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Les filets sociaux en République
démocratique du Congo :
État des lieux et options pour l’avenir
Banque mondiale
Région Afrique
Département du Développement humain
15 mai 2015
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TABLE DES MATIÈRES
I. Introduction ............................................................................................................................. 15
II. Profil des risques et vulnérabilités ....................................................................................... 23
III. Cadre politique des filets sociaux ........................................................................................ 33
IV. Cadre institutionnel .............................................................................................................. 44
V. Revue des principales interventions ..................................................................................... 51
VI. Financement des filets sociaux ............................................................................................ 81
VII. Recommandations ............................................................................................................... 86
Tableau 1: Cartographie des programmes et projets recensés par l'État des lieux ....................... 21
Tableau 2: Profil des chocs subis par les individus (pourcentage) ............................................. 277
Tableau 3: Profil des chocs communautaires subis par les communautés (%) .......................... 277
Tableau 4: Estimation de la taille des populations cibles de filets sociaux potentiels .................. 30
Tableau 5: Sources d’aide dans les moments difficiles, par quintile de revenu (%) .................. 311
Tableau 6: Programmes de travaux HIMO inclus dans cetÉtat des lieux .................................. 554
Tableau 7: Couverture des programmes de travaux HIMO ........................................................ 566
Tableau 8: Mécanismes de ciblage des programmes HIMO ...................................................... 577
Tableau 9: Financement des programmes HIMO ....................................................................... 588
Tableau 10: Distribution des attestations d’indigence, 2013 ........................................................ 61
Tableau 11: Mécanismes de ciblage des attestations d’indigence .............................................. 622
Tableau 12: Programme des transferts monétaires inclus dans cet État des lieux ...................... 655
Tableau 13: Mécanismes de ciblage pour l’assistance alimentaire ............................................ 711
Tableau 14 : Programmes d’assistance sociale inclus dans cetÉtat des lieux ............................ 744
Tableau 15: Couverture des programmes d’assistance sociale ..................................................... 76
Tableau 16 : Couverture des programmes d’assistance sociale du MINAS, par province, 2013 . 77
Tableau 17 : Estimation de la couverture actuelle des programmes de filets sociaux .................. 80
Tableau 18: Allocations budgétaires sectorielles du DSCRP-2 2011-2015 ................................. 82
Tableau 19: Estimations des dépenses consacrées aux filets sociaux (hors MINAS) .................. 83
Tableau 20: Allocations budgétaires du gouvernement et dépenses en affaires sociales, assistance
humanitaire et solidarité nationale, 2009-2013 (milliers de dollars) ........................................... 84
Tableau 21: Budget et dépenses du MINAS 2009-2013 (millions de francs congolais) .............. 85
Tableau 22: Répartition hypothétique du financement des filets sociaux avec 0,5% du PIB, par
programme .................................................................................................................................... 92
Figure 1: Carte des interventions de protection sociale en fonction de la pauvreté et des niveaux
de vulnérabilité (% de population) ................................................................................................ 32
Figure 2: Estimation des besoins humanitaires en 2013 par domaine particulier (en milliers de
dollars) .......................................................................................................................................... 41
Figure 3: Organisation du MINAS ............................................................................................... 46
Encadré 1: Passage de l’assistance humanitaire aux filets sociaux .............................................. 40
Encadré 2: Mécanismes de ciblage des programmes de filets sociaux ......................................... 52
Encadré 3: Feedback des bénéficiaires sur le programme HIMO- Katanga ................................. 59
Encadré 4: Éléments essentiels d’un système national de filet social .......................................... 87
Encadré 5: Nouvelles technologies de transfert de fonds en RDC ............................................... 90
Encadré 6: Couverture comparative et coût des programmes de filet social en Afrique .............. 91
Annexe: Fiches de collecte d’informations
Bibliographie
Remerciements
Cette étude a été réalisée par une équipe composée de Maurizia Tovo (Chef de projet, Spécialiste
principale en protection sociale, Banque mondiale), Julie Van Domelen (Consultante, auteur
principal), Lisette Khonde (Spécialiste en protection sociale, Bureau de la Banque mondiale en
RDC, Kinshasa), Elena Celada (Consultante, spécialiste en protection sociale) et Jules Bisilwala
(Conseiller, ministère des Affaires sociales, de l’action humanitaire et de la solidarité nationale).
L’équipe a bénéficié du soutien du Chargé de protection sociale du Bureau de l’UNICEF en
RDC, Sergiu Buruiana, et des bureaux provinciaux de l’UNICEF qui ont facilité les visites de
terrain dans les provinces du Bas Congo, du Bandundu, du Nord Kivu et du Sud Kivu. Les
ateliers présentant le projet de cette évaluation des filets sociaux ont été organisés à Kinshasa le
29 septembre 2014, avec la participation des partenaires gouvernementaux, non
gouvernementaux et internationaux. Les commentaires et observations de ces discussions ont été
intégrés. Cet État des lieux des filets sociaux a été financé par le Fonds fiduciaire multi-bailleurs
de réponse sociale rapide (Cycle 6).
ACRONYMES
AENF Alphabétisation et éducation non formelle
AME Articles de ménage essentiels
ARCC Alternative Responses for Communities in Crisis (Solutions alternatives pour les
communautés en crise)
AVSI Associazione « Volontari per il servicio internazionale »Association de volontaires
pour le service international)
BIT Bureau international du Travail
CNCH Cadre national de concertation humanitaire
CPS Centres de promotion sociale
DAS Direction de l’action sociale
DFID Ministère du développement international du Royaume Uni
DIVAS Division provinciale des affaires sociales
DISPE Direction des interventions sociales en faveur de l’enfant
DSCRP-2 Document de la Stratégie de croissance et de réduction de la pauvreté – deuxième
génération
DUAS Division urbaine des affaires sociales
EDS Enquête de démographie et de santé
FAO Organisation des Nations Unies pour l’agriculture et l’alimentation
FENAPH
ACO
Fédération nationale des associations des personnes vivant avec handicap du
Congo
FMI Fonds monétaire international
FNPSS Fonds national de promotion et de service social
FSRDC Fonds social de la République démocratique du Congo
HIMO Haute intensité de main-d’œuvre
IFPRI Institut international de recherche sur les politiques alimentaires
INS Institut national de statistique
MICS Multiple Indicators Cluster Survey (Enquête en grappe à indicateurs multiples)
MINAS Ministère des Affaires sociales, de l’action humanitaire et de la solidarité nationale
NRC Norwegian Refugee Council (Conseil norvégien pour les réfugiés)
OEV Orphelins et autres enfants vulnérables
OMD Objectifs du millénaire pour le développement
ONG Organisation non-gouvernementale
PAH Plan d’assistance humanitaire
PAM Programme alimentaire mondial
PAN-OEV
Plan d’action national 2010-2014 en faveur des orphelins et autres enfants
vulnérables
PIB Produit intérieur brut
PIE Plan intérimaire de l’éducation
PNDS Plan national de développement sanitaire
PNIA Programme national d’investissement agricole
PNUD Programme des Nations-Unies pour le développement
RRMP Réponse rapide aux mouvements de population
TMC Transfert monétaire conditionnel
UNICEF Fonds des Nations Unies pour l’enfance
UNOPS Bureau des Nations-Unies pour les services d’appui aux projets
USAID Agence américaine pour le développement international
VIH/SIDA Virus de l'immunodéficience humaine/syndrome d'immunodéficience acquise
1
Résumé analytique
1. La protection sociale est actuellement considérée par les décideurs politiques
comme l’une des composantes clés des stratégies de réduction de la pauvreté en Afrique.
Le défi principal dans les prochaines années sera ainsi d’élaborer des stratégies et programmes
nationaux qui permettent à la protection sociale de jouer pleinement son rôle d’instrument
privilégié de gestion des risques et de réduction de la pauvreté.
2. Les filets sociaux de sécurité (ou ‘filets sociaux’) font partie des interventions de
protection sociale. Ils sont constitués de programmes de transferts non contributifs visant à
soutenir directement le niveau de consommation des groupes pauvres et/ou vulnérables, à
garantir leur accès aux services sociaux essentiels afin de développer leur capital humain, à leur
apporter un soutien temporaire en cas de crises et, plus globalement, à rompre le cycle
intergénérationnel de transmission de la pauvreté. Les filets sociaux se composent les transferts
monétaires ; des transferts en nature (les cantines scolaires ou les suppléments nutritionnels par
exemple), des programmes de création d'emplois temporaires (les travaux publics à haute
intensité de main-d'œuvre par exemple), d’ exonérations de frais (p. ex.: la gratuité des services
de santé ou de scolarité par exemple) ; et enfin de l’assistance sociale proprement dite, qui
répond à un large éventail de besoins particuliers aux personnes extrêmement vulnérables, tels
que les orphelins, les personnes vivant avec un handicap et les personnes du troisième âge.
3. Les filets sociaux permettent de compléter et renforcer les autres politiques
sectorielles mises en œuvre par le Gouvernement. Si l’objectif principal des filets sociaux est
de soutenir la consommation des ménages pauvres, de gérer les risques auxquels ils sont sujets et
de réduire les effets négatifs de leur vulnérabilité aux chocs, ils présentent en outre le grand
avantage de venir en appui aux autres politiques sectorielles. En effet, là où les politiques de
santé et d’éducation nationales améliorent, entre autres, l’offre des services sociaux de base, les
filets sociaux peuvent en stimuler la demande. À travers des transferts monétaires ou des
exemptions de frais par exemple, les filets sociaux peuvent élargir l’accès des couches les plus
démunies à la santé et à l’éducation, et, par-là, amplifier l’impact des investissements sectoriels
du Gouvernement. De même, ces investissements (amélioration des systèmes d’éducation et de
santé) sont une condition préalable à tout programme de filet social destiné à renforcer le capital
humain. Des synergies appréciables peuvent également résulter du rapprochement des politiques
d’infrastructures et d’urbanisation, avec les filets sociaux. Les programmes de travaux publics à
haute intensité de main d’œuvre peuvent en effet être intégrés et contribuer aux grands chantiers
de construction et de réhabilitation d’infrastructures sociales ou routières. Étant donné les
besoins très importants dans ce domaine, une utilisation plus systémique de l’approche à haute
intensité de main d’œuvre serait bénéfique tant au secteur de la protection sociale qu’au secteur
des infrastructures, et les synergies entre les deux secteurs paraissent évidentes et considérables.
4. Les progrès dans la mise en œuvre des programmes de filets sociaux et la croissance
économique sont fortement corrélés. À mesure que l’économie d’un pays se développe, celui-
ci a tendance à allouer une partie plus importante de son budget aux filets sociaux. Qui plus est,
l’ensemble des études menées récemment sur le sujet indiquent que les dépenses en protection
sociale sont utiles à la croissance économique. Au-delà des synergies avec d’autres secteurs, les
filets sociaux peuvent effectivement contribuer au développement économique local en ce qu’ils
2
stimulent les marchés locaux, suite aux transferts monétaires obtenus, et améliorent les
infrastructures économiques réalisées par des travaux HIMO ; ou encore, les filets sociaux
peuvent promouvoir la stabilité sociale durant les crises et les réformes économiques.
5. Les filets sociaux soutiennent un modèle de croissance économique inclusive
susceptible de générer sur le long terme une réduction sensible des inégalités. Les filets
sociaux sont en effet un mécanisme redistributif qui permet aux plus pauvres non seulement de
bénéficier directement de la croissance économique mais aussi d’y contribuer, par l’amélioration
de leur productivité du fait des investissements en capital humain, et l’acquisition ou la
préservation d’actifs productifs, ce qui facilite en retour leur sortie de la pauvreté. L’impact des
filets sociaux peut donc aller au-delà de la protection immédiate du bien-être des ménages, car
ces filets produisent une série d’effets positifs qui, sur le long terme, peuvent réduire les
inégalités et favoriser un modèle de croissance inclusive.
6. Le présent État des lieux a pour objet de déterminer la demande et l’offre de
programmes de filets sociaux, pour ensuite formuler des options à poursuivre afin
d’améliorer la portée, la coordination et l’impact de ces programmes. Pour ce faire, le
document décrit d’une part les risques majeurs et les populations les plus vulnérables, et d’autre
part, les politiques, les stratégies, le cadre institutionnel, les ressources disponibles, et les
programmes-clés actuellement en cours en RDC. Le recensement des programmes a été mené
par une équipe de la Banque mondiale en concertation avec le MINAS, et les principaux
partenaires internationaux et nationaux (bailleurs et ONG) dont la mission est d’accompagner ce
type de programmes. Un échantillon de provinces a été choisi pour caractériser la diversité des
situations dans un pays aussi vaste et composite que la RDC: Kinshasa et le Bas-Congo, comme
représentatifs des provinces mieux loties ; le Bandundu qui est l’une des provinces ayant les
niveaux les plus élevés d’insécurité alimentaire chronique ; et le Nord et le Sud Kivu
représentatifs des zones à forte concentration d’ONG.
Profil de pauvreté et vulnérabilité
7. Pauvreté et vulnérabilité sont endémiques en RDC. La RDC occupe l’avant dernier
rang (186ème
sur 187 pays) du classement de l’indice de développement humain de 2013. Il a été
estimé qu’en 2012, 63,4% de la population, soit 43 millions de Congolais, vivaient en dessous du
seuil de pauvreté. L’incidence de la pauvreté varie grandement entre les provinces: «seuls» 37%
de la population de Kinshasa vivent en dessous du seuil de pauvreté, alors que dans les deux
Kasaï, le Bandundu et l’Équateur l’incidence de la pauvreté dépasse les 70%. Plus de la moitié
des ménages traversent des périodes d’insécurité alimentaire, une insécurité sévère pour 7,5
millions de personnes, et près de 43% des enfants souffrent de malnutrition chronique, dont
environ la moitié (23%) sous une forme sévère.
8. De nombreux risques vulnérabilisent la population : maladies, décès ou perte de
revenus survenant au niveau individuel ou du ménage; invasions d’insectes, sécheresse,
famine, érosion, inondations, entre autres, survenant au niveau des communautés. Ces
risques se retrouvent partout en Afrique, mais certains d’entre eux sont spécifiques au pays, soit
par leur nature, comme les éruptions volcaniques, soit par leur amplitude, comme les violences
basées sur le genre et les conflits inter-ethniques. Selon la dernière enquête nationale auprès des
ménages, la maladie, plus présente en milieu rural et chez les plus pauvres, est la cause
3
principale des chocs au niveau individuel (dits idiosyncratiques), tandis que les épidémies et les
invasions d’insectes sont citées comme chocs au niveau communautaire (dits covariants) les plus
graves et les plus fréquents.
9. Le conflit armé et les déplacements internes touchent un pourcentage relativement
faible de la population, bien que leur impact soit d’une énorme gravité. Au cours des trois
dernières décennies, les provinces de l’est de la RDC ont dû faire face à un mélange complexe
d’entraves, notamment une gouvernance déficiente, une pauvreté généralisée, une mauvaise
gestion des ressources naturelles, des litiges fonciers, et l’exploitation des divergences ethniques
à des fins politiques et économiques par des groupes armés congolais et étrangers. L’instabilité
ainsi générée s’est fréquemment transformée en conflits violents et les conséquences cumulatives
de ces différents facteurs ont été catastrophiques. Depuis 1998, on estime en effet que des
milliers de personnes ont été plongées dans un état de vulnérabilité extrême en raison de leur
délocalisation, de la dépossession de leurs biens, de la rupture des liens communautaires et
sociaux, et de la perte de leurs moyens de subsistance. En mars 2014, la RDC comptait quelques
2 635 000 de personnes déplacées, chiffre qui n’a cessé d’augmenter au cours dernières 10
années.
10. Les femmes et les filles sont menacées de risques spécifiques qui les rendent plus
vulnérables que les hommes et les garçons : leurs revenus sont nettement inférieurs à ceux des
hommes (moins de la moitié) ; les taux de mortalité maternelle restent élevés tandis que l’accès
aux services de santé et de reproduction demeure largement insuffisant. Les violences basées sur
le genre sont endémiques sur tout le territoire national, mais elles atteignent des niveaux
particulièrement alarmants dans les zones de conflit et contribuent à déclencher des vagues de
déplacement. Les filles sont soumises au risque de mariage précoce : en dehors des milieux aisés,
la moitié des femmes âgées de 20 à 49 se sont mariées avant l’âge de 18 ans.
11. Les enfants à risque constituent un groupe vulnérable critique en RDC, notamment
les orphelins, les enfants dits de la rue, les enfants exerçant les pires formes de travail et
ceux qui ont abandonné l’école. Un enfant congolais sur quatre est considéré comme
vulnérable, soit plus de 8 millions d’enfants au total, et près de 7 millions d’enfants ne sont pas
scolarisés. La proportion d’OEV dans la population globale des enfants varie selon les provinces,
mais elle semble particulièrement élevée dans quatre d’entre elles : le Sud Kivu (41% des
enfants, soit plus d’un million), le Maniema, le Kasaï Occidental et la Province Orientale, par
ordre d’importance.
12. Les personnes vivant avec handicap sont elles aussi en situation de plus grande
vulnérabilité. Selon les estimations, 11% des Congolais vivent avec un handicap, soit 7,3
millions de personnes. Plus de la moitié de ces handicaps sont causés par la maladie, et plus de
40% par le conflit armé. En général, les personnes vivant avec handicap ont davantage de
problèmes liés à la santé et à l’éducation. Les femmes vivant avec handicap se marient plus
difficilement, ce qui tend à les rendre plus vulnérables. Près de trois quarts d’enfants vivant avec
handicap souffrent de malnutrition.
13. La couverture offerte par la protection sociale formelle est très loin de satisfaire ce
niveau de besoin. La plupart des personnes pauvres ou vulnérables ont recours à des filets
4
sociaux informels, soit essentiellement l’assistance de la famille et celle d’amis ou
d’organisations locales telles que les églises ou les associations villageoises. Mais ces
arrangements de type informel comportent plusieurs désavantages et ne fournissent pas une
protection suffisante. Dans le cadre global de la protection sociale, les filets sociaux devraient
jouer un rôle prioritaire au niveau des politiques et des dépenses de l’État, en raison du profil de
la pauvreté et de la vulnérabilité brossé ci-dessus.
14. La majorité des filets sociaux en usage dans le monde utilisent la pauvreté comme
critère de ciblage, mais, étant donné qu’en RDC la pauvreté touche les deux tiers de la
population, les filets sociaux devront aller au-delà de ce critère. Le nombre de personnes en
situation d’extrême pauvreté, c’est-à-dire qui ne peuvent pas se procurer le panier alimentaire de
base, pourrait être utilisé comme critère principal de ciblage, car il s’agit de personnes qui ont
besoin d’assistance pour satisfaire leurs besoins caloriques minima. Malheureusement, une
estimation récente de ce nombre n’est pas encore disponible. Quel que soit le critère de pauvreté
ou le groupe vulnérable retenu, il est évident qu’un (ou plusieurs) programme à grande échelle
serait nécessaire pour avoir des retombées importantes sur le bien-être des ménages et des
individus les plus vulnérables.
Cadre de politiques sectorielles
15. Le Document de stratégie de croissance et de réduction de la pauvreté (DSCRP)
considère la protection sociale comme faisant partie intégrante des services sociaux de base
et du développement du capital humain, et comme un moyen important pour éradiquer
l’extrême pauvreté. Il constate que les mauvais indicateurs de santé et d’éducation, l’inégalité
des revenus et la gravité de l’insécurité alimentaire nécessiteront un effort concerté à long terme
de la part de l’État. Mais le document ne mentionne pas expressément les filets sociaux en tant
que programme spécifique à déployer à cette fin. S’il relève la nécessité d’élaborer des
programmes qui répondent aux besoins immédiats des groupes vulnérables, il ne fixe pas de
cibles ou objectifs de protection sociale et n’aborde pas les questions d’approches ou de choix
optimal de programmes d’assistance. Les initiatives plus concrètes mentionnées dans le plan
prioritaire pour les actions du Gouvernement se focalisent sur les réformes de la sécurité sociale
(contributive) qui n’intéressent qu’une petite minorité des Congolais, plutôt que sur les filets
sociaux (non contributifs) dont bénéficierait une tranche bien plus large de la population.
16. La RDC ne dispose pas de stratégie nationale globale de protection sociale. La
Stratégie nationale de protection sociale des groupes vulnérables, conçue en 2004 mais validée
seulement en 2008 par le Gouvernement, se rapporte aux groupes les plus vulnérables,
notamment: les enfants et les femmes en situation difficile, les personnes vivant avec handicap
ou avec le VIH/SIDA, les personnes de troisième âge dénuées de soutien, et les déplacés
internes. Mais cette stratégie n’indique pas de programmes spécifiques à financer, ne définit pas
d’objectifs en termes de couverture et n’avance pas d’estimations de coûts.
17. Conscient des limites de la stratégie de 2004, le MINAS prépare une «Note
d’orientation politique» qui devrait guider la conception d’une nouvelle stratégie. Cette
Note retient la nécessité de réforme des Centres de promotion sociale en Centres d’action sociale
en vue d’améliorer l’offre de leurs prestations ; elle préconise par ailleurs l’instauration d’une
banque de données sur les groupes vulnérables préalablement à la définition d’un programme de
5
filets sociaux de sécurité ; et tâche de déterminer un socle minimum des droits sociaux. En
même temps, le Fonds national de promotion et de service social (FNPSS) du MINAS a réalisé
une étude de faisabilité pour l’élaboration d’une stratégie de protection sociale en RDC.
18. En l’absence d’une orientation stratégique claire concernant les filets sociaux eux-
mêmes, certaines politiques et stratégies sectorielles et thématiques déjà en vigueur peuvent
orienter leur développement: notamment, le Document de stratégie de développement de
l’enseignement primaire, secondaire et professionnel (2010/2011-2015/2016) et le Plan
intérimaire de l’éducation (PIE) 2012/2014; la Stratégie nationale pour le développement de
l’alphabétisation et de l’éducation non formelle (AENF) 2012 à 2016-2020; l’Audit
organisationnel du MINAS; le Plan national de développement sanitaire (PNDS) 2011-2015; le
Programme national d’investissement agricole (PNIA) 2013-2020; le Plan d’action national
2010-2014 en faveur des OEV (PAN-OEV); et le Plan d’action humanitaire en RDC 2013.
19. Il convient de noter qu’une grande attention est accordée au plus haut niveau
politique à la satisfaction et à la couverture des besoins des groupes vulnérables, mais aussi
que la définition des moyens pour toucher ces groupes reste imprécise. Les objectifs globaux
de réduction de l’extrême pauvreté et de satisfaction des besoins des groupes vulnérables sont
soutenus par les stratégies sectorielles et thématiques mentionnées ci-dessus, et qui reflètent ces
objectifs. Mais pour l’ensemble, dans le cadre de ces stratégies, force est de constater que les
moyens de toucher ces groupes sont peu définis, les objectifs cités sont très ambitieux, et que les
politiques spécifiques destinées à déterminer les programmes qui pourraient être les plus
efficaces, et les propositions de réformes pour permettre aux programmes actuels d’atteindre les
principaux objectifs visés, font défaut. En outre, les cibles de financement fixées semblent peu
réalistes eu égard aux ressources disponibles et à la capacité d’absorption des institutions.
20. Le secteur de la protection sociale lui-même existe dans un cadre politique
insuffisant, qui demande à être révisé et actualisé. La confusion quant à la définition de la
protection sociale et du partage de responsabilités entre les ministères ayant respectivement dans
leurs attributions la prévoyance sociale et les affaires sociales, l’absence d’un leadership distinct,
et enfin la collaboration insuffisante entre acteurs étatiques, représentent des défis importants qui
doivent être surmontés pour parvenir à une politique sectorielle cohérente. Le rôle des filets
sociaux devrait être expressément établi dans toute révision des politiques et stratégies de
protection sociale, car ces derniers devraient constituer la partie la plus importante des activités
de protection sociale, étant donné le profil de pauvreté et de vulnérabilité de la RDC.
Cadre institutionnel
21. Plusieurs types d’acteurs sont engagés dans des programmes assimilables à des filets
sociaux, notamment les ministères et organismes de l’État, les ONG et les organisations
internationales. De nombreux programmes d’éducation, de santé, de protection civile, de
mesures relatives aux catastrophes naturelles, d’emploi, d’assurance sociale, de développement
rural, et relevant d’autres secteurs encore, sont destinés à toucher les populations vulnérables.
22. Parmi les intervenants étatiques, le MINAS est le principal ministère chargé de
répondre aux besoins des groupes vulnérables. Il a pour mission institutionnelle primordiale
de superviser les filets sociaux du pays. Notons cependant que le MINAS connaît une certaine
6
instabilité institutionnelle, résultant entre autres de fusions et démembrements répétés depuis
1963. Le MINAS dispose d’un établissement public, le Fonds national de promotion et de
service social (FNPSS), dont le mandat est de mobiliser les financements internes et externes
nécessaires, et de servir d’interface entre les structures étatiques et non étatiques de prise en
charge et les sources des financements. Malheureusement, le FNPSS n’a pas encore commencé à
remplir cette fonction. L’autre intervenant est le Fonds social de la République démocratique du
Congo, institution publique sous tutelle de la Présidence, créé en 2002, et destiné essentiellement
à participer à l’effort de reconstruction et de développement du pays ; ce Fonds social régit les
travaux HIMO.
23. Des centaines d’ONG fournissent des services sociaux aux personnes vulnérables ; la
majorité de ces organismes opèrent au niveau local et à petite échelle. Les organisations
confessionnelles ont souvent une couverture nationale, telles que CARITAS et l’Église du Christ
du Congo.
24. Enfin, les agences internationales et bilatérales jouent un rôle crucial dans le
financement et la réalisation des activités de type filet social. Le plus souvent, ces activités
sont entreprises dans le cadre d’actions humanitaires. On peut citer entre autres l’OCHA, le
PAM, l’UNICEF, l’UNOPS, la Banque mondiale, le DFID, l’USAID, et la Coopération
technique belge.
25. La complexité du cadre institutionnel nécessiterait l’existence et la bonne marche de
mécanismes efficaces de coordination. Pour autant, les mécanismes de coordination des
interventions en matière de filets sociaux et de protection sociale en général sont actuellement
assez faibles. Le Groupe thématique protection sociale a tenu une seule réunion en 2014, et le
Groupe inter-bailleurs n’a été établi que récemment. L’activité des très nombreuses ONG
assurant des services d’assistance sociale n’est pas suffisamment en cohérence avec les
politiques et structures nationales.
26. La situation institutionnelle des filets sociaux fait obstacle à la prestation efficace des
services. Des réformes et des mesures de renforcement institutionnel devront être entreprises au
sein du MINAS pour lui permettre de remplir utilement sa mission de premier acteur étatique.
Pour l’heure, les rôles institutionnels sont en mutation permanente, se chevauchent ou manquent
de définition nette. En revanche, l’assistance humanitaire fonctionne à travers des structures plus
robustes, mais celles-ci sont pour la plupart dirigées par les bailleurs de fonds, et insuffisamment
rattachées aux services publics qui devront intervenir, le moment venu, pour assurer la transition
de l’assistance humanitaire vers le développement durable.
Revue des principaux programmes
27. Le présent État des lieux des programmes a retenu les principaux programmes de
filets sociaux opérant en RDC. Ces programmes ont été regroupés par catégories. Pour chaque
catégorie, la revue s’est efforcée d’estimer le niveau de couverture, les mécanismes
opérationnels, les coûts, les sources de financement, et les impacts, et de dégager des
enseignements à retenir.
7
Les travaux publics à haute intensité de main d’œuvre. La RDC détient une
expérience considérable en matière de programmes d’emploi temporaire, surtout dans
l’est du pays, mais qui sont financés presque exclusivement par des organismes
extérieurs. L’UNOPS gère le programme le plus vaste, mais globalement le nombre de
personnes touchées (qui se comptent en milliers) est très réduit, par rapport aux personnes
admissibles et aux besoins du pays en infrastructure.
Les exonérations de frais. Le seul programme national répertorié est le certificat
d’indigence délivré par le MINAS. Établi en 1991, il cible les indigents, mais également
les fonctionnaires (les critères de ciblage ne sont pas précis). En 2013, le nombre de
bénéficiaires était estimé à environ 2 000. Son efficacité en tant que filet social semble
très limitée.
Les transferts en espèces. La pratique de ce type de programme est très récente en RDC,
datant de 2010, et restant liée au contexte humanitaire. Mis en œuvre par l’UNICEF, le
PAM et quelques ONG internationales et basés sur l’utilisation de coupons (redevables
dans des foires) et/ou d’argent liquide, ces programmes ont touché particulièrement les
personnes déplacées et semblent très prometteurs, ce, grâce à l’emploi des nouvelles
technologies.
Les transferts en nature. Les cantines scolaires sont financées majoritairement par le
PAM dans les zones de conflit (854 546 enfants et 19 138 enseignants en 2013). Il sied de
noter que l’essentiel de ces transferts en nature sont effectués sous forme d’aide
alimentaire aux déplacés (3,6 millions de bénéficiaires en 2013), organisée surtout par
CARITAS et le PAM (pour ce dernier à travers des ONG). Ce type d’assistance est
souvent très couteux du fait des frais de stockage et de transport, et peut par ailleurs
désavantager l’économie locale.
Autres formes d’assistance sociale. Ces programmes visent généralement une prise en
charge holistique des groupes particulièrement vulnérables, tels que les orphelins, les
enfants de la rue, les personnes vivant avec handicap ou les personnes de troisième âge.
Ils sont exécutés par un vaste éventail d’organisations confessionnelles (notamment
l’Église kimbanguiste et CARITAS,) et de la société civile, ainsi que par le MINAS.
Mais leur couverture totale reste exigüe et les financements inadéquats. Ils sont un
dernier recours, au coût unitaire très élevé.
28. Bien que les données soient incomplètes, les estimations indiquent que le pays
dispose actuellement d’une capacité de protection de type filet social très restreinte et mal
repartie géographiquement. La majorité des programmes recensés est concentrée dans la
partie est du pays, ce qui signifie qu’une très grande proportion de Congolais pourtant
admissibles bénéficient de peu, voire d’aucune assistance de filet social. Afin de lutter contre
l’extrême pauvreté, contre l’insécurité alimentaire et contre d’autres aspects de la vulnérabilité
observés dans le pays, une répartition beaucoup plus équitable des interventions doit
nécessairement être effectuée.
8
Financement
29. Les dépenses actuelles au titre des filets sociaux sont modiques par rapport aux
normes internationales, largement assurées par les bailleurs de fonds, et particulièrement
orientées sur la crise humanitaire qui sévit dans la partie orientale du pays. Le budget du
MINAS ne représente que 1% du budget de l’État, contre une moyenne de 3,7% consacrée aux
filets sociaux dans les pays africains à plus faible revenu, et de 4,4% dans l’ensemble des pays
africains. Même en considérant que la totalité du budget du MINAS est allouée aux filets sociaux
(mais près de 80% constituant les frais salariaux), et en ajoutant les quelques 20 millions de
dollars que peuvent représenter les financements extérieurs, le total des dépenses au titre des
filets sociaux en RDC représenterait 0,7% environ du PIB. Ce taux est inférieur même à la
moyenne des pays à plus faible revenu d’Afrique (1,1%). De même, à l’instar de la situation que
l’on retrouve dans plusieurs pays africains, une part importante des dépenses de filets sociaux
consiste en une assistance humanitaire alimentaire qui dépend fortement de financements
extérieurs. L’un des enjeux les plus difficiles dans le déploiement de filets sociaux performants
en RDC sera d’obtenir suffisamment de financements pour étendre les programmes existants,
d’envergure souvent restreinte, à l’échelle nationale.
Recommandations
30. L’absence de filets sociaux efficaces pose un obstacle important au développement
des ressources humaines du pays et à la réalisation d’une croissance économique inclusive.
Elle explique en outre les actions d’adaptation négatives adoptées par les ménages en cas de
choc, telles que la liquidation des actifs, le retrait des enfants de l’école, les soins de santé
sacrifiés et la réduction de la consommation calorique. En termes de capital humain et de bien-
être des individus, de telles conséquences peuvent s’avérer durables et engendrer un cercle
vicieux, la pauvreté étant transmise à la génération suivante. À l’opposé, le déploiement de filets
sociaux efficaces peut permettre de réduire la demande de services sociaux onéreux, tels que les
orphelinats ou les programmes de récupération nutritionnelle. Mais l’intérêt majeur des filets
sociaux est qu’ils contribuent à accroître la cohésion sociale, et même à réduire le risque de
conflit violent, car celui-ci peut traduire en partie le désespoir économique de certains groupes de
la population.
Vision pour le long terme
31. À l’instar de la plupart des pays du monde, la RDC devrait poursuivre la mise en
place progressive d’un système national intégré de filets sociaux. La tendance dans le monde
est d’éviter la fragmentation de l’aide sociale en plusieurs programmes séparés et d’adopter
plutôt une approche systémique, ce qui permet d’éviter les double-emplois, de favoriser la
coordination avec d’autres secteurs (notamment l’éducation et la santé), et de partager les sous-
systèmes administratifs. De plus, l’expérience internationale en la matière enseigne qu’il est
essentiel d’utiliser des systèmes administratifs communs à l’ensemble des programmes de
protection sociale. Étant donné la situation actuelle, il est évident qu’un système national intégré
est un objectif qui ne peut s’inscrire que dans le long terme et qui doit être sous-tendu par une
vision claire et partagée, et une volonté politique ferme chez les acteurs étatiques.
9
32. Une vision pour le long terme doit comporter des objectifs réalistes de coûts et de
couverture, et tenir compte de la capacité administrative et technique des différents acteurs
gouvernementaux. Les considérations suivantes peuvent guider le Gouvernement dans la
formulation de ses objectifs pour le long terme.
Le niveau d’effort possible. Le niveau de priorité accordé par le Gouvernement et la
communauté des donateurs déterminera la disponibilité des financements. Au vu des
fortes contraintes budgétaires, des compromis importants devront être consentis entre la
couverture des programmes et leur générosité. À titre d’hypothèse, avec une
augmentation de l’enveloppe budgétaire équivalant à 0,5% du PIB (ce qui alignerait la
RDC avec les pays africains aux plus faibles revenus), soit 156 millions de dollars, le
nombre de bénéficiaires directs répartis en trois programmes phare (p. ex.: transferts
monétaires, HIMO, et cantines scolaires) pourrait s’élever à environ 1,15 millions. Bien
entendu, la composition définitive des programmes de filets sociaux devrait prendre en
compte une analyse plus détaillée des économies de coûts potentielles, ainsi que les
décisions politiques concernant la combinaison optimale de programmes.
L’estimation de la couverture et des coûts. Cette estimation devrait être réaliste et
réalisable, mais en même temps reposer sur des objectifs qui représenteraient une
amélioration considérable par rapport à l’état actuel. À titre d’exemple, les filets sociaux
les plus étendus, en Amérique Latine ou en Afrique du Sud, touchent un quart de la
population, mais la plupart se limitent à 5 à10% de la population, généralement les plus
pauvres des pauvres. Il est évident que la disproportion entre le nombre d’individus
pauvres ou vulnérables et l’enveloppe budgétaire concrètement et durablement disponible
exigera un ciblage très strict, qui circonscrira la couverture aux extrêmement pauvres ou
vulnérables, ou même seulement à certaines catégories d’entre eux.
33. Un système national de filets sociaux devrait être capable de répondre rapidement
aux besoins engendrés par une crise soudaine, mais aussi de rétrécir par la suite, lorsque la
crise s’atténuera. Sur la base de l’expérience actuelle en RDC d’une part, et des conclusions
tirées de l’expérience d’autres pays africains ayant reproduit avec succès des programmes de
filets sociaux à grande échelle d’autre part, il semble que plusieurs types de programmes
pourraient remplir cette condition:
o transferts directs ciblés, préférablement en espèces compte tenu des coûts
unitaires généralement plus faibles que ceux des transferts de vivres, et de la plus
grande souplesse qu’ils autorisent pour répondre aux divers besoins des ménages
pauvres;
o travaux publics à haute intensité de main-d’œuvre qui, reproduits à grande
échelle, pourraient favoriser simultanément les infrastructures nationales (et donc
l’économie locale) et les objectifs de protection sociale, mais aussi contribuer à
l’emploi des jeunes et des ex-combattants, et permettre ainsi de désamorcer les
tensions sociales;
10
o cantines scolaires, qui devraient être soigneusement ciblées sur le plan
géographique, en direction des zones où sévit la plus grande insécurité
alimentaire, et en considérant que ces programmes n’atteignent pas les enfants
déscolarisés, lesquels constituent toujours un groupe très important et des plus
vulnérables;
o exonération de frais, à condition d’en améliorer sensiblement la gestion, avec un
système de ciblage très strict;
o transferts standardisés pour des services sociaux plus intensifs à l’intention de
certains groupes extrêmement vulnérables, à travers un système intégré de gestion
des cas, l’enregistrement formel des bénéficiaires, et des normes et standards de
services concis.
La matrice ci-dessous résume les actions qui pourraient être mises en œuvre pour
concrétiser cette vision sur le long terme. Elles sont discutées avec plus de détails par la suite.
Actions de court terme (0-3 ans) Actions de moyen terme (3-6
ans)
Vision de long terme
Niveau
opérationnel
Expansion du programme de
travaux à haute intensité de main
d’œuvre exécuté par le FSRDC,
idéalement à l’échelle nationale.
Substitution du certificat
d’indigence par un mécanisme de
ciblage et d’octroi d’avantages
sociaux rigoureux, mécanisme qui
soit partagé avec d’autres
programmes d’exonération des frais
Pilotage d’un programme de
transferts monétaires à l’initiative de
l’État
Début de structuration d’un
système national de filets sociaux
à travers l’utilisation d’outils
communs (enregistrement,
ciblage, suivi,…) couvrant
plusieurs filets sociaux (HIMO,
transferts monétaires, exemption
de frais,…)
Expansion graduelle du
programme de transferts
monétaires sur la base de
l’expérience pilote
Pilotage d’un autre type de filet
social à l’initiative de l’État
Expansion des
programmes les
mieux adaptés au
contexte national
Niveau
réglementaire
Révision de la stratégie de
protection sociale en vue de la
formulation d’une stratégie
nationale intégrée
Détermination du niveau de
couverture des filets sociaux
souhaitable dans les court, moyen et
long termes
Augmentation du budget des filets
sociaux en adéquation avec les
besoins de couverture identifiés, et
alignés sur les montants alloués par
les autres pays africains à faible
revenu (1,1% du PIB)
Soutien à la mise en œuvre de la
stratégie et à son éventuelle mise
à jour
Mise à disposition d’un budget en
adéquation avec les besoins de
couverture identifiés
Mise à jour régulière
de la stratégie
nationale de
protection sociale
Mise à disposition
d’un budget en
adéquation avec les
besoins de couverture
identifiés
11
Actions de court terme (0-3 ans) Actions de moyen terme (3-6
ans)
Vision de long terme
Niveau
opérationnel
Expansion du programme de
travaux à haute intensité de main
d’œuvre exécuté par le FSRDC,
idéalement à échelle nationale.
Substitution du certificat
d’indigence par un mécanisme de
ciblage et d’octroi de bénéfices
rigoureux et partagé avec d’autres
programmes d’exonération des frais
Pilotage d’un programme de
transferts monétaires à initiative
gouvernementale
Début de structuration d’un
système national de filets sociaux
par l’utilisation d’outils communs
(enregistrement, ciblage, suivi,…)
couvrant plusieurs filets sociaux
(HIMO, transferts monétaires,
exemption de frais,…)
Expansion graduelle du
programme de transferts
monétaires sur la base de
l’expérience pilote
Pilotage d’un autre type de filet
social à initiative
gouvernementale
Expansion des
programmes les
mieux adaptés au
contexte national
Niveau
réglementaire
Révision de la stratégie de
protection sociale en vue d’une
stratégie nationale intégrée
Détermination du niveau de
couverture des filets sociaux
souhaitable dans le court, moyen et
long terme
Augmentation du budget des filets
sociaux en adéquation aux besoins
de couverture identifiés et en ligne
avec les montants alloués par les
autres pays africains à faible
revenus (1,1% du PIB)
Soutien à la mise en œuvre de la
stratégie et à son éventuelle mise
à jour
Mise à disposition d’un budget en
adéquation aux besoins de
couverture identifiés
Mise à jour régulière
de la stratégie
nationale de
protection sociale
Mise à disposition
d’un budget en
adéquation aux
besoins de couverture
identifiés
Niveau
institutionnel
Redynamisation du Groupe
thématique protection sociale
Mise en œuvre des
recommandations prioritaires de
l’audit organisationnel du MINAS
Poursuite de la réorganisation et
redynamisation du MINAS
Coordination et
collaboration pilotées
par le gouvernement,
et intégrant acteurs
nationaux et
internationaux tant
publics que privés
Niveau
analytique
Mise au point d’un système de
ciblage basé sur des critères de
pauvreté et de vulnérabilité objectifs
Étude pour établir un programme de
transferts monétaires
Études et analyses préalables à la
définition d’un ensemble de
programmes adaptables qui feront
partie du système national de
filets sociaux
Études et analyses nécessaires à
l’élaboration d’outils et de
mécanismes de coordination
communs
Évaluations d’impact des filets
sociaux pilotes pour en tirer des
conclusions en vue d’une
éventuelle expansion
Évaluations d’impact
des différents types
de programmes afin
d’améliorer leur
performance et
d’optimiser la
composition du
système national de
filets sociaux
12
Actions de court terme (1 à 3 ans)
34. L’objectif sur le court terme devrait être de renforcer le cadre politico-institutionnel
et d’étendre la portée d’au moins un filet social efficace et bien structuré, susceptible de
couvrir tout le territoire national, et poser ainsi les bases d’une évolution vers un système
national de filets sociaux sur le plus long terme. En même temps, il serait souhaitable de tester
la capacité du gouvernement à instituer et gérer un deuxième type de filet social, même de petite
envergure. Les actions à entreprendre pourraient être les suivantes:
a) Révision de la stratégie de protection sociale. La révision de la stratégie nationale de
protection sociale est une nécessité prioritaire, la clarification du rôle des filets sociaux
dans la politique du Gouvernement, et la définition des orientations stratégiques claires en
la matière étant primordiales. Ce processus devrait également aboutir d’une part à la
détermination du niveau de couverture des filets sociaux souhaitable dans les court, moyen
et long termes, et d’autre part à une augmentation du budget qui permettra de financer ces
programmes proportionnellement aux besoins de couverture répertoriés. Des démarches en
ce sens sont déjà en cours et devraient être poursuivies dans un esprit de collaboration
interministérielle, avec le soutien des partenaires au développement. Le processus de
révision devrait être assorti d’actions de renforcement des capacités des différents acteurs
gouvernementaux et tout particulièrement du MINAS, qui est mandaté pour l’organisation
des filets sociaux.
b) Renforcement de la coordination parmi les acteurs de la protection sociale et en
particulier les acteurs intervenant dans les activités de filets sociaux. La première
étape serait de redynamiser le Groupe thématique protection sociale, grâce à la tenue de
réunions régulières ayant des objectifs précis et pratiques. Les associations d’ONG
devraient également être impliquées dans les efforts de coordination. En ce qui concerne
l’appui extérieur, le regroupement des bailleurs dans un cadre officiel harmonisé est
essentiel à la création d’un système cohérent de filets sociaux. L’approche par clusters
pourrait servir de modèle pour l’établissement de mécanismes tels que la mise en commun
des financements, la supervision et le suivi conjoints des programmes. Elle permettrait
ainsi d’éviter des coûts de transaction excessifs pour l’État.
c) Consolidation du cadre institutionnel par l’exécution des recommandations
prioritaires de l’audit organisationnel du MINAS. L’audit, mené en 2013, préconise un
ensemble d’actions de court terme visant à améliorer la performance du MINAS. Ces
actions sont de nature organisationnelle (par exemple, fixer la répartition des tâches), et
opérationnelle (développer une base de données dynamiques relatives aux groupes
vulnérables et aux mesures les concernant implémentées par les différents intervenants).
Les réformes prescrites par l’audit permettraient au MINAS de jouer un rôle plus important
dans l’orientation et la coordination des activités relatives aux filets sociaux.
d) Substitution du certificat d’indigence en tant que mécanisme de ciblage et d’octroi
d’avantages sociaux par un mécanisme adapté aux besoins de la RDC. Le certificat
d’indigence est un mécanisme de ciblage et d’identification qui devrait faciliter l’accès des
plus vulnérables aux services sociaux de base, grâce à des exonérations de frais. Mais il ne
13
repose pas sur des critères d’éligibilité concis et présente des faiblesses importantes au
niveau de la gestion et du suivi. Un tel mécanisme devrait être remplacé par un outil de
ciblage et d’identification basé sur des critères objectifs de pauvreté et de vulnérabilité, qui
pourrait être généré à partir des données de l’Enquête 1-2-3 pour le ciblage géographique,
pour celui des ménages, et pour la conception des critères d’éligibilité. La mise au point de
ce dispositif de ciblage, et son adoption au sein de programmes gouvernementaux en
remplacement du certificat d’indigence, seraient une première étape vers l’élaboration d’un
système pouvant être ensuite généralisé aux autres filets sociaux et programmes
d’assistance principaux, et évoluer graduellement vers un système national de ciblage.
e) Expansion du programme de travaux à haute intensité de main d’œuvre. Outre qu’il
apporte des revenus immédiats aux personnes vulnérables, ce type de programme contribue
à la reconstruction des infrastructures du pays et, en injectant des sommes importantes
d’argent dans les zones défavorisées, dynamise leur économie. Plusieurs acteurs ont
accumulé une expérience considérable dans la mise en œuvre de travaux HIMO, y compris
le FSRDC qui exécute un tel programme dans l’est du pays. Vu les énormes besoins de la
RDC en termes d’infrastructures et de création d’emplois, et la présence d’au moins une
entité gouvernementale capable de gérer des travaux HIMO, le programme de travaux
publics dans l’est pourrait être élargi aux autres provinces du pays. En même temps, les
ministères chargés des infrastructures publiques (le ministère de l’Aménagement du
territoire, de l’urbanisme et de l’habitat et le ministère des Transports et des voies de
communication devraient inclure dans leurs politiques l’adoption systématique de
l’approche HIMO. Les outils développés pour ce programme (ciblage, identification,
registre, suivi/évaluation) permettraient de tester les éléments d’un système de protection
sociale autour d’un filet social de sécurité, éléments qui soient bien structurés, gérés par
l’État et susceptibles d’être ensuite portés à l’échelle au niveau de programmes nationaux.
f) Pilotage d’un projet de transferts monétaires basé sur les réalisations du domaine
humanitaire. Des projets de transferts en espèces qui ciblent les populations déplacées
existent déjà en RDC. À partir de l’expérience de ces projets, le Gouvernement, en
collaboration –le cas échéant– avec des ONG expérimentées, pourrait piloter un mécanisme
de transfert d’espèces destiné à soutenir les ménages en situation de pauvreté extrême
chronique. Ce programme devrait fournir des transferts réguliers et prévisibles aux
ménages ciblés pour les aider à faire face aux dépenses essentielles (alimentation, écolage,
soins de santé, par exemple). Une étude préalable permettrait de mieux définir la
configuration de ce programme et les synergies éventuelles avec d’autres interventions. Le
pilotage de ce type de filet social permettrait de déterminer si ce mécanisme est approprié
au contexte de la RDC en dehors du milieu humanitaire, et si le Gouvernement a la capacité
de bien le gérer.
Actions de moyen terme (3 à 6 ans)
35. L’objectif sur le moyen terme devrait être de poursuivre l’amélioration du cadre
politico-institutionnel, de porter à l’échelle un deuxième type de filet social à même
d’atteindre une couverture nationale sur le long terme, et de mettre au point les outils
14
nécessaires pour un système national de filets sociaux. Les actions à entreprendre pourraient
être les suivantes:
a. Poursuite de la réorganisation et redynamisation du MINAS au moyen de réformes
plus poussées. Ces réformes devraient comprendre:
o La restructuration et la modernisation de ses systèmes internes pour aboutir, entre
autres, à un contrôle et une comptabilité plus serrés du patrimoine ministériel, et à
une gestion plus efficace du personnel, notamment concernant les départs à la
retraite et les réaffectations. Aucune de ces réformes ne sera possible sans, d’une
part, des allocations budgétaires plus importantes et, d’autre part, une volonté
politique de réforme.
o Une meilleure réglementation des services d’assistance sociale, en commençant par
la formulation de normes et de standards spécifiques (ainsi qu’il a été entrepris
récemment en ce qui concerne la prise en charge des enfants en situation difficile),
dont le respect serait une condition de financement.
b. Portée à l’échelle du programme pilote de transferts monétaires. En fonction des
résultats des évaluations d’impact et de processus qui seront menées et qui permettront de
cerner la pertinence de ce programme, les transferts monétaires pourront être portés à
l’échelle au niveau national, en incorporant des restructurations éventuellement nécessaires.
Parallèlement, des études et analyses continueront d’être menées en vue de déterminer les
autres programmes qui pourraient faire partie d’un système national de filets sociaux et qui
s’ajouteront dans le plus long terme aux programmes déjà en vigueur.
c. Élaboration d’outils et de mécanismes de coordination communs. Un système national
de filets sociaux devrait disposer d’outils et de mécanismes de coordination utilisés par tous
les acteurs, afin d’assurer la cohérence et l’intégration de différents projets et programmes.
L’ensemble des outils à mettre en commun pourrait inclure: (a) les systèmes de ciblage,
qui, comme il a été indiqué plus haut, pourraient initialement être développés pour certains
projets; (b) des registres communs des bénéficiaires et une gestion rigoureuse des cas, afin
de soutenir les ménages les plus vulnérables en les reliant à plusieurs types d’assistance,
mais aussi pour éviter les double-emplois; (c) un suivi standardisé et intégré permettant de
recueillir et de consolider les données essentielles sur les multiples interventions
d’assistance sociale et de filets sociaux à l’œuvre dans le pays; (d) des évaluations
systématiques groupées, par exemple par type de filets sociaux, ce qui contribuerait à
enrichir les connaissances et permettrait de déterminer les meilleures pratiques en vue de
les reproduire.
36. En fonction des résultats des études et des analyses réalisées, de la performance des
différents filets sociaux mis en œuvre, et des besoins identifiés, la stratégie de protection sociale
et le budget affecté seront constamment mis à jour.
15
I. Introduction
A. Contexte et objectif de l’État des lieux
1. La majorité des citoyens de la RDC est extrêmement vulnérable. Sur l’indice de
développement humain de 2013, la RDC est classée avant-dernière (186ème
sur 187 pays).
L’accès aux services de base, notamment la santé et l’éducation, est réduit et ce, particulièrement
pour les couches les plus démunies, alors même que, selon l’Enquête 1-2-3 de 2012, 63,4% de la
population vit en dessous du seuil de pauvreté. Au cours de la dernière décennie, la pauvreté
ainsi que la violence, les violations des droits humains et les déplacements à grande échelle des
populations engendrés par le conflit, ont causé d’énormes souffrances parmi la population et une
détérioration du tissu socioéconomique, ce qui a fragilisé les filets sociaux traditionnels.
2. Bien que la population soit confrontée à de nombreux risques de différente nature, l’accès
aux programmes officiels de protection sociale demeure lui aussi très limité, ce qui écarte des
personnes extrêmement vulnérables une possibilité vitale d’améliorer leur situation. Certains de
ces risques se retrouvent partout en Afrique, mais nombre d’entre eux sont spécifiques à la RDC,
soit par leur nature, à l’exemple des éruptions volcaniques, soit par leur amplitude, comme la
violence basée sur le genre et les conflits inter-ethniques. La plupart du temps, le Gouvernement
ne dispose que d’une faible capacité pour gérer la magnitude de ces risques, de sorte que la
majorité des ménages est laissée à elle-même.
3. Plusieurs types de filets sociaux, mis en place soit en réponse à une crise ponctuelle, soit
sous forme de programmes à moyen terme, ont été expérimentés en RDC mais toutes ces
interventions se heurtent à de nombreuses difficultés. Au niveau stratégique, elles ne sont pas
conçues comme faisant partie d’un système global mais plutôt comme des programmes isolés ;
au niveau opérationnel, leur couverture demeure encore faible et leur mise en œuvre dépend
d’une myriade d’institutions qui utilisent des approches, des outils de gestion, des critères de
ciblage et des systèmes de suivi-évaluation différents.
4. L’information sur l’efficacité réelle de ce type d’interventions en RDC est passablement
clairsemée. Dans l’ensemble, celles-ci peuvent être regroupées en trois catégories: (a) les
programmes d’envergure nationale, principalement gérés par le Ministère des Affaires sociales,
de l’action humanitaire et de la solidarité nationale (MINAS), (b) les nombreux programmes de
portée plus réduite, mis en œuvre par des structures confessionnelles et des organisations non
gouvernementales, et (c) les interventions dans le contexte de l’assistance humanitaire dans les
zones de conflit. Il manque toutefois un cadre structuré pour toutes les interventions pouvant être
considérées comme une forme de filet social.
5. Le présent État des lieux des filets sociaux a pour objectif de présenter une revue
analytique la plus globale possible, comprenant :
a) un aperçu de l’état de vulnérabilité qui prévaut dans le pays et l’identification des
principaux groupes vulnérables, ceci en vue de présenter le contexte dans lequel les
filets sociaux sont conçus, justifiés et mis en œuvre (chapitre 2);
16
b) un examen des principales directives politiques qui définissent les stratégies globales
concernant les filets sociaux (chapitre 3);
c) un résumé du cadre institutionnel et juridique qui régit actuellement les filets sociaux
(chapitre 4);
d) une revue des principales interventions pouvant être considérées comme des filets
sociaux, et une analyse de leurs objectifs, portée, couverture, ciblage, efficacité et
sources de financement (chapitre 5);
e) un aperçu du financement actuel de ces interventions, assorti d’une estimation des
niveaux optimaux de financement (chapitre 6);
f) sur la base de ce qui précède, la formulation de recommandations pour l’avenir, pour
permettre d’améliorer la portée, la coordination et l’impact des filets sociaux en RDC,
et ainsi de jeter les bases d’un système national plus intégré (chapitre 7).
B. Définitions et concepts
La protection sociale
6. Les filets sociaux font partie des interventions de protection sociale. Il n'existe pas de
définition universellement reconnue de la protection sociale, mais plutôt un consensus sur ses
aspects fondamentaux :
«La protection sociale est un ensemble de politiques et programmes visant à
réduire la vulnérabilité aux risques, et à améliorer la capacité à répondre aux chocs
ou à faire face aux interruptions/pertes de revenus qui mettent les personnes dans
des situations de pauvreté et de précarité ».
7. Les objectifs généraux de la protection sociale sont de: (a) promouvoir l’inclusion et
l’accès aux services de base (santé, éducation, etc.) et à l’emploi; (b) atténuer l’impact des chocs
et des changements de situation sur le bien-être; et (c) assurer un niveau minimum de
consommation afin d'éviter les situations d'indigence.
8. La protection sociale se décline en un large éventail d'outils qui aident les ménages à
prévenir, réduire et faire face aux différents risques et chocs. En fonction du contexte national,
plusieurs outils peuvent être utilisés de manière concomitante. Les principaux outils de
protection sociale sont:
L'assurance sociale, qui comprend des programmes contributifs permettant de mieux
gérer le risque et la vulnérabilité en évitant que la vieillesse, la maladie, les accidents de
travail et maladies professionnelles, le chômage et l’absence de prestations familiales ne
fassent basculer les personnes dans la pauvreté. Les différents types d'assurance sociale
du secteur formel salarié sont: les systèmes de pensions de vieillesse; l’assurance contre
les accidents de travail et les maladies professionnelles, les pensions d’invalidité et de
survivants, les prestations familiales, et l'assurance maladie.
17
Les filets sociaux de sécurité (ou ‘filets sociaux’), constitués de programmes de
transferts non contributifs ciblant spécifiquement les pauvres et les personnes vulnérables
aux chocs. Ces interventions comprennent: les transferts monétaires; les transferts en
nature tels que les cantines scolaires, les suppléments nutritionnels, l'aide alimentaire; la
création d'emplois temporaires, grâce à la mise en place de travaux publics à haute
intensité de main-d'œuvre (HIMO); et les exonérations de frais, telles que la gratuité des
services de santé ou de scolarité.
Les politiques et programmes visant à promouvoir l'emploi et la productivité des
personnes vulnérables, qui ciblent particulièrement les jeunes et d’autres groupes
susceptibles d’être exclus du marché du travail, mais aussi à protéger de l’exploitation
certains groupes vulnérables, tels que les programmes d'élimination des pires formes de
travail des enfants.
Les programmes visant à faciliter l’accès des communautés pauvres aux services de
base, tels que les fonds sociaux, qui peuvent former une composante importante des
stratégies nationales de protection sociale, ciblant non pas les individus mais les
communautés les plus vulnérables.
9. La combinaison des programmes de protection sociale dépend du niveau de
développement, des ressources disponibles, du cadre institutionnel et des priorités politiques
d’un pays. L’assurance sociale et les filets sociaux représentent la partie la plus importante d’un
système de protection sociale, en termes de couverture et de financement. Etant donné qu’ils sont
contributifs, les régimes d’assurance sociale couvrent généralement le secteur formel alors que
les filets sociaux ont pour cible les couches les plus vulnérables.
10. La question de la protection sociale a suscité un intérêt croissant au cours des 20
dernières années, notamment en ce qui concerne les politiques sociales dans les pays en voie de
développement. En particulier, la crise financière, alimentaire et énergétique de 2008 a donné
une forte impulsion aux dialogues et débats sur la protection sociale et l’aide que celle-ci peut
apporter en cas de crise. Ainsi, la protection sociale est maintenant considérée par les décideurs
comme l’une des composantes clés des stratégies de réduction de la pauvreté en Afrique, et le
défi principal dans les prochaines années sera d’élaborer des stratégies et programmes nationaux
qui permettent à la protection sociale de jouer pleinement son rôle d’instrument privilégié pour la
gestion des risques et la réduction de la pauvreté.
Les filets sociaux
11. Dans le présent rapport, sont considérés comme filets sociaux les programmes de
transfert non contributifs1, conditionnels ou non, ciblant les pauvres ou les personnes
vulnérables. Ces programmes ont pour objectifs spécifiques de soutenir directement le niveau de
consommation des groupes pauvres et/ou vulnérables, de garantir leur accès aux services sociaux
essentiels afin de créer un nécessaire investissement dans le capital humain, d’apporter à ces
groupes un soutien temporaire en cas de crises ou de chocs et, plus globalement, de rompre le
cycle intergénérationnel de transmission de la pauvreté. Les filets sociaux sont généralement des
1 "Non contributif" s'entend ici comme n'exigeant pas que les bénéficiaires aient préalablement contribué, par exemple à travers
des cotisations, à un quelconque système de prévoyance.
18
programmes ciblés, contrairement aux services universels tels que la santé ou l’éducation, et sont
axés sur le «coté demande», c’est-à-dire qu’ils cherchent à soutenir directement les ménages (par
l’apport d’alimentation, de transferts monétaires, ou de formation), plutôt que sur le «côté offre»,
tels que les programmes visant à améliorer la qualité de l’école, ou la disponibilité des services.
Il existe cinq principaux types de filets sociaux:
Les transferts monétaires qui offrent aux bénéficiaires des ressources financières destinées
à leur permettre de maintenir un niveau minimum de consommation. Ils comprennent les
transferts monétaires conditionnels (TMC) et inconditionnels, les allocations au titre des
enfants du ménage, et d’autres soutiens aux revenus.
Les transferts en nature qui permettent aux bénéficiaires d’avoir accès à des vivres, à des
soins de santé, à l’éducation, au logement, aux ressources énergétiques, et à d’autres biens et
services de base. Les filets sociaux en nature comprennent les programmes alimentaires (tels
que l’aide alimentaire et les cantines scolaires) et l’offre d’autres appuis matériels.
Les exonérations de frais s’appliquent généralement aux services d’éducation et de santé, et
ont pour objet de faciliter l’accès à ces services essentiels à ceux qui en sont exclus en raison
de leur incapacité à payer.
Les programmes de travaux publics à haute intensité de main-d’œuvre, qui offrent des
opportunités d’emploi temporaire contre une aide alimentaire, ou contre un salaire en
espèces. Ils créent également des biens publics qui peuvent contribuer à améliorer le niveau
de vie des populations, par la construction de nouvelles infrastructures, ou la réhabilitation
d’infrastructures existantes.
L’assistance sociale, qui répond à une large gamme de besoins en offrant, par exemple, la
prise en charge des orphelins et enfants de la rue, un soutien aux personnes vivant avec un
handicap, et des services aux femmes en détresse. L’assistance sociale va généralement au-
delà de la satisfaction des besoins immédiats, et peut comprendre un soutien psychosocial,
des logements, des soins de santé et de l’enseignement.
12. Pour que les filets sociaux soient efficaces, ils doivent bien cibler les couches les plus
démunies, et particulièrement les ménages qui n’ont pas les moyens de participer aux systèmes
contributifs d’assurance sociale. Le niveau d’assistance devrait permettre aux bénéficiaires
d’atteindre et maintenir un niveau minimum de consommation, sans nécessairement suffire, à lui
seul, à sortir un ménage de la pauvreté. Trois autres caractéristiques importantes de filets sociaux
efficaces sont (a) de fournir un soutien prévisible sur lequel les ménages puissent compter, plutôt
qu’un simple appui ponctuel, (b) d’être facilement extensibles en cas de besoin, par exemple
pour faire face à une crise majeure et (c) d’être bien intégrés aux politiques sectorielles,
notamment les politiques d’éducation lorsqu’il s’agit des programmes qui accroissent la
demande pour ces services, tels que les transferts conditionnés à la scolarisation des enfants des
ménages bénéficiaires. Un système national de filets sociaux peut comporter de multiples
instruments, qui doivent être sous-tendus par une stratégie globale cohérente et intégrer des
mécanismes de coordination entre programmes.
13. L’impact des filets sociaux peut aller au-delà de la préservation immédiate du bien-être
des ménages en produisant une série d’effets positifs qui, sur le long terme, peuvent réduire les
19
inégalités et favoriser un modèle de croissance inclusive. Un volume croissant d’études attestent
que les filets sociaux peuvent produire une série d’effets positifs:
a) les ménages utilisent les transferts des filets sociaux pour consommer davantage de
produits alimentaires et des produits de meilleure qualité, mais aussi pour satisfaire
d’autres besoins élémentaires, ce qui a un effet immédiat et direct sur la pauvreté
chronique;
b) le soutien prévisible fourni par les filets sociaux et l’assurance sociale permet aux
ménages de faire face aux conséquences des chocs, ce qui leur évite le risque de
s’enfoncer dans la pauvreté ;
c) les filets sociaux permettent aux ménages d’améliorer leur productivité grâce à des
investissements dans le capital humain, l’acquisition ou la préservation d’actifs
productifs, et le développement d’activités entrepreneuriales, ce qui facilite leur sortie, à
terme, de la pauvreté;
d) les filets sociaux peuvent promouvoir la mise en route d’activités génératrices de
revenus et offrir de l’emploi temporaire et, ce faisant, doter les travailleurs impliqués
d’expérience et de compétences qui peuvent les aider à accéder à un emploi et à un
revenu plus permanents;
e) les filets sociaux peuvent contribuer au développement économique local à travers la
stimulation des marchés locaux, suite aux transferts monétaires obtenus et à
l’amélioration des routes et marchés réalisée par des travaux HIMO;
f) les filets sociaux peuvent promouvoir la stabilité sociale durant les crises et les réformes
économiques, et peuvent réduire les inégalités.
14. Les filets sociaux permettent de compléter et renforcer les autres politiques sectorielles
mises en œuvre par le Gouvernement. Si l’objectif principal des filets sociaux est de soutenir la
consommation des ménages pauvres, gérer les risques et réduire les effets négatifs des chocs
pour les ménages vulnérables, il ne faut pas sous-estimer le rôle que les filets sociaux peuvent
jouer au soutien des autres politiques sectorielles. En effet, si les politiques de santé et
d’éducation nationales améliorent, entre autre, l’offre des services sociaux de base, les filets
sociaux peuvent en soutenir la demande. A travers, par exemple, des transferts monétaires ou des
exemptions de frais, les filets sociaux peuvent promouvoir l’accès à la santé et l’éducation pour
les couches les plus démunies et renforcer ainsi l’impact des investissements sectoriels du
Gouvernement. De même, ces investissements (amélioration du système éducatif et sanitaire)
sont une condition préalable à tout programme de filet social qui vise le renforcement du capital
humain. Des synergies importantes peuvent exister également entre les politiques
d’infrastructures et urbanisation et les filets sociaux. Les programmes de travaux publics à haute
intensité de main d’œuvre peuvent en effet être intégrés et contribuer aux grands chantiers de
construction et réhabilitation d’infrastructures sociales ou routières. Vu les besoins très
importants dans ces secteurs, il est évident qu’une utilisation plus systémique de l’approche à
haute intensité de main d’œuvre serait bénéfique tant au secteur de la protection sociale qu’au
secteur des infrastructures et que les synergies entre les deux secteurs sont significatives.
20
C. Méthodologie de l’État des lieux
15. L’identification des programmes a été exécutée par l’équipe de la Banque mondiale en
concertation avec le MINAS, et les principaux partenaires internationaux et ONG dont la mission
est d’accompagner ce type de programmes. Étant donné le grand nombre de petites ONG offrant
divers services d’assistance sociale assimilables à des filets sociaux, un recensement complet de
leurs programmes et projets serait allé au-delà du champ de cet État des lieux. Qui plus est, un
examen de plusieurs interventions, considéré initialement dans le cadre de cet État des lieux, a
révélé qu’il s’agissait pour l’essentiel de programmes de développement rural intégré opérant
dans des milieux pauvres mais ne présentant pas vraiment les caractéristiques d’un filet social2.
Ces programmes n’ont donc pas été pris en compte ici. Par contre, quelques programmes
récemment achevés ont été inclus car ils fournissent des conclusions utiles pour l’avenir.
16. Plusieurs programmes étant à l’œuvre uniquement dans certaines zones, des visites de
terrain ont été organisées en vue de collecter des informations sur les expériences des filets
sociaux au niveau des provinces. Un échantillon de provinces a été choisi pour représenter la
diversité des situations dans un pays aussi vaste et varié que la RDC: Kinshasa et le Bas-Congo
comme exemple de provinces mieux loties, le Bandundu qui enregistre les niveaux les plus
élevés d’insécurité alimentaire chronique3 et le Nord et le Sud Kivu comme exemples de zones à
forte concentration d’ONG.
17. Les interventions d’assistance humanitaire dans les zones post-conflit présentent un grand
nombre de similarités avec les interventions classiques de filets sociaux, mais une complète des
programmes d’aide humanitaire sortait elle aussi du cadre de notre État des lieux. Néanmoins, il
était important d’étudier certains programmes dans l’est de la RDC qui apportent un soutien en
espèces ou en nature aux bénéficiaires, car ces interventions peuvent fournir des enseignements
importants sur les mécanismes et approches susceptibles d’être reproduits à grande échelle.
18. Des visites de terrain ont été effectuées à Kinshasa, au Bas Congo, à Kikwit dans le
Bandundu, au Nord-Kivu ainsi qu’au Sud Kivu afin de mieux comprendre les procédures
opérationnelles, les contraintes et les enseignements tirés des programmes dans ces provinces.
Les données sur les différents programmes ont été recueillies au cours d’entretiens directs avec
leurs gestionnaires et par le biais d’un questionnaire portant sur les objectifs, le cadre
institutionnel, les activités, les critères de ciblage, les bénéficiaires, les modalités opérationnelles,
le coût et le mécanisme de financement des activités et sur le suivi-évaluation des programmes.
Plusieurs programmes ont été en mesure de fournir une documentation complémentaire, y
compris les documents et les évaluations des projets, ce qui a apporté un éclairage de plus à la
présente revue. Une liste complète des agences visitées est présentée en annexe A; le tableau ci-
dessous ne contient que les programmes pour lesquels l’information est relativement complète.
2 Citons World Vision et quelques autres : Action pour la paix, l’éducation et le développement (APD), APIDE (Appui-conseils
aux projets et initiatives de développement endogène), UWAKI. PAM Achat pour le progrès « P4P ». 3 World Food Programme (2014), Analyse approfondie de la sécurité alimentaire et de la vulnérabilité (CFSVA) République
démocratique du Congo, p. 63.
21
Tableau 1: Cartographie des programmes et projets recensés par l’État des lieux Organisation Typologie des
programmes ou
projets
Niveau de collecte d’information
National Kinshasa Bas
Congo
Band-
undu
Nord
Kivu
Sud
Kivu
CARITAS Aide alimentaire
Autres transferts en
nature
HIMO
Autre assistance
sociale
X X X X X
Mercy Corps Transferts en monnaie
Aide alimentaire
Autres transfert en
nature
MINAS: Apprentissage
Professional
Autres assistance
sociale
X X X X X X
MINAS: Carte d’indigence Exonérations des frais X X X X X X
MINAS: Rattrapage scolaire Autres assistances
sociales
X X X X X X
MINAS: Alphabétisation Autres assistances
sociales
X X X X X X
MINAS: Appui aux ONG et
institutions sociales, aide et
secours
Autres assistances
sociales
X X X X X X
MINAS: Banque mondiale
Projet des Enfants dits de la
rue
Autres transferts en
nature
Autres assistances
sociales
X
Oxfam/DFID Transferts monétaires X
PAM: Cantines scolaires Aide alimentaire X X X
PAM: Autre assistance
alimentaire
Transferts monétaires
Aide alimentaire
Aide en nature
X X X
UNICEF/DFID/ARCC2 Transferts monétaires X X X
UNOPS HIMO X
USAID: Food for the
Hungry
Aide alimentaire X
Fonds Social de la
RDC/Banque mondiale
HIMO X
Katanga
Diverses ONG au niveau des provinces :
ADIJF Autre assistance
sociale
X
APED Autre assistance
sociale
HIMO
X
CADERCO Autre assistance
sociale
X
CASPOF Autre assistance
sociale
X
COJESKI Autre assistance
sociale
Église du Christ au Congo Autre assistance
sociale
X X
22
Diverses ONG au niveau des provinces
ELCOS Autre assistance
sociale
X
FSH Autre assistance
sociale, HIMO,
transferts en nature
X
GEAD Autre assistance
sociale, HIMO,
transferts en nature
X
LSC Autre assistance
sociale
X
MBAN HIMO X
23
II. Profil des risques et vulnérabilités
19. Pour être efficaces, les filets sociaux doivent être adaptés au profil des risques et des
populations vulnérables du pays. Une analyse des vulnérabilités permet non seulement de
déterminer le nombre des personnes devant être couvertes par les filets sociaux, mais également
les types de filets sociaux les mieux appropriés pour satisfaire les besoins de ces personnes. Par
exemple, alors qu’on peut fournir une assistance adéquate aux personnes rendues vulnérables par
des chocs ponctuels tels que les récessions économiques ou la sécheresse, à travers des
programmes d’emploi temporaires (travaux HIMO), les personnes vivant dans une pauvreté
chronique auront souvent besoin de soutien à long terme. Les groupes extrêmement vulnérables,
tels que les orphelins et les enfants de la rue, peuvent eux avoir besoin d’une prise en charge
complète.
20. Ce chapitre donne un profil-type de la population qui devrait être ciblée par les filets
sociaux en RDC. Il s’appuie sur les sources de données primaires existantes, notamment
l’Enquête démographique et de santé (EDS 2013-2014), le MICS 2010 et l’Enquête 1-2-3 de
2012. En outre, des informations complémentaires ont été tirées d’un certain nombre d’analyses
situationnelles concernant certains aspects de la protection sociale et/ou des populations
spécifiques4.
A. Pauvreté
21. La pauvreté livre les individus à une multitude de risques tels que la malnutrition, le non
développement du capital humain et la réduction de l’espérance de vie. Les filets sociaux sont
principalement destinés aux personnes vivant en-dessous du seuil de pauvreté.
22. Selon l’Enquête 1-2-3, en 2012 le taux de pauvreté à l’échelle nationale était de 63,4%,
soit une baisse de presque 8 points par rapport à 2005 (date de l’enquête précédente)5. Avec une
population estimée à 79 millions d’habitants, ce taux signifie que 50 millions de Congolais sont
pauvres ; la plupart d’entre eux (31,5 millions) vivent en milieu rural, où l’incidence de la
pauvreté est plus élevée (65,2% contre 60,4% en milieu urbain)6. Il existe une vaste disparité
dans l’incidence de la pauvreté entre les provinces : « seuls » 37 % de la population de Kinshasa
vivent en dessous du seuil de pauvreté alors que dans les deux Kasaï, le Bandundu et l’Équateur
l’incidence de la pauvreté dépasse les 70%. La province avec la plus haute incidence de
pauvreté, y compris de la pauvreté extrême, est le Kasaï Oriental (78,6%) de pauvres et 63%
d’extrêmement pauvres), suivie de l’Équateur (77,3%). Par ailleurs, les ménages pauvres ont
tendance à compter plus de membres (61,4% des familles élargies sont pauvres, contre 59,7% de
couples avec enfants et 12,2% seulement des personnes seules) et à avoir pour chef de famille,
une personne dont le niveau d’éducation ne dépasse pas le cycle primaire.
B. Insécurité alimentaire
4Par exemple: Overseas Development Institute: Child-sensitive social protection in DRC : A diagnostic study, mai 2011.
5 Pour une analyse beaucoup plus détaillée de la pauvreté et des conditions de vie des ménages, voir le rapport final global des
Résultats de l’enquête sur l’emploi, le secteur informel et sur la consommation des ménages/2012 produit sous l’égide du
Ministère du Plan en Septembre 2014. 6 Heureusement, c’est aussi dans les zones rurales que l’on a observé le plus d’amélioration en 7 ans, de 76 % en 2005 à 65 % en
2012.
24
23. Malgré les énormes potentiels agricoles du pays, la majorité de la population est
confrontée à une insécurité alimentaire. Une étude récente du PAM et de l’IFPRI sur l’insécurité
alimentaire et la vulnérabilité, estime que 54% des ménages ruraux (près de 28 millions de
personnes) traversent des périodes d’insécurité alimentaire7. De ces ménages, plus de 10%, soit
7,5 millions de personnes, vivent en situation d’insécurité alimentaire sévère8. La province ayant
le plus grand nombre de personnes touchées par l’insécurité alimentaire est l'Équateur, en raison
du taux relativement élevé de ménages ruraux connaissant une insécurité alimentaire (60%) et de
son importante population rurale (7,5 millions).
24. L’Enquête 1-2-3 indique que plus de la moitié des ménages urbains et les deux tiers des
ménages ruraux se soucient de ne pas avoir assez à manger, et que la moitié des ménages sur
l’ensemble du territoire national affirment avoir connu l’insécurité alimentaire au cours des 12
derniers mois. Comme cause de cette situation, les ménages urbains évoquent principalement le
manque de ressources financières; les ménages ruraux mentionnent en premier lieu les mauvaises
récoltes dues à une pluviométrie défavorable, puis le manque de ressources financières.
L’insécurité alimentaire se traduit par des taux élevés de malnutrition chez les enfants. Dans
l’ensemble, 43% des enfants souffrent de malnutrition chronique dont près de la moitié (23%)
sous une forme sévère. Les enfants des milieux ruraux sont nettement plus menacés de
malnutrition que ceux des zones urbaines: ils accusent un retard de croissance, conséquence de la
malnutrition chronique, plus fréquemment (47% contre 33%) et leur niveau de malnutrition
aiguë (émaciation) est plus élevé (9% contre 5%)9 .
C. Accès aux services de base
25. Comme compléments des politiques nationales d’éducation et de santé, les filets sociaux
peuvent jouer un rôle important pour la prestation de services de base, en en élargissant l’accès
aux populations qui en sont exclues. Au départ, cet accès est limité, d’une part, par la carence des
services et d’autre part, par le manque de moyens financiers des ménages pauvres. Il s’avère
qu’une partie substantielle du financement des services de santé et éducation repose sur les
redevances payées par les usagers; ainsi, même si l’enseignement primaire est obligatoire et sa
gratuité garantie par la Constitution, les écoles perçoivent des frais officiels et non officiels. Les
transferts monétaires, les revenus temporaires issus des travaux HIMO, et les programmes
d’exonération de frais peuvent mettre les ménages vulnérables à même de scolariser leurs enfants
et de se soigner, entre autres. Qui plus est, certains services de santé et d’éducation sont inclus
parmi les prestations d’assistance sociale.
26. L’état des infrastructures physiques constitue une autre entrave considérable à l’accès aux
services de base. Des décennies de guerre et d’absence d’entretien ont laissé un système de
7 Analyse approfondie de la sécurité alimentaire et de la vulnérabilité (CFSVA), janvier 2014, PAM/IFPRI. 8 La sécurité alimentaire des ménages est classée selon une combinaison de trois indicateurs : (i) le score de consommation
alimentaire (SCA), qui divise les ménages en trois groupes: consommation alimentaire pauvre, limite et acceptable, (ii) l'indice de
richesse, qui est basé sur la possession des avoirs et les conditions de logement, (iii) l'indice des stratégies de survie (CSI), qui est
un indicateur de la sévérité des réactions comportementales régulières des ménages face à la pénurie alimentaire. Les ménages en
insécurité alimentaire sévère sont i) les ménages ayant une consommation alimentaire pauvre et ii) les ménages ayant une
consommation alimentaire limite mais en même temps classés parmi les ménages les plus pauvres par rapport à l’indice de
richesse et parmi la catégorie de ménages qui ont un indice de stratégie de survie le plus élevé (rapport CFSVA, PAM/IFPRI,
janvier 2014). 9 Enquête de démographie et de santé 2013-2014.
25
transport où seuls 2000 km de routes sont revêtues, dans un pays de plus de 2 millions de km2, et
où le réseau des pistes rurales est gravement endommagé. Par conséquent, la majorité des
villages et hameaux sont difficilement accessibles par véhicules motorisés, ce qui accroît la
vulnérabilité en rendant l’accès aux services plus pénible, et en limitant les opportunités de
commercialisation des produits agricoles. L’Enquête 1-2-3 estime que «les infrastructures
scolaires pourraient être qualifiées de rares tant qu’elles sont situées à plus de 10 km pour plus de
80% des ménages congolais».
27. Dans le secteur de l’éducation, les indicateurs sont insatisfaisants: seuls 75% des enfants
d’âge scolaire au primaire fréquentent l’école, soit plus de 7 millions d’enfants non scolarisés. La
situation est nettement plus préoccupante pour le secondaire, où moins d’un tiers des enfants
scolarisables (32%) vont à l’école. Le faible taux de fréquentation scolaire découle en partie du
niveau élevé de pauvreté, car les frais scolaires et d’autres frais connexes sont souvent la cause
du retrait prématuré des enfants de l’école: 40% des élèves quittent l’école parce que les
ménages ne peuvent pas supporter les coûts qui y sont associés10
.
28. Les filles ont un niveau de scolarisation inférieur à celui des garçons. L’indice de parité
filles-garçons à l’école primaire est de 0,93 mais il régresse à 0,81 au niveau secondaire, ce qui
indique une déperdition lors du passage au secondaire plus importante chez les filles11
. Ces
faibles taux d’instruction se reflètent dans les proportions globales d’alphabétisation. À l’échelle
nationale, seules 51% des jeunes femmes âgées de 15 à 24 ans savent lire et écrire, un chiffre qui
diminue à 28% pour les femmes appartenant au quintile le plus pauvre. Les femmes sans aucune
instruction sont moins susceptibles d’entrer sur le marché du travail formel, et plus susceptibles
de se marier à un âge précoce et d’avoir plus d’enfants.
29. Les indicateurs de santé affichent un certain progrès au cours des années récentes. On
estime que 88% des femmes ont consulté un professionnel de la santé au cours de leur dernière
grossesse, contre 80 % en 200712
. Toutefois, l’utilisation des méthodes contraceptives par les
femmes en couple demeure faible13
, et le taux de natalité chez les adolescentes reste élevé, à 135
naissances pour 1000 femmes âgées de 15 à 19 ans14
.
30. Les résultats de l’EDS mettent en évidence une tendance à l’amélioration de la
couverture vaccinale des enfants au cours de la période 2007-14, qui passe de 31% à 45% pour
tous les antigènes, de 72% à 83% pour le BCG, de 46% à 66% pour la troisième dose de polio et,
enfin, de 63% à 72% pour le vaccin contre la rougeole. Néanmoins, un très grand nombre
d’enfants demeurent sans protection de base.
31. Depuis 2007, la mortalité infantile15
aurait diminué régulièrement, passant de 97‰ à
58‰. Globalement, le risque de mortalité infanto-juvénile, c'est-à-dire le risque de décès avant
10 UNICEF (2008), « Pauvreté des enfants et disparités en République démocratique du Congo. Rapport final », Kinshasa 11 MICS 2010 12 EDS 2011-2012 13 EDS 2011-2102 14 MICS 2010 15 Risque de décès avant l’âge de 12 mois sur 1000 naissances vivantes.
26
l'âge de cinq ans, est de 104‰. En d'autres termes, près d’un enfant sur dix meurt avant
d'atteindre l'âge de cinq ans. Les infections respiratoires aiguës (IRA), la fièvre, et la
déshydratation induite par des diarrhées sévères sont les principales causes de décès des enfants.
Parmi les enfants qui ont eu soit une IRA, soit une fièvre au cours des deux semaines avant
l’enquête EDS, un traitement médical auprès d’un professionnel de santé a été sollicité pour
42 % et 40 % d’entre eux, respectivement.
32. Pour ce qui concerne l’accès à l’eau potable, un peu moins de la moitié de la population
(49%) se sert d’une source d’eau améliorée, ce qui expose des millions de personnes au risque de
maladies hydriques. La différence entre milieu urbain et rural est frappante: 31 % des membres
des ménages des milieux ruraux utilisent une source d’eau améliorée, alors que la part
correspondante pour les milieux urbains est de 83%.16
Les services d’assainissement sont encore
plus limités, et leur carence cause une grande insalubrité du cadre de vie et accroît le risque de
maladies.
D. Emploi et moyens de subsistance
33. La RDC offre peu d’emplois formels à sa population, alors que la base économique d’un
ménage peut être le facteur principal de sa vulnérabilité. En 2011, le Ministère du Plan a estimé
un taux d’emploi informel de 90,6%, et des taux d’emploi formel de 10% seulement, dont les
deux tiers dans le secteur public. Le secteur informel est caractérisé par le sous-emploi, l’absence
de capital et les revenus précaires.
34. La majorité des Congolais travaillent dans l’agriculture (71,2%), un quart dans le
commerce (24,4%) et moins de 5% dans l’industrie. L’agriculture représente 43% du produit
intérieur brut de la RDC, emploie 62% de sa population masculine et 84% de sa population
féminine. Ainsi que l’a indiqué le DSCRP-2, après un long déclin de la production dans ce
secteur, aggravé par les conflits récents et l’abandon des exploitations agricoles, la productivité
agricole a chuté de 60% entre 1960 et 2006. La grande majorité des exploitations agricoles sont
de petite dimension, tournées vers l’autosubsistance et tributaires de la pluviométrie.
35. Selon l’Enquête 1-2-3, les revenus des femmes sont sensiblement inférieurs à ceux des
hommes (moins de la moitié), et ceux des travailleurs ruraux sont sensiblement inférieurs à ceux
des travailleurs urbains (moins d’un tiers). Il existe également une grande disparité entre les
districts : ainsi à Sankuru, le revenu mensuel médian est de 10 000 FC, et à Kinshasa, le revenu
mensuel médian est sept fois plus élevé (72 000 FC). Pour ce qui est des salaires, un décret de
2002 avait fixé à 335 FC par jour le salaire minimum, et prévoyait une majoration de 3% par an.
En actualisant ce salaire minimum (2098 FC par jour), on constate que dans les zones rurales
88% de la population touche moins que le salaire minimum, et 66% touchent moins que ce
salaire ; dans les centres urbains (à l’exclusion de Kinshasa), 40% de la population gagne moins
que le salaire minimum.
36. Le pays fait également face au lourd enjeu d’employer ses jeunes. Les personnes les plus
vulnérables sont les jeunes âgés de 15 à 24 ans vivant dans les villes et grandes agglomérations.
Un grand nombre de jeunes manquent de formation et de compétences, en raison des déficiences 16 MICS 2010.
27
des services éducatifs. De plus, étant donné le faible taux de départ à la retraite chez les
employés du secteur public, il existe peu d’ouvertures d’emploi dans le secteur public.
E. Profil des chocs
37. La vulnérabilité est en partie fonction de la fréquence et de la gravité des chocs que
connaissent les ménages et les communautés. Selon la dernière enquête nationale auprès des
ménages, la maladie est la cause principale des chocs au niveau individuel, et celle-ci est plus
présente dans les milieux ruraux et pour les couches les plus pauvres (tableau 2). En revanche la
perte d’emploi est peu fréquente, étant donné que peu de ménages ont un emploi formel, surtout
parmi les pauvres et en milieu rural.
Tableau 2: Profil des chocs subis par les individus (pourcentage)
Type de choc Milieu de résidence Sexe du chef de ménage Niveau de revenu*
Urbain Rural Masculin Féminin Très
pauvre
Très
aisé
Maladie grave dans le ménage 22 32 27 26 31 18
Décès dans le ménage 7 12 9 9 11 7
Perte d'emploi dans le ménage 3 1 2 2 1 3 *Le niveau de revenu est mesuré en quintiles (très pauvre=les 20% plus pauvres). Source : Enquête 1-2-3.
38. L’Enquête 1-2-3 a également identifié les chocs que connaissent les ménages congolais
au niveau de la communauté (tableau 2): les épidémies et les invasions d’insectes sont citées
comme les chocs les plus graves et les plus fréquents ; le conflit armé et le déplacement interne
touchent un pourcentage relativement faible de la population, bien que leur impact soit d’une
énorme gravité.
Tableau 3: Profil des chocs communautaires subis par les communautés (pourcentage)
Types de choc Oui, modéré Oui, grave Non
Inondation 23 9 68
Sécheresse 34 10 56
Érosion 30 11 59
Incendie 16 6 78
Insectes 35 28 37
Épidémie 38 20 42
Conflit 21 8 70
Famine 34 13 52
Réfugiés 14 4 81
Autre choc 11 6 63
Source : Enquête 1-2-3.
F. Vulnérabilité au conflit et à la violence
39. Au cours des trois dernières décennies, les provinces de l’Est de la RDC ont été victimes
d’un mélange complexe de facteurs graves, tels qu’une gouvernance déficiente, une pauvreté
généralisée, une mauvaise gestion des ressources naturelles, des litiges fonciers, et l’exploitation
28
des divergences ethniques à des fins politiques et économiques par des groupes armés congolais
et étrangers. L’instabilité ainsi générée s’est fréquemment transformée en conflits violents, et
l’impact cumulatif de ces différents facteurs a été catastrophique. Depuis 1998, on estime en
effet que plus de 5,4 millions de personnes sont mortes de causes liées au conflit, et que des
milliers d’autres ont été plongées dans une vulnérabilité extrême en raison de leur délocalisation,
de la dépossession de leurs biens, de la rupture des liens communaux et sociaux, et de la perte de
leurs moyens de subsistance. Les situations de conflit livrent tous ceux qui vivent dans ces zones
à une multitude de risques. En décembre 2014, la RDC comptait quelques 2 700 000 de
personnes déplacées, un chiffre qui n’a cessé d’augmenter pendant les derniers 10 années, mais
qui masque aussi le volume réel des déplacements, car plusieurs ménages ont dû se déplacer à
multiples reprises en réponse à la volatilité de la situation sécuritaire.
40. Les femmes congolaises, et les filles en particulier, font les frais de cette crise. La
violence basée sur le genre est endémique sur tout le territoire national, mais elle atteint des
niveaux particulièrement alarmants dans les zones de conflit à cause de sa dimension sexuelle et
de son utilisation comme arme de guerre, et contribue ainsi à déclencher des vagues de
déplacement. Les victimes des violences sexuelles ont besoin au minimum d’un soutien psycho-
social et de services de santé (physique et mentale), et dans certaines situations, une prise en
charge globale, incluant leurs enfants, peut s’avérer nécessaire.
G. Autres groupes vulnérables spécifiques
41. Les enfants à risque constituent un groupe vulnérable critique en RDC, notamment les
orphelins, les enfants de la rue, les enfants engagés dans les de pires formes de travail17
et ceux
qui ont abandonné l’école. Le Plan d’Action National 2010-2014 en faveur des Orphelins et
autres Enfants Vulnérables (PAN OEV) indique que globalement, un enfant congolais sur quatre
est considéré comme vulnérable, ce qui représente plus de 8 millions d’enfants, et 15% des
ménages comportent des orphelins ou d’autres enfants vulnérables18
. La proportion d’OEV dans
la population totale des enfants varie selon les provinces, mais quatre provinces semblent avoir
un pourcentage particulièrement élevé d’OEV: il s’agit, par ordre d’importance, du Sud Kivu
(41% des enfants, soit plus d’un million), du Maniema, du Kasaï Occidental et de la Province
Orientale.
42. Les orphelins sont moins susceptibles de fréquenter l’école que les autres enfants. Ainsi,
le taux de scolarisation chez les enfants âgés de 10 à 14 ans qui ont perdu leurs deux parents est
de 63%, alors que chez les enfants du même âge, dont les parents sont vivants, et qui vivent avec
au moins un parent, le taux correspondant est de 85%. Au Nord Kivu, ce chiffre est de 30% pour
les orphelins, et de 81% pour les non orphelins19
.
17 Les pires formes de travail des enfants sont définies par l’article 3 de la convention nº 182 de l’OIT. Elles désignent tout
travail qui met en danger le développement physique, mental ou le bien-être moral de l'enfant, soit par sa nature soit par les
conditions dans lesquelles il est effectué. 18 Un OEV est défini comme « un enfant ayant perdu son père, sa mère ou ses deux parents ; ou vivant en dehors du cadre
familial ; avec un tuteur malade chronique ou infecté par le VIH/SIDA ; ainsi qu’un enfant malade chronique et /ou infecté par le
VIH/SIDA » 19 MICS 2010
29
43. La RDC compte près de 40 000 enfants de la rue, y compris près de 20 000 à Kinshasa, et
de ce total, près du quart est composé de filles. Les enfants de la rue sont exposés à la violence et
ont tendance à vivre en marge de la société et à adopter des comportements antisociaux,
notamment la toxicomanie, le vandalisme et la sexualité à risque. Les indicateurs de santé et
d’éducation relatifs aux enfants de la rue sont les plus défavorables. Par ailleurs, ces enfants sont
plus susceptibles d’être recrutés par des gangs urbains ou des milices. Au-delà du coût humain,
cette situation peut aggraver les problèmes d’insécurité et d’instabilité dans les zones urbaines.
44. En outre, 42% des enfants âgés de 5 à 14 ans travaillent, ce qui n’est pas nécessairement
un mal en soi mais peut avoir des effets nuisibles au développement de l’enfant, notamment en
entraînant souvent la déscolarisation ou l’abandon précoce de l’école. Les enfants des milieux
ruraux sont plus susceptibles de travailler que les enfants de milieu urbain: 46% contre 34% dans
les zones urbaines; le taux de travail infantile le plus faible se retrouve à Kinshasa (28%) alors
que le plus élevé (53%) se retrouve au Bas Congo20
.Notons toutefois que ces chiffres ne donnent
qu’une idée approximative de l’étendue du problème du travail des enfants en RDC; une
évaluation plus précise des niveaux et des tendances dans le temps nécessiterait des enquêtes à
l’échelle nationale.
45. Les femmes et les filles courent des risques spécifiques qui les rendent plus vulnérables
que les hommes et garçons:
Quoique les ménages dont le chef est un homme soient plus susceptibles de vivre en
dessous du seuil de pauvreté,21
les revenus des femmes sont nettement inférieurs à ceux
des hommes, car celles-ci se heurtent à d’importants obstacles à l’emploi dans le secteur
formel22
; elles sont donc concentrées dans l’agriculture et le secteur informel, où les
revenus sont moindres.
Les taux de mortalité maternelle ont sensiblement reculé passant de de 870 pour 100 000
en 1995, à 540 pour 100 000 en 2010. Toutefois, ils restent élevés, et l’accès aux services
de santé sexuelle et reproductifs demeure largement insuffisant.
Ainsi qu’il est mentionné plus haut, la violence à l’égard des femmes et des filles est
omniprésente et sévit également en dehors des zones touchées par le conflit: 71% des
femmes congolaises subissent des violences aux mains de leur mari au cours de leur vie,
qu’il s’agisse d’abus physiques, psychologiques ou sexuels23
.
Les filles sont exposées au risque de mariage précoce: la moitié des femmes âgées de 20
à 49 se sont mariées avant l’âge de 18 ans, excepté celles qui appartiennent aux tranches
plus aisées de la population24
.
20
MICS 2010. 21 Enquête 1-2-3, 2012. 22 Shapiro et al. (2011) Genre, éducation et marché du travail à Kinshasa. 23 Lyndsay McLean Hilker et Karen Barnes Robinson. « Femmes et filles en République démocratique du Congo : Évaluation
rapide de la situation nationale » Ministère du Développement international, Gouvernement du Royaume Uni. 24 MICS 2010.
30
46. Les personnes vivant avec handicap sont elles aussi en situation de plus grande
vulnérabilité. Selon les estimations, 11% des Congolais vivent avec un handicap, soit 7,3
millions de personnes25
. Plus de la moitié de ces handicaps sont causés par la maladie, et plus de
40% par le conflit armé. En général, les personnes handicapées connaissent des difficultés plus
importantes sur le plan de la santé et de l’éducation. Les femmes vivant avec un handicap ont
moins de chance de se marier, ce qui les rend généralement plus vulnérables. Près de trois quarts
des enfants handicapés souffrent de malnutrition. Globalement, les services disponibles ne
suffisent pas à aider les personnes handicapées en leur fournissent notamment des appareils
physiques ou de la formation professionnelle.
H. Implications pour le dimensionnement d’un système de filets sociaux en RDC
47. Ce profil synthétique de la pauvreté et de la vulnérabilité permet un meilleur
dimensionnement des filets sociaux en RDC. La majorité des filets sociaux en usage dans le
monde utilisent la pauvreté comme critère de ciblage, mais, étant donné qu’en RDC la pauvreté
touche les deux tiers de la population, les filets sociaux devront aller au-delà de de ce critère. Le
nombre de personnes en situation d’extrême pauvreté, c’est-à-dire qui ne peuvent pas se procurer
le panier alimentaire de base, pourrait être utilisé comme critère principal de ciblage, car il s’agit
de personnes qui ont besoin d’assistance pour satisfaire leurs besoins caloriques minima.
Malheureusement, une estimation récente de ce nombre n’est pas disponible.
48. Quel que soit le critère de pauvreté ou le groupe vulnérable considéré, il est évident qu’un
(ou plusieurs) programme à grande échelle serait nécessaire pour obtenir un impact significatif
sur le bien-être des ménages et individus les plus vulnérables. Le tableau 4 ci-dessous récapitule
les dimensions des principaux groupes vulnérables en RDC.
Tableau 4: Estimation de la taille des populations cibles de filets sociaux potentiels
Population cible Estimation de la taille
En-dessous du seuil de pauvreté 50 millions
En-dessous du seuil d’extrême pauvreté 36 millions
Insécurité alimentaire en milieu rural 28 millions
Enfants non scolarisés 7 millions
OEV 8,2 millions
Femmes non-alphabétisées 15-24 ans 4 millions
Personnes déplacées 2,7 millions
Personnes vivant avec handicap 8,7 millions
49. La couverture offerte par la protection sociale formelle est très loin de satisfaire ce niveau
de besoin. Selon le DCSRP-2, quelques 9% des OEV reçoivent un soutien extérieur, 15% des
enfants issus des familles éclatées sont pris en charge ou suivis par les institutions, 86 000
personnes perçoivent des allocations de sécurité sociale, et 42 000 retraités et bénéficiaires
d’assistance sociale sont soutenus.
25 Tel que cité dans FENAPHACO.
31
50. Étant donné la carence des programmes formels de protection sociale, la plupart des
personnes vulnérables ont recours à des filets sociaux informels, soit spécialement à l’assistance
de la famille, d’amis, ou d’organisations locales telles que les églises ou les associations
villageoises. Mais ces arrangements de type informel comportent plusieurs désavantages et ne
fournissent pas une protection suffisante. Dans le cadre de l’Enquête 1-2-3, les ménages ont été
invités à indiquer leurs sources de soutien dans les cas de besoin. Le tableau 5 confirme que la
famille et les amis sont les sources d’aide les plus fréquemment citées quel que soit le niveau de
revenus du ménage, mais il est intéressant de constater qu’un tiers des personnes pauvres
interrogées ne semblent pas recevoir de l’aide de ces sources. Les ONG assistent environ 14%
des ménages seulement, et leur aide ne semble pas être concentrée sur ceux qui en ont le plus
besoin.
Tableau 5: Sources d’aide dans les moments difficiles, par quintile de revenu (pourcentage)
Source d’aide Très pauvre Pauvre Moyen Aisé Très aisé
Famille 63 64 65 69 72
Amis 59 58 60 62 68
Association 51 48 47 47 43
Voisin 47 43 43 42 38
ONG 15 13 14 14 13
Autre 10 9 9 9 10 Source : Enquête 1-2-3.
51. Au sein des communautés et des ménages pauvres, les ressources sont généralement
insuffisantes pour constituer une aide en cas de crise, surtout lorsque plusieurs ménages sont
touchés en même temps. En fait, lorsque les chocs sont covariants, c’est-à-dire qu’ils affectent
une grande partie de la population ou de la communauté, comme c’est le cas des sécheresses, des
inondations, des conflits ou des récessions économiques, les parents ou voisins peuvent
difficilement s’entraider puisque chacun se trouve dans le besoin. En outre, certaines catégories
d’individus n’ont tout simplement pas de structures sur lesquelles s’appuyer ; c’est le cas par
exemple des enfants qui ont été chassés de chez eux. Ainsi, du fait du niveau de pauvreté et de
vulnérabilité en RDC, les filets sociaux informels ne suffisent pas à eux seuls à protéger les plus
démunis.
52. Dans le cadre global de la protection sociale, les filets sociaux devraient jouer un rôle
prioritaire au niveau des politiques et des dépenses de l’État, en raison du profil de la pauvreté et
de la vulnérabilité brossé ci-dessus. La figure 1 qui suit indique que seule une petite tranche de la
population bénéficierait des prestations de la sécurité sociale et d’autres programmes
contributifs. L’ensemble des efforts pour améliorer la protection sociale en RDC devrait donc
être orienté vers le développement de filets sociaux efficaces.
32
Figure 1: Carte des interventions de protection sociale en fonction de la pauvreté et des
niveaux de vulnérabilité (% de population)
53. En termes de types de filets sociaux qui correspondent au profil général, plusieurs
interventions pourraient être en adéquation avec les besoins du pays :
a) étant donné le faible niveau d’infrastructures et le mauvais état des routes, facteurs de
l’enclavement des communautés rurales de frein à la croissance économique, les filets
sociaux qui créent des infrastructures productives, tels que les travaux HIMO, peuvent
apporter des avantages dépassant les effets de protection des ménages ;
b) si l’on tient compte des niveaux élevés d’insécurité alimentaire, il apparaît que les
programmes de transferts monétaires ou de soutien alimentaire en nature pourraient
contribuer substantiellement à la lutte contre cette vulnérabilité basique ;
c) les frais à encourir constituant l’obstacle principal à l’accès aux services de santé et
d’éducation, les programmes ciblés d’exonération des frais, ainsi que les programmes de
transferts monétaires, peuvent aider à lever ces contraintes 26
;
d) le conflit touche une portion relativement faible de la population en RDC. Mais les
personnes déplacées et autrement affectées ont généralement besoin d’un niveau
important de soutien, car elles sont le plus souvent traumatisées, et ont été forcées de
quitter leur maison en abandonnant tous leurs biens. Ici, l’assistance doit inclure une prise
en charge quasi totale, tant matérielle que psychologique, mais elle doit surtout
déboucher sur la restauration de leur capacité de production et d’autosuffisance.
26 Des mesures dans ce sens devraient être accompagnées par des améliorations de la qualité et la quantité de l’offre des services
de santé et d’éducation.
15.0%
42.0%
16.0%
27.0%
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
Non-pauvre
Pauvre
Extreme pauvre
Vulnerables critiques (OEV,deplaces)
Population-cible des programmes contributifs d'assurance sociale
Population-cible des programmes de filets sociaux, avec expansion aux groupes vulnérables non pauvres en cas de choc. Population-cible des interventions
intensives (récupération nutritionnelle, réinstallations, centres d'accueil , etc.)
33
III. Cadre politique des filets sociaux
A. Les filets sociaux dans le contexte d’une stratégie de réduction de la pauvreté
54. Le Document de la stratégie de croissance et de réduction de la pauvreté (DSCRP-2)
2011-2015 représente la deuxième stratégie nationale de réduction de la pauvreté. Il définit
l’orientation générale des politiques du Gouvernement visant à réduire la pauvreté. Le document
met l’accent sur les besoins immédiats de la RDC post-conflit, et sur le défi à long terme d’un
développement à la hauteur du potentiel du pays. En particulier, la stratégie cherche à améliorer
le cadre global de gouvernance, et à atteindre les objectifs des OMD à l’horizon 2020.
55. Le DSCRP est basé sur quatre axes:
a) renforcement de la gouvernance et consolidation de la paix;
b) diversification de l’économie en vue d’une accélération de la croissance et de la création
d’emplois;
c) amélioration de l’accès aux services sociaux de base, ainsi que du capital humain ; et
d) protection de l’environnement et mesures visant à réduire l’impact du changement
climatique.
56. Le DSCRP reconnaît que la guerre en RDC et la baisse subséquente des revenus ont eu
un effet désastreux sur le bien-être des ménages. La stratégie identifie les groupes les plus
vulnérables comme suit: (i) les enfants en situation difficile (y compris les enfants de la rue et
ceux accusés de sorcellerie), (ii) les femmes en situation difficile (mères adolescentes, jeunes
femmes chefs de famille, femmes victimes de violence sexuelle), (iii) les personnes vivant avec
le VIH/SIDA, (iv) les personnes vivant avec handicap, (v) les personnes du troisième âge sans
soutien, et (vi) les personnes déplacées (en raison du conflit ou des catastrophes naturelles).
57. La stratégie considère la protection sociale comme une partie intégrante des services
sociaux de base et du développement du capital humain, et comme un moyen important
d’éradiquer la pauvreté extrême. Elle constate que les mauvais indicateurs de santé et
d’éducation, l’inégalité des revenus, et la gravité de l’insécurité alimentaire nécessiteront un
effort concerté à long terme de la part de l’État. Elle relève également que les ménages pauvres
se heurtent à de sérieux obstacles pour accéder aux services sociaux de base, alors même que la
proportion des personnes bénéficiant d’une forme quelconque d’assistance sociale est faible et
que les ressources disponibles sont infimes, face à des besoins énormes.
58. Les priorités du gouvernement dans ce domaine d’ici 2015 sont : (i) l’amélioration des
soins et des prestations sociales au profit des personnes vulnérables; (ii) la sensibilisation et le
renforcement de capacités des communautés à travers les communautés protégées pour la gestion
et le suivi des situations de vulnérabilité; (iii) le renforcement de capacités institutionnelles, y
compris en matière de coordination et de suivi-évaluation du système d’assistance sociale; (iv) la
mise en place du socle de protection sociale; (v) l’application de la loi portant protection de
34
l’enfant; et (vi) la conception et la mise en œuvre de programmes ciblés en faveur des groupes
plus vulnérables, tels que celui de transferts sociaux. Par ailleurs, le DSCRP appelle au
développement d’un cadre politique et réglementaire plus précis pour lutter contre la
vulnérabilité, notamment la Politique nationale de protection sociale, un nouveau Code de
sécurité sociale, une loi sur les compagnies d’assurance sociale, et un Plan d’action national pour
la lutte contre les pires formes de travail de l’enfant.
59. Les filets sociaux ne sont pas expressément mentionnés, hors de la nécessité de
programmes qui répondent aux besoins immédiats des groupes vulnérables. Le DSCRP ne fixe
pas de cibles ou d’objectifs de protection sociale et n’aborde pas les questions d’approches ou de
choix optimal de programmes. Bien que l’amélioration de la coopération avec les ONG et la
définition de politiques de protection sociale plus exhaustives soient des composantes cruciales
pour réduire la vulnérabilité, les initiatives plus concrètes identifiées dans le plan prioritaire pour
les actions du Gouvernement se focalisent sur les réformes de la sécurité sociale (contributive)
qui n’intéressent qu’une petite minorité des Congolais, plutôt que sur les filets sociaux (non
contributifs), dont bénéficierait une tranche bien plus large de la population.
B. Les filets sociaux dans le contexte d’une stratégie de protection sociale
60. Dans l’idéal, une stratégie nationale de protection sociale devrait fournir le cadre général
des besoins en protection sociale dans le pays, et déterminer l’éventail des programmes et le
cadre institutionnel appropriés pour atteindre les objectifs de couverture et l’impact visés. Mais
l’absence d’une définition universellement acceptée de la notion de «protection sociale», et les
différentes interprétations des mandats et responsabilités qui en découlent, nuisent à la cohérence
des politiques et approches au niveau national, ainsi qu’à la collaboration entre institutions.
61. Ainsi, la RDC dispose de deux stratégies de protection sociale formulées par deux
ministères différents: la stratégie du ministère de l’Emploi, du travail et de la prévoyance sociale
porte principalement les services contributifs qui sont la responsabilité de ce ministère, alors que
celle élaborée par le MINAS se focalise sur les services non contributifs (et donc les filets
sociaux). Cette dernière, intitulée Stratégie nationale de protection sociale des groupes
vulnérables et préparée en 2004 mais validée par le Gouvernement en 2008 seulement, concerne
les groupes les plus vulnérables, notamment: les enfants et les femmes en situation difficile, les
personnes vivant avec handicap et avec le VIH/SIDA, les personnes du troisième âge sans
soutien et les personnes déplacées internes.
62. La stratégie élaborée par le MINAS vise globalement à renforcer les droits fondamentaux
garantis et assurer l’accès des groupes vulnérables à des services sociaux de base de qualité. Les
objectifs spécifiques sont :
a) le respect des droits et de la dignité des groupes à risque à travers l’actualisation et la
mise en œuvre des dispositions légales et réglementaires de protection et de promotion
des groupes vulnérables; et l’information, l’éducation et la communication (IEC) visant le
changement de comportement à l’égard des groupes vulnérables;
b) le renforcement de la prise en charge communautaire des personnes vulnérables, y
compris l’appui aux initiatives de prise en charge communautaire des groupes
vulnérables;
35
c) la facilitation de l’accès des groupes vulnérables aux services sociaux de base de qualité,
grâce à l’appui aux interventions ciblant les groupes vulnérables dans les structures
sociales de base, et l’intégration des besoins prioritaires des groupes vulnérables dans le
DSCRP et différents programmes et projets sectoriels (agriculture, éducation, santé,
énergie, logement, environnement, etc.);
d) la réinsertion des personnes vulnérables (sur le plan économique, social et professionnel,
etc.) à travers le renforcement des capacités des associations/structures spécialisées dans
l’aide aux personnes vulnérables, l’accès des personnes vulnérables à la formation et à
l’apprentissage socio-professionnel et au système éducatif formel, et l’accès à l’emploi ou
aux activités génératrices de revenus des personnes vulnérables;
e) le renforcement des capacités institutionnelles des acteurs de la protection sociale des
groupes vulnérables. Cet objectif comprend : i) la coordination des interventions et la
concertation des acteurs de la protection sociale au sein des cadres formels; ii) l’appui
organisationnel et institutionnel au ministère des Affaires sociales; iii) l’appui
organisationnel et institutionnel aux acteurs impliqués dans la protection sociale des
groupes vulnérables; iv) la réhabilitation, la reconstruction et l’équipement des
infrastructures de protection sociale des groupes vulnérables; v) la mobilisation des
ressources internes et externes pour la protection sociale des groupes vulnérables; et vi) la
constitution d’une banque de données sur les groupes vulnérables.
63. La stratégie n’identifie pas de programmes spécifiques à financer, ne définit pas
d’objectifs couverture, et n’avance pas d’estimations de coûts. En outre, le retard mis à la valider
n’a pas favorisé son appropriation de la part des différents acteurs, ce qui a limité sa mise en
œuvre. Conscient des limitations de sa stratégie, le MINAS a entamé la préparation d’une
politique et d’une stratégie nationales actualisées destinées aux groupes vulnérables. À cet effet,
une Note d’orientation politique est en gestation. Cette Note: (i) retient la nécessité de réforme
des centres de promotion sociale en centres d’action sociale, en vue d’améliorer l’offre de leurs
prestations; (ii) préconise de mettre en place une banque de données sur les groupes vulnérables,
préalablement à la définition d’un programme de filets sociaux de sécurité, en vue d’améliorer
l’accès des personnes vulnérables aux services sociaux de base; (iii) recommande de déterminer
un socle minimum des droits sociaux assurant l’accès aux cinq besoins de base que sont la
nutrition, l’éducation/formation, l’emploi/revenu, la santé et le logement.
64. Une autre initiative à signaler est celle du Fonds national de promotion et de service
social (FNPSS) qui a réalisé une étude de faisabilité sur l’élaboration d’une stratégie de
protection sociale pour la RDC. L’étude fournit des informations sur les principaux textes et
institutions nationales concernant différents aspects de la protection sociale, et présente
quelques-unes des initiatives en place ou en cours. Elle met aussi en exergue certains paramètres
à prendre en compte pour la formulation de la politique et de la stratégie nationale de protection
sociale en RDC. Enfin, une feuille de route a été proposée pour l’aboutissement de deux
principaux objectifs, à savoir: (i) la réalisation de l’état des lieux sur la protection sociale en
RDC, et (ii) la formulation proprement dite de la politique et la stratégie nationale de protection
sociale en RDC27
. 27Mutombo-Mudiay, J. « Étude de faisabilité pour la formulation de la politique et la Stratégie nationale de la protection sociale
en RDC », rapport provisoire, FNPSS, 28 juillet 2014.
36
C. Les filets sociaux dans le contexte des stratégies sectorielles et thématiques
65. En l’absence d’une orientation stratégique claire sur les filets sociaux eux-mêmes, les
politiques et stratégies sectorielles et thématiques existantes peuvent guider leur développement.
Les documents suivants semblent être particulièrement pertinents :
Document de Stratégie de Développement de l’Enseignement Primaire, Secondaire et
Professionnel (2010/2011-2015/2016) et Plan Intérimaire de l’Education (PIE),
2012/2014;
Stratégie Nationale pour le Développement de l’Alphabétisation et de l’Education non
Formelle (AENF) 2012 à 2016-2020;
Audit Organisationnel du MINAS;
Plan National de Développement Sanitaire (PNDS) 2011-2015;
Programme National d’Investissement Agricole (PNIA) 2013-2020;
Plan d’Action National 2010-2014 en faveur des Orphelins et autres Enfants Vulnérables
(PAN-OEV);
Plan d’Action Humanitaire en RDC 2013.
66. Éducation. La Stratégie de développement de l’enseignement primaire, secondaire et
professionnel, et le PIE 2012-2014 qui l’accompagne, se veulent une contribution à la réalisation
des Objectifs du millénaire pour le développement dans le sous-secteur de l’enseignement
primaire, particulièrement la scolarisation primaire pour tous. Dans cette optique, le PIE vise à:
(i) accroître l’accès et l’accessibilité à l’enseignement primaire; (ii) améliorer la qualité de
l’enseignement et des apprentissages scolaires ; et (iii) renforcer la gouvernance du système
éducatif.
67. En termes d’amélioration de l’accès à l’éducation par les pauvres et les groupes
vulnérables spécifiques, le Plan reconnaît que les frais de scolarité payés par les parents, estimés
en 2010 à 18 USD par enfant par an, constituent une barrière capitale à la scolarisation,
notamment pour les enfants issus des ménages pauvres. Les frais de scolarité sont exigés avant
tout pour payer les enseignants qui n’émargent pas au budget de l’État.
68. La stratégie du Gouvernement visant à réduire le besoin d’imposer des frais de scolarité
au niveau local vise: (i) l’uniformisation des zones salariales (ce qui devrait permettre l’arrêt du
versement de la prime de motivation aux enseignants en zones rurales); (ii) la mécanisation de
quelques 20 000 enseignants supplémentaires par an entre 2011 et 2015; et (iii) l’octroi d’une
dotation mensuelle aux écoles et aux bureaux de gestion pour leur fonctionnement. Cette
opération aura un coût important et devra donc être mise en œuvre graduellement, en
commençant prioritairement par les zones potentiellement « à risque ».
37
69. L’objectif général de la Stratégie nationale d’AENF est de réduire d’ici 2016-2020 le
taux d’analphabétisme à un rythme soutenu de 10% par an, en améliorant l’accès, la qualité et la
gestion de l’offre éducative et en corrigeant les disparités de tous genres. La stratégie présente
l’objectif spécifique de toucher 900 000 personnes inscrites à l’éducation non formelle et
540 000 inscrites à l’alphabétisation d’ici 2015. Les groupes cibles bénéficiaires de la Stratégie
nationale d’AENF sont constitués de tous ceux qui n’ont pas eu accès à l’éducation formelle, et
tous ceux qui n’ont pas les capacités requises pour être pris en charge. Cette stratégie nécessitera
l’amélioration de la qualité des services et des infrastructures, ainsi que d’autres investissements
en vue de contenir l’accroissement des inscriptions prévues. Le plan quinquennal appelle à une
augmentation importante du financement de ce sous-secteur, pour un montant de 109 millions de
dollars par an.
70. Santé. Le PNDS vise l’extension des services en mettant tout d’abord l’accent sur l’offre:
amélioration des infrastructures et de l’équipement, et dotation en personnel des districts
sanitaires. Même avec une amélioration de l’offre sanitaire, le Plan reconnaît qu’une large
proportion de la population est exclue de l’accès aux services de santé pour des raisons
financières. L’absence de subventions dans le système de santé fait que son fonctionnement
repose essentiellement sur l’apport des ménages. Dans ces conditions, la reconnaissance et la
valorisation des initiatives communautaires deviennent cruciales. La mutualisation et diverses
autres stratégies de solidarité permettent d’améliorer l’accessibilité aux soins et services de santé.
Les réformes de financement inspirées des expériences menées sur le terrain (tarification
forfaitaire, fonds d’achat des services) seront capitalisées afin d’améliorer le financement du
secteur. Pour que ces stratégies soient efficaces, les subventions de l’État seront accordées pour
le fonctionnement de l’ensemble des formations sanitaires en vue d’une meilleure accessibilité
aux soins.
71. Agriculture et sécurité alimentaire. Le Programme national d’investissement agricole
(PNIA) identifie les problèmes majeurs du secteur agricole tels que (i) la malnutrition et
l’insécurité alimentaire: 73% de la population ne reçoit pas l’apport calorique minimum, et 50%
ne dispose pas de réserves alimentaires; (ii) la forte incidence de la pauvreté rurale,
particulièrement chez les producteurs agricoles; et (iii) les revenus insuffisants apportés à l’État
par l’agriculture commerciale, par rapport au potentiel du pays. En termes de gestion de la
sécurité alimentaire et des réserves stratégiques, le PNIA préconise la mise en place d'un système
d'information et d'alerte précoce sur la sécurité alimentaire ; pour lutter contre la malnutrition, il
entend sensibiliser la population rurale sur l'importance d'une bonne nutrition pour la santé et
promouvoir des actions spécifiques pour améliorer la nutrition. Il insiste également sur la gestion
de la vulnérabilité alimentaire et l’organisation des réserves stratégiques, y compris l’appui à la
mise en adéquation de l’aide alimentaire d’urgence. Le Plan évalue les coûts de ces initiatives de
sécurité alimentaire à environ 77 millions de dollars par an, bien qu’on ne puisse pas établir
clairement le nombre de personnes potentiellement couvertes par ce montant, ni comment celles-
ci seraient ciblées.
72. Orphelins et enfants vulnérables. Le MINAS a adopté en 2009 le Plan d’action national
2010-2014 en faveur des orphelins et autres enfants vulnérables (PAN-OEV). L’objectif global
du plan est d’étendre l’accès des OEV aux services, et d’améliorer la qualité de ceux-ci en vue de
toucher au moins 15% de la population cible, soit 1,5 million d’OEV sur 8,2 millions (une étude
38
préalable ayant relevé que seuls 287 000 bénéficiaient d’une assistance quelconque). Outre une
augmentation de cinq fois la couverture, le PAN-OEV prévoit une expansion des types de
services offerts, en mettant l’accent sur cinq domaines interdépendants, considérés essentiels
pour améliorer la situation des OEV :
a) assurer que le cadre politique et institutionnel favorise une prise en charge holistique de
qualité des OEV, en définissant et en faisant appliquer des directives politiques, normes
et standards formels pour les interventions en faveur des OEV, et en diffusant les
meilleures pratiques;
b) mobiliser les réponses communautaires et des familles pour la protection et la prise en
charge : un soutien et un accompagnement plus systématique aux familles sont
nécessaires, avec l’appui de personnes bénévoles et des organisations communautaires;
c) assurer une facilité d’accès aux services sociaux de base (scolarisation formelle et non
formelle, soins médicaux de base, soutiens nutritionnels et VIH/SIDA, assistance
psychosociale, juridique et judiciaire), grâce à: (i) une révision des politiques et pratiques
d’exonérations, telles que le certificat d’indigence, afin de couvrir les coûts des soins de
santé et des frais de scolarité; (ii) un soutien aux centres d’accueil pour les OEV; et (iii)
un élargissement de l’accès à la prévention et au traitement du VIH-SIDA comme mesure
préventive pour réduire le nombre d’OEV;
d) développer un système de suivi et évaluation spécifique des activités en faveur des OEV
afin de pallier l’absence d’un tel système pour l’ensemble des bénéficiaires des filets
sociaux, dans le but d’établir un registre des enfants assistés ainsi qu’une cartographie des
intervenants;
e) mobiliser les ressources financières, matérielles et humaines pour mettre en œuvre le
PAN-OEV.
73. Le Plan présente plusieurs choix stratégiques : les mesures efficaces concernant les OEV
doivent être multisectorielles, car ces enfants ont besoin d’un ensemble de services qui relèvent
du mandat de différents ministères, et qui sont fournis par une vaste gamme d’organismes
publics, non gouvernementaux et communautaires. Ceci nécessitera des mécanismes de
coordination et des partenariats efficaces. Les interventions les plus importantes devant être
mises en place au niveau local, les organisations communautaires et les services décentralisés de
l’État devraient être en première ligne, mais ces actions devraient aussi impliquer les familles et
les bénéficiaires. Le PAN-OEV estime que près de 500 millions de dollars seraient nécessaires
pour étendre la couverture à 15% sur la période de 5 ans du Plan, y compris les améliorations
dans l’accès aux services sociaux, et le soutien aux structures familiales et communautaires.
Lorsqu’il sera pleinement étendu, le plan exigera des coûts estimés à 137 millions d’USD par an,
soit environ 91 USD par OEV par an. Signalons que le PAN-OEV, qui a longtemps souffert de
l’absence d’un plan opérationnel, vient de se doter pour l’année 2014 depuis le mois de mars, sur
financement de l’USAID via le Projet Intrahealth. Ce plan, qui est géré par la Direction des
Interventions Sociales en faveur de l’Enfant (DISPE) du MINAS, est en cours de mise en œuvre
avec le concours de divers partenaires techniques et financiers. Il permet désormais à la
Direction de mieux programmer ses activités et organiser leur suivi-évaluation.
39
74. Assistance humanitaire. Comme nous l’avons mentionné au départ, une revue des
programmes d’assistance humanitaire sortait du cadre de notre État des lieux. Toutefois, de
nombreuses similarités existent entre les interventions de type filet social et celles menées par les
organismes d’aide humanitaire. D’une certaine manière, les filets sociaux peuvent être
considérés comme une assistance humanitaire «non urgente», car eux aussi visent à satisfaire des
besoins essentiels, mais dans un perspective de plus long terme. Les filets sociaux sont souvent
considérés comme des programmes permanents visant à répondre aux besoins des pauvres tant
chroniques que temporaires, alors que l’assistance humanitaire est programmée de manière
ponctuelle en réponse à une crise, que ce soit un conflit armé ou une sécheresse. Étant donné que
les filets sociaux sont souvent déployés ou reproduits à grande échelle en réponse à des chocs, la
différence entre action humanitaire et filet social n’est pas toujours nette, et il existe un
continuum de couverture entre les deux. L’Afrique offre de plus en plus d’exemples où
l’assistance humanitaire ponctuelle se transforme en filet social à long terme (encadré 1).
40
Encadré 1: Passage de l’assistance humanitaire aux filets sociaux
- Problèmes et expériences en Afrique
En Afrique, l’assistance humanitaire a été cruciale pour la protection des vies menacées par les conflits et les
catastrophes naturelles. Malgré cet impact positif de l’assistance humanitaire sur la protection de la vie des
personnes les plus vulnérables, il est important de relever quelques faiblesses systémiques du dispositif,
notamment :
a) l’absence de prévisibilité. Pour les personnes touchées par les conflits, la prévisibilité est faible en ce qui
concerne le niveau de soutien attendu, les conditions d’accès à celui-ci et sa durée. Les appels internationaux à
l’assistance humanitaire prennent généralement des mois pour mobiliser et déployer les ressources. Celles-ci
sont habituellement insuffisantes pour satisfaire la totalité des besoins, ainsi des rations sont coupées, certains
sont laissés sans soutien, ou alors le soutien est intermittent. Sans soutien prévisible, les familles peuvent
s’engager dans des stratégies de survie qui peuvent accroître la vulnérabilité, telles que l’épuisement des actifs,
la désertion des maisons pour rechercher de l’assistance, ou le retrait des enfants de l’école ;
b) l’utilisation de structures autonomes ponctuelles pour la mise en œuvre. La nature même des crises demande
des mesures extraordinaires. L’assistance humanitaire est souvent mise en œuvre à travers des structures
dirigées par les bailleurs de fonds aux fins de répondre aux besoins la transparence et de rendre compte de
l’utilisation des fonds internationaux. Toutefois, ces structures temporaires sont le plus souvent peu
coordonnées avec les structures et systèmes plus permanents qui fourniront les services après les crises ;
c) le coût élevé de l’exécution des prestations et le peu d’impact durable étant donné que les prestations mettent
souvent l’accent sur les besoins immédiats ;
d) la définition inadéquate des stratégies de sortie et de transition. Que se passe-t-il une fois que l’urgence est
passée ? Plusieurs régions sortant de conflits, d’un épisode de sécheresse ou d’autres crises sont confrontées à
de graves séquelles en termes de pauvreté chronique et d’insécurité alimentaire. Le passage de l’assistance
humanitaire devrait être couplé avec la mise en place de filets sociaux efficaces, en vue de faire face à la
vulnérabilité chronique. Notons que dans les situations de post-conflit, cette démarche peut contribuer au
maintien de la paix.
Le Programme de filet social productif d’Éthiopie (PNSP) est l’un des exemples les plus remarquables de
transformation d’assistance humanitaire en filet social de longue durée en Afrique. Pendant plus de 30 ans, les
mesures répondant à l’insécurité alimentaire en Éthiopie ont été dominées par l’aide alimentaire d’urgence,
s’élevant en moyenne à 265 dollars par an par personne durant la période 1997-2002. Bien que l’aide alimentaire ait
sauvé de nombreuses vies, avec le temps, des questions se sont posées quant à la dépendance potentielle, aux faibles
actifs productifs, à l’absence d’opportunités et de prévisibilité, et à l’effet négatif sur le développement de
l’économie rurale dans la durée.
Pour sortir de ces impasses, le Gouvernement éthiopien a lancé en 2005 un système alternatif, le PSNP, visant à
mieux répondre aux besoins des ménages en situation d’insécurité alimentaire et à créer des investissements
productifs pour soutenir la croissance économique rurale. Ces objectifs ont été atteints grâce à : (i) l’octroi en temps
opportun de transferts suffisants aux ménages bénéficiaires ciblés, permettant ainsi la régularité effective de la
consommation et évitant l’épuisement des actifs ; (ii) le passage de l’aide alimentaire aux paiements en espèces (en
tout ou partie) ; et (iii) la création d’actifs communautaires productifs utilisant des travaux publics HIMO. Le PSNP
touche chaque année environ 8 millions de ménages, 80 % par le biais des travaux publics et 20 % en soutien direct.
Les évaluations de l’exécution et de l’impact du programme ont révélé :
- une amélioration remarquable de la sécurité alimentaire des ménages grâce au PSNP ;
- des impacts positifs sur les actifs productifs et les exploitations d’élevage ;
- une amélioration des moyens de subsistance grâce aux travaux publics de conservation du sol et de
l’eau dans le cadre des prestations au niveau communautaire, grâce aux infrastructures créées ;
- une réponse plus rapide en temps de crise : lors de la sécheresse de 2011, la mobilisation et la distribution
de l’assistance humanitaire ont pris huit mois dans les zones non couvertes par le PSNP, alors que le temps
de réponse du PSNP a été de deux mois seulement ;
- une utilisation accrue des services sociaux par les bénéficiaires du PSNP, qui effectuent davantage de
dépenses de soins de santé et d’éducation des enfants.
La mise en place de filets sociaux constitue une évolution importante de l’assistance humanitaire traditionnelle et
peut offrir des avantages substantiels les pour la population la plus vulnérable en termes de prévisibilité et d’impact.
41
75. L’assistance humanitaire à la RDC est guidée par le Plan d’Action Humanitaire (PAH) de
plusieurs agences. Le PAH 2013 regroupe les agences des Nations Unies, les partenaires
humanitaires et le Gouvernement, autour d’une stratégie coordonnée visant à apporter un secours
immédiat aux populations touchées. La stratégie humanitaire prévoit une approche différenciée
entre les zones affectées par le conflit armé et les zones hors-conflit mais sujettes à des crises
chroniques ou soudaines.
76. Le PAH identifie quatre priorités stratégiques:
a) renforcer la protection de la population civile dans les zones affectées par les crises;
b) réduire la morbidité et la mortalité au sein des populations affectées par les crises;
c) améliorer les conditions de vie, réduire la vulnérabilité, et préserver la dignité des
personnes et communautés affectées par les crises;
d) restaurer les moyens de subsistance et renforcer la résilience des communautés affectées
par les crises, et faciliter le retour et la réintégration durable des populations déplacées et
réfugiées.
77. Le PAH identifie les priorités dans l’aide à apporter aux millions de personnes touchées
par l’insécurité alimentaire, le conflit et les maladies en 2013, chiffrant cette assistance à 892
millions de dollars. La plus grande catégorie d’assistance est la sécurité alimentaire, avec 28%
des coûts totaux, alors que, à 137 dollars par tête, la récupération nutritionnelle a le coût le plus
élevé, suivie par l’éducation à 99 dollars par tête et la sécurité alimentaire à 53 dollars (figure 2).
Au cours des trois dernières années, entre 55% et 67% des ressources ciblées ont été mobilisées.
Figure 2: Estimation des besoins humanitaires en 2013 par domaine particulier (en milliers
de dollars)
0 10,000 20,000 30,000
Protection
Education
Articles menagers…
Eau, hygiene et…
Sante
Nutrition
Securite alimentaire
Assistance…
Ciblees
Domaine Par hbt ($)
Protection 20
Éducation 99
Articles
ménagers
essentiels et
abris 31
Eau, hygiène et
assainissement 9
Santé 5
Nutrition 137
Sécurité
alimentaire 53
42
78. Bien que le PAH ne se limite pas aux populations touchées par le conflit, l’assistance a
été largement concentrée sur ce groupe. Le Plan prévoit des interventions humanitaires massives,
parfois urgentes, potentiellement étendues à de vastes zones (lorsqu’elles sont accessibles),
pouvant opérer plus longtemps et avec un volet protection important, mais il envisage également
des interventions humanitaires localisées, spécifiques et de courte durée, visant à répondre aux
besoins urgents des populations touchées.
Implications pour les filets sociaux
79. Le cadre politique brossé ci-dessus a des implications pour l’élaboration des filets
sociaux en RDC. Il convient de noter qu’une grande attention est accordée aux plus hauts
niveaux politiques à la satisfaction des besoins des groupes vulnérables, et à la couverture de
ceux qui sont dans le besoin. Les objectifs sont ambitieux. Les objectifs globaux de réduction de
l’extrême pauvreté et de satisfaction des besoins des groupes vulnérables sont soutenus par des
stratégies sectorielles et thématiques qui reflètent ces objectifs.
80. Toutefois, on relève une certaine absence de précision relativement aux moyens de
toucher ces groupes. Ainsi, les politiques destinées à identifier les programmes qui pourraient
être les plus efficaces, ou les réformes nécessaires pour permettre aux programmes actuels
d’atteindre les principaux objectifs visés ne sont pas définies. En outre, les cibles fixées pour le
financement semblent peu réalistes à la lumière des ressources disponibles et de la capacité
d’absorption des institutions.
81. Le secteur de la protection sociale lui-même existe dans un cadre politique faible, qui
demande à être révisé, actualisé et harmonisé. Le rôle des filets sociaux devrait être bien précisé
dans toute révision des politiques et stratégies de protection sociale, étant donné que ces filets
devraient représenter la partie la plus importante des activités de protection sociale eu égard au
profil de pauvreté et de vulnérabilité du pays.
82. Les politiques sectorielles en matière de santé et d’éducation se focalisent principalement
sur l’offre de services, et cherchent à en accroître la couverture et la qualité. Les frais pour
accéder à ces services sont reconnus comme étant une difficulté critique pour les ménages
pauvres, et la solution proposée, à savoir augmenter les ressources budgétaires pour payer plus
de personnel et de matériels peut, à long terme, réduire la pression des frais d’utilisation sur les
ménages. Toutefois, il est prévisible, si l’on tient compte de l’expérience d’autres pays, que
l’accès aux services continuera sans aucun doute de poser des problèmes du côté de la demande.
Les filets sociaux, les transferts monétaires par exemple, sont bien adaptés pour lever ce type
d’obstacles, en fournissant aux ménages les ressources pour payer le coût inhérent aux services
sociaux de base. En fait, il a été démontré que ces programmes ont systématiquement eu un
impact positif sur l’utilisation des services de santé et d’éducation en complétant ainsi les
politiques sectorielles d’éducation et de santé.
83. L’aide humanitaire est bien organisée et relativement bien dotée de ressources, par
rapport à d’autres domaines de l’assistance sociale. Avec le temps et une fois que l’urgence
s’estompe, l’assistance ponctuelle peut être supprimée progressivement en faveur d’une
approche de filet social plus structuré. Étant donné la variété des circonstances en RDC,
43
l’assistance humanitaire et les filets sociaux peuvent coexister, le secours humanitaire ciblant les
zones où sévissent des crises, et les approches de filet social à long terme appliquées aux les
zones stabilisées, aux les pauvres chroniques et à ceux qui connaissent une insécurité
alimentaire, en dehors des zones de conflit. Il serait important de concevoir des politiques qui
puissent accommoder la transition de l’assistance humanitaire vers la stabilisation dans les zones
de conflit.
44
IV. Cadre institutionnel
Principaux acteurs institutionnels
84. Plusieurs acteurs sont engagés au niveau politique et opérationnel dans les programmes
sociaux, notamment les ministères et organismes de l’État, les ONG et les organisations
internationales. De nombreux programmes d’éducation, de santé, de protection civile, de réponse
aux catastrophes naturelles, d’emploi, d’assurance sociale, de développement rural et d’autres
secteurs, sont destinés à toucher les populations vulnérables.
85. Ce chapitre se concentre sur les institutions qui sont les plus actives dans le domaine des
filets sociaux (travaux HIMO, transferts monétaires et en nature, exonérations de frais et autres
formes d’assistance sociale).
86. Le Ministère des Affaires Sociales, de l’action humanitaire et de la solidarité nationale.
Le MINAS est le principal ministère national chargé de répondre aux besoins des groupes
vulnérables. Il a la toute première mission institutionnelle de superviser les filets sociaux du
pays. Selon l’Ordonnance n°15/015 du 21 mars 2015 fixant les attributions des ministères, le
MINAS s’occupe de:
Volet affaires sociales
l’organisation, l’administration et la gestion des centres d’actions sociales tels que les
centres de promotion sociale, les orphelinats, les homes et les hospices pour les
vieillards, les centres d’apprentissage professionnel pour les personnes vivant avec
handicap;
l’assistance sociale aux populations nécessiteuses;
la tutelle et reclassement des enfants en situation particulièrement difficile;
la collaboration à l’élaboration des projets pilotes de lutte contre la pauvreté;
la protection et insertion sociale des groupes vulnérables;
la collaboration à l’organisation de l’enseignement spécial au profit des enfants vivant
avec handicap;
l’organisation de l’éducation non formelle en collaboration avec les ministères en
chargés de l’enseignement primaire, secondaire et professionnel, et de la jeunesse et des
sports.
Volet action humanitaire et solidarité nationale
la coordination, l’évaluation et la supervision des programmes humanitaires;
45
le contrôle et le suivi des activités des organismes et ONG chargés des questions
humanitaires;
la collaboration avec les ministères chargés de la défense nationale et des anciens
combattants, de la santé, pour appuyer la réinsertion des ex-combattants et autres groupes
assimilés dans la vie civile;
le suivi et l’insertion des victimes des calamités et catastrophes naturelles en
collaboration avec les autres ministères concernés;
la collaboration avec les agences humanitaires et les organisations compétentes en
matière d’assistance aux réfugiés, aux victimes de la guerre et des catastrophes
naturelles, aux déplacés et autres populations vulnérables en cas de crise humanitaire;
la coordination de la recherche des sources de financement pour soutenir la politique du
gouvernement en matière de solidarité et d’actions humanitaires, en collaboration avec
les ministères chargés des finances et la coopération internationale;
la promotion de la vie associative dans les domaines de l’action humanitaire;
la coordination des actions humanitaires caritatives et philanthropiques pour venir en
aide aux déplacés et victimes de la guerre et des catastrophes naturelles.
87. Ce ministère a connu une certaine instabilité institutionnelle, jalonnée de fusions et
démembrements répétés depuis 1963; dans sa configuration actuelle (figure 3), le MINAS est
issu de la fusion de deux ministères (Affaires sociales et solidarité nationale et ministère des
Affaires humanitaires) en 2007. Le MINAS comporte deux secrétariats généraux, plusieurs
divisions opérationnelles et administratives, des services spécialisés (tels que le Service national
médico-social, le Service national polyvalent d’éducation permanente, le Centre d’actions
sociales intégrées, etc.), et le FNPSS, établissement public, qui a un système décentralisé de sept
agences en provinces.
46
Figure 3 : Organisation du MINAS
AU
NIV
EA
U P
RO
VIN
CIA
LA
U N
IVE
AU
CE
NT
RA
L
Ministre des Affaires Sociales, Action Humanitaire et Solidarité
Nationale
Cabinet du Ministre
Secrétariat Général des Affaires Sociales
Secrétariat Général de l’ Action Humanitaire et
Solidarité Nationale
Division Unique Division Unique
DSG DEP DAS DIC DG/ENF DICOREPHA COSNI DISPE DEPTA DG/SNR DSG DEP DAIR DSAHP DAVCN
Services d’appui / Unités spécialisées
SNRS
SENAPEP
SENAMES
CENAPHI
CASI
CAP
Organismes promotionnels
CFMA
INAV
FMA
SENARAC
DIVAS
BSG
BAS
BEP
BENF
BUCOREPHA
BISPE
BEPTA
Agence provinciale
FNPSS
DIVAH
BSG
BEP
BAIR
BSAHP
BAVCN
Home de vieillards
de Kabinda
Home de vieillards
de Kitambo
FNPSS
Organismes et services
CFMA
CEPEP
Home de vieillard
CPS
IPAS
OES
47
88. Le Ministère dispose d’un imposant patrimoine immobilier qui date en grande partie de la
période coloniale. Il convient de noter que les Centres de Promotion Sociale (CPS), établis dans
les années 30, ont abrité pendant longtemps les principaux services d’assistance sociale offerts
par le MINAS. Les CPS sont utilisés, entre autres, pour la formation professionnelle, les cours
d’alphabétisation, les pouponnières et la prise de contact avec les assistants sociaux, bien que la
majorité de ces centres soient mal équipés et mal entretenus et offrent une gamme limitée de
services.
89. En termes de personnel, le MINAS a un effectif d’environ 19 000 agents sur l’ensemble
du territoire national mais une grande partie d’entre eux n’ont pas le statut officiel de
fonctionnaire et sont qualifiés de « nouvelles unités » ou d’ « agents contractuels ». Par ailleurs,
une importante proportion du personnel a dépassé l’âge de la retraite mais reste en place, car le
Gouvernement n’a pas les moyens de les absorber dans le système national de retraite.
90. Le MINAS gère un certain nombre de programmes et services de longue date,
notamment:
a) la formation professionnelle, l’alphabétisation et le rattrapage scolaire (ce dernier est un
programme accéléré pour l’achèvement de l’école primaire en faveur de ceux qui
abandonnent l’école) ;
b) les attestations d’indigence, qui exonèrent les bénéficiaires des paiements des frais pour
les services de santé dans les établissements publics;
c) des services pour certains groupes vulnérables tels que les personnes vivant avec
handicap (par exemple, l’école pour les aveugles et mal voyants) et les personnes âgées
sans soutien familial ;
d) les services de protection des enfants ;
e) la distribution d’assistance humanitaire immédiate dans le cas des catastrophes naturelles
ou de déplacement (y compris les rapatriements);
f) la tutelle de tous les établissements publics et privés qui offrent des services sociaux, tels
que les orphelinats et les centres d’accueil pour les personnes du troisième âge ou les
personnes vivant avec handicap ;
g) un programme de soutien en personnel et en espèces (à travers les transferts) à plusieurs
centres de services sociaux des ONG.
91. Le Fonds national de promotion et de service social (FNPSS). Le FNPSS a été créé en
1963 (Ordonnance n° 161 du 27 juillet 1963) avec l’actif hérité du Fonds du bien-être indigène
de la période coloniale. Le FNPSS est un établissement public qui, dans le passé, a servi de levier
dans la mobilisation et la gestion des financements de l’action sociale de l’État. Placé sous tutelle
du ministre ayant les affaires sociales dans ses attributions, le FNPSS dispose d’un personnel de
140 agents au niveau central, et de 297 agents au niveau provincial.
92. La principale source de financement du FNPSS est la subvention de l’État inscrite aux
budgets annexes dans la rubrique des services auxiliaires. Ce budget couvre la rémunération du
48
personnel, les frais de fonctionnement et les subventions. Mais concrètement, seule la
rémunération du personnel est généralement effectuée. Dans le souci de redynamiser le FNPSS,
un Plan stratégique et financier du FNPSS (2012-2016) a été validé et adopté par le
Gouvernement.
93. Le FNPSS a pour mission de mobiliser les financements internes et externes nécessaires
et de servir d’interface entre les structures étatiques et non étatiques de prise en charge et les
sources des financements. Il n’a pas encore commencé à remplir cette fonction.
94. Le Fonds social de la République démocratique du Congo (FSRDC). Le Fonds social a
été créé par décret présidentiel en février 2002 sous forme d'un établissement public à caractère
social. Il est placé sous la Haute autorité du président de la République. Le FSRDC a pour
mission principale de participer à l’effort de reconstruction et de développement du pays en
contribuant à : (i) l’amélioration des conditions de vie de la population congolaise et de son accès
aux services sociaux à travers la réhabilitation et la reconstruction des infrastructures
économiques et sociales communautaires ; et (ii) la création des revenus et des emplois dans les
milieux ruraux et urbains par l’exécution ou l’implantation des micro-projets générateurs de
revenus pour alléger la pauvreté et promouvoir le développement économique et social. Dans le
cadre de sa mission, le FSRDC finance des travaux HIMO dans l’est du pays.
95. Organisations non gouvernementales. Il existe des centaines d’ONG impliquées dans la
prestation de services sociaux. Un petit nombre d’entre elles parviennent à avoir une couverture
nationale, particulièrement celles qui sont membres d’organisations confessionnelles plus larges
telles que CARITAS ou l’Armée du salut. Ces ONG ont tendance à offrir une gamme plus vaste
de services, y compris des activités liées au développement (activités génératrices de revenus,
etc.), des services de santé et/ou d’éducation, et une assistance sociale. La grande majorité des
ONG sont de petites entités focalisées sur un domaine précis. Par exemple, le PAN-OEV a révélé
qu’il existe plus de 200 ONG axées sur les OEV, qui touchent entre 10 et 500 OEV chacune. Ces
ONG sont souvent en première ligne dans l’assistance des groupes vulnérables et représentent
leur seule source de soutien.
96. Agences internationales. Les agences internationales jouent un rôle crucial dans le
financement et la mise en œuvre des activités de type filet social en RDC. Plusieurs d’entre elles
financent et/ou mettent en œuvre des filets sociaux: 28
a) le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA)
coordonne l’assistance humanitaire internationale destinée à la RDC ;
b) le Programme alimentaire mondial (PAM) cherche à éradiquer l’insécurité alimentaire ;
grâce à la distribution de vivres, il assure la survie des personnes vulnérables dans les
situations d’urgence et aide les communautés à rétablir leur autosuffisance alimentaire ;
28 Cette partie est tirée de : Mukadi Bonyi, « État des lieux de la protection sociale en République démocratique du
Congo », étude complémentaire, août 2013.
49
c) l’UNICEF intervient dans les domaines de l’éducation, de la santé offre une assistance
sociale aux personnes déplacées et victimes de conflit, ainsi qu’un soutien au bien-être
des enfants en général, par exemple en facilitant l’accès aux services sociaux et en
promouvant la mise en place de «communautés protectrices»;
d) le Bureau des Nations Unies pour les services d’appui aux projets (UNOPS) a pour
mission d’améliorer la capacité opérationnelle du système des Nations Unies et de ses
partenaires dans la mise en œuvre d’opérations de consolidation de la paix, d’aide
humanitaire et de développement ; en particulier, l’UNOPS supervise des travaux publics
HIMO;
e) la Banque mondiale finance l’assistance sociale destinées aux OEV, et aux enfants de la
rue en particulier, et l’assistance technique pour le soutien institutionnel au MINAS ainsi
que des travaux publics HIMO à l’est du pays;
f) les bailleurs de fonds bilatéraux financent des programmes d’assistance humanitaire et
sociale, qui sont pour la plupart canalisés à travers les ONG internationales et locales.
Mécanismes de coordination
97. La complexité du cadre institutionnel nécessiterait des mécanismes efficaces de
coordination. Il n’existe aucun mécanisme qui soit actuellement opérationnel dans la
coordination des efforts en matière de filets sociaux et de protection sociale en général. Un
Groupe thématique protection sociale, formé après la validation de la stratégie de protection
sociale de 2004, était présidé par le ministère de l’Emploi, du travail et de la prévoyance sociale,
et comprenait des représentants du MINAS, d’autres ministères sectoriels (jeunesse, santé,
affaires sociales, éducation, etc.), du ministère des Finances et des principaux partenaires actifs
dans le domaine de la protection sociale. Le MINAS qui est actuellement à la tête de ce groupe
thématique, s’est engagé à relancer la des réunions régulières après un an d’inactivité. Une
seconde avancée qu’il convient de rappeler est que les groupes thématiques sont désormais régis
par le décret n° 13/011 du 09 avril 2013 du Premier Ministre portant création, organisation et
fonctionnement des groupes thématiques. Il existe également un cadre opérationnel des groupes
thématiques sectoriels. Par ailleurs, un Groupe inter-bailleur pour la protection sociale a été
récemment formé pour assurer une meilleure coordination entre les partenaires extérieurs. Le
PAN-OEV est suivi par un groupe thématique multisectoriel.
98. L’assistance humanitaire est efficacement coordonnée à travers OCHA. Créé en
décembre 2013, le cadre national de concertation humanitaire (CNCH) se veut un cadre de
dialogue et d’échange d’informations entre partenaires œuvrant dans le secteur de l’humanitaire.
Il a été créé à l’initiative du gouvernement de la République pour améliorer la coordination de
l’action humanitaire sur terrain. Le Groupe consultatif humanitaire comprend des membres des
ONG et des agences onusiennes. Présidé par OCHA, ce groupe consultatif tient des réunions
fréquentes.
99. Les ONG ont plusieurs mécanismes nationaux de coordination sous des organisations
faîtières telles que le Conseil national des organisations non gouvernementales de
développement de la République démocratique du Congo (CNONGD). Une Plateforme nationale
des ONG œuvrant dans la protection sociale a été formée au cours des récentes années, alors que
50
les ONG œuvrant en faveur des enfants de la rue sont regroupées dans le Réseau des éducateurs
des jeunes et enfants de la rue (REJEER).
Implications pour les filets sociaux
100. La situation institutionnelle des filets sociaux représente un défi pour la prestation
efficace des services. Des mesures de réformes et de renforcement institutionnel devront être
mises en place au sein du MINAS, pour lui permettre de remplir sa mission avec efficacité. Pour
l’heure, les rôles institutionnels sont en mutation permanente, se chevauchent ou manquent de
définition claire. Les multiples ONG assurant des services d’assistance sociale sont confusément
reliées aux politiques et structures nationales.
101. En revanche, l’assistance humanitaire fonctionne à travers des structures plus solides,
mais celles-ci sont pour la plupart dirigées par les bailleurs de fonds, et insuffisamment
rattachées aux services publics qui devront intervenir, le moment venu, pour assurer la transition
de l’assistance humanitaire vers le développement de longue durée. Il est à espérer que le CNCH
se maintiendra et produira les effets escomptés, dont le plus important est la coordination des
appuis dans le secteur de l’action humanitaire.
51
V. Revue des principales interventions
Cadre de l’État des lieux
102. Cet État des lieux a uniquement répertorié les principales interventions en matière de
filets sociaux en RDC, car des limites de temps et de budget ne permettaient pas d’en élaborer un
inventaire exhaustif. Ces interventions sont regroupées dans les catégories suivantes:
a) travaux publics à haute intensité de main-d’œuvre (HIMO), en particulier lorsqu’un des
objectifs est d’offrir de l’emploi temporaire à des travailleurs qualifiés;
b) exonération des frais conçue pour améliorer l’accès aux services de base par les
populations vulnérables;
c) transferts en numéraire et quasi-numéraire (coupons, etc.) aux populations vulnérables;
d) assistance alimentaire, soit directement aux familles vulnérables, soit à travers les
programmes de cantine scolaire;
e) autre assistance sociale, y compris les multiples types de services aux groupes
hautement vulnérables, tels que les orphelins et les victimes de violence et d’exploitation.
103. Pour chaque type d’intervention, l’État des lieux a essayé de déterminer plusieurs
paramètres de base: objectifs du programme, mécanismes de ciblage (voir l’encadré 2),
couverture, mécanismes opérationnels, coûts, financement, résultats et enseignements acquis.
Ainsi qu’il a été noté plus haut, des visites de terrain ont été effectuées dans les provinces de
Kinshasa, du Bas Congo, du Bandundu, du Nord Kivu et du Sud Kivu. Une fiche standard de
collecte des données a été distribuée aux personnels indiqués des programmes visités.
104. Durant les visites de terrain, les gestionnaires de certaines institutions ou programmes
abordés ont fait valoir que leur action ne correspondait pas vraiment aux critères qui définissent
un filet social, s’agissant de programmes axés fondamentalement sur le développement agricole,
par exemple, ou l’amélioration des niveaux de santé. Ces programmes ne sont donc pas
considérés dans ce chapitre. Par ailleurs, la RDC compte un très grand nombre d’interventions
humanitaires en raison des conflits de longue durée dans plusieurs zones du pays et presque tous
ces programmes offrent un secours de base aux populations. Quoique non conçus pour être des
filets sociaux, plusieurs d’entre eux ont été inclus dans le présent État des lieux parce que les
mêmes approches pourraient être reproduites dans les programmes futurs de filets sociaux, hors
du contexte de conflit. De plus, certaines interventions humanitaires ont testé des mécanismes
novateurs de transfert qui fournissent des conclusions importantes applicables à l’ensemble du
pays. Une liste complète des institutions contactées au cours de la visite de terrain figure en
Annexe 1.
52
Encadré 2 : Mécanismes de ciblage des programmes de filets sociaux
L’une des principales caractéristiques des programmes de filets sociaux est qu’ils emploient des
mécanismes de ciblage pour sélectionner les bénéficiaires, en vue de s’assurer que les prestations
touchent les pauvres et les personnes vulnérables. Cet aspect les distingue des programmes universels
tels que les services généraux de la santé et de l’éducation. Les mécanismes de ciblage se réfèrent à
l’ensemble des règles d’éligibilité et aux critères de sélection des bénéficiaires. Les types de
mécanismes de ciblage sont, entre autres :
L’auto-sélection, dans les cas où seuls les individus ou les ménages éligibles devraient être incités
à souscrire à un programme, soit par définition (par exemple les services destinés aux handicapés),
soit par choix (par exemple, les travaux HIMO). Des mesures de désincitation sont introduites afin
que les non-nécessiteux choisissent de ne pas participer. Ainsi, le salaire journalier attribué dans les
projets HIMO peut être établi pour décourager les non-nécessiteux de se présenter.
Le ciblage par catégorie, où toutes les personnes ou ménages ayant une caractéristique donnée
(âge, sexe, handicap, etc.) sont admissibles à participer.
Le ciblage géographique, où les services du programme ne sont disponibles que pour certaines
localités, par exemple les milieux ruraux, les zones d’insécurité alimentaire ou, comme dans le cas
de la RDC, les régions touchées par le conflit.
Le ciblage par approximation du bien-être des ménages (proxy means testing), qui attribue un
score à chaque ménage sur la base d’un ensemble de caractéristiques observables corrélées aux
niveaux de pauvreté, et produit un classement selon le niveau de pauvreté. Cette méthode est
utilisée pour mesurer le bien-être du ménage dans les cas où les informations sur le revenu et la
consommation de chaque ménage ne sont pas disponibles ou pas fiables. Les données issues des
enquêtes nationales auprès des ménages peuvent être utilisées pour élaborer ces scores moyens par
approximation.
Le ciblage par évaluation des ressources des ménages, où les participants admissibles sont
sélectionnés sur la base du niveau de revenu des ménages.
Le ciblage à base communautaire, où les comités communautaires désignent les ménages
éligibles grâce à la connaissance locale des cas les plus nécessiteux, généralement sur la base de
critères déterminés auparavant par l’ensemble de la communauté.
L’évaluation des ménages par les travailleurs sociaux, où les ménages individuels sont
sélectionnés par un travailleur social formé à cet effet.
Les filets sociaux peuvent utiliser une combinaison de ces méthodes. Par exemple, les programmes
HIMO peuvent être orientés géographiquement vers les zones connaissant une insécurité alimentaire,
ensuite utiliser des taux de salaires inférieurs à ceux du marché pour s’assurer que seuls les pauvres
cherchent du travail. Dans le cadre des transferts monétaires, des catégories générales de ménages
éligibles peuvent être définies, suivies d’un ciblage à base communautaire permettant d’établir au
niveau local des listes des individus à servir prioritairement.
53
Programme de réunification routière de la RDC, financé par la RDC,
Équateur. Crédit photo : UNOPS- Jacques Kimbanda-2014
105. Notre démarche a été plusieurs fois limitée par l’insuffisance des données et informations
disponibles. Dans certains cas, les programmes visités n’ont pas été inclus dans ce chapitre car
les fiches de collecte des données ou autres informations pertinentes n’ont pas été transmises.
Néanmoins, les programmes présentés ici fournissent un aperçu de la situation des filets sociaux
actuels en RDC, dans la perspective de déterminer la manière d’améliorer, d’étendre ou de
transformer certains programmes et permettre d’offrir une meilleure couverture et de produire un
impact à l’avenir.
A. Travaux publics à haute intensité de main-d’œuvre
106. Les programmes de
travaux publics créent de
l’emploi temporaire pour les
participants qui sont en mesure
d’apporter leur travail en
contrepartie de prestations,
généralement sous forme de
numéraire ou de vivres.
107. Pour aider les personnes
victimes de pauvreté chronique
ou d’insécurité alimentaire, les
travaux publics offrent parfois
des opportunités de travail
régulières ou saisonnières, dans
les milieux ruraux, en fonction du
cycle agricole. Les travaux
publics sont également utilisés
pour distribuer des revenus
temporaires en situation de
chocs, lors des épisodes de
sécheresse ou de crise économique par exemple. Les travaux publics ont l’avantage
supplémentaire de créer des biens publics sous la forme d’infrastructures nouvelles,
d’amélioration des infrastructures existantes ou de prestation de services.
108. Parce que l’objectif est d’octroyer une aide temporaire en revenus ou en vivres à une
population ciblée, les coûts de main-d’œuvre tendent à être élevés et représentent entre 50% et
80% des coûts des infrastructures. Cette caractéristique distingue les programmes de travaux
publics comme filet social des programmes plus généraux de création ou de réhabilitation
d’infrastructures du gouvernement. En outre, les programmes de travaux publics à fonction de
filet social ciblent les pauvres avant tout, et offrent des salaires inférieurs à ceux du marché, ce
qui crée un mécanisme d’auto-sélection par le groupe cible.
109. Les travaux HIMO existent de longue date en Afrique. Les programmes «vivres contre
travail» ont été utilisés à grande échelle sur le continent, par exemple en réponse aux
sécheresses dans le Sahel au début des années 70, et en Éthiopie au début des années 80. Les
programmes de travaux publics ont également été utilisés pour réintégrer les ex-combattants
54
dans l’économie, et restaurer les infrastructures dans les situations d’après-guerre. Dans la
majorité des pays, les ministères de tutelle, les entreprises publiques, et les ONG sont tous
impliqués dans l’offre de travaux publics. Une étude des travaux publics en Afrique a démontré
que les projets sont presque tous de courte durée de par leur nature, visant à offrir un filet social
temporaire ou à accroître la demande de main-d’œuvre dans les activités du secteur de la
construction29
. Seuls 20% des projets ont été exécutés à grande échelle. La majorité des projets
de travaux publics HIMO octroyaient des vivres aux participants, mais les transferts monétaires
sont de plus en plus utilisés30
.
110. Programmes identifiés. Le travail de terrain a identifié plusieurs programmes de travaux
publics HIMO en RDC. Ces interventions comprennent des programmes à échelle relativement
grande, concentrés sur les infrastructures, ainsi que des activités intégrées dans des programmes
de développement communautaire à plus petite échelle, exécutées dans le cadre d’une assistance
aux populations affectées par le conflit. Les informations ont été collectées tant au niveau
national qu’à partir du terrain (tableau 6). Les programmes inclus ici sont (ou étaient) organisés
par:
a) l’UNOPS. L’UNOPS a construit, réhabilité ou entretenu depuis 1999 plus de 600 km de
routes, et a bâti près de 260 édifices dans les 11 provinces du pays, souvent dans des
zones difficiles d’accès ou soumises à des conditions sécuritaires instables. Près de 7%
des journées de travail ont été réalisées en mode HIMO au bénéfice des communautés
locales. Les programmes HIMO spécifiques de l’UNOPS comprennent: i) la sécurité
alimentaire, le désenclavement du territoire de Boende et la relance de la production
agricole; ii) la relance du secteur agricole dans la province de l’Équateur et à Kinshasa
(PARRSA); iii) la réhabilitation des infrastructures et voies de desserte agricole dans la
Province du Maniema (PIRAM); iv) l’appui au Plan de Stabilisation pour l’Est de la RDC
(ISSSS/STAREC); et v) les travaux routiers sur l’axe prioritaire Sake-Masisi-Walikale
dans la province du Nord Kivu.
b) Le Fonds social de la RDC. Le FSRDC soutient la création et la réhabilitation des
infrastructures communautaires sociales et économiques dans tout le pays, dans le cadre
de sa mission d’améliorer l’accès aux services chez les populations vulnérables et les
communautés pauvres. Le Fonds social a conduit un projet pilote HIMO en 2010 dans la
province du Katanga et va bientôt démarrer un programme de travaux HIMO dans les
deux Kivus et la Province Orientale.
c) CARITAS. CARITAS soutient des projets HIMO dans le cadre de ses activités intégrées
visant à satisfaire les besoins des communautés-cibles et des bénéficiaires vulnérables.
d) Programme Alimentaire Mondial (PAM). Le PAM offre des programmes de vivres
contre travail chez les populations souffrant des effets du conflit dans l’Est de la RDC.
111. ONG de plus petite envergure. Un certain nombre d’ONG de plus petite envergure
contactées au cours des visites de terrain se sont dites engagées dans des activités HIMO.
29
McCord et Slater (2009) McCord A. et R. Slater (2009). « Aperçu des programmes de travaux publics en Afrique sub-
saharienne. Overseas Development Institute, Londres. 30 « Gérer les risques, promouvoir la croissance», La stratégie de protection sociale de la Banque mondiale en l’Afrique 2012-
2022, Banque mondiale 2012.
55
Toutefois, ces activités sont généralement de portée très limitée, se concentrant sur un ou deux
petits projets locaux d’infrastructure routière ou autre infrastructure dans le cadre de projets
intégrés de développement local. Elles n’ont pas été incluses dans un examen plus détaillé des
programmes HIMO31
.
Tableau 6: Programmes de travaux HIMO inclus dans cet État des lieux
Organisation Niveau de collecte d’information
National Kinshasa Bas Congo Bandundu Nord Kivu Sud Kivu
CARITAS X X X X
UNOPS X X
Fonds
social/Banque
mondiale
X
(Katanga)
PAM X X X
112. Objectifs. Les objectifs et les centres d’intérêt des programmes HIMO varient, bien
qu’ils cherchent tous à aider les travailleurs à travers des rémunérations en vivres ou en
numéraire. Ils comprennent souvent des objectifs qui s’étendent, au-delà des effets positifs de
l’augmentation des revenus et de la consommation chez les travailleurs, aux effets positifs des
infrastructures créées. Les objectifs identifiés dans les programmes énumérés ci-dessus sont entre
autres :
a) contribuer à la réduction de la pauvreté et à la sécurité alimentaire en facilitant la
production agricole grâce aux infrastructures créées ;
b) renforcer la présence du gouvernement dans les provinces de l’Est afin d’apporter la paix
et la stabilité aux zones exposées aux conflits ;
c) atténuer l'impact de la crise financière internationale de 2008, grâce à la distribution de
revenus aux populations cibles par le biais de la création d'emplois temporaires ;
d) améliorer la vie socioéconomique de la population et faciliter la réinsertion
socioéconomique ;
e) soutenir le développement local et l’extension des services de base.
113. Couverture et portée. L’essentiel des projets HIMO se situent à l’Est, avec un
complément d’actions dans d’autres parties du pays pour pallier les problèmes liés à l’insécurité
alimentaire ou les chocs économiques (tableau 7).
31 Exemples : FSH, MBAN, ILDEMA, COVODER, FUDI et bien d’autres.
56
Tableau 7: Couverture des programmes de travaux HIMO
Organisation Géographique Emplois en mois-
personnes générés
Bénéficiaires
directs
CARITAS Province Orientale (Territoire de Bond)
Province de l’Équateur (Territoire de
Kungu) – HIMO2013
N.D. N.D.
UNOPS Province Orientale, Province de
l’Équateur, Province du Maniema,
Province du Nord Kivu
400 000 (2013) N.D.
FSRDC Province du Katanga (villes de
Lubumbashi, Likasi et Kolwezi)
218 318 (2010) 3 215
PAM Nord Kivu (villes de Goma, Rutshuru,
Masisi) et Sud Kivu
N.D. 1 845 Nord Kivu,
1 300 Sud Kivu
114. L’UNOPS dirige le plus grand des projets HIMO étudiés : depuis 1999, il a créé 5
millions de journées de travail rémunérées pour la population congolaise. D’autres programmes
sont de moindre portée, soient qu’ils poursuivent un impact local, soit qu’ils opèrent seulement
pour une courte période en réponse à une crise. La proportion de femmes bénéficiaires est
estimée, lorsque les données existent, à entre 5% (UNOPS) et 31% (FSRDC)32
. Les seules
informations sur l’intensité de la main-d’œuvre viennent du programme du FSRDC au Katanga
et indiquent une intensité de main-d’œuvre de 47%. Ce chiffre se situe à la limite inférieure dans
les comparaisons internationales pour les programmes HIMO, mais donne néanmoins une
indication des coûts plus élevés des intrants et des matériaux en RDC.
115. Dans l’ensemble, la couverture des programmes HIMO est très réduite par rapport au
nombre des personnes qui pourraient en bénéficier et à l’état délabré des infrastructures du pays.
Les bénéficiaires se comptent par milliers, face aux millions de Congolais en situation de
déplacement forcé, d’extrême pauvreté ou d’insécurité alimentaire.
116. Mécanismes de ciblage. Les programmes HIMO emploient essentiellement l’auto-
ciblage comme mécanisme de sélection des travailleurs (tableau 8), bien que d’autres méthodes
de ciblage, comme le ciblage géographique ou à base communautaire, aient aussi été employées.
Les taux de rémunération sont généralement de 3 USD et 4 USD par jour, quoi que des taux plus
élevés soient souvent nécessaires dans certaines zones minières, telles que le Katanga où les taux
sont de 6 USD à 7 USD33
. Certaines catégories de bénéficiaires sont souvent ciblées. Ainsi, le
programme au Katanga avait été conçu pour aider les travailleurs de l’industrie minière ayant
perdu leur emploi, tandis que le PAM cible les déplacés internes et les rapatriés. L’UNOPS
accorde une priorité à l’offre d’emploi temporaire aux populations riveraines lors des
réhabilitations routières, quoique la sélection des travailleurs proprement dits soit laissée au soin
des entreprises de construction privées. Dans d’autres programmes, les communautés locales ou
les autorités locales sont impliquées dans la sélection des travailleurs.
32 Parmi les programmes étudiés, celui du FSRDC au Katanga est le seul à imposer un quota minimum pour la participation des
femmes, fixé à 25 %. 33 Les projets vivres contre travail offrent des rations alimentaires quotidiennes (2,8 kg par personne/homme-jour).
57
117. Il n’y a pas eu d’évaluation des niveaux de pauvreté des travailleurs qui permettrait
d’apprécier les résultats du ciblage. Dans le programme HIMO-Katanga, l’analyse a posteriori a
montré que 97 % de la main-d’œuvre utilisée dans les travaux était constituée de creuseurs, mais
peu de travailleurs licenciés des entreprises minières officielles en faisaient partie, probablement
à cause du long délai dans la mise en route du projet. En effet, après la perte de leur emploi, les
chômeurs, du reste enregistrés tant dans les mairies que dans les services spécialisés, n’avaient
pas pu attendre le démarrage du projet et avaient saisi les opportunités qui s’étaient présentées
avec la timide reprise des activités34
.
Tableau 8: Mécanismes de ciblage des programmes HIMO
Auto-sélection Ciblage
géographique
Ciblage catégoriel Ciblage à base
communautaire FSRDC Auto-ciblage basé sur
la rémunération
journalière
Zones des crises
économiques
Ex-mineurs et mineurs
artisanaux
Liste des travailleurs
éligibles inscrits
CARITAS Auto-ciblage basé sur
la rémunération
journalière
Déplacés et résidents des
villages d’accueil
Communautés en
contact avec les
diocèses
UNOPS Auto-ciblage basé sur
la rémunération
journalière
Routes d’accès
prioritaires
Priorité aux riverains
locaux
PAM Auto-ciblage par le
montant des vivres
Zones prioritaires Les rapatriés, les retournés
et les autochtones
vulnérables à l’insécurité
alimentaire
La communauté
participe à la
sélection des
bénéficiaires
118. Mécanismes opérationnels. Différents mécanismes opérationnels sont utilisés pour
mettre en œuvre les projets HIMO en RDC. L’UNOPS et le FSRDC utilisent l’approche de la
maîtrise d’ouvrage déléguée, qui limite leur rôle à la passation de marchés et à la supervision sur
le terrain de la mise en œuvre des contrats. La priorité dans la sélection des maîtres d’ouvrage
délégués est généralement accordée aux entreprises ou ONG locales afin de maximiser l’impact
économique local. Le PAM et CARITAS utilisent une approche plus communautaire : les projets
sont élaborés et exécutés par la communauté elle-même travaillant avec les ONG locales et les
organisations communautaires.
119. Tous les programmes mettent en place des comités locaux qui assument une variété de
responsabilités, allant de la sélection du projet et des bénéficiaires à la supervision et à l’entretien
des infrastructures. Les projets de l’UNOPS, par exemple, sont élaborés dans le cadre d’une
stratégie sectorielle pour la construction et l’entretien des routes prévoyant que des comités
locaux, qui se chargeront de l’entretien après l’achèvement du projet (Comités locaux d’entretien
routier, CLER), soient mis en place afin de promouvoir la pérennité des routes construites. Aux
niveaux national et local, ces comités locaux travaillent en étroite collaboration avec l’Office des
Routes et la Division des voies de desserte agricole, ainsi qu’avec le Fonds national d’entretien
routier (FONER).
34 Bosimi. Rapport d’enquête de satisfaction des bénéficiaires, 2013.
58
120. Coûts et financement. Les projets HIMO qui ont été identifiés dans la présente
évaluation sont largement financés par des ressources extérieures, à travers soit des canaux
officiels, soit des canaux non-gouvernementaux. Dans l’ensemble, les fonds annuellement
injectés dans les projets HIMO n’ont jamais atteint les 20 millions d’USD, et le plus gros
montant a été reçu par l’UNOPS (tableau 9).
Tableau 9: Financement des programmes HIMO
Programme Source de financement Financement
(USD)*
FSRDC: HIMO-Katanga Banque mondiale 4,2 millions
(2010-2011,
18 mois)
UNOPS: Sécurité alimentaire,
désenclavement du territoire de Boende
et relance de la production agricole
Union européenne 4,1 millions
(2010 – 2014,
48 mois)
UNOPS: Relance du secteur agricole
dans la province de l’Équateur
(PARRSA)
Banque mondiale 54,2 millions
(2011 – 2015,
60 mois)
UNOPS: Réhabilitation des
infrastructures et voies de desserte
agricole - Province du Maniema
(PIRAM)
Fonds international de
développement agricole
(FIDA)
10,2 millions
(2012-2015)
UNOPS: Contribution du Royaume-
Uni au Plan de stabilisation pour l’Est
de la RDC
Royaume-Uni 20,5 millions
(2009-2014)
UNOPS: Appui au Plan de stabilisation
pour l’Est de la RDC, travaux routiers
sur l’axe prioritaire Sake-Masisi-
Walikale
Belgique, Pays‐Bas, Royaume‐Uni et Suède
N.D.
(2008-2014)
CARITAS: Réhabilitation des routes de
desserte agricole dans les Territoires de
Bondo et Kungu
Gouvernement allemand via
Caritas Allemagne;
Gouvernement belge via
Caritas International Belgique
N.D.
(2013)
PAM: Vivres pour la création d’actifs
au Nord-Kivu
N.D. N.D
Note : Pour l’UNOPS, il s’agit du coût total du projet, y compris des composantes non-HIMO.
121. Impacts et résultats. Certains des résultats pertinents pour cet État des lieux sont
résumés ci-dessous :
a) La distribution temporaire de revenus/vivres aux bénéficiaires-cibles constitue l’objectif
principal des projets HIMO. Par exemple, le programme HIMO-Katanga signale la
distribution de près de 900 000 USD de paiement en numéraire à ses bénéficiaires ; pour
une moyenne de 63 jours de travail par travailleur, le gain individuel se situe entre 100
USD et 150 USD.
b) Ces ressources ont permis aux ménages de se procurer des vivres et d’avoir accès aux
services sociaux. Une évaluation a posteriori du programme HIMO-Katanga indique que
59
Encadré 3: Feedback des bénéficiaires sur le programme HIMO-Katanga
Le retour d’information de la part des populations touchées par les filets sociaux est rare en RDC. Une
exception notable est le sondage auprès des bénéficiaires effectué par le FRSRDC sur son programme
HIMO-Katanga. Ce sondage a été mené dans trois localités et chez les travailleurs engagés dans les
travaux HIMO et les représentants municipaux. Les niveaux de satisfaction sont rapportés ci-après :
Satisfaction par rapport au travail : La grande majorité des personnes enquêtées (86 %) est
satisfaite du travail accompli dans le cadre du projet, et serait prête à refaire le même travail.
Satisfaction par rapport au revenu : 62 % des personnes enquêtées est satisfaite du revenu gagné,
contre 38 % de non satisfaits ; ces derniers justifient leur évaluation par la courte durée du travail et
donc son caractère précaire au regard de leurs problèmes vitaux.
Satisfaction par rapport aux travaux réalisés : 87 % des membres du Comité local de suivi mis en
place au niveau de chaque ville sont satisfaits des travaux réalisés dans le cadre du projet, dans la
mesure où, selon eux, les villes ont été embellies.
Source: Jean de Dieu Mbey Bosimi. «Rapport d’enquête sur la satisfaction des bénéficiaires du Projet HIMO
Katanga », préparé pour le Fonds social de la RDC, février 2013.
le revenu a été affecté prioritairement aux besoins d’alimentation pour 100 % des
personnes interrogées, aux soins de santé pour 89% des personnes interrogées, et aux
frais scolaires pour 79 % des personnes interrogées.
c) Les informations disponibles laissent supposer que les bénéficiaires ont été satisfaits des
projets HIMO, bien que certains auraient souhaité des paiements plus élevés. Le
programme HIMO-Katanga a réalisé une étude auprès des bénéficiaires qui a démontré
des niveaux élevés de satisfaction (encadré 3).
d) La création/réhabilitation d’actifs productifs a été remarquable. L’UNOPS a construit,
réhabilité ou entretenu depuis 1999 plus de 8 600 km de routes et construit près de 260
bâtiments dans les onze provinces de la RDC, souvent dans des zones enclavées ou
confrontées à des conditions sécuritaires précaires. Au-delà de ces effets nationaux, tous
les programmes enregistrent une importante création d’infrastructures locales ; par
exemple CARITAS signale la construction de 190 km de routes dans ses deux
programmes HIMO de 2013.
e) Les impacts économiques locaux sont très positifs. Les informations a posteriori obtenues
du projet HIMO de l’UNOPS pour la réhabilitation de la route Burhale-Shabunda
décrivent les résultats suivants : ( i) un trafic accru le long de plusieurs tronçons de la
route passant d’une moyenne de 9 véhicules par jour à 54 véhicules par jour ; (ii) la durée
du trajet réduite de 2 semaines (à pied) à 2 à 3 jours (en moto ou véhicule 4x4), et le coût
du voyage de 500 USD à 100 USD ; et (iii) l’accessibilité des biens essentiels augmentée,
avec une baisse de leurs coûts sur le marché.35
Dans l’expérience du PAM au Nord Kivu,
35 UKAID/UNOPS. Fiche de renseignements : Contribution du RU au Plan de stabilisation pour l’est de la RDC (STAREC -
ISSSS).
60
les bénéficiaires des projets (rapatriés, déplacés, retournés et autochtones vulnérables) ont
pu avoir un accès à la terre et ont augmenté leur production.
f) Les capacités techniques et organisationnelles sont renforcées. La capacité locale a été
renforcée à travers l’expérience directe, la formation sur le tas et des sessions de
formation formelles dont ont bénéficié les travailleurs, les entreprises et les ONG locales.
Par exemple, depuis 2008, l’UNOPS a attribué des contrats à plus de 200 ONG locales du
Nord Kivu, du Sud Kivu et de l’Ituri qui ont souvent bénéficié de formation et/ou
d’assistance technique.
122. Enseignements acquis. La RDC a fait l’expérience de diverses façons de mettre en
œuvre des projets HIMO. Dans l’ensemble, ce type d’interventions s’est révélé particulièrement
efficace comme moyen d’offrir du travail temporaire, et donc des revenus, aux groupes
vulnérables, et pour aider les communautés pauvres à travers la création/réhabilitation de
certaines infrastructures, en particulier dans les zones touchées par le conflit. De ces expériences,
il ressort que le type de tâches réalisées et les horaires devraient être adaptés aux réalités sociales
et aux cibles (les horaires, par exemple, devraient tenir compte des obligations domestiques des
femmes). De même, les programmes devraient envisager des formations pouvant renforcer les
capacités des travailleurs pour leur permettre d’acquérir de nouvelles compétences, et préparer
certains à leur reconversion dans des domaines tels que l’agriculture, la menuiserie, la mécanique et
autres. De cette manière, l’aide reçu aurait des retombées positives pour les travailleurs qui vont au-
delà de la période limitée de leur emploi.
123. Les approches participatives peuvent contribuer au développement communautaire et au
renforcement des capacités locales. En particulier, les petites entreprises et ONG locales peuvent
être des partenaires efficaces pour la mise en œuvre, à condition de fractionner les projets en de
sous-projets raisonnablement petits et de leur offrir une orientation et une formation en rapport
avec la conception, la contractualisation et l’exécution des infrastructures.
124. Pour servir de filet social efficace, les travaux publics HIMO doivent être prévisibles et
offrir un niveau de soutien suffisant pour faire face à l’insécurité alimentaire. Bien que les
mécanismes opérationnels soient plus ou moins rodés et facilement adaptables à une échelle bien
plus étendue, il faut que ces programmes trouvent leur place dans la réflexion sur la question,
pour doter le pays d’un système performant de filets sociaux.
B. Exonération des frais
125. Les exonérations de frais ont été utilisées avec succès pour faciliter l’accès des pauvres
aux services de base, en santé et en éducation par exemple, dans les pays en développement. Ces
programmes sont considérés comme nécessaires, particulièrement pour l’accès aux services de
santé, étant donné que les frais payés par les utilisateurs représentent une partie importante du
financement de ces services. En RDC, le coût de l’accès à la santé et à l’éducation est considéré
comme un obstacle primordial pour les pauvres.
126. L’expérience acquise par les pays en développement en matière d’exonérations de frais
indique que les systèmes qui rémunèrent les prestataires pour le manque à gagner généré par les
exonérations accordées, réussissent mieux que ceux qui demandent aux prestataires d’absorber le
61
coût des exonérations36
. De plus, la performance s’améliore avec la rapidité du remboursement.
D’autres facteurs de succès sont, entre autres : la large diffusion des informations parmi les
bénéficiaires potentiels sur la disponibilité de l’exonération et les procédures ; l’octroi de soutien
financier pour les coûts autres que les frais, tels que les vivres, le transport, les fournitures et les
matériaux; et l’existence de critères clairs pour l’octroi des exonérations, qui réduit ainsi la
confusion chez les personnes responsables de la gestion du système et chez les bénéficiaires
potentiels.
127. Programmes identifiés. Il existe un seul programme national ciblé d’exonération de
frais opérationnel en RDC: le certificat d’indigence (appelé aussi attestation d’indigence) délivré
par le MINAS. Un arrêté de 1991 prescrit qu’il faille attribuer un certificat d’indigence aux
individus vulnérables afin de les aider à accéder aux services, moyennant une exonération
spécifique des frais. Ce certificat est plus couramment utilisé dans les services de santé, mais
peut s’appliquer à d’autres services payants, dont les taxes, les dépenses funéraires municipales,
les frais de justice, l’accès à l’éducation, et ainsi de suite.
128. Objectifs. L’objectif général du programme est de faciliter l’accès aux services sociaux
essentiels par les personnes les plus vulnérables, en reconnaissance du fait que le coût constitue
pour eux un empêchement.
Tableau 10: Distribution des
Attestations d’indigence, 2013
129. Couverture. Le certificat d’indigence est un programme
national. La couverture de 2013 était estimée à environ 5 604
personnes (tableau 10), dont plus des deux tiers à Kinshasa.
Aucun quota ou budget n’est fixé pour la carte d’indigence.
Malgré la forte population cible, en réalité, la carte d’indigence
est relativement peu utilisée. Ainsi, la Division de l’Action
sociale du Bas Congo (DIVAS/Bas Congo) a informé l’équipe
que sur 640 formulaires envoyés aux différents bureaux de
l’intérieur (en raison de 40 à chacun de leurs 16 bureaux
locaux), seules 131 demandes ont été reçues en 2013.
130. Mécanismes de ciblage. Les directives relatives au
ciblage ne sont pas claires. L’arrêté de 1991 définit les indigents
et les fonctionnaires comme bénéficiaires-cibles. Il est
généralement admis que le ciblage doit s’appliquer aux enfants
vulnérables, aux femmes, aux personnes du troisième âge, aux
déplacés et aux réfugiés. Alors que l’arrêté indique que les
fonctionnaires (jusqu’au niveau de directeur) y ont accès, cela
n’est pas uniformément compris. Chaque DIVAS applique des
catégories choisies de bénéficiaires-cibles. Par exemple, le Sud
Kivu cite les OEV, les personnes déplacées, les personnes âgées
et les personnes affectées par le VIH/SIDA.
131. Le ciblage s’appuie essentiellement sur l’établissement 36 Enseignements tirés des filets sociaux, site web de la Banque mondiale.
Province Bénéficiaires
Kinshasa 3808
Bas-Congo 163
Bandundu 450
Équateur n.d
Kasaï-
Occidental
113
Kasaï-Oriental 494
Katanga 369
Maniema 88
Province
Orientale
82
Nord-Kivu n.d
Sud-Kivu 37
TOTAL 5 604
62
de larges catégories de populations éligibles ; chaque demandeur reçoit une visite de suivi d’un
agent social du MINAS (tableau 11). Il n’existe pas de publication officielle des directives du
programme, ni de sensibilisation aux bénéficiaires potentiels. Les bénéficiaires potentiels
contactent directement soit la DIVAS en province, soit la Direction des Affaires Sociales (DAS)
au niveau central, généralement en envoyant des requêtes écrites. L’enquêteur social doit rendre
visite au ménage, mais bien souvent, il/elle ne dispose pas de moyen de transport.
Habituellement, les demandeurs doivent se rendre au bureau de la DIVAS ou de la DAS, selon
l’échelon, ce qui constitue une barrière à l’accès au programme.
Tableau 11: Mécanismes de ciblage des attestations d’indigence
Mécanismes de
ciblage
Description
Auto-sélection L’individu se présente lui-même au bureau soit de la DAS, soit de la
DIVAS. Toutefois, une enquête sociale est préalable à toute prise en
charge.
Ciblage catégoriel Veuves, personnes âgées, personnes vivant avec handicap, orphelins,
déplacés du fait du conflit, etc.
Ciblage à base
communautaire
Il arrive aussi que la communauté saisisse le bureau soit de la DAS, soit
de la DIVAS. Toutefois, une enquête sociale est préalable à toute prise
en charge.
Évaluation des
ménages par les
travailleurs sociaux
Effectuée à travers une enquête par les travailleurs sociaux pour
confirmer la vulnérabilité. Descente sur le terrain afin d’évaluer les
conditions du ménage avant la prise en charge.
132. Mécanismes opérationnels. Le certificat d’indigence est par la DIVAS ou de la Division
urbaine des Affaires sociales (DUAS) ou encore de la DAS au niveau national. Le certificat varie
dans son application : parfois, il est délivré par année renouvelable, parfois pour la vie, parfois
encore pour couvrir les coûts d’un évènement précis. Aucune directive claire n’est établie à cet
effet. Il n’existe pas non plus de paramètres sur le niveau de service autorisé. Il existe au niveau
ministériel plusieurs approbations de cas de personnes qui sont transférées à l’étranger pour des
soins médicaux, à un coût très élevé.
133. La politique officielle est que la carte d’indigence peut être obtenue gratuitement.
Toutefois, on rapporte que cette carte se vend parfois pour une somme comprise entre 10 USD et
20 USD, comme c’est le cas au Bureau des Affaires sociales de Kikwit dans la province du
Bandundu. La DIVAS de Matadi a déclaré qu’elle le délivre contre remise de 10 000 francs
congolais.
134. Ces exonérations de frais devraient assurer, en théorie, l’accès gratuit aux services, mais
dans la pratique, des différences se font jour. Officiellement, les centres de santé doivent être
remboursés à travers les budgets provinciaux. Toutefois, des arriérés de remboursement de deux
à trois ans sont courants, et plusieurs centres de santé n’en reçoivent jamais. Par ailleurs, il
n’existe pas de système formel transparent associant les services au remboursement des cartes
d’indigence individuelles. Cette situation a créé la confusion et une absence de transparence dans
le système au niveau des prestataires de services. En conséquence, ces subventions de frais ne
sont généralement pas reconnues ni dans les cliniques de santé privées, ni dans celles des ONG.
63
Dans les hôpitaux publics, elles peuvent être reconnues, mais les patients paient dans tous les cas
le prix des médicaments et d’autres matériels. La DIVAS/Bas-Congo a déclaré qu’en théorie ces
exonérations de frais étaient applicables au transport grâce à un accord avec l’association des
chauffeurs du Congo, mais il n’y a pas eu de campagne de sensibilisation sur cet arrangement, et
les mécanismes de remboursement ne sont pas clairs. Dans les provinces de l’Est, et
particulièrement au Nord Kivu et au Sud Kivu, les DIVAS ont déclaré que certaines structures
privées à caractère social bénéficient des exonérations des frais d’électricité et des factures d’eau
de la Regideso. Ces exonérations des factures d’eau ont avoisiné 4 000 USD au cours de l’année
2013.
135. Le système administratif de délivrance des certificats d’indigence est manuel car il
n’existe pas de registre informatisé. Il n’y a pas non plus d’estimations de coûts qui soient
vérifiées et budgétisées pour remboursement. Ceci représente un passif éventuel du MINAS qui
accuse souvent des arriérés vis-à-vis des prestataires de services, mais des informations
consolidées sur les demandes non réglées ne sont pas disponibles.
136. En général, la communication avec le public relativement à l’attestation d’indigence n’est
pas très répandue, que ce soit sous forme de publicité ou de sensibilisation des groupes
potentiellement éligibles, ou à travers les media. Lors des visites de terrain, il ressort des
discussions tenues avec les ONG locales s’occupant d’OEV et d’autres groupes vulnérables, que
peu d’organisations et de personnes incluses dans les populations-cibles connaissent ou utilisent
les attestations d’indigence.
137. Le MINAS envisage la révision des réglementations pour la carte d’indigence et la
délivrance d’une carte spécifique avec des identifiants personnels. Parmi les bénéficiaires
figureraient : les OEV, les personnes vivant avec handicap, les femmes sans assistance (veuves,
femmes chefs de ménage), les chômeurs sans assistance, les personnes vivant avec le VIH/SIDA,
les personnes atteintes de maladies mentales, les personnes du troisième âge sans assistance
(femmes de 62 ans, hommes de 65 ans). Des termes de référence produits par le DAS concernant
cette révision sont déjà disponibles, et l’activité est en quête de financement.
138. Coûts et financement. Les dépenses du MINAS pour ce programme ne sont pas
enregistrées sous forme d’informations consolidées. Les hôpitaux publics et autres prestataires
de services doivent soumettre des demandes de remboursement au budget provincial qui
devraient être financées à partir du poste budgétaire «aide et secours». Toutefois, le processus de
remboursement ne fait pas l’objet de suivi transparent.
139. Impacts et résultats. Le MINAS n’a pas mené d’évaluation du programme, ni établi de
rapports sur les résultats ou/et les impacts du certificat d’indigence sur la population desservie.
140. Enseignements acquis. La carte d’indigence telle qu’elle existe actuellement n’est guère
efficace en tant que mesure de filet social. Concrètement, elle a très peu d’usagers, du fait des
frais fréquemment appliqués qui la rendent inaccessible aux plus pauvres, mais aussi à cause du
manque d’information diffusée au public quant aux critères d’admissibilité.
64
141. Une réforme profonde du programme est nécessaire. Des registres informatisés des
bénéficiaires, un ciblage et des processus de sélection transparents, ainsi qu’un système efficace
de remboursement doivent être établis pour que le programme puisse fonctionner comme prévu.
En outre, la carte d’indigence devrait être relié aux autres types d’assistance offerts par le
MINAS ou par d’autres agences, afin de mettre en place un système holistique et coordonné de
gestion des cas, mais aussi d’éviter tout problème de double ponction.
C. Transferts monétaires
142. Les transferts directs aux ménages, que ce soit en numéraire, en vivres ou autres matériels
de base, constituent généralement une composante centrale de tout système national de filets
sociaux. En fait, si l’assistance alimentaire a été un moyen traditionnel pour stabiliser la
consommation de base en Afrique sub-saharienne, les transferts monétaires sont de plus en plus
utilisés pour protéger les ménages vulnérables en leur assurant une consommation régulière face
aux crises ou en cas de pauvreté chronique. Une étude datant de 2010 a identifié 123
programmes de transferts monétaires opérant depuis l’année 2000, dans 34 pays africains37
.
143. L’ensemble de l’expérience en matière de transferts monétaires tant conditionnels
qu’inconditionnels sur le continent africain, démontre que cet instrument peut être un filet social
d’une bonne efficacité. Les programmes répertoriés ont tendance à être de petite envergure et à
court terme ; ils devraient être reproduits à plus grande échelle pour devenir des programmes
nationaux. Une question-clé sera d’établir des mécanismes solides de ciblage, de gouvernance et
de contrôlabilité. L’adoption de pratiques innovantes telles que l’utilisation du téléphone mobile
et d’autres nouvelles technologies promet une extension potentielle considérable de la couverture
des transferts monétaires dans des zones actuellement difficiles d’accès38
.
144. Programmes identifiés. L’usage des transferts monétaires est émergent en RDC et reste
lié à la réponse humanitaire dans l’est du pays. L’UNICEF a lancé en 2010 un programme
humanitaire et d’aide à la transition intitulé Alternative Responses for Communities in
Crisis (Solutions de rechange pour les communautés en crise), ou ARCC, financé par le DFID.
L’ARCC a piloté des mécanismes novateurs pour l’aide humanitaire, y compris les transferts en
espèces et quasi-espèces (coupons), en partenariat avec plusieurs ONG. Le programme utilise
principalement l’approche des coupons dans les foires aux Articles de ménage essentiels
(AME)/Abris/Moyens de subsistance, mais aussi en mettant à l’essai des programmes-pilotes de
l’approche coupons dans les AME/Abris/Moyens de subsistance en marché ouvert, et les
transferts monétaires inconditionnels. Les enseignements tirés de ces expériences ont permis
d’élaborer l’ARCC 2, qui a été lancé en 2013 pour toucher les groupes les plus vulnérables mais
également pour étudier de plus près, et expérimenter des modalités opérationnelles pour les
transferts monétaires en RDC.
145. D’autres partenaires financent les transferts monétaires/coupons. Le PAM utilise les
transferts monétaires directs depuis plusieurs années, Il a financé en 2013 en particulier des
programmes de transferts monétaires/coupons qui ont été exécutés par des ONG partenaires39
.
37
Garcia et Moore (2010) 38 Stratégie de protection sociale en Afrique, Banque mondiale 2012-2022. 39 Programme alimentaire mondiale. Cash and Vouchers –PAM/RDC, juillet 2013.
65
ECHO finance aussi des programmes de transferts monétaires/coupons gérés par des ONG, tels
que le NRC et AVSI dans le cadre du programme de Réponse rapide au mouvement de
populations (RRMP). Par ailleurs, des programmes de transferts monétaires sont mis en œuvre à
travers les DIVAS au niveau provincial. À Kikwit dans le Bandundu par exemple, la DIVAS a
signalé des transferts mensuels de 10 000 francs congolais à 750 veuves, orphelins et militaires
inactifs, sans toutefois que l’information sur la procédure de sélection ne soit documentée. Les
informations sur des interventions similaires dans d’autres provinces ne sont pas non plus
disponibles ; le travail du MINAS n’a pas été inclus dans la revue détaillée40
.
Tableau 12: Programme des transferts monétaires inclus dans cet État des lieux
Organisation/
Programme
ONG partenaire Niveau de collecte
d’information
National Nord
Kivu
Sud
Kivu
UNICEF/DFID/ARCC2 Solidarité internationale, Concern,
AVSI, Mercy Corps
X X X
ECHO (RRMP) NRC, AVSI, IRC X
PAM CARITAS, AVSI, CARE, Oxfam
GB, DKH, ADSSE, VIPATU,
GFD, AFECOPAD, IEDA,
X
146. Objectif. Les programmes de transfert monétaire visent à satisfaire des besoins
immédiats. Dans le contexte humanitaire, ils servent à stabiliser la consommation et répondre
aux besoins de base présents. Par exemple, l’objectif principal d’ARCC2 est de satisfaire les
besoins prioritaires des populations confrontées aux impacts à long terme de la crise humanitaire.
Il a pour objectif secondaire de générer des données et des preuves de l’efficacité et de la
pertinence de ses méthodes dans différents contextes et secteurs. Les programmes de transfert
monétaire/coupons du PAM soutiennent la sécurité alimentaire des populations déplacées.
147. Couverture. Le présent État des lieux a estimé un niveau de couverture annuelle
d’environ 460 000 bénéficiaires en RDC.
a) Dans la première phase du programme, ARCC1 a touché 22 930 familles (114 650
personnes) en 2011. ARCC2 ambitionne d’aider 34 000 familles vulnérables (170 000
personnes) affectées par la crise dans l’est de la RDC pour mieux satisfaire les besoins
essentiels prioritaires, accéder aux services de base (éducation, santé, protection) et
investir dans les moyens de subsistance à travers des interventions monétaires, y compris
la nutrition améliorée pour 1 500 enfants âgés de moins de 5 ans, la scolarisation de
12 000 enfants et l’assistance à 1 500 victimes de violence basée sur le genre et autres
femmes vulnérables. Les phases-pilotes de l’ARCC2 ont été mises en œuvre par trois
40 Le MINAS effectue également des versements en numéraires à certains groupes vulnérables, par exemple à travers ses
responsabilités dans le cadre de la Coordination nationale de l’encadrement et de la paie des militaires inactifs des forces armées
de la RDC (CPMI/FARDC). Chaque mois, les transferts monétaires sont effectués directement aux militaires inactifs et à leur
famille (veuves, orphelins) sur la base d’une évaluation des besoins. Ce programme touche 54 283 personnes par an, débourse au
total 10,3 millions d’USD, soit 189 USD par bénéficiaire. Étant donné que seuls les membres qualifiés sont issus de la fonction
publique et qu’il n’est pas largement disponible pour les ménages pauvres, ce programme constitue plus un programme
d’assurance sociale, et n’est donc pas spécifiquement étudié dans la présente analyse de l’assistance sociale.
66
ONG : Solidarité Internationale (Ituri, Oriental), AVSI (Sud Kivu) et Concern Worldwide
(Nord Kivu), travaillant directement dans les communautés ciblées. ARCC 2 fait
intervenir Mercy Corps au Nord Kivu, et impliquera Save the Children dans la province
du Kasaï Oriental.
b) Le PAM a touché 234 000 personnes avec des programmes de transferts monétaires/
coupons en 2013, travaillant avec : CARITAS (Maniema), AVSI (Sud Kivu), CARE,
Oxfam GB et DKH (Nord Kivu), ADSSE (Équateur) et VIPATU, AFECOPAD, IEDA, et
GFD (Katanga).
c) Les programmes de transferts en monnaie/coupons à travers le RRPM financés par
ECHO ont atteint 58 000 bénéficiaires.
148. Mécanismes de ciblage. L’usage des transferts monétaires en RDC a lieu principalement
dans des zones affectées par le conflit, où le ciblage est catégoriel puisqu’il concerne les
personnes déplacées et les communautés d’accueil. Cependant, les transferts monétaires ont été
également utilisés ailleurs dans le pays pour pallier les effets de l’insécurité alimentaire, lorsque
le coût du transport de l’aide alimentaire est prohibitif et que les produits alimentaires sont
disponibles localement. Quand les programmes de transfert ciblent les personnes déplacées, ils
reposent sur un système d’enregistrement : les ONG sont chargées de l’identification et
l’enregistrement des populations déplacées, pour élaborer ensuite des listes en concertation avec
les communautés locales.
149. Mécanismes opérationnels. Les programmes ARCC et ceux du PAM se sont concentrés
essentiellement sur les AME, que les bénéficiaires pouvaient acheter dans des foires avec des
coupons ou, à titre expérimental dans certaines localités, grâce à des paiements en espèce. Une
vaste gamme d’articles est vendue au cours des foires, y compris des matériaux pour la
construction des abris, et des articles liés à certaines activités génératrices de revenu telles que
les outils, les filets de pêche ou les semences. Les bénéficiaires ont eu 11 jours pour obtenir leurs
coupons, qu’ils pouvaient collecter soit tous à la fois, soit progressivement, selon leur préférence.
Ces coupons pouvaient également être utilisés pour payer les frais de scolarité et de santé.
150. Dans le cadre du PAM en 2013, 61% des transferts se sont faits sous formes de coupons
et 39% sous forme d’espèces, pour un montant moyen de 35 USD par bénéficiaire. Les transferts
en espèces ont été effectués soit en paiements directs, soit par téléphone mobile. Au total, 44%
des transferts du PAM ont été réalisés en numéraires, 22% en coupons papier, 18% en une
combinaison d’instruments, 11% en comptes espèces, et 6% en coupons électroniques.
151. Pour ce qui est des transferts monétaires de l’ARCC, les personnes déplacées vulnérables
sont identifiées par un processus de sélection et de négociations avec la communauté locale.
Elles sont ensuite enregistrées dans un registre informatisé, portant photo d’identification. Sur
présentation d’une carte d’identité à code ultraviolet, vérifiée par rapport au registre, le
bénéficiaire reçoit son paiement, en laissant une empreinte du pouce en reconnaissance du
paiement.
67
Une jeune bénéficiaire fait vérifier sa carte dans la base de données et se fait remettre de l’argent. Photo : Chris
Pycroft/DFID RDC.
Les montants et les modalités des transferts d’ARCC varient en fonction de la situation
géographique41
:
a) Sur le territoire de Djugu, Solidarité Internationale a assisté 1 000 personnes retournées à leur
lieu d’origine, rapatriées, déplacées, ainsi qu’à des familles d’accueil, avec des transferts de
110USD sous forme de coupons ou numéraires (maximum de 40 USD en espèces) à utiliser
dans les marchés de la ville (coupons de marché ouvert).
b) Dans l’Ituri, les bénéficiaires choisis parmi les déplacés les plus vulnérables, reçoivent
15 USD une fois par mois. Dans certains cas, les femmes reçoivent un versement initial en
espèces de près de 90 USD pour leur permettre d’acheter des animaux à élever, et ainsi
accroître leurs revenus.
c) Dans le Nord Kivu, l’ONG Concern organise des transferts pour un total de 135 USD par
ménage. Un programme pilote de transferts à long terme (11 mois), pour un total de 225
USD par ménage, est en cours d’exécution avec 20% des ménages bénéficiaires.
d) Également dans le Nord Kivu, Mercy Corps a exécuté son premier transfert monétaire sur le
territoire de Nyiragongo en 2014, versant une première tranche de 60 USD à 385 déplacés,
retournés et à des familles d’accueil au moyen d’un système mobile de transfert d’argent M-
pesa, géré par Vodacom ; le système M-pesa a aussi été testé avec Soficom pour transférer
120 USD par famille à 3 400 familles (soit 17 000 personnes). Mercy Corps a par ailleurs
testé un programme de coupon électronique par lequel près de 500 familles ont reçu 100
USD à utiliser dans les marchés ouverts, en se servant d’une carte qui pouvait aussi être
employée dans les écoles et centres de santé partenaires.
e) NRC et AVSI ont offert aux bénéficiaires des transferts monétaires leur permettant
d’effectuer tous types de dépenses. Le NRC a travaillé avec des institutions financières
locales pour assurer les transferts ; AVSI a traité avec Airtel pour les transferts dans le
41 Rapport sur l’assistance humanitaire mensuelle de l’UNICEF, juin 2014.
68
territoire de Fizi. Dans deux autres zones d’intervention, le NRC offrait un versement de 25
USD en plus des coupons de AME et des coupons de vivres, de sorte que les bénéficiaires
pouvaient utiliser les avoirs en espèce pour satisfaire d’autres besoins (exemple, paiement de
dettes, dépenses de santé)42
.
f) Les transferts en espèces par téléphone mobile (Airtel money) ont été effectués en faveur des
déplacés du Site de Mugunga 1 et du Lac vert dans la ville de Goma, avec l’appui du PAM.
152. Coûts et financement. Les dépenses totales d’ARCC2 en 2013 s’élevaient à 2,8
millions d’USD, sur financement de DFID. Le financement du PAM pour son programme de
transfert en espèces et de coupons atteignait 6 millions d’USD.
153. Impacts et résultats. Une transition marquée a pu être constatée depuis les
traditionnelles distributions de vivres et autres articles essentiels, vers les transferts en
espèces et quasi-espèces. Plus de 60% de l’assistance en non-vivres en RDC sont maintenant
fournis par des coupons monétaires à utiliser dans des foires de AME, ou des coupons
échangeables dans les marchés (programmes de «coupons ouverts»), ou sous forme de
transferts en espèces.
154. La plupart des transferts monétaires ont servi à l’achat de vivres. Le suivi post
distribution du programme de transfert en espèces/coupons du PAM indique que les coupons
dans l’Est et les transferts en espèce dans l’Équateur ont amélioré la diversité du régime
alimentaire des bénéficiaires et ont généré des gains pour les producteurs et les commerçants.
Dans l’ensemble, les transferts monétaires ont responsabilisé les populations bénéficiaires qui
avaient la liberté de choisir les produits qui correspondaient au mieux à leurs besoins. Leur
flexibilité permet aux bénéficiaires de se procurer les provisions essentielles, régler le loyer,
rembourser les dettes et payer les frais de scolarité.
155. Une évaluation qualitative réalisée sur l’utilisation des coupons dans l’Ituri indique que
les ménages les plus pauvres ont été en mesure d’acquérir des non-vivres qu’ils n’avaient plus
été capables d’acquérir depuis la fin du conflit, et certains ont même profité de l’initiative pour
améliorer leur logement. L’accroissement des surfaces cultivées et de la vente de la production
agricole locale a également été observé. Par-dessus tout, ARCC a favorisé de nombreux
investissements en capital et des initiatives endogènes de développement ainsi que la reprise
d’activités économiques non agricoles. Toutefois, les impacts ont été limités en raison de la
faible couverture (40% seulement des bénéficiaires ciblés) et du montant limité des transferts43
.
156. Enseignements acquis. L’expérience acquise dans le domaine humanitaire en matière de
transferts monétaires montre que ceux-ci aident les ménages pauvres à satisfaire leurs besoins
prioritaires, qui les apprécient en général car ils leur donnent un maximum de flexibilité dans la
manière de résoudre leurs difficultés matérielles. L’expérimentation à l’est de la RDC, qui a
permis de concevoir et mettre à l’épreuve des mécanismes opérationnels et d’utiliser les
nouvelles technologies telles que le téléphone mobile, peut être mise à profit pour le
42 Bailey 2014. 43
Pasquet, J. « Résultats-clés du projet ARCC exécuté par Solidarité Internationale en RDC ». Solidarité Internationale, décembre
2012.
69
Distribution de vivres dans l’est de la RDC ; photo:
PAM/Radio Okapi
développement des transferts monétaires hors du contexte humanitaire. Il serait important
d’évaluer les mécanismes de «nouvelles» modalités (transferts par téléphone mobile, distribution
en numéraire, coupons électroniques) en termes de coût, d’utilité, de transparence et d’efficacité
et de les comparer à la méthode coupon traditionnelle. Mais celle-ci reste adéquate dans de
nombreuses circonstances, par exemple lorsqu’il y a accessibilité au marché mais pas
d’institution financière qui soit capable d’assurer les transferts monétaires ni d’autre moyen de
les fournir qui soit faisable, voire souhaité. En revanche, lorsque les marchés ouverts ne sont pas
accessibles, les foires seront les plus appropriées.44
D. Transferts en nature
157. Les transferts en nature comprennent
notamment les programmes alimentaires tels
que le secours humanitaire et les cantines
scolaires. Les programmes alimentaires visent à
préserver les populations pauvres de la pauvreté
chronique et des effets des chocs, en particulier
dans des situations d’urgence lorsque d’autres
mécanismes ne sont pas disponibles. Les
cantines scolaires, elles, ont en outre des
bienfaits pédagogiques puisqu’elles elles
favorisent la scolarisation et peuvent améliorer
les performances des élèves. L’une des
difficultés pour ce type de programme est de
pouvoir assurer la disponibilité des vivres en
temps opportun lorsque les ménages sont dans
le besoin.
158. La RDC est l’un des pays qui a reçu le plus d’aide humanitaire au cours de la dernière
décennie, en grande partie pour faire face aux effets du conflit persistant à l’est. Pour la seule
année 2013, elle a reçu 740 millions d’USD45
. Au cours de la même année, le Plan d’action
humanitaire (PAH) a sollicité 282 millions d’USD de financement aux fins de soutenir la sécurité
alimentaire, ce qui représente près du tiers de tous les besoins humanitaires recensés pour cette
année-là ; l’essentiel de ces vivres était destiné aux personnes déplacées.
159. Programmes identifiés. Deux types d’assistance en nature sont pris en compte dans le
cet État des lieux:
a) les cantines scolaires : le PAM est le seul soutien important des cantines scolaires en
RDC ;
b) l’aide alimentaire en général46
: bien que l’objet de cet état des lieux ne soit pas de passer
en revue de l’assistance alimentaire humanitaire de manière détaillée, plusieurs
programmes-clés sont considérés pour en tirer les enseignements qui pourraient s’avérer
44 UNICEF RDC, Proposition ARCC2 – Résumé des conclusions des phases-pilotes ARCC1. 45 Suivi financier d’OCHA, 2013. 46 L’assistance nutritionnelle offerte pour lutter contre la malnutrition aigüe est considérée comme une intervention de santé et
n’est pas couverte par la présente revue des filets sociaux.
70
utiles pour la mise en place d’un filet social à long terme. Deux des principaux
programmes étudiés sont : (i) le Projet d’assistance alimentaire du PAM en faveur des
personnes déplacées et retournées au Nord Kivu (Protracted Relief and Recovery
Operations ou PRRO 200540) et (ii) l’assistance humanitaire de CARITAS aux familles
déplacées, victimes des catastrophes et du conflit.
160. Objectifs. L’objectif général des programmes d’assistance alimentaire est d’améliorer la
sécurité alimentaire et/ou de réduire la malnutrition. Quatre des objectifs spécifiques sont (a)
d’assurer une consommation alimentaire suffisante aux ménages en situation d’insécurité
alimentaire; (b) de protéger les moyens de subsistance des ménages vulnérables en situation
d’insécurité alimentaire; (c) d’améliorer le pouvoir d’achat des ménages et l’économie locale; (d)
et d’accroître et de diversifier l’alimentation des ménages en situation d’insécurité alimentaire.
Outre l’apport d’une assistance nutritionnelle aux enfants, les cantines scolaires visent aussi à
relever le niveau de l’éducation dans les écoles ciblées des zones de conflit.
161. Couverture. En 2013, les organisations d’aide humanitaire en RDC ont distribué des
vivres à plus de 3,6 millions de personnes (dont environ le tiers a été desservi par les
programmes pris en compte dans cette revue). Toutefois, cette aide était surtout concentrée à
l’est, dans les zones touchées par le conflit. Les cantines scolaires du PAM ont touché 854 546
enfants (402 198 filles et 452 348 garçons), ainsi que 19 138 enseignants. L’aide alimentaire
octroyée par le PAM avec le PPRO 200450 a soutenu 714 900 personnes, et 25 003 ménages
déplacés ont reçu des kits, des abris d’urgence, des intrants agricoles et de l’aide alimentaire de
CARITAS.
162. Mécanismes de ciblage. Ces programmes de transferts de vivres sont orientés vers des
populations vulnérables, notamment les élèves et les personnes déplacées internes (PDI). Les
deux types de populations sont «enregistrés», soit dans les écoles soit comme des PDI.
L’insécurité alimentaire, la malnutrition et la vulnérabilité des PDI sont évaluées avec la
participation des communautés bénéficiaires, les partenaires de la coopération et les partenaires
du gouvernement. Les PDI enregistrées sont contrôlées à travers des vérifications inter-agence.
CARITAS, quant à elle, utilise une méthode à base communautaire d’identification des
bénéficiaires éligibles.
163. L’accès aux repas scolaires et à l’aide alimentaire en général reste déterminé surtout par
le ciblage géographique: les cantines scolaires ciblent à la fois les écoles situées dans des
communautés rurales ayant plus de 40% d’enfants d’âge scolaire mais non scolarisés, et celles
des zones en urgence (affectées par les conflits) où l’on compte au moins 40% d’enfants
déplacés. La priorité est également accordée aux écoles qui pratiquent la gratuité de
l’enseignement primaire en vue de permettre aux enfants des parents pauvres d’accéder à
l’assistance (tableau 13).
71
Tableau 13: Mécanismes de ciblage pour l’assistance alimentaire
Mécanismes de ciblage Cantines scolaires Autre assistance alimentaire
Ciblage géographique Écoles dans des communautés
rurales ayant plus de 40 %
d’enfants d’âge scolaire non
scolarisés, ou dans les zones
affectées par les conflits ayant au
moins 40 % d’enfants déplacés
Zones géographiques sur la
base des besoins. Le PAM
inclut les communautés des
déplacés internes.
Ciblage catégoriel Enfants scolarisés PDI
Ciblage à base
communautaire
CARITAS identifie les
ménages vulnérables de
concert avec les communautés
Évaluation du bien-être
des ménages par
approximation (Proxy
means testing)
Enquête sur la vulnérabilité des
ménages en situation
d’insécurité alimentaire pour
les déplacés et les retournés
(PAM)
164. Mécanismes opérationnels. Le programme de cantines scolaires offre un repas chaud
par jour à chaque élève fréquentant l’école bénéficiaire pendant environ 10 mois par an, en
fonction du calendrier scolaire. Chaque repas a une valeur d’environ 0,2 USD, soit environ 5
USD par élève et par mois. Le PAM se charge de la livraison des vivres jusqu’au dépôt des
écoles ciblées, et des ONG partenaires assurent l’organisation et la supervision des activités,
rendant régulièrement compte au PAM.
165. Le programme d’aide alimentaire générale du PAM (PPRO 200450) est mis en œuvre
sur des contrats passés avec des ONG. Il fonctionne pendant trois mois suivant un calendrier de
distribution, publié pour informer les ménages bénéficiaires qui reçoivent les vivres sur les sites
de distribution. Les rations sont prévues pour apporter quotidiennement 2 132 calories par
personne. Au total, le ménage reçoit 555 grammes de vivres, composés de céréales (farine de
maïs ou riz), légumineuses (haricots ou petits pois), huile et sel. CARITAS utilise son réseau de
diocèses pour apporter une assistance alimentaire dans le cadre d’un ensemble de services.
166. Coûts et financement. Les coûts annuels des vivres distribués par le PRRO 200450
s’élèvent approximativement à 65 millions d’USD. Outre les coûts des vivres, d’autres coûts
directs —notamment ceux du transport, des frais de personnel, et les dépenses de fonctionnement
—sont évalués à 90 millions d’USD. Ces chiffres révèlent le coût élevé de la mise en œuvre des
transferts en nature, particulièrement au regard des coûts du transport en RDC. Les informations
sur le coût des cantines scolaires ou de l’assistance alimentaire de CARITAS n’ont pas été
rendus disponibles.
167. Impacts et résultats. L’assistance alimentaire a singulièrement contribué à la
stabilisation de la consommation et à la survie des populations vulnérables, surtout aux groupes
qui ont subi les conséquences des conflits. Quoique les données sur l’évaluation des impacts de
différents programmes soient indisponibles, il est généralement reconnu que l’aide alimentaire
est indéniablement pertinente dans les situations de conflit ou catastrophes naturelles où peuvent
72
INSÉRER PHOTO
survenir d’importantes perturbations des marchés. En outre, tous les acteurs s’accordent à dire
qu’elle a été effectivement touché les populations les plus vulnérables.
168. Enseignements acquis. L’assistance alimentaire à court terme est appropriée dans les
opérations humanitaires, particulièrement pour assurer la consommation de base des populations
déplacées. Mais les interventions alimentaires à long terme devraient être liées à des objectifs
plus larges, comme c’est le cas avec les repas scolaires, ou être intégrées dans un système plus
vaste de filets sociaux. Les cantines scolaires peuvent être par exemple un important facteur
d’attraction permettant d’accroître la fréquentation scolaire, problème crucial en RDC.
169. Toutefois, il ressort de l’État des lieux que le fait de baser les filets sociaux sur
l’assistance alimentaire comporte certains désavantages, et ce, d’autant plus que l’assistance
alimentaire a généralement des coûts de transport et de stockage élevés. Elle manque également
de la souplesse que l’on reconnaît aux programmes de transferts en espèces et de coupons, et
peut avoir des effets pervers sur l’économie locale dans les zones agricoles. Par ailleurs, pour les
zones où d’importantes proportions d’enfants d’âge scolaire ne vont pas à l’école, les impacts
des cantines scolaires risquent d’être limités.
D. Autre assistance sociale
170. Les services d’assistance
sociale répondent à un grand éventail
des besoins des groupes extrêmement
vulnérables. Par exemple, ils offrent
un hébergement aux enfants de la rue,
du soutien aux personnes vivant avec
handicap, et toute une panoplie de
services pour les femmes et enfants en
situation difficile.
171. Dans les pays africains, les
personnes ayant le plus besoin de prise
en charge sociale sont souvent les
personnes affectées par les conflits, y
compris les combattants démobilisés et
leurs familles, les réfugiés, les
déplacés internes, les orphelins et les personnes vivant avec handicap. Dans l’ensemble, les
services d’assistance sociale dépendent de ministères ayant dans leurs attributions le bien-être
social des personnes vulnérables, mais qui, d’ordinaire, manquent de ressources et de capacités
techniques pour offrir des services de qualité et une couverture suffisante. Ces ministères sont
secondés par des ONG et les organisations confessionnelles qui essayent de combler ces lacunes,
mais dans des proportions plus modestes et souvent de manière disparate.
172. L’assistance sociale tend à ne pas être considérée comme faisant partie des filets sociaux ;
elle offre en général des services intensifs intégrés, tels que la prise en charge plus ou moins
complète des orphelins et des personnes gravement handicapées. Il existe pourtant une relation
73
étroite entre assistance sociale et filets sociaux dans la mesure où cette assistance est souvent la
première, sinon la seule, à répondre aux besoins des personnes vulnérables. D’ailleurs, les
services intensifs intégrés peuvent devenir nécessaires à cause de l’absence de filets sociaux
efficaces, c’est à dire capables de jouer leur rôle de filets de sécurité en empêchant les personnes
vulnérables de tomber dans un dénuement abject. En réalité, il est nécessaire d’établir un lien fort
entre filets sociaux et services d’assistance sociale.
173. Programmes identifiés. Notre étude a retenu un certain nombre de programmes
d’assistance sociale qui, quoique que non exhaustifs, donnent un aperçu global de types
d’interventions. Ces programmes ciblent les OEV, les enfants déscolarisés ou jamais
scolarisés, les personnes du troisième âge et les personnes rendues vulnérables par les
conflits ou une forme ou une autre d’exploitation. Les organisations confessionnelles jouent
un rôle important en fournissant le plus souvent une large gamme de services, notamment la
gestion des écoles et des dispensaires. L’assistance sociale y est fournie dans le cadre d’une
approche plus intégrée des services47
.
174. L’alphabétisation et le rattrapage scolaire n’entrent pas d’ordinaire dans la catégorie des
filets sociaux. Pour autant, plusieurs programmes ont été inclus ici car ils font partie des
principaux services offerts par le MINAS ou font partie d’un ensemble plus vaste d’assistance
sociale fournie par les ONG et autres48
. Le tableau 14 présente la liste des programmes retenus
pour cette revue.
47
Il existe plusieurs projets de services intégrés liés à la lutte contre la violence basée sur le genre dans les zones de conflit. Selon
les estimations d’une étude de Douma et Hilhorst (2012), 300 à 400 organisations sont impliquées dans les programmes de lutte
contre les violences sexuelles en RDC, y compris les ONG congolaises, les ONG internationales et les agences onusiennes, ainsi
qu’un grand nombre de petites organisations communautaires dans les milieux ruraux. Un inventaire complet de ces programmes
sort du cadre de la présente revue. 48
La formation professionnelle non formelle n’est pas incluse ici, sauf si elle s’inscrit dans le cadre d’un ensemble plus large de
services d’assistance sociale, car ces programmes sont considérés comme des interventions du marché du travail.
74
Tableau 14: Programmes d’assistance sociale inclus dans l’État des lieux Organisation Programme/Projet Niveau de collecte d’information
Na
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rd K
ivu
Su
d K
ivu
OEV et personnes du troisième âge
MINAS Projet Enfants dits de la rue X X
MINAS Transferts aux institutions X
MINAS Division Action sociale/Divisions
urbaines
X X X X X X
Église du Christ au Congo
(ECC Kipwanza)
Kipwanza X
Église kimbanguiste Action sociale X X X X X X
Action Age - RDC (ex
HelpAge International).
Protection, santé et moyens de
subsistance aux personnes âgés
X
Alphabétisation/ rattrapage scolaire
MINAS Rattrapage scolaire X X X X X X
Caritas Scolarisation des enfants et
adolescents en dehors de l’école-
EADE
X
Victimes du conflit ou exploitation
Appui-conseils aux projets et
initiatives de développement
endogène (APIDE)
Situation des femmes et des enfants
dans les coopératives et concessions
minières artisanales
X
CADERCO Appui à la réintégration
socioéconomique des enfants sortis
des groupes armés et autres enfants
vulnérables affectés par le conflit
armé
X
CASPF Protection des familles et
accompagnement des vulnérables
(victimes d’injustices sociales)
X
Collectif des organisations des
jeunes solidaires du Congo-
Kinshasa (COJESKI)
Appui à la paix, la non-violence, la
démocratie, et à la cohabitation
pacifique entre groupes sociaux,
mouvements des jeunes et
communautés inter ethniques
X
Ensemble luttons contre le
SIDA (ELCOS)
Encadrement psychosocial et
professionnel des victimes des
conflits armés
X
Fondation Solidarité des
hommes (FSH)
Appui à la prévention et aux victimes
de violence sexuelle et à la
réinsertion socioéconomique des
enfants sortis des groupes armés et
autres OEV
X
Partenaires d’exécution
financés par l’USAID
[Comité international de
secours (IRC), Corps médical
international (IMC), Santé
mondiale (IMA)]
Mettre fin à la violence sexuelle par
la promotion d’opportunités et de
droits individuels (ESPOIR),
Programme soins, accès, sécurité et
autonomisation (CASE), Prévention
et protection contre la violence
sexuelle par la communication du
changement de comportement,
USHINDI
X
175. Objectifs. Tous les programmes d’assistance sociale considérés ont des objectifs à court
et à long terme. Ils cherchent à offrir une assistance immédiate, mais dans le cadre d’un faisceau
75
de services qui devraient permettre aux bénéficiaires de sortir de leur condition actuelle dans les
moyen et long termes. C’est la différence entre ces programmes et la plupart des programmes
d’aide humanitaire centrés plus sur le court terme. Certains des objectifs des programmes sont
décrits ci-après :
a) certains programmes visent le bien-être de groupes vulnérables précis, tels les OEV ou
les personnes du troisième âge ; par exemple, le Projet Enfants dits de la rue cherche à
améliorer les mécanismes de prévention et de soutien pour les enfants dits de la rue,
principalement à Kinshasa ; l’ECC Kipwanza vise la réduction de la pauvreté et le
relèvement du rang social et économique de la femme et des enfants délaissés dans
l’Église et dans la société du Bas Congo ; la DAS du MINAS cherche à contribuer à
l’amélioration de la situation socioéconomique des ménages et la réduction de la
transmission de la pauvreté entre les générations ;
b) les programmes de rattrapage scolaire entendent donner aux jeunes qui ont été
marginalisés la possibilité de poursuivre leur éducation, pour faciliter leur réintégration
économique et/ou l’accès à l’éducation secondaire ou à la formation professionnelle ;
c) les cours d’alphabétisation visent à apporter cette compétence essentielle aux personnes
qui ont été écartées du système éducatif formel, et favoriser ainsi leur accès au marché du
travail, aux systèmes et programmes officiels, aux droits légaux, aux services de santé et
autres services ;
d) pour les victimes de violence et d’exploitation, les objectifs vont de l’aide immédiate
dans le traitement du traumatisme à des objectifs à long terme, notamment une meilleure
protection juridique et une meilleure compréhension de leurs droits (par exemple pour les
jeunes impliqués dans l’exploitation minière artisanale, ou les veuves dans le Bas-
Congo), ou la réinsertion socioéconomique (par exemple pour les déplacées et les ex-
combattants), ou encore la réduction des risques de violence et d’exploitation.
176. Couverture. La plupart des programmes d’assistance sociale sont d’envergure assez
modeste, même ceux exécutés à travers les institutions officielles et les ONG ayant une
couverture nationale (tableau 15).
76
Tableau 15: Couverture des programmes d’assistance sociale
Organisation Estimation des bénéficiaires
directs (année la plus récente)
Couverture géographique
OEV et PTA
MINAS Projet Enfants dits de la
Rue 9 709 (37% de filles) Kinshasa
MINAS Division Action sociale 43 546 Nationale
MINAS Transferts aux institutions N.D. Nationale
Église du Christ au Congo (ECC
Kipwanza)
132 (78 % femmes) (projet dans
le Bas Congo, chiffres nationaux
n.d.)
Nationale
Église kimbanguiste
178 à Kikwit-
78 enfants sont internés
dans un orphelinat (Matadi)
Nationale
Centre Maman Kinzembo,
«CEMAKI» 200 OEV
Bas Congo (Kibuatu, Kinzoki
et Kitshaku)
ONG Action Age – RDC (ex
HelpAge International). 45 000 Nord Kivu
Alphabétisation/ rattrapage scolaire
Rattrapage scolaire du MINAS 62 030 (48% filles) secteur
public Nationale
MINAS Alphabétisation 94 028 (58% filles) secteur
public Nationale
Caritas EADE 11 500 (50% de filles) Province Orientale, Équateur,
Katanga et Kasaï occidental
Victimes du conflit ou exploitation
Appui-conseils aux projets et
initiatives de développement
endogène (APIDE)
4 286 (78% de femmes) Mwenga au Sud Kivu
CADERCO 296 (40% de filles) Masisi, Goma au Nord Kivu
CASPF 2 217 Matadi au Bas Congo
Collectif des organisations des
jeunes solidaires du Congo-
Kinshasa (COJESKI)
1 500 Nord Kivu
Ensemble luttons contre le SIDA
(ELCOS) 3 000 (80% de femmes) Nord Kivu
Fondation solidarité des hommes
(FSH) 420 (86% de femmes)
Lemera, Ruzizi, Minova,
Mwenga, Kalehe et Uvira au
Sud Kivu
Programmes de lutte contre la
violence basée sur le genre financés
par l’USAID
- 9 000 assistances holistiques
- 20 000 services de soutien
économique
- 4000 services juridiques
Nord Kivu, Sud Kivu,
Katanga, Province Orientale,
Maniema
Note : 2013 ou l’année la plus récente, selon les données disponibles.
177. Dans les services intégrés pour des groupes précis, le MINAS rapporte avoir touché près
de 44 000 personnes en 2013, dont la vaste majorité sont des OEV (tableau 16) ; HelpAge atteint
un nombre similaire de personnes âgées ; d’autres programmes sont de taille plus modique. Dans
la formation en alphabétisation, en 2012 le secteur public a donné des cours à 94 028 élèves,
77
contre 64 255 pour le secteur privé (à but lucratif)49
. Au total, plus de 94 000 filles ont reçu une
formation en alphabétisation, soit seulement 2% de la population des femmes illettrées âgées de
15 à 24 ans. Dans le programme de rattrapage scolaire, on compte 62 000 bénéficiaires desservis
par le secteur public en 2012; toutefois, même en incluant les 72 000 personnes desservies par le
secteur privé, moins de 2% des 7 millions d’enfants en âge d’aller à l’école primaire non
scolarisés sont couverts par les programmes de rattrapage. En définitive, l’assistance sociale
touche un très petit pourcentage des groupes vulnérables ciblés.
Tableau 16: Couverture des programmes d’assistance sociale du MINAS, par province
2013
PR
OV
INC
E
Orp
hel
ina
t
Cen
tre
d’h
éber
gem
ent
Pen
sio
nn
air
es
En
fan
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n
mil
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ou
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ou
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ha
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Cen
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ou
r
sou
rds-
mu
ets
Ho
me
de
vie
illa
rds
Pen
sio
nn
air
es
Ass
ista
nts
So
cia
ux
Total
Kinshasa 36
6
2
371 415
Bas-Congo 4
520 2 065
83 2 672
Bandundu 21 8 38
55 122
Équateur 11 212 3 980
2
8 80 4 293
Kasaï-
Occidental 10 44
40 94
Kasaï-
Oriental 6 32
3
21 73 66 201
Katanga
40
22
25
75 162
Maniema 4
150 5793 6 2
435 20 6 410
Province
oriental 5 5 5238
40 5 288
Nord Kivu 8 13 509 22350 5 2
970
23 857
Sud- Kivu 3 8
21 32
TOTAUX 108 362 11 405 30 208 44 4 48 516 851 43 546
178. Pour ce qui est de la couverture géographique, les activités de rattrapage scolaire et
d’alphabétisation du MINAS sont des programmes standards offerts sur tout le territoire à travers
les Centres de promotion sociale et des Centres d’alphabétisation. Les ONG confessionnelles
telles que CARITAS, l’ECC et l’Église kimbanguiste ont une forte présence sur tout le territoire
national, quoique leurs programmes dépendent généralement des diocèses locaux. Les
programmes destinés aux victimes de violence sexuelle ou d’exploitation, se trouvent surtout
dans les provinces orientales de la RDC.
49 Il existait 2 761 centres d’alphabétisation en 2012/13, contre 1 508 l’année précédente, concentrées dans les
provinces les plus pauvres. Le tiers des cours est dispensé par le secteur privé à but non lucratif. Dans le secteur
public, les organisations confessionnelles assurent 57 % et le MINAS couvre le restant.
78
179. Mécanismes de ciblage. Tous ces programmes sont essentiellement basés sur le ciblage
catégoriel, notamment ceux qui concernent les orphelins et les enfants vulnérables. Ceux-ci sont
définis comme étant les enfants qui manquent de soutien parental et familial, en raison de
maladies, de décès ou de désertion. Les personnes affectées par le conflit ou l’exploitation, telles
que les victimes de violence sexuelle ou les enfants sortis des forces et groupes armés font
également l’objet d’un ciblage catégoriel. Par ailleurs, de nombreux programmes exécutés par les
ONG recourent au ciblage à base communautaire, en impliquant des comités locaux, des groupes
communautaires, ou des volontaires communautaires qui établissent le contact pour identifier les
bénéficiaires. En effet, de par la nature de leur vulnérabilité, les enfants sans soutien familial ou
les femmes victimes de violence sexuelle, par exemple, ne sont pas en mesure de rechercher ces
activement services. Enfin, la sélection des bénéficiaires peut être effectuée par agents sociaux,
qui déterminent l’éligibilité et le type d’assistance nécessaire.
180. Mécanismes opérationnels. Généralement, les programmes d’assistance sociale visent à
fournir plusieurs services, tels que le soutien psychologique, la scolarisation, les soins de santé,
l’hébergement, l’alimentation, le renforcement des capacités des prestataires de services et, dans
certains cas, l’élaboration ou la révision des cadres juridiques et réglementaires50
. Les
programmes de lutte contre la violence sexuelle et sexiste combinent généralement des activités
psycho-sociales, médicales, juridiques et économiques en faveur des personnes affectées.
Cependant, les acteurs recourent à diverses modalités opérationnelles dont les plus courantes
sont décrites ci-dessous :
a) Pour les programmes à base communautaire, il existe deux modalités : soit les ONG les
mettent en œuvre directement, soit les programmes sont sous-traités. Par exemple : le
Projet Enfants dits de la rue du MINAS opère à travers huit ONG, tant internationales que
nationales, qui reçoivent des contrats de services d’un ou deux ans.
b) Le soutien direct du gouvernement aux institutions non-gouvernementales ou quasi-
publiques. Dans son budget annexe, le MINAS a prévu des versements à l’endroit de 42
institutions de prise en charge sociale. Mais, selon le personnel du MINAS, seules six ou
sept institutions ont effectivement reçu ce soutien.
c) L’appui aux personnes vulnérables (aides et secours) du MINAS se fait de trois
manières : (i) aide financière ou matérielle aux sinistrés, refoulés, rapatriés, indigents,
nécessiteux, entre autres ; (ii) aide en nature (alimentaire) aux malades, enfants malnutris,
sinistrés, refoulés ; et (iii) aide à la réinsertion socioprofessionnelle (matérielle ou
financière) des personnes vulnérables.
d) Les programmes de rattrapage scolaire et d’alphabétisation organisés par le MINAS sont
mis en œuvre et exécutés par le personnel du MINAS ou par des ONG contractuelles.
181. Dans tous les cas, la majorité de ces programmes établissent différents types de comités
locaux composés des autorités locales et des responsables communautaires, des représentants des
50 C’est dans ce contexte qu’il convient de signaler que le Projet « Enfants dits de la rue » du MINAS a aidé à
accompagner le processus d’élaboration de normes et standards de prise en charge des enfants en situation difficile,
qui ont été mis à la disposition de tous les intervenants du secteur de la protection de l’enfant en RDC.
79
organisations confessionnelles et de la société civile. Ces comités veillent à la sensibilisation et
au suivi de la population vulnérable et des services reçus, afin de mieux intégrer ces services
dans les communautés locales.
182. Coûts et financement. Notre étude a considéré les coûts totaux de la plupart des
principaux programmes visités. Le montant annuel du financement de ces programmes est
estimé à 13 millions d’USD. Le Projet Enfants dits de la rue reçoit la plus grosse part du
financement total, soit 10 millions d’USD, dont 4,3 millions consacrés aux services de prise en
charge, soit 860 000 USD par an.
183. Le MINAS budgétise environ 35 000 USD en transferts par institution de prise en charge
sociale, soit près de 1,4 million de USD, bien que le montant des transferts effectivement
exécutés en 2013 soit estimé à moins de 250 000 USD. Quant aux activités de lutte contre la
violence sexuelle ou basée sur le genre, financées par l’USAID dans l’Est du Congo, leurs coûts
avoisinent en moyenne 11,2 millions d’USD par an, soit environ 2,8 millions de USD par
programme par an. Enfin, les budgets annuels des programmes des ONG locales comprises dans
la présente revue allaient de 3 000 USD à 200 000 USD.
184. Même si le niveau global du financement de ce domaine soit relativement faible, et que le
taux de couverture soit également faible, les services peuvent en fait revenir à un coût unitaire
élevé, le coût annuel par bénéficiaire étant compris entre 15 USD et 550 USD par an51
. Il est très
difficile de faire des comparaisons entre les programmes vu la différence dans la variété et
l’intensivité relative des services offerts. Mais on constate surtout que, comparativement à
d’autres programmes, la part des coûts connexes (frais de personnel et frais généraux), qui
représente de 30% à 50% des dépenses (là où ces informations sont disponibles) est
généralement élevée.
185. Impacts et résultats. La plupart des programmes affichent leurs résultats sur le nombre
des bénéficiaires ou de communautés locales soutenues, entre autres. Mais il existe très peu
d’études d’impact sur l’amélioration de la vie des bénéficiaires (achèvement de la scolarité, etc.)
186. Enseignements acquis. Les programmes d’assistance sociale disposent de peu de
financement ou de couverture par rapport à l’éventail des groupes vulnérables décrits dans la
Stratégie nationale de protection des groupes vulnérables de 2004. Les coûts unitaires sont élevés
en raison du niveau de service nécessaire qui implique plus de contact direct avec les
bénéficiaires et d’interactions à long terme.
187. En partie, cette assistance sociale plus intensive est nécessaire pour pallier la carence,
sinon le vide laissé par l’abandon de tous les acteurs traditionnels de premier plan : la famille
(orphelins), la société (conflit), l’État (manque de services). L’assistance sociale semble être de
nos jours un dernier ressort, mais c’est souvent aussi le seul, pour une population très
nécessiteuse. Mais en même temps, c’est malheureusement une option coûteuse.
51
Le coût par bénéficiaire pour le programme financé par l’USAID ne pouvait pas être calculé car les différents
ensembles de services, notamment les campagnes de communication, les services psychologiques directs, etc., ne
s’y prêtaient pas.
80
188. Dans l’optique d’améliorer l’offre de l’assistance sociale en RDC, il est nécessaire d’en
évaluer les résultats et de mener des études d’impact afin d’identifier les approches efficaces
ainsi que les modèles susceptibles d’être reproduits à grande échelle, et ainsi de toucher une plus
grande part de la population nécessiteuse.
189. Enfin, les normes et standards de prise en charge des enfants en situation difficile, tels
qu’élaborés dans le cadre du Projet Enfants dits de la rue, peuvent aider à uniformiser les
services, améliorer la qualité et parvenir à des coûts unitaires raisonnables, en particulier ceux
financés par l’État.
E. Résumé
190. Cette revue détaillée a inventorié les principaux programmes de filets sociaux opérant en
RDC. Bien que les données soient incomplètes, la meilleure estimation de couverture (tableau
17) montre que le pays dispose actuellement d’une capacité très réduite de protection par le biais
de filets sociaux. De plus, la majorité des programmes identifiés est concentrée dans la partie Est
du pays, ce qui signifie qu’une très grande proportion de Congolais pourtant éligibles reste avec
peu, voire aucune assistance de ce type. Afin de lutter contre l’extrême pauvreté, l’insécurité
alimentaire et d’autres formes de vulnérabilité observées dans le pays, une répartition beaucoup
plus équitable des interventions doit nécessairement être effectuée.
Tableau 17: Estimation de la couverture actuelle des programmes de filets sociaux
Type de programme Estimation de la couverture
annuelle
Comparaisons par rapport aux
populations cibles
Travaux publics
HIMO
Moins de l’équivalent de 100 000
personnes/an engagées dans les
projets HIMO
8.6 millions de chefs de des
ménages vivent en-dessous du seuil
de pauvreté
Exonération des frais Environ 2 000 36 millions dans la pauvreté
extrême
Transferts en espèces
et quasi-espèces
Environ 460 000 2,8 millions de personnes déplacées
Assistance
alimentaire
3,6 millions (total des humanitaires)
Cantines scolaires 850 000
28 millions de personnes en
situation d’insécurité alimentaire
rurale
Autre assistance
sociale
Moins de 500 000 8,2 millions d’OEV
191. De nombreuses instances offrent des services de type filet social, à petite échelle ou dans
des régions circonscrites pour la plupart. Ces organismes et institutions travaillent sans aucune
inter-coordination, ce qui produit une série d’actions juxtaposées qui ne sont pas intégrées dans
une stratégie d’ensemble. Néanmoins, les mécanismes de ciblage et les systèmes opérationnels
ont été suffisamment testés pour permettre une reproduction à grande échelle des programmes de
plusieurs types de filets sociaux. Actuellement, ces programmes bénéficieraient tous de la
conduite d’évaluations détaillées afin d’estimer et de comparer leur coût-efficacité, ainsi que leur
capacité à améliorer la situation socioéconomique des populations vulnérables.
81
VI. Financement des filets sociaux
Le contexte des dépenses au titre des filets sociaux en Afrique
192. Dans les pays en développement, le niveau de dépenses consacrées aux filets sociaux
représente une moyenne de 1% à 2% du PIB, soit près de la moitié du pourcentage des pays
industrialisés52
. Par ailleurs, la majorité des pays africains, surtout ceux à faible revenu, allouent,
comparativement aux autres pays du monde à faible revenu, des niveaux de dépenses encore plus
bas aux filets sociaux. En effet, une étude récente de la Banque mondiale sur les filets sociaux en
Afrique indique que ces dépenses représentent en moyenne environ 1,7% du PIB (fonds des
bailleurs et du gouvernement cumulés) et 4,4% du total des dépenses publiques (niveau central).
Dans les pays africains à faible revenu, ces taux tombent à 1,2% du PIB et 3,7% du total des
dépenses publiques.
193. L’essentiel des dépenses est affecté aux programmes d’urgence et d’aide alimentaire, ou
aux transferts à certaines catégories d’individus, les bailleurs internationaux apportant une large
part du financement. En effet, les bailleurs assurent 68% des dépenses de filets sociaux en
Afrique. Cette proportion augmente à près des trois-quarts si les pays africains à revenu
intermédiaire sont exclus du calcul, car ces derniers, tels que l’Afrique du Sud, utilisent leurs
propres ressources pour financer les pensions sociales au titre des personnes du troisième âge, et
les subventions au titre des enfants.
194. Si les dépenses de filets sociaux sont faibles sur le continent africain, par rapport aux
éléments de comparaison internationaux, elles ont toutefois augmenté au cours des dix dernières
années. En effet, plusieurs gouvernements ont répondu aux crises alimentaires, énergétiques,
économiques et financières à partir de 2008 en développant ou en élargissant des filets sociaux
existants. En outre, une nouvelle génération de filets sociaux à long terme a été lancée dans
plusieurs pays pour lutter contre la pauvreté chronique et l’insécurité alimentaire, tels que le
PSNP d’Éthiopie ou les programmes de transferts monétaires à travers tout le sous-continent. Les
bailleurs, considérant les filets sociaux comme un facteur de plus en plus important de la
réduction de la pauvreté, se sont aussi engagés davantage à financer ce type d’interventions.
Financement des filets sociaux dans le cadre des priorités globales du Gouvernement
195. La composition des dépenses indique que le gouvernement de la RDC a accordé un rang
relativement inférieur aux filets sociaux. Le DSCRP-2 (2011-2015), au chapitre 4, manifeste
l’intention du Gouvernement de faire de la réduction de la pauvreté une priorité à moyen terme,
en incluant même un plan indicatif de dépenses. Le DSCRP-2 établit un cadre de dépenses à
moyen terme (CDMT) qui présente les allocations des dépenses sur la base des projections
macroéconomiques de toutes les recettes (tableau 18). Plus de 40% des dépenses ciblent la
croissance économique et les initiatives de création d’emplois. Les services sociaux et le capital
humain représentent le tiers des dépenses programmées. Dans cette enveloppe, seul 1,4% à 1,8%
des dépenses totales est consacré à la protection sociale et au soutien des groupes vulnérables. Le
texte du DCSRP-2 explique en partie ce rang peu élevé par la nécessité d’élaborer au préalable
52 Christine Weig et Margaret Grosh 2008. Niveaux et composition des dépenses consacrées aux filets sociaux dans les pays en
développement et en transition - Document de discussion SP 0817
82
une stratégie nationale efficace de protection sociale, afin d’établir une échelle de priorité dans
les interventions.
Tableau 18: Allocations budgétaires sectorielles du DSCRP-2 2011-2015
Source : Ministère du Plan, 2011.
Dépenses de filets sociaux actuelles
196. Les dépenses actuelles affectées aux filets sociaux sont très modestes par rapport aux
normes internationales, et largement assurées par les bailleurs, avec un accent particulier sur la
crise humanitaire dans la partie orientale du pays53
. En 2012, le financement de l’ensemble de
l’action humanitaire représentait 1,6% du PIB54
. Près de 37% de cette proportion étaient destinés
à la sécurité alimentaire et au soutien aux besoins urgents de base, soit environ 0,6% du PIB.
197. Les estimations de l’ensemble des dépenses de filets sociaux demeurent approximatives,
étant donné: (i) la rareté des informations financières consolidées, (ii) les multiples sources
privées de l’assistance sociale, notamment les organisations confessionnelles et les ONG, et (iii)
le manque de précision et de cohérence dans la manière d’intégrer l’assistance humanitaire dans
les comptes (avec les filets sociaux, ou séparément). Si l’on considère les interventions
53 Ce chapitre ne considère pas les dépenses au niveau infranational par les gouvernements provinciaux et municipaux. Étant
donné que la décentralisation fiscale est de très petite envergure, l’essentiel des dépenses des filets sociaux se font à travers le
budget du gouvernement central ou les bailleurs de fonds. 54 Plan d’action humanitaire 2013, Nations Unies.
83
assimilables à des filets sociaux tels que définis dans ce document, ainsi que l’assistance
humanitaire dans les domaines de la sécurité alimentaire et des besoins essentiels, le total annuel
des dépenses de filets sociaux serait de 205 millions d’USD, soit 0,6 % du PIB. L’essentiel de ce
montant représente l’aide alimentaire dans le cadre de l’assistance humanitaire et est presque
exclusivement financée par les bailleurs internationaux.
Tableau 19: Estimations des dépenses consacrées aux filets sociaux (hors MINAS)
Type de programme Estimations des dépenses annuelles
Travaux publics HIMO Moins de 20 millions de dollars au maximum au cours des dernières
années, avec une forte variabilité annuelle
Subventions et exonérations des
frais
N.D.
Transferts d’espèces et quasi
espèces
Estimés à 9 millions de dollars au cours des toutes dernières années
Assistance alimentaire Assistance humanitaire totale de 164 millions de dollars en 2012 pour
la sécurité alimentaire et les besoins essentiels d’urgence
Autres assistances sociales 11,2 millions de dollars annuels pour les programmes examinés dans
cet État des lieux. Le montant total de l’assistance sociale est
inconnu.
198. Ces estimations ne comprennent pas les dépenses publiques de filets sociaux. Le budget
du MINAS représentait 1% seulement des dépenses publiques en 2013, et ce y compris les
dépenses dans les domaines des affaires sociales et d’assistance humanitaire (chapitres 64 et 70
du budget opérationnel), telles que présentées au tableau 20.
84
Tableau 20: Allocations budgétaires du gouvernement et dépenses en affaires sociales, assistance humanitaire et solidarité
nationale, 2009-2013 (milliers de dollars)
2009 2010 2011 2012 2013
Voté Payé Voté Payé Voté Payé Voté Payé Voté Payé
Grand total
(interne et
externe)
2 922 394 2 059 445 5 608 518 3 350 374 6 746 324 3 515 063 6 609 171 3 613 940 6 435 665 3 682 239
% du budget
total 0,5% 0,7% 0,7% 0,8% 1,5% 0,9% 1,0% 2,7% 0,7% 1,1%
Total Affaires
sociales et action
humanitaire
15 259 15 168 37 888 25 625 99 633 31 026 65 115 97 914 44 783 39 916
Affaires sociales 14 511 14 620 36 029 23 779 28 272 27 936 43 292 20 534 33 062 37 066
Actions
humanitaires et
solidarité
nationale
748 547 1 860 1 846 71 361 3 090 21 824 77 380 11 722 2 849
Interne
Affaires sociales 14 511 14 620 20 689 17 366 20 063 19 626 30 194 20 534 32 380 37 066
Actions
humanitaires et
solidarité
nationale
748 547 1 860 1 846 19 791 3 090 21 824 77 380 11 722 2 849
Externe
Affaires sociales 0 0 15 340 6 413 8 209 8 310 13 098 0 682 0
Actions
humanitaires et
solidarité
nationale
0 0 0 0 51,569 0 0 0 0 0
Source : Ministère des Finances
85
199. Pour permettre un examen plus détaillé du contenu des dépenses, le tableau 21 ci-dessous
présente l’évolution du budget de l’action sociale du MINAS et les dépenses réelles pour les cinq
dernières années. Les dépenses de personnel représentent près de 80% du total. L’absence de
dépenses sur les budgets de fonctionnement (hors dépenses de personnel) et les transferts a limité
l’impact et réduit la qualité des services d’assistance sociale offerts par le MINAS.
Tableau 21: Budget et dépenses du MINAS 2009-2013, en millions de francs congolais
*Cet investissement correspond à l’acquisition d'équipements médico-chirurgicaux de laboratoire et hospitaliers, ce
qui peut être une déclaration erronée dans le budget.
200. Si le total des dépenses de 2013 du MINAS pour la période de 2013 s’ajoute au calcul
des dépenses de filets sociaux ci-dessus, le total des dépenses de filets sociaux en RDC
représenterait près de 0,7% du PIB. Cette proportion est en-dessous de la moyenne des pays
africains à plus faible revenu. De même, à l’instar de plusieurs de ces pays, l’assistance
humanitaire alimentaire représente une part importante des dépenses de filets sociaux, qui
dépendent fortement du financement des bailleurs de fonds. Pour développer des filets sociaux
efficaces, la RDC devra entreprendre la tâche difficile d’obtenir suffisamment de financement
pour l’expansion des programmes existants, généralement de petite envergure, à l’échelle
nationale.
Total 2009 2010 2011 2012 2013 Moyenne
Rubrique Voté Payé Voté Payé Voté Payé Voté Payé Voté Payé %
Total 14 511 14 620 20 689 17 366 20 063 19 626 30 194 20 534 32 380 37 066
Rémunérations 12 551 12 719 15 317 16 492 17 429 19 220 21 219 17 857 22 106 20 012 79 %
Fonctionnement 1 305 1 089 1 625 367 1 549 292 2 000 1 954 2 198 704 4 %
Transferts et
subventions 655 812 2 008 506 834 114 3.904 723 3 863 455 2 %
Interventions
écon. soc. cult.
et scientifiques
155 8014 1 616 228 461 76 763 184 1 098 186
Subventions
aux organismes 500 11 392 278 373 38 3 141 539 2 765 269
Investissements 0 0 1 739 0 250 0 3 071 0 4 213 15 896* 15 %
Investissements
ressources
propres
0 0 1 739 0 250 0 3 071 0 2 013 15 831
Contrepartie
des projets 0 0 0 0 0 0 0 0 2 200 65
86
VII. Recommandations
201. En matière de protection sociale, l’expérience récente a montré que les filets sociaux
offrent un moyen abordable de répondre efficacement au problème de la pauvreté qui persiste
dans les pays africains à faible revenu. Dans un nombre croissant de pays, les formules de
protection ont évolué ; elles consistent de moins en moins en une juxtaposition d’interventions de
court terme pour devenir un ensemble de mécanismes plus durables et mieux coordonnés.
202. En RDC, une évolution semblable est nécessaire et le défi à relever est de passer d’une
situation caractérisée par la coexistence d’une série de programmes fragmentés, largement
concentrés sur l’assistance humanitaire dans les zones de conflit, à un système national, moderne
et intégré, de filets sociaux. Ce système devra être en mesure d’offrir un minimum de protection
sociale à un éventail plus large de populations vulnérables, et servir de pierre angulaire dans
l’effort de réduction de la pauvreté.
203. Le Gouvernement ne dispose pas, pour l’heure, d’une stratégie globale susceptible
d’orienter le développement des filets sociaux. Mais il existe fort heureusement une importante
expérience opérationnelle dans toute la gamme des grandes composantes d’un éventuel système
national de filets sociaux. Le présent chapitre propose quelques-unes des principales actions qui
pourraient permettre d’améliorer la couverture et d’accroître l’impact des filets sociaux en RDC.
Le coût du statu quo
204. L’absence d’un effort concerté pour étendre les protections de type filet social aux
groupes vulnérables présente un obstacle important au développement des ressources humaines
du pays, et la réalisation d’une croissance économique inclusive. L’inexistence de filets sociaux à
déployer en cas de chocs, et en tant que mesure de lutte contre la pauvreté chronique, est
notamment à la source du niveau d’indigence qui pèse sur le pays, et explique les conséquences
des actions d’adaptation négatives entreprises par les ménages concernés, telles que la
liquidation des actifs, le retrait des enfants de l’école, les soins de santé sacrifiés et les réductions
de la consommation calorique. En termes de capital humain et de bien-être des individus, ces
impacts peuvent s’avérer durables et engendrer un cercle vicieux en transférant la pauvreté à la
génération suivante. À l’opposé, le déploiement de filets sociaux efficaces peut permettre de
réduire la demande de services sociaux onéreux, tels que les programmes d’orphelinats, de
rattrapage scolaire et de récupération nutritionnelle. Mais l’intérêt majeur des filets de protection
est qu’ils contribuent à accroître la cohésion sociale, et même à réduire le risque de conflit
violent, car celui-ci correspond parfois à une réaction, de la part de certains groupes de
population, déclenchée en partie par le désespoir économique.
205. Il existe une forte corrélation entre la présence de filets sociaux et la croissance
économique. Les changements de niveau de dépenses au titre des filets sociaux sont positivement
associés aux changements enregistrés dans la croissance économique. À mesure que l’économie
d’un pays se développe, celui-ci a tendance à allouer une partie plus importante de son budget
aux filets sociaux. Qui plus est, l’ensemble des études menées récemment sur le sujet indiquent
que les dépenses en protection sociale sont utiles à la croissance économique. Ce fait peut être
d’autant plus important pour les pays où le niveau de dépenses en protection sociale est très bas.
87
Encadré 4 : Éléments essentiels d’un système national de filets sociaux
L’ensemble de principes de base ci-dessous pourrait sous-tendre les systèmes nationaux de filets sociaux, et plus
généralement les systèmes de protection sociale :
1. Pertinence : Les objectifs du système et la combinaison des filets devraient répondre aux besoins
particuliers du pays. Ils devraient reposer sur une analyse de données factuelles, des risques et des
vulnérabilités, et correspondre aux priorités mais aussi aux contraintes politiques et sociales.
2. Droits et dignité : Les lois et réglementations nationales devraient déterminer l’éventail, les conditions
d’accès et les niveaux des prestations. Les programmes et les prestations devraient être conçus et mis
en œuvre d’une manière qui respecte les droits et la dignité des populations ciblées. Ils devraient aussi
prévoir des procédures efficaces et accessibles de recours et d’appel.
3. Inclusivité : Un système de filets sociaux devrait assurer l’inclusivité, y compris la non-discrimination,
l’égalité entre les sexes, et la sensibilité aux besoins spéciaux de certains groupes, de manière à garantir
la protection de chacun. À cet effet, les opérations de ciblage devraient être élaborées soigneusement.
4. Proportionnalité : Le système devrait offrir des prestations et services qui soient réalistes et
proportionnels aux objectifs fixés.
5. Gouvernance : Les systèmes d’administration et de prestation devraient être précis, fiables, vérifiables
et transparents. Le système d’identification des bénéficiaires devrait être central et partagé par tous les
services et programmes.
6. Intégration et cohérence : Les objectifs, stratégies, plans, politiques et lois relatifs aux filets sociaux
devraient être en cohérence avec les politiques sociales et économiques connexes (p. ex. : en éducation,
santé, agriculture), et entre eux-mêmes. La coordination entre les institutions chargées de
l’administration et de la prestation devrait veiller à ce que la combinaison la plus efficace et efficiente
de programmes/prestations pour la gestion d’un risque donné, soit mise en œuvre. Le chevauchement
et la duplication devraient être minimaux.
7. Rapport efficacité-coût : Les systèmes de prestation devraient mettre en œuvre les programmes
existants avec le minimum de ressources requises pour atteindre l’impact souhaité.
8. Mesures incitatives : Les programmes devraient être conçus de manière à créer des mesures
incitatives pour que les personnes en âge de travailler ne développent pas une mentalité d’assistés, et
pour que les prestataires de services enrôlent et/ou acceptent tous les bénéficiaires éligibles et leur
offrent des services de bonne qualité.
9. Pérennité : Le système devrait être financièrement, fiscalement, économiquement et
institutionnellement durable.
10. Réactivité: Les filets sociaux devraient être flexibles afin d’évoluer et d’adapter la portée des
programmes à la lumière des développements sociodémographiques ou lorsque les chocs ou les crises
surviennent, mais aussi lorsque leurs effets s’estompent.
Des travaux menés par la Banque mondiale sur des ensembles de données pour la période 1996-
2009, ont montré que les dépenses moyennes au titre des filets sociaux se situaient entre 0,75%
du PIB pour les pays à plus faible revenu, et 5,82% du PIB pour les pays aux revenus élevés. Il y
a donc grandement intérêt à instaurer au plus tôt une base solide pour la mise en place de
programmes efficaces et évolutifs de filets sociaux.
206. Vision pour le long terme. De même que la plupart des pays du monde, la RDC devrait
poursuivre la mise en place progressive d’un système national intégré de filets sociaux. Étant
donné la situation actuelle, il est évident qu’un système national intégré est un objectif qui ne
peut s’inscrire que dans le long terme, et qui doit être soutenu par une vision claire et
partagée, et par une volonté politique ferme. Les principes qui pourraient sous-tendre la
formulation d’un tel système sont présentés dans l’encadré 4 et incluent, entre autre, une
attention à la pertinence, la dignité et les droits des personnes, la gouvernance, la
complémentarité avec d’autres interventions, le coût-efficacité, la flexibilité, la pérennité, et
la participation. Par ailleurs, la définition d’une vision pour le long terme devra passer par
l’identification des programmes adaptables les plus appropriés au contexte, et une estimation
de la couverture et du niveau d’effort possible.
88
Identification des programmes adaptables
207. Un système national de filets sociaux devrait être capable de répondre rapidement aux
besoins résultant d’une crise soudaine mais aussi de rétrécir par la suite, quand la crise s’atténue.
En RDC, très peu de ménages pauvres et vulnérables ont actuellement accès à des filets sociaux.
La tâche la plus importante serait d’identifier les programmes de filets sociaux appropriés et
adaptables, mais aussi la combinaison souhaitée de types d’interventions. Étant donné le contexte
de conflit en RDC mais aussi la fréquence de catastrophes, ces programmes devraient être
étroitement coordonnés avec l’assistance humanitaire, de manière à pouvoir prendre la relève dès
que les secours humanitaires prennent fin, et servir de passerelle (ou de tremplin) pour démarrer
un processus de développement à long terme
208. Pour être rentables et efficaces, les programmes devraient fonctionner à l’échelle
nationale, ce qui nécessiterait l’existence d’un socle de programmes standardisés mis en
application à travers le pays, plutôt que l’ensemble présent d’interventions à petite échelle, très
diverses et ponctuelles. Sur la base tant de l’expérience actuelle en RDC que des enseignements
tirés de l’expérience d’autres pays africains ayant reproduit avec succès des programmes de filets
sociaux à grande échelle, il semble que plusieurs types de programmes pourraient remplir cette
condition :
a) Transferts directs aux ménages ciblés (espèces, vivres ou une combinaison des deux). Les programmes de transferts monétaires prennent de plus en plus d’ampleur en Afrique
et ont été mis à l’essai de manière satisfaisante au cours des interventions humanitaires en
RDC. Bien que l’assistance alimentaire doive continuer de jouer un rôle important dans la
satisfaction des besoins des populations vulnérables, particulièrement dans le cadre de
l’action humanitaire pour nourrir les populations déplacées, les filets sociaux de long
terme devraient revêtir la forme de transferts monétaires. Ces derniers ont généralement
des coûts unitaires plus faibles que les transferts de vivres, et permettent une réponse plus
souple aux besoins divers des ménages pauvres. Les nouvelles technologies basées sur la
téléphonie mobile, combinées à l’utilisation des infrastructures bancaires privées,
pourraient apporter des avantages sensibles et une plus grande transparence dans les
mouvements de fonds (encadré 5).
b) Travaux publics à haute intensité de main-d’œuvre, pour constituer des actifs productifs
collectifs, tout en créant de l’emploi et des revenus de manière temporaire. Étant donné
l’état délabré des infrastructures en RDC, des travaux HIMO reproduits à grande échelle
pourraient simultanément améliorer les infrastructures nationales et promouvoir les
objectifs de protection sociale, en aidant les communautés pauvres à constituer des actifs
productifs, faciliter l’accès aux marchés et encourager le développement économique. Par
ailleurs, les travailleurs HIMO étant généralement des hommes très jeunes, ces
programmes pourraient s’inscrire dans le cadre des actions gouvernementales de
promotion de l’emploi des jeunes, et permettre de désamorcer les tensions sociales, tout
en réinsérant les ex-combattants dans la société à mesure que les conflits se résolvent.
89
c) Une extension du programme de cantines scolaires. Les programmes de cantine scolaire
peuvent favoriser la fréquentation de l’école et stabiliser la consommation chez les
ménages pauvres qui envoient leurs enfants à l’école. Parce que les programmes
desservent des écoles entières plutôt que des individus, ils devraient être soigneusement
ciblés sur le plan géographique, en direction des zones souffrant le plus d’insécurité
alimentaire. Mais il est important de noter que ces programmes ne touchent pas les
enfants déscolarisés, qui constituent toujours un groupe très important, et parmi les plus
vulnérables, en RDC.
d) Un programme d’exonération de frais mieux géré. Les coûts d’accès aux services de
santé et d’éducation demeurent un facteur prohibitif en RDC. Le gouvernement pourrait
envisager de mener un programme d’exonération de frais qui soit plus étroitement ciblé
et mieux géré que l’actuelle carte d’indigent, réservé aux groupes particulièrement
vulnérables. Des coupons ou certificats destinés notamment aux déplacés, aux enfants
déjà enregistrés dans les programmes d’OEV, aux personnes vivant avec handicap ou aux
ménages extrêmement pauvres sélectionnés sur des critères objectifs de pauvreté, seraient
vraisemblablement plus efficaces que la méthode actuelle au cas par cas, qui ouvre la
voie à l’arbitraire et à des sélections pas toujours transparentes.
e) Transferts standardisés pour des services sociaux plus intensifs à l’intention de
certains groupes vulnérables. Même après l’extension satisfaisante des programmes
mentionnés ci-dessus, il resterait un groupe d’individus très vulnérables qui
nécessiteraient un soutien plus intégral. Ces individus devraient être pris en charge à
travers une gestion des cas associée à un ensemble exhaustif de services. Les
bénéficiaires devraient être formellement enregistrés, et des normes et standards de
services devraient être définis. Le système actuel mis en place par les institutions
humanitaires ciblant les populations déplacées a créé des outils opérationnels pour ce
faire ; ces mécanismes pourraient être reproduits dans le cadre de services plus étendus.
90
Encadré 5 : Nouvelles technologies de transfert de fonds en RDC
La disponibilité de la téléphonie mobile et des systèmes bancaires privés a permis une véritable
révolution sur le plan de l’efficacité des transferts monétaires en Afrique. En 2012, près de 16 % des
adultes en Afrique sub-saharienne disaient avoir utilisé un téléphone pour envoyer ou recevoir de
l’argent, et/ou pour payer des factures au cours de l’année précédente (Demerguc-Kunt et Klapper
2012). Quoique la situation s’améliore, la RDC demeure l’un des pays les moins connectés, en
grande partie en raison des niveaux élevés de pauvreté, du faible taux d’alphabétisation, de
l’insuffisance des infrastructures, et de la faible densité routière. En 2013, l’estimation des taux de
pénétration du marché dans le secteur des télécommunications de la RDC était comme suit :
Taux de pénétration du marché
Mobile 35 %
Fixe 0,1 %
Internet 2,3 %
(Source : BuddeComm, sur la base de différentes sources)
Actuellement, la RDC compte six opérateurs de téléphonie mobile (Airtel, Congo Chine
Télécommunications - Orange, Congolese wireless, Supercell, Tigo, et Vodacom). Plusieurs de ces
entreprises ont été utilisées pour effectuer des dépôts, des retraits ou des transferts d’argent dans la
région, et Airtel et Vodacom ont fourni des services de transferts monétaires dans le cadre de
l’assistance humanitaire dans l’est de la RDC.
En outre, le système bancaire privé s’étend rapidement. Il a récemment été sollicité pour gérer le
traitement du paiement des salaires de la fonction publique. Initiée en 2011, cette transformation a
permis qu’à l’heure actuelle, un million de fonctionnaires perçoivent leur salaires directement à partir
du système bancaire privé, nombre d’entre eux étant alertés par un message SMS lorsque le paiement
a été effectué. Les transferts bancaires directs ont considérablement amélioré l’efficience et la
transparence des paiements aux employés de l’État, tout en rendant possible l’extension du système
bancaire lui-même à toutes les provinces.
Estimation de la couverture et du niveau d’effort possible
209. Une vision pour le long terme doit avoir des objectifs réalistes en termes de coûts et de
couverture, en évitant tout autant de se fixer des objectifs inatteignables parce que trop ambitieux
ou des objectifs insuffisants qui empêcheraient la RDC de faire une différence. L’examen des
résultats obtenus dans le cadre de la reproduction à grande échelle des programmes de filets
sociaux en Afrique révèle que ceux-ci ne touchent jamais qu’une proportion relativement faible
même de la population-cible, quelques exceptions mises à part. L’encadré 6 présente quelques
comparaisons des filets sociaux, en Afrique et dans d’autres régions du monde. Les plus grands
programmes de filets sociaux, par exemple les programmes de transferts monétaires en
Amérique latine ou les subventions sociales en Afrique du Sud, touchent près du quart de la
population. Des filets sociaux raisonnablement étendus, généralement destinés aux plus pauvres
d’entre les pauvres, peuvent toucher entre 5% et 10% de la population d’un pays, et laisser de
nombreux pauvres sans couverture.
91
210. Le niveau d’effort possible en RDC dépendra d’un certain nombre de facteurs. En
premier lieu, le niveau global de priorité accordé par le gouvernement et la communauté des
donateurs déterminera la disponibilité des financements.
211. Le tableau 22 ci-dessous présente un scénario de base utilisant la cible budgétaire
marginale de 0,5% du PIB pour les dépenses de programmes de filets sociaux à grande échelle,
Encadré 6 : Couverture comparative et coût des programmes de filets sociaux en Afrique
Les programmes de filets sociaux présentent une très grande diversité de couverture et de coûts
budgétaires dans les pays en développement. Les filets sociaux à grande échelle peuvent couvrir jusqu’à
30% de la population nationale, comme dans le cas du programme de subventions sociales en Afrique du
Sud, et des nombreux programmes de TMC-phares en Amérique latine. Les programmes de travaux
publics, qui créent des actifs en infrastructures en plus du revenu transféré, couvrent généralement peu
d’individus étant donné leur coût élevé. Par exemple, deux des plus grands programmes, les régimes de
garantie de l’emploi rural en Inde et le Programme de filets sociaux productifs (PSNP) en Éthiopie,
touchent bien en-deçà de 10% de la population nationale. Les programmes nationaux de cantines scolaires
touchent globalement moins de 25% de la population-cible. L’incidence budgétaire varie, mais pour un
pays à faible revenu tel que l’Éthiopie, un programme à grande échelle comme le PSNP représente
environ 1% du PIB. Dans les pays à revenu intermédiaire, les niveaux plus élevés de PIB par habitant
réduisent l’incidence budgétaire de ces programmes de plus grande envergure.
Programmes de filets sociaux
Nombre de
bénéficiaires
(millions)
Couverture (%
de la population
nationale)
Niveau
d’avantage
annuel par
ménage (USD)
Incidence
budgétaire
(% du PIB)
Comparaison en Afrique
Afrique du Sud : toutes les subventions
de sécurité sociale 15 30 % 450-2 000 6.0
Éthiopie : Programme de filets sociaux
productifs 8
10 % (dont 8 %
pour les travaux
publics)
137 1,2
Lesotho : Subventions aux personnes
âgées 0,07 3 % 350 3
Comparaison internationale
Brésil : Bolsa Programme de TMC 44 25 % 84-540 0,5
Mexique : Oportunidades TMC 28 25 % Variable 0,3
Inde : Mahatma Gandhi National Rural
Employment Guarantee Act 55 5 % 184 3,1
Pakistan : Programme Benazir de soutien
du revenu 32 17% 170 n.d
Source : Stratégie de la Banque mondiale en matière de protection sociale en Afrique 2012-2022, estimations des auteurs.
Couverture des cantines scolaires Pourcentage de couverture de la population totale nationale potentiellement éligible
Bénin 3 – 6 %
Botswana 33 %
Malawi 21 %
Sierra Leone 21 %
Tanzanie 7 %
Source : Monchuk, V. « Réduire la pauvreté et investir dans l’humain : Le nouveau rôle des filets sociaux en Afrique »,
Département du développement humain, Banque mondiale, 2014.
92
ainsi que certaines estimations générales du coût unitaire de ces programmes. Ce scénario
amènerait la RDC à un niveau moyen de dépenses, relativement aux pays africains à faible
revenu. Il représenterait un coût de 156 millions de dollars par an sur la base de la prévision du
PIB de 2014. Le nombre de personnes qui pourraient bénéficier d’un tel financement dépend
largement du type de programme choisi et du niveau des prestations. Étant donné de fortes
contraintes budgétaires, des compromis importants devront être consentis entre la couverture des
programmes et leur générosité.
Tableau 22: Répartition hypothétique du financement des filets sociaux avec 0,5% du PIB
par programme
Hypothèse
de
prestation
Montant du
transfert par
bénéficiaire
par an
Administra
tion et
autres
apports
Coût
unitaire
annuel total
Nombre
total des
bénéficiaire
s
Coût
annuel
(USD)
Transferts
monétaires
15 $ par
ménage par
mois
180 $ 15 % 212 $ 270 000
(1 350000
personnes)
57 millions
Travaux
HIMO
5 $ par jour,
25 jours par
an
125 $ 49 % 245 $ 230 000
(1 150000
personnes)
56 millions
Repas
scolaires
5 $ par
enfant par
mois
50 $ 40 % 83 $ 650 000 54 millions
Total 1,15
millions
168
millions
212. Le tableau 22 ci-dessus présente une répartition hypothétique des bénéficiaires si le
financement global est distribué plus ou moins également entre trois principaux types de
programme. Les ressources (espèces ou vivres) seraient transférées à 1,15 million de
bénéficiaires et profiteraient dans l’ensemble à environ 5,75 millions d’individus, soit à peu près
7,3% de la population (en supposant que personne ne bénéficierait de plus d’un programme). Ces
chiffres sont donnés à titre d’illustration uniquement. La combinaison définitive des programmes
devrait prendre en compte une analyse plus détaillée des économies de coûts potentielles, et des
capacités techniques et administratives à mettre en place et gérer les différents types de filet
social.
213. La capacité du gouvernement à améliorer la couverture et la qualité des filets sociaux du
pays pour protéger ses citoyens les plus vulnérables suppose une base viable de financement. Le
budget de la RDC ne permettra vraisemblablement pas une augmentation significative des
dépenses intérieures dans le court terme, particulièrement au regard des priorités concurrentes de
développement. Le pays restera fortement dépendant des ressources des partenaires
internationaux pour l’extension de ses filets sociaux à l’échelon national55
, comme c’est le cas
actuellement.
55 Le Fonds national de promotion sociale, une agence autonome rattachée au MINAS, a proposé la mobilisation de ressources
pour la protection sociale grâce à une taxe spécifique sur les recettes minières, entre autres sources. Bien que les textes juridiques
aient été adoptés, jusqu’ici aucun acte n’a été concrétisé pour les appliquer. Il serait essentiel d’affecter ces recettes potentielles à
un système de financement de filets sociaux géré de manière transparente.
93
214. Étant donné le besoin d’importantes ressources de la part des bailleurs pour
l’établissement d’un système national de filets sociaux, il sera important de veiller à ce que les
donateurs opèrent sur une vision programmatique privilégiant un nombre limité d’interventions,
auxquelles plusieurs acteurs contribuent de manière cohérente. Les programmes qui ont pu être
reproduits à grande échelle dans d’autres pays reposent sur la mutualisation des ressources des
bailleurs pour accompagner le même programme. Tel est le cas avec le Programme de filet social
productif de l’Éthiopie, où plus de dix agences extérieures financent toutes le même programme,
en employant un manuel d’opérations et un cadre de suivi et évaluation communs, ainsi qu’un
calendrier unique de missions de supervision conjointes.
Actions à court et moyen terme pour concrétiser la vision sur le long terme
215. La matrice ci-dessous résume les actions qui pourraient être mises en œuvre pour
concrétiser cette vision sur le long terme. Elles sont discutées plus en détail par la suite.
Actions de court terme (0-3 ans) Actions de moyen terme
(3-6 ans)
Vision de long terme
Niveau
opérationnel
Expansion du programme de
travaux à haute intensité de main
d’œuvre exécuté par le FSRDC,
idéalement à échelle nationale.
Substitution du certificat
d’indigence par un mécanisme de
ciblage et d’octroi de bénéfices
rigoureux et partagé avec d’autres
programmes d’exonération des
frais
Pilotage d’un programme de
transferts monétaires à initiative
gouvernementale
Début de structuration
d’un système national de
filets sociaux par
l’utilisation d’outils
communs (enregistrement,
ciblage, suivi,…) couvrant
plusieurs filets sociaux
(HIMO, transferts
monétaires, exemption de
frais,…)
Expansion graduelle du
programme de transferts
monétaires sur la base de
l’expérience pilote
Pilotage d’un autre type de
filet social à initiative
gouvernementale
Expansion des
programmes les
mieux adaptés au
contexte national
Niveau
réglementaire
Révision de la stratégie de
protection sociale en vue d’une
stratégie nationale intégrée
Détermination du niveau de
couverture des filets sociaux
souhaitable dans le court, moyen
et long terme
Augmentation du budget des
filets sociaux en adéquation aux
besoins de couverture identifiés et
similaires aux montants alloués
par les autres pays africains à
faible revenu (1,1% du PIB)
Soutien à la mise en œuvre
de la stratégie et à son
éventuelle mise à jour
Mise à disposition d’un
budget en adéquation aux
besoins de couverture
identifiés
Mise à jour régulière
de la stratégie
nationale de
protection sociale
Mise à disposition
d’un budget en
adéquation aux
besoins de couverture
identifiés
94
Actions de court terme (0-3 ans) Actions de moyen terme
(3-6 ans)
Vision de long terme
Niveau
institutionnel
Redynamisation du groupe
thématique protection sociale
Mise en œuvre des
recommandations prioritaires de
l’audit organisationnel du
MINAS
Poursuite de la
réorganisation et
redynamisation du MINAS
Coordination et
collaboration pilotées
par le gouvernement
intégrant acteurs
nationaux et
internationaux tant
publics que privés
Niveau
analytique
Mise à point d’un système de
ciblage basé sur des critères de
pauvreté et vulnérabilité objectifs
Étude pour la conception d’un
programme de transferts
monétaires
Études et analyses pour
l’identification d’un
ensemble de programmes
adaptables qui feront
partie du système national
de filets sociaux
Études et analyses pour
l’élaboration d’outils et de
mécanismes de
coordination communs
Évaluations d’impact des
filets sociaux pilotes pour
en tirer des enseignements
utiles en vue d’une
éventuelle expansion
Évaluations d’impact
des différents types
de programmes afin
d’améliorer leur
performance et
optimiser la
composition du
système national de
filets sociaux
Actions de court terme (1-3 ans)
37. L’objectif de court terme devrait être de renforcer le cadre politico-institutionnel et
d’étendre la portée d’au moins un filet social efficace et bien structuré, qui couvre tout le
territoire national, et poser ainsi les bases d’une évolution vers un système national de filets
sociaux sur le plus long terme. En même temps il serait souhaitable de tester la capacité du
gouvernement à mettre en place et gérer un deuxième type de filet social, même de petite
envergure. Les actions à entreprendre pourraient être les suivantes :
a. Révision de la stratégie de protection sociale. La révision de la stratégie nationale de
protection sociale est une action prioritaire qui doit clarifier le rôle des filets sociaux dans
la politique du Gouvernement, et définir des orientations stratégiques claires en la matière.
Ce processus devrait également aboutir à la détermination du niveau de couverture des
filets sociaux souhaitable dans les courts, moyen et long termes, ainsi qu’à une
augmentation du budget de financement de ces programmes qui soit en adéquation avec les
besoins de couverture recensés. Des démarches en ce sens sont déjà en cours et devraient
être poursuivies dans un esprit de collaboration interministérielle, avec le soutien des
partenaires au développement. Ce processus de révision devrait être accompagné par des
activités de renforcement des capacités des différents acteurs gouvernementaux, et tout
particulièrement pour le MINAS, dont le mandat englobe les filets sociaux.
b. Renforcement de la coordination parmi les acteurs de protection sociale et en
particulier les acteurs impliqués dans les filets sociaux. Actuellement, les filets sociaux
95
consistent en de nombreuses interventions de petite envergure, peu coordonnées ou
intégrées entre elles. Chaque agence ou programme met généralement en place ses propres
mécanismes de coordination locale, ce qui résulte en plusieurs comités et plusieurs
mécanismes de concertation. Une plateforme institutionnelle commune favoriserait la
synergie entre les programmes. Elle assurerait également une meilleure perception de tous
les types de services disponibles dans une localité donnée. Dans un premier temps, le
MINAS devrait jouer son rôle en instaurant un mécanisme global de coordination, qui
pourrait se concrétiser par la redynamisation du Groupe thématique protection sociale, à
travers la tenue de réunions régulières avec des objectifs précis et pratiques. Cette
activation devrait par la suite être soutenue par un système central de suivi, qui recueillerait
les informations de base sur chaque programme, y compris la couverture géographique, le
nombre et le type des services fournis, le niveau des prestations, ainsi que d’autres données
de base. Ces mécanismes de coordination devraient également concerner l’harmonisation
du travail des bailleurs de fonds, étant donné que ceux-ci apportent un niveau très élevé de
ressources aux interventions de type filet social. Le regroupement des bailleurs dans un
cadre officiel harmonisé, géré par l’État, est essentiel à la création d’un système cohérent
de filets sociaux. La coordination est relativement efficace à travers les clusters, qui
réunissent tous les partenaires, par exemple autour de l’assistance humanitaire, de
l’éducation, de la santé, etc. Cette approche par clusters pourrait servir de modèle pour la
mise sur pied de mécanismes tels que la mise en commun des financements, tandis que la
supervision et le suivi conjoints des programmes permettraient d’éviter des coûts de
transaction excessifs pour l’État.
c. Consolidation du cadre institutionnel par la mise en œuvre des recommandations
prioritaires de l’audit organisationnel du MINAS. L’audit, mené en 2013, préconise un
ensemble d’actions à court terme pour améliorer la performance du MINAS. Ces actions
sont de nature tant organisationnelle (par exemple : clarifier la répartition des tâches), que
de nature plus opérationnelle (développer une base de données dynamiques sur les groupes
vulnérables et sur les actions en leur faveur mises en œuvre par les différents intervenants).
Les réformes préconisées par l’audit permettraient au MINAS de jouer un rôle plus
important dans l’orientation et la coordination des activités liées aux filets sociaux.
d. Substitution du certificat d’indigence, en tant que mécanisme de ciblage et d’octroi de
bénéfices, par un mécanisme adapté aux besoins de la RDC. Le certificat d’indigence
est un moyen de ciblage et d’identification des bénéficiaires qui devrait faciliter l’accès des
plus vulnérables aux services sociaux de base grâce à une exonération des frais. Mais le
programme tel qu’il fonctionne actuellement, offre très peu de protection et ne répond pas à
son objectif de départ. Pour que la continuation de ce programme soit justifiée, il faudrait
mettre en place des critères de ciblage et d’éligibilité clairs, des procédures efficaces de
sélection et de vérification de l’identité des bénéficiaires, des allocations budgétaires
transparentes, et un mécanisme fiable et rapide de remboursement aux prestataires de
services (ces derniers devraient comporter non seulement les services de l’État mais aussi
les ONG, afin de rendre plus simple l’accès aux services). En particulier, le mécanisme de
ciblage sur lequel repose le certificat d’indigence devrait être remplacé par un outil basé sur
des critères objectifs de pauvreté et de vulnérabilité, ce qui pourrait être fait en s’appuyant
sur les données de l’Enquête 1-2-3 tant pour le ciblage au niveau géographique et des
96
ménages que pour la conception des critères d’éligibilité. Ces données permettraient de
faire l’évaluation du bien-être des ménages par approximation (proxy means testing),
évaluation qui servirait à déterminer les caractéristiques des ménages corrélées à la
pauvreté/vulnérabilité, et à les utiliser par la suite pour définir des critères de sélection et
d’éligibilité aux différents programmes de filets sociaux. L’élaboration de ce dispositif de
ciblage et son adoption au sein de programmes gouvernementaux, en substitution au
certificat d’indigence, serait une première étape vers l’élaboration d’un système qui pourra
ensuite être généralisé aux autres principaux filets sociaux et programmes d’assistance, et
évoluer graduellement vers un système national de ciblage.
e. Expansion du programme de travaux à haute intensité de main d’œuvre. En sus de
donner des revenus immédiats aux personnes vulnérables, ce type de programme contribue
à la reconstruction des infrastructures du pays et, en injectant des sommes importantes
d’argent dans les zones défavorisées, dynamise leur économie. Plusieurs acteurs ont
accumulé une expérience considérable dans la mise en œuvre de travaux HIMO, y compris
le FSRDC qui exécute un tel programme à l’est du pays. Vu les énormes besoins de la
RDC en terme d’infrastructures et de création d’emplois, et la présence d’au moins une
entité gouvernementale capable de gérer des travaux HIMO, le programme de travaux
HIMO à l’est pourrait être élargi aux autres provinces du pays. En même temps, les
ministères en charge des infrastructures publiques (le ministère de l’Aménagement du
territoire, urbanisme et habitat, et le ministère des Transports et voies de communication)
devraient inclure dans leurs politiques l’adoption systématique de l’approche HIMO Les
outils élaborés et développés pour ce programme (ciblage, identification, registre, suivi-
évaluation) permettraient de tester les éléments d’un système de filets sociaux géré par
l’État.
f. Pilotage d’un projet de transferts monétaires à l’exemple de ce qui est fait dans le
contexte humanitaire. Des projets de transferts en espèces qui ciblent les populations
déplacées existent déjà en RDC. En capitalisant l’expérience de ces projets, le
Gouvernement, possiblement en collaboration avec des ONG qualifiées en la matière,
pourrait piloter un mécanisme de transfert monétaire pour soutenir les ménages en situation
de pauvreté extrême chronique. Ce programme devrait fournir des transferts réguliers et
prévisibles aux ménages ciblés pour les aider à faire face aux dépenses essentielles (par
exemple, alimentation, écolage, soins de santé). Une étude préalable permettrait de mieux
définir le contour de ce programme et les synergies éventuelles avec d’autres interventions.
Piloter ce type de filet social permettrait de vérifier si ce mécanisme est approprié au
contexte de la RDC en dehors du milieu humanitaire et si le Gouvernement possède la
capacité de bien le gérer.
Actions de moyen terme (3-6 ans)
216. L’objectif sur le moyen terme devrait être de poursuivre l’amélioration du cadre politico-
institutionnel, porter à l’échelle un deuxième type de filet social susceptible d’atteindre une
couverture nationale sur le long terme et mettre au point les outils nécessaires pour un système
national de filets sociaux. Les actions à entreprendre pourraient être les suivantes :
97
a. Poursuite de la réorganisation et redynamisation du MINAS au moyen de réformes
plus poussées. Ces réformes devraient comprendre :
o La restructuration et la modernisation des systèmes internes du ministère pour
aboutir entre autre à un contrôle et une comptabilité plus serrés du patrimoine
ministériel, et à une gestion plus efficace du personnel, notamment concernant les
départs à la retraite et les réaffectations. Aucune de ces réformes ne sera possible
sans, d’une part, des allocations budgétaires plus conséquentes et, d’autre part, une
volonté politique de réforme.
o Une meilleure réglementation des services d’assistance sociale, en commençant par
la formulation de normes et de standards spécifiques dont le respect serait une
condition de financement. Présentement, le MINAS rempli son mandat concernant
la protection sociale des groupes vulnérables soit à travers une offre directe de
services, comme c’est le cas pour les programmes destinés aux personnes du
troisième âge ou handicapées, soit à travers l’attribution de contrats aux ONG et
d’autres institutions qui offrent les services souhaités. Mais il n’existe pas de textes
pour orienter prestataires de services, ni contrôler la qualité ou estimer le coût de
ces services. Il faudrait donc que le MINAS procède à l’élaboration de normes et
standards pour les services relevant de l’éventail complet de l’assistance sociale, en
suivant l’exemple établi récemment dans le cas des services destinés aux enfants en
situation difficile. En même temps, le soutien du MINAS aux ONG et aux autres
institutions en matière de transferts monétaires et de personnel, devrait respecter un
niveau minimum de qualité et de vérifiabilité. En outre, le MINAS devrait s’assurer
que les transferts sont effectués de manière efficace, et recevoir en contrepartie des
rapports appropriés sur l’exécution des services.
b. Portée à l’échelle du programme pilote de transferts monétaires. En fonction des
résultats des évaluations d’impact et de processus qui seront conduites et qui permettront
d’évaluer la pertinence de ce programme, les transferts monétaires pourraient être
transposés au niveau national, en incorporant d’éventuelles restructurations. En parallèle, il
conviendrait de poursuivre les études et analyses en vue d’identifier les autres programmes
qui pourraient faire partie d’un système national, et qui s’ajouteraient sur le plus long terme
aux programmes déjà en vigueur.
c. Élaboration d’outils et de mécanismes de coordination communs. Un système national
de filets sociaux devrait disposer d’outils et de mécanismes de coordination partagés par
tous les acteurs afin d’assurer la cohérence et l’intégration de différents projets et
programmes. L’ensemble des outils à partager devrait inclure :
o Un système de ciblage. Ainsi qu’il a été suggéré plus haut, un tel système pourrait
être développé au départ pour certains projets, sur la base de l’évaluation du bien-
être des ménages par approximation (proxy means testing), qui servira à identifier
les caractéristiques des ménages corrélées à la pauvreté/vulnérabilité.
o Des registres communs des bénéficiaires et gestion des cas. La mise en commun
des registres d’immatriculation des bénéficiaires entre les programmes améliorerait
la coordination et permettrait une utilisation plus efficiente des ressources. En outre,
98
l’adoption d’une approche de gestion des cas pourrait améliorer la situation des
ménages les plus vulnérables en les rattachant à plusieurs types d’assistance (p. ex :
des revenus grâce à l’emploi dans les travaux HIMO pour les parents et une aide à
l’alimentation des enfants grâce aux cantines scolaires)56
.
o Un suivi intégré des programmes. Actuellement, il n’existe pas de mécanisme
permettant de collecter et de consolider les données sur les multiples interventions
d’assistance sociale et de filets sociaux qui sont à l’œuvre dans le pays. Le MINAS,
en tant que ministère sectoriel mandaté dans ce domaine, devrait être mis à même
de prendre la responsabilité de rassembler les données de base sur les programmes,
y compris sur la couverture (par province/localité, sexe, classe d’âge, etc.), afin
d’assurer le suivi et établir des bilans sur l’évolution des filets sociaux dans le pays.
o Des évaluations inter-programmes. Les données sur les résultats des programmes
actuels sont rares. Les évaluations des interventions de type filet social pourraient
être menées sur des programmes similaires, par exemple par type de filet social
(travaux HIMO, transferts monétaires, assistance alimentaire, et autre assistance
sociale), ce qui contribuerait à enrichir les connaissances et à disséminer les
informations entre les programmes, et permettrait ainsi de veiller à ce que les
meilleures pratiques soient repérées et reproduites.
Conclusions
217. Face aux niveaux élevés de pauvreté et de vulnérabilité dans le pays, l’absence de filets
sociaux efficaces pèsera lourdement sur les efforts de réduction de pauvreté entrepris par le
Gouvernement. La mise en place d’un système national efficace de protection sociale est un
processus à long terme. En matière de filets sociaux, la RDC dispose d’un ensemble de
programmes débutant, de petite échelle, dépendant pour la plupart des ressources des partenaires
internationaux et généralement orientés vers l’assistance humanitaire, pour le soutien aux
groupes les plus vulnérables. Les acteurs non-gouvernementaux jouent un rôle majeur dans
l’exécution des services. Les données sur l’efficacité et les résultats des programmes au niveau
des ménages sont rares, et les programmes faiblement coordonnés.
218. Malgré cette diversité et ces challenges opérationnels, un intérêt commun existe pour
réformer les actions en cours et reproduire certains programmes à grande échelle, sur la base des
meilleures pratiques telles qu’elles évoluent présentement en Afrique. Par conséquent, le
Gouvernement, les ONG et les partenaires internationaux devraient se regrouper dans un cadre
d’action commun, avec pour objectif d’élaborer un système intégré de filets sociaux à long
terme, tout en apportant une protection et un soutien immédiats aux ménages vulnérables et en
leur permettant de constituer leur capital humain et leurs actifs productifs, sur le chemin de sortie
de la pauvreté.
56
Il existe au Ghana un exemple de croisement entre les programmes qui assurent des fonctions complémentaires. Les ménages
enregistrés dans le programme de transfert monétaire Livelihoods Empowerment Against Poverty (LEAP) sont automatiquement
admissibles au régime national d’assurance maladie. En Éthiopie et au Rwanda, les ménages participant aux programmes de
travaux publics ont un accès prioritaire aux services de microcrédit, dans l’esprit de les aider à sortir de la pauvreté et sortir du
programme de filet social.
99
ANNEXE : FICHES DES COLLECTES DES DONNÉES
- Fiche de collecte d’informations -
Programmes et projets de filet sociaux et d’assistance sociale en RDC
I. Identification de programme/projet
1.1. Nom du programme/ projet :
1.2 Année du début des opérations:
1.3 Durée estimée du projet :
II. Cadre institutionnel
2.1 Institution/ Unité responsable du Programme / Projet :
2.2 Ancrage ministériel (département, lignes de responsabilité) :
2.3 Structure/organigramme :
III. Objectifs et description du programme/projet:
3.1 Objectif général :
3.2 Objectifs spécifiques:
3.3 Description des activités du programme et les prestations fournies (services, produits)
3.4 Type(s) de programme (transferts en espèce, transferts en nature, aide alimentaire, HIMO,
exonération des frais, assistance sociale, etc.) :
3.5 Localisation (national, urbain, rural; province(s), commune(s) y compris la répartition des
participants par zone géographique
IV. Bénéficiaires du programme/ projet
4.1 Bénéficiaires : (nombre)
Actuel
2012
Actuel
2013
Programmé
2014
Nombre de ménages
Nombre de personnes
Sexe/ âge (nombre de personnes)
1. Femme
2. Homme
100
4.2 Durée moyenne des bénéficiaires dans le Programme :
V. Ciblage
5.1 Méthodes de ciblage utilisées :
Description
Auto-sélection
Ciblage géographique
Ciblage catégorielle
Ciblage à base communautaire
Évaluation des ressources du ménage (Means test)
Évaluation du bien-être du ménage par
approximation (Proxy means testing –PMT)
Évaluation des ménages par les travailleurs sociaux
5.2 Critères spécifiques d’éligibilité et de sélection des bénéficiaires :
5.3 Processus de sélection (qui préside à l’identification des bénéficiaires ? Représentants, ONG,
maire de la ville, Conseils de village/ciblage communautaire, sélection administrative, etc.) :
5.4 Méthode de vérification/correction :
5.6 Résultats du ciblage (résultats ex-post en fonction de l’évaluation), si disponible (statistiques
sur les caractéristiques et le niveau de pauvreté des participants)
VI. Prestations /allocations
6.2 Type de prestations (subvention, transfert en nature, transfert en argent, formation, etc.)
6.3 Valeur des prestations/allocations (par personne, par ménage, par mois)
6.4 Base de calcul de l'allocation
VII. Administration du programme/ projet
7.1 Mécanismes de mise en œuvre :
7.2 Entités par lesquelles les services sont effectuées (Programme/ Projet, Autorité régionale,
Entreprise rivée, ONG, Groupes communautaires, Conseils de village) :
7.3 Mécanismes de participation communautaire (création des comités locaux, mécanismes
d’identification et sélection des participants, control communautaire, etc.) »
101
VIII. Coût et financement
8.1 Coût annuel du programme
8.2 Détails par composant ou type de couts (investissement, transferts, personnel, administration
etc.)
8.3 Sources (et montants) de financement
8.4 Coût Unitaire du Programme
Coût Total / No des bénéficiaires:
IX. Suivi-évaluation
9.1 Activités principales de suivi :
9.2 Description des rapports (périodicité, contenu)
9.3 Indicateurs de performance du programme (y compris la situation de référence et but à
réaliser)
9.4 Activités principales d’évaluation (description des méthodologies, fréquence et thèmes
d’évaluation)
9.5 Impact du programme/projet
X. Enseignements acquis
XI. CONTACT
Nom de l’interviewé/ répondant: ................................................................................................
Institution:....................................................................................................................................
Position: ......................................................................................................................................
Téléphone:...................................................................................................................................
E-mail: ........................................................................................................................................
102
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