobila (31), d’où ils s’échappèrent par bateau vers Brazzaville. Un autre groupe de 10 à 20 soldats du DPP (initialement déployés au Beach SCIBE (32) pour y protéger le bateau de Bemba) était parti du Beach SCIBE pour Brazzaville à bord de deux bateaux, le Wotshimi (33) et le Ville de Gemena (34), aux environs de 08h00, accompagnés de 35 à 55 civils (employés, commerçants, visiteurs et shegués). Entre-temps, à Maluku, des soldats du DPP avaient aussi commencé à se rendre aux FARDC.

25. Les combats s’étendirent aussi vers l’immeuble de la Radio Télévision Nationale Congolaise, RTNC, dans la nuit du 22 au 23 mars. Des sources officielles ont indiqué que des soldats du DPP avaient essayé de prendre le contrôle de la RTNC et d’atteindre le Camp Kokolo voisin (un camp important des FARDC) dans le but de tenter un coup d’état, mais rien ne permet d’affirmer que le DPP ait effectivement lancé une attaque contre la RTNC. Certains ont avancé l’hypothèse selon laquelle le DPP espérait un ralliement de soldats des FARDC à leur cause, leur fournissant ainsi véhicules et armes. L’Equipe d’enquête n’a cependant pas été en mesure d’apporter quelque preuve que ce soit de l’existence d’un tel plan (35). Quoi qu’il en soit…

29. Différentes sources ont attribué l’assaut du DPP contre Kin-Mazière soit à une tentative de mettre la main sur des armes et des munitions, soit de libérer le frère

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de Jean-Pierre Bemba (le DPP croyait à tort qu’il y était détenu), soit à une tentative de libérer des détenus (un but qui fut effectivement atteint).

30. Il fut demandé à la MONUC par téléphone de venir récupérer un groupe du DPP qui voulait se rendre. Lorsque la MONUC arriva sur place, au CCTV, la GR avait pris l’immeuble, déclarant qu’elle n’avait trouvé aucun soldat du DPP ou d’autres personnes en arrivant sur les lieux.

31. Un port de transbordeurs proche du port de l’ONATRA. Des combats violents eurent lieu pour le contrôle des installations de l’ONATRA.

32. La société SCIBE-CONGO et le SCIBE Beach, adjacent, à Kingabwa, appartiennent au père de J-P Bemba, Jeannot Bemba.

33. Bateau appartenant à Jean-Pierre Bemba. 34. Bateau appartenant à un marchand et qui fut réquisitionné de force par le DPP. 35. Bien qu’environ 30% des soldats de la 7ème BI étaient des ex-MLC (voir ci-dessus),

aucune preuve ne fut trouvée permettant de suggérer qu’un nombre important de soldats des FARDC du Camp Kokolo auraient été partisans d’un tel plan, pour autant qu’il en existât jamais un. Les informations selon lesquelles des troupes de la GR et angolaises étaient déployées autour du Camp Kokolo afin d’empêcher toute mutinerie n’ont pas pu être vérifiées par l’Equipe d’enquête. Un tel déploiement, de même que la présence de soldats angolais, a été démenti par les autorités militaires.

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… il apparaît qu’aucun soldat des FARDC du Camp Kokolo n’ait rallié le DPP durant les événements. A la mi-journée, le centre ville était sous le contrôle des FARDC et de la GR, à l’exception toutefois du Beach Ngobila. Des tirs sporadiques ont continué à être entendus. Des témoins ont fait état de pillages commis par des troupes gouvernementales le long de l’Avenue de la Justice, du Boulevard du 30 juin et autour de l’Hôtel Memling. Des militaires des FARDC ont été vus buvant de l’alcool dans les rues. Des exécutions sommaires de civils ont aussi été signalées en ce moment.

26. Les combats se sont progressivement déplacés du centre ville à la Commune de Barumbu, à Bon Marché et à Ndolo (voir ci-dessous). Des tirs sporadiques ont été entendus durant toute la nuit dans le centre de Kinshasa, mais avaient apparemment pour origine les troupes des FARDC et de la GR qui fêtaient leur victoire et qui contrôlèrent entièrement la Gombe le matin suivant, après avoir repris le Beach Ngobila au petit matin. D’autres sources ont suggéré que les troupes gouvernementales ont continué à tirer afin de poursuivre leur pillage ou de mener à bien des opérations de «nettoyage» visant à débarrasser les rues des cadavres.

27. Le 24 mars, le DPP avait battu en retraite vers la Commune de Limete, Ndolo et Kingabwa, poursuivi par les FARDC et la GR. La circulation reprit progressivement son cours normal dans la Gombe et les civils recommencèrent peu à peu à vaquer à leurs occupations.

3.4 Déplacement des hostilités vers les Communes de Barumbu et de Limete à partir du 23 mars et description des opérations de ceinturage et de recherche menées à la suite des événements. retour

28. Les soldats du DPP battirent en retraite depuis la Gombe vers les communes de Barumbu et de Limete dans la matinée du 23 mars. Ils furent poursuivis par les forces gouvernementales, qui continuèrent à utiliser leurs armes lourdes (y compris des tirs de canon des chars) et les RPG dans

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des quartiers résidentiels à forte densité de population. Un certain nombre des quartiers de ces communes ont connu d’importantes pertes en vies humaines et aussi matérielles entre les 23 et 25 mars, particulièrement dans les secteurs pro-MLC, principalement habités par des personnes natives de la province de l’Equateur, comme Limete Funa, Socopao, Ofitra et Pakadjuma.

29. Le 23 mars, aux environs de 07h00, des petits groupes du DPP (environ 4 hommes par groupe) patrouillaient à Barumba et dans le secteur du Marché Central, attaquant plusieurs édifices publiques, y compris la maison communale. Des sympathisants du MLC commencèrent alors à fêter ce qu’ils croyaient être une victoire du DPP. Comme indiqué ci-dessus, le DPP aurait eu l’intention de retrouver des caches d’armes et de déclencher un soulèvement populaire en distribuant des armes à la population, particulièrement aux passants. Le DPP aurait pris le contrôle de l’aéroport militaire de Ndolo durant la nuit du 22 au 23 mars ou au petit matin. Vers 15h00, l’aéroport était à nouveau aux mains des FARDC et de la GR, des combats se poursuivant à Kingabwa.

30. dans les jours qui suivirent les événements, des opérations de ceinturage et de recherche furent menées conjointement par les militaires, les policiers et les services de renseignement dans les mêmes secteurs, dans le but d’arrêter les soldats du DPP en fuite et de récupérer des armes, des munitions et des équipements militaires. Le 28 mars, par exemple, des opérations furent menées dans les quartiers de Mandrangele, Maman Zende, Yaounde et Kingabwa par une force de sécurité mixte composée d’éléments du PIR, des services d’immigration (36), des Renseignements Militaires et de la 7ème BI des FARDC, l’ensemble ayant été mis sous le commandement du Général Sabiti, Inspecteur provincial de la PNC. Cette opération fut exécutée sur les ordres du Gouverneur de Kinshasa, après qu’il eut été informé de la présence dans ces secteurs de fuyards du DPP encore munis de leurs armes et de leurs munitions. Le Gouverneur avait émis une mise en garde bien spécifique à l’égard des enfants des rues (shegués) qui seraient visés étant donné qu’ils avaient reçu des armes des soldats du DPP. Au cours de cette opération, deux soldats des FARDC, deux officiers de la PNC et 16 civils furent arrêtés. Les civils auraient été principalement originaires de la Province de l’Equateur et identifiés comme tels par la population locale. Les forces de sécurité trouvèrent aussitrois armes légères et 10 uniformes militaires. Les suspects furent ensuite détenus à l’IPKin. Des opérations similaires furent planifiées. (36) DGM – Direction Générale des Migrations

3.5 Combats à Maluku le 23 mars retour

Ceci constitue la page 11 du texte anglais

31. La farde militaire personnelle de Jean-Pierre Bemba était initialement basée à Maluku, située à 80km au nord-est de Kinshasa, où Bemba possédait une résidence surplombant le Fleuve Congo. Des maisons en bois provisoires avaient été construites près de cette résidence, constituant un camp militaire de fortune connu sous le nom de Camp Mabaya. La 7ème BI des FARDC avait installé son état-major à proximité.

32. Les tensions accrues nées de la campagne électorale pour les présidentielles furent invoquées pour justifier un redéploiement progressif des troupes du DPP vers les camps de Kinshasa-Gombe. Au moment des événements du 22 au 23 mars, le nombre de soldats encore basés à Maluku avec leurs familles était estimé à environ 125. (37)

33. Lorsque les hostilités éclatèrent à Kinshasa le 22 mars, le situation demeura calme à Maluku. Des instructions auraient été données par le Général Kisempia aux soldats du DPP, les enjoignant de se

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rendre à la 7ème BI (38). Les soldats du DPP auraient été divisés à ce propos : certains, commandés par le Major Zarirwa (aussi connu en tant que Major Zaïrois) étaient d’accord de ne pas se battre et donnèrent des instructions dans ce sens (39), alors que d’autres refusaient la reddition. Les soldats de la 7ème BI prirent position autour du camp vers 05h00 et les combats débutèrent vers 05h30 (40). Les hostilités eurent lieu autour du camp du DPP dans ce que l’on appelle la «Villa 2» (la partie résidentielle de la société industrielle SOCIDER (41) )située à environ 5 km du village de Maluku.

34. Les soldats des FARDC auraient fait usage d’armes lourdes (y compris des RPG et des mitrailleuses lourdes). Les combats durèrent environ de deux à trois heures. Après avoir pris le contrôle du Camp, les soldats des DARDC se sont dirigés vers la résidence de Bemba et se sont lancés à la poursuite des soldats en fuite qui s’étaient cachés. Aucune résistance n’a été signalée à la résidence de Bemba, qui était déjà vide et laquelle, en conséquence, ne subit aucun dégât matériel. Elle fut cependant par la suite pillée complètement vers 10h00 (42) par les soldats de la 7ème BI. Les habitations et les effets personnels des soldats du DPP et de leurs familles furent également pillés. Vers 12h00, les soldats des FRDC attaquèrent les installations de la SIFORCO (43), où quelques soldats du DPP s’étaient cachés, tuant l’un d’entre eux et en arrêtant cinq autres. Les FARDC pillèrent alors systématiquement la SIFORCO.

35. La plupart des soldats des DPP parvinrent à s’échapper, soit en traversant la brousse ou en traversant le Fleuve Congo. 25 d’entre eux au total, dont le Major Zarirwa, furent arrêtés après s’être rendus les 23 et 24 mars. Ils furent transférés au Camp Kokolo le 25 mars et emmenés ensuite à Makala, certains passant en cours de route par l’état-major des Renseignements militaires. Sept FARDC et au moins 12 soldats du DPP auraient été tués au cours des combats. Vingt-six FARDC et un nombre indéterminé de soldats du DPP auraient été blessés. Une seule victime civile fut signalée (un enfant de trois ans) mais il est possible que des membres des familles de soldats du DPP furent tués au cours de l’attaque. (44)

36. Ceux des soldats du DPP et leurs dépendants qui se rendirent à la MONUC pendant les combats et après ceux-ci furent abrités temporairement à la Base INCAL, l’état-major de la Brigade Occidentale de la MONUC. Il y avait environ 430…

(37) Des officiers des DPP ont indiqué qu’entre 120 et 200 soldats du DPP se trouvaient au Camp de Maluku tandis que des responsables de la 7ème BI des FARDC affirmaient avoir trouvé des documents établissant ce nombre de personnes présentes dans le camp à 185. (38) Interrogatoire mené avec le Commandant des Opérations de la 7ème BI.

(39) Des femmes soldats du DPP qui ne voulaient pas se battre reçurent pour instruction d’aller se cacher dans l’immeuble de la SOCIDER avec les femmes et les enfants civils. Les hommes du DPP reçurent l’ordre de ses cacher en brousse avec le Major Zarirwa jusqu’à la fin de l’attaque. Après l’attaque, le Major appela pour signifier son intention de se rendre avec les soldats qui l’accompagnaient et les FARDC vinrent les prendre en charge. Il n’y avait cependant plus que 12 soldats du DPP à ce moment, y compris le Major Zarirwa.

(40) La 7ème BI affirme que les soldats du DPP déclenchèrent l’attaque, alors que les hommes du DPP maintenaient la version selon laquelle ils avaient été attaqués par la 7ème BI.

(41) Société Congolaise de Sidérurgie, une entreprise métallurgique de l’Etat.

(42) Selon le Commandant des Opérations de la 7ème BI, la résidence aurait été pillée par des personnes non identifiées. Il a démenti l’implication de ses hommes. Toutefois,

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selon des informations concordantes, y compris plusieurs témoins oculaires, ce seraient bien les soldats des FARDC qui sont responsables du pillage.

(43) Société Industrielle et Forestière du Congo, une entreprise spécialisée dans le commerce du bois.

(44) Des observateurs militaires de la MONUC ont rapporté que la Croix Rouge Congolaise avait découvert et transporté 22 cadavres à Maluku le 25 mars.

Ceci est la page 12 du texte anglais

… personnes, dont 160 soldats du DPP, environ 100 femmes, 146 enfants et quelques civils sans lien avec le DPP (les chiffres variant presque chaque jour en raison des naissances dans le Camp, des transferts de blessés vers les hôpitaux, du départ de civils ne courant désormais plus de risques ou l’arrivée de nouvelles victimes). La MONUC poursuit ses négociations avec le Gouvernement afin de discuter des modalités du transfert aux autorités congolaises ou la remise en liberté de ces personnes dans le but d’offrir des garanties convenables à toutes les parties intéressées. Le CICR a été invité à superviser la situation et à enregistrer les personnes dans le Camp afin de faciliter le suivi de tous les cas individuels.

4. Violations des Droits de l’Homme commises durant et après les affrontements armés

retour

37. L’Equipe a été en mesure de confirmer que les violences à Kinshasa ont coûté la vie à environ 300 personnes, dont un POURCENTAGE ??? de civils, de soldats des FARDC, de la GR, du DPP et d’agents de la PNC. Le nombre d’environ 180 personnes blessées a été enregistré. Il a toutefois été impossible de vérifier le nombre exact de personnes tuées ou blessées en raison du manque de coopération des autorités, qui ont refusé l’accès aux morgues ainsi que de partager les listes officielles des personnes tuées et blessées au cours des événements (45). Les preuves de ce que 100 cadavres au moins ont été jetés dans le Fleuve Congo ou ensevelis dans des tombes anonymes dans des camps militaires par les forces gouvernementales indiquent que le bilan des tués pourrait être beaucoup plus élevé. De surcroît, de nombreuses personnes blessées ne se sont pas rendues dans les hôpitaux pour y être soignées, craignant la présence en masse d’éléments de la GR dans les principaux hôpitaux et morgues immédiatement après la fin des événements. Enfin, personne ne sait combien de soldats du DPP ou d’autres personnes qui n’ont pas été retrouvées auraient été tués, et combien ont réussi à simplement fuir Kinshasa ou à se cacher. Les seuls chiffres officiels publiés par les autorités faisaient état de 60 tués et de 74 blessés (46). Cependant, l’Hôpital Général de Kinshasa a, à lui seul, enregistré 163 victimes, tuées ou blessées. L’Equipe a pris contact avec l’Inspection Générale de la Santé pour obtenir le chiffre officiel global de victimes. Mais des responsables de l’Inspection ont déclaré ne pas été avoir été autorisés à fournir les informations pertinentes.

38. L’usage excessif et à haut risque de la force, les exécutions sommaires, les pillages et les arrestations arbitraires massives suivies du traitement cruel, inhumain et dégradant des personnes détenues constituèrent les principales violations des droits de l’homme commises pendant et après les événements. De surcroît, et comme nous l’avons indiqué ci-dessus, un nombre élevé de personnes considérées comme étant proches de l’opposition, de l’une ou de l’autre manière, ont été ciblées et intimidées par les forces de sécurité (47). Des cas isolés de violences sexuelles ont aussi été signalés.

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1. Usage illégitime de la force retour

39. Cette partie du rapport évoque des préoccupations liées à l’usage de la force par toutes les parties impliquées dans les incidents qui eurent lieu à Kinshasa en mars 2007. Deux problèmes principaux mais distincts doivent ici être pris en considération :

* La décision politique et militaire globale de désarmer par la force le DPP, fut prise malgré qu’une solution négociée à la confrontation pouvait encore être trouvée, et ce malgré le risque tout à fait évident qu’une telle opération et sa préparation faisait courir à la population civile.

* Des actes de recours à la force infondés, excessifs, sans discrimination, et comportant des risques élevés, perpétrés par toutes les parties engagées dans les combats, ont fait des victimes civiles et causé des dommages matériels à la propriété privée. (45) L’OCHA a enregistré un total de 208 cadavres dans quatre hôpitaux différents et à la morgue municipale, 147 personnes blessées dans quatre hôpitaux et douze corps trouvés à Kinshasa. Dans un communiqué de presse, l’ASADHO, l’une des principales ONG de défense des Droits de l’Homme, affirmait que 245 personnes avaient été tuées dans le seul quartier de la Gombe. CARITAS a avancé un bilan de 191 cadavres et de 151 blessés dans trois hôpitaux, deux cliniques et à la morgue principale. Le 27 mars, les ambassadeurs de l’Union européenne avancèrent au cours d’une conférence de presse un bilan pouvant aller jusqu’à 600 tués. Les tentatives de dresser un bilan précis du nombre de personnes tuées après les événements a été rendu encore plus compliqué par le fait que des «doubles comptages» ont sûrement eu lieu lorsque des corps ont été amenés vers plus d’un hôpital ou clinique après avoir été refusés par d’autres établissements qui ne pouvaient plus faire face au flux de cadavres, ou pour des raisons plus sinistres liées aux tentatives de certaines autorités de dissimuler les pertes réelles en vies humaines causées par les violences (voir ci-dessus).

(46) Le Ministre de l’Information, Toussaint Tshilombo, a fait état de ces chiffres sur les ondes de Radio Okapi le 24 mars. Le bilan humain officiel annoncé par le Général Amisi l’après-midi du 24 mars était de 35 militaires ou membres du personnel de police tués. Aucune indication du nombre de civils tués ne fut donnée. Le nombre de blessés fut estimé à 80.

(47) Lire le chapitre 5 qui concerne les incidents impliquant des intimidations dirigées contre l’opposition politique.

Ceci est la page 13 du texte anglais

40. Dans ce contexte, l’usage infondé de la force est le recours à la force là où il était inutile d’avoir le moindre recours à la force pour atteindre l’objectif militaire ou autre désiré. La force excessive fait référence au recours à la force de manière disproportionnée à l’avantage militaire ou autre que l’on espérait pouvoir en retirer, et le recours sans discrimination ou à haut risque de la force fait référence à des incidents au cours desquels des militaires ont fait usage de la force sans considération suffisante pour les dommages collatéraux qu’un tel recours à la force était susceptible de provoquer (48).

41. Pour ce qui concerne le premier problème, il apparaîtrait que, quelle qu’eut été la décision du Gouvernement en vue de lancer une attaque sur les camps de Bemba à un stade ultérieur, les tensions existantes, exacerbées par le nombre sans cesse croissant de soldats des FARDC dans la zone, rendait hautement prévisible le déclenchement d’affrontements armés intenses. C’est un fait

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aussi que des opérations et des préparatifs militaires susceptibles de provoquer une éruption de violence ont commencé vers midi un jour ouvrable, en plein centre ville. Les enfants étaient à l’école et la population au travail ou sur le point de prendre son heure de table quand les combats ont commencé. La population civile pouvait difficilement être plus exposée. Malgré ceci, le recours aux armes lourdes fut presque immédiat et aucun avertissement ne fut donné aux populations civiles d’éviter le secteur ou de rester à domicile. Un taux élevé de dommages collatéraux a dû être considéré comme probable par le Gouvernement, qui décida néanmoins de poursuivre ses préparatifs sans égard pour les éléments repris ci-dessus.

42. L’Equipe a été en mesure sur la base de documents que le recours à la force infondé, sans discrimination ou à haut risque est intervenu tout au long des combats. Les deux camps ont tiré des grenades propulsées par des missiles contre des résidences civiles et d’autres cibles non militaires. La GR, à la pointe des opérations, déploya des chars T-55 dans le centre de Kinshasa, ouvrant le feu au canon et au mortier sans la moindre considération pour les dommages collatéraux que des armes de ce type devaient inévitablement provoquer dans des quartiers habités. Quand la GR de déploya dans certains des quartiers les plus défavorisés de Kinshasa pour y capturer ou tuer des soldats du DPP ou s’emparer de caches d’armes, plusieurs civils furent tués ou blessés par les balles d’AK-47 déchirant les parois fragiles des misérables habitations.

43. Des armes lourdes furent aussi utilisées sans discrimination dans les quartiers résidentiels à forte densité de population des Communes de Limete et de Barumbu. La plupart des victimes furent tuées ou blessées à la suite du recours sans discrimination ou à haut risque de la force, et ce en particulier dans les quartiers résidentiels situés à l’extérieur de la Gombe, où les hostilités eurent lieu du 23 au 25 mars. Plusieurs obus de char ou de mortier tombèrent sur des domiciles partout à Kinshasa durant les événements. Par exemple, un obus tiré par un char de la GR tomba sur l’Hôtel Tropical proche de Ndolo dans la Commune de Barumbu le 23 mars, provoquant des blessures et des dégâts matériels graves. Le 23 mars, un obus tua une femme et une fillette de 9 ans à Bandalungwa. Trois femmes de la même famille furent blessées. De même, à Barumbu, le 23 mars, une femme se trouvant à la maison fut grièvement blessée lorsque un obus transperça le toit de sa maison.

44. Bien que les dégâts constatés dans la plupart des quartiers situés autour des camps de Bemba, comme l’immeuble de la FORESCOM, l’immeuble abritant les ambassades d’Espagne et de Grèce (connu aussi sous le nom d’immeuble de la BIAC ou de l’UNICEF) ne semblent pas excessifs malgré l’intensité des hostilités, la destruction de bâtiments diplomatiques, voulue ou non, constitue une preuve apparemment fondée d’un recours à la force sans discrimination aucune.

45. Durant leur chasse aux soldats du DPP, les forces gouvernementales (et particulièrement les hommes de la GR) ont fait usage de la force là où son recours n’était pas fondé et ce en l’absence de toute cible militaire. Dans de nombreux cas, le but était vraisemblablement de susciter la peur et d’extorquer de l’argent et des marchandises de la population civile. Des récits furent récoltés de par toute la ville…

(48) Il convient de noter ici que les termes «recours excessif et sans discrimination à la force» constituent des termes techniques et juridiques qui sont définis de manières différentes dans différents textes. Dans un esprit de clarté et afin d’éviter d’interminables discussions techniques à ce sujet, signalons que les éléments clés des différentes définitions ont été extraits et appliqués aux faits établis par l’Equipe chargée de l’Enquête. Utilisés comme ils l’ont été dans ce rapport, les concepts d’un recours à la force «infondé» et «à haut risque» correspondent presque certainement aux définitions

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admises de «recours à la force excessif et sans discrimination» Ces termes sont utilisés là où ils fournissent au lecteur non initié une idée claire du type d’incident qui est pris en considération. Le ciblage intentionnel de civils, de propriétés ou de biens civil appartient aussi aux définitions standards de «recours à la force excessif et sans discrimination,» mais est évoqué plus en détail dans les chapitres 4.2 (Exécutions sommaires) et 4.3 (Pillage et destruction de propriété) : voir ci-dessous.

Ceci est la page 14 de la version anglaise

…faisant état de civils ayant été abattus sans aucune raison apparente. Le 23 mars, des soldats de la GR pénétrèrent dans la maison d’une femme enceinte à Batshako, à la recherche de militaires du DPP. Bien qu’ils n’y trouvassent personne, ils tirèrent à deux reprises sur la femme, provoquant la perte de l’enfant qu’elle portait. A la Gombe,le 22mars, le fils d’un policier fut interpellé par un groupe de militaires des FARDC sur le coin du 24 Novembre et du Monts des Arts. Les soldats menacèrent de le tuer mais lui blessèrent un œil d’un coup de crosse de fusil. Le 23 mars, avenue Lowa (à Masina), un civil fut arrêté par deux soldats de la GR, qui l’obligèrent à mettre les mains en l’air, puis lui tirèrent une ou plusieurs balles dans une jambe. Des informations ont aussi fait état de civils tués par des chars de la GR, qui auraient été utilisés pour les écraser délibérément. Ce fut le cas de deux jeunes femmes qui vendaient des marchandises dans la rue le 22 mars lorsqu’elles virent un char allant dans la direction de Ma Campagne. Selon un témoin, lorsque, les GR dans le char aperçurent les femmes, il changea de direction et se dirigea sur elles, détruisant le magasin où elles avaient cherché refuge, les tuant toutes deux. A la Gombe, plusieurs écoles reçurent la «visite» de soldats de la GR dans la soirée du 22 mars. Ces «visites» avaient tendance à suivre la même trame : les militaires entraient dans les bâtiments par effraction, en groupe de 10 ou 20, tirant en l’air et vers le sol avant de se livrer à une inspection et de vérifier les documents d’identité de tous ceux présents, tout en continuant à tirer en l’air malgré l’absence de tout ennemi. Plusieurs élèves de ces écoles furent blessés en raison de ces comportements irréfléchis, y compris une fillette de huit ans blessée d’une balle à la tête. Avant de quitter les lieux, ces militaires extorquaient systématiquement l’argent, les effets personnels et les objets de valeur à la population civile. Des victimes de tels actes furent dénombrées à l’Institut Supérieur Pédagogique (ISP)/Gombe, au Collège Boboto, au Lycée Sacré Cœur et au Lycée Bosangani, parmi d’autres établissements scolaires. Le 23 mars, quelque 30 soldats et agents de police appartenant à la RG, aux FARDC et au PIR pénétrèrent avec violence dans le Centre Hospitalier Mixte SCIBE-Congo, près de Ndolo. Ils ouvrirent le feu sur les fenêtres et les portes, entrant dans chaque salle en hurlant, visant çà et là sans la moindre prudence et tirant sans discrimination. Un certain nombre de patients et de visiteurs furent blessés et l’un d’entre eux succomba à ses blessures quelques jours plus tard. Il n’y avait pas d’ennemis dans l’hôpital (49) et il n’y avait pas de raison apparente d’y ouvrir le feu, d’autant plus que ces soldats avaient prétendu s’y être rendus pour transférer leurs camarades blessés vers les installations médicales du Camp Kokolo (50).

46. Le nombre élevé de victimes civiles, tuées ou blessées par des balles perdues, ainsi que les dégâts matériels considérables causés aux bâtiments diplomatiques par les armes lourdes, démontrent que la force fut utilisée à l’excès et sans prise de considération des risques élevées qu’elle entraînait par toutes les parties durant les événements de Kinshasa. Le ciblage délibéré de civils et de cibles non militaires ainsi que l’usage négligent d’armes lourdes et légères dans des quartiers résidentiels à forte densité de population démontrent également que le recours à la force fut excessif et pratiqué sans discrimination aucune.

4.2 Exécutions sommaires retour

47. Selon les accusations entendues par l’Equipe chargée de l’Enquête, une centaine d’exécutions sommaires auraient été commises, mais la plupart de celles-ci n’ont pu être vérifiées l’Equipe s’étant vu refuser l’accès à des sites clés comme les camps militaires Tshatshi, CETA et Kibo Mango, le GLM

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et le Palais de Marbre. Mais des récits crédibles portant sur au moins 40 exécutions sommaires ont été recueillis, et 18 cas confirmés par des visites in situ et des témoignages concordants. Les exécutions sommaires firent principalement des victimes parmi les civils, des soldats du DPP s’étant rendus et des membres de leurs familles. Elles ont eu pour scène la Gombe, Limete, Barumbu, ainsi que les camps militaires.

48. Les exécutions sommaires documentées ont essentiellement été le fait de la GR, à l’exception de l’exécution d’un homme des Forces navales par douze soldats du DPP dans la Commune de Limete le 23 mars et celle d’un commandant de la PNC au marché central, le même jour, par des soldats du DPP qui étaient accompagnés de shegués. L’Equipe a cependant entendu des récits de témoins ayant échappé de justesse à l’exécution par le DPP au Beach Ngobila et à Kin-Mazière, ceci indiquant que le DPP aurait été impliqué dans un nombre d’exécutions plus élevé que celui qui lui avait été attribué.

(49) Il est possible que des soldats du DPP se trouvaient à un moment donné en petit nombre près de l’immeuble et qu’ils y aient échangé des tirs avec la GR. (50) Des informations récoltées dans le cadre de conversations avec une source digne de foi, membre du personnel de l’hôpital. Le fait que cet hôpital ait été fondé par le père de Jean-Pierre Bemba, le Sénateur Jeannot Bemba, et qui était connu sous le nom de «Hôpital Bemba», bien qu’il soit devenu un hôpital privé, mérite d’être ici remarqué.

Ceci est la page 15 du texte anglais

4. Commune de la Gombe retour

49. La plupart des exécutions sommaires confirmées dans la commune de la Gombe ont eu lieu le 23 mars entre la mi-matinée et l’après-midi alors que les forces de la GR et des FARDC contrôlaient le secteur. Six cas concernaient des soldats du DPP, qui se seraient rendus. Ils furent abattus à proximité des camps et au Beach Ngobila. Après que les forces gouvernementales prirent le contrôle des camps aux premières heures du 23 mars, un nombre élevé de soldats du DPP et leurs familles (y compris plus de 90 mineurs d’âge) se rendirent à la MONUC ou prirent la fuite vers le Beach Ngobila dans l’espoir de rejoindre Brazzaville par bateau. Les exécutions sommaires de soldats du DPP et de membres de leurs familles qui tentaient de rejoindre le Beach auraient été l’œuvre de soldats de la GR, principalement le 23 mars entre 12h00 et 15h00 (51).

Certains membres des familles de soldats du DPP qui furent épargnés ont affirmé qu’ils avaient eu la vie sauve parce qu’ils avaient été capables de s’exprimer en Swahili avec les soldats de la GR.

50. Etant donné l’interdiction d’accès, l’Equipe n’a pas été en mesure de vérifier correctement les accusations selon lesquelles des exécutions sommaires en masse auraient été commises dans les camps de Jean-Pierre Bemba le 23 mars lorsqu’ils passèrent sous le contrôle de la GR. En plus des soldats du DPP, un nombre important de membres de leurs familles, principalement des femmes et des enfants, vivaient dans les deux camps où ils furent pris au piège quand les combats éclatèrent. La GR prit finalement le contrôle de ces camps entre 06h30 et 07h00 le 23 mars. Alors que les informations disponibles indiquent que la plupart, sinon tous les civils vivant au Camp du Fleuve avaient réussi à prendre la fuite avant l’attaque, il existe des indications selon lesquelles un nombre relativement restreint de civils et quelques soldats du DPP se trouvaient encore dans le camp principal de l’Avenue de la Justice au moment de l’attaque. Au moins 10 femmes, trop malades ou trop vieilles pour s’enfuir, ainsi que des femmes qui venaient d’accoucher ou étaient au dernier stade de la grossesse, se cachaient dans les caves d’un immeuble bleu dénommé Starcell, situé à l’intérieur du

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camp, près du complexe de bureaux de Bemba. L’Equipe n’a pas été en mesure de vérifier ce qu’il advint de ces femmes, ni leur nombre exact au moment de l’attaque, et il n’exclut pas la possibilité qu’elles furent tuées pendant ou après l’assaut. Au moment de prendre le contrôle des camps, la RG rassembla les personnes qui se trouvaient encore à l’intérieur et les plaça en arrestation dans le camp principal. Un civil au moins y aurait été sommairement exécuté (52) et de nombreux cas de mauvais traitements graves de détenus infligés par la Gr furent signalés et confirmés à l’époque. Le camp fut entièrement pillé, en ce compris les maisons et les effets personnels des membres des familles des soldats du DPP. Quelque 15 civils, qui se trouvaient à proximité du camp quand les combats éclatèrent, s’étaient réfugiés dans des endroits comme des fossés tout proches pour échapper aux tirs. Plusieurs d’entre eux furent arrêtés par la GR et emmenés au camp avant d’être ensuite transférés vers d’autres centres de détention ou vers des installations militaires comme le Camp Kokolo, le Camp Tshatshi, ou encore les installations des Renseignements militaires à Kitambo (53). Le camp principal fut temporairement utilisé comme dépôt pour les cadavres rassemblés par les forces gouvernementales dans tout le centre ville (54).

51. Au moins cinq civils furent tués sur le Boulevard du 30 juin, au Rond-Point Forescom et autour des Galeries Présidentielles. La plupart des victimes étaient des marchands ambulants ou des gamins des rues (ou shegués) (55). Par exemple, le 23 mars, quatre vendeurs ambulants se cachant dans les Galeries Présidentielles furent abattus par un homme de la GR. Selon un témoin de la scène, les marchands ambulants présentèrent leurs documents à la patrouille composée d’hommes des FARDC et de la GR. Les soldats s’en allèrent, mais l’un des hommes de la GR accusa les marchands ambulants d’être des étrangers. Lorsque l’un des vendeurs réagit à ces accusations, l’homme de la GR leur donna l’ordre de se coucher sur le sol et leur tira dessus. Trois d’entre eux furent tués sur place tandis que le quatrième fut grièvement blessé. Au cours d’un autre épisode, un autre shegué fut tué par un Garde Républicain près du Rond-Point Forescom. Dans un autre cas, des soldats de la GR abattirent un vendeur de boissons alors qu’ils commençaient à piller un bar le 23 mars…

(51) La GR reprit entièrement le contrôle du secteur du Beach le 24 mars dès 08h00.

(52) Un exploitant de pousse-pousse (brouette) de 20 ans poignardé à mort par des soldats de la GR dans un conteneur à l’intérieur du camp, près du mur jouxtant l’Avenue de la Justice.

(53) Voir le chapitre sur les arrestations arbitraires.

(54) Les corps (dont le nombre reste imprécis) ont probablement été déplacés vers un endroit inconnu le 24 mars 2007.

(55) Certains des sans-abri abattus ont peut-être été tués parce qu’ils avaient accepté des armes du DPP et ou parce qu’ils l’avaient aidé à localiser des positions de la GR ou des FARDC durant les combats. Il est cependant évident que plusieurs sans-abri ont été sommairement exécutés. L’âge des ces shegués est difficile à évaluer mais il pouvait s’agir de mineurs dans certains cas…

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…Ils ont contraint un autre civil qui se cachait dans le bar à ouvrir le réfrigérateur et la réserve. Leur pillage terminé, ils l’obligèrent à les accompagner, lui dérobèrent tout ce qu’il possédait et lui tirèrent une balle dans la jambe sur le Boulevard du 30 juin.

52. L’Equipe entendit d’autres accusations qui s’avérèrent infondées. Par exemple, des accusations d’exécutions sommaires de soldats du DPP qui auraient été commises par la RG à l’intérieur de la concession MARSAVCO (56) n’ont jamais été confirmées. L’Equipe n’a pas été en mesure de vérifier ce qu’il advint d’un groupe de soldats du DPP et de membres de leurs familles qui se seraient trouvés à l’intérieur de l’immeuble CCTV et qui avaient appelé la MONUC pour les emmener parce qu’ils souhaitaient se rendre. Il est probable qu’ils ont réussi à fuir le secteur. A l’arrivée de la MONUC devant l’immeuble, les soldats de GR contrôlaient entièrement le secteur et ont déclaré qu’il n’y avait personne dans le bâtiment lors de leur arrivée.

4.2.2 Les Communes de Limete et de Barumbu retour

53. Des exécutions sommaires de civils furent aussi signalées dans les Communes de Limete et de Barumbu (57). Cependant, sur la base des éléments de preuve disponibles, l’Equipe ne fut pas en mesure d’établir le nombre d’exécutions sommaires commises ni celui du nombre de personnes tuées à la suite du recours excessif ou sans discrimination de la force, ou qui ont plus prosaïquement été touchées par des balles perdues. Il fut souvent difficile de vérifier si les forces gouvernementales prirent délibérément pour cible des civils dans l’intention de les tuer, ou si ces personnes ont été tuées accidentellement dans les échanges de tirs qui éclataient autour d’elles. Que ces actes puissent ou non être qualifiés d’exécutions sommaires, il est important de souligner qu’un nombre élevé de civils ont été tués ou blessés dans des quartiers résidentiels par des balles tirées par les forces gouvernementales lancées à la poursuite des soldats du DPP.

54. Des accusations d’enrôlement forcé de civils par les soldats du DPP à Limete/Funa et à Ndolo, suivi d’exécutions sommaires de civils ayant refusé de porter les armes, n’ont pas pu être vérifiées. Aucun témoignage oculaire n’a pu être recueilli et les informations tournant autour de ces accusations proférées par des sources indirectes demeurèrent vagues et sans fondement.

4.2.3 Camps militaires et autres sites retour

55. Les accusations les plus inquiétantes entendues par l’Equipe concernent un nombre important de prisonniers qui auraient été exécutés et enterrés dans des camps militaires ou dans d’autres endroits. Toutefois, neuf cas seulement ont pu être confirmés en raison du refus de l’accès à ces sites. Selon des éléments de preuve rassemblés, au moins cinq soldats du DPP et quatre civils arrêtés par la GR ont été emmenés au Camp CETA le 23 mars, détenus dans une cellule et ensuite sommairement exécutés les 26 et 28 mars, et ensuite enterrés anonymement à proximité (58). Un civil arrêté le 30 mars et emmené au Camp CETA par des soldats de la GR qui l’accusaient d’être «un des hommes de Bemba» échappa aurait échappé de justesse à l’exécution après qu’un soldat de la GR eut accepté de le sauver contre de l’argent liquide, «parce qu’assez d’innocents ont déjà été exécutés.»

56. Au Camp Maluku, un témoin oculaire a affirmé que deux soldats du DPP, qui s’étaient cachés dans la résidence de Bemba après l’attaque contre le Camp Mabaya, furent abattus et tués par des soldats des FARDC alors qu’ils mettaient les mains en l’air en signe de reddition. D’autres personnes interrogées ont parlé de 5 à 20 personnes, principalement des civils, qui auraient été tuées dans leur domicile respectif du Camp Mabaya et, dans certains cas, alors qu’elles se dissimulaient sous leur lit. Les circonstances de leur mort demeurent cependant incertaines et il est possible qu’elles aient été

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touchées par des balles ayant percé les murs et les toits de leur maison en bois lors de l’attaque des FARDC.

(56) MARSAVCO est une entreprise spécialisée dans les produits de nettoyage et d’hygiène, située dans la Gombe (voir Annexe II).

(57) L’Equipe a été en mesure de confirmer la mort d’au moins cinq personnes qui ont peut-être été tuées intentionnellement. Au moins huit autres cas de mort d’hommes ont été relevés dans le secteur mais ont vraisemblablement pour origine des balles perdues.

(58) Les cinq soldats du DPP avaient apparemment été arrêtés à l’aéroport de Ndjili alors qu’ils montaient la garde de l’avion de Bemba. Les civils ont été arrêtés parce qu’ils n’étaient pas en possession de leurs papiers d’identité.

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57. D’autres accusations d’exécutions sommaires perpétrées à l’intérieur du Camp Tshatshi, du Camp CETA, du Camp Kibo Mango, du GLM et du Palais de Marbre ont été signalées mais n’ont pu être vérifiées par l’Equipe chargée de l’Enquête pour les raisons déjà citées ci-dessus. Toutefois, des tentatives de dissimuler des corps ont été mises en évidence par la découverte macabre d’environ 30 cadavres dans le Fleuve Congo, ainsi que par celle de tombes anonymes dans les cimetières de Kinkole et de Mikondo, contenant prétendument une soixantaine de corps (59).Ces découvertes pourraient indiquer qu’un nombre bien plus élevé de personnes aient été tuées ou ex »écutées pendant les violences. Certains des corps jetés dans le fleuve et retrouvés par la suite dans les Rapides de Kinshasa étaient ligotés et avaient les yeux bandés.

3. Pillage retour

58. Le pillage de magasins, de bars, d’au moins un hôpital et d’autres établissements durant et après les combats a été confirmé. Les DPP, GR, FARDC et la PNC se sont tous rendus coupables de tels actes. Les immeubles suivants furent pillés, parmi tant d’autres : Chine Congo Télécommunications les bureaux de l’ONG WOPPA, le bar et le restaurant du «3615», le Centre Hospitalier Mixte, les immeubles du Port de l’ONATRA et ceux de la société SCIBE-Beach Congo (voir ci-dessous). Quelques magasins furent pillés et/ou firent l’objet d’effractions, comme les magasins de l’immeuble FORESCOM, la station de service FINA, et un supermarché de la Commune de Barumbu, complètement vandalisé et pillé. Des sources militaires congolaises affirmèrent que le DPP avait commis des pillages à grande échelle, alors que ni les FARDC, ni la GR n’avaient pillé quoi que ce soit.

59. Cependant, bien que des actes de pillage et d’autres abus aient effectivement été commis par des soldats du DPP durant la période où ils contrôlaient partiellement le centre ville (dans l’après-midi du 22 mars et dans la nuit du 22 au 23 mars), l’enquête a montré que ces actes sont restés relativement limité dans le temps et en importance, étant donné que les soldats du DPP furent rapidement contraints de fuir le centre ville. Quelques magasins contenant des marchandises de prix, comme des téléphones portables ou de l’appareillage électronique, semblent avoir été pillés à ce moment, et il a aussi été confirmé que des soldats du DPP ont commis des actes de pillage autour de l’Hôtel Memling et ont essayé (vainement) de piller un supermarché (Hasson & Frère dans la Gombe). La plupart des

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rapports montrent que les soldats du DPP se sont livrés à un pillage limité, s’emparant de nourriture et de boissons, ou de vêtements civils dans le but de se fondre dans la population. De nombreux témoins oculaires ont indiqué que l’essentiel du pillage a été commis le 23 mars, lorsque la GR et les FARDC contrôlaient la ville. C’est aussi à ce moment qu’un certain nombre de soldats de la GR et des FARDC ont été vus en état de liesse, buvant en rue et étant sous l’influence de l’alcool (et peut-être d’autres substances), sans doute volé durant ces pillages.

60. Que les pillages aient été commis par des soldats du DPP ou des éléments des GR/FARDC, des sans-abri ont généralement pris le relais immédiatement afin de s’emparer de ce qui subsistait. Quelques shegués ont été arrêtés par la suite (60). Le marché central de Kinshasa aurait été pillé par des soldats du DPP et des shegués le 23 mars. Les soldats du DPP ne restèrent pas longtemps dans le secteur et il apparaît que les shegués se soient rendus responsables de l’essentiel du pillage.

61. A Kingabwa, le Port SCIBE et la société SCIBE-Congo (propriété du père de Jean-Pierre Bemba, Jeannot Bemba) furent entièrement pillés et gravement endommagés. Le 23 mars, des soldats appartenant à la garde personnelle de l’ex-Vice Président Ruberwa (ex-RCD-Goma) (61) et à la GR sont arrivés au port à la recherche de soldats du DPP (62), emportant avec eux les effets personnels abandonnés par le DPP. Les soldats revinrent ensuite en plus grands nombres pour piller, ouvrant le feu de manière inconsidérée. Après le départ de ces troupes, quelque 50 militaires de la Force Navale arrivèrent sur les lieux et s’approprièrent tout ce qui restait. L’un d’entre eux obligea deux agents de la sécurité d’apporter…

(59) Les cadavres de civils ou de personnes non identifiées mortes à l’hôpital du Camp Kokolo ou qui y avaient été emmenés auraient ensuite été chargés sur un camion militaire et emportés à Kinkole où ils auraient été inhumés.

(60) Voir le chapitre 4.4 ci-dessous. Certains sans-abri ont été emmenés au Camp Lufungula tandis que d’autres étaient dirigés vers l’IPKin après avoir été interceptés dans les zones de pillage.

(61) Un certain nombre de membres de l’ex-RCD-Goma résident apparemment dans une villa de la Place Apollo, non loin du Beach.

(62) Des soldats du DPP avaient été à cet endroit mais la plupart d’entre eux étaient partis plus tôt pour Brazzaville.

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…des marchandises et bien pillés à la base navale. Ce soldat aurait été arrêté par la suite. Le 28 mars, SCIBE Congo déposa une plainte auprès de l’Auditeur Militaire de la Gombe à propos de ces incidents.

62. Comme nous l’avons décrit ci-dessus, une fois l’attaque des FARDC terminée à Maluku le 23 mars, des soldats de la 7ème BI furent aperçus en train de se livrer au pillage du camp du DPP et de la résidence de Bemba, emportant des matelas, des téléviseurs, des boîtes, des tables, des chaises,

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des ventilateurs et d’autres objets. Les soldats des FARDC pillèrent aussi la propriété SOCIDER située dans cet endroit. Ils auraient détruit tous les biens et objets qu’ils ne parvenaient pas à emporter avec eux. Quatorze villas de la concession DANZER/SIFORCO furent pillées ainsi que deux autres villas appartenant à des fonctionnaires de l’Etat. La société déposa plainte auprès de l’Auditeur Militaire Principal le 26 mars.

63. Alors qu’une partie du pillage est clairement à attribuer à une soldatesque indisciplinée et sous-payée n’ayant pour autre but que de profiter des événements pour se faire un peu d’argent, d’autres cas de pillage furent menés de manière bien mieux organisée et ce dans le but de punir l’ennemi plutôt que par appât personnel du gain. Les studios de la CKTV (63) et de la CCTV (64), appartenant à Bemba, furent attaqués et saccagés durant les affrontements armés. Des membres de la GR et d’autres unités confisquèrent et détruisirent systématiquement, des équipements de diffusion indispensables, rendant ainsi impossible toute émission. Tout le mobilier et le matériel furent pillés, y compris les prises électriques, les interrupteurs et le tapis plain. En outre, le pillage systématique de l’état-major du MLC, de la station de radio RALIK (65) (propriété de BEMBA), de la société et du port SCIBE-Congo (66), de même que les deux camps de Jean-Pierre Bemba dans la Gombe et sa résidence personnelle de Maluku, semble avoir été mené dans un but punitif (67).

4. Arrestations arbitraires massives, détentions illégales, traitements cruels, inhumains et dégradants infligés à des personnes en détention retour

64. Plus de 200 personnes, essentiellement des civils qui n’étaient pas directement impliqués dans les combats, furent arrêtés sous des inculpations fantaisistes, ou accusés d’avoir troublé l’ordre publique ou encore de pillage. Certaines personnes furent arrêtées sans aucune raison judiciaire apparente. Un certain nombre de soldats du DPP furent aussi arrêtés à la suite des événements. Les personnes arrêtées furent d’abord détenues dans l’ensemble dans des camps militaires, comme le Camp Tshatshi, le Camp Kokolo et le Camp CETA (68) ainsi que dans des installations des Renseignements militaires, à l’IPKin, dans des camps de la police (Camp Lufungula, Légion PIR (69) ). Ces personnes furent ensuite transférées, pour la plupart, à la prison centrale de Kinshasa (CPRK). La plupart des personnes actuellement détenues à la CPRK furent pour la plupart arrêtées entre le 22 et le 26 mars par la GR, les FARDC, la PIR ou la PNC dans les Communes de la Gombe, de Limete, de Barumu et de Kasavubu. Il est cependant vraisemblable que les détenus les plus politiquement sensibles ne furent pas transférés au CPRK, mais bien gardés dans les camps militaires ou dans les installations des Renseignements militaires que l’Equipe n’a pas été autorisée à visiter.

65. Une soixantaine de personnes au moins ont été détenues au Camp Tshatshi durant le événements. Parmi elles se trouvaient un nombre important de soldats du DPP et des membres de leurs familles, des domestiques du Sénateur Jeannot Bemba et deux ressortissants étrangers. Des témoins ont rapporté que les soldats du DPP et les membres de leurs familles, dont des femmes, furent gravement et systématiquement battus au cours de leur détention. L’après-midi du 24 mars, une cinquantaine de détenus furent embarqués dans un camion militaire et transférés au CPRK. Les autres furent emmenés dans les installations des Renseignements militaires de Kitambo, vraisemblablement pour interrogatoire, avant d’être transférés au CPRK.

(63) Canal Kin Télévision

(64) Canal Congo Télévision. La GR a de surcroît occupé les locaux de la CCTV durant trois semaines après les violences, jusqu’au moment où il fut remplacé par des agents de la PNC. L’Equipe chargée de l’Enquête fut interdite d’entrée jusqu’au moment où la surveillance policière soit retirée de l’immeuble.

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(65) Radio Liberté Kinshasa.

(66) La société SCIBE-CONGO et le Beach SCIBE attenant appartiennent à Jeannot Bemba, le père de Jean-Pierre Bemba : voir aussi le chapitre 3.3 ci-dessus.

(67) Voir le chapitre 5.1.ci-dessous, pour plus de détails sur les incidents d’intimidation dirigés contre l’opposition politique.

(68) Où des exécutions de prisonniers auraient eu lieu : voir le chapitre 4.2 ci-dessus.

(69) Selon un Colonel du PIR, 66 personnes ont été arrêtées par cette police durant les événements.

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66. Certains soldats des FARDC basés au Camp Kokolo auraient été arrêtés parce qu’ils étaient natifs de la Province de l’Equateur et détenus pendant quelques jours par la Police Militaire du Camp. Vingt-cinq personnes, y compris des soldats du DPP qui s’étaient rendus ou avaient été fait prisonniers à Maluku et des membres des familles de soldats du DPP furent également transférées au Camp Kokolo. De nombreux blessés, y compris des civils, femmes et enfants, auraient été transportés vers l’hôpital du Camp Kokolo durant les événements.

67. Vingt-cinq personnes au moins, soupçonnées d’être des militaires du DPP, furent transférés de l’IPKin au CPRK le 29 mars. Quinze civils, qui auraient été arrêtés à Kingabwa au cours des l’opération de ceinturage et de recherche du 28 mars (70), furent transférés au Bureau du Procureur à Kalami, accusés de pillages. L’IPKin participa activement aux opérations de ceinturage et de recherche, et l’Equipe entendit de nombreuses accusations de mauvais traitements de détenus par des agents de l’IPKin.

68. Selon des sources officielles (71), 162 personnes – toutes militaires – sont «passées» par les installations des Renseignements militaires de Kitambo durant les événements, avant d’être transférées sans attendre au CPRK. Selon d’autres sources, y compris des personnes qui avaient été détenues dans ces installations, 25 soldats du DPP et des FARDC de Ndolo y sont arrivés le 27 mars, et 41 personnes au moins (y compris des civils et des soldats du DPP) restèrent en détention à Kitambo. L’existence de deux cellules souterraines a été rapportée. Lorsque l’Equipe d’enquête reçu finalement l’autorisation d’entrer dans cette installation le 30 mars, les anciennes cellules de détention provisoire, inutilisées depuis un certain temps, étaient vides, selon des responsables des Renseignements militaires. L’Equipe se vit cependant interdire l’accès par deux fois avant la visite autorisée et leur entrée fut retardée lors de la troisième visite.

69. Selon les dires du Directeur du CPRK, 201 personnes, y compris 8 enfants (3 femmes, y compris l’épouse d’un soldat du DPP), et 49 membres du DPP, furent arrêtées durant les événements et transférées au CPRK sans mandats d’arrêt. Petit à petit, une ou plusieurs parmi cinq inculpations furent prononcées contre ces personnes : participation à un mouvement insurrectionnel (191

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personnes), rébellion (19 personnes), refus de suivre des ordres (trois personnes), refus d’obéir aux ordres (trois personnes), désertion et pillage d’effets militaires (huit personnes).

Des accusations de tortures pratiquées au CPRK n’ont pas pu être vérifiées, bien que des témoins aient affirmé avoir entendu des hurlements la nuit. Comme indiqué ci-dessus, une Commission judiciaire fut mise sur pied peu après les événements par l’Auditeur Militaire Principal afin d’accélérer le processus et garantir la libération rapide de personnes arrêtées ou détenues arbitrairement. La liste des détenus qui fut remise aux membres de l’Equipe par le Directeur de la prison était incomplète. Toutefois, des 95 détenus interrogés, 35 étaient des soldats du DPP (y compris cinq femmes du personnel militaire), 52 étaient des civils (y compris six femmes et huit mineurs d’âge), quatre étaient des soldats des FARDC, un était agent de la PNC et trois des ressortissants étrangers.

70. Les détenus dans leur ensemble ont été arrêtés arbitrairement, et détenus pendant plus de 48 heures sans comparaître devant un magistrat ou informés des motifs de leur arrestation, en violation des lois congolaises. La majorité des détenus furent transférés au CPRK sans mandat d’arrêt et en l’absence de tout document légal valide autorisant leur transfert vers cette installation. Cette carence de documents précis, ajoutée au grand nombre de prisons (ou de lieux utilisés à cette fin), et les versions différentes et divergentes des circonstances des transferts, des arrestations et des libérations ont presque complètement empêché l’Equipe de retrouver méticuleusement la trace de toutes les personnes arrêtées. Un nombre élevé de détenus a été victime de traitements cruels, inhumains ou dégradants au cour de leur détention à l’IPKin, aux Renseignements militaires, à la Légion PIR et au Camp Tshatshi. Les mauvais traitements consistèrent principalement en coups de crosses, coups de pied, bastonnades et coups de fouet, entre autres. Les soldats du DPP et les détenus de l’Equateur étaient spécifiquement ciblés.

4. Viols et violences sexuelles

71. Bien que rien ne permette de suggérer que le viol ou les violences sexuelles furent pratiqués de manière systématique ou ciblée durant les événements, l’Equipe a entendu diverses accusations portant sur plusieurs épisodes isolés au cours desquels des jeunes filles furent violées par …

(70) Voir les chapitres 1.0 et 3.4 ci-dessus

(71) Interview du Commandant adjoint, Etat-major des Renseignements militaires

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… de petits groupes de 2 ou 3 soldats dans des lieux isolés du secteur de Nagliema. Certains cas concernent des soldats des FARDC (un cas, le 22 mars, la victime était une mineure d’âge) et de la Garde Républicaine (deux cas les 24 et 25 mars, une des victimes étant mineure d’âge).

72. Il n’est pas exclu que certaines femmes détenues au Camp Tshatshi furent agressées sexuellement dans la nuit du 23 au 24 mars mais ceci n’a pu être vérifié. Le 31 mars, une femme qui avait été détenue au Camp Tshatshi depuis le 27 mars, aurait été battue et ensuite violée par trois soldats de la GR, mais il n’est pas évident que son cas soit associé aux événements. Un prisonnier de sexe masculin aurait été sexuellement agressé par un autre détenu du Camp Tshatshi qui l’accusait

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d’être de l’Equateur et pro Bemba. Les gardiens ne seraient aucunement intervenus pour aider la victime.

5. Intimidation et harcèlement par les forces de sécurité à la suite des événements retour

73. A la suite des violences, l’Organisation des Nations Unies pour la Défense des Droits de l’Homme des Victimes et l’Unité de Protection des Défenseurs des Droits de l’Homme et des Témoins (l’Unité de Protection), a enregistré 51 cas d’intimidation et ou de harcèlement de membres de l’opposition (y compris des Sénateurs et des Députés de l’Assemblée Nationale, la plupart du MLC) et d’autres personnes soupçonnées d’être en ligue avec Jean-Pierre Bemba ou d’autres leaders de l’opposition (dont 13 journalistes, travaillant pour la plupart pour les stations de radio et de télévision de Bemba, des employés des entreprises de Bemba, des personnes natives de l’Equateur ou simplement soupçonnées d’être pro Bemba, des membres de la famille de personnalités de l’opposition). Les victimes de ces cas déclarèrent avoir été la cible de menaces de mort, d’intimidations, de harcèlements, d’arrestations et de détentions extra judiciaires, de traitements cruels, inhumains ou dégradants aux mains des services de sécurité.

1. Membres de l’opposition politique retour

74. La plupart des victimes informèrent l’Unité de Protection de ce qu’elles avaient été intimidées ou harcelées durant et après les événements de mars par les services de sécurité congolais, en particulier la GR. Parmi ceux-ci se trouvaient deux Députés de l’Assemblée Nationale, appartenant au Groupe de l’Opposition Politique, l’un de l’ODR (72), qui déclara avoir reçu des communications téléphoniques menaçantes et anonymes et un autre Député du MLC qui choisit de se cacher après avoir reçu des menaces de mort de la GR le 31 mars. Un membre du parti MLC entendu par l’Unité de Protection a affirmé avoir reçu des messages menaçants sur son téléphone portable dans le but de l’empêcher de convoquer une réunion politique. Dans d’autres cas, les actes d’intimidation consistèrent dans des visites répétées au domicile des victimes, parfois en pleine nuit. Dans la plupart des cas, des soldats de la GR furent accusés d’avoir effectué ces visites mais des éléments de la PNC et d’autres services de sécurité (comme les Renseignements militaires et l’ANR) auraient également été impliqués. Trois Députés au moins de l’Assemblée Nationale, deux cadres nationaux du MLC et un autre membre du MLC affirmèrent avoir fait l’objet de telles visites. Dans la plupart des cas, aucun mandat de perquisition (73) n’a été produit et aucune raison particulière donnée par les agents de l’Etat qui étaient entrés dans ces domiciles privés. Dans un certain nombre de cas, les forces de sécurité ont profité de la situation pour faire main basse sur de l’argent et d’autres biens.

75. Dans de nombreux cas, les forces de sécurité (surtout la PIR et la GR) effectuèrent des perquisitions dans des domiciles privés, dont les maisons d’au moins un Sénateur et d’un certain nombre de membres du MLC sous prétexte d’y débusquer des soldats du DPP et des armes illégales, habituellement sans mandat valide. Dans d’autres cas, les forces de sécurité allèrent au-delà des limites de leur mandat, dérobant des effets personnels et de l’argent des victimes plutôt que de saisir des objets dans le contexte d’une opération légale de recherche et de saisie.

76. Un fait revêtant une importance particulière est le pillage des états-majors du MLC (tant la Permanence Nationale que les Bureaux Inter-fédéraux du MLC) (74), mené par les services de sécurité pendant et après les combats. D’autres exemples de pillage ciblé par les services de sécurité furent ceux des bureaux de deux leaders de l’opposition. Dans un cas…

(72) Ordre des Démocrates Républicains

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(73) Mandat de perquisition

(74) Voir ci-dessus. L’état-major Inter-Fédéral est situé Avenue de l’Enseignement et fut pillé par la PIR le 31 mars, alors que la Permanence Nationale est située dans l’immeuble de la CCTV et fut pillée par la GR le 23 mars.

Ceci est la page 21 de la version anglaise.

…les bureaux furent pillés durant les combats par des personnes armées non identifiées, et l’autre fut perpétré par la GR dans la nuit du 23 au 24 mars.

77. Dans deux cas, la PNC fut déployée dans des opérations visant à récupérer des véhicules officiels qui avaient été attribués à des Membres du Parlement National de la Transition. Toutefois, en l’absence de l’ancien Parlementaire devant signer le document de remise des véhicules de service, la PNC saisit les voitures de force. Dans les deux cas, des membres de la PNC maltraitèrent physiquement et verbalement les personnes qui se trouvaient dans la maison à ce moment et y dérobèrent de l’argent et des objets.

78. D’autres exemples de harcèlement concernent un membre de l’opposition qui fut arrêté par des agents des services de sécurité le 27 mars et détenu à Kin-Mazière (cellules de détention provisoire des services spéciaux de la police) avant d’être relâché le jour suivant. Cinq membres de l’opposition déclarèrent avoir appris l’existence d’une liste de membres de l’opposition devant être arrêtés par l’ANR. Selon ces personnes, le Président de l’Assemblée Nationale avait été informé de l’existence d’une telle liste. Un autre membre de l’opposition originaire de l’Equateur rapporta à l’Unité de Protection qu’il s’était caché depuis le début des événements, craignant pour sa sécurité après que son domicile eut fait l’objet de plusieurs perquisitions par des soldats de GR et des agents de la PNC. Le 25 mars, quatre membres de sa famille furent arrêtés par la PIR et transférés au CPRK. L’Equipe chargée de l’Enquête a été en mesure de confirmer que ces personnes étaient détenues malgré le fait qu’elles n’aient fait l’objet d’aucune accusation particulière, et ceci au mépris de des procédures juridiques régissant les arrestations et les détentions. . Un membre de la famille entendu par l’Equipe déclara que des agents de police de la PIR les avaient violemment battus au moment de l’arrestation. Des traces de coups étaient visibles sur le corps de cette personne. Un autre cas concernait l’arrestation d’une membre de la famille d’une personne originaire de l’Equateur, qui fut menacée par la GR et ‘accusée’ d’avoir des liens personnels avec Jean-Pierre Bemba. L’Unité de Protection a pu établir que cette personne avait bien été arrêtée le 23 mars et détenue illégalement (au Camp Tshatshi), en l’absence de la véritable cible de la GR. Ce parent fut relâché le 27 mars à la suite de l’intervention de l’Equipe chargée de l’Enquête.

79. En réaction collective à ces incidents d’intimidation et de harcèlement, l’opposition parlementaire franchit le pas extrême de se retirer de l’Assemblé Nationale 13 avril. Toutefois, deux des trois groupes parlementaires d’opposition, dont le MLC, y retournèrent dès le 25 avril après avoir reçu certaines garanties de la Présidence, à la suite de la médiation de Vital Kamere, Président de l’Assemblée Nationale ;

80. Dans de nombreux cas, l’Unité de Protection ne fut pas en mesure d’interroger les victimes parce qu’elles craignaient pour leur sécurité et refusaient de quitter les lieux où elles s’étaient cachées, ou encore refusaient de prendre le risque d’être vues en compagnie de personnel de la MONUC. L’Unité de Protection resta en contact avec ces personnes 24 heures par jour et continua à assurer leur

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sécurité par la surveillance. Presque toutes les victimes étaient allées jusqu’à refuser l’idée de considérer un seul instant l’idée de confier leurs griefs au système judiciaire congolais afin d’obtenir réparation, craignant des représailles des forces de sécurité.

2. Journalistes et organisations médiatiques retour

81. Des journalistes et des rédacteurs-en-chef ont, à plusieurs reprises, reçu des coups de téléphone et/ou des messages menaçants et ont reçu la «visite» des forces de sécurité à leur domicile privé. A la suite des événements, la MONUC et plusieurs ONG s’inquiétèrent du sort de plusieurs journalistes et techniciens travaillant pour des stations de télévision et de radio appartenant à Jean-Pierre Bemba (75). Ces personnes furent obligées de se cacher après que les émissions des stations de Bemba furent coupées le 21 mars.

82. Les intérêts médiatiques de Jean-Pierre Bemba ne furent cependant pas les seuls à avoir été ciblés à la suite des événements. De nombreuses autres personnes travaillant pour des journaux et des magazines indépendants (76) furent aussi…

(75) Les victimes travaillaient pour Kin Télévision (CKTV), Canal Congo Télévision (CCTV) et Radio Liberté Kinshasa (Ralik).

(76) La MONUC a entendu des accusations graves selon lesquelles des rédacteurs-en-chef, tous de la province de l’Equateur, avaient reçu des menaces en raison de leurs éditoriaux anti-gouvernementaux écrits à la suite des incidents. Ce fut le cas pour les rédacteurs-en-chef du Collecteur, de l’Alerte plus, du Tapis Rouge, de La Proclamation et de L’Alarme.

Ceci est la page 22 de la version anglaise.

… ciblés. Des journalistes et d’autres membres du personnel des stations de radio et de télévision qui avaient ouvertement critiqué les politiques et les pratiques du gouvernement devinrent la cible de qu’il était convenu d’appeler une «campagne d’intimidation» continue. Plusieurs d’entre eux demandèrent l’assistance la MONUC afin que des mesures spéciales de sécurité et de protection puissent être prises.

83. Une ONG congolaise digne de foi rapporta à l’Unité de Protection que trois journalistes (77), bien que n’étant pas personnellement ou politiquement liés à Jean-Pierre Bemba, auraient reçu des menaces de mort pour le simple fait d’avoir interviewé Bemba. Dans cette interview diffusée le week-end qui précéda les événements, Bemba avait accusé le Président Kabila de haute trahison en raison de l’occupation supposée du territoire de Kahemba par des troupes angolaises.

84. Des sources de la CCTV rapportèrent qu’un journaliste et un technicien avaient fui le pays après avoir reçu la «visite» de la GR et été menacés à plusieurs reprises. L’un et l’autre ont trouvé refuge au Congo-Brazzaville voisin. Le 25 mars, deux soldats de la GR accompagné de cinq agents de police pénétrèrent de force dans la résidence du Directeur Technique de la CCTV et l’enlevèrent en même

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temps que ses deux frères. Les trois furent emmenés au Camp Tshatshi et détenus dans cet endroit durant plusieurs jours. Tous furent éventuellement libérés après le paiement d’une «amende» de 100 $ américains chacun. Les victimes et leurs familles décidèrent alors de se cacher pendant tout le mois suivant.

85. Le 25 mars, une présentatrice du personnel de Canal-Kin Télévision reçut deux coups de fil menaçants, l’un anonyme et le second d’un membre de la GR. Le même jour, elle reçut par SMS une menace de mort sans ambiguïté. En conséquence, la présentatrice opta pour la clandestinité pendant un mois. Deux jours plus tard, un journaliste travaillant pour la même station de télévision rapporta qu’il avait été victime d’une même série d’incidents et déclara à l’Unité de Protection qu’il se sentait incapable de quitter sa cachette.

86. Le 27 mars, trois journalistes de la CCTV contactèrent l’Unité de Protection pour rapporter qu’ils avaient reçu des coups de fil menaçant depuis le 23 mars et que, pour des raisons de sécurité, ils avaient été contraints de quitter leur domicile respectif. (78). retour

3. Equatoriens, personnes et institutions perçues comme étant favorables à Bemba

87. Il n’y a probablement pas assez de preuves pour suggérer que les persécutions eurent lieu exclusivement sur base de l’origine provinciale des victimes. Toutefois, à la suite des événements, les forces de sécurité, agissant prétendument pour retrouver la trace de soldats du DPP en fuite, arrêtèrent arbitrairement plusieurs jeunes gens après que le contrôle de leur carte d’identité ait permis d’établir qu’ils étaient originaires de la province de l’Equateur. Le fait que des soldats du DPP étaient soupçonnés de se cacher dans certains quartiers connus pour être habités par des Equatoriens (comme Ofiltra, Funa et Pakadjuma) a été à l’origine de raids de sécurité dans ces secteurs. Une fois de plus, les forces de sécurité se sont rendues coupables d’abus de pouvoir en volant des effets personnels à leurs victimes, ou en les arrêtant sans motif. Les récits de plusieurs personnes qui réussirent à s’échapper des installations militaires de la GR après que leur exécution eut été décidée font craindre qu’un nombre inconnu de ces arrestations se soient terminées par l’exécution sommaire des victimes.

88. Comme nous l’avons indiqué ci-dessus (79), le 23 mars, quelque 30 soldats et agents de police appartenant à la GR, aux FARDC et à la PIR pénétrèrent avec violence dans le Centre Hospitalier Mixte SCIBE-Congo, près de Ndolo. Cet hôpital est aussi connu sous le nom de «hôpital de Bemba», et la violence utilisée au cours de cette opération, qui avait apparemment pour but de transférer les soldats blessés au Camp Kokolo, semble avoir été le résultat du lien que les forces de sécurité auraient établi entre cet établissement médical et la famille Bemba.

6.0 Conclusions et Recommandations retour

(77)L’un de la station de télévision privée «Antenne A», un second de la station «RCTV » et un troisième de la «CCTV.»

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(78)Contactés début mai, les journalistes déclarèrent qu’ils avaient rejoint leurs domiciles.

(79) Voir le chapitre 4.4 ci-dessus

Ceci est la page 23 du texte en anglais.

6.1. Conclusions principales retour

89. Voici les conclusions principales de l’Equipe chargée de l’Enquête :

• 300 personnes environ, probablement davantage, perdirent la vie pendant ou après les affrontements armés qui eurent lieu à Kinshasa en mars 2007.

• La force militaire fut utilisée de manière infondée, excessive, sans discrimination et entraînant des risques élevés durant et après les hostilités. Le gouvernement congolais a fait preuve de négligence dans le cadre de son devoir de protection de la population civile de Kinshasa en prenant la décision de donner l’assaut contre les camps de Bemba, ou d’ordonner des actions, comme des mouvements de troupes, qui étaient susceptibles de provoquer un affrontement armé dans le centre ville. Il a aussi manqué de prendre en considération les dommages collatéraux qui allaient immanquablement être causés, qui furent entreprises au beau milieu d’un jour ouvrable, sans avoir averti préalablement la population. D’autres actes de recours à la force infondés, excessifs, sans discrimination ou comportant des risques élevés commis par les deux camps durant les combats, ou dans le contexte d’opérations menées après que la ville fut repassée sous contrôle gouvernemental, ont pu être établis par l’Equipe chargée de l’Enquête.

• Des civils et des militaires qui s’étaient rendus ou se trouvaient autrement hors de combat furent exécutés sommairement, tant par le DPP que par les forces gouvernementales. Des récits crédibles font état de 40 cas au moins, et 18 cas furent confirmés à la suite de la visite de site et de témoignages concordants.

• Des pillages furent commis par les deux camps engagés dans les affrontements, mais surtout par les forces gouvernementales après que celles-ci eurent prit le contrôle de Kinshasa.

• Des arrestations et des détentions arbitraires massives furent signalées pendant et après les hostilités. Un grand nombre de détenus fut soumis à des traitements cruels, inhumains ou dégradants dans des centres de détention ou dans des camps militaires, en particulier des soldats du DPP en arrestation ainsi que des personnes natives de la Province de l’Equateur.

• Le viol et la violence sexuelle ne semblent pas avoir été commis de manière systématique ou ciblée durant les événements. Toutefois, l’Equipe a entendu des accusations selon lesquelles des jeunes filles furent violées par des groupes de 2 à 3 soldats lors de plusieurs incidents isolés dans le secteur de Ngaliema.

• Les forces de sécurité se sont rendues responsables de nombreux actes d’intimidation et de harcèlement contre des membres de l’opposition politique, des journalistes et des organisations médiatiques ou d’autres personnes ou institutions soupçonnées d’être «pro Bemba.»

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6.2 Recommandations retour

90. L’Equipe chargée de l’Enquête recommande aux hauts responsables de la MONUC de :

• Remettre une version résumée de ce rapport au gouvernement congolais ; • Faire pression sur les autorités congolaises afin qu’elles ouvrent une enquête complète

et impartiale sur les crimes et violations des droits de l’homme graves évoqués dans ce rapport Une telle enquête devrait être judiciaire de sorte que ceux dont la participation à des actes criminels est avérée soient jugés et condamnés aux termes de la loi. La MONUC serait disposée à apporter son assistance et des informations à une telle enquête ;

• Faire pression sur les autorités congolaises afin qu’elles libèrent immédiatement toutes les personnes encore en détention qui avaient été arrêtées ou détenues arbitrairement pendant et après les événements de Kinshasa ;

• Soulever le problème du manque de collaboration avec l’Equipe chargée de l’Enquête avec les autorités concernées, en rappelant aux autorités congolaises le mandat autorisant la MONUC d’enquêter sur les violations des droits de l’homme et d’avoir accès aux centres de détention ou d’autres endroits utilisés comme tels. Il convient aussi de soulever dans ce contexte le problème de l’accès aux camps militaires ou à d’autres sites que l’Equipe n’a toujours pas été autorisée à inspecter.

• Faire pression sur les autorités congolaises afin qu’elles accordent des compensations ou indemnisent les victimes des événements qui auraient perdu des membres de leurs familles ou dont la propriété a été endommagée par les opérations militaires ou par des troupes gouvernementales agissant en violation de la loi ;

• Faire pression sur les autorités congolaises afin qu’elles fassent une déclaration publique complète et détaillée à propos des événements, fournissant à la population des explications de ce qui est survenu et de ce qui a été fait depuis les événements par les autorités pour corriger les méfaits commis par les forces gouvernementales, le DPP, la police, ou d’autres services de sécurité.

Ceci est la page 25 du texte anglais.

ANNEXE I retour

Chronologie des réactions aux événements de Kinshasa et à d’autres développements consécutifs

La MONUC et le Conseil de Sécurité de l’ONU ont appelé dès le 22 mars, durant les violences, à une cessation immédiate des hostilités. Jean-Pierre Bemba a lancé un appel au cessez-le-feu sur les ondes de radio Okapi à 18h30 et le Gouvernement a publié vers 20h40 une déclaration accusant Bemba d’être l’instigateur de la violence, dénonçant la «provocation» du DPP et réaffirmant que le Gouvernement était décidé à mettre fin à la situation une fois pour toutes. Le Ministre de l’Information, Toussaint Tshilombo, accusa Bemba d’avoir échoué dans sa tentative de prendre le pouvoir par la force.

Le 23 mars, le Général Kisempia, Commandant des FARDC, déplora dans une déclaration diffusée dans l’après-midi les pertes en vies humaines et matérielles subies durant les combats et déclara que les coupables seraient traduits en justice. Il donna l’ordre à tous les mutins de se rendre immédiatement aux FARDC ou à la MONUC. Le Ministre de la Défense, Tshikez Djemo, fit aussi des

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déclarations publiques accusant Bemba de haute trahison tout en expliquant que le Gouvernement avait recours à tous les moyens démocratiques et constitutionnels pour résoudre la crise. La MONUC publia un communiqué pour «{saluer} le rétablissement de l’ordre par les forces gouvernementales» et «{regretter} profondément le fait que la force fut utilisée pour résoudre une situation qui aurait pu et dû être réglée par le dialogue.» La MONUC déplora aussi « les pertes en vies humaines, les dégâts matériels, le pillage et les risques élevés imposés aux civils habitant la capitale.»

Le 24 mars, le Président Kabila convoqua le Conseil des Ministres qui fut suivi d’une déclaration prononcée par le Ministre de l’Information sur Radio Okapi, annonçant un bilan provisoire d’au moins 60 morts (militaires, policiers et civils) et 74 blessés. Le Ministre félicita aussi les Forces Armées pour la rapidité avec laquelle elles avaient rétabli l’ordre à Kinshasa et les encouragea à mener plus loin les opérations nécessaires. Il prit note des poursuites judiciaires engagées contre le Sénateur Bemba et contre les soldats qui s’étaient mutinés comme l’avait annoncé dans la matinée du 23 mars le Procureur Général (80). Les premières informations diffusées par la presse firent état d’un mandat d’arrêt international lancé contre Bemba pour haute trahison (81). La Conférence des Présidents de l’Assemblée nationale publia une déclaration déplorant la confrontation armée et condamnant toute forme de violence. Elle recommandait au Gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires et appropriées afin de protéger la population de Kinshasa, poursuivre les auteurs des crimes et violences, d’encourager la réconciliation nationale et le dialogue et, enfin, d’accélérer la réintégration des milices armées.

Le 26 mars, le Président Kabila donna une conférence de presse au cours de laquelle il justifia les opérations militaires en affirmant que «l’ordre devait être rétabli à tout prix» et en déclarant que «l’on ne garantit pas la sécurité par la négociation.» Kabila émit aussi cet avertissement : «tous ceux responsables de l’insécurité seront dépistés.» Le même jour, le MLC condamna les menaces proférées contre Bemba, appela à l’arrêt des actes présumés d’intimidation et d’arrestation arbitraire de membres du MLC et de civils et réaffirma son engagement à agir en tant qu’opposition politique forte.

Le 27 mars, les Ambassadeurs de l’Union européenne donnèrent une conférence de presse et publièrent une déclaration exprimant leur indignation face au recours à un conflit armé violent à Kinshasa et qualifièrent de «prématuré» le recours à la force par le Gouvernement étant donné que toutes les voies du dialogue n’avaient pas été explorées. La déclaration fit référence au bilan élevé de morts causés par les affrontements armés, citant un chiffre de 600 tués ou plus. Les ambassadeurs condamnèrent les pillages et les autres crimes commis à la fois par des soldats des FARDC et du DPP et appelèrent les autorités congolaises à traduire les auteurs en justice.

Le 28 mars, dans le cadre de sa conférence de presse hebdomadaire, la MONUC appela au respect des droits et des libertés de tous les citoyens et déclara attendre des autorités judiciaires qu’elles punissent tous les auteurs de délits criminels, sans distinction aucune. Le Ministre de la Santé rendit visite à l’hôpital principal et à la morgue, où 116 cadavres avaient été enregistrés.

(80) Attorney General : Procureur Général (81) Aucun mandat d’arrêt n’avait cependant été émis. Un mandat d’arrêt ne pouvait d’ailleurs être émis immédiatement étant donné que les Sénateurs jouissent de l’immunité judiciaire, aux termes de la Constitution. Celle-ci ne peut être levée par le Sénat qu’à la suite d’une demande officielle du Procureur Général.

Ceci est la page 26 du texte anglais.

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Le 3 avril, le Conseil de Sécurité des Nations Unies publia une déclaration déplorant la violence survenue du 22 au 25 mars à Kinshasa, exprimant sa profonde préoccupation face au lourd bilan en vies humaines et enjoignant toutes les parties à respecter le caractère sacré de la vie humaine et les principes de respect des droits de l’homme. La déclaration souligna la nécessité d’éviter tout recours disproportionné et inutile à la force et encouragea la MONUC à «effectuer les enquêtes nécessaires sur ces événements.»

Le 5 avril, la MONUC annonça qu’une équipe d’enquêteurs avait été constituée. La MONUC condamna aussi la poursuite présumée des intimidations de membres de l’opposition et mit en garde contre la création d’un climat de persécution de membres de l’opposition et de personnes originaires de la Province de l’Equateur.

Le 8 avril, le MLC publia un communiqué condamnant les arrestations arbitraires et les actes d’intimidation en cours créant un climat de terreur visant à détruire l’opposition. Le communiqué dénonçait aussi l’occupation et le pillage de ses états-majors, résidences de responsables du MLC ainsi que les visites, les perquisitions illégales et les arrestations arbitraires de membres du parti.

Le 9 avril, le MLC manifesta pacifiquement à Mbandaka pour dénoncer l’intimidation de l’opposition politique à Kinshasa. Vital Kamerhe, Président de l’Assemblée Nationale, exigea ensuite «l’ouverture d’une enquête afin que ceux qui ont orchestré les événements soient identifiés et punis.»

Le 11 avril, Jean-Pierre Bemba quitta la RDC avec l’accord du Sénat afin de se faire soigner au Portugal.

Le 12 avril, le Procureur Général demanda officiellement au Sénat de lever l’immunité du Sénateur Bemba afin de pouvoir l’inculper en tant qu’ «auteur intellectuel» de la violence à Kinshasa. Bemba devait être inculpé d’avoir miné la sécurité de l’Etat, de meurtres, de vols à main armée et de destruction de propriété privée, qui auraient été commis par ses troupes (82).

Le 13 avril, le MLC suspendit sa participation à l’Assemblée Nationale jusqu’au moment où le gouvernement prendrait les dispositions nécessaires pour garantir la sécurité des membres du MLC et de mettre fin au harcèlement des forces de sécurité. Les deux autres groupes parlementaires quittèrent aussi l’Assemblé Nationale. Les soldats de la GR qui gardaient l’état-major du MLC, les camps de Bemba, les immeubles de la CCTV, de Canal Kin et de la Ralik furent remplacés par des agents de la PNC.

Le 21 avril, un mois après les événements, le Gouvernement leva l’interdiction d’accéder à l’état-major du MLC et aux immeubles de la CCTV, de Canal Kin et de la Ralik. Les leaders du MLC remirent au Président Kabila un mémorandum concernant leur situation sécuritaire.

Le 25 avril, les représentants du MLC à l’Assemblée Nationale mirent fin à leur boycottage après 12 jours et retournèrent à l’Assemblée Nationale après avoir obtenu les garanties nécessaires à une rencontre avec le Président Kabila. Les Démocrates Chrétiens étaient revenus le jour avant. Les membres du groupe parlementaire de l’ODR poursuivrent cependant leur boycottage, affirmant qu’ils ne pouvaient retourner à l’Assemblée Nationale avant d’avoir effectivement rencontré le Président Kabila et obtenu les garanties nécessaires quant à leur sécurité (un Député de l’ODR avait été attaqué la veille à son domicile par des soldats soupçonnés de faire partie de la GR).

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Le 3 mai, des douzaines de journalistes se rassemblèrent devant l’immeuble de la CCTV en solidarité avec leurs collègues ainsi que pour dénoncer ce qu’ils considéraient être des restrictions excessives imposées à la presse.

(82) La lettre était datée du 10 avril mais rendue publique seulement le 12 avril.

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ANNEXE II retour

Carte du déploiement – Kinshasa, le 22 mars, incluant les sites des incidents