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1 Anaïs RAMBAUD Université Sorbonne Nouvelle Paris III Mémoire de fin d’études Les festivals et Internet : des stratégies de communication aux traitements médiatiques Master II Journalisme culturel Directeurs : Gérôme Guibert Année 2013/2014 Jean-Yves Leloup

Les festivals et Internet : des stratégies de ... locale mais aussi nationale, suivant leurs renommées. Un traitement médiatique saisonnier Évènement musical - parfois expérience

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Anaïs RAMBAUD Université Sorbonne Nouvelle Paris III

Mémoire de fin d’études

Les festivals et Internet : des stratégies de communication aux

traitements médiatiques

Master II Journalisme culturel Directeurs : Gérôme Guibert

Année 2013/2014 Jean-Yves Leloup

2

« Mais qu'est ce que la culture après tout, sinon une série

d'actes de communication ? »

Barnabé Laye, écrivain, romancier et poète

3

Sommaire

Introduction ..................................................................................... 4

Première partie

Le festival et sa communication : un service à l’image de son identité .............. 11

I. Les différentes formes de communication festivalière……………………… 11

A – Main dans la main avec la production : la communication intégrée ............. 11

B – Une optimisation des compétences : la communication sous-traitée ............ 15

C – Une organisation à étages : la communication segmentée ............................ 20

II. Les stratégies de communication des festivals……………………………….25

A – Le calendrier événementiel............................................................................ 25

B – La mise en place de contrats de communication ........................................... 29

C – L’autopromotion du festival .......................................................................... 33

D – La communication artistique ......................................................................... 37

Seconde partie

Médias numériques et festivals, entre antagonisme et interdépendance ........... 40

I. Le digital et ses opportunités pour la communication événementielle……..40

A – Le web, un espace de circulation de l’information culturelle ....................... 40

B – La diversité des interfaces numériques .......................................................... 45

C – La liberté médiatique et ses limites ............................................................... 50

II. Les médias numériques, une infinité de possibilités pour les festivals……..55

A – Cohérence temporelle et réactivité mutuelle ................................................. 55

B – Le traitement d’un festival, fruit de compromis éditoriaux ........................... 65

C – L’expérience festivalière au cœur des attentions journalistiques .................. 71

Conclusion ...................................................................................... 77

4

Introduction

Festivals. Festivités musicales. Manifestation périodique. Célébration artistique. Les

définitions du mot « festival » sont multiples. En 1964, alors que les festivals d'Avignon

et de Cannes battent leur plein, Jean Vilar se questionne. « Que représentent les festivals

d'été aux yeux du public ? Tourisme ? Passe-temps d'un soir ? Nuits d'été dans des

enceintes historiques ? Beaux costumes et éclairage ad hoc ? »1. Nés sous l'impulsion du

Front Populaire, valorisés avec la création du Ministère de la Culture par André Malraux,

les festivals se multiplient chaque année jusqu'à en recouvrir l'Hexagone. Et pourtant, la

diversité des genres, des publics, des durées ou encore des territoires, complique leur

étude, leur classification ou encore leur administration. Au delà de leur organisation, leur

image est au cœur de leurs préoccupations : comment se démarquer ? Comment attirer

davantage de publics ? Comment perdurer ?

Une abondance qui ne date pas d'hier

Entre la seconde partie du XIXe et le premier quart du XXe, les festivals de musique

s'entretiennent au sein de sphères privées, dans des lieux de prestige particuliers, et

bénéficient, entre autres, de l'accueil des artistes pour un emploi d'été selon différentes

inspirations, mais sans rémunération. Les choses changent lorsque les festivals

commencent à s'installer dans les espaces publics, laissant peu de place à un public

hétérogène, image de la société dans son ensemble. Très loin des politiques de

démocratisation culturelle de Malraux, les festivals de musique ne s'imposent vraiment que

dans les années 1970, durant lesquelles leur nombre ne cesse d'augmenter. La France n'est

pas la seule à voir son territoire fleurir, toute l'Europe centrale et orientale atteste son

penchant pour les évènements novateurs en matière de musique. Les festivals d'aujourd'hui

ont majoritairement délaissé le champ privé pour une administration publique. En effet,

sous l'échange de missions de création et de diffusion, l'État participe sous forme de

subventions. Sous l'impulsion de décisions administratives publiques ou de volonté

associative, les festivals de musique bourgeonnent au gré des inspirations, des passions, des

genres de musique, ou des images d'un territoire. Cependant, il est utile de distinguer le

festival au sens propre et la culture festive. Cette ambiguïté demeure aujourd'hui une

difficulté de catégorisation des festivals. Il est presque impossible de classer les festivals en

un même concept, et une définition unique. Emmanuel Négrier, chercheur au CNRS,

1 « Où vont les festivals? » dans la revue Janus, N°4, Paris, décembre 1964/Janvier 1965

5

explique, dans son livre Les publics des festivals, cette difficulté: « la vocation d'un festival

intègre cette dimension d'exception de parenthèse vis à vis du cours normal des choses qui,

pour se distinguer d'une offre saisonnière ou de la programmation annuelle d'un théâtre a

quelque chose de festif »2. Beaucoup de festivals sont nés avec la volonté de mettre ce

caractère exceptionnel en avant. Pour la France, le premier à faire parler de lui à un niveau

national fut le Printemps de Bourges en 1977. Créé avec l'impulsion de la Maison de la

Culture à Bourges, Daniel Colling et Alain Meilland, la manifestation a vu descendre de

Paris une jeunesse vivante et envoutée par ce genre d'évènement. Dès la première édition,

le succès fut si convaincant que le Printemps de Bourges a poursuivi son chemin à travers

les années et a surtout donné naissance à une multitude d’autres festivals de musique, à

commencer par les Francofolies de la Rochelle en 1984, qui a pour mission notamment de

promouvoir la langue française à travers la chanson. Les Eurockéennes de Belfort ont fait

leur apparition en 1989, afin de dynamiser la région du Ballon d'Alsace. En 1992, c'est au

tour des Vieilles Charrues, dans le souhait de mélanger les genres et d'être accessible à tous

les publics.

Certains grands festivals sont nés dans un contexte différent et ultérieur, comme le festival

de musique classique et d'opéra d'Aix en Provence en 1948, concentré sur l'œuvre de

Mozart et tentant d'encourager l'activité musicale de la région marseillaise. C'est aussi le

cas du festival Interceltique des Cornemuses de Lorient, né en 1971 avec des missions de

création, diffusion et de valorisation du patrimoine. Certains autres ont eu du mal à résister

à la floraison abondante de l'offre culturelle en matière de festivals, comme le plus ancien

festival de musique classique de France, le festival de musique de Strasbourg, créé en 1932.

En 2014, le panel de festivals français n'a jamais été aussi étoffé et victorieux. Le grand

nombre de festivals a aussi contribué à l'augmentation des pratiques culturelles. Ces

dernières années, avec la crise économique, les français ont réduit leur budget consacré aux

loisirs, incluant la musique et les sorties. Les festivals répondent aussi à ce désir de réunir

toutes les conditions nécessaires pour profiter vraiment d’un concert. La plupart propose un

festival off plus ou moins dense, qui complète de manière artistique l'esprit festif de

l'évènement, les artistes y paraissent plus accessibles que dans une salle de concert, et bien

souvent le cadre en plein air ajoute la touche unique et propre aux festivals. Concernant la

programmation, il est important pour les organisateurs de s'adresser à un large public. Pour

être certain d’atteindre les taux de fréquentation espérés, il faut tabler sur une

2 Les publics des festivals, Emmanuel Négrier, Aurélien Djakouane et Marie Jourda, Editions France Festi-

vals, Michel de Maule, Avril 2010

6

programmation englobant des musiques variées, récentes, et accessibles. C'est ce que l'on

appelle communément, de nos jours, « musiques actuelles ». Les festivals tendent à

proposer des programmations éclectiques et se calquent sur les ventes de disque les plus

avancées.

La SACEM3, au cœur de l'évolution des festivals de musique français, a été la première à

établir une typologie précise sur les statistiques actuelles de ce genre de manifestations

dans l'Hexagone. Selon l'étude4, en 2013, la France comptait 1 972 festivals de musique

dont 1 425 festivals de musiques actuelles. Sur ce dernier chiffre, si environ 50% ont lieu

en Île-de-France, les régions Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte-D’azur et Bretagne,

accueillent également beaucoup de festivals. En moyenne, chaque région compte environ

62 festivals sur son territoire. Quant à leur ancienneté, alors que 10% des événements ont

plus de 26 ans, 24% sont très jeunes : de 0 à 5 ans. « La viabilité des festivals se caractérise

à la fois par leur jeunesse, et leur capacité à s'inscrire dans la durée », énonce les termes de

cette typologie.

Le festival, second souffle au secteur musical

Comparés aux autres secteurs de la culture, les festivals ont largement profité à la sphère

musicale. Spécialisés en musiques actuelles, musiques du monde ou encore musique jazz,

les festivals de musique sont apparus comme une aubaine, prenant leur envol au moment

où l'industrie phonographique allait au plus mal. Si les festivals peuvent rendre accessible

la culture et la promouvoir auprès du plus grand nombre, il s'agit également d'une large

diffusion de musique, correspondant à une dynamisation du secteur. Les festivals, restent

conditionnés par les pratiques musicales des français, qui elles-mêmes influent sur la santé

du monde musicale. Il suffit de dresser un bilan de l'économie du secteur sur les trente

dernières années pour s'apercevoir que l'industrie du disque a chuté. Récemment, les

consommateurs de musique se sont réfugiés dans les salles de concert, mais aussi dans les

festivals, augmentant ainsi nettement la fréquentation depuis cinq ans. En effet, le live a

une place privilégiée au sein du secteur. Alors qu'il a été mis en place de façon

automatique, de sorte à faire la promotion d'une sortie d'album, il est devenu aujourd'hui un

moyen de découvrir, de consommer de la musique, et aussi de faire vivre le secteur d'une

autre manière. Les festivals de musique permettent de voir plusieurs artistes à la fois, sur

une même ou sur plusieurs scènes en simultané, pour une somme d'argent moindre

3 Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique

4 Carte des festivals en France en 2013, dévoilée au Printemps de Bourges 2014, étude faite par la SACEM,

l’IRMA et le CNV

7

comparée à la prestation offerte. « Les festivals sont un vecteur économique important pour

l'ensemble de la filière musicale, mais aussi pour les acteurs locaux », indique également

l'étude de la SACEM. En effet, les festivals, vecteurs de tourisme et de développement

culturel et économique de leurs territoires, paraissent ancrés dans une logique de

communication locale mais aussi nationale, suivant leurs renommées.

Un traitement médiatique saisonnier

Évènement musical - parfois expérience d'anthologie -, les festivals font l'objet d'un suivi

approfondi du côté de la presse, et en particulier du web. Sujet apprécié des jeunes lecteurs,

ils constituent un flux d'information tout au long de l'année, mais en particulier au

printemps et en été. Écrire sur un concert, sur une manifestation musicale, correspond à

l'activité du journaliste musical, qui œuvre depuis un siècle.

Née d'abord en Angleterre au début du XXe siècle, la presse musicale se développe auprès

des labels, qui tentent de s'approprier leurs propres titres de presse (The Gramophone, par

EMI, et Rolling Stone par Warner). Des revues comme Talking Machine News, destinée

aux propriétaires de gramophones, ont pour but d'éduquer et d'orienter le lecteur dans ses

choix d'enregistrements. En France, des magazines comme Salut les Copains, Rock&Folk,

Best ou encore les Inrockuptibles se distinguent. Mais de 2000 à 2006, les chiffres

d'affaires de ces rédactions musicales sont en chute libre. En cause : l'avènement de la

presse grand public au détriment de la presse spécialisée, l'augmentation des médias

audiovisuels, l'arrivée du web, la multiplication des titres gratuits... Le nombre de lecteurs

baisse considérablement pour certains titres : Rock&Folk perd 100 000 tirages en 30 ans5.

Fin 2012, Voxpop renonce : Jean-Vic Chapus, le directeur, avoue aux lecteurs que

« l'économie de notre structure ne nous permet pas de concrétiser les ambitions que nous

avions pour Voxpop »6. Pourtant, certaines revues réussissent à s'en sortir en trouvant des

alternatives, comme en faisant appel à la publicité ou à la recherche de ressources

alternatives. C'est le cas de Chorus, qui organise des concerts de soutien pour sauver son

titre, et obtient une grande mobilisation de la part de ses lecteurs et des professionnels du

secteur musical. Les autres survivants parviennent à s'approprier Internet et renouveler son

offre d'informations plus interactive et plus instantanée. Les Inrocks ajoutent des pages

Société et Politique; Magic adopte un mécène; Mondomix change de modèle. « Il faut

développer autre chose que le papier », souligne Patrice Bardot, rédacteur en chef de Tsugi,

5 Le magazine était tiré à 130 000 exemplaires en 1981 et est tiré à 30 000 exemplaires aujourd'hui

6 Edito de Jean-Vic Chapus, directeur de la rédaction de Vox Pop, le 28 septembre 2012

8

lors d'une interview au Mouv' à propos de l'état de santé du secteur de la presse musicale7.

« Nous sommes au carrefour de la crise de la presse et de la crise du secteur musical. Pour

s'en sortir, nous organisons des soirées, nous co-gérons la salle du Trabendo, nous sommes

partenaires de festivals », détaille-t-il.

L'interdépendance entre presse et labels

La publicité devient essentielle aux recettes d'un titre culturel. Les festivals, au cœur de

l'intérêt de cette presse, permet de placer certains médias au rang d'associés financiers, ou

de relais de communication. La presse musicale paraît parfois même « plus attentive aux

annonceurs plutôt qu'à ses lecteurs »8, indique Mathieu Pinaud, chargé des relations presse

à Pias Music. Et du côté des labels, la presse musicale reste néanmoins influente. « Les

labels entretiennent la presse qui elle-même entretient les labels », poursuit-il. Selon le

professionnel, l'attaché de presse musical et le journaliste musical ont toujours collaboré et

auront toujours besoin l'un de l'autre dans leurs méthodes de vente de leurs propres

produits. « Aujourd'hui, cette dynamique vertueuse paraît grippée par rapport à la

disparition d'un certain nombre de titres. Pour nous, attachés de presse, moins il y a de

titres, moins il y a de gens qui parlent de la musique, moins il y a de possibilités pour

laisser les artistes s'exprimer »9, explique Mathieu Pinaud. La presse musicale, et la presse

généraliste, quand elle traite un sujet musical, se retrouve finalement rarement libre. La

distinction entre l'information et la communication devient moins évidente. D'un côté, les

titres peuvent annoncer la sortie d'un album ou la programmation d'un festival, et d'un

autre, ils se retrouvent à faire une critique éminemment positive d'un album ou ajoute la

publicité d'un festival dans leurs pages.

Les festivals et la communication, les médias et le web

En 2014, les festivals sont au cœur du secteur musical, du secteur événementiel et

paraissent être des sujets primordiaux pour la presse, qu'elle soit musicale ou généraliste.

Ils reflètent l'image d'un territoire, d'une identité touristique, culturelle et artistique, en plus

de transporter l'image des artistes qu'ils programment. La transmission de ces images

constitue donc le souci premier des organisations festivalières. Si elles sont mises en place

7 « Presse musicale, la mue ou la mort », interview réalisée par Benoît Bouscarel sur le Mouv’ le 19

septembre 2013 8 « Presse musicale, la mue ou la mort », interview réalisée par Benoît Bouscarel sur le Mouv’ le 19

septembre 2013 9 « Presse musicale, la mue ou la mort », interview réalisée par Benoît Bouscarel sur le Mouv’ le 19

septembre 2013

9

par la direction artistique, elles sont véhiculées par la communication, dont une partie va

être destinée aux médias. L'articulation entre l’élaboration de la communication et le

traitement médiatique du festival est au centre de mon propos : c'est cette même

articulation qui va influencer, par la suite, la réputation, la réussite (notamment en termes

de fréquentation), et parfois, la viabilité d'un festival.

Actuellement, la communication la plus valorisée, la plus instantanée et la plus effective

sur le public des festivals se trouve être la communication digitale, via, entre autres, les

médias numériques. L’analyse tentera de se questionner autour des particularités de la

communication des festivals, à mi-chemin entre démarches marketing et promotion

culturelle, en étudiant ses manières d’agir auprès des médias numériques. Ces derniers, en

pleine effervescence et renaissance journalistique, choisiront de réceptionner cette

communication de différentes manières, que nous distinguerons. La problématique prendra

alors tout son sens autour de plusieurs cyber-interfaces : du blog au site d'actualité, en

passant par les pure-players et les réseaux sociaux, de quelle manière les festivals sont-ils

présents sur la toile ?

Comment sont donc traités les festivals dans les médias ? En quoi les stratégies de

communication d'un festival influencent-elles sa représentation dans les médias

numériques? La couverture médiatique d'un festival reflète-t-elle son identité et ses

propres objectifs de communication?

Mon mémoire tentera de répondre à cette problématique en mettant en corrélation la

communication des festivals et leurs différents traitements dans les médias numériques.

Dans une première partie, il s'agira d'analyser les démarches de la communication

événementielle appliquée aux festivals, ses stratégies d’impact auprès des médias et son

relai sur le web. À l’aide de témoignages et diverses études, je mettrai en lumière trois

types de communication festivalière, ainsi que leurs actions de promotion appliquées sur

Internet. Dans une seconde partie, les médias seront au cœur du propos : il s'agira de

déterminer les missions d'information et de communication autour des festivals à travers

différentes formes de traitement et choix éditoriaux. Nous verrons également en quoi les

sujets festivaliers captent particulièrement l’attention du secteur journalistique, lui-même

en pleine mutation. Après ces réflexions, je proposerai un diagnostic des relations entre la

communication des festivals, représentée par les attachés de presse, et les médias

numériques, représentés par les journalistes, qu'ils soient spécialisés en musique, en

culture, ou non. Je tenterai de déterminer également si les particularités de cette articulation

entre ces deux entités est propre aux festivals ou si elle est calquée sur d’autres événements

10

culturels.

Tout au long de la recherche, plusieurs festivals seront pris en exemple : en majorité

musicaux et à la renommée nationale, voire internationale, je me suis notamment attachée à

étudier des organisations comme celle du Printemps de Bourges, les Nuits Sonores ou

encore le Hellfest, mais aussi les Eurockéennes de Belfort, les Francos Gourmandes, le

festival Beauregard, les Vieilles Charrues, le Main Square festival, le festival Terres du Son

et bien d’autres.

11

Première partie – Le festival et sa communication : un

service à l’image de son identité

I. Les différentes formes de communication festivalière

Les représentations médiatiques des festivals proviennent, en partie, de l’image véhiculée

par les services de communication des organisations festivalières. D’un festival à l’autre,

cette image évolue au gré des stratégies de communication, elles-mêmes mises en place par

des échelles différentes de communication : un service intégré à l’organisation pilier, un

service sous-traité, ou un service segmenté sous une même hiérarchie.

A. Main dans la main avec la production : la communication intégrée

Dans la plupart des idées reçues, un festival fonctionne comme une entreprise : la

communication est un des services névralgiques, de même que, à l'échelle d'un événement,

la production, la technique, ou encore la programmation. Pourtant, de plus en plus, les

organisations festivalières, pour optimiser leur tâche artistique, font appel à des sociétés de

communication. Cette sous-traitance a un coût, et ce choix ne se pose donc qu'aux plus gros

festivals, qui ne sont, en réalité, qu'une minorité dans le paysage festivalier. Si les dix

festivals les plus importants, en France, en termes de fréquentation (dont, entre autres, le

Main Square, les Eurockéennes et les Vieilles Charrues) comptabilisent chacun un budget

moyen de 82 millions d'euros, plus de 50% des festivals ont un budget inférieur à 400 000

euros10

. Pour un souci d’ordre financier, la plupart des festivals contrôlent donc, dans la

plupart des cas, leur communication. En termes de statuts, il s'agit d'associations loi 1901

(qui ne représentent que 16% des recettes totales des festivals), ou de régies municipales,

SARL ou de SAS. Dans le secteur des « musiques actuelles », dans lequel les festivals

prolifèrent, la présence majoritaire d’associations loi 1901 s’explique par le fait que « la

plupart des initiatives sont issues d’acteurs de terrain, et dans une moindre mesure, […]

autour d’initiatives portées juridiquement par des collectivités locales »11

.

La communication, au sein des organisations festivalières suit la règle de la communication

intégrée, un concept marketing émergent dans les années 1990, selon lequel la

communication se retrouve relayée au même plan que les mêmes opérations d'une

10

Gérôme Guibert et Dominique Sagot-Duvauroux, Musiques actuelles: ça part en live! Mutations écono-

miques d'une filière culturelle, Edition de l'IRMA, 2013, Edition de l'IRMA, 2013 11

D’après les résultats de l'enquête nationale sur « les Actions culturelles et musiques actuelles » menée par

la FEDELIMA et l'OPALE

12

entreprise, pour adopter une stratégie commune, et en constante adéquation avec le budget,

la clientèle et le niveau de l'image. De plus, tous les niveaux de communication agissent en

synergie. L’une des caractéristiques de l' Integrated Marketing Communication est d'utiliser

plusieurs supports pour diffuser une campagne, et ainsi, multiplier les points de contact

avec les cibles visées. Alors que certains festivals, les plus spécialisés, vont utiliser le

système du crossmedia (atteindre plusieurs médias pour diffuser une même campagne,

améliorant la complémentarité), d'autres, à la ligne artistique et au public plus larges, sont

plus adeptes du transmedia (en faisant varier le discours de la campagne de communication

selon les médias, pour s'adapter à plus de cibles).

En lien avec le concept artistique du festival

Comme le stipule la théorie de la communication intégrée, l'atout premier de ce système de

communication permet au festival de véhiculer des informations et une image en lien direct

et en temps réel à son public, en accord parfait avec l'organisation. Si c'est le cas de la

majorité de festivals de petite et moyenne affluences, c'est encore le cas de certains

festivals de plus grosse ampleur, les « festivals-concepts », qui se sont construit une image

en même temps qu'une identité artistique. Les Nuits Sonores font parties de cette catégorie.

Festival de musiques électroniques de renom, organisé depuis 12 ans dans le cœur de ville

de Lyon, il est administré par l'association Arty Farty, qui compte plus d'une vingtaine de

salariés12

. Il a lieu en mai et programme des artistes en journée, en soirée et la nuit. La

communication agit en déclinant le concept du festival dans une campagne unanime,

effective sur plusieurs supports. Trois grandes idées en émergent : le festival se déroule

dans un environnement urbain, propose une expérience en continue de jour comme de nuit

et a pour mission artistique d'être avant-gardiste en matière de musiques électroniques. Les

stratégies de communication sont principalement axées sur le digital, et placent davantage

le public au cœur du mécanisme, au détriment, parfois, des médias. Les réseaux sociaux

sont majoritairement exploités « pour générer un fort sentiment d'attente générale »13

. Les

Nuits Sonores possèdent presque 50 000 fans sur Facebook et plus de 15 000 followers sur

Twitter, et sont présents sur autres plateformes. En termes de communication visuelle,

« elle doit solliciter l'ouïe et la vue en simultanée », selon les organisateurs. Deux teasers

vidéo sont conçus, et diffusés à un mois d'intervalle l'un de l'autre, à l'approche de

l'événement. Quant aux partenariats de communication, ils sont davantage privilégiés avec

12

Voir l’organigramme en annexe 13

Analyse de la communication des Nuits Sonores, Institut numérique, étude du 7 mai 2013

13

les entreprises proches des festivaliers, comme la SNCF, ou des médias digitaux, et

notamment, les blogs.

Miser sur l'identité du festival

Noyées dans la masse, les programmations de festivals ne suffisent pas à constituer à elles-

seules les bases de communication des organisateurs. « Il faut aller voir au delà »14

,

témoigne Cédric Chamoulaud, chargé de communication au Free Music Festival, qui se

déroule au lac de Montendre, en Charente-Maritime, chaque année, au mois de juin.

Notamment quand il s'agit de s'attaquer aux relations presses, car les journalistes vont

rarement s'intéresser de près à un festival sans établir de partenariat. « Nous avons une

programmation moins alléchante que les gros festivals », avoue Cédric Chamoulaud.

« Pour ma communication à la presse, je privilégie donc le lieu idyllique du festival, le lac

de Montendre, avec une plage et un parc, puis le projet artistique, soit faire côtoyer des

grosses têtes d'affiche, des groupes en devenir et des groupes locaux, et enfin, je m'attaque,

au cas par cas, aux artistes de la programmation ». Sur ce dernier point, le chargé de

communication, qui endosse aussi le rôle d'attaché de presse, va pouvoir s'adresser aux

magazines et sites web spécialisés, en jonglant entre communiqués de presse généralistes,

et communiqués de presse argumentés et ciblés sur un artiste pour convaincre davantage le

journaliste. La communication du Free Music Festival porte une attention particulière aux

médias locaux. « Plus ils vont jouer le jeu, plus on leur donne des privilèges en terme de

couverture. Ils ont un rôle essentiel sur notre territoire, et donc sur notre public », constate

Cédric Chamoulaud. « J'accorde aussi beaucoup d'intérêt aux blogs, tout aussi légitime que

des sites d'actualité. Je vais accréditer un blog mais peut-être même établir un partenariat

avec lui et lui faire rencontrer des artistes. Il y en a de plus en plus, et ils ont de

l'influence », poursuit-il.

Pour être rémunéré de ses actions de communication sur le Free Music Festival, Cédric

Chamoulaud a monté sa propre agence de communication, Roost, basée sur Bordeaux.

« J'ai tout appris au Free Music Festival. J'ai commencé par booker des groupes et je

continue à participer à la plupart des réunions. Mais je me concentre sur l'ensemble de la

communication », explique-t-il. La direction du Free Music Festival a un regard permanent

sur le travail de son chargé de communication. « On est en parfait accord avec l'image

qu'on veut donner. Pour ça, je dois bien connaître le projet », constate Cédric Chamoulaud.

« Je ne dois pas m'égarer, rester cohérent. Et tout est validé par le directeur ».

14

Propos recueillis lors d’un entretien téléphonique

14

La communication personnelle des petites structures

« Une bonne communication doit être en accord avec ce qu'elle annonce », assure Sarah

Courson, chargée de communication du festival des Ingrédients, qui se déroule chaque

année près d'Orléans. « J'essaye de faire coïncider mon vocabulaire, mes tournures de

phrases avec les promesses de l'événement, du visuel, et de la programmation »15

, poursuit-

elle. Les choix artistiques sont donc en lien direct avec les stratégies de communication.

Dans des petits festivals aux multiples partenaires, institutionnels ou privés, les outils de

communication doivent même être validés au delà de la direction artistique ou de la

production. « Si la direction du festival est collégiale, la seule validation qui peut être

significative est celle du visuel principal, qui est validé par la mairie d'Ingré, commune sur

laquelle se déroule notre festival et aussi, notre partenaire principal », avoue Sarah

Courson.

Intégrer la communication aux pôles névralgiques de l’organisation est avant tout un

avantage pour les plus petites structures. « Même si les réunions sont souvent longues,

laborieuses car il faut que tous les pôles s'expriment, pour bien défendre un événement, il

faut être cohérent dans son travail, se sentir intégré dans une équipe », poursuit la chargée

de communication16

. La prestation de service appliquée à la communication semble parfois

trop impersonnelle, en particulier lorsqu'elle s'adresse à un festival associatif, mettant

l'humain au cœur des préoccupations. « Rien à voir avec les stratégies de communication

que pourrait adopter une entreprise spécialisée dans la vente de produits », ajoute Sarah

Courson. Et les attitudes d'un festival comme celui des Ingrédients, face aux médias, se

résument à s'adapter à la ligne éditoriale de chaque titre pour pouvoir vendre au mieux son

événement. « On privilégie la qualité à la quantité »17

, énonce Thibaud Pécho, chargé de

communication du festival Musik'air, qui survit depuis plus de dix ans grâce à sa centaine

de bénévoles. « On préfère approfondir nos relations avec certains médias locaux, qui vont

communiquer sur notre festival régulièrement pendant l'année, plutôt que de perdre du

temps à obtenir un encart dans Les Inrocks ». Sarah Courson renchérit : « Je pars toujours

d'un échange cordial avec les journalistes quelle que soient leurs lignes éditoriales, puis, si

les informations sont les mêmes, je vais mettre l'accent sur des détails différents. Un média

sensible au développement durable, on va lui parler de nos toilettes sèches, de notre

vaisselle réutilisable. Un média musical, on va lui brosser le portrait de nos artistes selon

son style de musique de prédilection... ». Pour les festivals associatifs, d'origine

15

Propos recueillis par échanges de mail 16

Voir l’organigramme en annexe 17

Propos recueillis lors d’un entretien

15

municipale, ou des petites ou moyennes sociétés, la communication ne va pas s'appuyer sur

des stratégies de communication à proprement parler. « Ce n'est pas le type de média qui va

orienter ma manière de communiquer mais le type de personnes qui utilise et consulte ce

média. C'est le public qui est au cœur de nos préoccupations », ajoute Sarah Courson.

Manque de budget (13% du budget total en moyenne, troisième dépense des festivals après

les frais artistiques – 55% - et les frais administratifs - 22%-18

), manque de main d'œuvre et

de temps, les festivals de petite et moyenne ampleurs possèdent leur propre

communication, intégrée directement aux autres pôles de l'organisation du festival. Plus

proche des choix artistiques, mais aussi plus proche de son public, elle peaufine ses outils

de communication d'années en années, avec une bonne connaissance de son territoire et des

médias qui y sont installés. D'autres festivals, plus conséquents, dont les réputations

surpassent parfois les frontières nationales, font encore preuve d'une communication

personnelle, à leur image, et qui colle aux choix artistiques dans les moindres détails. Il

s'agit là de « festivals concepts ». Les Nuits Sonores, les Transmusicales de Rennes, le

festival international d'Art lyrique d'Aix-en-Provence, Astropolis... tous ont une histoire

particulière, construite sur une volonté artistique précise, menée à bien dans un contexte

social, territorial, politique particulier. La communication intégrée véhicule donc une image

du festival intacte, unique, fidèle à ses concepts, et veille à ce qu'elle soit reprise dans les

médias. Elle s'attache d'autant plus à soigner cette image que multiplier sa présence

médiatique pour attirer toujours de nouveaux publics.

La communication intégrée occupe donc un rôle de taille dans la stratégie marketing

festivalière, elle prend place au cœur de l'organisation, en lien direct avec la réflexion

artistique et conceptuelle du festival. Elle joue notamment un rôle important pour les

relations avec le public, de sorte à entretenir la fidélité des festivaliers. Elle agit avec une

stratégie particulière, propre à chaque festival, dans sa communication visuelle, dans son

message de communication mais aussi dans ses relations avec la presse, pour tenter de

retransmettre exactement l'image du festival. La réussite du festival repose donc beaucoup

sur cette communication intégrée.

B. Une optimisation des compétences : la communication sous-traitée

Depuis la fin des années 1990, la sous-traitance est monnaie courante dans le monde de

l'entreprise. Le phénomène n'a pas échappé aux festivals, dont les initiatives sont portées

18

Chiffres issus d’une enquête réalisée en 2002 par la fédération France Festivals

16

par une ou plusieurs personnes, animées par un souhait culturel et qui n'ont souvent pas

toutes les compétences en mains pour monter de A à Z un événement culturel. Sécurité,

préparation du catering, technique... tous ces maillons de l'événementiel ont besoin, dans la

plupart des cas, d'être exécutés par des professionnels. Dans le milieu des TIC19

, en 2006,

29% des entreprises d'au moins dix salariés confiaient à des prestataires extérieurs des

fonctions requérant des professionnels du genre20

. Souvent, on remarque également que

plus le nombre de salariés augmente dans l'entreprise, plus la sous-traitance devient

systématique pour une partie des tâches. En effet, appliqué aux festivals, ce constat se

vérifie : quand un événement dépasse des taux de fréquentation de l’ordre de 10.000

personnes, la sous-traitance devient obligatoire, pour la qualité du déroulement, mais aussi

car à ce stade, il peut se le permettre financièrement. Il libère ainsi une partie de la main

d'œuvre pour se consacrer sur sa ligne artistique.

Le Printemps de Bourges : garder le contrôle par des filiales

La sous-traitance, c'est un domaine que le Printemps de Bourges connait bien. Toutefois, il

ne fait pas sous-traiter à n'importe qui : les entreprises mises à contribution ont toutes un

lien étroit avec le festival. Et souvent, ce lien s'appelle Daniel Colling. « Colling est un

boulimique qui a bien du mal à citer toutes ses casquettes », comme l'énonce Libération21

.

Daniel Colling, entrepreneur du spectacle, s'est fait un nom dans le milieu en fondant le

Printemps de Bourges en 1976. Le festival est alors une association loi 1901, puis devient

autonome de 1983 à 1985. Mais la forme associative paraît trop contraignante à Daniel

Colling. Le Printemps de Bourges évolue donc en SARL à but non lucratif afin de

s'affranchir de l'influence des pouvoirs publics, devenu trop exigeants en retour de leurs

subventions22

. Ainsi, le festival conserve sa mission associative en réinvestissant tous ses

bénéfices dans la manifestation. La SARL a la possibilité de faire davantage appel à

d'autres entreprises pour leur déléguer certaines tâches. C'est également en 1986 que Daniel

Colling fonde sa propre entreprise de logistique du spectacle vivant, Coulisses. Il met à

contribution ses investissements techniques du Printemps de Bourges, mais sur toute

l'année, aux événements qui souhaitent les louer. Coulisses permet aussi d'assurer

« l'autonomie des services techniques » du Printemps de Bourges, même si, à présent, le

19

Technologies de l'information et de la communication 20

D’après une enquête de l’INSEE, La sous-traitance des tâches liées aux nouvelles technologies, par

Mahmoud Jlassi et Xavier Niel, Les services en France, édition 2008 21

Article de Libération, Ses boîtes à musique, par François Meurisse, 21 avril 2009 22

L'extravagante épopée du Printemps de Bourges, Bertrand Dicale, Editions Hugo Image, 2007

17

festival ne représente que moins d'un tiers de son activité totale. C'est aussi cette même

année que la société Argos devient partenaire du Printemps de Bourges pour prendre en

charge la recherche de partenariats privés. Argos est l'entreprise de Charles Robillard,

administrateur historique du Printemps de Bourges et qui fonde sa propre maison en 1986,

en se servant de son expérience à Bourges. Argos assure encore aujourd'hui le pôle des

partenaires privés du festival.

Depuis 2002, le Printemps de Bourges fait sous-traiter également la conception de son site

Internet à FluxBinaire, un duo de graphiste basé dans le sud de la France, qui travaille

depuis avec beaucoup d'autres événements et acteurs culturels tels que l'Aluna Festival23

,

le MaMA24

, le tourneur Uni-T, le Réseau Printemps...

Le Hellfest : Gérer son image à distance

Si c'est l’un des plus gros festivals actuels français, c'est aussi l’un des plus polémiques. Le

festival se déroule à Clisson, en Loire-Atlantique depuis huit ans. Son ancêtre, le Furyfest,

avait fini par prendre fin à la suite de grosses difficultés financières. Après un déficit en

2004, l'équipe associative du Furyfest décide de léguer les droits du festival à d'autres

promoteurs et se concentre sur l'organisation. C'est finalement un échec et les déficits

s'enchainent. C'est ainsi qu'est né le Hellfest, avec l'esprit du Furyfest, ses salariés, et l'aide

de la municipalité. Côté communication, Yoann Le Nevé et Ben Barbaud, à la tête de

l'événement, avaient peinaient à se faire un chemin parmi les médias spécialisés en métal et

notamment se trouver des partenaires. Pour survivre après le Furyfest, ils avaient besoin

d'étoffer leur carnet d'adresses tout en changeant d'image auprès de la presse. Ils ont alors

fait appel à des attachés de presse extérieurs comme Olivier Garnier et Roger Wessier. Une

de leurs missions était de se rapprocher de l'équipe de Rock Hard France, réticente vis-à-vis

du Hellfest à cause de publicités impayées datant du Furyfest. « Grâce à Olivier et Roger,

qui étaient des amis de Rock Hard France, les choses ont été mises à plat », explique Yoann

Le Nevé dans une interview à Radio métal25

.

Le Hellfest a finalement validé leur collaboration avec Roger Wessier et Olivier Garnier, en

confiant les relations presse à leur société, Replica Promotion. À partir de 2008, l'image du

festival s'est améliorée grâce à la sous-traitance d'une partie de la communication. « On

23

Festival de musiques actuelles, se déroulant en Ardèche chaque année au mois de juin. 24

Festival de musiques actuelles, réunissant professionnels de la musique et public, afin de faire découvrir les

talents de demain. Il se déroule à Paris, dans les quartiers Pigalle et Montmartre, chaque année au mois

d’octobre. 25

Le Hellfest et sa communication, interviews réalisées par Radio Métal, par Amaury Blanc en avril 2010

18

faisait tout en DIY26

[…] on bosse avec des gens de l'extérieur pour travailler avec nous sur

l'image du festival, avec les magazines ou avec les contacts qu'on n’avait pas forcément »,

explique Yoann Le Nevé. Ça leur permet aussi de s'ouvrir sur les publications grand public.

« On élargit la programmation comme on ouvre notre communication à un plus large

public, avec des supports comme Ouest France par exemple », poursuit-il.

Toutefois, Yoann reste décisionnaire sur la communication ainsi que Jeff, recruté dans

l'équipe du Hellfest et qui gère le web, et Alexxx. À eux deux, ils s'occupent des partenaires

médiatiques et ils laissent les accréditations et autres missions quotidiennes des relations

presse à Replica Promotion, agence spécialisée depuis dans le hard rock et le métal. Elle

travaille également avec le Sonisphère, Nous productions, et elle fait la promotion de

certains groupes de rock en France (Mötorhead, Nickelback, Kiss ou encore Scorpions). La

communication du Hellfest est davantage axée sur Internet que sur la presse écrite.

« Internet est le futur de la presse et c'est vraiment imbattable au niveau des retours et de la

réactivité », déclare Jeff, interrogé lui aussi par Radio métal. Le professionnel accorde

beaucoup d'intérêt aux webzines, blogs spécialisés dans le métal, mais se concentre aussi

sur les médias internationaux, notamment anglais, qui sont beaucoup plus friands de ce

genre de musique que les français.

La sous-traitance, le prix du bon réseau

Si beaucoup de festivals font appel à des chargés de relations presse extérieurs, c'est que,

dans la plupart des cas, ces professionnels ne se trouvent pas dans les équipes

d'organisation. « C'est un vrai métier. Souvent, c'est un chargé de communication qui s'en

occupe, mais il n'a pas la bonne maîtrise des relations avec la presse »27

, constate Isabelle

Louis, qui possède sa propre agence de relations presse à Paris. La professionnelle, qui

s'occupe notamment du Festival Némo (arts numériques), du Festival théâtral du Val

d'Oise, ou encore de la Semaine digitale à Bordeaux. « Communiquer à la presse sur un

festival n'est pas exactement pareil que de communiquer sur un autre événement culturel,

comme une exposition. Les paramètres temporels exigent que tous les papiers paraissent en

même temps. Il faut tout gérer de front et les délais sont courts », avoue-t-elle. Sans oublier

les partenariats médiatiques, qui deviennent essentiels et qui sont à la charge de l'attachée

de presse sous-traitée. « Si la marge de manœuvre est généralement très libre pour la

26

« Do it Yourself » (“le faire soi-même”, en anglais) 27

Propos recueillis lors d’un entretien téléphonique

19

communication presse, pour le choix du partenaire, il se fait main dans la main avec le

client », déclare-t-elle. À chaque nouveau contrat avec un client, Isabelle Louis étudie le

projet et le festival, et soumet un fichier presse, fait-sur mesure spécialement pour le

festival, à son commanditaire. « Je m'adapte au festival, à son concept, et je définis la cible

: quels sont les publics potentiels de ce festival ? Ça m'oriente dans mon choix des

médias », explique-t-elle. « Par contre, si un client m'exige absolument un papier dans

Télérama, je lui explique que c'est une chose qu'il m’est impossible de promettre ».

La sous-traitance, pas si impersonnelle que ça

Par définition, la communication requiert de retransmettre l'esprit du festival au potentiel

public, par le biais des médias ou autres supports de communication. Pierre angulaire de

beaucoup de manifestations, la communication peut difficilement être considérée comme

sous-traitée pour certaines manifestations. En effet, les agences de communication

multiplient les contrats avec les festivals, et la communication en elle-même peut alors

paraître impersonnelle. « C'est vrai qu'on a une tâche lourde sur les épaules : on doit

représenter l'identité du festival. On passe alors beaucoup de temps à chaque début de

contrat à s'imprégner du concept de l'événement, à faire connaissance avec les équipes du

festival »28

, explique Marie-Laure Girardon, attachée de presse au 2e bureau, une agence

de conseils en communication parisienne. Cette dernière travaille notamment pour le

Festival de la Photographie Méditerranéenne (Photomed), le Festival international de Mode

et de Photographie de Hyères, ou encore le Festival Photo Peuples et Nature de La Gallicy.

« On s'occupe de tout, de la conférence de presse pour annoncer la programmation, à la

gestion des interviews sur place lors du festival, en passant par les demandes

d'accréditation », poursuit-elle. « On a carte blanche sur la plupart des choses, on réserve

les meilleurs créneaux d'interviews aux journalistes qui auront le plus d'influence selon

nous, et on met en place nos propres astuces pour tenter de faire venir une chaîne de

télévision, ce qui est le challenge le plus compliqué pour un attaché de presse ».

Les limites de la sous-traitance

Marie-Laure Girardon ne voit pas la communication sous-traitée comme trop

impersonnelle pour un festival. « `À chaque festival, les journalistes ne sont pas les

mêmes », justifie-t-elle. Et pourtant, certains attachés de presse indépendants s'occupent de

tellement de festivals qu'ils ont tendance à perdre parfois leurs interlocuteurs. Mélissa

28

Propos recueillis lors d’un entretien téléphonique

20

Phulpin est l’une des plus réputées sur le marché des musiques actuelles. Avec sa boîte

Melissa Promotion, elle gère notamment les relations presse du Pitchfork Music Festival de

Paris, du Festival Fireworks ou encore du Midi Festival. Pour que son carnet d'adresses

suive le moindre de son activité, l'attachée de presse a mis en place une mailing list, à

laquelle elle envoie une newsletter une à plusieurs fois par jour. Si un journaliste la

contacte dans le cadre d'un festival, il rentre dans son flux d'informations et reçoit la

promotion de tous les artistes de son répertoire. Pour les festivals travaillant avec Mélissa

Promotion, cette stratégie propose ainsi une grande visibilité auprès des journalistes, à

défaut d'offrir une communication propre à chacun. Ce type de communication permet

également à l'organisation festivalière de faire des économies, tout en se servant des

techniques virales du web, en ayant recours au mailing ciblé, au relai sur les blogs ou sur

les réseaux sociaux. « Les festivals importants font le choix d’une communication massive

et sur du long terme, pour atteindre des taux de remplissage optimum », analysent Camille

Gillet et Romain Bigay dans leur étude sur le Financement des festivals29

. La

communication sous-traitée met donc en place une promotion plus standardisée, au prix

d'une reconnaissance médiatique plus large, signifiant également un élargissement du

public pour le festival. Evoluant en parallèle de l'organisation du festival, et de manière

autonome, elle s'appuie sur des méthodes efficaces et un carnet d'adresses fourni. La

communication ainsi sous-traitée promet de beaux résultats pour promouvoir le festival :

elle assure une réactivité médiatique pour le festival dans l’optique de faire progresser sa

fréquentation et se faire connaître au-delà des frontières de son territoire.

C. Une organisation à étages : la communication segmentée

Loin d'être un pôle compact et uniforme, la communication de certains festivals s'organise

autour de plusieurs antennes, se découpent selon les différentes missions, se divisent

géographiquement pour mieux rayonner. Pour la plupart, il s'agit de festivals

historiquement ancrés dans le monde culturel, qui ont une influence forte sur l'activité du

secteur, et qui, en conséquence, comptent, parmi leurs équipes, beaucoup de personnel au

sein de leurs services de communication.

29

Financements des festivals, article de Camille Gillet et Romain Bigay, octobre 2011, publié sur le site de

l’Irma

21

La communication, enchaînée à un groupe événementiel

Contrairement au festival associatif, au festival indépendant financé par ses partenaires

privés, ou encore au festival subventionné par les pouvoirs publics, le festival dépendant

d'un groupe n'adopte pas les mêmes manières de communiquer. C'est le cas des Francos

Gourmandes, un jeune festival de Bourgogne, né sous l'impulsion de sa maison-mère,

Morgane Groupe. Ce dernier possède également les Francofolies de La Rochelle et, depuis

peu, à travers sa filiale C2G, le Printemps de Bourges. Il administre aussi des événements

de grande ampleur dans le secteur musical comme le Fnac Live, et s'occupe du

développement de certains artistes comme Natalia Doco ou encore Bosco Delrey. Les

Francos Gourmandes, considérées comme les petites sœurs des Francofolies de La

Rochelle, possèdent leur propre service de communication, bien distinct de celui des

Francofolies. « Par contre, la communication sur les réseaux sociaux est gérée par le

Community Manager du groupe, rattaché au service communication de Morgane Groupe

lui-même. Il fait la promotion via Facebook ou Twitter de tous les festivals du groupe »30

,

précise Marine Prot, responsable de la communication des Francos Gourmandes. Marine

Prot et son équipe travaillent à partir de Neuilly-sur-Seine, soit du siège social de Morgane

Groupe. « Une fois par semaine, je me rends sur place, à Tournus, en Bourgogne, dans la

ville où se déroule les Francos Gourmandes », poursuit-elle. Pour les Francofolies de La

Rochelle, les bureaux de l'équipe de communication se trouvent sur place et sont

administrés en interne. Cependant, elle travaille main dans la main avec Morgane Groupe :

les trajets La Rochelle-Paris s'effectuent également au moins une fois par semaine.

Concernant les relations presse, elles sont sous-traitées par des attachés de presse

indépendants, comme Brigitte Batcave pour les Francos Gourmandes.

La communication, délocalisée suivant les secteurs de compétence

Si le Printemps de Bourges est, depuis décembre 2013, rattaché à C2G, la filiale de

Morgane Groupe, il a conservé son organisation au sein de ses services de

communication31

. Ces derniers se concentrent dans la capitale ainsi qu'à Bourges. La

direction de la communication, menée par Fernando Ladeiro-Marquès, est implantée à

Paris mais se rend dans le Cher régulièrement dans l'année et durant toute la durée du

festival. Pauline Curel, assistante de communication pour la Presse Région Centre, détaille

la constitution des équipes. « Toute l'année, nous sommes quatre à Bourges, Tina

30

Propos recueillis lors d’un entretien téléphonique 31

Voir l’organigramme du Printemps de Bourges en annexe

22

Poulizac32

, moi, et deux personnes à la comptabilité. À Paris, en simultané, ils sont

également quatre : trois personnes à la direction ainsi qu'une assistante de direction »33

,

explique-t-elle. « Au fur et à mesure, les équipes de Bourges et de Paris grossissent à

l'approche du festival ». Les bureaux de Paris comptent davantage de personnel que les

bureaux à Bourges. Pourtant, le Printemps de Bourges joue un grand rôle pour son

territoire, et réciproquement. L'implantation locale des équipes est donc primordiale pour la

coordination des acteurs publics, les partenaires médiatiques, les partenaires privés, ainsi

que le public. « Tina Poulizac et moi-même sommes implantées localement. Nous

connaissons parfaitement la ville, les acteurs locaux et nous faisons partie de l'équipe

permanente du Printemps. Nous pouvons donc à tout moment faire le lien avec l'équipe de

Paris et intervenir en cas de besoins ou de conseils », raconte-t-elle. « C'est très important

d'être implanté dans le lieu où se passe le festival. Pour certains secteurs, c'est même

obligatoire, comme par exemple pour la technique, et pour les relations publiques ».

L'implantation parisienne du Printemps de Bourges permet également aux équipes d'être au

plus près des salles de spectacles, des artistes, et des professionnels (maisons de disques,

producteurs, tourneurs, et les médias nationaux).

Concernant les relations avec la presse, si les médias de la Région Centre sont uniquement

gérés par Tina Poulizac et Pauline Curel, les médias nationaux et internationaux sont en

lien avec Cécile Legros34

, Nicolas Pons35

et Delphine Caurette36

. « Nous sommes tous les

trois des prestataires extérieurs, pour faire la promotion du Printemps de Bourges, à partir

de Paris, et auprès des médias nationaux et internationaux, presse écrite, radio, télévision et

web confondus »37

, explique Delphine Caurette, qui a pour mission, pour le Printemps, de

se concentrer sur le digital. « On se répartit les médias avec les autres attachés de presse.

On est parfois en relation avec l'équipe permanente, mais nous travaillons avec notre

propre carnet d'adresses et avec nos propres outils », précise-t-elle. Sur Paris, l'attachée de

presse a la possibilité d'être davantage en contact avec ses clients, les labels, les attachés de

presse d'artistes, organiser des sessions de promotion avec les médias. « Globalement, nous

travaillons tous de la même manière pour le Printemps de Bourges. Nous avons tous les

mêmes démarches, le même timing, le même angle d'attaque, les mêmes périodes

32

Tina Poulizac est responsable des relations publiques et presse région Centre 33

Propos recueillis par échange de mails 34

Cécile Legros est attachée de presse indépendante. Elle travaille avec le Printemps, le MaMA, ou encore le

label Atmosphériques 35

Nicolas Pons est rattaché à l'agence de relations presses Opus 64, active auprès de plusieurs festivals

comme le festival d'Avignon, les Nuits de Fourvière, les Rencontres Musicales d'Evian... 36

Delphine Caurette est attachée de presse indépendante, qui s'occupe de la promotion d'artistes. 37

Propos recueillis lors d’un entretien téléphonique

23

d'action », poursuit Delphine Caurette. Durant la semaine du festival, tous les attachés de

presse se regroupent à Bourges pour accueillir leurs propres médias. Les plannings

d'interviews sont eux coordonnés par Pauline Le Tallec, de l'équipe permanente de

communication du festival. C'est d'ailleurs cette chargée de communication qui coordonne

les Community Managers et les web-designers du site Internet. « Ceci est un énorme atout

pour tout le monde car il n’y a pas d'autre prestataire intermédiaire pour la gestion du projet

à proprement parler qui se fait en interne (stratégie de communication, rédactionnel, […]).

Tout se fait en direct. Les contraintes principales sont certainement plus liées au domaine

de l’évènementiel en général plutôt qu’au Printemps en lui-même : changements de

dernière minute, dates butoirs définies dès le début… »38

, racontent Emile et Antoine, de

FluxBinaire, à l'origine du site Internet du Printemps de Bourges chaque année.

La communication, découpée en champs d'action

Certains festivals ne vivent qu'à travers leur communication, car ils rayonnent au delà des

frontières nationales et ont une influence considérable sur la filière culturelle. C'est le cas

du festival de Cannes, qui découpe sa communication en plusieurs services bien distincts.

Si une trentaine de personnes compose les équipes sur l'année, ils sont près de 700 à

travailler pour la manifestation durant le mois de mai, à Cannes39

. En 2014, 4.001

journalistes ont été accrédités, contre 3.335 en 2004. La communication regroupe donc le

service « Accréditations » (dirigé par Fabrice Allard, qui compte neuf personnes), le service

« Communication » (dirigé par Marie-Pierre Hauville, qui compte quatre personnes), le

service « Internet » (qui compte 14 personnes), le service « Partenariats » (qui inclut les

partenariats médiatiques et qui compte deux personnes), le service « Presse » (dirigé par

Christine Aimé et qui compte douze personnes), et le service « Presse audiovisuelle »

(dirigé par Frédéric Cassely et qui compte sept personnes).

La communication du festival s'ajoute également à la communication des marques

partenaires, mandatant souvent elles-mêmes des agences de communication pour

communiquer sur le festival de Cannes, via la mise en avant de produits de la marque. C'est

le cas d'Orange, qui, en 2013, avait confié la gestion de ses partenariats, la gestion

opérationnelle sur les lieux de l'événement, ainsi que la gestion logistique de son espace de

réception à l'agence Hypee Communication40

.

38

Si on parlait web, site et social network ?, Rencontre organisée par le webzine The Artchemists, article

écrit par Padme Purple 39

Informations recueillies sur le site officiel du festival de Cannes 40

Information recueillie sur le site officiel de Hypee Communication

24

La communication, soutenue par un réseau

Si les petits festivals associatifs n'imaginent pas payer un salarié, ni une agence pour

s'occuper de leur communication, ils ne sont pas les seuls à faire appel aux bénévoles pour

faire parler d'eux. Les plus gros événements s'octroient un réseau de correspondants,

souvent bénévoles, pour relayer l'image du festival en province, dans d'autres régions. Les

Vieilles Charrues ont recours chaque année à un réseau d'ambassadeurs pour distribuer les

supports de communication du festival dans plusieurs villes de France, en plus des

quelques 5.000 bénévoles présents sur le site durant la semaine de l'événement. En

échange, chacun reçoit son entrée gratuite pour participer aux quatre jours de concerts. De

même, le Printemps de Bourges a, depuis sa création en 1976, son réseau de plus de 300

correspondants qui assurent la promotion du festival ainsi que de la vente de places. L'un

des premiers correspondants du festival était d'ailleurs Gérard Pont, actuel directeur des

Francofolies. « C'était l'un de nos premiers colleurs d'affiche »41

, avait ironisé Daniel

Colling, co-fondateur du Printemps de Bourges, lors de la conférence bilan de l'édition

2014 du festival. Pour ces festivals, mêler la communication et le bénévolat résulte plutôt

d'un état d'esprit. Mais, pour les festivals de petite ampleur, le budget global des

organisations ne permet pas d'assurer une communication trop étendue, reposant

simplement sur les épaules de bénévoles dévoués. Car si 87% des festivals ont recours à du

personnel administratif, les bénévoles représentent près de 50% de toutes les personnes

participant au festival, si ce n'est pas 100% pour certains festivals. Le nombre moyen de

bénévoles par festival est de 30 personnes tandis que pour les permanents (dont 1/3 sont à

temps partiel), il est de 642

.

La communication décousue en plusieurs services résulte souvent d'une division des

décisions. Si les festivals de grande ampleur ou les festivals appartenant à des groupes

tentent de conserver des missions de communication en interne, souvent, ils confient

quelques unes de leurs tâches à d'autres acteurs du milieu, pour optimiser leurs

performances, et être certains d'atteindre toutes leurs cibles, publics comme médias. La

communication que l’on a appelé ici « segmentée », est reliée à une direction, et répartit les

tâches suivant les compétences des attachés de presse, du terrain d’action, dans le but

d’optimiser la proximité avec le public et la presse, et de personnaliser sa communication

en conservant une même ligne directrice. Le soin de l’image du festival repose alors sur

41

Propos recueillis lors de la conférence bilan du Printemps de Bourges 2014 42

Compte rendu du colloque « La musique a-t-elle besoin de festivals? » les 13 et 14 novembre 2003, orga-

nisé par France Festivals à l'abbaye de Royaumont, Val d'Oise

25

l’entretien des bonnes relations avec les acteurs locaux. Le festival mise sur sa réputation,

sa reconnaissance auprès de la filière et de ses pairs.

Au sein de l’organisation d’un festival, la communication peut prendre plusieurs places. Si

parfois elle fait partie du centre névralgique de l’organisation, elle peut être aussi relayée au

second plan, agissant de manière externe à la construction de l’événement. En termes de

stratégies festivalières, la communication intégrée va faire preuve de singularité dans sa

manière d’agir, auprès de son public et des médias, mettant notamment le digital au cœur

d’un réel questionnement. Dans cette même logique d’uniformité et de communication

d’une image propre, la communication « segmentée » s’attachera à conserver des directives

construites par l’organisation du festival, en les adaptant à ses différents interlocuteurs, de

sorte à garantir son rayonnement en termes de communication. En revanche, la

communication sous-traitée, si elle apparaît être une solution de plus en plus efficace pour

de nombreux festivals, assure une garantie pour la fréquentation de l’événement, mais

n’apparaît pas se démarquer auprès des médias, ni dans son contenu, ni dans ses méthodes

de communication.

II. Les stratégies de communication des festivals

Au sein des équipes de communication, les stratégies de communication se construisent

autour du festival en lui-même, de son concept, de son image et notamment de son public.

Si certains vont adopter des méthodes de communication événementielle, d’autres vont

privilégier les réseaux sociaux, la communication autour de leur programmation ou encore

la mise en place de partenariats de communication. Cette partie s’attachera à évaluer

l’impact de ces différentes stratégies auprès du public cible, mais aussi des médias, et

notamment des médias numériques.

A. La communication événementielle

L'image des festivals dans les médias provient de la communication des festivals, soit la

façon dont les attachés de presse vont promouvoir l'événement auprès des médias. Sont

appelées « relations presse » les directives de la communication du festival en matière de

communication médiatique. Les missions des chargés des relations presse vont donc suivre

les stratégies de la communication établies par l’organisation du festival. Ces dernières sont

internes à chaque festival et vont être indispensables, notamment sur le net, pour attirer un

26

public noyé dans une masse de propositions et d'informations culturelles. Comme tout

événement, la communication festivalière va se développer à travers les principes de la

communication événementielle. Cette dernière est définie par Philippe Baux, en 1991,

comme étant un « système composite de communication mis en œuvre par une organisation

autour de l'association de son nom ou de sa marque à un événement à caractère socio-

culturel »43

. La communication événementielle est donc un mélange entre une

communication commerciale, soit du marketing, dotée d'une communication d'image44

.

Cette communication englobe une stratégie marketing, définie par la notion des « 4 P » :

prix, produit, publicité et public. Elle conserve également les principes de l'acte de

communication, à savoir le fonctionnel (échange d'informations), le social (le partage) et le

créatif (les choix et les relations de pouvoir). Selon Jay Perlstein et Sylvère Piquet, ce type

de communication délivre « un message social qui touche le spectateur ou l'auditeur dans

son aspiration à faire partie d'une communauté sociale, sportive ou artistique »45

.

Exercée à l'aide d'un planning rétroactif par les attachés de presse (appelés communément

« RP »), cette communication exige, dans un premier temps, de déterminer précisément

l'identité de ses cibles médiatiques. « L'évaluation de l'efficacité des actions des RP dépend

des choix des interlocuteurs », énonce Philippe Morel, dans son ouvrage Les RP au cas par

cas46

. Avec l'évolution du métier de journaliste ces derniers temps, les RP ont gagné plus de

reconnaissance dans le milieu événementiel qu'ils ne l'avaient auparavant. Leur tâche est

même devenue complexe en raison de la situation des journalistes : réduction d'effectifs au

sein des rédactions, surcharge et surenchère de l'information, accélération du rythme avec

Internet,... Les RP ont donc l'objectif d'enjoliver l'information pour attirer l'attention des

journalistes. Du côté des journalistes, le métier d'attaché de presse est souvent plus proche

du marketing que de la communication. « Le journaliste et l'entreprise ne poursuivent pas

le même objectif […] quand une entreprise décide de communiquer, elle prend un risque :

celui d'avoir en bout de course un message qui ne correspond pas à celui qu'elle souhaitait

faire passer », avoue Olivier Samain, grand reporter sur Europe 1. Finalement, la relation

de confiance, celle qui induirait une « communication transparente » n'existe presque

jamais. Philippe Morel arrive à la conclusion qu'il règne une incompréhension réciproque

43

Philippe Baux (1991), Modèles de persuasion et parrainage sportif, Revue Française de Marketing, n° 131,

1991/1, pp51-67 44

Philippe Boistel, La communication événementielle, plus stratégique que commerciale, Management &

Avenir, N° 6, avril 2005, Management prospective 45

Jay Perlstein, Sylvère Piquet, (1985), La communication dans l’événement : sponsoring et mécénat, Revue

Française du Marketing, 105, 31-40. 46

Philippe Morel, Les RP au cas par cas : les relations publiques au service des relations presse, novembre

2002, Vuilbert, série Entreprendre

27

entre les attachés de presse et les journalistes. Si bien que les journalistes se posent souvent

la question de savoir si ce sont les attachés de presse qui ont valorisé l'impact et la durée de

l'événement ou si c'est l'événement qui a permis de mobiliser les journalistes et d'obtenir,

de ce fait, davantage de rédactionnel.

La communication événementielle, appliquée aux festivals, exige de rythmer ses actions

autour d'un calendrier, appuyé sur l'avancée des directions artistiques et directions de la

production. En effet, Pauline Curel, chargée des relations presse Région Centre au

Printemps de Bourges, avoue mettre en route son travail d'attachée de presse quatre mois

avant le festival, lors de l'annonce de la programmation. « Outre les quelques spectacles

que l’on dévoile et que l’on met en vente entre octobre et décembre, le point de départ est

en général la conférence de presse qui annonce la programmation complète et qui a lieu, en

général, fin janvier, à Bourges », explique-t-elle. « Ensuite, nous organisons

traditionnellement à Bourges, fin février, une grosse soirée de relations publiques au Palais

d’Auron, soirée à laquelle sont invitées toutes les personnes liées à l’organisation du

festival : fournisseurs, prestataires, bars et resto du Printemps dans la ville, nos

correspondants, les partenaires médias, professionnels, privés et publics…et bien sûr tous

les journalistes de la presse Région Centre. C’est à partir de ce moment là que nos relations

avec les journalistes du territoire s’intensifient »47

, poursuit-elle. C'est à peu près à la même

période que les journalistes adressent leurs demandes d'accréditations et d'interviews. Il

s'agira pour l'attachée de presse d'autoriser ou non les journalistes à participer, et à établir

les « plannings promo » suivant chaque artiste et chaque média. À chaque nouvelle

information, des communiqués de presse sont envoyés aux journalistes. « Le communiqué

met en avant des détails originaux, toujours avec un contenu clair et concis », énonce

Philippe Bachmann dans son ouvrage Communiquer avec la presse écrite et

audiovisuelle48

. Il peut prendre la forme de lettre d'informations, bulletin de presse ou

encore newsletters. S’il ne constitue pas l’essentiel de l'activité pour un festival comme le

Printemps de Bourges, beaucoup de petites organisations festivalières entretiennent le lien

avec les journalistes avec le système de la « relance », à l'aide du fichier presse. À chaque

conversation par téléphone ou par mail avec un journaliste, l'attaché de presse fait des

annotations sur son fichier, propre à chaque média, pour pouvoir développer au mieux la

relation avec ce média. « Il faut la renouveler tous les jours, impérativement »49

, insiste

47

Propos recueillis par échange de mails 48

Philippe Bachmann, Communiquer avec la presse écrite et audiovisuelle, troisième édition, Editions

Victoires, Collection Techniques de communication, décembre 2009 49

Propos recueillis lors d’un entretien téléphonique

28

Delphine Caurette, chargée des relations presse digitales pour le Printemps de Bourges.

Pendant le festival, l'attaché de presse doit accueillir les journalistes et s’assurer du bon

déroulé des interviews chaque jour, régler les différents problèmes qu'il peut y avoir entre

les médias, les managers ou chargés de promotion d'artistes, les captations de concert ou

encore les photos en devant de scène… Une fois le festival terminé, l’heure est aux bilans.

Une des plus grosses missions de l'attaché de presse consiste à regrouper tous les articles de

presse parus avant, pendant et après le festival, toutes régions confondues et tous supports

de presse confondus. Il s'agit d'établir un press-book, une revue de presse ou un panorama

de presse. Il faut également comparer les espaces rédactionnels à la publicité et en tirer des

conclusions pour l'année suivante. C'est ce que les attachés de presse appellent le media

value ou Ad Value Equivalent, ce qui correspond à calculer la taille ou l'espace du festival

dans un média et la comparer au prix de l'espace publicitaire alloué correspondant. Les

attachés de presse analysent également le fond de l'article, ainsi que sa forme, le comparent

au propos du dossier de presse, et jugent si la retranscription valorise le festival ou non.

Auquel cas, le partenariat ou la présence du média sur le festival sera remise en question.

L'échec de la communication événementielle serait alors l'échec médiatique de l'événement

lui-même.

En plus des missions des « RP », la communication événementielle compte également des

missions de valorisation de l'image du festival. Si certains adoptent des stratégies digitales,

en diffusant des informations sur le web, d'autres optent pour la communication visuelle,

par la distribution d'affiches ou de flyers sur un territoire donné. Une bonne communication

événementielle, selon Philippe Baux, revient à remplir toute une série de conditions : « la

visibilité offerte par l'événement, de bonnes conditions climatiques, une ouverture

médiatique suffisante et une attitude favorable de la cible par rapport à l'événement »50

.

La communication événementielle va effectuer le relai d’une image, en faisant le choix de

se démarquer afin d’interpeller son public, en utilisant des techniques de marketing. Les

médias vont entrer dans cette stratégie de communication, ils vont bénéficier d’une

communication ciblée, ayant dans l’optique de séduire les journalistes par l’originalité du

message de communication. L’organisation du festival génère alors une attente, à la fois

auprès de ses festivaliers, mais aussi auprès des médias. Il s’agit en réalité d’un cercle

vicieux : si une date du festival affiche complet au bout de quelques heures, les médias vont

en parler. Dans d’autres termes, si la communication événementielle fonctionne auprès du

50

Philippe Baux (1991), Modèles de persuasion et parrainage sportif, Revue Française de Marketing, n° 131,

1991/1, pp51-67

29

potentiel public, elle fonctionnera auprès des médias.

B. La mise en place de contrats de communication

Avec l'augmentation du nombre de festivals, la hausse du cachet des artistes, ainsi que la

baisse des subventions des partenaires publics, les organisations festivalières se

questionnent de plus en plus à propos de leur rentabilité et de leur survie. Elles sont

nombreuses à faire appel à des partenaires privés, et notamment à des partenaires

médiatiques. En effet, au même titre que les marques, les médias peuvent devenir des

partenaires selon un échange de bons procédés avec le festival. Ainsi, couvrir un festival

pour un média peut aller plus loin.

La plupart des festivals se financent selon le système des trois tiers51

: un tiers provenant

des ressources propres, un tiers des partenaires publics et un tiers des partenaires privés. Le

risque pour les organisateurs est de voir augmenter le tiers des subventions publiques et de

devoir envisager de sacrifier des choix artistiques. Les autres moyens de financement sont

alors envisagés. Pour Vincent Carry, directeur des Nuits Sonores, à Lyon, le partenariat est

un mode de communication poussé. « Les marques ne veulent plus simplement négocier un

placement de logo ou une visibilité avec les événements ou les acteurs culturels. Elles

veulent être elles-mêmes des acteurs, donc co-construire l'événement »52

, explique-t-il. Du

côté de François Missonnier, directeur de Rock en Seine, à Saint-Cloud, les marques

permettent aussi au festival d'évoluer. « Une des clefs est que le partenaire et le festival

sortent contents de l'expérience pour travailler ensemble sur la durée et ne pas repartir à

zéro à chaque édition », constate-t-il. Tandis que pour le festival, les efforts se concentrent

davantage sur la production et l'organisation artistique, du côté des titres de presse, cette

diversification des ressources financières apparaît également comme un second souffle.

En 2011, les Eurockéennes de Belfort ont changé leur stratégie de communication en

allouant un budget supplémentaire de 1 300 000 euros53

. Pour son édition de la même

année, le festival possédait 14 partenariats médiatiques, qui se sont traduits par,

notamment, un concert de Katerine diffusé en direct sur Direct Star, en échange de spots de

publicité et encarts dans la version papier (190 000 euros), un journal télévisé France 3

51

Débat - Les festivals deviennent-ils des produits standardisés, Musique Info, n° 539, mai 2012, Maud Philippe-Bert et Romain Berrod 52

Financements des festivals, article de Camille Gillet et Romain Bigay, octobre 2011, publié sur le site de

l’Irma 53

Plan de communication des Eurockéennes de Belfort, publiée sur Internet par Laurent Doucelance,

directeur de la communication du festival

30

Franche-Comté enregistré en direct du festival, diffusé sur des écrans géants (53 000

euros), des spots contre la diffusion de concerts en direct sur Radio France (96 000 euros),

des pages spéciales dans la presse quotidienne régionale, ainsi qu'une exclusivité sur la

diffusion de la programmation officielle (192 000 euros), des pages spéciales dans Les

Inrocks ainsi que la couverture éditoriale (27 000 euros) et un supplément spécial dans

Rock&Folk (48 000 euros).

Pour Virgin Radio et Virgin 17, passer un contrat de communication avec un festival est

une vraie politique. Entre autres, la maison médiatique est partenaire des Eurockéennes de

Belfort, de Musilac, des Vieilles Charrues, de Rock en Seine, et soutient Papillons de Nuit,

le Hellfest ou encore le Mainsquare Festival. En ce qui concerne Musilac, Virgin met à

disposition du festival 125 spots de publicité, des soirées d'antenne dédiées au festival, une

campagne de communication dès la mi-mars, une présence sur la home-page des sites

Internet Virgin Radio et Virgin 17, ainsi qu'une insertion dans les newsletters54

.

Loin d'être le seul, le festival Beauregard, qui se déroule chaque année en juillet à

Hérouville-Saint-Clair, en Normandie, propose sur son site Internet une plaquette de

présentation pour de potentiels partenaires médiatiques. Il offre la possibilité au média

d'être « au cœur de l'événement et de bénéficier d'un accueil exclusif et d'une visibilité

nationale »55

. Pour son édition 2014, le festival possèdait d'ailleurs 18 partenaires presse,

de France Bleu à Modzik, en passant par Glamour, Caen Poche et À Nous Paris. Les

médias constituent donc une catégorie de partenaires à eux seuls, aux côtés des partenaires

institutionnels, privés, techniques, digitaux (Purecharts, Konbini) ou encore des friends, qui

ne sont autres que d'autres festivals avec lesquels ils s'échangent des services56

.

Le festival gratuit Musiques en Stock, qui prend racine dans la commune de Cluses, en

Haute-Savoie, s'appuie beaucoup sur ses partenaires, privés ou publics, pour contribuer à

son budget de 316 000 euros. Sur son site Internet, une plaquette de présentation propose

tout ce que le festival est prêt à céder en échange d'une participation financière : logo sur

les flyers, affiches, ou alors apparition d'un spot de publicité, sur un écran, en bordure de

scène, banderoling... Pour la presse, le festival offre même une visite des coulisses, des

packs de merchandising à faire gagner à l'occasion de jeux concours, et un stand sur le

festival off.

54

D’après la brochure de proposition de partenariat pour le festival Musilac, en téléchargement sur Internet 55

D’après la brochure de proposition de partenariat pour le festival Beauregard, en téléchargement sur

Internet 56

Apparaître comme friends sur le site Internet d’un festival est d’ailleurs considéré comme un service de

communication à part entière.

31

Les visites en coulisses, c'était la contrepartie de D17, en 2013, pour son émission Summer

festivals. Du 21 juin au 21 juillet, la chaîne proposait chaque soir de découvrir les coulisses

des festivals dont elle était partenaire. Soit « rendre l'esprit de l'événement », selon

Christophe Sabot, directeur de la politique musicale de D17. Il explique son concept :

« nous sommes partenaires de ces manifestations de manière historique. La chaîne souhaite

s'investir sur le terrain afin d'avoir un contact avec son public et y trouver une ressource en

matière de programmation. Ces festivals incarnent une diversité essentielle qui nous permet

d'aborder la musique par genre tout au long de l'année »57

.

Établir un partenariat avec un média n'est pas toujours une chose aisée pour un petit

festival. C'est ce qu’a constaté le Festival Musik'air, qui existe depuis 12 ans dans l'est du

Loiret. « Un magazine local et musical58

que nous convoitions nous a finalement proposé

de traiter notre festival en deux articles conséquents, en échange d'environ 600 euros »,

explique Thibaud Pécho, responsable de communication de Musik'air. « Pour alléger le

prix, il nous a proposé d’établir un partenariat : il nous faisait 30% si nous intégrions son

logo à nos supports de communication. On a dit oui »59

. À quelques kilomètres de là, le

festival de Montereau Confluences est un expert du partenariat médiatique : M6 est l'un des

grands contributeurs. Avec une fréquentation de 150 000 personnes par édition, un budget

allant jusqu'à 1,2 millions d'euros, l'organisation a, au fil des années, demandé davantage de

choses à son partenaire. Lorsque le Conseil Général de Seine-et-Marne a retiré sa

subvention de 27 000 euros, les organisateurs de Montereau Confluences se sont rabattus

sur la chaîne, et a augmenté son prix d’entrée de un euro60

. En 2014, M6 a réalisé un spot

de publicité pour la promotion de l'événement, organisé des jeux concours, mais possédait

un droit de regard sur la programmation artistique. Le média soumet parfois quelques uns

de ses artistes issus d'émissions de télé-crochet musicales.

De plus en plus, les partenaires digitaux se développent. Au delà d'avoir un pouvoir

médiatique, les blogs, les webzines, les sites Internet ont un pouvoir viral et social qui agit

directement sur la cible première des festivals : le public. Les partenaires web ont la

possibilité de communiquer plus facilement dans l'instantané en employant des outils plus

innovants en matière de stratégies de communication. Quand un festival choisit son

57

Propos issus de l’article D17 et les festivals : ce plaisir qu’on dit charnel, Lefigaro.fr, Céline Fontana,

publié le 17 juin 2013 58

Papier Vinyle, journal mensuel, gratuit, diffusé sur le département du Loiret et tiré à 12 000 exemplaires 59

Propos recueillis lors d’un entretien 60

Informations tirées de l’article Financement de Confluences : la ville et le département se déchirent, écrit

par Sophie Bordier, publié sur leparisien.fr le 18 avril 2014

32

partenaire médiatique, il prend en compte l'aspect temporel dans le traitement de

l'information. Par exemple, tandis qu'un festival à la programmation grand public va choisir

une chaîne de télévision, un festival de musique spécialisée, à la programmation plus

pointue, va choisir le web.

Ces élaborations de partenariats entre festivals et médias résultent d'un contrat médiatique.

Tout acte de communication se fait en situation : ici le festival se doit d'abord d'établir des

réponses à plusieurs questions. Il doit définir son but (« on communique pour dire quoi? »),

son identité (« qui communique avec qui? »), son propos (« on est là pour communiquer à

propos de quoi? ») et poser ses conditions (« dans quelles circonstances communique-t-

on? »). Dans les Dossiers de l'audiovisuel, Patrick Charaudeau analyse la place de

l'événement dans le contrat médiatique. Ce dernier est en réalité « une relation de

réciprocité et de reconnaissance dans la finalité de leur situation de communication »61

.

Dans le contrat de communication médiatique, cette finalité est alors d'informer, tout en

captant l'attention des récepteurs. En d'autres termes, le média doit alors « dire le vrai »,

tout en « scénarisant le réel » pour se démarquer de son voisin. Cette double finalité est

contradictoire : les médias ont le choix entre la production (rapporter, commenter

l'événement) et la réception (cibler l'insolite, le tragique, l'inattendu au sein de

l'événement). Patrick Charaudeau conclut son analyse en déclarant que les médias, en tant

que partenaires d'un festival, sont condamnés à un principe de « saillance » (saisir l'intérêt

du sujet) au nom de la visée de la captation (se démarquer), en d'autres termes, privilégier

l'information la plus virale au détriment de l'information totale et transparente. Toutefois,

une nuance est indispensable : ce n'est pas parce qu'un festival va être traité généreusement

par un média qu'il va tomber dans l'espace public et devenir démocratisé. Le média garde

sa position d'informateur avec son propre point de vue.

En termes de stratégies de communication, la mise en place de contrats de communication,

comme un partenariat médiatique, garantit le relai de la communication du festival à travers

une sélection de médias jugés influents par l’organisation du festival lui-même. Elle induit

un investissement financier de la part de l'organisation festivalière mais limite les risques

en matière de retranscription éditoriale. Les partenariats médiatiques permettent également

de contrôler l'image festivalière. C'est d'ailleurs la meilleure solution pour s'assurer qu'une

communication est bien assimilée et sera bien transmise au public. Pour garder le contrôle,

61

Patrick Charaudeau, L’événement dans le contrat médiatique, Dossiers de l’audiovisuel n°91, La télévision

dans l’événement, La documentation française, Paris, mai-juin 2000

33

les réseaux sociaux permettent aussi de mettre en avant l’image du festival, par les

membres du festival eux-mêmes. Le message de communication s’adresse alors

directement au public et repose sur de l’autopromotion.

C. L'autopromotion de l'image du festival

Le bourgeonnement des festivals est survenu lors de l'éclosion du web et des réseaux

sociaux. Ainsi, l'image de chaque organisation atteint directement le public. Au delà de ça,

le festival se sert même de son propre public pour communiquer. Les internautes

deviennent des prescripteurs de festivals. Des newsletters ou des posts sur les réseaux sont

envoyés, de façon plus ou moins massive, de sorte à toucher un public ciblé ou un public

plus large. Cette communication « autopromotionnelle » ne passe par les interfaces

médiatiques. Le contenu éditorial, l'information et l'identité visuelle de l'événement sont

alors véhiculés par l'évènement lui-même.

Certaines plateformes sur Internet ont même été créées pour recenser les festivals, soit

fournir les informations pratiques à destination du public. C'est le cas de Infoconcert,

Agendaculturel.fr, Francefestivals, iConcerts, ou encore Carrefour des Festivals. Ces sites

constituent des agendas en ligne, dont les informations sont données par les organisations

festivalières elles-mêmes, sont diffusées via ces plateformes, et sont lues par le public

concerné. « C'est un échange de bons procédés qui est valorisé dès la négociation »62

,

explique Marc Pottier, directeur commercial de Posterscope Events. Si la plateforme

diffuse une image positive et attrayante du festival, il en est de même pour l'image de la

plateforme elle-même.

Les réseaux sociaux sont un réel atout pour les festivals. Ils permettent d'atteindre de

nouveaux publics plus facilement, et de les fidéliser. Les différentes organisations s'en

servent de différentes manières. Par exemple, les organisateurs des Vieilles Charrues

utilisent énormément Twitter durant la semaine du festival, en annonçant en temps réel les

concerts à venir et offrent la possibilité aux followers de s'exprimer sur les concerts qui se

déroulent à l'instant T. Pauline Le Vexier, chargée de communication pour le festival,

constate le bénéfice des réseaux sociaux : « On ressent une proximité plus importante.

Avant, le public n'avait pas le réflexe d'aller sur les réseaux sociaux. Aujourd'hui, on est

62

Financements des festivals, article de Camille Gillet et Romain Bigay, octobre 2011, publié sur le site de

l’Irma

34

constamment sollicité par message privé ou par commentaire. C'est plus instantanée »63

,

raconte-t-elle. « À partir du moment où ils adhèrent au propos, l'échelle pour toucher des

gens est très forte […] ça nous permet d'aller chercher des gens qui ne pensaient pas être

festivaliers. Les internautes sont des relais, ils sont prescripteurs du festival ».

Le Main Square, lui, créé le suspens chez ses festivaliers en dévoilant sur Facebook un à un

des noms supplémentaires à sa programmation. Par ce biais, il fidélise également la

présence de ses festivaliers sur le réseau social. Pour le Festival Terres du Son, qui se

déroule à Monts, près de Tours, en juillet, la communication sur les réseaux va se traduire

par le cheminement d'un teaser vidéo, utilisé de manière virale. Enfin, pour le Festival

Papillons de Nuit, qui possède un faible budget de communication, les organisateurs ont

fait le choix de maintenir l'intérêt du festivalier d'une édition à l'autre en créant une page

Facebook « Spotted » : il s'agit ici de retrouver une personne, alors inconnue, croisée sur le

festival et que l'on souhaite connaître davantage. Alexis Olivier, Community Manager des

Papillons de Nuit, fonctionne avec ce concept de « festival participatif », dont le but est de

« construire une communauté d'expérience en créant un lien plus personnel »64

.

Des études ont évalué l'implication des festivals sur les réseaux sociaux et l'ont mise en

corrélation avec leurs taux de fréquentation. L'une d'entre elles, menée par l'Institut

Socialband65

, a analysé les 20 plus gros festivals en termes de fréquentation sur l'année

2013. Sur ces 20 festivals, tous possèdent une page Facebook, et 95% ont un compte

Twitter.

Facebook : Concernant Facebook, le festival qui compte le plus de fans est le

Hellfest, spécialisé dans le rock et le métal et qui se déroule à Clisson (131 019

abonnés). Il est suivi par le Reggae Sun Ska (128 534 abonnés), les Vieilles

Charrues (127 042 abonnés), Rock en Seine (82 525 abonnés) et le Main Square (75

303 abonnés). Dans ces cinq premiers, le Reggae Sun Ska a effectué la meilleure

progression entre 2012 et 2013 (de +279,97%). D'ailleurs, ce festival aurait plus de

fans sur Facebook qu'il n’aurait de spectateurs. Ces derniers se déterminent plutôt

comme étant un public spécialiste dans la musique reggae et jeune. C'est aussi l'un

des festivals qui publie le moins d'informations sur sa page (moins de 100 posts par

an).

63

Les réseaux sociaux s’invitent aux festivals, étude de RSLN mag, par Camille Gicquel, publiée le 20 juin

2013 64

Les réseaux sociaux s’invitent aux festivals, étude de RSLN mag, par Camille Gicquel, publiée le 20 juin

2013 65

Les festivals musicaux français et les réseaux sociaux en 2013, enquête réalisée par Socialband , mise à

jour en janvier 2014

35

Twitter : Concernant Twitter, le festival le plus suivi sur le réseau social est Rock

en Seine (avec plus de 20 000 abonnés). C'est aussi celui qui a les meilleurs taux de

fréquentation sur l'année 2013. Là encore, l'étude montre que ce ne sont pas ceux

qui tweetent le plus qui ont le plus de followers. Le festival le plus actif sur Twitter

est d'ailleurs le Cabaret Vert (Charleville-Mézières). En moyenne, les festivals

gagnent 4,82 followers par tweets. La temporalité entre Twitter et Facebook est

différente : alors qu'un festival va entretenir sa page Facebook tout au long de

l'année pour fidéliser son public sur le long terme, le compte Twitter d'un festival va

être utilisé pendant les deux ou trois mois qui précèdent le festival, de manière

régulière, et ponctuellement six ou sept mois avant, pour l'annonce de la

programmation. Pendant l'événement, le Community Manager fait également vivre,

plus que jamais, son espace Twitter, ainsi que la semaine suivant le festival, pour

garder le rythme. « Le gros pic d'activité ? Le lundi suivant le festival, quand les

gens sont rentrés chez eux. Ils ont commencé à poster des photos, des vidéos »66

,

raconte Alexis Olivier, Community Manager des Papillons de Nuit.

Autres réseaux sociaux : Les festivals ne sont que très peu présents sur les autres

réseaux sociaux qui existent (Pinterest, Instagram, Google +, …). Seul, le Hellfest

possède encore son interface Myspace, réseau social encore réputé dans le milieu de

la musique rock. Les Eurockéennes de Belfort sont présentes, elles, sur Google +.

Partages multimédia : Concernant le partage de vidéos, de photos ou de contenus,

les festivals ont presque tous une chaîne Youtube (95%) pour poster leur teaser ou

leurs propres vidéos filmées durant le festival. 35% seulement possèdent une

inscription sur un site de partage d'images (Flickr, Instagram, Pinterest...). 35%

également entretiennent un blog en plus de leur site officiel. Enfin, l'application

pour Smartphone (iPhone et/ou Androïd), elle, devient plus courante : 85% des 20

festivals étudiés en ont une.

Donc, on remarque que, dans l'ensemble, plus un festival va être fréquenté, plus le nombre

de suiveurs sur les réseaux sociaux va être important. Facebook est le réseau social le plus

utilisé, car c'est le plus accessible et le plus en lien avec les loisirs. Il est donc normal que

les festivals y trouvent leur compte. Certains festivals sont plus suivis que d'autres dans la

mesure où ce support est alimenté au quotidien, qu'il se nourrit d'animations dès les

66

Les réseaux sociaux s’invitent aux festivals, étude de RSLN mag, par Camille Gicquel, publiée le 20 juin

2013

36

prémices de l'annonce de la programmation. Les festivals doivent également employer une

stratégie créative (pour se démarquer), produire un contenu riche (pour tenir le public en

haleine), et créer une réactivité avec les internautes (soit un dialogue). La finalité est de

développer une communauté importante, au fil des éditions du festival. Plus le style

musical est récent, plus le public est jeune, et plus il va être réceptif aux réseaux sociaux.

Pierre-Marie Guillon, coordinateur artistique d'Arty Farty, organisateur des Nuits Sonores à

Lyon, privilégie même cette autopromotion à la communication visuelle : « On cible

beaucoup mieux le public sur Internet qu'en mettant des affiches à l'extérieur »67

, constate-

t-il. Enfin, l'application est très utile : selon Médiamétrie, plus d'une visite sur cinq (20,8%)

est issue de mobile ou de tablette68

.

Partie intégrante de la communication, l'autopromotion des festivals est de plus en plus

répandue : ne passant pas par le regard des journalistes, elle permet notamment aux

organisations de véhiculer leur propre image, telle qu'elles voudraient qu'elle soit, et de

façon plus directe envers le public. Du côté des organisateurs aussi, les réseaux sociaux

prennent part entièrement aux stratégies de communication. « C'est une culture qui doit

transcender tous les niveaux de l'organisation d'un festival, mais ça peut prendre du temps à

être mis en place »69

, avoue Alexis Olivier. En prenant garde à conserver une unicité dans

le ton de ses posts, les réseaux sociaux restent des avantages pour les événements

artistiques. « Les réseaux sociaux ont amené une connaissance accrue des milieux

artistiques. Les outils numériques font qu'on a un flux d'informations plus rapide et plus

important […] et puis on a découvert beaucoup de nouveaux créateurs sur le web qu'on a

ensuite programmé »70

, raconte Pierre-Marie Guillon.

À moindres coûts, à la portée de tous les festivals, l’autopromotion via les réseaux sociaux

semble être une stratégie de communication efficace, car s’adressant directement au public,

et sécurisée, car transmettant l’image du festival sans passer par le filtre médiatique. Si

cette communication semble suffisamment pour une génération ciblée de festivaliers, le

traitement médiatique apparaît souvent comme étant un gage de valeur pour d’autres

catégories de publics. L’autopromotion doit alors se doter d’une autre stratégie, afin

67

Les réseaux sociaux s’invitent aux festivals, étude de RSLN mag, par Camille Gicquel, publiée le 20 juin

2013 68

Les festivals musicaux français et les réseaux sociaux en 2013, enquête réalisée par Socialband , mise à

jour en janvier 2014 69

Les réseaux sociaux s’invitent aux festivals, étude de RSLN mag, par Camille Gicquel, publiée le 20 juin

2013 70

Les réseaux sociaux s’invitent aux festivals, étude de RSLN mag, par Camille Gicquel, publiée le 20 juin

2013

37

d’atteindre des interfaces numériques plus éditoriales, ou d’autres médias comme la presse

écrite, la radio ou la télévision. La communication artistique peut être une solution.

D. La communication artistique

La communication artistique est l'une des clés des stratégies de communication des

festivals. Quand le public regarde une programmation d'événement, il va être attiré par un

artiste, qui se trouve dans la plupart des cas être une tête d'affiche. Et pour attirer le public,

le festival communique. Il est donc logique de considérer la communication artistique

comme étant une démarche efficace. Mathieu Pinaud, responsable des relations presse chez

Pias Music le constate : « Suivant l'artiste, il y a un public particulier et le développement

va être, à chaque fois, différent […] on va choisir de faire plutôt la couverture, ou plutôt

Internet ou le papier... chaque artiste a son propre public et ce public a son lien ou pas avec

Internet »71

. Thibaud Pécho, chargé de communication pour le Festival Musik'air, dont la

jauge ne dépasse pas les 3 000 personnes, avoue avoir changé de direction « quand les

programmateurs ont placé la tête d'affiche reggae Biga*Ranx aux côtés de petits artistes à

la renommée régionale. « Un artiste peut changer la donne. On pensait s'attaquer

uniquement à la presse locale, finalement on va aller voir du côté de la presse nationale et

spécialisée »72

, déclare-t-il. Du côté du Festival Les Ingrédients, qui a lieu en juin près

d'Orléans, la programmation a ouvert les portes de certains médias qu'ils n'avaient pas

l'habitude d'atteindre. « Grâce à Moriarty, nous avons pu être visibles sur France Bleu, et

grâce à la chanteuse Jaqee, nous avons presque eu la possibilité de recevoir France 3 »,

explique Sarah Courson, chargée de communication du festival. « C'est comme avec le

public. Si tu programmes du punk ou du reggae, ton public cible est particulier et sera

sensible à tel ou tel langage, canaux, visuel... De même, si on envoie le dossier de presse à

tous les médias, on fait toujours un tri des essentiels par rapport à notre public et notre

programmation »73

, poursuit-elle.

Dans son essai intitulé De l'influence de la communication sur la diffusion artistique, Jean

Caune décrypte la communication de l'objet artistique et ses effets sur le public. En effet, la

communication culturelle oriente, avant même que le contact n'ait eu lieu, le rapport

sensible qu'aura le spectateur à l'objet esthétique. « La communication faite autour d'un

71

Presse musicale, la mue ou la mort, interview réalisée par Benoît Bouscarel sur le Mouv’ le 19 septembre

2013 72

Propos recueillis lors d’un entretien 73

Propos recueillis par échange de mails

38

produit artistique est déjà - avant même la jouissance esthétique, et parfois sans elle – une

relation au destinataire »74

, énonce-t-il. Par ce biais, beaucoup d'œuvres, dans le cas des

festivals, beaucoup de spectacles ne vont être valorisés, fréquentés voir appréciés, si une

campagne de communication a été effectuée en amont de l'événement. Certains festivals ne

vont jouer que sur leurs têtes d'affiche. C'est le cas du Main Square festival, qui, pour son

édition 2014, a fait le choix de miser une partie de sa communication sur Iron Maiden,

artiste de heavy metal, uniquement présent en France sur cette date et pour le Hellfest.

« Combien de représentations qui n'existent que par la juxtaposition de stars sur l'affiche ?

Combien d'événements culturels qui se réduisent à leur médiatisation? », se questionne

l'auteur. Pour son édition 2014, le Printemps de Bourges a misé sur Stromae, dès le mois

d'octobre. Alors que le chanteur belge cartonnait avec son album Racine Carrée et entamait

sa tournée des Zénith, le festival berruyer a choisit de le programmer en ouverture de

semaine, et en mettant les billets en vente trois mois avant l'annonce de la programmation

complète. « On a affiché complet au bout de quelques jours »75

, raconte Delphine Caurette,

attachée de presse web du Printemps de Bourges. « Je l'ai beaucoup utilisé comme angle

d'attaque pour mes communiqués », poursuit-elle. Dans les médias locaux, c'est la première

partie de Stromae qui a plutôt fait la Une : Florent Marchet, né à Bourges, a consacré son

temps à sa promotion pour Le Berry Républicain ou encore pour France Bleu Berry. La

communication artistique permet de cibler ses interlocuteurs médiatiques, en fonction des

artistes et de l'actualité. Pour Delphine Caurette, elle « permet aussi de toucher des médias

qui n'auraient pas traité le festival dans sa globalité », constate-t-elle.

Avec l'affluence de festivals d'été, la communication artistique est utilisée pour se

démarquer des autres organisations auprès des médias. Cédric Chamoulaud, chargé de

communication du Free Music Festival, a pris le parti d'axer ses communiqués sur les

artistes programmés dans son festival. « Je fais un communiqué général, puis des

communiqués spécialisés par artiste, qui s'adressent aux magazines spécialisés », raconte-t-

il. « Je vais donner des détails sur l'artiste, argumenter, convaincre le journaliste de

s'intéresser au festival grâce à la programmation d'artistes intéressants ». Cédric

Chamoulaud avoue aussi ponctuer ses communiqués par des chiffres. « Je mets toujours un

chiffre parlant par communiqué. Ça permet d'aller plus loin, ça intéresse notamment les

magazines spécialisés »76

, poursuit-il.

74

Jean Caune, De l'influence de la communication sur la diffusion artistique, Études de communication, 12 |

1991, 97-114 75

Propos recueillis lors d’un entretien téléphonique 76

Propos recueillis lors d’un entretien téléphonique

39

Actuellement, alors que la place consacrée aux événements culturels dans les médias a

tendance à diminuer et que le nombre de manifestations, elle, ne cesse de grandir, les

attachés de presse ont l'obligation de se démarquer, grâce notamment à la communication

artistique. « L'attaché de presse sait quelle information vendre et à qui. Il faut connaître son

interlocuteur, savoir qui est susceptible de le toucher. Par exemple, avec France 3, en

région, j'ai des sujets car je sais que le rédacteur en chef de l'Ouest aime l'opéra »77

, raconte

Pierrette Chastel, chargée des relations presse de l'Opéra de Paris. Avec la montée en

puissance de la culture de masse et de la démocratisation de la culture, Arlette Lang,

fondatrice du Syndicat Professionnel des attachés de presse du spectacle vivant témoigne la

difficulté de communiquer sur des artistes moins connus que les têtes d'affiche. « Il y a 35

ans, je pouvais faire la Une d'un journal avec un illustre inconnu. Aujourd'hui, il y a plein

de barrages formels. Si ce n'est pas une star, si la salle n'est pas assez grande, si le metteur

en scène n'est pas assez connu, on n'obtient rien. Les médias ne prennent pas de risques, ils

se tournent systématiquement vers les valeurs sûres »78

, explique-t-elle. La communication

artistique est donc au cœur des stratégies des attachés de presse. Elle se trouve même être

une clé pour attirer les médias : communiquer sur l'image d'un festival, sur des volontés

artistiques ou sur l'histoire même de l'événement ne parvient, que dans très peu de cas, à

intéresser les médias. Mais, si la communication artistique paraît évidente pour les gros

festivals qui s’empressent de vanter leurs têtes d’affiche, pour les plus petites organisations,

elle n’apparaît pas comme probante et efficace. Il faut alors bâtir des stratégies de

communication plus singulières, basées sur le concept même du festival, et adaptées à ses

propres médias cibles.

Dans cette première partie, nous avons étudié les différentes formes de communication

appliquées aux festivals, ainsi que les stratégies qu’elles mettent en œuvre pour faire passer

leur message de communication, soit la promotion de leur événement auprès des médias

sur Internet. Suivant l’ampleur du festival, la communication est plus ou moins intégrée et

liée directement aux directives artistiques, de production et de programmation de

l’organisation. Le festival adopte des démarches de communication en fonction de sa

proposition artistique et de son public. Dans la seconde partie, nous allons voir si ces

démarches et ces stratégies portent leurs fruits auprès des médias numériques, comment ces

derniers reçoivent le message de communication et dans quels cas ils le traduisent par une

publication sur leurs interfaces.

77

Le blues des attachés de presse, article de Florent Bonnefoi, publié sur CultureRP, le 16 juillet 2013 78

Le blues des attachés de presse, article de Florent Bonnefoi, publié sur CultureRP, le 16 juillet 2013

40

PARTIE 2 – Médias numériques et festivals, entre

antagonisme et interdépendance

I. Le digital et ses opportunités pour la communication

événementielle

A- Le web, un espace de circulation de l’information culturelle

Depuis le début des années 2000, Internet s’est progressivement installé dans la plupart des

foyers français. Avec la prolifération des médias numériques, l’accès à l’information et à la

communication s’est vu renforcé, favorisant également l’accès et la communication des

biens culturels. Par définition, la communication des festivals est facilitée depuis

l’avènement du web, car elle s’attache à s’ouvrir aux nouveaux publics afin d’accroître à

chaque édition la notoriété des événements.

Internet, dans une marche de démocratisation culturelle

« Internet offre de multiples opportunités de démocratisation culturelle », énonce Frédéric

Martel, quand Le Monde le questionne sur ces domaines de recherche79

. Interface infinie

de contenus, le web se structure grâce à des techniques d’information et de

communication80

, qui sont elles-mêmes entrées dans le domaine de compétences du

Ministère de la Culture depuis 1997. « Cette évolution a définitivement consacré les écrans

comme support privilégié de nos rapports à la culture tout en accentuant la porosité entre

culture et distraction, entre le monde de l’art et ceux du divertissement et de la

communication », constate Olivier Donnat dans le rapport de son enquêtes sur Les

pratiques culturelles des français à l’ère du numérique81

.

Pour le gouvernement, la culture est même un outil privilégié d’intégration à la société

d’information. Dans le même temps, les TIC sont des outils pour la démocratisation

culturelle, selon Catherine Tasca, ministre de la Culture en 2001. « Le multimédia est une

nouvelle pratique culturelle »82

, déclare un communiqué du gouvernement en 1998. Et

79

Article du Monde, publié le 5 avril 2007, interview de Frédéric Martel 80

Appelées plus familièrement « TIC » 81

Les pratiques culturelles des français à l’ère du numérique, Olivier Donnat, Enquête 2008, La Découverte,

Ministère de la Culture et de la communication 82

Propos recueillis dans l’essai de Philippe Bouquillon, La culture face à l’Internet : un enjeu culturel et

41

concernant la promotion des biens culturels, Internet apparaît alors comme un pilier d’une

nouvelle politique culturelle : les institutions françaises, notamment du spectacle vivant,

l’envisagent alors comme un outil comparable, voir plus efficace, aux autres supports de

diffusion ou communication auparavant utilisés. « La révolution numérique a fait de

l’ordinateur et des réseaux sociaux des moyens de création et de communication, des

médias au sens fort », ajoute le gouvernement, toujours en 1998. Catherine Trautmann,

ministre de la Culture de 1998 à 2000, précise que « le développement des réseaux

d’information ouvre […] des pistes nouvelles à la diffusion des produits et services

culturels et à l’expression de la richesse et de la diversité des différentes cultures ».

Une meilleure circulation de l’information

Si l'impact du web sur la culture est si efficace, c'est que les informations parviennent plus

rapidement et plus instantanément auprès du consommateur. L'annonce de festivals, de

concert, ou de l'actualité sur un artiste est à la portée de chacun sur la toile. Pour

Dominique Cardon, sociologue spécialisé dans les nouvelles technologies et l’espace

public, cette libération de la communication provient du partage entre les internautes :

« Célébrée ou décriée, la dimension communautaire d'Internet doit beaucoup à la manière

dont les utilisateurs ont fait sortir leur communication privée du canal fermé qui la

protégeait pour la partager avec d'autres tout en préservant une sorte d'entre-soi »83

. Et cet

effet boule-de-neige de l'information est le grand atout d'Internet. Gérard Ayache introduit

cette caractéristique de « l'hyperinformation » dans son ouvrage Homo Sapiens 2.0. Selon

lui, les flux d'information régissent les interactions entre les individus, eux-mêmes liés par

leurs multiples relations sociales, culturelles, informationnelles. « Ils sont capables

d'infléchir la tendance d'autonomisation du système hyperinformationnel […] Le désir

mimétique est un des moteurs de l'hyperinformation. Il joue pleinement sans limite,

puisque l'information est reproductible à l'infini, au moindre coût. L'objet désiré devient

l'information elle-même »84

.

Sur les réseaux sociaux notamment, le web adopte les mêmes particularités qu'un espace

social, économique et politique, et conserve la notion d'habitus introduite par Bourdieu85

.

d’action publique, 17 mars 2003 83

Dominique Cardon, La démocratie Internet, promesses et limites, 2010, Editions du Seuil, collection La

République des idées 84

Gérard Ayache, Homo Sapiens 2.0 : Introduction à une histoire naturelle de l’hyperinformation, 2008, Max

Milo, Série L’inconnu 85

Pierre Bourdieu, La distinction : critique sociale du jugement, Editions de Minuit, Collection le sens

commun, 1979

42

Ces nouveaux cyber-espaces, qu'on pourrait définir comme biens communs, permettent

d'atteindre de nouveaux publics, tant désirés par la plupart des institutions culturelles.

La promotion de biens culturels, si elle constitue une économie propre sur Internet, est

davantage importante quand elle concerne la partie hors économie marchande, qui est « la

raison d'être d'Internet »86

, explique Michel Gensollen en 1999. « Les surfeurs du net vont

de site en site gratuits, comme le lecteur d'un journal va d'article en article en évitant la

publicité », poursuit-il. Internet permet la diffusion culturelle plurielle et publique, selon le

partage d'une connaissance commune. Chaque individu est émetteur mais aussi destinataire

de flux culturels, faisant émerger un village global, favorisant l'ouverture intellectuelle et

culturelle tout en contournant les réseaux classiques de distribution culturelle87

.

Un outil à maîtriser pour s’en servir

Prendre le créneau d'Internet, c'est ce qui est arrivé de mieux en matière de diffusion ces

dernières années pour bon nombre d'organisations culturelles. En effet, le web peut avoir

des répercussions décisives sur l'entreprise culturelle88

. Il influence la société actuelle et

l'ignorer peut porter préjudice aux organisations. Ces dernières y misent leurs objectifs de

productivité, leurs stratégies de communication numérique dans ces réseaux d'informations

ainsi procurés89

. Beaucoup de festivals n'ont pas encore exploité le potentiel de la toile et

ses relais d'informations, au détriment des plus gros événements qui se développent en

majorité sur le web. Toutefois, les festivals restent relativement plus en avance que d'autres

structures du spectacle vivant, même si les statistiques de fréquentation peinent à le

prouver. En effet, dans le rapport Les pratiques culturelles des français à l'ère du

numérique90

, Olivier Donnat a noté qu'en 2008, 16% des français ont assisté à au moins un

festival durant les six derniers mois, et 49% ont assisté à un spectacle (tous genres

confondus) sur cette même période.

Pour diffuser leurs offres culturelles, les festivals les plus présents sur la toile utilisent des

méthodes variées. Les Community Manager veillent à présenter une activité sur les sites de

User Generated Contents, générant du contenu entre utilisateurs, des recommandations ou

des avis sur tel ou tel festival. Quant aux relais médiatiques, comme les pure-players, la

86

Michel Gensollen, La création de valeur sur Internet, 1999, Réseaux, n°97, p. 15 à 76 87

Communication et diffusion culturelle à l’ère du numérique, Romain Bort, Fabien Charlon et Thibaud

Marijn, 8 avril 2009, association Sorbonne Communication 88

Internet et la culture de la gratuité, Serge Proulx et A. Goldenberg, 2010, Revue du Mauss, n°35, Paris 89

Mémoire de Vilina Neykova, Médias numériques et spectacle vivant, vers un changement des modes

d’information et de communication culturelles 90

Les pratiques culturelles des français à l’ère du numérique, Olivier Donnat, Enquête 2008, La Découverte,

Ministère de la Culture et de la communication

43

plupart ont un impact de communication non négligeable pour les festivals, car ils

mélangent leurs contenus éditoriaux avec leurs contenus publicitaires, tout en gardant une

cohérence dans leurs flux d'informations. Ces sites se servent des consommateurs pour

valoriser les biens culturels. L'un d'entre eux, auféminin.com, pure-player du groupe Axel

Springer, utilise la veille stratégique afin de devancer les titres de magazines papier. La

rédaction représente environ un tiers du nombre total de salariés91

. Mais récemment, on

assiste à une surabondance de l'offre culturelle sur Internet, si bien que les stratégies de

communication après des médias numériques ne sont plus aussi efficaces qu'avant.

Internet, mais pour quelle culture ?

Quand on parle de la diffusion de la culture, on évoque la culture à son sens le plus large,

mêlant tous les types de contenus et tous les types de publics. Il est donc normal de se

questionner à propos de la nature de cette diffusion. Outil de divertissement, Internet

diffuse-t-il la culture ou la désacralise-t-il ? Comme vu précédemment, ces facilités en

matière de circulation de biens culturels n'a pas radicalisé les pratiques culturelles. « Si

[Internet a] modifié les conditions d'accès à une grande partie des contenus culturels et

déstabilisé les équilibres économiques dans les secteurs des industries culturelles et des

médias, [il] n'a pas bouleversé la structure générale des pratiques culturelles, ni, surtout,

infléchi les tendances d'évolution de la fin du siècle dernier »92

, explique Olivier Donnat.

En d'autres termes, les amateurs de festivals n'ont pas été convaincus par Internet, de même

qu'Internet n'a réussi à convertir les publics les plus éloignés des pratiques festivalières. Le

web, exploité par les organisations culturelles, s'est alors donné un objectif : capter les

publics laissés pour contre des politiques culturelles. Et la route est encore longue.

Du côté des médias numériques, si l'information culturelle circule mieux, elle ne parvient

pas à atteindre tous les publics qu'elle cible. La gratuité se réduit et l'accès aux biens et

services en ligne tend à se rapprocher d'une démarche « conservatrice (du point de vue de

leur propre stratégie marketing) mais également élitiste, tant sous l'angle de la diffusion que

de l'accès à la culture »93

. Par exemple, sur les moteurs de recherche, les contenus sont

hiérarchisés sous le principe du ranking94

. Du ressort d'une méthode purement

commerciale, les informations culturelles sont triées selon la qualité de leur référencement

91

Entreprises culturelles et Internet : contenus numériques et modèles d’affaires innovants, Etude sous la

direction de Pierre-Jean Benghozi, 2012, Ministère de la Culture et de la communication 92

Les pratiques culturelles des français à l’ère du numérique, Olivier Donnat, Enquête 2008, La Découverte,

Ministère de la Culture et de la communication 93

Internet et la culture de la gratuité, Serge Proulx et A. Goldenberg, 2010, Revue du Mauss, n°35, Paris 94

Système de classement appliqué sur les moteurs de recherche

44

et non de leur pertinence, laissant entrapercevoir une logique de « culture du clic », balisant

à ses moindres recoins l'espace très promotionnel d'Internet.

D'autre part, si Internet met aujourd'hui la culture à la portée de chacun des individus, une

majeure partie résulte d'un web participatif. Ce dernier s'adresse alors à un public actif,

exerçant une communication plus réactive, mais qui ne résout pas le problème de

segmentation quasi-immuable des publics que subit depuis toujours les institutions

culturelles.

Ces festivals qui ont pris le créneau du web

Un festival qui ne cultive pas sa communication sur Internet a, aujourd'hui, peu de chances

d'évoluer. Outre les méthodes d'autopromotion, communiquer sur le web induit une parfaite

maitrise des outils et des médias numériques, de leurs enjeux et de leurs particularités par

rapport aux médias dits traditionnels (presse écrite, radio, télévision). « La plus grande

difficulté est de contrôler l'image du festival »95

, avoue Delphine Caurette, attachée de

presse du Printemps de Bourges. Sur Internet, l'information va vite, le message

communicationnel doit donc être clair et concis. « Sur le web un jour, sur le web toujours

», poursuit la professionnelle. Du côté des festivals, Internet est une opportunité en or de se

rendre visible aux yeux de n'importe quel internaute. Le digital prend le pas sur la baisse

d'audience des médias traditionnels, et amène une nouvelle manière de consommer

l'information. « On a un champ des possibles qui est infini du point de vue de la

communication », avoue-t-elle. « Mais ça exige une rapidité d'exécution, des timing très

serrés, un besoin de se renouveler régulièrement. Même si le festival reste le même, la

communication et ses stratégies doivent évoluer constamment ». Cette stratégie est

d'ailleurs, dans la plupart des cas, globale : les tactiques de communication misent en place

pour les médias online rejoignent celles des médias offline, en veillant à intégrer les notices

de chacun.

Si le contenu des médias numériques paraît sans limites contrairement à la place de plus en

plus réduite aux contenus éditoriaux de la presse écrite, les journalistes ne vont pas pouvoir

tout traiter. Une sélection des festivals s'opère alors, et le tri devient très éliminatoire au

sein des rédactions. Au début, le digital apparaissant comme fluide et prometteur, « les

journalistes ont semblé être abordables, enthousiastes et réceptifs à la communication de

nos événements », explique Delphine Caurette. Aujourd'hui, le contexte a évolué : Internet

se retrouve presque dans la même situation que les médias traditionnels, à savoir être

95

Propos recueillis lors d’un entretien téléphonique

45

débordé d'informations de la part des diverses communications, prises d'assaut par la

densité culturelle. « Le web a besoin d'un vrai bon contenu, d'un vrai bon produit », ajoute-

t-elle. « Les attachés de presse ont la dure tâche d'être de plus en plus rigoureux en ne

perdant pas à l'esprit la valorisation de l'image du festival, sans saturer le web d'une

communication fade ». Inondée de culture, la toile se retrouve également envahie par les

médias numériques dédiés à l'objet culturel. Pour répondre à l'abondance des événements

culturels, les interfaces éditoriales se multiplient tout en essayant de ne pas se noyer.

B- La diversité des interfaces numériques

L’information culturelle rode aux quatre coins du web. Les médias digitaux s’emparent un

à un de la communication des festivals afin de se les approprier, et de les traiter dans des

formats propres à leurs supports. Ces derniers sont multiples, explorant plusieurs facettes

du journalisme. Comme énoncé précédemment, Internet possède de nombreuses

possibilités, notamment appliquées à l’information culturelle. Le web remplace tous les

médias déjà existants sur une même interface. Traduite à grande échelle, l’information est

donc réceptionnée d’une manière ou d’une autre, selon la sensibilité du consommateur.

L’interactivité est notamment de rigueur si cette information espère atteindre les jeunes

générations. Pour les festivals, ce public va constituer un lectorat cible de la

communication digitale.

Évènements culturels de grande envergure, les festivals vont avoir la particularité de

pouvoir être traités sur de nombreux supports différents. Considéré comme un

rassemblement humain, le festival va intéresser les sites d’actualité. Perçu comme un

concert ambitieux, il va davantage capter l’attention des magazines digitaux spécialisés

dans la musique, et porteur d’un concept fort, il peut aussi jouer la carte du coup de cœur

pour les blogs ou encore les interfaces de journalisme participatif.

Si le journalisme en ligne s’est vu naître au début des années 1990, il a fallu attendre 1995

pour voir émerger les premiers journaux en ligne. Pierre angulaire de ce nouveau format, le

référentiel de marché vient s’ajouter au référentiel journalistique. Toutefois, le journalisme

en ligne va posséder une dualité dans la production de l’information, que le journalisme

papier, radio ou de télévision ne va pas connaître : au delà du rapport aux internautes

(lectorat), il a un rapport direct avec les moteurs de recherche, qui vont jouer un grand rôle

dans la visibilité même du festival traité.

Les journalistes sont classés en différentes catégories : gatherer (recueil d’informations à la

46

source), ou encore processor (retraitement d’une information, sans apporter de plus-value).

L’information culturelle va suivre cette même logique : tandis que certains médias digitaux

vont traiter les festivals d’une manière impliquée et authentique, d’autres vont simplement

relayer les informations apportées par les services de communication d’une organisation

festivalière.

La pluralité des supports induit-elle une diversification plus dense de l’information en

rapport avec les festivals ? Les possibilités de traitement d’un festival sont-elles plus

grandes sur web ? Que cela implique-t-il ? Dans cette partie, nous allons recenser les

différentes interfaces numériques, éditoriales et culturelles et analyser la place des festivals

et leurs traitements sur chaque support.

Les déclinaisons de médias traditionnels (Lemonde.fr, Liberation.fr,

Nouvelobs.com…)

« Il existe un puissant clivage entre deux catégories : les journaux de la société Internet et

les journaux des sites-titres (adossé à un média traditionnel) », déclare Yannick Estienne,

auteur de l’ouvrage Le journalisme après Internet96

. Adaptés de leurs titres de presse, ces

médias se sont installés sur le web progressivement en apportant quelques exclusivités par

rapport à leur support d’origine. Plus adressés aux abonnés en exerçant un système d’article

à péage, ces médias comportent chacun des rubriques culturelles, dans lesquelles les

festivals ont leur place. Les articles sont donc généralement conséquents, et offrent un

contenu riche et renseigné. Propre à la presse écrite, ce genre de médias annonce rarement

la programmation d’un festival. Il va plutôt proposer un traitement en bilan, pour raconter

une série de faits, des temps forts du festival ou l’événement tout entier. Imagé de

ponctuations multimédia (photos, vidéos, interviews sonores), réalisées souvent par le

média lui-même, l’article relate également les concerts qu’il a le plus apprécié, selon les

coups de cœur du journaliste, les découvertes ou l’actualité chaude des artistes.

Dans les médias numériques adossés à un titre de presse, les équipes de rédaction sont

nombreuses, différentes du support papier, et tentent de couvrir l’ensemble de l’actualité.

Une course pour l’audience est également pratiquée, et, par conséquent, le mode de

production est très organisé. Les festivals sont donc traités sous un angle étudié et sera

l’occasion pour le média de montrer ses autres capacités journalistiques, notamment en

matière de vidéos, de prises de son, ou de diffuser plusieurs photos (contre une, dans la

96

Yannick Estienne, Le journalisme après Internet, 2007, Editions L’Harmattan, collection Communication et

civilisation

47

presse écrite).

Pure-players (Rue 89, Huffington Post, Mediapart...)

Les rédactions qui n’exercent que sur le web sont en passe de dominer les médias

numériques. Avec l’objectif de se détacher du fait d’actualité, en ajoutant une touche qui lui

est propre, le pure-player est né en ligne, avec la dimension interactive d’Internet.

Proposant des enquêtes, des interviews ou des dossiers, ces médias n’ont pas pour but de

traiter l’ensemble des informations. Concernant la culture, les pure-players adoptent

l’écriture webzine afin de relater leur propre expérience, en ajoutant des données

journalistiques ou des réflexions sur l’événement. Chaque traitement est justifié. Si un

festival constitue le sujet essentiel d’un article, c’est qu’il va se raccrocher à l’actualité ou

être mis en perspective dans un contexte. L’article fait alors intervenir des acteurs de

terrain, des chiffres ou des statistiques. Par exemple, l’Huffington Post aborde le

phénomène des festivals d’été en le mêlant à la grève des intermittents qui règne en 2014 :

la rédaction publie une carte interactive des conséquences de cette grève sur les festivals de

France.

Les contenus sont rythmés par des supports multimédia, comme des vidéos piochées sur

Youtube ou des liens vers d’autres sources du web. Beaucoup de pure-players sont qualifiés

également de sites d’opinion, développant davantage les enquêtes, choisissant un angle

commun afin de traiter plusieurs festivals. Le média propose ainsi un traitement exclusif,

que l’internaute ne risque pas de retrouver ailleurs. Avec un argumentaire et une démarche

toujours dotés de sources, le pure-player perçoit le festival comme un phénomène à

décrypter. Par exemple, Slate.fr s’est intéressé, en 2014, à la démarche écologique des

festivals ou à l’exclusivité artistique dans les festivals.

Webzine (Coup d’oreille, Sourdoreille, …)

À mi-chemin entre le pure-player (uniquement sur le web) et le blog (traitement

personnalisé), le webzine résulte de la mutation des magazines, dans lequel les « cloisons

traditionnelles entre l'espace promotionnel et l'espace rédactionnel sont quasiment abolies

»97

. Le webzine laisse une grande place à la culture. Plus proche des Soft News plus que

des Hard News, il va s’atteler aux sujets que les médias traditionnels ne traiteront pas. Le

traitement des festivals est donc plus abouti et plus libre que sur les autres supports, tant

dans la forme que dans le fond. Loin de l’annonce simple et informative de l’événement, le

webzine va privilégier le live-report ou le bilan, en présentant un rapport personnel au

festival, sur l’ambiance, les coups de cœur de la programmation ou bien sur l’historique de

97

Eric Neveu, Sociologie du journalisme, Editions La Découverte, Collection Repères, 2009

48

l’organisation. Noé Termine, rédacteur en chef de Coup d’Oreille, webzine musical,

explique le choix des festivals traités : « chaque rédacteur choisit selon la programmation

qui lui plait, même si on a beaucoup de relances de la part des attachés de presse ». En

effet, les attachés de presse vont accorder de plus en plus d’intérêt aux blogs et aux

webzines influents, au détriment des grands médias, assaillis par les différents flux

d’information. « On essaye de traiter les festivals grand public mais avec un angle décalé.

On adopte un style plus gonzo, et ainsi, on ratisse plus large question lectorat », raconte le

rédacteur en chef. « C’était le troisième passage de Skip the Use aux Solidays donc le show

est rodé maintenant, mais vu que les stands de bouffe liquidaient tout ce qu’il leur restait

sur les bras, j’ai adoré me péter le bide avec ça en fond sonore… », énonce l’un des

articles de Coup d’Oreille, racontant l’expérience Solidays, vue sous l’angle de la

nourriture festivalière.

Sur Sourdoreille, les festivals sont racontés avec ce même angle décalé. Pour présenter le

festival Astropolis, la rédaction décide de faire écrire directement les fondateurs de

l’événement, conservant leur franc-parler et leurs anecdotes. Et les festivals constituent un

des sujets phares du webzine musical. « En sortant d’un festival, on a toujours quelque

chose à raconter, contrairement au concert », poursuit Noé Termine. « On est libre de

raconter les coulisses du festival, ce qu’il faut voir et ne pas voir. Parfois, ça ne plait pas

aux attachés de presse, mais ça ne les empêche pas de nous accréditer une nouvelle fois

l’année suivante ».

Portails d'information (Orange Actu, Yahoo Actu, SFR Actu…)

Les portails d’information sont les médias numériques d’information les plus consultés. Le

contenu éditorial est produit, dans la plupart des cas, par des agences de contenus sous-

traitées. Financées par la publicité, ces interfaces colossales tentent de traiter la globalité de

l’information, de sorte à informer les milliers d’internautes de passage chaque jour sur le

portail pour aller consulter leurs mails. Pour la culture et en particulier les festivals, les

articles sont brefs et annoncent de manière générale la programmation, ou un fait se

rapportant à l’organisation du festival. Le traitement est toujours en lien direct avec une

actualité « chaude ». La ligne éditoriale étant plus stricte, le lectorat étant également plus

large, les festivals sont traités quand ils sont connus, qu’ils drainent une fréquentation

conséquente et qu’ils établissent des programmations originales et de qualité. Quant au

contenu multimédia, il est limité : les photos sont libres de droit et les vidéos sont extraites

de sites d’hébergement tels que Youtube, quand ils sont partenaires des portails

d’informations.

49

Blogs

Les blogs sont des sites web personnels, qui peuvent être intimistes, de communication

continue, en rapport avec une passion ou d’expression publique. Si certains tentent d’être

en lien avec l’actualité, ils exercent une prise de distance par rapport à l’intérêt général. Les

articles sont de formats variables, et peuvent traiter à la fois le festival sous forme d’une

annonce de la programmation, d’un live-report ou d’un bilan. Les articles plus anglés que

sur des webzines résultent de visions plus internes, qui n’ont parfois rien à voir avec le

monde journalistique. Les traitements mettent souvent en valeur un ou plusieurs artistes,

selon les coups de cœur de l’auteur.

Journalisme participatif (Citizenside, iReport…)

Jean Marie Charon, dans son ouvrage La presse en ligne, distingue aussi le journalisme

participatif ou journalisme citoyen. Outil de communication propre à Internet, il permet aux

internautes de témoigner sur les faits d’actualité auxquels ils prennent part. « L'information

doit être produite par les gens ordinaires », déclare Dan Gillmor, dans son livre We the

media. Emergent au début des années 2000, il se développe à partir de 2005, alors que 50%

de la population mondiale détient un accès à Internet. Les plus culturels offrent la

possibilité aux internautes de partager leurs photos de concerts, de festivals, et de les

légender très succinctement (avec le nom de l’événement, le lieu, les dates, les artistes).

Référencement et « Infomédiaires » (Google Actu, Paperblog…)

Le référencement des médias numériques est indispensable, autant pour les rédactions que

pour la communication des festivals. C’est le principe des « infomédiaires », ces interfaces

à mi-chemin entre l’édition et la diffusion. Avec une fonction pivot dans l’orientation des

flux d’audience et des revenus publicitaires, ils sont en lien direct avec les producteurs de

contenus éditoriaux et « influent sur le type d’information, professionnelle ou amateur,

dominante ou alternative, mise à disposition des internautes », explique Franck Rebillard

dans son ouvrage Les infomédiaires, au cœur de la filière de l’information en ligne. La

cible des festivals va donc, si elle se connecte régulièrement à des flux d’information en

rapport avec ce type d’événements, être plus interpellée par les infomédiaires et être dirigée

vers du contenu éditorial qui pourrait lui convenir.

Donc, Internet regorge de supports tout aussi différents les uns que les autres. Cela induit

inévitablement des divergences dans les choix éditoriaux des médias numériques, et donc

dans les traitements des festivals. Ces événements culturels sont donc abordés de façon

50

plus large, sous des angles qui semblent parfois impossibles à atteindre dans d’autres

médias traditionnels. Ces disparités de traitement impliquent donc les mêmes embuches

que rencontrent le journaliste web en général : épreuve de crédibilité auprès des

internautes, des attachés de presse et des artistes, mais aussi, à l’échelle du festival, peine à

classer le phénomène, ce qui va le freiner lors du traitement ou de la couverture de celui-ci.

C- La liberté médiatique et ses limites

Si la communication d'un festival est effective sur les médias numériques, et si les médias

numériques voient en le festival un sujet à succès, le cheminement de l'information est en-

core sinueux, tant du point de vue des communicants, que des journalistes. En effet, tandis

que les chargés de relations presse balisent les actions de la presse digitale, les médias ten-

tent de déjouer la communication pour l'adapter à leurs lignes éditoriales. Entre la commu-

nication des festivals et les médias numériques, des embuches font barrages, entravant les

tentatives de rendu intact de l'information de la communication sur Internet.

L'illusion d'une carte blanche

D'un côté, les chargés de relations presse accueillent à bras ouverts la presse à couvrir leur

événement, tout en installant un climat cordial, afin d'orienter, dans le sens du festival, les

articles des journalistes. Toutefois, cette collaboration a un prix.

Vigilance et légitimité

Toujours friands d'un élargissement d'une communication, les attachés de presse ouvrent

régulièrement leur fichiers presse à de nouveaux contacts et à de nouveaux médias. Avec le

numérique, ces derniers se sont multipliés à grande vitesse, offrant à la pratique journalis-

tique amateur de belles opportunités, concurrençant ainsi les médias traditionnels. « Il y a

eu une explosion des sites culturels. On s'est alors demandé quelle crédibilité on pouvait

accorder à ces nouveaux journalistes, pour la plupart amateurs »98

, raconte Delphine Cau-

rette, attachée de presse du Printemps de Bourges, lors d'un entretien. Pour le festival ber-

ruyer, l'équipe des relations presse étudie attentivement les demandes d'accréditation, mais

généralement, seulement un échantillon sera retenu. « On regarde le contenu, leurs statis-

tiques sur les réseaux sociaux. Si c'est quelqu'un qui débute, et qu'on sent qu'il y a une vraie

98

Si on parlait web, site et social network ?, Rencontre organisée par le webzine The Artchemists, article

écrit par Padme Purple

51

curiosité, un intérêt, on accrédite au même titre qu'un autre média », avoue la profession-

nelle.

Du côté de la communication, entre journaliste professionnel et journaliste amateur, la dif-

férence est « considérable », selon Cécile Legros, elle aussi attachée de presse pour le Prin-

temps de Bourges. « Nombre d'entre eux ne sont pas professionnels, à la différence de la

presse écrite […] au niveau de leurs disponibilités, qu'ils soient pigistes ou salariés, les

journalistes des médias traditionnels sont payés pour le journalisme et sont joignables. Le

problème du digital, c'est que souvent, ce sont des bénévoles qui font ça en plus d'une acti-

vité rémunératrice. Ils sont extrêmement sollicités, car plus accessibles », poursuit-elle.

Duplication des pouvoirs journalistiques et multiplication du contrôle des attachés

de presse

Si les manières de traiter un festival sont multiples sur le numérique, les manières de com-

muniquer le sont aussi. Les attachés de presse avouent avoir de nombreuses possibilités de

stratégies sur le digital. En effet, l'information sur Internet n'a jamais été aussi vive. Sur les

médias numériques, un même festival peut être traité des dizaines de fois, sous des formats

et des angles différents. Sur certains supports, les attachés de presse ne sont pas entrés en

contact avec le journaliste pour obtenir un article. Ils doivent être donc vigilants chaque

jour des contenus diffusés sur Internet à propos de leur événement. « Il faut être ultra-

réactif et contrôler de manière permanente », insiste Delphine Caurette.

La garantie impossible d'une retranscription intacte

Du côté des médias numériques culturels, la sollicitation des chargés de relations presse de

festivals est quasi-permanente. Si dans certains cas elle va parvenir à ses fins et convaincre

le journaliste de couvrir le festival, dans d'autres cas, c'est tout l'inverse et le journaliste va

prendre parti de choisir un autre festival à couvrir, selon les coups de cœur de sa rédaction.

Revendiquant leur liberté en réponse aux méthodes de communication, les médias numé-

riques sont dans l'incapacité de traiter tous les festivals, dans un angle, dans une temporali-

té et dans un format qui conviendrait aux attachés de presse des événements.

Des conflits d'intérêt qui perdurent

La communication et le journalisme sont deux secteurs qui évoluent en parallèle, dans un

même contexte, mais avec des enjeux et des principes qui leurs sont propres. « Tandis que

la communication a un souci d'image, le journalisme a un souci de réalité », explique clai-

rement Jean-Luc Martin-Lagardette dans son ouvrage L'information responsable, un défi

52

démocratique99

. Si les frontières entre les métiers de communicant et de journaliste de-

viennent floues avec l'entrée du numérique et l'explosion des manifestations culturelles,

elles sont toutefois imperméables l'une à l'autre, et ce, malgré les récentes évolutions du

secteur.

Dans les années 1970, de premiers communicants inventifs ont proposé aux grandes entre-

prises et aux institutions de faire du lobbing auprès des médias sous des formes radicale-

ment nouvelles. « Il ne s'agissait plus tant de fournir aux journalistes des données que de

pénétrer la sphère journalistique à partir de la production de l'information », raconte Fran-

çois de Muizon, dans son livre Le défi de l'infocommunication100

. Du côté du journaliste, le

citoyen, consommateur d'information, lui demande davantage qu'auparavant. Il ne va plus

seulement incarner un maître à penser mais doit fournir systématiquement une opinion afin

d'orienter ses lecteurs. À la différence du communicant, il va tenter d'influencer et non de

convaincre. « Il est vrai que les mots information et communication recouvrent des con-

cepts tellement divers qu'ils sont devenus la source de profondes divergences faisant courir

un grand risque de confusion à la pensée », poursuit François de Muizon. Dans le cadre des

festivals, l'enjeu financier étant au cœur des préoccupations, les contenus journalistiques

sont bien souvent contrés par la communication, sous pression d'un partenariat. La déonto-

logie se retrouve alors brouillée et les champs d'activité du journaliste et du communicant

tendent à se confondre.

Et pourtant, s'ils travaillent en questions-réponses, le journaliste fuit l'attaché de presse et

vice-versa. « Le journalisme aurait le monopole de la fonction critique, de la bonne dis-

tance et de la vérité quand la communication serait forcément dans le mensonge, le mé-

lange des genres et l'instrumentalisation. En définitive, un jeu “d'ombres croisées“ travaille

les deux univers respectifs, des ombres qui peuvent servir autant de refuges que receler des

danger. Chacun lutte pour croire et faire croire que des lignes rassurantes distinguent et

clarifient quand le quotidien des acteurs et l'histoire qu'ils portent en eux rappellent les

liens, les tensions, les mises à distance pour rejeter les indignités ou les emprises »101

, ana-

lyse pertinemment Jean-Baptiste Legavre, professeur en sciences de l’information et de la

communication à L’Institut Français de Presse. Pour les attachés de presse, la technique est

simple et claire dès le départ : le professionnel, « d'une parfaite courtoisie, sait être cordial,

99

L’Information responsable ; un défi démocratique, Jean-Luc Martin-Lagardette, éditions ECLM, 2006 100

François de Muizon, Le défi de l'infocommunication, « le journalisme menacé par la communication ? »,

hypothèses, Editions l'âge d'homme 101

Jean-Baptiste Legavre, Communication et journalisme : ombres portées, ombres croisées, Les Cahiers du

journalisme n°26, Printemps-Eté 2014

53

voire chaleureux avec ses interlocuteurs qui doivent tous être ses amis »102

, déclare Denis

Huisman, le fondateur de l'EFAP (Ecole Française des Attachés de Presse). « En définitive,

la communication met à jour les tensions qui structurent les quêtes journalistiques : la quête

d'informations autant que la quête d'être soi », poursuit Jean-Baptiste Legavre. L'essor du

métier de « journaliste de communication » brouille davantage les contours de la profession

journalistique. En déclin, s'affaisserait-elle au détriment des contributeurs internautes ou

des communicants privés ou publics ? L'essence même de l'information, produit stratégique

et convoité, peut-elle être menacée car trop importante pour être laissée entre les seules

mains du journaliste ? Jean-Baptiste Legavre, dans une enquête datant de 2007103

, dé-

montre que les journalistes, dans l'ensemble, n'accordent que peu d'importance au discours

des chargés de communication quand ils réalisent leurs sujets. « Les communicants compo-

saient en effet, à un pôle, un peu plus de 1% des sources d'un journaliste de la PQR104

»,

énonce-t-il dans cette enquête.

La standardisation du numérique

Aux prémices du web, écrire un article sur un site d'actualité en ligne présentait des possi-

bilités virales incroyables pour les attachés de presse. Depuis, la présence d'Internet dans

les foyers s'est répandue, et ces possibilités se sont accentuées, de même que la taille de

l'offre digitale médiatique, notamment en matière de culture. Certains médias traditionnels

ont su s'adapter à Internet afin de ne pas perdre la majorité de leurs lectorats. Alain Joan-

nès, journaliste indépendant, le constate : « Les problèmes de la presse viennent en grande

partie de l'innovation technologique, les solutions à ces problèmes se trouvent dans la maî-

trise des conséquences de cette innovation »105

. En effet le numérique n'a pas toujours été

un allié à la presse. Redoutables, les médias online qui ont grandi sur la toile ont démontré

leur efficacité à propos des festivals : l'annoncer dans un délai bref, renvoyer un lien vers le

site officiel de l'événement, le rappeler aux lecteurs le matin même... ces opportunités in-

formatives n'étaient pas offertes par la presse écrite.

Mais, depuis, les conditions ont évolué. Delphine Caurette le reconnaît : « Il y a quatre ou

cinq ans, le timing était différent entre le web et un média offline. Aujourd'hui ce n'est plus

102

Denis Huisman, 1981, L'attaché de presse, dans Huisman Denis & Constantin Lougovoy (dir.) Traité des

relations publiques, Paris PUF 103

LEGAVRE Jean-Baptiste (2007), Je t’aime moi non plus. Les relations d’« associés-rivaux » entre

journalistes et communicants, Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, Mémoire pour

l’habilitation à diriger les recherches en sciences de l’information et de la communication, Université de

Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines 104

Presse Quotidienne Régionale 105

Alain Joannès, La formation des journalistes face à l’innovation technologique, Les Cahiers du

journalisme n°21, avril 2010

54

le cas : tu peux utiliser le web en amont, car il est plus réactif, mais le délai et les con-

traintes des journalistes web deviennent identiques à ceux des médias offline »106

. Manque

d'effectif dans les rédactions web, abondance de l'information, ou encore faible espérance

de vie des médias numériques... le web s'est rempli d'une masse de contenus, dans laquelle

la bonne information a besoin de se distinguer.

La pertinence avant tout

Et pour se distinguer, l'information doit être puisée à sa source. Si bon nombre d'articles

résultent d'un piochage de données à droite et à gauche sur la toile, il revient également aux

attachés de presse de fournir un contenu exact, pertinent et susceptible d'intéresser les jour-

nalistes, qui voient passer des dizaines d'informations par heure. « Le web a besoin d'un

vrai bon contenu, pas besoin de tout et de n'importe quoi »107

, avoue Cécile Legros, du

Printemps de Bourges. Cette dernière, anciennement directrice de la communication en

Maison de disques, raconte son expérience. « En label, quand ça ne marche pas sur les mé-

dias traditionnels, on avait tendance à vouloir que le web assure. Mais on a vite compris

qu'il n'était pas la poubelle des médias », constate-t-elle. « Les journalistes web n'ont pas

forcément envie de parler des choses dont les médias traditionnels n'ont pas envie de par-

ler », ajoute-t-elle. De plus, la toile, envahie par l'information virale accrocheuse (appelée

communément scoop ou buzz), a tendance à alerter le regard du journaliste, au détriment de

contenus purement informatifs. Mais les attachés de presse de festivals n'en retirent aucune

retombée positive : « le buzz ne sauve pas le produit culturel », déclare Delphine Caurette.

Le problème de la gratuité

La révolution d'Internet, au delà de son immédiateté de l'information, doit sa réussite à son

accessibilité, sa gratuité. En effet, alors que les journaux papier se monnaient, Internet offre

une multitude de services, et notamment une multitude de contenus, de façon totalement

libre. Écouter de la musique, échanger sur les réseaux sociaux, consommer de l'informa-

tion... toutes ces pratiques socioculturelles sont dorénavant mises à la disposition de cha-

cun. « Le modèle d'affaires des industries culturelles semble menacé par les possibilités du

numérique, orienté vers un accès libre et illimité – et souvent gratuit – à l'information et

aux produits culturels, en particulier sur la presse quotidienne »108

, constate Annaïg Mahé,

de Unité Régionale de Formation à l'Information Scientifique et Technique en 2008, alors

106

Si on parlait web, site et social network ? Rencontre organisée par le webzine The Artchemists, article

écrit par Padme Purple 107

Si on parlait web, site et social network ? Rencontre organisée par le webzine The Artchemists, article

écrit par Padme Purple 108

Annaïg Mahé, 2008, Libre n’est pas gratuit : qui paye le libre accès ? Le marché de l’édition scientifique

et les nouveaux modèles économiques, Schedae, prépublication n° 12, fascicule n° 2 : 11-20.

55

que la crise de la presse fait rage. Et pourtant, réduire cette gratuité pour assurer la survie

de certaines rédactions n'a jamais été une mesure prise par les autorités. Anéantir cet accès

libre à l'information peut sembler être une approche conservatrice ou élitiste. Toutefois,

Serge Proulx, professeur à l'Ecole des médias à Montréal, se questionne : « Cette culture de

la gratuité ne constitue-t-elle pas une innovation pouvant avoir des répercussions décisives

en matière de diffusion culturelle ? »109

. En effet, sur le web, si, pour les journalistes, la

diffusion d'une information concernant un festival n'a que peu d'impact économique (sauf

dans le cas d'un partenariat avec celui-ci), pour les chargés de communication du festival,

elle est efficace, financièrement, mais aussi auprès de son public potentiel.

Il y a donc de nombreuses possibilités de traitements médiatiques d’un festival. La densité

du web ou encore la diversité des supports entrainent une multiplication des chances pour

un événement d’être évoqué sur Internet. S’il existe toutefois des difficultés pour obtenir

une couverture médiatique liées au caractère aléatoire des médias ou encore aux limites

fixées par les attachés de presse, un festival obtient une grande visibilité sur Internet, par

son caractère éphémère et fixé dans le temps ou encore les coups de cœur des journalistes.

II. Les médias numériques, une infinité de possibilités pour les

festivals

A – Cohérence temporelle et réactivité mutuelle

Le pouvoir de faire circuler une information efficacement, c'est le propre du média numé-

rique. Pour un festival, événement culturel se déroulant sur des dates précises, le média

numérique est d'une grande aide : ainsi, il se fait connaître rapidement et peu communiquer

de façon quasi-directe avec ses potentiels festivaliers.

La temporalité des médias numériques est précise. Elle est différente des médias tradition-

nels et battit toute la stratégie de la communication des festivals. Ces derniers mettent en

œuvre des lignes artistiques en espérant à chaque édition atteindre leurs objectifs de fré-

quentation. Pour attirer le public dans ses filets, la communication doit se rapprocher de ses

festivaliers. Concentrant une majorité de jeunes générations dans les festivals de musiques

109

Internet et la culture de la gratuité, Serge Proulx et A. Goldenberg, 2010, Revue du Mauss, n°35, Paris

56

actuelles, la moyenne d'âge du public des festivals est de 50,8 ans110

. Ce chiffre s'explique

par le nombre encore important de festivals de musique classique (33%, contre 15% de

musiques actuelles). Les festivals de musiques actuelles concentrent souvent le plus de

festivaliers et sont aussi les plus médiatisés. La communication numérique a alors davan-

tage de portée sur le public, jeune, grand consommateur d'informations sur Internet.

Chaque individu âgé entre 15 et 24 ans passe en moyenne deux heures par jour sur Inter-

net111

. « La plupart des pratiques culturelles convergent désormais vers les écrans : vision-

nage d'images et écoute de musique (51 %), mais aussi lecture de textes », note Olivier

Donnat dans son étude Les pratiques culturelles des français à l'ère du numérique. Ils con-

sultent d'ailleurs davantage les médias numériques que les médias traditionnels. Il est donc

normal que la communication des festivals accorde une attention toute particulière aux dif-

férentes interfaces d'information qu'on puisse trouver sur Internet.

Par définition, le festival prend racine sur une temporalité fixe, un cadre spatio-temporel

délimité et définit à l'avance. Son caractère exceptionnel est son essence même, il se réalise

de manière éphémère obligatoirement. La difficulté des festivals est de fidéliser un public,

à maintenir une communication sur l'année. Certaines organisations mettent même en place

des événements annexes, comme les Transmusicales avec la tournée des Trans, le festival

de Poupet avec son tremplin ou encore le Printemps de Bourges avec la sélection des

Inouïs région par région, qui a lieu en amont de la semaine du festival. La précarité règne

également au sein des équipes festivalières, car la durée de leurs activités ne s’échelonne

pas sur une année. Si sa production éphémère peut parfois lui jouer des tours, le festival

doit sa réussite à son intensité et sa courte durée, et se battit autour d'une temporalité qui lui

est propre. La communication et les médias doivent donc adopter le même rythme que l'or-

ganisation.

Les médias numériques ont le pouvoir de suivre cette temporalité et de réagir rapidement

face à l'arrivée d'une information. Cette dernière peut être traitée de deux façons : à chaud,

ou à froid, comme le détaille Franck Rebillard dans son article Journalisme en ligne et in-

formation instantanée. « Le secteur de l'information en ligne, apparue au milieu des années

1990, s'est développée de manière très diversifiée, avec une dualité dans la temporalité de

l'information »112

, explique-t-il. Tandis que certains sites vont collecter l'information

110

Les publics des festivals, Emmanuel Négrier, Aurélien Djakouane, Marie Jourda, Editions Michel de

Maule, Collection Musique, Avril 2010 111

Les pratiques culturelles des français à l’ère du numérique, Olivier Donnat, Enquête 2008, La Découverte,

Ministère de la Culture et de la communication 112

Franck Rebillard, Journalisme en ligne et information instantanée, article paru sur l’INA-expert, octobre

2012

57

même, d'autres vont investiguer et prendre le temps d'aller plus loin que relater simplement

le fait. Toutefois, l'efficacité du traitement de l'information peut être un facteur de concur-

rence de taille. C'est ainsi que les médias numériques font leur place sur la toile, selon le

triptyque « hypertextualité – interactivité - immédiateté ». Les délais dans le traitement sont

réduits, mais la qualité doit rester la même pour conserver une fidélité dans son lectorat.

Une enquête de Jean-Marie Charon, en 2010113

, a même montré que les sites les plus réac-

tifs restaient les rédactions purement professionnelles, et les autres interfaces, proposant

des sujets plus en marge de l'actualité résultent davantage de journalisme amateur. Lors

d'un colloque en 2009 portant sur La production de l’information web114

, Béatrice Damian-

Gaillard, docteur en sciences de l'information et communication, a distingué ces deux types

de traitement : l'un est alors appelé « site angliste », et réagit en décalage de l'actualité, de

façon décalée ou oblique, et l'autre est désigné « site productiviste », il produit un maxi-

mum d'informations, en un minimum de temps et de moyens. Ce dernier illustre parfaite-

ment les enjeux des médias numériques, produisant de l'information efficace et productive,

bon marché mais peu originale. « Cette vitesse d'exécution est en réalité une pression à

produire rapidement dans un contexte de forte concurrence et engendre des répercussions

sur le type d'information mise en ligne »115

, explique Franck Rebillard. Les médias numé-

riques ont, par conséquent, quelques attraits pour le consommateur de l'information : la

rapidité d'accès aux données ou aux réactions des internautes, sollicités dans le mythique

espoir d'une intelligence collective, et une trace numérique, qui rend les déclarations moins

éphémères que dans d'autres médias.

Dans le cadre d'un traitement d'un festival, le média numérique suit trois temporalités diffé-

rentes : avant l'événement, pendant l'événement et après l'événement. Il va avoir la possibi-

lité de l'annoncer en amont, de le couvrir en direct, et/ou d'en faire un bilan. Dans des

termes journalistiques, présenter un festival correspond à un papier d'annonce, le couvrir

sur place peut donner lieu à un live-report (ou un fact-checking), et en faire un bilan résulte

en donner des chiffres de fréquentation au terme de l'événement.

Dans cette partie, j'ai analysé le traitement de trois festivals différents, tous trois d'ampleur

nationale : les Nuits Sonores, le festival lyonnais spécialisé dans les musiques électro-

113

Jean-Marie Charon, De la presse imprimée à la presse numérique. Le débat français, in Réseaux, n° 160-

161, pp. 256-281, Paris, La Découverte, 2010. 114

DAMIAN (Béatrice), REBILLARD (Franck), SMYRNAIOS (Nikos), La production de l’information web

: quelles alternatives ? Une comparaison entre médias traditionnels et pure players de l’Internet, in Actes du

colloque international New Media and Information, Athènes, Panteion University, 2009. 115

Franck Rebillard, Journalisme en ligne et information instantanée, article paru sur l’INA-expert, octobre

2012

58

niques, le Hellfest, festival de métal se déroulant dans la région nantaise, et le Printemps de

Bourges, festival du Cher ayant lieu chaque année depuis 1976. J'ai, pour chacun, comparé

des articles issus des trois temporalités décrites (annonce, live-report et bilan), sur des in-

terfaces d'informations bien distinctes : le blog, le webzine, le pure-player, le site d'actuali-

té locale, le site d'actualité nationale, le site d'actualité spécialisé dans l'information cultu-

relle ou musicale. Le corpus ainsi délimité, j'ai décrypté les articles dans leurs fonds et dans

leurs formes, en m'attachant notamment à l'angle adopté par les journalistes, l'objectivité, la

longueur de l’article, la présence de liens ou de supports multimédia, la pertinence de l'in-

formation ou encore sa réception auprès du lectorat. L'analyse a montré des résultats

propres à chaque support et à chaque temporalité. Par contre, l'identité du festival n'in-

fluence que rarement son traitement dans les médias.

L'annonce

L'annonce d'un festival dans les médias est la seule chance que possède une rédaction pour

obtenir le droit de couvrir l'événement. Pour les attachés de presse de festivals, l'attention

est focalisée sur ces papiers car ils permettent d'influencer le potentiel public à se déplacer

le jour J. Bien souvent, l'accréditation d'un journaliste est accordée dans la mesure où il

contribue à la communication du festival en amont de l'événement. En d'autres termes, tan-

dis que l'annonce profite aux attachés de presse, elle offre le droit aux journalistes de pou-

voir réaliser des live-reports, souvent plus importants pour le média lui-même que pour le

festival.

Blogs

Les blogs-relais d'information annoncent les festivals selon leurs coups de cœur.

Puisqu'il s'agit d'interfaces personnelles et amateurs, la forme personnelle est em-

ployée et est utile dans le cas d'une prescription aux lecteurs (« je vous conseille de

prendre vos places à l'avance »). Ces articles – courts, la plupart du temps – mettent

en avant les artistes repérés par l'auteur et énoncent des pronostics sur le déroule-

ment général du festival en question. Une redirection vers le site officiel du festival

est, dans la plupart des cas, systématique. Souvent, certains bloggeurs incitent

même à se tourner vers des médias numériques professionnels pour un complément

d'informations (« Je vous invite donc à lire les articles détaillés du Petit Bulletin et

de Tous en Tong qui ont l'air de mieux connaître [la programmation] »116

). À la fin

de l'article d'annonce, les bloggeurs ont l'habitude d'ouvrir le dialogue avec les lec-

116

Blog « Who cares, really ? » exploité par wordpress, article publié en janvier 2014

59

teurs et de solliciter leurs réactions (« et vous, elle vous parle cette programma-

tion? »).

Pure-player

Comme expliqué précédemment, les pure-players n'ont que le web pour s'exprimer,

et s'en empare souvent à juste titre, pour produire des articles assez conséquents et

justifiés. Pour annoncer un festival, le pure-player adopte un angle original, qui ne

sera pas reproduit dans d'autres médias. Par exemple, quelques jours avant le début

du Printemps de Bourges 2014, l'Huffington Post a publié un article écrit par le

groupe Cheveu, programmé lors de l’événement, qui décrypte son état d'esprit à

l'idée de jouer le même soir que Fauve et Détroit lors du festival berruyer117

. L'ar-

ticle sera alors plus détaillé et ira plus loin que les informations sommaires concer-

nant le festival (lieu, dates, artistes).

Webzine

Mi-blog, mi-pure-player, au delà du site d'informations culturelles, le webzine est

une entité, une rédaction prescriptrice à part entière qui adopte le « nous » ou le

« on » dans ses articles. Adeptes de l'annonce de concerts et de festivals, les articles

sont généralement courts et dotés de vidéos ou de sons pour illustrer la programma-

tion. La rédaction se donne également le droit de donner son avis sur les choix artis-

tiques du festival afin de tenter d'orienter le potentiel public.

Site d'actualité locale

Déclinaison de journaux papier locaux ou sites Internet d'information régnant en

maître sur un territoire, les médias locaux ont une mission plus prenante auprès de

la population locale, première cible logique de la plupart des festivals. Les informa-

tions essentielles concernant l'événement, appelées informations pratiques, doivent

donc être réunies (répondant aux « 5W », à savoir where? Who? What? When?

Why?), afin de renseigner au mieux le public. L'article s'adresse à un lectorat large,

l'angle d'une annonce est assez classique. Le papier est ponctué de chiffres, rappelle

les éditions précédentes du festival et peut mettre en avant quelques citations des

organisateurs. Une interview d'artistes du line-up du festival, réalisée en amont par

les journalistes, peut également faire office d'article d'annonce.

Site spécialisé, culture ou musique

117

Ce jeudi 24 avril, on va jouer le même soir que Fauve et Détroit, par Cheveu, article publié sur

l’Huffington Post, le 19 avril 2014

60

Une rédaction de sites culturels comme Les Inrocks, Télérama, MusicActu, Evene

ou encore Tsugi, annonce un festival de manière plus succincte que les live-reports

ou les bilans, mettant en avant les artistes coups de cœur à ne pas manquer. Toute-

fois, le papier est porté par un angle clair. Ainsi, l'article ne livrera pas exhaustive-

ment tout ce qu'il y a à savoir sur le festival. Le ton et la position par rapport à

l'événement sont également notables : dès l'annonce du festival, le lecteur est ca-

pable de déterminer si la rédaction est emballée par la programmation, ou non.

Site d'actualité nationale

Pour des sites comme Lemonde.fr, tempsreel.nouvelobs.com, ou encore lefigaro.fr,

les papiers d'annonce de festivals ne sont pas courants. D'ailleurs, l'absence d'ar-

ticles en amont du festival ne suffira pas à les discréditer auprès des attachés de

presse. Les rédactions seront davantage intéressées par les bilans festivaliers, traités

avec la plume du live-report. Toutefois, dans le cas où le festival est annoncé, il se-

ra traité sous un angle précis. Par exemple, le Nouvel Obs a écrit un texte à puces

pour expliquer le succès du Hellfest, vulgarisant le concept du festival pour parler à

la majorité de ses lecteurs. Aussi, si le festival fait preuve de nouveautés imman-

quables ou d'événements majeurs pour sa prochaine édition, le titre peut prendre la

liberté de faire un papier en mettant en contexte l'événement, et abordant son passé

mais aussi son futur. Par exemple, en début d'année 2014, soit quatre mois avant la

38è édition du festival, lemonde.fr a de nombreuses fois abordé le rachat du Prin-

temps de Bourges par C2G, la société détenant les Francofolies de La Rochelle, an-

nonçant des suppositions sur le festival à venir (« On peut croire que Le Printemps

de Bourges est assuré de rester dans sa ville »118

).

Le papier d'annonce d'un festival est donc plus mis en valeur dans la presse d'actualité lo-

cale et sur les pure-players. Ces interfaces, prises dans les grands espaces du web, vont

avoir une vraie fonction d'annonceurs auprès d'un public large, rôdant sur les médias numé-

riques à la recherche d'informations complètes et fiables.

Le live-report

Appelé « délégation de la parole journalistique »119

par Franck Rebillard, le live-report

illustre parfaitement le journalisme en ligne. Appliqué aux festivals, il prend tout son sens

118

Le Printemps de Bourges change de mains, Patrick Martinat, article publié sur lemonde.fr, le 16 décembre

2013 119

Franck Rebillard, Journalisme en ligne et information instantanée, article paru sur l’INA-expert, octobre

2012

61

en permettant aux lecteurs de suivre un événement directement branché sur le média. Vi-

déos, sons, photos... le live-report se battit également autour d'un système d'écriture proche

du récit, incluant un regard sur l'événement en accord avec la position de la rédaction.

Blogs

Toujours adoptant un point de vue personnel, les live-reports publiés sur les blogs

ressemblent plus aux bilans de festivals. Publiés souvent à froid après l'événement,

ils retracent l'expérience de l'auteur, en tant que festivalier. Ce dernier ajoute à son

histoire ses propres photos et vidéos des concerts qu'il a le plus appréciés, en ajou-

tant des anecdotes relatant les aventures qu'il a vécues sur le festival.

Pure-player

Il n'est pas rare de lire un live-report sur un pure-player. Chroniques de concerts, ar-

ticle de fond, interviews fournies... la rédaction d'un pure-player permet d'assurer un

suivi complet du festival, publié sous diverses formes. Avec un angle toujours bien

clair et défini à chaque papier, les live-reports des pure-players donnent également

un regard extérieur au festival, en apportant des éléments auxquels n'ont pas accès

les festivaliers, comme les retombées économiques ou politiques du festival. Aussi,

les critiques des concerts fournissent des informations supplémentaires sur les ar-

tistes, sur la setlist ou des anecdotes.

Webzine

Un live-report de festival publié sur un webzine correspond à un même papier, plu-

tôt conséquent, d'une journée ou de l'ensemble du festival. Il se peut que l'article

soit découpé, heure par heure, afin que le lecteur se repère dans le récit, comme s'il

se trouvait avec le journaliste. Ici, le récit relate davantage l'expérience festivalière :

le décor, ce qui a été vu et entendu, en conservant le fameux « on » propre aux ré-

dactions des webzines.

Franc, objectif et personnalisé, le live-report du webzine montre une qualité d'écri-

ture souvent supérieure aux blogs, tout en restant singulière et adoptant un ton par-

ticulier. Concernant les artistes, seuls ceux qui ont beaucoup plu – ou beaucoup dé-

plu – sont mentionnés, mis en lien avec des références judicieuses susceptibles de

parler aux lecteurs.

Site d'actualité locale

En règle générale, les seuls sites d'actualité locale produisant un live-report dans le

cadre d'un festival sont les titres qui possèdent un partenariat avec l'événement. Vi-

déos, interviews, reportage photos, articles originaux... les sites vont produire des

62

papiers légers, bilan des premiers jours et annonce de la suite du festival. Par

exemple, leberry.fr120

, partenaire du Printemps de Bourges, a fait un éclairage ap-

profondi sur les bons plans du festival off. Cet article se réalise donc sur le festival,

et permet, une fois publié, d'orienter les festivaliers sur des choses qu'ils n'auraient

pas encore vues. Sinon, en guise de live-report, les articles publiés sur les sites d'ac-

tualité locale durant les festivals restent très simples : résumant l'affluence de festi-

valiers jusqu'alors présents sur le festival, ils répètent les informations essentielles

des concerts à venir, ponctuant de quelques anecdotes.

Site spécialisé culturel ou musical

Spécialiste de musique ou de culturel, le live-report est l'occasion pour les sites

comme Les Inrocks, Tsugi, ou encore Mixmag de faire des critiques de live d'ar-

tistes émergents ou des têtes d'affiche. Alors que certains portent un jugement sur

chacun des concerts, heure par heure, d'autres rappellent le ton du webzine en dé-

clinant la soirée passée au second degré en truffant leurs impressions de références

averties. La rédaction donne ici son avis en expert, se pose en spectateur modèle en

notant les détails que les festivaliers n'ont peut-être pas aperçus.

Site d'actualité nationale

Si très peu de plateformes d'actualité nationale ou internationale ne s'attardent sur

les live-report, certaines délèguent cette tâche à ses blogueurs, de sorte à donner la

parole à un spécialiste, tout en le rattachant au site principal. Par exemple, le Hell-

fest a été titré Métal, chaleur et poussière sur un blog du leparisien.fr. Pour ce

même festival, lemonde.fr a, lui, consacré tout un dossier spécial sur le festival,

comprenant des interviews, des comptes-rendus de concerts objectifs et des photos

se confondant à la mise en page des articles. Ici, tout est une question de monopole :

pour un festival de renom et qui attise la curiosité des lecteurs, comme le Hellfest,

un titre comme lemonde.fr a tout intérêt à offrir un live-report complet, défiant ainsi

la concurrence.

Alors que le live-report est un format très lu par les festivaliers et très exploité par les mé-

dias numériques culturels, il n'est réellement lu que sur les médias porteurs d'une opinion,

analysant le festival avec un regard critique et racontant des anecdotes pouvant parler au

lecteur. Sur les sites spécialisés en musique et sur les webzines musicaux, le format « on y

était » est en vogue : il permet aux festivaliers de revivre le festival une fois rentrés chez

eux, et aux lecteurs absents lors du festival de connaître ce qu'ils ont manqué.

120

Adaptation Internet du Berry Républicain, titre du groupe de presse Centrefrance

63

Le bilan

Blogs

Comme énoncé précédemment pour les live-reports, les bloggeurs mélangent la

forme du bilan de festivals avec celle du récit de concert. Ils y détaillent leurs dé-

couvertes musicales, racontent leurs impressions, et l'ambiance générale du festival.

Ils ne doivent rien aux attachés de presse : ils sont donc honnêtes et peuvent évo-

quer les points négatifs de l'expérience festivalière. Comme souvent, ils sollicitent

les internautes sur leurs réactions post-festival.

Pure-player

Les bilans de festivals publiés sur les pure-player sont complets, ils replacent le fes-

tival dans son contexte, rappellent les têtes d'affiche, donnent le nom des artistes

découverts et à surveiller de près. Ils évoquent également souvent les projets de

l'organisation pour l'édition suivante et livrent les chiffres de fréquentation sur l'édi-

tion venant de se dérouler. L'article, comme la plupart des articles des pure-players,

possède un angle, et est ponctué de virgules multimédia.

Webzine

Le webzine offre à ses lecteurs un bilan de festival sous la forme d'un bilan de live,

concert par concert. Très centré sur l'ambiance, il ne possède pas toujours un angle.

Il correspond au ressenti des journalistes de la rédaction une fois rentrée du festival.

Les journalistes profitent de ce dernier article pour rendre leurs comptes avec l'or-

ganisation du festival (Gonzaï s'est indigné contre les attachés de presse des Nuits

Sonores pour avoir mal organisé leurs interviews en 2014121

), ou avec les artistes.

Certains dressent même les listes des points positifs et des points négatifs du festi-

val.

Site d'actualité locale

Le bilan de festival est l’un des articles les plus fournis à propos du festival dans les

médias locaux. Livrant des chiffres de fréquentation, en les comparant parfois aux

chiffres des éditions précédentes, le journaliste effectue une analyse pertinente du

festival, en mettant en valeur les nouveautés de l'année, et annonçant la suite pour

l'organisation. Citant les réactions des programmateurs, des élus ou des festivaliers,

l'article-bilan énonce aussi quelques remarques anecdotiques, comme un point mé-

téorologique.

121

Comment je n’ai pas couvert les Nuits Sonores, par Romain Flon, publié sur Gonzaï.com le 4 juin 2014

64

Site spécialisé musical ou culturel

Sur les sites musicaux ou culturels, le bilan est davantage personnel que général.

Lié directement au live-report, il suit la logique proche de celle du webzine : « on a

vu, on vous montre et on vous raconte ». Toutefois, le bilan va plus loin que celui

du webzine car il adopte plus un ton prescripteur quant aux artistes révélés durant le

festival. Il va d'ailleurs s'en servir pour se démarquer des autres médias, sous la

forme de « ce qu'il faut retenir »122

Site d'actualité nationale

Les sites d'actualité nationale écrivent un bilan de festival si le festival mène à un

bilan. Dans d'autres termes, pour le cas du Printemps de Bourges, chaque édition

donne lieu à une « conférence-bilan », à l'occasion de laquelle Daniel Colling, co-

fondateur du festival, livre les chiffres de l'édition et donne ses impressions sur son

événement et le secteur culturel dans sa globalité. Le sujet va donc ainsi attirer les

rédactions du Monde, du Nouvelobs, de l'AFP, ou encore de Libération.

Ce qui importe aux attachés de presse, ce sont l'annonce de leur festival en amont par les

médias, pour garantir une fréquentation à la hauteur de leurs espérances, ainsi qu'un bilan

positif de leur festival pour préserver leur image d'une année sur l'autre. Ce qui importe aux

journalistes, c'est d'attirer les lecteurs en fournissant un contenu exclusif et inédit sur le

festival, correspondant souvent au format du live-report ou du bilan (tantôt coup de cœur,

tantôt coup de gueule). Les intérêts de chacun se compilent sur le système de l'échange de

bons procédés : l'attaché de presse ouvre le champ au journaliste pour un live-report à con-

dition qu'il ait réalisé un article d'annonce au préalable, et ainsi de suite. L'échange peut

s'étaler d'une année sur l'autre.

Les médias numériques les plus influents varient en fonction du type de traitement du festi-

val. Tandis que l'annonce va être plus détaillée et efficace sur les pure-players et sur les

sites d'actualité locale, les live-reports vont prendre leur sens sur les webzines, les sites

spécialisés ou encore les pure-players. Enfin, les bilans vont être de deux natures diffé-

rentes. Si certains vont être objectifs et rassembler des informations analysées et judi-

cieuses pour avoir une image du festival (presse locale ou nationale), d'autres vont mettre

en avant leurs paroles de journaliste en livrant leurs propres ressentis sur le festival, qu'ils

jouent en faveur ou en défaveur du festival (webzine ou blog).

122

Ceux qu’il faut retenir !, par Abigail Ainouz, publié sur Les Inrocks.com le 25 avril 2014

65

Donc, les traitements médiatiques des festivals qui vont avoir le plus d'impact sur les lec-

teurs vont être les annonces pratiques (sur les sites d'actualité locale, spécialisée ou natio-

nale), les live-reports et bilan francs (sur les webzines, les blogs ou encore les sites spécia-

lisés). Pour l'organisation festivalière, l'attention va être portée sur les annonces, là encore

les plus utiles, car elles peuvent influencer la fréquentation de l'événement, mais aussi sur

le bilan du festival, qui donne aux lecteurs et festivaliers une image du festival qui peut se

répandre rapidement sur la toile, qu'elle soit bonne ou mauvaise. Quant aux médias, le trai-

tement médiatique des festivals qui a le plus d'impact reste le live-report, notamment pour

les webzines et les sites culturels, mais aussi le bilan, qui pour les sites d'actualité nationale

ou locale, peut dépasser les limites du festival et donner lieu à des analyses approfondies

sur des sujets plus larges.

En d'autres termes, couvrir un festival pour un journaliste doit prendre en compte les avan-

tages qu'il peut en tirer, dans les limites que lui fixent les attachés de presse du festival.

Outre les avantages, il veillera aussi à ce que le festival et l’angle de son article entre dans

sa ligne éditoriale. Cette dernière lui indiquera également à quel niveau il peut s’investir

pour relayer la communication de ce festival.

B- Le traitement d’un festival, fruit de compromis éditoriaux

Le traitement d’un festival par un média numérique dépend de la réception du message de

la communication par le journaliste destinataire. La liberté éditoriale propre à toutes les

rédactions journalistiques peut faire en sorte d’aborder le festival en question, ou non. En

effet, contrairement au métier de communicant, le journaliste a un devoir d’objectivité : il

décide de traiter un sujet pour son intérêt et celui de ses lecteurs, en suivant sa ligne

éditoriale propre à son support. Elle définit l’identité de tout support rendant un contenu

public. Elle garantit par ce biais la cohésion globale des contenus et détermine le ton, le

choix des angles et le traitement des sujets. Ainsi, le propre du journaliste est de ne pas être

influencé par un facteur extérieur à sa rédaction. Dans le cas de la couverture d’un festival,

l’écriture d’un papier sur le web peut résulter de plusieurs décisions. Le média numérique,

personnalisé en la figure du journaliste peut se placer dans trois positions différentes par

rapport au festival. Pour analyser ces divers traitements éditoriaux, j’ai interrogé deux

journalistes issus de médias numériques qui ont traité le festival du Printemps de Bourges

66

en tant que partenaire et invité, et je me suis servie de mon stage à MédiasActu123

pour

analyser la position de média en tant que relai de l’information.

Le média partenaire

Le premier est Le Berry Républicain, étudié pour cette enquête sous sa forme numérique

Leberry.fr, partenaire historique du Printemps de Bourges. Ce dernier comptait, pour son

édition 2014, 21 partenaires médiatiques, dont deux médias radio (Ferarock et France

Inter), un groupe d’audiovisuel (France Télévisions), une plateforme musicale (Deezer),

une agence de publicité (Ciné culture), un magazine commercial (CGR Cinémas), et quinze

sites d’information numériques dont onze possèdent une version papier (Le Berry

Républicain, L’Express, Plugged, Rock&Folk, Tsugi, iMuzzik, New Noise, Openmag,

Francofans, Mondomix, Magma, Reggae Vibes, Infoconcert, Myrock et Davibe)124

. Sur son

budget total de plus de 5 millions d’euros, les partenariats médiatiques et professionnels du

festival berruyer en représentent 17% (contre 26% de partenariats privés ou encore 28% de

subventions publiques et 27% de billetterie125

).

Le Berry Républicain est un quotidien régional qui existe depuis 1944. En 1982, le groupe

de presse Centrefrance (détenant le journal La Montagne) se l’approprie et développe

notamment le site Internet leberry.fr. Ce dernier comptabilise 557 132 visites totales, avec

2 234 510 pages vues au total, soit une moyenne de 4.01 pages vues par visite. En 2014, il

se place ainsi au 143e rang site d’informations français le plus visité, sur un total de 172

sites126

. Le Berry Républicain est partenaire du Printemps de Bourges depuis les débuts du

festival. Depuis deux ans, ce partenariat est davantage exploité grâce au site Internet, qui

constitue une rédaction à part entière et qui fournit des papiers exclusifs sur le web. Alors

que, en 2014, le Printemps de Bourges s’est déroulé du 22 au 27 avril, leberry.fr a publié 51

articles consacrés au festival entre le 1er et le 30 avril. Il a également publié deux

diaporamas photos et 27 vidéos, dont quelques JT consacrés à l’événement. Toutefois, pour

Magali Saint-Genès, rédactrice en chef du Berry en charge de la couverture du Printemps

de Bourges, « ce n’est pas parce qu’il y a un partenariat qu’on n’est pas libre d’écrire ce

123

MédiasActu est une agence de contenus éditoriaux détenant les sites musicactu.com, radioactu.com, ou

encore la radio bretonne JaimeRadio 124

Liste des partenaires médiatiques sur le site officiel du Printemps de Bourges 125

"Le budget du festival s'élève à plus de 5,1 millions d'euros répartis de la façon suivante: 27% de

billetterie, 28 % de subventions publiques, 26% de partenariat et recettes commerciales, et 17% de partenariat

médias et professionnels", a énoncé Daniel Colling lors de la conférence bilan du 37e Printemps de Bourges

(2013). Ce mode de financement, qui repose autant sur le financement public que privé, est "la garantie de

l'indépendance du festival", selon lui. 126

Classement des sites web sur ojd.com, chiffres de juin 2014

67

qu’on veut »127

, précise-t-elle. « Le partenariat ne nous fixe pas un cadre dans lequel on

doit rester ». Quand la rédaction souhaite témoigner une remarque négative sur le

Printemps de Bourges, elle prend la liberté de le faire comme son essence médiatique

l’autorise. Pour le titre, ce partenariat est un avantage des deux côtés : « l’organisation du

festival nous achète de la publicité dans nos pages et sur le site, nous permet d’accréditer

beaucoup de journalistes, nous fait passer dans les médias prioritaires pour rencontrer des

artistes peu accessibles, et également, nous donne de la visibilité en nous offrant un stand à

l’accueil public », indique-t-elle. « En contrepartie, on leur offre une exposition médiatique

importante. On couvre tous les concerts payants et on fait aussi des sujets sur les scènes

gratuites. On commence en janvier-février, lors de l’annonce de la programmation, puis on

monte en puissance jusqu’au jour J », poursuit-elle.

Des conflits d’intérêt entre la communication et l’éthique des journalistes, Magali Saint

Genès ne le cache pas, il y en a déjà eu. « Mais rien qui remettrait en cause notre

partenariat », précise-t-elle. « Parfois, ça grogne un peu, mais ça tient aussi de la

personnalité du directeur du festival. Le risque serait de compromettre notre partenariat, de

réduire le nombre de journalistes accrédités. Mais ils se puniraient eux-mêmes, car si on

était moins nombreux à pouvoir couvrir le festival, on ferait aussi moins d’articles, aussi

bien sur le papier que sur le web ».

Et sur le local, le Berry Républicain est le seul partenaire du festival. À ses côtés au niveau

national, L’Express est l’autre partenaire de presse écrite qui possède aussi son site Internet

d’actualité. Sur le classement OJD des sites d’informations français les plus consultés128

,

L’Express se classe au 17e rang, sur un total de 172 sites. Il comptabilise 20 720 425 visites

totales, 58 772 869 pages vues, soit une moyenne de 2,84 pages vues par visite. L’Express

est partenaire du Printemps de Bourges depuis quelques années. Pour son édition 2014,

lexpress.fr a publié 11 vidéos et 6 articles à propos du festival berruyer. Le partenariat se

traduit également par de la publicité, de la communication visuelle (des banderoles

« L’Express » installée le long des scènes payantes) ou encore l’organisation de jeux

concours pour gagner des places pour les concerts du festival.

Le média invité

Le deuxième est Bip TV, une chaîne de télévision locale retransmise uniquement sur

Internet, venue en invité sur le Printemps de Bourges. Depuis quelques années, la chaîne

127

Propos recueillis lors d’un entretien téléphonique 128

Classement des sites web sur ojd.com, Chiffres de juin 2014

68

obtient à chaque édition des accréditations afin de couvrir le festival. Pour 2014, la

rédaction de Bip TV a obtenu cinq accréditations, dont quatre journalistes et un technicien-

caméraman. En échange de l’entrée à tous les concerts et l’opportunité de demander des

interviews avec des artistes, l’organisation du Printemps de Bourges demande

« simplement dans quel cadre on va diffuser nos images »129

, explique Laurent Mabed,

journaliste en charge de l’émission musicale, intitulée « Ultrasons ». « On explique qu'on

va rendre compte du Printemps de Bourges dans notre JT quotidien, et par ailleurs, je

m'occupe de l'émission musicale de Bip TV [donc] chacune des interviews, des captations

que je vais être autorisé à faire sur le Printemps de Bourges pourra être intégrée dans

l'émission musicale mensuelle, qui sera entièrement dédiée [au festival] », poursuit-il. De la

part du Printemps de Bourges, le journaliste avoue ne ressentir « aucune pression » :

« Honnêtement, je ne l’ai jamais senti comme une condition […] [Les attachés de presse]

savent qu'on fait du in, du off.. On fait [beaucoup de] demandes, que eux ne pourront pas

tout honorer, et que nous non plus. Quand ils refusent des interviews, ils motivent leur

réponse », raconte-t-il. La rédaction de Bip TV tente de produire deux sujets par jour lors

du Printemps de Bourges, en alternant des concerts payants et des concerts gratuits.

Pour la chaîne, le festival berruyer est l’un des événements les plus importants de l'année.

La rédaction veille à bâtir ses sujets avec une captation de concert, mêlée à l’interview de

l’artiste. « Si on a juste l'autorisation de filmer un concert mais que l’on n’a pas l’interview

de l’artiste, pour nous c'est un peu frustrant », avoue le professionnel. L’intérêt de couvrir

un festival via un média numérique, Laurent Mabed le voit dans la « complémentarité avec

la radio, l'audiovisuel, la presse écrite ». « Le web doit condenser en un tous les autres

médias en faisant tout bien : les bonnes vidéos, les bonnes interviews, les bonnes

présentations et le tout avec du sens », explique-t-il.

L’événement entre dans la ligne éditoriale de Bip TV dans la mesure où les journalistes en

rendent compte en « étant le plus près possible », indique Laurent Mabed. « Evidemment,

si le lendemain du lancement du Printemps de Bourges, on parle que du off, on va se

planter. Les gens qui vont regarder le journal de Bip TV ont envie de voir et d'entendre des

artistes dont tout le monde parle. Donc à nous de trouver le bon angle pour que les

téléspectateurs s'y retrouvent », raconte-t-il. « Et parce qu'on est un média local, [on doit

rendre compte] de l'actualité locale des artistes [locaux] sur le Printemps de Bourges »,

poursuit-il.

Donc, en invitant un média à participer et à couvrir son festival, les attachés de presse

129

Propos recueillis lors d’un entretien (retranscrit dans son intégralité en annexe)

69

entrent naturellement dans ce processus d’échange de bons procédés : ils vont diffuser

l’image de l’événement en échange de bonnes conditions d’accueil pour le faire. Si la

plupart du temps cet échange se déroule sans pression, la communication du festival

demande souvent des comptes au média accrédité, une fois l’événement passé : d’une part,

pour constituer sa revue de presse, et d’autre part, pour valider discrètement que le

journaliste a respecté « sa part du contrat ».

Le média-relai

Le troisième média mis en lumière est MédiasActu, une agence de contenus éditoriaux,

gérant du site d’actualité musicale MusicActu, et écrivant quotidiennement pour les portails

d’information Orange et SFR. MédiasActu a donc produit des articles portant sur le

Printemps de Bourges en tant que simple relai d’informations : les journalistes de l’agence

n’ont pas couvert le festival mais l’ont évoqué à plusieurs reprises depuis l’annonce de la

programmation, au même titre que d’autres festivals. Publiés sur trois supports différents,

les articles signés MédiasActu sont soumis à trois lignes éditoriales différentes :

Celle de MusicActu, définie par la rédaction interne. « Depuis 2010, la thématique

live semble s’être nettement développée auprès de nos clients, tels que Orange et

SFR, si bien que la ligne éditoriale de MusicActu a dû évoluer lui aussi vers cette

thématique »130

, explique Fabien Lacoste, rédacteur en chef de MusicActu.

Celle d’Orange, définie par la rédaction du Portail, qui exige de MédiaActu qu’elle

produise quotidiennement deux articles plutôt « grand public » à tendance live, et

deux articles portant sur des groupes, artistes ou événements moins connus, plus

indépendants.

Celle de SFR également défini par ce client lui-même. La ligne éditoriale est ici

définie comme accrocheuse, incisive, proche du buzz, adoptant un ton léger presque

humoristique.

Il revient alors aux journalistes de MédiasActu de voir si les diverses informations concer-

nant le Printemps de Bourges qui tombent durant l’année correspondent à l’une des trois

lignes éditoriales. Contrairement à l’agence de communication, l’agence de contenus Mé-

diasActu traite l’actualité musicale « comme celle-ci se présente », précise Fabien Lacoste.

« Malgré des axes éditoriaux spécifiques, le fil d'actualité quotidien produit par MédiasAc-

130

Propos recueillis lors d’un entretien

70

tu est fidèle aux critères déontologiques du journalisme », poursuit-il.

Vis-à-vis du Printemps de Bourges, MédiasActu agit comme un relai de l’information. Ré-

cepteur du message de communication du festival, il choisit ou non de le traiter suivant sa

pertinence et son lien avec les lignes éditoriales. Voici les cinq cas de figures dans lesquels

un journaliste de MédiasActu est amené à produire un article sur le Printemps de Bourges :

En anglant sur l’un des artistes de la programmation : si le festival programme une

tête d’affiche qui fait un passage unique en France (Orange)131

, ou encore si le fes-

tival programme un artiste qui correspond à la gamme pop-rock grand public (Mu-

sicActu)132

La notoriété du festival vaut le coup de produire un article : le Printemps de

Bourges est l’un des premiers de la saison, de même que sa programmation est

l’une des premières à être annoncée. La résonnance de l’événement sur la toile pro-

voque naturellement un article de la part de MédiasActu, que ça soit pour MusicAc-

tu133

et/ou pour Orange134

.

Le concept du festival résonne avec la ligne éditoriale : dans le cas où MédiasActu

doit écrire deux articles d’artistes plus « indépendants » pour Orange, les journa-

listes peuvent angler leur papier sur les Inouïs du Printemps de Bourges, le tremplin

interne au festival qui révèle de nouveaux talents chaque année135

.

Quand l’actualité du festival fait l’objet d’une réelle information : en dehors d’une

annonce de la programmation ou autres démarches qui pourraient servir à la promo-

tion du festival, ce dernier peut faire l’objet d’une actualité en dehors de son activité

artistique. Le Printemps de Bourges a d’ailleurs fait parler de lui dans bon nombre

de médias lorsqu’il est passé aux mains de la société C2G, filiale de Morgane Pro-

ductions, en décembre 2013136137

.

Quand le contact passe bien avec l’attaché de presse : il n’est pas impossible qu’un

journaliste soit en manque de sujets et qu’il se laisse tenter par la communication

d’un attaché de presse138

.

131

Article Stromae, star des festivals en 2014, publié sur Orange le 18 décembre 2013 132

Article Printemps de Bourges : premier festival pour Détroit, publié sur MusicActu le 30 janvier 2014 133

Article Shaka Ponk parmi les premiers noms du Printemps de Bourges, publié sur MusicActu le 3

décembre 2013 134

Article Le Printemps de Bourges dévoile sa programmation complète, publié sur Orange le 30 janvier

2014 135

Article Les iNOUïS du Printemps de Bourges dévoilés, publié sur Orange le 22 janvier 2014 136

Article Le Printemps de Bourges change de mains, publié sur MusicActu le 27 décembre 2013 137

Article Le Printemps de Bourges continuera sur sa lancée, à Bourges, publié sur Orange le 27 décembre

2013 138

Article Yodelice prend la route des festivals, publié sur MusicActu le 15 avril 2014

71

Au total, pour l’édition 2014, la rédaction de MédiasActu aura écrit 12 articles à propos

du Printemps de Bourges, répartis sur Orange (7) et MusicActu (5), de manière totale-

ment objective, sans avoir été influencée par la communication du festival. Le festival a

ainsi pris place au sein du flux d’actualité, au même titre que d’autres événements mu-

sicaux.

Donc, qu’il existe un contrat de partenariat entre la rédaction et le festival, que le jour-

naliste soit invité sur l’événement pour le couvrir, ou qu’une rédaction présente le festi-

val sur son support au même titre que les autres informations qu’elle véhicule, la ligne

éditoriale donnera toujours le ton du traitement. Le journaliste s’adaptera en fonction,

en veillant à conserver ses missions d’objectivité, de vérité et d’informateur. Pour obte-

nir davantage de lecteurs, il s’attachera également à traiter le festival pour d’autres rai-

sons : sur Internet, le phénomène a le vent en poupe et récolte de l’audience. Pour une

rédaction, couvrir un festival est donc une aubaine.

C- L’expérience festivalière au cœur des attentions journalistiques

Le festival n’est pas seulement un concert. Avec la prolifération des festivals depuis

quelques années, les événements culturels ont été nombreux à garnir les médias et

notamment la toile. Pour éviter la redondance, la surabondance d’informations similaires,

et aussi pour donner un esprit plus vivant à leurs papiers, les médias se sont davantage

intéressés aux concepts festivaliers : quel est le festival le plus insolite ? Quel est celui qui

draine le plus de public ? Quel est celui qui fait venir la meilleure tête d’affiche ? Chaque

année, la couverture médiatique d’un événement du genre se mérite, quand elle ne s’achète

pas. Au-delà du live, des budgets alloués aux partenariats médiatiques, des statistiques de

fréquentation, les journalistes sont de plus en plus nombreux à s’orienter vers l’expérience

festivalière en elle-même, ce qui influe le traitement des organisations. Alors, comment

choisissent-ils de traduire cette expérience ?

Avec de nouveaux formats propres au web

Les médias numériques n’ont pas à choisir entre écrire un article, enregistrer un son ou

réaliser un reportage vidéo. Ils peuvent combiner les trois supports : raconter la dite-

expérience dans un article, et la ponctuer par des interviews sonores, sons d’ambiance,

vidéos de concerts et surtout diaporama de photos, rendant ainsi le récit du festival encore

72

plus vivant139

. Certains choisissent même de bâtir leur papier de façon chronologique, en

racontant les concerts et les événements du festival heure par heure, jour après jour140141

.

D’autres choisissent d’écrire un texte à puces, en listant leurs coups de cœur, leurs coups de

gueule142

, les différents temps forts du week-end, ou les cinq bonnes raisons d’aller à ce

festival143

.

De nouvelles rubriques, un nouveau référencement

Les médias numériques classent la couverture de festivals dans leurs rubriques culturelles.

Quand il s’agit d’un média culturel, l’événement est traditionnellement rangé dans la

famille des arts qu’il présente : « musique » pour les festivals de musique, « arts vivants »

pour le théâtre, etc… Et pourtant, cette habitude aurait tendance à se perdre. Certains

médias adopteraient des rubriques plus originales, plus proches des traitements qu’ils font

des festivals : actuellement, un festival n’est pas uniquement considéré comme un

événement culturel, il se rapprocherait aussi d’un fait de société, du phénomène de mode. Il

s’agit d’un rassemblement hors du commun et propose des expériences qui promettent

d'être inédites. Par exemple, Rue 89, en partenariat avec le Nouvel Obs, ont fait leur propre

catégorie festivalière, perçue comme décadente, « Droguesnews », dans laquelle des

articles comme Pour ou contre le cannabis ? côtoient certains articles traitant de festivals,

comme Mes quatre jours au festival Burning man : hippie 2.0144

. Au lieu de ranger ses

articles de festivals musicaux dans la rubrique « Musique », le magazine Néon les classe

dans son onglet « S'épanouir ». Enfin, d’autres sites comme Konbini ou Tsugi publient

leurs live-reports de festivals dans des rubriques comme « Tendances » ou encore

« Magazines », exprimant ainsi avec de longs formats.

Angler sur le public et pas sur les artistes

Qui dit multiplication des festivals, dit aussi redondance dans les programmations.

Beaucoup d’artistes font de leur été une tournée des festivals, provoquant un formatage

artistique du genre d’événements. Du point de vue du traitement médiatique, il est de moins

139

Les supports sont d’ailleurs divers et variés : par exemple, le webzine nantais Pulsomatic a illustré le West

Side Festival à travers des dessins de bande dessinée, publiés sous forme de diaporama, le 28 juin 2014 sur

pulsomatic.com 140

Summer festival 2014 : on y était, publié sur mycontact.net le 1er juillet 2014

141 On y était : les Déferlantes d’Argelès, publié sur lesinrocks.com le 29 juillet 2014

142 Tomorrowland 2014, on y était, publié sur Moustique.be le 28 juillet 2014

143 5 bonnes raisons d’aller au Worldwide Festival de Sète, publié sur Traxmag.fr, le 24 juin 2014

144 Mes quatre jours au festival Burning Man : hippie 2.0, publié sur rue89.nouvelobs.com, le 14 septembre

2008

73

en moins intéressant de couvrir les concerts d’un festival qui ressemblent à ceux de son

voisin. Tandis que les festivals vont développer leur originalité, les médias vont tenter de

mettre en avant les concepts festivaliers qui les séduisent le plus, se démarquant ainsi

également des autres traitements qui rodent sur le net. Voici quelques exemples de médias

qui ont choisi d’angler leur papier sur l’expérience festivalière en elle-même, produite par

un concept festivalier singulier.

Voir plus loin, en dehors des frontières : « Lassé de votre 12ème édition des

Eurockéennes ou de Garorock ? Marre des virées à Barcelone une fois par an, pour un de

ses gros festivals prestigieux ? On peut comprendre. On cherche même déjà des

alternatives. », article Optimus Alive à Lisbonne, publié sur lesinrocks.com le 14

juillet 2014

Insister sur un côté caché du festival : « Qu'on se le dise : on s'est goinfrés pendant

quatre jours midi et soir. La gastronomie sétoise est parfaitement adaptée à un

marathon-festival comme le Worldwide, à savoir : grasse, revigorante et pleine de

saveurs », article On y était : dans la bulle du Worldwide Festival, publié sur Le

mauvais coton, le 18 juillet 2014

Insister sur le petit plus du festival : « Une semaine après son édition barcelonaise,

Porto accueillait à son tour le festival Nos Primavera. Au menu : une

programmation à 70% identique à celle de sa grande sœur ibérique. Les pintes de

Caiprinha et des effluves de churrascaria en prime », article On y était : le festival

Primavera à Porto, publié sur lesinrocks.com le 9 juin 2014

Insister sur le lieu : « Paris is burning. La capitale française a retrouvé une place

de choix sur la carte des musiques électroniques. Plus besoin d’aller à Londres,

Berlin ou New-York pour passer des nuits mémorables. En partant de Paris, il suffit

de prendre la bonne ligne de métro, direction Château de Vincennes », article On y

était : Peacock Society, publié sur lesinrocks.com le 15 juillet 2014

« On y était », le gage du vécu

Une expérience festivalière ne se raconte que si elle a été vécue par le journaliste. En

envoyé spécial, il se mue dans la peau de l’investigateur, observateur omniscient de ce qui

se passe durant le festival. L’objectif est alors, pour les journalistes, de s'immerger dans le

festival et de permettre au lecteur de lire le papier comme s’il y était : ambiance générale,

anecdotes, détails croustillants et live-reports des concerts. À lire comme un récit, ces

74

articles, de plus en plus en vogue sur la toile, suscitent la curiosité des lecteurs et

remportent le succès escompté, notamment via les réseaux sociaux. Par exemple, quand le

magazine Tsugi est allé jusqu’au festival Coachella145

, le site a multiplié les partages sur

Facebook146

et les retweets sur Twitter. L'histoire est ponctuée de photos ou de vidéos,

souvent amateurs, prises avec une petite caméra ou un smartphone de la part du journaliste,

ou alors avec des vidéos officielles publiées sur le compte Youtube ou Dailymotion du

festival. Comme son titre l'indique, le « on » est de rigueur dans un compte-rendu

d'expérience festivalière. Il signifie : l'équipe de journalistes, personnalisant la rédaction,

partie en éclaireur sur place. Dans le même principe, la plupart des médias employant ce

mode d'écriture utilise le vouvoiement pour s'adresser à ses lecteurs147

.

De plus, un article du type « On y était » n'est pas juste un récit de festival avec un point de

vue extérieur. En tant que journaliste, l'envoyé spécial s'assure d'avoir les bonnes

informations pour garnir son papier, et récolter quelques témoignages exclusifs, par

exemple des organisateurs148

. Voici quelques extraits d’articles du type « On y était » :

« Après s’être fait hugger de force par quelques excités du public, Vega ne quitte

plus son siège, lance quelques fuck et sort de scène au bout de trente minutes », en

parlant de Martin Reverby, du groupe Suicide, article On y était : festival Mimi

2014, publié sur Hartzine le 21 juillet 2014

« Les conditions sont optimales : le soleil se couche doucement derrière la scène

pour l’entrée de l’homme au grand cœur Jack Johnson. Malheureusement, la foule

déchante vite à la vue de la performance de l’ancien champion du monde de surf

[…] Le personnage et son band préfère faire le set de leur choix en privilégiant des

titres inconnus au bataillon qui iront même jusqu’au slam de rap maladroit…

Dommage », article BilbaoBBKLive : on y était, on vous raconte, publié sur

Pausemusicale.com, le 31 juillet 2014

« Chaleur torride, bruissement des vagues, il est presque seize heures lorsque l’on

débarque à Biarritz le jeudi 17 juillet, sous le soleil exactement. [….] Des lumières

vertes et des faisceaux impressionnants illuminent la scène encore vide. Brian

145

Live-reports écrits par Patrice Bardot, sur Tsugi.fr, fin mars, début avril 2014 146

Avec une moyenne de 300 partages sur Facebook 147

« On y était : on vous raconte » : Les Inrocks introduisent toujours ce format d'article par cette formule,

quand ce n'est pas « on a testé pour vous » 148

C'est notamment le cas de Tsugi qui a interrogé le directeur du Pont du Gard à l'occasion du festival Lives

au Pont : « Ce sera les 30 ans de l’inscription du site au patrimoine mondial de l’UNESCO, je vous annonce

une très grosse programmation ! Le rendez-vous est pris », article publié le 14 juillet 2014 sur Tsugi.fr

75

Molko et ses musiciens font leur apparition tandis que le public devient hors de

contrôle, autant chez les jeunes que chez les plus âgés », article On y était : BIG

festival, publié sur lesinrocks.com, le 22 juillet 2014

Le journaliste devient un expert

Envoyé sur place pour constater l’expérience du festival, le journaliste devient un expert,

un juge, un testeur qui a l’œil partout. Il vérifie tous les aspects du festival avant de se

prononcer sur sa qualité.

« Des food trucks qui nous ouvrent déjà l’appétit, des espaces chill sous les arbres pas encore pris

d’assaut, des toilettes en quantité suffisante qui nous éviteront l’attente à 3h du matin » (Article On y était : Peacock Society, publié sur lesinrocks.com le 15 juillet 2014)

« Le confort général était au rendez-vous et les queues réduites au minimum, aussi bien pour les

toilettes qu'aux bars et aux casiers où les festivaliers pouvaient déposer leurs affaires. Seul petit

point noir : le temps d'attente interminable devant les stands de nourriture, alors que toute denrée

comestible ou liquide était confisquée par la sécurité à l'entrée ».

(Article Soirée électro du Weather Festival, publié sur Culture box, le 9 juin 2014)

« Comme tous les ans, partis avec la ferme volonté de voir le maximum de groupes, on aura

finalement cédé aux impondérables de ce genre d’événement: le temps, la faim, et la nécessité de ne

pas disperser le collectif dans la foule, autant d’éléments à peine mesurés à l’heure du départ, mais

qui finissent par toujours remettre le planning en question. Et cela dès les premières minutes. »

(Article Retour sur le festival Primavera Sound Festival, publié sur Mowno, le 5 juin 2014)

Le Journaliste expert déniche des informations à n’importe quel endroit où il en a

l’occasion, dans l’espoir de rapporter des côtés exclusifs du festival que d’autres n’auraient

pas remarqué.

« Stromae et son équipe voyagent avec trois camions remorques et sillonnent les festivals tout l’été,

en commençant par Beauregard, nous fait-on remarquer fièrement, là où il a commencé il y a

quelques années, mais sur la scène B du festival, "la plus petite" nous explique un technicien. » (Article On y était : le concert de Stromae à Beauregard, publié sur Glamourparis.com le 4 juillet 2014)

Le journaliste ne manque pas de rappeler qu'il est privilégié, qu'il peut voir et entendre des

choses auxquelles n’ont pas accès de simples festivaliers. Il sous-entend ainsi que, si ses

lecteurs y étaient ou n’y étaient pas, ils en sauront beaucoup plus en lisant son article.

« À peine le temps d’aller se boire une petite Heineken à la terrasse VIP de la Green Room que

Woodkid lâche ses premières basses déjà envoûtantes ».

(Article Mainsquare Festival, publié sur The Yers, le 9 juillet 2014)

76

Actuellement sur Internet, le festival est l’un des sujets les plus en vogue. Attirant les

lecteurs en masse, les articles n’abordent plus seulement le caractère artistique des

événements mais aussi toute l’expérience festivalière en elle-même. Les journalistes se

l’approprient comme tel, en adoptant le format de leurs papiers et se plaçant dans une

position de « testeur », pour obtenir davantage de légitimité auprès de ses lecteurs. Le

festival, traduit de différentes manières sur la diversité de médias numériques, est un

événement culturel de grande ampleur, qui attire les journalistes suivant le type de public

concerné, mais aussi leurs coups de cœur, ou leurs lignes éditoriales. Le traitement d’un

festival peut prendre de multiples formes. Il varie au gré de ses stratégies de

communication mais surtout de la réception qu’en ont les médias. Ces derniers

s’approprient le festival, en donnant leurs propres perceptions de l’événement, pour en faire

un rendu le plus exact possible aux lecteurs et donc, potentiels festivaliers.

77

Conclusion

Les festivals, bien qu'ils ne datent pas d'hier, sont dans l'air du temps. Au cœur des pra-

tiques culturelles, ils interviennent de manières ponctuelle et éphémère, et rassemblent pu-

blics et artistes autour d'un même concept et sur un même territoire. Dans le flot abondant

d'événements du genre, ils misent leur réussite – et donc leur survie – sur leur distinction.

C'est en ce sens que les médias entrent en jeu. Passerelle entre le public et la communica-

tion de l'organisation, ils ont pour mission de rendre leur verdict sur tel ou tel festival et

d'appuyer, ou non, la participation d'un festivalier qui ne serait pas encore convaincu. Si les

organisations les utilisent comme outil de promotion, les médias ne manquent pas de rappe-

ler qu'ils gardent leur position de testeurs, d'experts, libres d'influencer leur lectorat et po-

tentiel public de festivals.

D'autre part, depuis une dizaine d'années, les festivals remportent un vif succès auprès des

publics jeunes. Voir plusieurs artistes sur une même scène pour un prix raisonnable, profi-

ter de l'ambiance festive, mais aussi tout simplement par goût de se rassembler, le public

des festivals correspond sensiblement au public dit « connecté », qui sera réceptif aux in-

formations circulant sur Internet. Les médias numériques constituent donc un pilier pour la

communication des festivals. Aussi, les festivals alimentent de manière régulière le flux des

médias numériques. Dans cette tendance éditoriale de journalisme gonzo149

, d'expérience,

ils sont nombreux à s'intéresser aux festivals sous tous leurs angles, pour être plus proche

de leur lectorat, jamais réellement acquis dans un contexte difficile de crise de la presse.

Une communication sur-mesure

Dans ce mémoire, je me suis attachée à analyser les différents traitements des festivals dans

les médias numériques : comment les médias s'approprient-ils ces événements ? Quel est

l'impact de ce traitement sur l'image du festival ? Et l'image du média ? Ce traitement pro-

fite-t-il davantage à l'organisation du festival ou au média lui-même ? J'ai découpé mon

raisonnement en deux parties.

Dans la première, je me suis intéressée aux stratégies de la communication événe-

mentielle appliquée aux festivals, et la façon dont elles parvenaient à toucher les médias. Je

me suis rendue compte que chaque type de communication était relié à l'objectif premier

d'un événement. Si le festival souhaite valoriser son identité et son image, il mènera des

149

Aussi appelé « journalisme ultra-subjectif », le journalisme gonzo a pour but de traiter un sujet en

s’immergeant dans son contexte et d’utiliser la première personne pour en raconter l’expérience.

78

démarches de communication en lien direct avec la direction artistique. S'il souhaite rayon-

ner en dehors des frontières de son territoire, il privilégiera la communication sous-traitée.

Enfin, s'il souhaite accroître sa fréquentation, il divisera ses champs d'action au sein de la

communication et valorisera notamment l'autopromotion avec les réseaux sociaux, ou la

mise en place de partenariats médiatiques pour atteindre de nouveaux publics grâce à une

meilleure visibilité.

Un traitement aléatoire mais efficace

Dans la seconde partie, je me suis questionnée à propos des médias numériques, et

la réception qu'ils offraient à la communication des festivals. Comment ces derniers par-

viennent-ils à capter l'attention des médias ? Internet est une chance pour ces organisations

: de nombreux supports informatifs culturels existent et les chances sont nombreuses pour

permettre à un festival d'être traité. Toutefois, le web exige d'une communication d'être

maitrisée et contrôlée pour ne pas être déjouée, et des médias, d'être astucieux et inventifs

dans leurs papiers pour être consultés. Si la communication ne sera jamais retranscrite de

manière intacte sur les médias numériques, de leurs côtés, les médias ne seront jamais

libres de couvrir un festival sans embûches. Là où le digital est une opportunité pour un

festival, c'est surtout dans sa temporalité. Un événement possède une existence avant, pen-

dant et après le jour J, tout comme le web, grâce à une réactivité inégalée, peut produire un

récit avant, pendant et après le festival. Ce rythme commun peut alors servir les deux côtés

de la balance : les papiers d'annonce, servis souvent par les pure-players et les sites d'in-

formation locale, servent aux attachés de presse, rattachés à la communication de festivals;

les live-reports (par les sites musicaux et les webzines) et les bilans (par les pure-players et

les sites d'information locale) servent davantage les journalistes. Quant aux choix du trai-

tement, ils résultent souvent de choix éditoriaux, qui peuvent être influencés par l'existence

d'un partenariat entre le média et la structure festivalière, basé sur l'échange de bons procé-

dés, garantissant quantitativement (et non pas qualitativement) la couverture médiatique. Ils

peuvent aussi être liés à une participation à un festival, qui garantie à l'organisation l'exis-

tence d'une couverture médiatique de leur événement, ou alors aux retombées de la com-

munication du festival qui a su produire une information sélectionnée par un média-relai.

Ce traitement médiatique est alors très aléatoire et ne donne aucune garantie au départ.

Enfin, le traitement le plus en vogue dans les médias numériques reste le récit de l'expé-

rience, qui s'adapte aux atouts du web dans son format, et dans la façon de plaire aux lec-

teurs. Du type « On y était », ces articles donnent un vrai gage de qualité, replaçant ainsi le

79

journaliste dans sa position de testeur légitime, le média dans sa mission de relai de l'in-

formation, et le festival, dans sa fonction culturelle à part entière.

Une dualité dans les traitements médiatiques des festivals

La problématique de mon mémoire posait la question du traitement médiatique des festi-

vals. Je suis parvenue à la conclusion que ce traitement peut prendre deux aspects : le pre-

mier repose sur une information, qui peut aussi parfois prendre l'apparence d'un message

promotionnel (article d'annonce du festival), le second est un traitement purement journa-

listique (live-reports, ou bilan) qui peut servir à faire parler du festival mais qui est surtout

un article d'expression pour le journaliste. Le traitement peut être positif (coup de cœur de

la rédaction, ou fruit d'un partenariat avec l'organisation), plutôt négatif (quand un journa-

liste n'a pas apprécié l'ambiance du festival, ses concerts, ou tout simplement lorsqu'il a été

mal accueilli par le service de presse), ou ne pas dégager d’avis tranché (le récit reste ob-

jectif). Toutefois, la plupart du temps, pour les attachés de presse de festival, l'existence

seule d'un traitement quel qu'il soit, garantie à faire parler du festival.

Médias influencés, jamais acquis

Les stratégies de communication peuvent influencer les traitements médiatiques dans diffé-

rents cas de figures : si le message de communication véhiculé par l'organisation constitue

une information jugée pertinente par le média, si la communication est vendue par le biais

d'un partenariat médiatique, si les services de communication invitent une rédaction et la

prennent en charge lors de ces instants de promotion avec les artistes et balisent leur cou-

verture. La communication peut également avoir un impact sur les traitements médiatiques

quand le message de communication s'avère être vérifié sur place, quand la proposition

artistique du festival plait à la rédaction ou encore quand les stratégies de communication

sont elles-mêmes novatrices, elles peuvent susciter une influence sur l'article que va publier

une rédaction.

Identité marchande et identité objective

La mission du journaliste est d'être le plus objectif possible, d'être au plus proche de la réa-

lité, vis à vis de ses lecteurs, il doit susciter soit l'envie de découvrir le festival, soit de ne

pas le découvrir, ou de se rapprocher du point de vue des festivaliers qui ont participé, de

sorte à ce qu'ils reconnaissent le festival tel qu’ils l’ont vu dans la description qu'en fait le

journaliste. S'il peut émettre un jugement, il doit quand même apporter une vision plus

80

large du festival que possède le simple spectateur. Il doit alors remettre le festival dans un

contexte, annoncer des informations inédites. Les traitements médiatiques ont donc tout

intérêt à être au plus proche de l'identité du festival. Cependant, c'est valable s'il s'agit de

l'identité du festival et non de l'identité du festival véhiculée par la communication. Une

fois sur place, le journaliste peut se rendre compte qu'on l'a trompé et que l'identité vendue

est alors fausse. Il est donc normal que les traitements médiatiques d'un festival reflètent

son identité, mais il est courant que l'identité festivalière véhiculée par la communication

ne se retrouve pas dans les traitements médiatiques.

Le choix inévitable parmi l'offre festivalière

Le traitement médiatique d'un festival, sur le digital, peut être de différentes natures, selon

s’il est motivé par la communication du festival ou par le média lui-même. Dans la forme,

alors que l'annonce du festival reste proche du format des médias traditionnels, le traite-

ment explore souvent les possibilités du web, quand il s'agit de raconter l'évènement, pen-

dant ou après qu'il se soit déroulé. Dans le fond, le même traitement peut cacher un mes-

sage promotionnel dans certains cas, mais souvent, les médias ont entièrement le contrôle

sur les festivals qu'ils couvrent ou qu'ils relayent. Noyés dans une masse importante d'in-

formations festivalières, les médias digitaux, qu'ils soient généralistes ou spécialisés, ama-

teurs ou professionnels, sont systématiquement amenés, et davantage dans le contexte ac-

tuel, à procéder à une sélection éditoriale, réfléchie, appuyée et justifiée lors du traitement.

Un troisième étage d'étude : la réception de la communication

Pour pousser l'étude un peu plus loin, il suffirait de vérifier les impacts des traitements mé-

diatiques et des démarches de la communication sur le public des festivals. Il faudrait alors

s'interroger autour de l'influence des médias sur la fréquentation en festival. Le public est-il

sensible à l'image des festivals dans la presse ? Qui est le plus attentif aux traitements mé-

diatiques des festivals : le public participant ou le public manquant au festival ? Les médias

numériques jouent-ils un rôle dans l'achat des places en festival ?

Si seulement deux étages ont été traités dans ce mémoire, il aurait été intéressant d'étudier

les trois étages de communication, à savoir le message de communication du festival, sa

retranscription dans les médias, et sa réception par le potentiel public du festival. Il s'agirait

alors d'effectuer des enquêtes qualitatives auprès des publics pour connaître les raisons qui

les ont poussés à venir au festival et si les médias en font partie.

81

S'il fallait établir un diagnostic entre les attachés de presse de festival et les journalistes, je

dirai qu'il s'agit d'un échange sinueux entre les intérêts de chacun, tout en tentant de main-

tenir des relations cordiales et coopératives. En interdépendance les uns avec les autres, ils

s'attachent ensemble à rendre compte des particularités d'un festival et le faire exister. En-

core plus valorisés actuellement dans les médias que d'autres événements culturels, le festi-

val tend, de ce fait, à être perçu comme un événement humain de grande ampleur, à la croi-

sée des chemins entre le fait socio-culturel et le phénomène de société. C'est dans cette

perspective que la communication et les médias, et en particulier les médias numériques,

sont des maillons indispensables à la survie des festivals.

82

Anaïs RAMBAUD

Mémoire de Master 2 professionnel

Journalisme culturel

Les festivals et Internet : des stratégies de communication

aux traitements médiatiques

ANNEXES

Sommaire

Bibliographie ................................................................................. 83

Organigrammes ............................................................................. 86

Printemps de Bourges .................................................................................................................. 86

Les Nuits Sonores (Arty Farty) .................................................................................................... 87

Les Ingrédients ............................................................................................................................ 88

Retranscription d’un entretien : rencontre avec Laurent Mabed, journaliste ............ 89

Plan de communication des Eurockéennes de Belfort .................................................... 93

Extrait de l’enquête Les festivals musicaux français et les réseaux sociaux .................. 96

Extrait de l’étude d’Olivier Donnat ................................................................................. 97

Articles extraits du corpus d’étude .................................................................................. 98

Partie 2, III, A .............................................................................................................................. 98

Partie 2, III, C ............................................................................................................................ 105

83

Bibliographie

Livres Les publics des festivals, Emmanuel Négrier, Aurélien Djakouane et Marie Jourda, Editions

France Festivals, Michel de Maule, Avril 2010

Musiques actuelles: ça part en live! Mutations économiques d'une filière culturelle,

Gérôme Guibert et Dominique Sagot-Duvauroux, Edition de l'IRMA, 2013

L'attaché de presse, Denis Huisman, dans Huisman Denis & Constantin Lougovoy (dir.)

Traité des relations publiques, Paris PUF, 1981

Le journalisme après Internet, Yannick Estienne, Editions L’Harmattan, Collection

Communication et civilisation, 2007

Sociologie du journalisme, Eric Neveu, Editions La Découverte, Collection Repères, 2009

L’Information responsable ; un défi démocratique, Jean-Luc Martin-Lagardette, Editions

ECLM, 2006

Le défi de l'infocommunication, « le journalisme menacé par la communication? »François

de Muizon, Editions l'âge d'homme, Collection Hypothèses, 2000

L'extravagante épopée du Printemps de Bourges, Bertrand Dicale, Editions Hugo Image,

2007

Les RP au cas par cas : les relations publiques au service des relations presse, Philippe

Morel, Vuilbert, Série Entreprendre, Novembre 2002

Communiquer avec la presse écrite et audiovisuelle, Philippe Bachmann, troisième édition,

Editions Victoires, Collection Techniques de communication, Décembre 2009

La démocratie Internet, promesses et limites, Dominique Cardon, Editions du Seuil, collec-

tion « La République des idées », 2010

Homo Sapiens 2.0 : Introduction à une histoire naturelle de l’hyperinformation, Gérard

Ayache, Max Milo, Série L’inconnu, 2008

La distinction : critique sociale du jugement, Pierre Bourdieu, Editions de Minuit,

Collection le sens commun, 1979

Entreprises culturelles et Internet : contenus numériques et modèles d’affaires innovants,

Etude sous la direction de Pierre-Jean Benghozi, Ministère de la culture et de la

communication, 2012

Enquêtes

« Je t’aime moi non plus ». Les relations d’« associés-rivaux » entre journalistes et

communicants, LEGAVRE Jean-Baptiste (2007), Université de Versailles-Saint-Quentin-

en-Yvelines, Mémoire pour l’habilitation à diriger les recherches en sciences de

l’information et de la communication

Enquête nationale sur « les Actions culturelles et musiques actuelles » menée par la

FEDELIMA et l'OPALE

La sous-traitance des tâches liées aux nouvelles technologies, Enquête de l’INSEE, par

Mahmoud Jlassi et Xavier Niel, Les services en France, édition 2008

Compte rendu du colloque « La musique a-t-elle besoin de festivals? » les 13 et 14

novembre 2003, organisé par France Festivals à l'abbaye de Royaumont, Val d'Oise

Les réseaux sociaux s’invitent aux festivals, étude de RSLN Mag, par Camille Gicquel,

84

publiée le 20 juin 2013

Les festivals musicaux français et les réseaux sociaux en 2013, enquête réalisée par

Socialband, mise à jour en janvier 2014

Les pratiques culturelles des français à l’ère du numérique, Olivier Donnat, Enquête 2008,

La Découverte, Ministère de la culture et de la communication

Médias numériques et spectacle vivant, vers un changement des modes d’information et de

communication culturelles, Mémoire de Vilina Neykova

Articles

Journalisme en ligne et information instantanée, Franck Rebillard, article paru sur l’INA-

expert, octobre 2012

De la presse imprimée à la presse numérique. Le débat français, Jean-Marie Charon, in

Réseaux, n° 160-161, pp. 256-281, Paris, La Découverte, 2010.

La production de l’information web : quelles alternatives ? Une comparaison entre médias

traditionnels et pure players de l’Internet, de Béatrice Damian, Franck Rebillard et Nikos

Smyrnaios, in Actes du colloque international New Media and Information, Athènes,

Panteion University, 2009

La formation des journalistes face à l’innovation technologique, Alain Joannès, Les

Cahiers du journalisme n°21, avril 2010

Libre n’est pas gratuit : qui paye le libre accès ? Le marché de l’édition scientifique et les

nouveaux modèles économiques, Annaïg Mahé, 2008, Schedae, prépublication n° 12,

fascicule n° 2 : 11-20

Communication et journalisme : ombres portées, ombres croisées ,Jean-Baptiste Legavre,

Les Cahiers du journalisme n°26, Printemps-Eté 2014

« Où vont les festivals? » dans la revue Janus, N°4, Paris, décembre 1964/Janvier 1965

Edito de Jean-Vic Chapus, directeur de la rédaction de Vox Pop, le 28 septembre 2012

Analyse de la communication des Nuits Sonores, Institut numérique, étude du 7 mai 2013

Ses boîtes à musique, Article de Libération sur Daniel Colling, par François Meurisse, 21

avril 2009

Le Hellfest et sa communication, interviews réalisées par Radio Métal, par Amaury Blanc

en avril 2010

Financements des festivals, article de Camille Gillet et Romain Bigay, octobre 2011, publié

sur le site de l’Irma

Modèles de persuasion et parrainage sportif, P. Baux (1991), Revue Française de

Marketing, n° 131, 1991/1, pp51-67

Les festivals deviennent-ils des produits standardisés, Musique Info, n° 539, mai 2012,

Maud Philippe-Bert et Romain Berrod

La communication événementielle, plus stratégique que commerciale, Philippe Boistel,

Management & Avenir, N° 6, avril 2005, Management prospective

La communication dans l’événement : sponsoring et mécénat, J.Perlstein, S.Piquet, (1985),

Revue Française du Marketing, 105, 31-40.

D17 et les festivals : ce plaisir qu’on dit charnel, Article publié sur lefigaro.fr, Céline

Fontana, publié le 17 juin 2013

Financement de Confluences : la ville et le département se déchirent, par Sophie Bordier,

85

publié sur leparisien.fr le 18 avril 2014

L’événement dans le contrat médiatique, Patrick Charaudeau, Dossiers de l’audiovisuel

n°91, La télévision dans l’événement, La documentation française, Paris, mai-juin 2000

De l'influence de la communication sur la diffusion artistique, Jean Caune, Études de

communication, 12 | 1991, 97-114

Le blues des attachés de presse, article de Florent Bonnefoi, publié sur CultureRP, le 16

juillet 201 3

Article du Monde, publié le 5 avril 2007, interview de Frédéric Martel

La culture face à l’Internet : un enjeu culturel et d’action publique, Philippe Bouquillon,

17 mars 2003

La création de valeur sur Internet, M. Gensollen, 1999, Réseaux, n°97, p. 15 à 76

Communication et diffusion culturelle à l’ère du numérique, Romain Bort, Fabien Charlon

et Thibaud Marijn, 8 avril 2009, association Sorbonne Communication

Internet et la culture de la gratuité, Serge Proulx et A. Goldenberg, 2010, Revue du Mauss,

n°35, Paris

Multimédia

Carte des festivals en France en 2013, dévoilée au Printemps de Bourges 2014, étude faite

par la SACEM, l’IRMA et le CNV

Presse musicale, la mue ou la mort, interview réalisée par Benoît Bouscarel sur le Mouv’ le

19 septembre 2013

Si on parlait web, site et social network ?, Rencontre organisée par le webzine The

Artchemists, article écrit par Padme Purple

Sites Internet

Ojd // Printemps de Bourges // Hypee Communication // Festival de Cannes // Les pages de

partenariats des festivals Beauregard et Musilac // Le plan de communication des

Eurockéennes de Belfort, publiée sur Internet par Laurent Doucelance, directeur de la

communication du festival // France Festivals

Entretiens

Sarah Courson, chargée de communication au festival Les Ingrédients (45)

Thibaud Pécho, chargé de communication au festival Musik’air (45)

Isabelle Louis, attachée de presse culturelle indépendante

Marie-Laure Girardon, attachée de presse culturelle rattachée à l’agence 2è Bureau

Marine Prot, attachée de presse du groupe Morgane, chargée des relations presse des

Francos Gourmandes

Pauline Curel, attachée de presse du Printemps de Bourges, chargée des médias de la

Région Centre

Delphine Caurette, attachée de presse du Printemps de Bourges, chargée des médias

digitaux

Cédric Chamoulaud, chargé de communication du Free Music Festival

Magali Saint-Genes, journaliste à La République du Centre, ex-journaliste au Berry

Républicain

Laurent Mabed, journaliste à Bip TV

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Organigrammes Printemps de Bourges :

87

Les Nuits sonores :

88

Les Ingrédients :

89

Retranscription d’entretien Laurent Mabed, journaliste pour BipTV

Est ce qu'il y eu des conditions pour obtenir votre accréditation lors du Printemps de

Bourges ? Est-ce que le service de presse a demandé un projet de couverture ?

On nous demande simplement dans quel cadre on va diffuser nos images. Nous, on

explique simplement qu'on a un JT quotidien, chaque journaliste remplit sa feuille,

explique qu'il va rendre compte du Printemps de Bourges dans le JT, et par ailleurs moi je

m'occupe de l'émission musicale de Bip TV. Du coup, chacune des interviews, des

captations que je vais être autorisé à faire sur le Printemps de Bourges pourra être intégrée

dans l'émission musicale mensuelle, qui va être entièrement dédiée au Printemps de

Bourges.

Est ce que, après le festival, vous devez rendre vos comptes auprès des attachés de

presse, comme envoyer des liens de vos vidéos par exemple ?

Non, ils ne nous demandent rien en retour.

Ca fait combien de temps que vous êtes accrédités sur le Printemps de Bourges ?

Moi, ça fait six ans. Ça fait six ans que je viens, accrédité, sur le Printemps de Bourges.

L'émission musicale, elle, existe que depuis trois ans. Donc, depuis trois ans, je suis

accrédité pour cette émission. Et sinon, auparavant, c'était ceux qui manifestaient de

l'intérêt pour la musique qui étaient accrédités. Sachant que Bip TV, on est basé a Issoudun,

mais beaucoup de mes collègues habitent Châteauroux, donc pour eux ça fait beaucoup de

trajets pour venir couvrir. Ce sont généralement les journalistes qui habitent à Issoudun qui

sont accrédités pour le Printemps de Bourges.

Vous êtes combien à avoir une accréditation pour cette édition 2014 ?

Euh... en comptant David, notre stagiaire on doit être cinq, dont un qui n'est que technicien,

Aymeric, c'est notre caméraman de référence avec moi pour l'émission Ultrason, ne sachant

pas à l'avance ce qu'on allait pouvoir filmer en multi-caméras. Nous, on capte tant que

possible en multi-caméras, alors que pour le JT une seule caméra suffit.

Quelle place a le Printemps de Bourges par rapport aux autres événements que vous

couvrez ?

C'est un des événements importants dans l'année pour nous, à l'équivalent que d'autres

festivals qui ont lieu sur le département de l'Indre. Je pense au festival Darc, où il y a

beaucoup de groupes, il y a de la danse, mais il se déroule à une époque où on est fermé.

Cependant, on a toujours un journal quotidien toutes images, dans lequel on rend compte

quotidiennement du festival Darc. Et on fait une émission spéciale qui est diffusée début

septembre. Donc Darc, on le couvre aussi pas mal, avec les gens qui sont là pendant les

vacances, un peu moins de monde que les personnes qui sont présentes pendant le

Printemps de Bourges. Sinon, on couvre aussi le festival de Saint-Chartier, un festival de

musiques traditionnelles du Berry. On couvre tout autant que le Printemps de Bourges.

Niveau national, c'est beaucoup moins important, mais on le couvre beaucoup car pour

nous, dans l'Indre, c'est le festival emblématique.

Est-ce que le fait d'avoir une accréditation va vous faire traiter des sujets

différemment, ou va vous donner envie de traiter davantage le festival?

Nous, on essaye de faire deux sujets par jour de festival. Si on s'aperçoit qu'on n’a pas

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assez d'accréditation le jour J-1 (car les sujets sont pour le lendemain), du coup on va

s'orienter vers le off, on s'oriente notamment vers les artistes locaux. Ca a été le cas

aujourd'hui, on avait repéré un sujet sur le off, on avait vraiment envie de le placer. Si on

avait eu plus de chances dans le in avec plus d’interviews d’artistes et de captations des

scènes payantes, on aurait peut-être eu trois sujets aujourd'hui sur le Printemps de Bourges.

Le choix des sujets proviennent de la rédaction?

C'est les coups de cœur de ceux qui sont accrédités. Ensuite, on voit qui a obtenu une

interview et une captation de concert. Car si on a juste l'autorisation de filmer un concert,

pour nous, c'est un peu frustrant si on n'a pas l'interview de l'artiste. Par exemple, on a eu

l'autorisation de filmer Stromae et Florent Marchet, mais on n'a pas eu d'interviews. Enfin

Florent Marchet, c'était le lendemain tard, donc pour le JT c'était pas possible. Donc on a

fait un micro-trottoir à la sortie du concert. Ca ouvrait la semaine du festival pour notre

journal, On l'a juste tourné différemment. Ce qui aurait été très embêtant pour nous, ça

aurait été de rien avoir : ni la captation de Stromae, ni de Florent Marchet, sachant que

Florent Marchet est originaire de Bourges, donc pour nous c'était un angle important... Et si

on n'avait eu aucune des captations, euh.. on se serait retrouvé à faire l'ouverture de la

semaine du Printemps de Bourges dans notre JT avec un sujet sur le off...

Est-ce que c'était dur de négocier cette captation ?

On ne l'a pas négocié, on l'a demandé comme les autres, et après on croise les doigts. Mais

au final, quand on a : captation de Stromae autorisée, captation de Florent Marchet

autorisée et pas d'interviews, on est mitigé, on se dit que c'est dommage, qu’on aurait bien

aimé avoir une interview, avoir un peu plus mais c'est comme ça. Mais le sujet avec le

micro-trottoir était très bien, c'était pas ce qu'on avait choisi au départ, mais finalement,

c'est très vivant, les gens parlent de leur engouement pour Stromae, Florent Marchet. En

interview, on a réuss à avoir le père de Florent Marchet qui est responsable d'une salle de

spectacle dans le Berry, qu'on connait bien. C'est pas l'angle qu'on avait prévu au départ

mais ce n’est pas moins bien!

Ca ne sort pas de la ligne éditoriale de la chaine ?

La ligne éditoriale ici, c'est de rendre compte du Printemps de Bourges en étant le plus près

possible. Evidemment si le lendemain du lancement du Printemps de Bourges, on parle que

du off, on va se planter. Car les gens qui vont regarder le journal de Bip, ils ont envie de

voir et d'entendre des artistes dont tout le monde parle. Donc à nous de trouver l'angle –

c'est le travail des journalistes – de trouver le bon angle, pour que les téléspectateurs s'y

retrouvent et qu'ils trouvent qu'on a fait correctement notre travail.

Est ce que vous envisagez de devenir partenaire du Printemps de Bourges, d'aller plus

loin avec l'organisation, ou bien cette place d'invité vous convient?

Non pas forcément car nous on est un petit média. Même si on est un média important

localement, le Printemps de Bourges ce n'est pas un festival local mais national. Ils ont déjà

tellement de partenaires, et surtout tellement de partenaires qui frapperaient à la porte avant

nous, qu'on n’est pas en position de négocier quoi que ce soit. Evidemment, nous les

journalistes, on aimerait avoir un peu plus de place ici, parce que c'est vrai qu'on fait les

trajets, on n’a pas de places pour faire nos interviews, pour recevoir nos invités... le Berry

Républicain a tout ça par exemple, média partenaire, média plus important, ils ont plus de

salariés, plus de visibilité, voilà, c’est naturel qu’ils soient partenaires. Nous, ce n'est pas la

logique.

91

Est-ce qu'il y a des missions particulières pour un journaliste accrédité ? Est ce qu'on

se sent obligé d’écrire, de dire ou de faire des choses parce qu'on est accrédité ?

Nous, on se doit de rendre compte, parce qu'on est un média local, de l’actualité des artistes

locaux sur le Printemps de Bourges. C'est à dire, que ce soit dans le in ou dans le off, il faut

qu'on dise s'il y a des artistes locaux qui sont là, et dire à quoi ça leur sert d'être là. On les

interview, ceux qui sont sur les tremplins, sur les scènes ouvertes. Là, toute à l'heure, j'ai

fait Minou, qui était sur la scène SFR, qui a participé à un tremplin bien en amont, des mois

avant le Printemps de Bourges. Hier, j'étais avec Scoop & J-Keuz, qui sont du coin aussi.

Nous, notre devoir c'est de dire, il y a des artistes dans le Berry pour qui le Printemps de

Bourges c'est un vrai tremplin. Et quelque soit leur porte d'entrée. Il y a le in, mais il y a

d'autres portes d'entrée. Donc nous, on choisit de parler de ça, quand ils sont pas encore

connus, et quand ils sont connus c'est pareil, on en fait des tonnes sur Florent Marchet

parce que c'est un artiste de chez nous. En première partie de Stromae, c'est génial. Et en

même temps, il y a d'autres petites scènes, il y a d'autres artistes comme le Renard Chauve

dont on a parlé dans l'édition de ce soir par exemple, que j'ai filmé en résidence la semaine

dernière. C'est un groupe qui en est à son 4e album, qui a quand même joué sur la scène du

Zénith, qui a joué dans des salles de 4 000 places, qui n’est pas dans la programmation

officielle mais qui veut être là, qui veut être sur le Printemps de Bourges. Donc nous, soit

on rend compte de leurs prestations sur le Printemps, soit on annonce leurs prestations.

Est-ce que vous devez rendre des comptes à l'attachée de presse, d'être assidu, ou de

les remercier … ?

Ils ne nous demandent rien, et ça c'est royal, car je pense qu'ils ont vraiment conscience de

la difficulté que nous, on peut avoir. Je pense qu'ils le savent. On n'en a jamais vraiment

parlé avec eux, mais ils le savent. Ils savent qu'on fait du in, qu'on fait du off, qu'il y a

beaucoup de choses, qu'on fait des demandes, que eux ne pourront pas tout honorer, et que

nous non plus. Après, quand nous on peut pas honorer des interviews, on les prévient. Eux,

quand ils ne peuvent pas répondre favorablement à nos demandes, ils nous préviennent, ça

se passe généralement très très bien. Ils ne nous demandent pas de comptes et on leur en

demande pas non plus en fait. Quand ils refusent des interviews, ils motivent leur réponse.

« Voilà, tel artiste, il a fait que deux télés, il sort d'une tournée, il est crevé, il n’a pas envie

de répondre à la presse, voilà ». En même temps on est lucide sur ce qu'on fait. On est un

média local. On sait qu'il y a plein de médias qui sont beaucoup plus importants que nous,

on ne va pas se plaindre de ne pas avoir Metronomy en interview, on n'est pas stupides. On

peut rêver, on a le droit de rêver, et on rêve tous les ans d'ailleurs !

Une année j'avais demandé Archive en interview, qui est un groupe que j'aime beaucoup,

que j'ai vu beaucoup de fois en concerts. Quand j'ai vu qu'il passait au Printemps de

Bourges, je me suis dit « Chiche, je vais demander une interview ». Archive, en tête à tête.

Sachant que parfois, si on n'a pas le tête à tête, on peut avoir la conférence de presse et on

est déjà très content. Et j'ai eu Archive en tête à tête, j'étais ravi ! J'ai placé ma caméra, dans

le petit box où j'ai vu arrivé les quatre musiciens d'Archive, les quatre ! Je me suis dit, je

vais quand même leur préciser que je suis un média local. Ils m'ont dit « non non, mais il

n’y a pas de problème, on sait, il n'y a aucun souci » et il s'est trouvé que le média d'après a

fait faux bond et ils m'ont accordé vint minutes d'interview au lieu de dix. Et ça s'est fait

naturellement.

Donc nous, on y croit, on sait que c'est possible, qu'il y a des artistes qui jouent le jeu, qui

ont envie d'être présents, qui sont sur le festival à fond. On demande tous les ans ce qu’on

veut dans l’idéal, et on a souvent des miracles.

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Est ce que le fait d'être accrédité met en danger l'objectivité du journaliste ?

Je ne vois pas en quoi... ça serait le cas si en échange, on sentait qu'il y aurait une pression

pour couvrir tel ou tel concert. Là, ici sur le Printemps de Bourges, je n'ai jamais senti

aucune pression.

Ca se ressent dans d'autres événements que vous couvrez? Dans d'autres festivals ? Je ne vais pas dire que ce n'est jamais arrivé, mais c'est une pression légère. Ils nous disent

« il ne faudrait faire ça car cette année on a mis l'accent sur ça et ce serait vraiment bien si

vous médias qu'on connait et à qui chaque année on autorise une captation, vous pouviez

faire ça. Ca nous arrangerait ! » Mais euh, honnêtement je ne l'ai jamais senti comme une

condition. Souvent on se connait en plus. Les gens de Bourges ne vont pas nous mettre la

pression sur un truc car eux mêmes ils n'ont pas la pression... je suis peut-être un peu naïf

mais je ne ressens pas ça.

Selon vous, comment les festivals sont traités sur le web ? Quel impact a le traitement

d’un festival sur le web? Moi, j'aime les sites web dans lesquels il y a un mélange d'audiovisuel et de presse écrite,

c'est à dire que les sites web qui sont mal écrits, une mauvaise éditorialisation, ça ne

m'intéresse pas. J'aime qu'il y ait du texte, qui amène vers la vidéo. France 3 le fait de plus

en plus, c'est un exemple parmi d'autres. Je les cite car en tant que confrères qu'on croise

souvent en reportage, je vais souvent voir leurs sujets et je m'aperçois que eux, ils ont des

moyens supplémentaires par rapport à nous. Nous, on met nos sujets sur le web, bruts, les

gens vont les voir mais il n'y a pas d'articles avec. Eux, même s'ils ont encore des caps à

franchir, ils ont des articles qui les amènent vers la vidéo. France Bleu aussi, ils écrivent

des articles qui amènent vers des sons.

Pour moi le web aujourd'hui, la carte qu'il a à jouer, c'est dans la complémentarité avec la

radio, l'audiovisuel, la presse écrite, tous les autres médias traditionnels. Pour moi le web

doit condenser en un tous les autres médias en faisant tout bien. Les bonnes vidéos, les

bonnes interviews, les bonnes présentations et tout ça avec du sens, c'est à dire savoir relier

les interviews les unes avec les autres, etc.. ce que font certains sites très bien déjà. Les

Inrocks font ça très bien. Ils sont un peu justes en vidéo par contre. Chacun a son point

faible, mais pour moi, c'est le site idéal avec le background, avec mes 47 ans..

À l'inverse, il y a des boites qui ne sont pas du tout des médias, comme Deezer. Ils sont très

intéressants à suivre quand tu t'intéresses à la musique car ils font des live sessions avec

des artistes, et, en même temps, il y a un article, une biographie, un travail explicatif sur

l'artiste qui est complet et qui, pour nous, nous est très utile en tant que journaliste. Ce ne

sont pas les mêmes métiers, mais parfois le journalisme et la communication se recoupent.

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Plan de valorisation de la communication

des Eurockéennes de Belfort (2011) Par Laurent Doucelance, responsable de la communication

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Extrait de l’enquête Les festivals musicaux

français et les réseaux sociaux en 2013

par Socialband, mise à jour en janvier 2014

97

Extrait de l’étude Les pratiques culturelles des français à l’ère

du numérique Par Olivier Donnat

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Extraits du corpus d’étude : Partie 2, III, A

Site d’informations nationales : l’exemple de Lefigaro.fr

Printemps de Bourges 2014 : des chiffres au beau fixe HOME => CULTURE => MUSIQUE

Par Pauline Le Gall Publié le 28/04/2014 à 13:22

L'événement, qui ouvre chaque année la saison des festivals, tire un bilan très positif

de sa 38e édition. Au programme : des découvertes, des têtes d'affiche et de beaux

scores de fréquentation.

C'est un bilan positif pour le Printemps de Bourges. Le festival, qui s'est terminé hier soir, a

accueilli 55.400 spectateurs pour une fréquentation globale (comprenant les concerts

gratuits et les différentes manifestations dans la ville) de 240.000 personnes. L'année

dernière, l'événement avait attiré 53.700 personnes et 210.000 festivaliers. Le

programmateur a expliqué à l'AFP que c'était une édition pleine de «ferveur» et

«d'enthousiasme», espérant que Bourges annonçait une «sortie de crise» pour les festivals.

Sous le chapiteau W, le public a été au rendez-vous pour accueillir Stromae, Shaka

Ponk ou Skip the Use. Le concert de Bertrand Cantat, qui faisait son grand retour sur scène

avec Détroit, n'a pas affiché complet, mais a passionné la presse et a attisé la curiosité des

festivaliers. Sur la même scène, ces derniers ont également pu applaudir Fauve,

Metronomy et les Belges de Girls in Hawaii.

Du côté des découvertes, le festival a donné une belle tribune à des artistes comme Cats on

Trees, Lisa LeBlanc, Natas Loves You ou Christine & the Queens. Le prix du jury des

Inouïs, tremplin du festival, a été remis au multi-instrumentiste québécois Mark Berube. Le

Printemps de Bourges a tenu toutes ses promesses.

Site d’informations locales : l’exemple de lamontagne.fr

MUSIQUE 27/04/14 - 10H38

Fréquentation en hausse et transition en douceur pour le Printemps de

Bourges Lu 209 fois

(AFP) - Le Printemps de Bourges a enregistré une fréquentation en hausse pour sa

38e édition, marquée par le retour de Bertrand Cantat sur la scène des festivals et une

transition en douceur dans les coulisses.

Le festival, qui s'achève dimanche avec un concert de Tal, a accueilli 55.400 spectateurs

payants et délivré 9.400 invitations. La fréquentation globale (y compris les scènes

gratuites et les manifestations organisées dans la ville) a totalisé 240.000 personnes et le

taux de remplissage a atteint 92%. L'année dernière, la fréquentation globale avait totalisé

210.000 festivaliers, dont 53.700 spectateurs payants et 7.500 invitations. La plupart des

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soirées sous le chapiteau du W, la plus grande scène du festival, ont affiché complet ou

quasiment. Y étaient réunies quelques unes des têtes d'affiches de l'été, comme

l'incontournable Stromae pour l'ouverture ou Shaka Ponk. Seule la soirée du jeudi, avec

Fauve, Détroit et Metronomy, n'a pas fait le plein. Celle-ci a pourtant fait l'événement en

marquant le retour symbolique de Betrand Cantat sur la scène des festivals. Le chanteur,

accompagné de son nouveau groupe Détroit, a été chaleureusement accueilli par les

festivaliers, même si la critique a été plus partagée sur la qualité du concert. Sur le plan

artistique, la semaine a été marquée par l'élégance de Catherine Ringer, avec son nouveau

projet tango Plazia Francia, par les audaces de la jeune Christine & The Queens ou encore

par l'énergie rock des Irlandais de The Strypes, même si l'on peut regretter l'absence de

véritable création comme a pu le faire le festival par le passé.

Du côté des découvertes, le Québécois Mark Berube a remporté le prix du jury des Inouïs,

la scène tremplin du festival. La rappeuse Billie Brelock a remporté le prix du Printemps de

Bourges. "On a trouvé que c'était un Printemps plein de ferveur et d'enthousiasme,

beaucoup plus que l'an passé, que ce soit du côté du public ou des artistes. On va être

optimiste et dire que le Printemps annonce la sortie de crise", a dit le programmateur Jean-

Michel Dupas. "Sur les concerts de Détroit, Shaka Ponk, Christine & The Queens, on a

trouvé que même les artistes étaient plus généreux", a-t-il ajouté. Côté coulisses, cette 38e

édition aura été une année de transition en douceur.

Fin 2013, Daniel Colling, co-fondateur et propriétaire du Printemps de Bourges, a annoncé

la cession du premier festival de musiques actuelles créé en France en 1977. Le repreneur

est la société C2G, composée du groupe Télégramme et de Morgane Production, déjà aux

commandes des Francofolies de La Rochelle. Daniel Colling passera la main après l'édition

2015 du festival et a été chargé par les nouveaux propriétaires de trouver celui qui lui

succèdera à la direction. "Le patron du festival sera celui que Daniel va me proposer. Le

festival va continuer, il va forcément évoluer avec le temps et j'espère que celui qui

succèdera à Daniel aura une vision pour l'avenir", a déclaré le patron de Morgane

Production, Gérard Pont présent toute la semaine. "Je ne serai pas le directeur du festival",

a affirmé M. Pont, qui dirige les Francofolies depuis dix ans et a lui-même décidé de passer

la main cette année. Comme il l'ont déjà fait à plusieurs reprises depuis l'annonce de la

cession, les deux hommes ont assuré que le festival resterait à Bourges et garderait la même

ligne artistique. Les dates de l'édition 2015 n'ont pas encore été fixées.

100

Site d’informations musicales ou culturelles : l’exemple de

lesinrocks.com

Printemps de Bourges 2014 : ceux qu’il faut retenir !

par Abigail Ainouz le 25 avril 2014 à 11h28

A l’occasion de sa 38e édition, le festival de Bourges présente de jeunes pousses prêtes à éclore entre

des têtes d’affiches costaudes. Retrouvez chaque jour, notre TOP des meilleurs concerts du

Printemps.

SAMEDI : Au programme de cette dernière journée (c’est avec tristesse que nous

quitterons Bourges sans assister au spectacle dominical de Tal) : une Rock’n Beat party

survoltée, une bande de Québécois qui a mangé de la dynamite au petit-dej’ et la

consécration pour deux découvertes des Inouïs du Printemps (suspense).

Nos coups de cœurs des Inouïs : Grand Blanc et Feu! Chatterton

Alors que le jury des Inouïs du Printemps distingueront – avec raison- les prestations de la

rappeuse Billie Brelok (Prix du Printemps) et du Québécois Mark Berube (Prix du Jury),

nous clôturons notre dernière après-midi de découvertes avec les très attendus Grand Blanc

et Feu! Chatterton. Si les premiers viennent d’assurer la première partie de Fauve au

Bataclan, les seconds prendront eux le relais sur les 5 dernières dates parisiennes du

collectif : une filiation invisible et pourtant évidente.

Outsider des Inouïs, le quatuor messin Grand Blanc entre en scène dans la salle du 22 Est,

débutant avec le titre « J’ai perdu le nord » : une belle mise au point sur leur vision

désenchantée et mélancolique, sans pour autant tomber dans le pathos. Et ce que l’on

pourrait qualifier facilement de new-wave à la française, se nourrit de bien d’autres genres

allant de la techno de Detroit à la variété française (Bashung, Taxi Girl, Christophe). Les

yeux collés au plancher et les cheveux affolés par leur ligne de basse -mention spéciale

pour la coupe 80’s Jacques Dessange de la chanteuse- : Grand Blanc met au premier plan

ses 4 protagonistes, sans distinction volontaire. On en sort lessivé, les énergies de «samedi

la nuit » et « Tergiverse » sont de véritables défouloirs, usant nos petits cœurs tout mous.

Pour les favoris, Feu! Chatterton (Ile-de-France), la partie se complique au 22 Ouest. On

était déjà présent aux auditions des Inouïs à Paris, au milieu d’un jeune public chaleureux

et excité, et l’on se retrouve ici devant un parterre de professionnels de la musique, avec 4

jours de festivités dans les pattes : plus dur de convaincre. Et pourtant, le flot de paroles du

dandy chanteur s’engouffre violemment dans nos oreilles sur le naufrage du « Concordia »

et on frétille du bassin sur le titre disco mexicain «Melinche». Comme ses benjamins

messins, la verve de Feu! Chatterton assume son goût immodéré pour les derniers

dinosaures de la chanson française, mais en y ajoutant quelques grains de sels pop et

dansants.

Rock’n Beat Party : Salut C’est Cool, Kavinsky, Gesaffelstein et Jackson and his Computer

Band…

La scène du W et le Palais d’Auron sont réquisitionnées pour la Rock’n’ beat party avec 12

000 personnes attendues. Alors autant dire qu’on y a croisé beaucoup de viande saoule et

sale, venue fêter le samedi soir en fanfare, le ventre à l’air et avec le Rimmel qui coule.

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Le plus grand coup de bluff de la Rock’n Beat revient sans conteste àSalut C’est Cool qui,

avec un ordinateur, des frites en mousse et des textes qui tiennent sur un post-it, fait

littéralement rugir la foule en délire ! Salle comble et comblée ! « Mental » comme diront

les Anglais près de nous, cette performance « musicale », sans aucune prétention artistique,

ressemble à un exutoire massif de fin de semaine.

A peine le temps de reprendre son souffle, que la scène du W nous aspire devant le show

de Kavinsky. Scénographie très simpliste pour un son qui l’est beaucoup moins. La B.O. de

Drive remporte naturellement son pesant de cris et de larmes. A ce point là de la soirée, la

scène ressemble de plus en plus à un tableau de Jérôme Bosch, à quelques platines près, et

sans les Converse.

On se réfugie au Palais d’Auron devant le talentueux Jackson and his Computer Band.

Derrière ses tables et armoires électriques, armées de boutons et de diodes excitées, ce

grand garçon aux cheveux peroxydés semble venir d’une autre planète avec sa combinaison

intégrale. Il construit minute après minute une symphonie électronique brillante, conciliant

intermèdes de techno minimaliste avec des envolées plus sensuelles. On regrette que ce

spectacle hors norme et hors format n’ait pas réuni plus de fans, le Rémois Brodinski

jouant quasiment en même temps sur la scène du W.

Le Québec représenté dignement par Peter Peter et Misteur Valaire

En plus de rafler le prix du Jury des Inouïs avec Mark Berube, le Québec a offert samedi

soir les prestations de Peter Peter, Karim Ouellet et Misteur Valaire. Venu présenter son

premier album « Une vision améliorée de la tristesse », vêtus d’un Kway tricolore et T-

Shirt sérigraphié “Marc Desse” (un de nos chouchous parisiens), Peter Peter nous annonce

ironiquement : « je vais vous jouer une chanson que j’ai écrit dans le pire moment de toute

ma vie, j’espère que ça va vous faire passer une bonne soirée ». On se laisse volontiers

aller sur cette pop antithétique, entre dépression et pop savante, un souffle chaud de

saxophone rajoutant de la tension au charme sensuel de son chanteur.

Et quoi de plus jouissif et défoulant que de finir ce festival avec Misteur Valaire. Trompette

et saxophone, platines et batterie, claviers et bongos, ces multi-instrumentistes insatiables

sautent d’un poste à un autre, sans jamais s’arrêter. Sans limite, leur prestation bien rodée -

10 ans de métier déjà- joue sur les codes de l’électro, de la pop ou encore du rap, n’hésitant

pas à prendre leur pied sur des morceaux instrumentaux sauvages. Chauffeur de salle de

génie (qui sait dans quel pays il met les pieds), Misteur Valaire propose un petit intermède

de Balavoine, suivi d’un slam bien maitrisé qui sauront faire sourire les plus récalcitrants.

Encore un dernier tour de piste avec un étendard sur l’épaule, et on se dit au revoir sur le

très charnel « All Night Long » de Lionel Richie, qui conduira certains d’entre nous

jusqu’au bout de la nuit…

Webzine : l’exemple de Lords of rock

Printemps de Bourges 2014

Bilan du festival

Bourges (FR), du 22 au 27 avril 2014

Publié par : Damien Rodrigues // Photos : Emilie Litzler mai 2, 2014

dans Concerts, Slideshow Haut 1 commentaire

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REVIEW - Le Printemps de Bourges vient de se terminer, l’heure pour nous d’en

dresser un bilan. Que fallait-il retenir du festival berruyer ? La cité de Jacques Coeur

a-t-elle tenu toutes ses promesses cette année ?

Plutôt que de faire un classique bilan journée après journée, nous allons plutôt créer deux

listes. La première mettra en avant les points noirs du festival (oui oui, il y en a !), tandis

que la deuxième se chargera au contraire de relater la joie, l'allégresse, la plénitude et le

bonheur perçus tout au long de cette semaine (on exagère sûrement un peu).

Le Printemps de Bourges, c’est au total plus de 500 concerts sur six jours. Le IN s’étale sur

une petite dizaine de lieux dans les quatre coins de la ville, tandis que le OFF se disperse

dans une trentaine de bars et de restaurants partenaires. La première chose qui plombe tout

ou presque, qui est d’ailleurs quasi-inévitable, c’est la pluie. Il est impossible de

vagabonder de concert en concert sans passer à travers les gouttes. Sauf énorme coup de

chance bien entendu. Et dire qu’il y a quelques semaines encore nous étions devant notre

ordinateur à contempler les palmiers de Coachella… Une chose est sûre, les berruyers

n’ont pas connu un festival sans pluie depuis des lustres (et un lustre, ça fait cinq ans !).

Deuxième point qui nous hérisse encore le poil, c’est l’ambiance nauséabonde dans

l’espace pros. Certes, sur Lords of Rock nous sommes tous bénévoles, ce qui fait de nous

une poignée de passionnés, et se retrouver au milieu de la faune journalistique, qui ère

autour du bar sans prendre le temps (ou alors vraiment très peu) d’aller apprécier

pleinement les concerts programmés… C’est à vomir. Pendant Stromae et Detroit (le

nouveau combo de Bertrand Cantat), la salle était remplie de ces gens là. Par contre, dès

qu’il faut fournir un léger effort, ne serait-ce que traverser la route pour profiter du talent

deGaspard Royant et de ses musiciens par exemple (et on ne parle même pas du OFF !), il

n’y a plus personne. L’espace pros est à nouveau bondé. Seule une poignée d'irréductibles

répond présent. Il est difficile de suivre tous les concerts nous diront-ils, mais le travail de

journaliste n’est-il pas de puiser au plus profond, d’être le plus complet possible ?

Ambiance retrouvée lors de l’apéro Mediatone, durant lequel les sets s'enchaînent sans

pour autant intéresser les pros venus picoler à l’oeil. D’ailleurs, les tentatives de Mr

Eleganz (Success) pour réveiller la foule n’ont pas fonctionné. Même le nouveau morceau

de son groupe, “Crazy”, n’a pas réussi à leur remuer le moindre membre. Carton rouge

pour ces professionnels de la culture qui finalement ne cherchent pas à la développer

davantage.

Autre point néfaste, les prix. Quoi ? Les concerts sont chers ? Non. Les prix pratiqués par

quelques restaurants et bars sont bizarrement gonflés le temps du festival. Payer un ersatz

de mojito 10€ en plein coeur du Berry, ça fait cher le Perrier au litre… Mais évidemment,

seuls quelques-uns en profitent. Ne crachons pas sur la totalité. Et puis quelle idée de boire

des mojitos aussi. Le lait-fraise est tout aussi rafraîchissant.

On termine avec cette fresque murale incompréhensible de trente mètres

représentant Stromae, avec pour inscription “Le Printemps de Bourges Stromae”, en

hommage à sa chanson “Rail de musique”. Faut-il vraiment en faire autant pour attirer le

belge ? N’est-ce pas un peu trop rabaisser les autres artistes programmés ?

Mais le Printemps de Bourges ce n’est pas que ça. Nous avons tout de même eu quelques

éléments pour contrebalancer toute la partie négative citée ci-dessus. A commencer

par Delphine Caurette et son équipe, qui tout au long de la semaine a su être réactive quant

à l’organisation générale. Bon, avouons quand même que nous n’avons absolument pas

posé de problèmes, mais dans tous les cas, c’est avec une pluie de sourires que

commençaient nos journées.

103

Le Printemps de Bourges c’est aussi une floppée de bon concerts ! Il y a les connus, archi-

connus commeShaka Ponk et Skip The Use qui se sont succédés lors de la deuxième

journée de festival. Sets maîtrisés, public en ébullition… leur fusion électro-rock connue de

tous a littéralement embrasé le W, chapiteau monté pour l’occasion qui accueille chaque

soir plus de 6000 personnes. Les groupes français sont maîtres en leurs terres. La soirée

avait d’ailleurs bien commencé avec les deux frères de Drenge, venus délivrer leur rock

enragé, avant de laisser place à Biffy Clyro, véritables rois du rock alternatif outre-manche.

La formation écossaise a prouvé que leur réputation en Grande-Bretagne ne sort pas de

nulle part. Torses nus dès l’entame du concert, Simon Neil et sa bande ont enchaîné les

tubes, leurs tubes. De “Stingin’ Belle” à “Moutains”, le public a semblé conquis.

On notera également les belles performances de Bison Bisou et Olympia Fields. Ces

derniers, pourtant programmés de bonne heure, font danser la foule avec une rythmique à

la Foals. Les 5 musiciens ont de l’assurance et inversent même leurs rôles pour le finish.

Du rock indé chiadé. Chaude ambiance à nouveau avec Toybloïd. Les fans d’Indochine ne

sont bien entendu pas étrangers à ce groupe composé de la nièce de Nicola Sirkis. Mais

réduire Toybloïd uniquement à ça serait réducteur, insultant même. Les premiers riffs

accrocheurs du trio mettent tout le monde d’accord. La bande fait dans le garage.

Du Subways en moins policé. Les amateurs de rock’n’roll n’étaient pas en reste avec The

Buns, qui a su tirer son épingle du jeu au 22 durant les iNOUÏS et surtout avec The Strypes.

Les petits protégés d’Arctic Monkeys ont déjà l’attitude de leurs aînés, et prouvent pour le

moment qu’ils marchent dans leurs pas. Les quelques festivaliers qui ignoraient l’existence

des minots sont encore sous le choc.

Un peu plus de douceur avec Cats On Trees, Minou et My Ant. On ne présente plus les

interprètes de “Sirens Call”. Le duo piano/batterie apaise l’espace d’un instant le Palais

d’Auron. Pour Minou, c’était l’occasion de présenter quelques nouveaux titres, comme

“Pense à Moi”, sans pour autant oublier les “anciens” avec “Un Hiver à Juneau”. La pop-

indé de Pierre et Sabine résonne encore le long des rives de l’Auron. Pour My Ant, c’était

l’occasion de présenter le nouvel EP. “Right And Round” symbolise la nouvelle orientation

musicale prise par le groupe. Un son plus étoffé, plus musclé, sans pour autant tomber dans

le rock alternatif. Le dosage est parfait.

Si les amateurs de Julien Doré et Emilie Simon s’attendaient à prendre leur petit apéritif

tranquillement le temps qu’un certain Gaspard Royant occupe la première demi-heure,

c’était mal connaître le loustic. Le crooner coincé dans les sixties a quelque peu retourné la

salle qui s’attendait certainement à un peu plus de douceur au vu de ses airs de gentil

garçon. Prodigieux Gaspard Royant !

Durant les six jours de concerts, il y a également ces artistes de second plan, beaucoup

moins connus, mais qui surprennent tout autant si ce n’est plus les quelques festivaliers

présents lors de leurs représentations. A commencer par Roy Thompson & The Mellow

Kings, venus jouer au Murrayfield en ouverture du festival. Leur musique, qui tangue entre

rockabilly et blues rock a su faire valser l’assemblée. D’ailleurs, des “fans” de Danny

Zuko et sa bande des T-Birds étaient présents pour profiter des six musiciens. Thomas, un

des Mellow Kings nous a même réconcilié avec la contrebasse jusqu’alors associée dans

nos esprits à Bouli des Forbans. Belle surprise ce Roy Thompson.

Parlons maintenant des deux groupes qui nous ont certainement le plus secoué. Il y a

d’abord euMadjive, formation franc-comtoise, quatre cent kilomètres pour jouer à peine

plus de trente minutes samedi. Succédant au québécois Keith Kouna, le groupe tarde à se

lancer face à une salle quasi-vide. Finalement, les premiers claquements de cymbales

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réussissent à rassembler les spectateurs jusqu’à présent en pause clope. “Sloth”,

“Rock’n’roll Diva”, “Strike Again”, les quatre gus envoient la sauce à chaque morceau, et

peut être même plus avec leur reprise de “Gay Bar” sur laquelle ils envoient tout

valdinguer. Pour clôturer cette déferlante de punk’n’roll, distribution gratuite du nouvel EP

“Keep Quiet”. Sont sympas les mecs.

Dernier concert du festival. Retour là où tout à commencé pour nous, au Murrayfield. Non,

la Rock’N’Beat Party ne nous a pas vus, la programmation penchant plutôt vers le beat que

le rock. Les dés étaient donc pipés au moment de choisir entre Bad Billy et Kavinsky.

Après avoir vu un peu plus tôt dans la semaine un concert des tourangeaux très étrange, qui

tendait plus vers une ambiance disco’n’roll (merci au HLK pour ce magnifique jeu de

lumières), il était temps de remettre les choses en ordre avec du rock, du vrai. Top départ à

1h du matin, pendant que les “boom-boom” du W résonnent à travers la ville, Bad

Billydémarre le show. Jean-Gatien, Thomas, Gaël et Nathan sont ici comme à Tours, ils

sont chez eux. L’ambiance confinée du bar berruyer ne les muselle donc pas. La bande

retourne le Murrayfield que ce soit avec “Son Of A Bitch”, “Wild Cat” ou “Demoniak”…

Chaque morceau est renversant. Inspirés par lesQueens Of The Stone Age, les Kinks et

les Stooges, les quatre cocos veulent avant tout se faire plaisir et enflammer le public.

Après plus d’une heure de concert, il est temps de poser les instruments et de dédicacer

quelques affiches à des groupies fraîchement révélées.

Semaine bien remplie donc, et chargée de belles rencontres, de découvertes, de

confirmations. Peut être que les groupes présents au OFF auront un jour leur chance dans le

IN. Croisons les doigts pour eux, certains méritent tout autant leur place.

Mots-clés : BAD BILLY FESTIVAL GASPARD ROYANT MADJIVE MY

ANT OLYMPIA FIELDS PRINTEMPS DE BOURGES RÉSUMÉ SHAKA PONK SKIP

THE USE STRYPES THE BUNS TOYBLOÏD

Blog : l’exemple de electricgirl.over-blog.com

Printemps de Bourges : Bilan de l'édition 2014

Le Printemps de Bourges édition 2014 est fini, il est donc temps de faire un bilan.

Au total 126 concerts dans les salles et 52 sur les scènes extérieures, 315 concerts dans les

bars du printemps dans la ville soit près de 500 concerts sur le festival.

Le Printemps de Bourges c'est aussi 8 salles de spectacles payantes et 4 scènes extérieures

gratuites, 25 bars et 20 restos dans le cadre du printemps dans la ville. 64 800 places

délivrées dont 9400 invitations, un taux de remplissage de 92%, 240 000 spectateurs et

1500 interviews.

Une édition haute en couleur et en bon son. Une programmation variée qui a plu au plus

grand nombre. Stromae l'a choisi comme le premier festival de sa tournée. Trois prestations

fantastiques de Catherine Ringer. Christine and The Queen (primée aux Découvertes en

2012) a fait le show, tout comme Emilie Simon et Julien Doré. Et pleins d'autres artistes ont

aussi participé à faire vivre cette édition.

Vivement l'édition 2015 (j'espère pouvoir y assister cette fois) ! Y avez-vous participé ?

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Extraits du corpus d’étude : Partie 2, III, C « On y était », l’expérience festivalière

Lesinrocks.com

On y était : le BIG Festival 2014

par Lionel Nicaise

le 22 juillet 2014 à 11h44

Le week-end dernier se déroulait la sixième édition du BIG Festival à Biarritz : la fraîcheur de Me-

tronomy, des Fauve victorieux, Kavinsky en manque de vitamines, un Stromae triomphant… On y

était, on vous raconte.

Chaleur torride, bruissement des vagues, il est presque seize heures lorsque l’on débarque à

Biarritz le jeudi 17 juillet, sous le soleil exactement. Pas même le temps de déposer nos

valises que l’on se retrouve au BIG Village où l’animation est au rendez-vous entre la bu-

vette, les shops éphémères et les surfeurs à la peau dorée fraîchement sortis de l’eau.

Malgré une météo versatile durant la totalité du séjour à Biarritz, le BIG Festival a su ap-

porter ses rayons de soleil avec une programmation toujours plus ambitieuse et intense,

réunie en trois temps forts : les showcases et animations au BIG Village sur le sable, le BIG

Live avec ses concerts mêlant artistes français et internationaux au stade Aguiléra et la BIG

Boîte pour la partie clubbing avec d’excellents DJ sets.

Les bons copains : Jamaica

Interviewés quelques heures plus tôt le jeudi 17, les membres de Jamaica s’emparent de la

scène du BIG Village en début de soirée, à coups de tubes efficaces. Démarrant fort

avec Two On Two en passant par le désormais classique I Think I Like U 2, le groupe arrive

à bousculer la foule qui se forme petit à petit dans le sable. Malgré le cadre idyllique de la

plage qui borde l’océan, on aurait bien vu ces quatre gars-là ouvrir les soirées des jours

suivants avec leur electro-rock parfaitement taillé pour la grandeur du stade Aguiléra.

Gesaffelstein et Brodinski, maîtres de la nuit Lors de la première nuit passée dans la salle Iraty aménagée pour l’occasion en BIG Boîte,

l’équipe de choc Bromance s’est chargée de mettre le feu à la Halle. Après que Loui-

sahhh!!! a réchauffé la foule déjà bien bouillante, c’est au tour de Gesaffelstein d’investir le

lieu. Apparaissant de façon presque religieuse, le prince des ténèbres démarre un set frontal

qui résonne sur tous les côtés des murs de la grande pièce plongée dans l’obscurité. Après

avoir tabassé sévère avec Viol ou Pursuit, Gesa nous donne encore quelques instants de

plaisirs violents avec Hate or Glory. Brodinski prend la relève quelques minutes plus tard,

continuant dans une lancée plus electro que hip-hop qui nous fera danser sur le côté de la

scène jusqu’au petit matin.

La fraîcheur d’outre-Manche : Metronomy Le rendez-vous est pris au stade Aguiléra le vendredi 18 juillet, pour enfin voir sur scène

Metronomy. On arrive assez tôt pour subir le concert de Yodelice dans une indifférence

totale. Si l’on peut généralement tout entendre – du bon comme du mauvais – au sujet des

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prestations live de Metronomy, on démarre le concert avec soulagement : Joseph Mount et

sa bande enchaînent les tubes, tous albums confondus, de façon impeccable : The

Look, Love Letters, The Bay, Reservoir (notre favori)… Malgré quelques faiblesses dans

les voix à certains moments, la performance dans sa globalité est salutaire et on se lâche

même dès les premières notes de Hearbreaker. La foule semble convaincue après qu’ils

jouent le dernier morceau extrait de leur premier album : You Could Easily Have Me.

Effet Placebo, avis mitigé Une fois le concert de Metronomy terminé, les ados et les plus vieux s’approchent précipi-

tamment de la scène. On chuchote en plusieurs langues, on peut sentir l’excitation dans

l’air qui vient de se rafraîchir après une légère bruine. Des lumières vertes et des faisceaux

impressionnants illuminent la scène encore vide. Brian Molko et ses musiciens font leur

apparition tandis que le public devient hors de contrôle, autant chez les jeunes que chez les

plus âgés. Placebo passe une quarantaine de minutes à jouer les morceaux de son dernier

album, sans qu’un seul titre accrocheur ne retienne notre attention. Il faudra attendre les

deux tiers du concerts pour obtenir un Special K suivi de The Bitter End qui fera

l’unanimité dans le stade. Un concert un peu trop long pour nous, anciens fans de ce groupe

britannique ayant un peu mal vieilli. Au fond, toujours un peu d’amour pour eux, mais

l’excitation et la fougue d’antan n’y sont plus.

Fauve : une grosse claque Après de courts et beaux extraits vidéos, le collectif monte enfin sur scène, tandis que le

public – très jeune – crie de toutes ses forces. Les morceaux s’enchaînent à merveille, le

chanteur trouve les mots justes pour remercier le Pays Basque ce soir-là et nous agrippe

petit à petit à coups de Haut les coeurs, Cock Music et Saint-Anne. Encore une fois, on est

subjugué par ce groupe qui a tant de rage dans ses textes et tant d’amour à donner sur

scène. Sur tous les niveaux : musical, scénique, vidéo… Le concert de Fauve restera sans

doute l’un des plus mémorables de ces quatre jours. Une belle claque qui clôture cette soi-

rée au stade Aguiléra.

Le triomphe de Stromae Samedi soir, 22h30, le stade semble deux fois plus rempli que la veille et pourtant le beau

temps n’est pas au rendez-vous. Petits et grands patientent presque en silence avant

l’arrivée de la tête d’affiche de cette sixième édition : Stromae. Si le prodige belge fait par-

tie de la programmation de la plupart des festivals cet été, le public est à chaque fois au

rendez-vous, prêt pour voir cet entertainer de qualité. Alors que les premières notes de Ta

Fête résonnent à des mètres à la ronde, les festivaliers se fondent en un mouvement de

masse, les doigts vers le ciel, et récitent les paroles des chansons qui défilent, avec une ap-

plication telle que l’on a l’impression d’assister à un moment unique. De 7 à 77 ans, tout le

monde connaît les refrains de Bâtard et de Formidable. Après presque une heure trente de

concert et une version exceptionnelle de Papaoutai, Stromae repart triomphant du BIG

Festival.

Kavinsky, en manque de vitamines Tandis que le stade s’est vidé en quelques minutes juste après le départ de Stromae, Ka-vinsky apparaît parmi la fumée et les néons bleus-violets glaciaux : il a la lourde tâche de

faire danser les personnes encore présentes au stade Aguiléra. Malheureusement pour lui,

on ne fera pas partie de celles qu’il aura réussi à convaincre de rester. Après une belle en-

trée sur scène vers 1h du matin, l’artiste joue les titres de sa tournéeOutrun Live avec une

lenteur exaspérante qui nous donnera la force pour nous diriger vers la BIG Boîte où les

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beats battent leur plein. On ne sait pas si c’est l’effet Stromae ou bien un mauvais choix de

setlist, mais Kavinsky ne semblait pas au meilleur de sa forme ce soir-là.

Les regrettés : Cults Dans le top 3 des artistes que l’on avait hâte de voir durant le BIG Festival, se plaçait le

duo pop originaire de New-York : Cults. Après la soirée du samedi, on se réveille pénible-

ment le dimanche pour assister aux derniers concerts de l’événement sauf que la pluie n’en

a pas décidé ainsi. Voyant que l’averse est sans fin, les organisateurs décident d’annuler le

concert de Cults qui devait avoir lieu sur la plage en début d’après-midi. On repart donc

avec ce petit regret, mais avec tellement d’autres bons souvenirs de cette édition 2014.

Moustique.be

Tomorrowland 2014, on y était Musique28/07/2014 09h50, Harold Nottet

Pour son dixième anniversaire, le plus grand dancefloor de la planète a sabré le

champagne avec quelque 360.000 fans. VIP VIP hourra.

Cette année, décrocher le précieux sésame relevait du miracle. Parce que son luxueux bra-

celet, sa mystérieuse puce électronique et son écrin lumineux étaient déjà un petit trésor en

soi. Parce que, surtout, le plus bling-bling des festivals soufflerait cette année ses dix pre-

mières bougies dans une démesure qu'on commence à avoir du mal à imaginer. Malgré son

line-up dédoublé pour l'occasion avec six jours de party étalés sur deux weekends, Tomor-

rowland a affiché sold out en moins d'une heure. C'est dire si la place pour ces noces d'étain

valait de l'or.

Verdict? Hallucinant! On sait, cela commence à devenir agaçant mais cette édition anniver-

saire nous a autant ébloui les yeux que les oreilles. Outre son line-up arrogant qui com-

prend juste TOUTES les têtes d'affiche du moment en dance FM, techno, rétro, minimal ou

jumpstyle, et son organisation sans faille, on est tombé raide dingue de son opéra house à

ciel ouvert et de sa mainstage à renvoyer la plupart des chefs déco d'Hollywood à la fac. Et

à ceux qui critiqueront les coups de com' du Prince Laurent et d'un Premier Ministre cette

année, mais aussi la présence de nombreux "touristes" quinqua ou sexagénaires attirés par

les espaces VIP et les étoiles Michelin, on répondra qu'ils n'ont toujours rien compris. To-

morrowland est, plus que jamais le Saint-Trop' des festivals. Espérons juste que ces seniors

et autres guests de marque ne deviennent pas rapidement les seuls à pouvoir décrocher le

sésame. Au risque de rebaptiser prochainement l'événement Yesterdayland.

READY, SET ET MATCH: NOTRE TOP 5

Dave Clarke

Adam Beyer

Chris Liebing

Vitalic

Carl Cox

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ON ADHERE A MORT:

- Sa mainstage absolument éblouissante avec ses mécanismes bizarroïdes, son moulin à

eau, ses lance-flammes et ses feux d'artifice à profusion. A Tomorrowland, c'est le 4, le 14

et le 21 juillet réunis tous les jours. Mais comment font-ils pour dessiner, concevoir, pro-

duire et assembler cette scène en seulement une année?

- Son camping (ou plutôt son glamping) avec ses mansions pour milliardaires, ses contai-

ners à lit double et ses lodges VIP sur pilotis.

- Le professionnalisme de l'organisation. Services de secours ultra efficaces, panneaux in-

dicatifs omniprésents, stands food éclectiques (de la frite mayo au service trois étoiles). Pas

grand-chose à redire.

- Son théâtre géant construit en 3D avec ses loges accessibles. Ou comment se prendre pour

Ben-Hur qui jumperait sur du Dave Clarke.

- Mais quel son! Paradoxalement moins fort que sur nombre de festivals rock, sa puissance

et sa pureté sont un modèle du genre.

- Le petit détail qui tue? Après avoir inventé le festival qui tue les orages avec ses canons

dédiés à cet effet et celui qui créé ses propres nuages au logo de l'événement, le spot de

tous les possibles dévoile... le gazon qui ne mouille pas! Grâce à des tapis antidérapants

placés sous la pelouse, l'herbe ne se transforme désormais plus en boue. What else?

ON EST PLUS PERPLEXE:

- L'affluence lors du deuxième samedi. Malgré les capteurs de densité et les changements

automatiques du sens des files, c'était la cohue. Le site est pourtant limité quotidiennement

à 60.000 guests. A croire que les autres jours, tout le monde chillait au camping.

- Le service parfois très approximatif de certains serveurs et serveuses lors des rushs aux

stands food. On sait bien que ce n'est pas drôle de servir 8.000 burgers par jour, mais quand

on les vend 8 euros, on est en droit d'attendre un autre service. Pas vraiment le style de la

maison.

- La scène Cocoon. Autant la programmation techno et minimal est une tuerie, autant cette

scène - étriquée et envahie par les mauvaises odeurs - ne cadre vraiment plus avec le reste

du décor.

- Le développement hallucinant de TML. Après avoir décliné le festival dans les collines

de Chattahoochee Hills à Atlanta, les organisateurs annoncent une troisième version près

de la ville brésilienne de Sao Paulo en mai 2015. Attention aux excès.

Traxmag.fr

5 bonnes raisons d’aller au Worldwide Festival de Sète TRAX MAGAZINE

on 24 juin 2014 at 16:50

Il trônait en bonne place dans notre guide des summer festivals 2014, le Worldwide Festi-

val de Gilles Peterson nous met l’eau à la bouche. Et pour plusieurs raisons, cinq exacte-

ment qu’on vous détaille ici.

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1 – UNE CERTAINE IDÉE DU FESTIVAL

Ce qui a débuté il y a huit ans comme un « petit » festival, grandit et s’affirme aujourd’hui

comme l’une des programmations les plus intéressantes de la saison estivale. Les organisa-

teurs, soutenus par le réseau musical tentaculaire de Gilles Peterson, ont le bon goût de

mélanger avec tact pointures et petits nouveaux, révélations et artistes confirmés, DJs et

groupes live. Le tout dans une atmosphère certainement unique dans le panorama actuel. À

Sète, le Wordlwide a trouvé un parfait écrin urbain, une de ces villes méditerranéennes

dont on tombe amoureux du bleu de l’eau reflètant un ciel vierge, du port de pêche et des

restaurants qui s’alignent au bord du canal. On apprécie les sétois, parfois malgré eux et

finalement, ce festival donne vite l’impression d’une grande réunion de famille. La ville est

petite, les festivaliers se croisent et se recroisent et on finit rapidement par se taper dans le

dos…

2 – LE THÉÂTRE DE LA MER

Le Théâtre de la Mer est certainement la plus belle scène de concert en extérieur du sud de

la France. Sans mentir. Convoquez simplement votre imagination. 30 degrés, en short, tous

bronzés. Imaginez votre gobelet brulant de glace pilée et de Rhum (ou de Badoit pour les

gens sains), le soleil qui disparait doucement dans la Méditerranée, face à vous, dans un

rougeoiement incandescent, un amphithéâtre de vieilles pierres, un léger vent et surtout :

Theo Parrish, Ebo Taylor ou Zara McFarlane qui jouent au milieu de ce cadre magique.

Motivés ?

3 – LES PIEDS DANS L’EAU

À Sète, l’après-midi, on crame. Ici, c’est le sud et on ne rigole pas avec le soleil de midi.

Mais une fois la sieste avalée, les festivaliers s’empressent de se diriger vers la scène posée

sur la plage et qui est une sorte de paradis pour DJs. Les pieds dans l’eau, bien planqués

sous vos chapeaux de paille, serrés dans vos petits maillots de bains achetés pour

l’occasion, il ne vous restera plus qu’à vous trémousser doucement pendant que se succè-

dent derrière les platines quelques-uns des meilleurs DJs du moment. Nickodemus, Zephe-

rin Saint, Sadar Bahar ou encore DJ RKK sont annoncés.

4 – CRUCIFIÉ

Pour les derniers jours du festival, les soirées se déroulent à l’ombre du phare de Sète, le «

St Christ ». Et le programme préparé par l’équipe du Wordlwide fait saliver d’envie : Karol

Conka, figure du rap brésilien partagera la scène avec Little Dragon en formation live pour

présenter leur dernier album, fort réussi. La veille, Seth Troxler, légende de Détroit et

Anushka, un formidable groupe mélangeant jazz-soul & electronic animeront la soirée. A

noter aussi, la présence de Swindle, musicien hors pair, le vendredi soir.

5 – GILLES ET LES PÉCHEURS

Le festival tombe la semaine de la « Saint Pierre ». Saint Pierre est le saint patron des pê-

cheurs et Sète, un des plus gros ports de pêche de Méditerranée, ne peut se passer de ces

festivités. En plus des joutes qui se déroulent tout le weekend (sorte de baston sur barques

entre Fort Boyard et les tournois de chevaliers du moyen-âge), il y a un événement à ne pas

louper. Le jeudi 3 juillet, Gilles Peterson proposera un mix exclusif de 2h dans la Criée aux

poissons de Sète… Préparez-vous à un mélange des genres, les pêcheurs sétois côtoyant

d’invétérés clubeurs dans une odeur de poissons, le tout arrosé de vin blanc du coin…

Thibaud Delavigne

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Rue89.nouvelobs.com

Mes quatre jours au festival du Burning Man : hippie 2.0 Arnaud Aubron | Les Inrocks (et ex-Rue89)

(De Black Rock City, Nevada) Ne cherchez pas Black Rock City sur une carte. Car cette

charmante bourgade de 50 000 âmes dans le désert du Nevada n’existe qu’une semaine par

an. C’est là, au beau milieu de nulle part, que se rassemblent chaque année, à la fin du mois

d’août, artistes, teufeurs du monde entier et cadres de la Silicon Valley pour célébrer le

Burning Man. Mais qu’est-ce que le Burning Man ? C’est là que les choses se compliquent.

« Décrire le Burning Man à quelqu’un qui n’y a jamais été, c’est un peu comme de tenter

de décrire les couleurs à un aveugle », dit un « Burner ». A mi-chemin entre Tatouine et

Mad Max, un kaléïdoscope de sons, de couleurs, de sensations porté à ébullition par le so-

leil, la poussière, les drogues et la techno. Aucun programme, aucun ordre du jour, un es-

pace de totale liberté où il s’agit juste d’être, de déambuler, d’échanger et, c’est ce qui fait

la magie du lieu, d’abandonner toute velléité de jugement des autres. Visite guidée de ce

« carnaval post-moderne de l’absurde ».

Pour la petite histoire, en 1986, Larry Harvey, un amoureux éconduit, décide, avec des

amis, d’aller sur la plage de San Francisco brûler un mannequin de bois à l’effigie de

l’homme qu’il souhaitait cesser d’être. Ils sont alors 20 et le « Man » fait 2,45 m. En 2008,

le « Man » faisait 25 mètres et nous étions officiellement 49599 (source Wikipédia). Et

c’est là que j’interviens. Plus précisément aux environs de 18 heures le jeudi 28 août.

En arrivant aux portes de Black Rock City, je n’ai aucune idée de ce que je vais trouver ici,

comme la plupart des autres « vierges » (et oui, c’est ainsi que l’on nous appelle). L’accueil

est un peu Club Med, mais il faut bien un sas entre le monde réel et le Burning Man. Après

m’être vu enjoint de me rouler dans la poussière du désert (ça, c’est fait, la poussière ne

partira plus de tout le séjour), je dois faire l’amour à la Playa (c’est, non sans ironie, le nom

que l’on donne à cette terre qui a probablement vu l’eau pour la dernière fois il y a des mil-

lions d’années) pour la remercier de m’accueillir. Avant de prendre une fessée publique

pour célébrer la fin de ma virginité.

On me demande ensuite si je transporte des drogues à bord de mon véhicule. Je me dis

alors qu’on est quand même aux Etats-Unis et qu’on n’y plaisante décidément pas avec la

loi. Surprise : ma réponse négative me vaut une invitation à rebrousser chemin. Au moins

les choses sont claires...

Géographiquement, le Burning Man c’est un immense cercle de plusieurs kilomètres de

diamètre découpé comme une horloge et dont le centre est l’effigie du « Man ». Avec mes

petits camarades de jeu, nous élisons domicile à « 9 heures ». La stratégie est d’être suffi-

samment loin des sound systems pour avoir une chance de dormir (un participant m’a

avoué ressentir les basses dans sa poitrine à l’intérieur de son camping-car jusqu’au petit

matin). Mais pas trop loin non plus pour ne pas se retrouver en banlieue et être obligé

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d’utiliser les transports en commun (en l’occurence, des véhicules aux allures spatiales

montés sur des carcasses de bus ou de tondeuses à gazon).

Sur place, aucun commerce, à l’exception d’un bar qui sert café, thé et boissons énergé-

tiques, ainsi qu’un marchand de glace. Ce qui signifie que tout doit avoir été prévu et ame-

né de l’extérieur. Eau, nourriture, alcool... et costumes pour ceux qui n’ont pas retenu

l’option nudiste. Et tout devra être ramené : on ne laisse aucun déchet sur la Playa. Les

règles sont peu nombreuses mais elles sont strictes.

Le travail de préparation prend parfois une année et des centaines voire des milliers de dol-

lars pour les projets les plus ambitieux. Quant à mon « camp », nos deux jours de prépara-

tion et notre mini-budget se payeront par un confort quelque peu rudimentaire. La pous-

sière nous collera d’autant mieux à la peau que, faute de système de recyclage des eaux

usées, nous sommes privés de douche et ne pouvons que nous renverser des bidons d’eau

ou courir après le camion citerne qui sillonne les allées, faisant office de douche collective.

Un manque de préparation particulièrement préjudiciable pendant les tempêtes de sable,

comme celle de samedi, qui a duré plusieurs heures :

Mais le Burner n’est jamais abattu pour longtemps. Quelques minutes plus tard, armé de

mon keffieh mouillé pour pouvoir respirer et de mes Goggles (indispensables lunettes

d’aviateur qui protègent du sable) je refaisais surface au Deep End, « la » rave où célebrer

le coucher de soleil sur le Burning Man. Tempête de sable ou pas. (Voir la vidéo)

Reste maintenant à aborder la partie la plus délicate : que fait-on au juste de ses journées au

Burning Man ? On tente de rester éveillé tout d’abord. Car il fait chaud (probablement plus

de 40 degrés) et les nuits, fraiches elles, sont courtes dans leur versant sommeil : les tentes

se transforment en sauna dès 8h30 du matin, mais dormir avant une heure avancée de la

nuit serait pêché.

Car disons-le tout de suite : les nuits du Burning Man sont magiques, entre fête foraine,

Alice au pays des merveilles et Woodstock. On y danse jusqu’au petit matin sur des ba-

teaux pirates ambulants, dans des domes lunaires ou en plein air entre cracheurs de feu et

cowboys nudistes chapeautés. On y croise des jeunes filles promettant « baisers pour tous »

sur un petit panneau, un Superman ou une escouade de policiers en bas résille. On s’y fait

des amis pour la vie que l’on ne reverra jamais mais avec lesquels on dessine sur le sable

des mondes meilleurs. Les corps se rapprochent. Les esprits s’oublient. Jusqu’au lever du

soleil sur le désert.

Deux heurs plus tard, réveil façon sauna. La journée sera longue. Perchés sur des vélos de

fortune achetés sur Internet juste avant de partir (on nous en offrira finalement d’autres sur

place), nous errons, fatigués mais émerveillés, dans les « camps » du Burning Man.

Car ici, et c’est l’une des particularités du lieu, l’organisation n’organise rien. Elle ne fait

que financer (avec l’argent des billets d’entrée), les projets des différents participants. Et ils

sont pour le moins variés. Certains décident d’installer une balançoire, d’autres vous of-

frent un bâton d’encens, de l’alcool (à condition d’être armé de son propre gobelet car il

n’y a pas de poubelle sur La Playa), un cours de yoga tantrique, un massage, un dancefloor

improvisé... Seul impératif : tout doit être gratuit et ouvert à tous.

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Exemple d’atelier original, à l’intérieur des toilettes de chantier cet écriteau : « Comment

savoir si vous ne demandez pas ». Suivent les détails de différents points de rendez-vous

destinés à se trouver des partenaires de sexe... Seule condition : tout doit avoir été verbalisé

et accepté avant le passage à l’acte. Sur l’autre mur des toilettes, ce rappel du monde exté-

rieur : « Jeter un corps inadapté dans les toilettes est un crime fédéral. »

Certains passent des mois et dépensent des milliers de dollars à travailler à un projet qui

n’est destiné à durer qu’une semaine avec pour seule perspective de retour la gratitude d’un

public prompt à l’hyperbole. L’éphémère hissé au rang d’art de vie, dont l’apogée est

l’incendie du « Man », le samedi soir, au centre de la Playa, sous les viva des

50 000 pensionnaires.

Nous reprenons la route dimanche matin, fatigués, poussiéreux, courbatus mais hantés de

délicieuses pensées. Nous mettrons près de quatre heures à parcourir les quelques kilo-

mètres qui nous séparent de la route goudronnée, pris au milieu de cette gigantesque

transhumance mécanique. Sur la route, à quelques centaines de kilomètres, nous croisons

d’autres Burners. Moment de complicité. Echange de cadeaux (bière contre cigarettes !).

Nous reprenons notre route vers Las Vegas, la « ville du péché ». Etions-nous vraiment au

paradis ?

► Le site officiel du Burning Man

► Corrigé le 15/9/2008 à 11h22 le jeudi de mon arrivée étant le 28 août et non le

29 comme écrit par erreur. Mes excuses à Saint Augustin d’Hippone, saint patron du

28 août.