110
Les filets sociaux en République démocratique du Congo : État des lieux et options pour l’avenir Banque mondiale Région Afrique Département du Développement humain 15 mai 2015 Public Disclosure Authorized Public Disclosure Authorized Public Disclosure Authorized Public Disclosure Authorized

Les filets sociaux en République démocratique du Congo ...documents.worldbank.org/curated/en/... · Le présent État des lieux a pour objet de déterminer la demande et l’offre

  • Upload
    others

  • View
    3

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Les filets sociaux en République

démocratique du Congo :

État des lieux et options pour l’avenir

Banque mondiale

Région Afrique

Département du Développement humain

15 mai 2015

Pub

lic D

iscl

osur

e A

utho

rized

Pub

lic D

iscl

osur

e A

utho

rized

Pub

lic D

iscl

osur

e A

utho

rized

Pub

lic D

iscl

osur

e A

utho

rized

TABLE DES MATIÈRES

I. Introduction ............................................................................................................................. 15

II. Profil des risques et vulnérabilités ....................................................................................... 23

III. Cadre politique des filets sociaux ........................................................................................ 33

IV. Cadre institutionnel .............................................................................................................. 44

V. Revue des principales interventions ..................................................................................... 51

VI. Financement des filets sociaux ............................................................................................ 81

VII. Recommandations ............................................................................................................... 86

Tableau 1: Cartographie des programmes et projets recensés par l'État des lieux ....................... 21

Tableau 2: Profil des chocs subis par les individus (pourcentage) ............................................. 277

Tableau 3: Profil des chocs communautaires subis par les communautés (%) .......................... 277

Tableau 4: Estimation de la taille des populations cibles de filets sociaux potentiels .................. 30

Tableau 5: Sources d’aide dans les moments difficiles, par quintile de revenu (%) .................. 311

Tableau 6: Programmes de travaux HIMO inclus dans cetÉtat des lieux .................................. 554

Tableau 7: Couverture des programmes de travaux HIMO ........................................................ 566

Tableau 8: Mécanismes de ciblage des programmes HIMO ...................................................... 577

Tableau 9: Financement des programmes HIMO ....................................................................... 588

Tableau 10: Distribution des attestations d’indigence, 2013 ........................................................ 61

Tableau 11: Mécanismes de ciblage des attestations d’indigence .............................................. 622

Tableau 12: Programme des transferts monétaires inclus dans cet État des lieux ...................... 655

Tableau 13: Mécanismes de ciblage pour l’assistance alimentaire ............................................ 711

Tableau 14 : Programmes d’assistance sociale inclus dans cetÉtat des lieux ............................ 744

Tableau 15: Couverture des programmes d’assistance sociale ..................................................... 76

Tableau 16 : Couverture des programmes d’assistance sociale du MINAS, par province, 2013 . 77

Tableau 17 : Estimation de la couverture actuelle des programmes de filets sociaux .................. 80

Tableau 18: Allocations budgétaires sectorielles du DSCRP-2 2011-2015 ................................. 82

Tableau 19: Estimations des dépenses consacrées aux filets sociaux (hors MINAS) .................. 83

Tableau 20: Allocations budgétaires du gouvernement et dépenses en affaires sociales, assistance

humanitaire et solidarité nationale, 2009-2013 (milliers de dollars) ........................................... 84

Tableau 21: Budget et dépenses du MINAS 2009-2013 (millions de francs congolais) .............. 85

Tableau 22: Répartition hypothétique du financement des filets sociaux avec 0,5% du PIB, par

programme .................................................................................................................................... 92

Figure 1: Carte des interventions de protection sociale en fonction de la pauvreté et des niveaux

de vulnérabilité (% de population) ................................................................................................ 32

Figure 2: Estimation des besoins humanitaires en 2013 par domaine particulier (en milliers de

dollars) .......................................................................................................................................... 41

Figure 3: Organisation du MINAS ............................................................................................... 46

Encadré 1: Passage de l’assistance humanitaire aux filets sociaux .............................................. 40

Encadré 2: Mécanismes de ciblage des programmes de filets sociaux ......................................... 52

Encadré 3: Feedback des bénéficiaires sur le programme HIMO- Katanga ................................. 59

Encadré 4: Éléments essentiels d’un système national de filet social .......................................... 87

Encadré 5: Nouvelles technologies de transfert de fonds en RDC ............................................... 90

Encadré 6: Couverture comparative et coût des programmes de filet social en Afrique .............. 91

Annexe: Fiches de collecte d’informations

Bibliographie

Remerciements

Cette étude a été réalisée par une équipe composée de Maurizia Tovo (Chef de projet, Spécialiste

principale en protection sociale, Banque mondiale), Julie Van Domelen (Consultante, auteur

principal), Lisette Khonde (Spécialiste en protection sociale, Bureau de la Banque mondiale en

RDC, Kinshasa), Elena Celada (Consultante, spécialiste en protection sociale) et Jules Bisilwala

(Conseiller, ministère des Affaires sociales, de l’action humanitaire et de la solidarité nationale).

L’équipe a bénéficié du soutien du Chargé de protection sociale du Bureau de l’UNICEF en

RDC, Sergiu Buruiana, et des bureaux provinciaux de l’UNICEF qui ont facilité les visites de

terrain dans les provinces du Bas Congo, du Bandundu, du Nord Kivu et du Sud Kivu. Les

ateliers présentant le projet de cette évaluation des filets sociaux ont été organisés à Kinshasa le

29 septembre 2014, avec la participation des partenaires gouvernementaux, non

gouvernementaux et internationaux. Les commentaires et observations de ces discussions ont été

intégrés. Cet État des lieux des filets sociaux a été financé par le Fonds fiduciaire multi-bailleurs

de réponse sociale rapide (Cycle 6).

ACRONYMES

AENF Alphabétisation et éducation non formelle

AME Articles de ménage essentiels

ARCC Alternative Responses for Communities in Crisis (Solutions alternatives pour les

communautés en crise)

AVSI Associazione « Volontari per il servicio internazionale »Association de volontaires

pour le service international)

BIT Bureau international du Travail

CNCH Cadre national de concertation humanitaire

CPS Centres de promotion sociale

DAS Direction de l’action sociale

DFID Ministère du développement international du Royaume Uni

DIVAS Division provinciale des affaires sociales

DISPE Direction des interventions sociales en faveur de l’enfant

DSCRP-2 Document de la Stratégie de croissance et de réduction de la pauvreté – deuxième

génération

DUAS Division urbaine des affaires sociales

EDS Enquête de démographie et de santé

FAO Organisation des Nations Unies pour l’agriculture et l’alimentation

FENAPH

ACO

Fédération nationale des associations des personnes vivant avec handicap du

Congo

FMI Fonds monétaire international

FNPSS Fonds national de promotion et de service social

FSRDC Fonds social de la République démocratique du Congo

HIMO Haute intensité de main-d’œuvre

IFPRI Institut international de recherche sur les politiques alimentaires

INS Institut national de statistique

MICS Multiple Indicators Cluster Survey (Enquête en grappe à indicateurs multiples)

MINAS Ministère des Affaires sociales, de l’action humanitaire et de la solidarité nationale

NRC Norwegian Refugee Council (Conseil norvégien pour les réfugiés)

OEV Orphelins et autres enfants vulnérables

OMD Objectifs du millénaire pour le développement

ONG Organisation non-gouvernementale

PAH Plan d’assistance humanitaire

PAM Programme alimentaire mondial

PAN-OEV

Plan d’action national 2010-2014 en faveur des orphelins et autres enfants

vulnérables

PIB Produit intérieur brut

PIE Plan intérimaire de l’éducation

PNDS Plan national de développement sanitaire

PNIA Programme national d’investissement agricole

PNUD Programme des Nations-Unies pour le développement

RRMP Réponse rapide aux mouvements de population

TMC Transfert monétaire conditionnel

UNICEF Fonds des Nations Unies pour l’enfance

UNOPS Bureau des Nations-Unies pour les services d’appui aux projets

USAID Agence américaine pour le développement international

VIH/SIDA Virus de l'immunodéficience humaine/syndrome d'immunodéficience acquise

1

Résumé analytique

1. La protection sociale est actuellement considérée par les décideurs politiques

comme l’une des composantes clés des stratégies de réduction de la pauvreté en Afrique.

Le défi principal dans les prochaines années sera ainsi d’élaborer des stratégies et programmes

nationaux qui permettent à la protection sociale de jouer pleinement son rôle d’instrument

privilégié de gestion des risques et de réduction de la pauvreté.

2. Les filets sociaux de sécurité (ou ‘filets sociaux’) font partie des interventions de

protection sociale. Ils sont constitués de programmes de transferts non contributifs visant à

soutenir directement le niveau de consommation des groupes pauvres et/ou vulnérables, à

garantir leur accès aux services sociaux essentiels afin de développer leur capital humain, à leur

apporter un soutien temporaire en cas de crises et, plus globalement, à rompre le cycle

intergénérationnel de transmission de la pauvreté. Les filets sociaux se composent les transferts

monétaires ; des transferts en nature (les cantines scolaires ou les suppléments nutritionnels par

exemple), des programmes de création d'emplois temporaires (les travaux publics à haute

intensité de main-d'œuvre par exemple), d’ exonérations de frais (p. ex.: la gratuité des services

de santé ou de scolarité par exemple) ; et enfin de l’assistance sociale proprement dite, qui

répond à un large éventail de besoins particuliers aux personnes extrêmement vulnérables, tels

que les orphelins, les personnes vivant avec un handicap et les personnes du troisième âge.

3. Les filets sociaux permettent de compléter et renforcer les autres politiques

sectorielles mises en œuvre par le Gouvernement. Si l’objectif principal des filets sociaux est

de soutenir la consommation des ménages pauvres, de gérer les risques auxquels ils sont sujets et

de réduire les effets négatifs de leur vulnérabilité aux chocs, ils présentent en outre le grand

avantage de venir en appui aux autres politiques sectorielles. En effet, là où les politiques de

santé et d’éducation nationales améliorent, entre autres, l’offre des services sociaux de base, les

filets sociaux peuvent en stimuler la demande. À travers des transferts monétaires ou des

exemptions de frais par exemple, les filets sociaux peuvent élargir l’accès des couches les plus

démunies à la santé et à l’éducation, et, par-là, amplifier l’impact des investissements sectoriels

du Gouvernement. De même, ces investissements (amélioration des systèmes d’éducation et de

santé) sont une condition préalable à tout programme de filet social destiné à renforcer le capital

humain. Des synergies appréciables peuvent également résulter du rapprochement des politiques

d’infrastructures et d’urbanisation, avec les filets sociaux. Les programmes de travaux publics à

haute intensité de main d’œuvre peuvent en effet être intégrés et contribuer aux grands chantiers

de construction et de réhabilitation d’infrastructures sociales ou routières. Étant donné les

besoins très importants dans ce domaine, une utilisation plus systémique de l’approche à haute

intensité de main d’œuvre serait bénéfique tant au secteur de la protection sociale qu’au secteur

des infrastructures, et les synergies entre les deux secteurs paraissent évidentes et considérables.

4. Les progrès dans la mise en œuvre des programmes de filets sociaux et la croissance

économique sont fortement corrélés. À mesure que l’économie d’un pays se développe, celui-

ci a tendance à allouer une partie plus importante de son budget aux filets sociaux. Qui plus est,

l’ensemble des études menées récemment sur le sujet indiquent que les dépenses en protection

sociale sont utiles à la croissance économique. Au-delà des synergies avec d’autres secteurs, les

filets sociaux peuvent effectivement contribuer au développement économique local en ce qu’ils

2

stimulent les marchés locaux, suite aux transferts monétaires obtenus, et améliorent les

infrastructures économiques réalisées par des travaux HIMO ; ou encore, les filets sociaux

peuvent promouvoir la stabilité sociale durant les crises et les réformes économiques.

5. Les filets sociaux soutiennent un modèle de croissance économique inclusive

susceptible de générer sur le long terme une réduction sensible des inégalités. Les filets

sociaux sont en effet un mécanisme redistributif qui permet aux plus pauvres non seulement de

bénéficier directement de la croissance économique mais aussi d’y contribuer, par l’amélioration

de leur productivité du fait des investissements en capital humain, et l’acquisition ou la

préservation d’actifs productifs, ce qui facilite en retour leur sortie de la pauvreté. L’impact des

filets sociaux peut donc aller au-delà de la protection immédiate du bien-être des ménages, car

ces filets produisent une série d’effets positifs qui, sur le long terme, peuvent réduire les

inégalités et favoriser un modèle de croissance inclusive.

6. Le présent État des lieux a pour objet de déterminer la demande et l’offre de

programmes de filets sociaux, pour ensuite formuler des options à poursuivre afin

d’améliorer la portée, la coordination et l’impact de ces programmes. Pour ce faire, le

document décrit d’une part les risques majeurs et les populations les plus vulnérables, et d’autre

part, les politiques, les stratégies, le cadre institutionnel, les ressources disponibles, et les

programmes-clés actuellement en cours en RDC. Le recensement des programmes a été mené

par une équipe de la Banque mondiale en concertation avec le MINAS, et les principaux

partenaires internationaux et nationaux (bailleurs et ONG) dont la mission est d’accompagner ce

type de programmes. Un échantillon de provinces a été choisi pour caractériser la diversité des

situations dans un pays aussi vaste et composite que la RDC: Kinshasa et le Bas-Congo, comme

représentatifs des provinces mieux loties ; le Bandundu qui est l’une des provinces ayant les

niveaux les plus élevés d’insécurité alimentaire chronique ; et le Nord et le Sud Kivu

représentatifs des zones à forte concentration d’ONG.

Profil de pauvreté et vulnérabilité

7. Pauvreté et vulnérabilité sont endémiques en RDC. La RDC occupe l’avant dernier

rang (186ème

sur 187 pays) du classement de l’indice de développement humain de 2013. Il a été

estimé qu’en 2012, 63,4% de la population, soit 43 millions de Congolais, vivaient en dessous du

seuil de pauvreté. L’incidence de la pauvreté varie grandement entre les provinces: «seuls» 37%

de la population de Kinshasa vivent en dessous du seuil de pauvreté, alors que dans les deux

Kasaï, le Bandundu et l’Équateur l’incidence de la pauvreté dépasse les 70%. Plus de la moitié

des ménages traversent des périodes d’insécurité alimentaire, une insécurité sévère pour 7,5

millions de personnes, et près de 43% des enfants souffrent de malnutrition chronique, dont

environ la moitié (23%) sous une forme sévère.

8. De nombreux risques vulnérabilisent la population : maladies, décès ou perte de

revenus survenant au niveau individuel ou du ménage; invasions d’insectes, sécheresse,

famine, érosion, inondations, entre autres, survenant au niveau des communautés. Ces

risques se retrouvent partout en Afrique, mais certains d’entre eux sont spécifiques au pays, soit

par leur nature, comme les éruptions volcaniques, soit par leur amplitude, comme les violences

basées sur le genre et les conflits inter-ethniques. Selon la dernière enquête nationale auprès des

ménages, la maladie, plus présente en milieu rural et chez les plus pauvres, est la cause

3

principale des chocs au niveau individuel (dits idiosyncratiques), tandis que les épidémies et les

invasions d’insectes sont citées comme chocs au niveau communautaire (dits covariants) les plus

graves et les plus fréquents.

9. Le conflit armé et les déplacements internes touchent un pourcentage relativement

faible de la population, bien que leur impact soit d’une énorme gravité. Au cours des trois

dernières décennies, les provinces de l’est de la RDC ont dû faire face à un mélange complexe

d’entraves, notamment une gouvernance déficiente, une pauvreté généralisée, une mauvaise

gestion des ressources naturelles, des litiges fonciers, et l’exploitation des divergences ethniques

à des fins politiques et économiques par des groupes armés congolais et étrangers. L’instabilité

ainsi générée s’est fréquemment transformée en conflits violents et les conséquences cumulatives

de ces différents facteurs ont été catastrophiques. Depuis 1998, on estime en effet que des

milliers de personnes ont été plongées dans un état de vulnérabilité extrême en raison de leur

délocalisation, de la dépossession de leurs biens, de la rupture des liens communautaires et

sociaux, et de la perte de leurs moyens de subsistance. En mars 2014, la RDC comptait quelques

2 635 000 de personnes déplacées, chiffre qui n’a cessé d’augmenter au cours dernières 10

années.

10. Les femmes et les filles sont menacées de risques spécifiques qui les rendent plus

vulnérables que les hommes et les garçons : leurs revenus sont nettement inférieurs à ceux des

hommes (moins de la moitié) ; les taux de mortalité maternelle restent élevés tandis que l’accès

aux services de santé et de reproduction demeure largement insuffisant. Les violences basées sur

le genre sont endémiques sur tout le territoire national, mais elles atteignent des niveaux

particulièrement alarmants dans les zones de conflit et contribuent à déclencher des vagues de

déplacement. Les filles sont soumises au risque de mariage précoce : en dehors des milieux aisés,

la moitié des femmes âgées de 20 à 49 se sont mariées avant l’âge de 18 ans.

11. Les enfants à risque constituent un groupe vulnérable critique en RDC, notamment

les orphelins, les enfants dits de la rue, les enfants exerçant les pires formes de travail et

ceux qui ont abandonné l’école. Un enfant congolais sur quatre est considéré comme

vulnérable, soit plus de 8 millions d’enfants au total, et près de 7 millions d’enfants ne sont pas

scolarisés. La proportion d’OEV dans la population globale des enfants varie selon les provinces,

mais elle semble particulièrement élevée dans quatre d’entre elles : le Sud Kivu (41% des

enfants, soit plus d’un million), le Maniema, le Kasaï Occidental et la Province Orientale, par

ordre d’importance.

12. Les personnes vivant avec handicap sont elles aussi en situation de plus grande

vulnérabilité. Selon les estimations, 11% des Congolais vivent avec un handicap, soit 7,3

millions de personnes. Plus de la moitié de ces handicaps sont causés par la maladie, et plus de

40% par le conflit armé. En général, les personnes vivant avec handicap ont davantage de

problèmes liés à la santé et à l’éducation. Les femmes vivant avec handicap se marient plus

difficilement, ce qui tend à les rendre plus vulnérables. Près de trois quarts d’enfants vivant avec

handicap souffrent de malnutrition.

13. La couverture offerte par la protection sociale formelle est très loin de satisfaire ce

niveau de besoin. La plupart des personnes pauvres ou vulnérables ont recours à des filets

4

sociaux informels, soit essentiellement l’assistance de la famille et celle d’amis ou

d’organisations locales telles que les églises ou les associations villageoises. Mais ces

arrangements de type informel comportent plusieurs désavantages et ne fournissent pas une

protection suffisante. Dans le cadre global de la protection sociale, les filets sociaux devraient

jouer un rôle prioritaire au niveau des politiques et des dépenses de l’État, en raison du profil de

la pauvreté et de la vulnérabilité brossé ci-dessus.

14. La majorité des filets sociaux en usage dans le monde utilisent la pauvreté comme

critère de ciblage, mais, étant donné qu’en RDC la pauvreté touche les deux tiers de la

population, les filets sociaux devront aller au-delà de ce critère. Le nombre de personnes en

situation d’extrême pauvreté, c’est-à-dire qui ne peuvent pas se procurer le panier alimentaire de

base, pourrait être utilisé comme critère principal de ciblage, car il s’agit de personnes qui ont

besoin d’assistance pour satisfaire leurs besoins caloriques minima. Malheureusement, une

estimation récente de ce nombre n’est pas encore disponible. Quel que soit le critère de pauvreté

ou le groupe vulnérable retenu, il est évident qu’un (ou plusieurs) programme à grande échelle

serait nécessaire pour avoir des retombées importantes sur le bien-être des ménages et des

individus les plus vulnérables.

Cadre de politiques sectorielles

15. Le Document de stratégie de croissance et de réduction de la pauvreté (DSCRP)

considère la protection sociale comme faisant partie intégrante des services sociaux de base

et du développement du capital humain, et comme un moyen important pour éradiquer

l’extrême pauvreté. Il constate que les mauvais indicateurs de santé et d’éducation, l’inégalité

des revenus et la gravité de l’insécurité alimentaire nécessiteront un effort concerté à long terme

de la part de l’État. Mais le document ne mentionne pas expressément les filets sociaux en tant

que programme spécifique à déployer à cette fin. S’il relève la nécessité d’élaborer des

programmes qui répondent aux besoins immédiats des groupes vulnérables, il ne fixe pas de

cibles ou objectifs de protection sociale et n’aborde pas les questions d’approches ou de choix

optimal de programmes d’assistance. Les initiatives plus concrètes mentionnées dans le plan

prioritaire pour les actions du Gouvernement se focalisent sur les réformes de la sécurité sociale

(contributive) qui n’intéressent qu’une petite minorité des Congolais, plutôt que sur les filets

sociaux (non contributifs) dont bénéficierait une tranche bien plus large de la population.

16. La RDC ne dispose pas de stratégie nationale globale de protection sociale. La

Stratégie nationale de protection sociale des groupes vulnérables, conçue en 2004 mais validée

seulement en 2008 par le Gouvernement, se rapporte aux groupes les plus vulnérables,

notamment: les enfants et les femmes en situation difficile, les personnes vivant avec handicap

ou avec le VIH/SIDA, les personnes de troisième âge dénuées de soutien, et les déplacés

internes. Mais cette stratégie n’indique pas de programmes spécifiques à financer, ne définit pas

d’objectifs en termes de couverture et n’avance pas d’estimations de coûts.

17. Conscient des limites de la stratégie de 2004, le MINAS prépare une «Note

d’orientation politique» qui devrait guider la conception d’une nouvelle stratégie. Cette

Note retient la nécessité de réforme des Centres de promotion sociale en Centres d’action sociale

en vue d’améliorer l’offre de leurs prestations ; elle préconise par ailleurs l’instauration d’une

banque de données sur les groupes vulnérables préalablement à la définition d’un programme de

5

filets sociaux de sécurité ; et tâche de déterminer un socle minimum des droits sociaux. En

même temps, le Fonds national de promotion et de service social (FNPSS) du MINAS a réalisé

une étude de faisabilité pour l’élaboration d’une stratégie de protection sociale en RDC.

18. En l’absence d’une orientation stratégique claire concernant les filets sociaux eux-

mêmes, certaines politiques et stratégies sectorielles et thématiques déjà en vigueur peuvent

orienter leur développement: notamment, le Document de stratégie de développement de

l’enseignement primaire, secondaire et professionnel (2010/2011-2015/2016) et le Plan

intérimaire de l’éducation (PIE) 2012/2014; la Stratégie nationale pour le développement de

l’alphabétisation et de l’éducation non formelle (AENF) 2012 à 2016-2020; l’Audit

organisationnel du MINAS; le Plan national de développement sanitaire (PNDS) 2011-2015; le

Programme national d’investissement agricole (PNIA) 2013-2020; le Plan d’action national

2010-2014 en faveur des OEV (PAN-OEV); et le Plan d’action humanitaire en RDC 2013.

19. Il convient de noter qu’une grande attention est accordée au plus haut niveau

politique à la satisfaction et à la couverture des besoins des groupes vulnérables, mais aussi

que la définition des moyens pour toucher ces groupes reste imprécise. Les objectifs globaux

de réduction de l’extrême pauvreté et de satisfaction des besoins des groupes vulnérables sont

soutenus par les stratégies sectorielles et thématiques mentionnées ci-dessus, et qui reflètent ces

objectifs. Mais pour l’ensemble, dans le cadre de ces stratégies, force est de constater que les

moyens de toucher ces groupes sont peu définis, les objectifs cités sont très ambitieux, et que les

politiques spécifiques destinées à déterminer les programmes qui pourraient être les plus

efficaces, et les propositions de réformes pour permettre aux programmes actuels d’atteindre les

principaux objectifs visés, font défaut. En outre, les cibles de financement fixées semblent peu

réalistes eu égard aux ressources disponibles et à la capacité d’absorption des institutions.

20. Le secteur de la protection sociale lui-même existe dans un cadre politique

insuffisant, qui demande à être révisé et actualisé. La confusion quant à la définition de la

protection sociale et du partage de responsabilités entre les ministères ayant respectivement dans

leurs attributions la prévoyance sociale et les affaires sociales, l’absence d’un leadership distinct,

et enfin la collaboration insuffisante entre acteurs étatiques, représentent des défis importants qui

doivent être surmontés pour parvenir à une politique sectorielle cohérente. Le rôle des filets

sociaux devrait être expressément établi dans toute révision des politiques et stratégies de

protection sociale, car ces derniers devraient constituer la partie la plus importante des activités

de protection sociale, étant donné le profil de pauvreté et de vulnérabilité de la RDC.

Cadre institutionnel

21. Plusieurs types d’acteurs sont engagés dans des programmes assimilables à des filets

sociaux, notamment les ministères et organismes de l’État, les ONG et les organisations

internationales. De nombreux programmes d’éducation, de santé, de protection civile, de

mesures relatives aux catastrophes naturelles, d’emploi, d’assurance sociale, de développement

rural, et relevant d’autres secteurs encore, sont destinés à toucher les populations vulnérables.

22. Parmi les intervenants étatiques, le MINAS est le principal ministère chargé de

répondre aux besoins des groupes vulnérables. Il a pour mission institutionnelle primordiale

de superviser les filets sociaux du pays. Notons cependant que le MINAS connaît une certaine

6

instabilité institutionnelle, résultant entre autres de fusions et démembrements répétés depuis

1963. Le MINAS dispose d’un établissement public, le Fonds national de promotion et de

service social (FNPSS), dont le mandat est de mobiliser les financements internes et externes

nécessaires, et de servir d’interface entre les structures étatiques et non étatiques de prise en

charge et les sources des financements. Malheureusement, le FNPSS n’a pas encore commencé à

remplir cette fonction. L’autre intervenant est le Fonds social de la République démocratique du

Congo, institution publique sous tutelle de la Présidence, créé en 2002, et destiné essentiellement

à participer à l’effort de reconstruction et de développement du pays ; ce Fonds social régit les

travaux HIMO.

23. Des centaines d’ONG fournissent des services sociaux aux personnes vulnérables ; la

majorité de ces organismes opèrent au niveau local et à petite échelle. Les organisations

confessionnelles ont souvent une couverture nationale, telles que CARITAS et l’Église du Christ

du Congo.

24. Enfin, les agences internationales et bilatérales jouent un rôle crucial dans le

financement et la réalisation des activités de type filet social. Le plus souvent, ces activités

sont entreprises dans le cadre d’actions humanitaires. On peut citer entre autres l’OCHA, le

PAM, l’UNICEF, l’UNOPS, la Banque mondiale, le DFID, l’USAID, et la Coopération

technique belge.

25. La complexité du cadre institutionnel nécessiterait l’existence et la bonne marche de

mécanismes efficaces de coordination. Pour autant, les mécanismes de coordination des

interventions en matière de filets sociaux et de protection sociale en général sont actuellement

assez faibles. Le Groupe thématique protection sociale a tenu une seule réunion en 2014, et le

Groupe inter-bailleurs n’a été établi que récemment. L’activité des très nombreuses ONG

assurant des services d’assistance sociale n’est pas suffisamment en cohérence avec les

politiques et structures nationales.

26. La situation institutionnelle des filets sociaux fait obstacle à la prestation efficace des

services. Des réformes et des mesures de renforcement institutionnel devront être entreprises au

sein du MINAS pour lui permettre de remplir utilement sa mission de premier acteur étatique.

Pour l’heure, les rôles institutionnels sont en mutation permanente, se chevauchent ou manquent

de définition nette. En revanche, l’assistance humanitaire fonctionne à travers des structures plus

robustes, mais celles-ci sont pour la plupart dirigées par les bailleurs de fonds, et insuffisamment

rattachées aux services publics qui devront intervenir, le moment venu, pour assurer la transition

de l’assistance humanitaire vers le développement durable.

Revue des principaux programmes

27. Le présent État des lieux des programmes a retenu les principaux programmes de

filets sociaux opérant en RDC. Ces programmes ont été regroupés par catégories. Pour chaque

catégorie, la revue s’est efforcée d’estimer le niveau de couverture, les mécanismes

opérationnels, les coûts, les sources de financement, et les impacts, et de dégager des

enseignements à retenir.

7

Les travaux publics à haute intensité de main d’œuvre. La RDC détient une

expérience considérable en matière de programmes d’emploi temporaire, surtout dans

l’est du pays, mais qui sont financés presque exclusivement par des organismes

extérieurs. L’UNOPS gère le programme le plus vaste, mais globalement le nombre de

personnes touchées (qui se comptent en milliers) est très réduit, par rapport aux personnes

admissibles et aux besoins du pays en infrastructure.

Les exonérations de frais. Le seul programme national répertorié est le certificat

d’indigence délivré par le MINAS. Établi en 1991, il cible les indigents, mais également

les fonctionnaires (les critères de ciblage ne sont pas précis). En 2013, le nombre de

bénéficiaires était estimé à environ 2 000. Son efficacité en tant que filet social semble

très limitée.

Les transferts en espèces. La pratique de ce type de programme est très récente en RDC,

datant de 2010, et restant liée au contexte humanitaire. Mis en œuvre par l’UNICEF, le

PAM et quelques ONG internationales et basés sur l’utilisation de coupons (redevables

dans des foires) et/ou d’argent liquide, ces programmes ont touché particulièrement les

personnes déplacées et semblent très prometteurs, ce, grâce à l’emploi des nouvelles

technologies.

Les transferts en nature. Les cantines scolaires sont financées majoritairement par le

PAM dans les zones de conflit (854 546 enfants et 19 138 enseignants en 2013). Il sied de

noter que l’essentiel de ces transferts en nature sont effectués sous forme d’aide

alimentaire aux déplacés (3,6 millions de bénéficiaires en 2013), organisée surtout par

CARITAS et le PAM (pour ce dernier à travers des ONG). Ce type d’assistance est

souvent très couteux du fait des frais de stockage et de transport, et peut par ailleurs

désavantager l’économie locale.

Autres formes d’assistance sociale. Ces programmes visent généralement une prise en

charge holistique des groupes particulièrement vulnérables, tels que les orphelins, les

enfants de la rue, les personnes vivant avec handicap ou les personnes de troisième âge.

Ils sont exécutés par un vaste éventail d’organisations confessionnelles (notamment

l’Église kimbanguiste et CARITAS,) et de la société civile, ainsi que par le MINAS.

Mais leur couverture totale reste exigüe et les financements inadéquats. Ils sont un

dernier recours, au coût unitaire très élevé.

28. Bien que les données soient incomplètes, les estimations indiquent que le pays

dispose actuellement d’une capacité de protection de type filet social très restreinte et mal

repartie géographiquement. La majorité des programmes recensés est concentrée dans la

partie est du pays, ce qui signifie qu’une très grande proportion de Congolais pourtant

admissibles bénéficient de peu, voire d’aucune assistance de filet social. Afin de lutter contre

l’extrême pauvreté, contre l’insécurité alimentaire et contre d’autres aspects de la vulnérabilité

observés dans le pays, une répartition beaucoup plus équitable des interventions doit

nécessairement être effectuée.

8

Financement

29. Les dépenses actuelles au titre des filets sociaux sont modiques par rapport aux

normes internationales, largement assurées par les bailleurs de fonds, et particulièrement

orientées sur la crise humanitaire qui sévit dans la partie orientale du pays. Le budget du

MINAS ne représente que 1% du budget de l’État, contre une moyenne de 3,7% consacrée aux

filets sociaux dans les pays africains à plus faible revenu, et de 4,4% dans l’ensemble des pays

africains. Même en considérant que la totalité du budget du MINAS est allouée aux filets sociaux

(mais près de 80% constituant les frais salariaux), et en ajoutant les quelques 20 millions de

dollars que peuvent représenter les financements extérieurs, le total des dépenses au titre des

filets sociaux en RDC représenterait 0,7% environ du PIB. Ce taux est inférieur même à la

moyenne des pays à plus faible revenu d’Afrique (1,1%). De même, à l’instar de la situation que

l’on retrouve dans plusieurs pays africains, une part importante des dépenses de filets sociaux

consiste en une assistance humanitaire alimentaire qui dépend fortement de financements

extérieurs. L’un des enjeux les plus difficiles dans le déploiement de filets sociaux performants

en RDC sera d’obtenir suffisamment de financements pour étendre les programmes existants,

d’envergure souvent restreinte, à l’échelle nationale.

Recommandations

30. L’absence de filets sociaux efficaces pose un obstacle important au développement

des ressources humaines du pays et à la réalisation d’une croissance économique inclusive.

Elle explique en outre les actions d’adaptation négatives adoptées par les ménages en cas de

choc, telles que la liquidation des actifs, le retrait des enfants de l’école, les soins de santé

sacrifiés et la réduction de la consommation calorique. En termes de capital humain et de bien-

être des individus, de telles conséquences peuvent s’avérer durables et engendrer un cercle

vicieux, la pauvreté étant transmise à la génération suivante. À l’opposé, le déploiement de filets

sociaux efficaces peut permettre de réduire la demande de services sociaux onéreux, tels que les

orphelinats ou les programmes de récupération nutritionnelle. Mais l’intérêt majeur des filets

sociaux est qu’ils contribuent à accroître la cohésion sociale, et même à réduire le risque de

conflit violent, car celui-ci peut traduire en partie le désespoir économique de certains groupes de

la population.

Vision pour le long terme

31. À l’instar de la plupart des pays du monde, la RDC devrait poursuivre la mise en

place progressive d’un système national intégré de filets sociaux. La tendance dans le monde

est d’éviter la fragmentation de l’aide sociale en plusieurs programmes séparés et d’adopter

plutôt une approche systémique, ce qui permet d’éviter les double-emplois, de favoriser la

coordination avec d’autres secteurs (notamment l’éducation et la santé), et de partager les sous-

systèmes administratifs. De plus, l’expérience internationale en la matière enseigne qu’il est

essentiel d’utiliser des systèmes administratifs communs à l’ensemble des programmes de

protection sociale. Étant donné la situation actuelle, il est évident qu’un système national intégré

est un objectif qui ne peut s’inscrire que dans le long terme et qui doit être sous-tendu par une

vision claire et partagée, et une volonté politique ferme chez les acteurs étatiques.

9

32. Une vision pour le long terme doit comporter des objectifs réalistes de coûts et de

couverture, et tenir compte de la capacité administrative et technique des différents acteurs

gouvernementaux. Les considérations suivantes peuvent guider le Gouvernement dans la

formulation de ses objectifs pour le long terme.

Le niveau d’effort possible. Le niveau de priorité accordé par le Gouvernement et la

communauté des donateurs déterminera la disponibilité des financements. Au vu des

fortes contraintes budgétaires, des compromis importants devront être consentis entre la

couverture des programmes et leur générosité. À titre d’hypothèse, avec une

augmentation de l’enveloppe budgétaire équivalant à 0,5% du PIB (ce qui alignerait la

RDC avec les pays africains aux plus faibles revenus), soit 156 millions de dollars, le

nombre de bénéficiaires directs répartis en trois programmes phare (p. ex.: transferts

monétaires, HIMO, et cantines scolaires) pourrait s’élever à environ 1,15 millions. Bien

entendu, la composition définitive des programmes de filets sociaux devrait prendre en

compte une analyse plus détaillée des économies de coûts potentielles, ainsi que les

décisions politiques concernant la combinaison optimale de programmes.

L’estimation de la couverture et des coûts. Cette estimation devrait être réaliste et

réalisable, mais en même temps reposer sur des objectifs qui représenteraient une

amélioration considérable par rapport à l’état actuel. À titre d’exemple, les filets sociaux

les plus étendus, en Amérique Latine ou en Afrique du Sud, touchent un quart de la

population, mais la plupart se limitent à 5 à10% de la population, généralement les plus

pauvres des pauvres. Il est évident que la disproportion entre le nombre d’individus

pauvres ou vulnérables et l’enveloppe budgétaire concrètement et durablement disponible

exigera un ciblage très strict, qui circonscrira la couverture aux extrêmement pauvres ou

vulnérables, ou même seulement à certaines catégories d’entre eux.

33. Un système national de filets sociaux devrait être capable de répondre rapidement

aux besoins engendrés par une crise soudaine, mais aussi de rétrécir par la suite, lorsque la

crise s’atténuera. Sur la base de l’expérience actuelle en RDC d’une part, et des conclusions

tirées de l’expérience d’autres pays africains ayant reproduit avec succès des programmes de

filets sociaux à grande échelle d’autre part, il semble que plusieurs types de programmes

pourraient remplir cette condition:

o transferts directs ciblés, préférablement en espèces compte tenu des coûts

unitaires généralement plus faibles que ceux des transferts de vivres, et de la plus

grande souplesse qu’ils autorisent pour répondre aux divers besoins des ménages

pauvres;

o travaux publics à haute intensité de main-d’œuvre qui, reproduits à grande

échelle, pourraient favoriser simultanément les infrastructures nationales (et donc

l’économie locale) et les objectifs de protection sociale, mais aussi contribuer à

l’emploi des jeunes et des ex-combattants, et permettre ainsi de désamorcer les

tensions sociales;

10

o cantines scolaires, qui devraient être soigneusement ciblées sur le plan

géographique, en direction des zones où sévit la plus grande insécurité

alimentaire, et en considérant que ces programmes n’atteignent pas les enfants

déscolarisés, lesquels constituent toujours un groupe très important et des plus

vulnérables;

o exonération de frais, à condition d’en améliorer sensiblement la gestion, avec un

système de ciblage très strict;

o transferts standardisés pour des services sociaux plus intensifs à l’intention de

certains groupes extrêmement vulnérables, à travers un système intégré de gestion

des cas, l’enregistrement formel des bénéficiaires, et des normes et standards de

services concis.

La matrice ci-dessous résume les actions qui pourraient être mises en œuvre pour

concrétiser cette vision sur le long terme. Elles sont discutées avec plus de détails par la suite.

Actions de court terme (0-3 ans) Actions de moyen terme (3-6

ans)

Vision de long terme

Niveau

opérationnel

Expansion du programme de

travaux à haute intensité de main

d’œuvre exécuté par le FSRDC,

idéalement à l’échelle nationale.

Substitution du certificat

d’indigence par un mécanisme de

ciblage et d’octroi d’avantages

sociaux rigoureux, mécanisme qui

soit partagé avec d’autres

programmes d’exonération des frais

Pilotage d’un programme de

transferts monétaires à l’initiative de

l’État

Début de structuration d’un

système national de filets sociaux

à travers l’utilisation d’outils

communs (enregistrement,

ciblage, suivi,…) couvrant

plusieurs filets sociaux (HIMO,

transferts monétaires, exemption

de frais,…)

Expansion graduelle du

programme de transferts

monétaires sur la base de

l’expérience pilote

Pilotage d’un autre type de filet

social à l’initiative de l’État

Expansion des

programmes les

mieux adaptés au

contexte national

Niveau

réglementaire

Révision de la stratégie de

protection sociale en vue de la

formulation d’une stratégie

nationale intégrée

Détermination du niveau de

couverture des filets sociaux

souhaitable dans les court, moyen et

long termes

Augmentation du budget des filets

sociaux en adéquation avec les

besoins de couverture identifiés, et

alignés sur les montants alloués par

les autres pays africains à faible

revenu (1,1% du PIB)

Soutien à la mise en œuvre de la

stratégie et à son éventuelle mise

à jour

Mise à disposition d’un budget en

adéquation avec les besoins de

couverture identifiés

Mise à jour régulière

de la stratégie

nationale de

protection sociale

Mise à disposition

d’un budget en

adéquation avec les

besoins de couverture

identifiés

11

Actions de court terme (0-3 ans) Actions de moyen terme (3-6

ans)

Vision de long terme

Niveau

opérationnel

Expansion du programme de

travaux à haute intensité de main

d’œuvre exécuté par le FSRDC,

idéalement à échelle nationale.

Substitution du certificat

d’indigence par un mécanisme de

ciblage et d’octroi de bénéfices

rigoureux et partagé avec d’autres

programmes d’exonération des frais

Pilotage d’un programme de

transferts monétaires à initiative

gouvernementale

Début de structuration d’un

système national de filets sociaux

par l’utilisation d’outils communs

(enregistrement, ciblage, suivi,…)

couvrant plusieurs filets sociaux

(HIMO, transferts monétaires,

exemption de frais,…)

Expansion graduelle du

programme de transferts

monétaires sur la base de

l’expérience pilote

Pilotage d’un autre type de filet

social à initiative

gouvernementale

Expansion des

programmes les

mieux adaptés au

contexte national

Niveau

réglementaire

Révision de la stratégie de

protection sociale en vue d’une

stratégie nationale intégrée

Détermination du niveau de

couverture des filets sociaux

souhaitable dans le court, moyen et

long terme

Augmentation du budget des filets

sociaux en adéquation aux besoins

de couverture identifiés et en ligne

avec les montants alloués par les

autres pays africains à faible

revenus (1,1% du PIB)

Soutien à la mise en œuvre de la

stratégie et à son éventuelle mise

à jour

Mise à disposition d’un budget en

adéquation aux besoins de

couverture identifiés

Mise à jour régulière

de la stratégie

nationale de

protection sociale

Mise à disposition

d’un budget en

adéquation aux

besoins de couverture

identifiés

Niveau

institutionnel

Redynamisation du Groupe

thématique protection sociale

Mise en œuvre des

recommandations prioritaires de

l’audit organisationnel du MINAS

Poursuite de la réorganisation et

redynamisation du MINAS

Coordination et

collaboration pilotées

par le gouvernement,

et intégrant acteurs

nationaux et

internationaux tant

publics que privés

Niveau

analytique

Mise au point d’un système de

ciblage basé sur des critères de

pauvreté et de vulnérabilité objectifs

Étude pour établir un programme de

transferts monétaires

Études et analyses préalables à la

définition d’un ensemble de

programmes adaptables qui feront

partie du système national de

filets sociaux

Études et analyses nécessaires à

l’élaboration d’outils et de

mécanismes de coordination

communs

Évaluations d’impact des filets

sociaux pilotes pour en tirer des

conclusions en vue d’une

éventuelle expansion

Évaluations d’impact

des différents types

de programmes afin

d’améliorer leur

performance et

d’optimiser la

composition du

système national de

filets sociaux

12

Actions de court terme (1 à 3 ans)

34. L’objectif sur le court terme devrait être de renforcer le cadre politico-institutionnel

et d’étendre la portée d’au moins un filet social efficace et bien structuré, susceptible de

couvrir tout le territoire national, et poser ainsi les bases d’une évolution vers un système

national de filets sociaux sur le plus long terme. En même temps, il serait souhaitable de tester

la capacité du gouvernement à instituer et gérer un deuxième type de filet social, même de petite

envergure. Les actions à entreprendre pourraient être les suivantes:

a) Révision de la stratégie de protection sociale. La révision de la stratégie nationale de

protection sociale est une nécessité prioritaire, la clarification du rôle des filets sociaux

dans la politique du Gouvernement, et la définition des orientations stratégiques claires en

la matière étant primordiales. Ce processus devrait également aboutir d’une part à la

détermination du niveau de couverture des filets sociaux souhaitable dans les court, moyen

et long termes, et d’autre part à une augmentation du budget qui permettra de financer ces

programmes proportionnellement aux besoins de couverture répertoriés. Des démarches en

ce sens sont déjà en cours et devraient être poursuivies dans un esprit de collaboration

interministérielle, avec le soutien des partenaires au développement. Le processus de

révision devrait être assorti d’actions de renforcement des capacités des différents acteurs

gouvernementaux et tout particulièrement du MINAS, qui est mandaté pour l’organisation

des filets sociaux.

b) Renforcement de la coordination parmi les acteurs de la protection sociale et en

particulier les acteurs intervenant dans les activités de filets sociaux. La première

étape serait de redynamiser le Groupe thématique protection sociale, grâce à la tenue de

réunions régulières ayant des objectifs précis et pratiques. Les associations d’ONG

devraient également être impliquées dans les efforts de coordination. En ce qui concerne

l’appui extérieur, le regroupement des bailleurs dans un cadre officiel harmonisé est

essentiel à la création d’un système cohérent de filets sociaux. L’approche par clusters

pourrait servir de modèle pour l’établissement de mécanismes tels que la mise en commun

des financements, la supervision et le suivi conjoints des programmes. Elle permettrait

ainsi d’éviter des coûts de transaction excessifs pour l’État.

c) Consolidation du cadre institutionnel par l’exécution des recommandations

prioritaires de l’audit organisationnel du MINAS. L’audit, mené en 2013, préconise un

ensemble d’actions de court terme visant à améliorer la performance du MINAS. Ces

actions sont de nature organisationnelle (par exemple, fixer la répartition des tâches), et

opérationnelle (développer une base de données dynamiques relatives aux groupes

vulnérables et aux mesures les concernant implémentées par les différents intervenants).

Les réformes prescrites par l’audit permettraient au MINAS de jouer un rôle plus important

dans l’orientation et la coordination des activités relatives aux filets sociaux.

d) Substitution du certificat d’indigence en tant que mécanisme de ciblage et d’octroi

d’avantages sociaux par un mécanisme adapté aux besoins de la RDC. Le certificat

d’indigence est un mécanisme de ciblage et d’identification qui devrait faciliter l’accès des

plus vulnérables aux services sociaux de base, grâce à des exonérations de frais. Mais il ne

13

repose pas sur des critères d’éligibilité concis et présente des faiblesses importantes au

niveau de la gestion et du suivi. Un tel mécanisme devrait être remplacé par un outil de

ciblage et d’identification basé sur des critères objectifs de pauvreté et de vulnérabilité, qui

pourrait être généré à partir des données de l’Enquête 1-2-3 pour le ciblage géographique,

pour celui des ménages, et pour la conception des critères d’éligibilité. La mise au point de

ce dispositif de ciblage, et son adoption au sein de programmes gouvernementaux en

remplacement du certificat d’indigence, seraient une première étape vers l’élaboration d’un

système pouvant être ensuite généralisé aux autres filets sociaux et programmes

d’assistance principaux, et évoluer graduellement vers un système national de ciblage.

e) Expansion du programme de travaux à haute intensité de main d’œuvre. Outre qu’il

apporte des revenus immédiats aux personnes vulnérables, ce type de programme contribue

à la reconstruction des infrastructures du pays et, en injectant des sommes importantes

d’argent dans les zones défavorisées, dynamise leur économie. Plusieurs acteurs ont

accumulé une expérience considérable dans la mise en œuvre de travaux HIMO, y compris

le FSRDC qui exécute un tel programme dans l’est du pays. Vu les énormes besoins de la

RDC en termes d’infrastructures et de création d’emplois, et la présence d’au moins une

entité gouvernementale capable de gérer des travaux HIMO, le programme de travaux

publics dans l’est pourrait être élargi aux autres provinces du pays. En même temps, les

ministères chargés des infrastructures publiques (le ministère de l’Aménagement du

territoire, de l’urbanisme et de l’habitat et le ministère des Transports et des voies de

communication devraient inclure dans leurs politiques l’adoption systématique de

l’approche HIMO. Les outils développés pour ce programme (ciblage, identification,

registre, suivi/évaluation) permettraient de tester les éléments d’un système de protection

sociale autour d’un filet social de sécurité, éléments qui soient bien structurés, gérés par

l’État et susceptibles d’être ensuite portés à l’échelle au niveau de programmes nationaux.

f) Pilotage d’un projet de transferts monétaires basé sur les réalisations du domaine

humanitaire. Des projets de transferts en espèces qui ciblent les populations déplacées

existent déjà en RDC. À partir de l’expérience de ces projets, le Gouvernement, en

collaboration –le cas échéant– avec des ONG expérimentées, pourrait piloter un mécanisme

de transfert d’espèces destiné à soutenir les ménages en situation de pauvreté extrême

chronique. Ce programme devrait fournir des transferts réguliers et prévisibles aux

ménages ciblés pour les aider à faire face aux dépenses essentielles (alimentation, écolage,

soins de santé, par exemple). Une étude préalable permettrait de mieux définir la

configuration de ce programme et les synergies éventuelles avec d’autres interventions. Le

pilotage de ce type de filet social permettrait de déterminer si ce mécanisme est approprié

au contexte de la RDC en dehors du milieu humanitaire, et si le Gouvernement a la capacité

de bien le gérer.

Actions de moyen terme (3 à 6 ans)

35. L’objectif sur le moyen terme devrait être de poursuivre l’amélioration du cadre

politico-institutionnel, de porter à l’échelle un deuxième type de filet social à même

d’atteindre une couverture nationale sur le long terme, et de mettre au point les outils

14

nécessaires pour un système national de filets sociaux. Les actions à entreprendre pourraient

être les suivantes:

a. Poursuite de la réorganisation et redynamisation du MINAS au moyen de réformes

plus poussées. Ces réformes devraient comprendre:

o La restructuration et la modernisation de ses systèmes internes pour aboutir, entre

autres, à un contrôle et une comptabilité plus serrés du patrimoine ministériel, et à

une gestion plus efficace du personnel, notamment concernant les départs à la

retraite et les réaffectations. Aucune de ces réformes ne sera possible sans, d’une

part, des allocations budgétaires plus importantes et, d’autre part, une volonté

politique de réforme.

o Une meilleure réglementation des services d’assistance sociale, en commençant par

la formulation de normes et de standards spécifiques (ainsi qu’il a été entrepris

récemment en ce qui concerne la prise en charge des enfants en situation difficile),

dont le respect serait une condition de financement.

b. Portée à l’échelle du programme pilote de transferts monétaires. En fonction des

résultats des évaluations d’impact et de processus qui seront menées et qui permettront de

cerner la pertinence de ce programme, les transferts monétaires pourront être portés à

l’échelle au niveau national, en incorporant des restructurations éventuellement nécessaires.

Parallèlement, des études et analyses continueront d’être menées en vue de déterminer les

autres programmes qui pourraient faire partie d’un système national de filets sociaux et qui

s’ajouteront dans le plus long terme aux programmes déjà en vigueur.

c. Élaboration d’outils et de mécanismes de coordination communs. Un système national

de filets sociaux devrait disposer d’outils et de mécanismes de coordination utilisés par tous

les acteurs, afin d’assurer la cohérence et l’intégration de différents projets et programmes.

L’ensemble des outils à mettre en commun pourrait inclure: (a) les systèmes de ciblage,

qui, comme il a été indiqué plus haut, pourraient initialement être développés pour certains

projets; (b) des registres communs des bénéficiaires et une gestion rigoureuse des cas, afin

de soutenir les ménages les plus vulnérables en les reliant à plusieurs types d’assistance,

mais aussi pour éviter les double-emplois; (c) un suivi standardisé et intégré permettant de

recueillir et de consolider les données essentielles sur les multiples interventions

d’assistance sociale et de filets sociaux à l’œuvre dans le pays; (d) des évaluations

systématiques groupées, par exemple par type de filets sociaux, ce qui contribuerait à

enrichir les connaissances et permettrait de déterminer les meilleures pratiques en vue de

les reproduire.

36. En fonction des résultats des études et des analyses réalisées, de la performance des

différents filets sociaux mis en œuvre, et des besoins identifiés, la stratégie de protection sociale

et le budget affecté seront constamment mis à jour.

15

I. Introduction

A. Contexte et objectif de l’État des lieux

1. La majorité des citoyens de la RDC est extrêmement vulnérable. Sur l’indice de

développement humain de 2013, la RDC est classée avant-dernière (186ème

sur 187 pays).

L’accès aux services de base, notamment la santé et l’éducation, est réduit et ce, particulièrement

pour les couches les plus démunies, alors même que, selon l’Enquête 1-2-3 de 2012, 63,4% de la

population vit en dessous du seuil de pauvreté. Au cours de la dernière décennie, la pauvreté

ainsi que la violence, les violations des droits humains et les déplacements à grande échelle des

populations engendrés par le conflit, ont causé d’énormes souffrances parmi la population et une

détérioration du tissu socioéconomique, ce qui a fragilisé les filets sociaux traditionnels.

2. Bien que la population soit confrontée à de nombreux risques de différente nature, l’accès

aux programmes officiels de protection sociale demeure lui aussi très limité, ce qui écarte des

personnes extrêmement vulnérables une possibilité vitale d’améliorer leur situation. Certains de

ces risques se retrouvent partout en Afrique, mais nombre d’entre eux sont spécifiques à la RDC,

soit par leur nature, à l’exemple des éruptions volcaniques, soit par leur amplitude, comme la

violence basée sur le genre et les conflits inter-ethniques. La plupart du temps, le Gouvernement

ne dispose que d’une faible capacité pour gérer la magnitude de ces risques, de sorte que la

majorité des ménages est laissée à elle-même.

3. Plusieurs types de filets sociaux, mis en place soit en réponse à une crise ponctuelle, soit

sous forme de programmes à moyen terme, ont été expérimentés en RDC mais toutes ces

interventions se heurtent à de nombreuses difficultés. Au niveau stratégique, elles ne sont pas

conçues comme faisant partie d’un système global mais plutôt comme des programmes isolés ;

au niveau opérationnel, leur couverture demeure encore faible et leur mise en œuvre dépend

d’une myriade d’institutions qui utilisent des approches, des outils de gestion, des critères de

ciblage et des systèmes de suivi-évaluation différents.

4. L’information sur l’efficacité réelle de ce type d’interventions en RDC est passablement

clairsemée. Dans l’ensemble, celles-ci peuvent être regroupées en trois catégories: (a) les

programmes d’envergure nationale, principalement gérés par le Ministère des Affaires sociales,

de l’action humanitaire et de la solidarité nationale (MINAS), (b) les nombreux programmes de

portée plus réduite, mis en œuvre par des structures confessionnelles et des organisations non

gouvernementales, et (c) les interventions dans le contexte de l’assistance humanitaire dans les

zones de conflit. Il manque toutefois un cadre structuré pour toutes les interventions pouvant être

considérées comme une forme de filet social.

5. Le présent État des lieux des filets sociaux a pour objectif de présenter une revue

analytique la plus globale possible, comprenant :

a) un aperçu de l’état de vulnérabilité qui prévaut dans le pays et l’identification des

principaux groupes vulnérables, ceci en vue de présenter le contexte dans lequel les

filets sociaux sont conçus, justifiés et mis en œuvre (chapitre 2);

16

b) un examen des principales directives politiques qui définissent les stratégies globales

concernant les filets sociaux (chapitre 3);

c) un résumé du cadre institutionnel et juridique qui régit actuellement les filets sociaux

(chapitre 4);

d) une revue des principales interventions pouvant être considérées comme des filets

sociaux, et une analyse de leurs objectifs, portée, couverture, ciblage, efficacité et

sources de financement (chapitre 5);

e) un aperçu du financement actuel de ces interventions, assorti d’une estimation des

niveaux optimaux de financement (chapitre 6);

f) sur la base de ce qui précède, la formulation de recommandations pour l’avenir, pour

permettre d’améliorer la portée, la coordination et l’impact des filets sociaux en RDC,

et ainsi de jeter les bases d’un système national plus intégré (chapitre 7).

B. Définitions et concepts

La protection sociale

6. Les filets sociaux font partie des interventions de protection sociale. Il n'existe pas de

définition universellement reconnue de la protection sociale, mais plutôt un consensus sur ses

aspects fondamentaux :

«La protection sociale est un ensemble de politiques et programmes visant à

réduire la vulnérabilité aux risques, et à améliorer la capacité à répondre aux chocs

ou à faire face aux interruptions/pertes de revenus qui mettent les personnes dans

des situations de pauvreté et de précarité ».

7. Les objectifs généraux de la protection sociale sont de: (a) promouvoir l’inclusion et

l’accès aux services de base (santé, éducation, etc.) et à l’emploi; (b) atténuer l’impact des chocs

et des changements de situation sur le bien-être; et (c) assurer un niveau minimum de

consommation afin d'éviter les situations d'indigence.

8. La protection sociale se décline en un large éventail d'outils qui aident les ménages à

prévenir, réduire et faire face aux différents risques et chocs. En fonction du contexte national,

plusieurs outils peuvent être utilisés de manière concomitante. Les principaux outils de

protection sociale sont:

L'assurance sociale, qui comprend des programmes contributifs permettant de mieux

gérer le risque et la vulnérabilité en évitant que la vieillesse, la maladie, les accidents de

travail et maladies professionnelles, le chômage et l’absence de prestations familiales ne

fassent basculer les personnes dans la pauvreté. Les différents types d'assurance sociale

du secteur formel salarié sont: les systèmes de pensions de vieillesse; l’assurance contre

les accidents de travail et les maladies professionnelles, les pensions d’invalidité et de

survivants, les prestations familiales, et l'assurance maladie.

17

Les filets sociaux de sécurité (ou ‘filets sociaux’), constitués de programmes de

transferts non contributifs ciblant spécifiquement les pauvres et les personnes vulnérables

aux chocs. Ces interventions comprennent: les transferts monétaires; les transferts en

nature tels que les cantines scolaires, les suppléments nutritionnels, l'aide alimentaire; la

création d'emplois temporaires, grâce à la mise en place de travaux publics à haute

intensité de main-d'œuvre (HIMO); et les exonérations de frais, telles que la gratuité des

services de santé ou de scolarité.

Les politiques et programmes visant à promouvoir l'emploi et la productivité des

personnes vulnérables, qui ciblent particulièrement les jeunes et d’autres groupes

susceptibles d’être exclus du marché du travail, mais aussi à protéger de l’exploitation

certains groupes vulnérables, tels que les programmes d'élimination des pires formes de

travail des enfants.

Les programmes visant à faciliter l’accès des communautés pauvres aux services de

base, tels que les fonds sociaux, qui peuvent former une composante importante des

stratégies nationales de protection sociale, ciblant non pas les individus mais les

communautés les plus vulnérables.

9. La combinaison des programmes de protection sociale dépend du niveau de

développement, des ressources disponibles, du cadre institutionnel et des priorités politiques

d’un pays. L’assurance sociale et les filets sociaux représentent la partie la plus importante d’un

système de protection sociale, en termes de couverture et de financement. Etant donné qu’ils sont

contributifs, les régimes d’assurance sociale couvrent généralement le secteur formel alors que

les filets sociaux ont pour cible les couches les plus vulnérables.

10. La question de la protection sociale a suscité un intérêt croissant au cours des 20

dernières années, notamment en ce qui concerne les politiques sociales dans les pays en voie de

développement. En particulier, la crise financière, alimentaire et énergétique de 2008 a donné

une forte impulsion aux dialogues et débats sur la protection sociale et l’aide que celle-ci peut

apporter en cas de crise. Ainsi, la protection sociale est maintenant considérée par les décideurs

comme l’une des composantes clés des stratégies de réduction de la pauvreté en Afrique, et le

défi principal dans les prochaines années sera d’élaborer des stratégies et programmes nationaux

qui permettent à la protection sociale de jouer pleinement son rôle d’instrument privilégié pour la

gestion des risques et la réduction de la pauvreté.

Les filets sociaux

11. Dans le présent rapport, sont considérés comme filets sociaux les programmes de

transfert non contributifs1, conditionnels ou non, ciblant les pauvres ou les personnes

vulnérables. Ces programmes ont pour objectifs spécifiques de soutenir directement le niveau de

consommation des groupes pauvres et/ou vulnérables, de garantir leur accès aux services sociaux

essentiels afin de créer un nécessaire investissement dans le capital humain, d’apporter à ces

groupes un soutien temporaire en cas de crises ou de chocs et, plus globalement, de rompre le

cycle intergénérationnel de transmission de la pauvreté. Les filets sociaux sont généralement des

1 "Non contributif" s'entend ici comme n'exigeant pas que les bénéficiaires aient préalablement contribué, par exemple à travers

des cotisations, à un quelconque système de prévoyance.

18

programmes ciblés, contrairement aux services universels tels que la santé ou l’éducation, et sont

axés sur le «coté demande», c’est-à-dire qu’ils cherchent à soutenir directement les ménages (par

l’apport d’alimentation, de transferts monétaires, ou de formation), plutôt que sur le «côté offre»,

tels que les programmes visant à améliorer la qualité de l’école, ou la disponibilité des services.

Il existe cinq principaux types de filets sociaux:

Les transferts monétaires qui offrent aux bénéficiaires des ressources financières destinées

à leur permettre de maintenir un niveau minimum de consommation. Ils comprennent les

transferts monétaires conditionnels (TMC) et inconditionnels, les allocations au titre des

enfants du ménage, et d’autres soutiens aux revenus.

Les transferts en nature qui permettent aux bénéficiaires d’avoir accès à des vivres, à des

soins de santé, à l’éducation, au logement, aux ressources énergétiques, et à d’autres biens et

services de base. Les filets sociaux en nature comprennent les programmes alimentaires (tels

que l’aide alimentaire et les cantines scolaires) et l’offre d’autres appuis matériels.

Les exonérations de frais s’appliquent généralement aux services d’éducation et de santé, et

ont pour objet de faciliter l’accès à ces services essentiels à ceux qui en sont exclus en raison

de leur incapacité à payer.

Les programmes de travaux publics à haute intensité de main-d’œuvre, qui offrent des

opportunités d’emploi temporaire contre une aide alimentaire, ou contre un salaire en

espèces. Ils créent également des biens publics qui peuvent contribuer à améliorer le niveau

de vie des populations, par la construction de nouvelles infrastructures, ou la réhabilitation

d’infrastructures existantes.

L’assistance sociale, qui répond à une large gamme de besoins en offrant, par exemple, la

prise en charge des orphelins et enfants de la rue, un soutien aux personnes vivant avec un

handicap, et des services aux femmes en détresse. L’assistance sociale va généralement au-

delà de la satisfaction des besoins immédiats, et peut comprendre un soutien psychosocial,

des logements, des soins de santé et de l’enseignement.

12. Pour que les filets sociaux soient efficaces, ils doivent bien cibler les couches les plus

démunies, et particulièrement les ménages qui n’ont pas les moyens de participer aux systèmes

contributifs d’assurance sociale. Le niveau d’assistance devrait permettre aux bénéficiaires

d’atteindre et maintenir un niveau minimum de consommation, sans nécessairement suffire, à lui

seul, à sortir un ménage de la pauvreté. Trois autres caractéristiques importantes de filets sociaux

efficaces sont (a) de fournir un soutien prévisible sur lequel les ménages puissent compter, plutôt

qu’un simple appui ponctuel, (b) d’être facilement extensibles en cas de besoin, par exemple

pour faire face à une crise majeure et (c) d’être bien intégrés aux politiques sectorielles,

notamment les politiques d’éducation lorsqu’il s’agit des programmes qui accroissent la

demande pour ces services, tels que les transferts conditionnés à la scolarisation des enfants des

ménages bénéficiaires. Un système national de filets sociaux peut comporter de multiples

instruments, qui doivent être sous-tendus par une stratégie globale cohérente et intégrer des

mécanismes de coordination entre programmes.

13. L’impact des filets sociaux peut aller au-delà de la préservation immédiate du bien-être

des ménages en produisant une série d’effets positifs qui, sur le long terme, peuvent réduire les

19

inégalités et favoriser un modèle de croissance inclusive. Un volume croissant d’études attestent

que les filets sociaux peuvent produire une série d’effets positifs:

a) les ménages utilisent les transferts des filets sociaux pour consommer davantage de

produits alimentaires et des produits de meilleure qualité, mais aussi pour satisfaire

d’autres besoins élémentaires, ce qui a un effet immédiat et direct sur la pauvreté

chronique;

b) le soutien prévisible fourni par les filets sociaux et l’assurance sociale permet aux

ménages de faire face aux conséquences des chocs, ce qui leur évite le risque de

s’enfoncer dans la pauvreté ;

c) les filets sociaux permettent aux ménages d’améliorer leur productivité grâce à des

investissements dans le capital humain, l’acquisition ou la préservation d’actifs

productifs, et le développement d’activités entrepreneuriales, ce qui facilite leur sortie, à

terme, de la pauvreté;

d) les filets sociaux peuvent promouvoir la mise en route d’activités génératrices de

revenus et offrir de l’emploi temporaire et, ce faisant, doter les travailleurs impliqués

d’expérience et de compétences qui peuvent les aider à accéder à un emploi et à un

revenu plus permanents;

e) les filets sociaux peuvent contribuer au développement économique local à travers la

stimulation des marchés locaux, suite aux transferts monétaires obtenus et à

l’amélioration des routes et marchés réalisée par des travaux HIMO;

f) les filets sociaux peuvent promouvoir la stabilité sociale durant les crises et les réformes

économiques, et peuvent réduire les inégalités.

14. Les filets sociaux permettent de compléter et renforcer les autres politiques sectorielles

mises en œuvre par le Gouvernement. Si l’objectif principal des filets sociaux est de soutenir la

consommation des ménages pauvres, gérer les risques et réduire les effets négatifs des chocs

pour les ménages vulnérables, il ne faut pas sous-estimer le rôle que les filets sociaux peuvent

jouer au soutien des autres politiques sectorielles. En effet, si les politiques de santé et

d’éducation nationales améliorent, entre autre, l’offre des services sociaux de base, les filets

sociaux peuvent en soutenir la demande. A travers, par exemple, des transferts monétaires ou des

exemptions de frais, les filets sociaux peuvent promouvoir l’accès à la santé et l’éducation pour

les couches les plus démunies et renforcer ainsi l’impact des investissements sectoriels du

Gouvernement. De même, ces investissements (amélioration du système éducatif et sanitaire)

sont une condition préalable à tout programme de filet social qui vise le renforcement du capital

humain. Des synergies importantes peuvent exister également entre les politiques

d’infrastructures et urbanisation et les filets sociaux. Les programmes de travaux publics à haute

intensité de main d’œuvre peuvent en effet être intégrés et contribuer aux grands chantiers de

construction et réhabilitation d’infrastructures sociales ou routières. Vu les besoins très

importants dans ces secteurs, il est évident qu’une utilisation plus systémique de l’approche à

haute intensité de main d’œuvre serait bénéfique tant au secteur de la protection sociale qu’au

secteur des infrastructures et que les synergies entre les deux secteurs sont significatives.

20

C. Méthodologie de l’État des lieux

15. L’identification des programmes a été exécutée par l’équipe de la Banque mondiale en

concertation avec le MINAS, et les principaux partenaires internationaux et ONG dont la mission

est d’accompagner ce type de programmes. Étant donné le grand nombre de petites ONG offrant

divers services d’assistance sociale assimilables à des filets sociaux, un recensement complet de

leurs programmes et projets serait allé au-delà du champ de cet État des lieux. Qui plus est, un

examen de plusieurs interventions, considéré initialement dans le cadre de cet État des lieux, a

révélé qu’il s’agissait pour l’essentiel de programmes de développement rural intégré opérant

dans des milieux pauvres mais ne présentant pas vraiment les caractéristiques d’un filet social2.

Ces programmes n’ont donc pas été pris en compte ici. Par contre, quelques programmes

récemment achevés ont été inclus car ils fournissent des conclusions utiles pour l’avenir.

16. Plusieurs programmes étant à l’œuvre uniquement dans certaines zones, des visites de

terrain ont été organisées en vue de collecter des informations sur les expériences des filets

sociaux au niveau des provinces. Un échantillon de provinces a été choisi pour représenter la

diversité des situations dans un pays aussi vaste et varié que la RDC: Kinshasa et le Bas-Congo

comme exemple de provinces mieux loties, le Bandundu qui enregistre les niveaux les plus

élevés d’insécurité alimentaire chronique3 et le Nord et le Sud Kivu comme exemples de zones à

forte concentration d’ONG.

17. Les interventions d’assistance humanitaire dans les zones post-conflit présentent un grand

nombre de similarités avec les interventions classiques de filets sociaux, mais une complète des

programmes d’aide humanitaire sortait elle aussi du cadre de notre État des lieux. Néanmoins, il

était important d’étudier certains programmes dans l’est de la RDC qui apportent un soutien en

espèces ou en nature aux bénéficiaires, car ces interventions peuvent fournir des enseignements

importants sur les mécanismes et approches susceptibles d’être reproduits à grande échelle.

18. Des visites de terrain ont été effectuées à Kinshasa, au Bas Congo, à Kikwit dans le

Bandundu, au Nord-Kivu ainsi qu’au Sud Kivu afin de mieux comprendre les procédures

opérationnelles, les contraintes et les enseignements tirés des programmes dans ces provinces.

Les données sur les différents programmes ont été recueillies au cours d’entretiens directs avec

leurs gestionnaires et par le biais d’un questionnaire portant sur les objectifs, le cadre

institutionnel, les activités, les critères de ciblage, les bénéficiaires, les modalités opérationnelles,

le coût et le mécanisme de financement des activités et sur le suivi-évaluation des programmes.

Plusieurs programmes ont été en mesure de fournir une documentation complémentaire, y

compris les documents et les évaluations des projets, ce qui a apporté un éclairage de plus à la

présente revue. Une liste complète des agences visitées est présentée en annexe A; le tableau ci-

dessous ne contient que les programmes pour lesquels l’information est relativement complète.

2 Citons World Vision et quelques autres : Action pour la paix, l’éducation et le développement (APD), APIDE (Appui-conseils

aux projets et initiatives de développement endogène), UWAKI. PAM Achat pour le progrès « P4P ». 3 World Food Programme (2014), Analyse approfondie de la sécurité alimentaire et de la vulnérabilité (CFSVA) République

démocratique du Congo, p. 63.

21

Tableau 1: Cartographie des programmes et projets recensés par l’État des lieux Organisation Typologie des

programmes ou

projets

Niveau de collecte d’information

National Kinshasa Bas

Congo

Band-

undu

Nord

Kivu

Sud

Kivu

CARITAS Aide alimentaire

Autres transferts en

nature

HIMO

Autre assistance

sociale

X X X X X

Mercy Corps Transferts en monnaie

Aide alimentaire

Autres transfert en

nature

MINAS: Apprentissage

Professional

Autres assistance

sociale

X X X X X X

MINAS: Carte d’indigence Exonérations des frais X X X X X X

MINAS: Rattrapage scolaire Autres assistances

sociales

X X X X X X

MINAS: Alphabétisation Autres assistances

sociales

X X X X X X

MINAS: Appui aux ONG et

institutions sociales, aide et

secours

Autres assistances

sociales

X X X X X X

MINAS: Banque mondiale

Projet des Enfants dits de la

rue

Autres transferts en

nature

Autres assistances

sociales

X

Oxfam/DFID Transferts monétaires X

PAM: Cantines scolaires Aide alimentaire X X X

PAM: Autre assistance

alimentaire

Transferts monétaires

Aide alimentaire

Aide en nature

X X X

UNICEF/DFID/ARCC2 Transferts monétaires X X X

UNOPS HIMO X

USAID: Food for the

Hungry

Aide alimentaire X

Fonds Social de la

RDC/Banque mondiale

HIMO X

Katanga

Diverses ONG au niveau des provinces :

ADIJF Autre assistance

sociale

X

APED Autre assistance

sociale

HIMO

X

CADERCO Autre assistance

sociale

X

CASPOF Autre assistance

sociale

X

COJESKI Autre assistance

sociale

Église du Christ au Congo Autre assistance

sociale

X X

22

Diverses ONG au niveau des provinces

ELCOS Autre assistance

sociale

X

FSH Autre assistance

sociale, HIMO,

transferts en nature

X

GEAD Autre assistance

sociale, HIMO,

transferts en nature

X

LSC Autre assistance

sociale

X

MBAN HIMO X

23

II. Profil des risques et vulnérabilités

19. Pour être efficaces, les filets sociaux doivent être adaptés au profil des risques et des

populations vulnérables du pays. Une analyse des vulnérabilités permet non seulement de

déterminer le nombre des personnes devant être couvertes par les filets sociaux, mais également

les types de filets sociaux les mieux appropriés pour satisfaire les besoins de ces personnes. Par

exemple, alors qu’on peut fournir une assistance adéquate aux personnes rendues vulnérables par

des chocs ponctuels tels que les récessions économiques ou la sécheresse, à travers des

programmes d’emploi temporaires (travaux HIMO), les personnes vivant dans une pauvreté

chronique auront souvent besoin de soutien à long terme. Les groupes extrêmement vulnérables,

tels que les orphelins et les enfants de la rue, peuvent eux avoir besoin d’une prise en charge

complète.

20. Ce chapitre donne un profil-type de la population qui devrait être ciblée par les filets

sociaux en RDC. Il s’appuie sur les sources de données primaires existantes, notamment

l’Enquête démographique et de santé (EDS 2013-2014), le MICS 2010 et l’Enquête 1-2-3 de

2012. En outre, des informations complémentaires ont été tirées d’un certain nombre d’analyses

situationnelles concernant certains aspects de la protection sociale et/ou des populations

spécifiques4.

A. Pauvreté

21. La pauvreté livre les individus à une multitude de risques tels que la malnutrition, le non

développement du capital humain et la réduction de l’espérance de vie. Les filets sociaux sont

principalement destinés aux personnes vivant en-dessous du seuil de pauvreté.

22. Selon l’Enquête 1-2-3, en 2012 le taux de pauvreté à l’échelle nationale était de 63,4%,

soit une baisse de presque 8 points par rapport à 2005 (date de l’enquête précédente)5. Avec une

population estimée à 79 millions d’habitants, ce taux signifie que 50 millions de Congolais sont

pauvres ; la plupart d’entre eux (31,5 millions) vivent en milieu rural, où l’incidence de la

pauvreté est plus élevée (65,2% contre 60,4% en milieu urbain)6. Il existe une vaste disparité

dans l’incidence de la pauvreté entre les provinces : « seuls » 37 % de la population de Kinshasa

vivent en dessous du seuil de pauvreté alors que dans les deux Kasaï, le Bandundu et l’Équateur

l’incidence de la pauvreté dépasse les 70%. La province avec la plus haute incidence de

pauvreté, y compris de la pauvreté extrême, est le Kasaï Oriental (78,6%) de pauvres et 63%

d’extrêmement pauvres), suivie de l’Équateur (77,3%). Par ailleurs, les ménages pauvres ont

tendance à compter plus de membres (61,4% des familles élargies sont pauvres, contre 59,7% de

couples avec enfants et 12,2% seulement des personnes seules) et à avoir pour chef de famille,

une personne dont le niveau d’éducation ne dépasse pas le cycle primaire.

B. Insécurité alimentaire

4Par exemple: Overseas Development Institute: Child-sensitive social protection in DRC : A diagnostic study, mai 2011.

5 Pour une analyse beaucoup plus détaillée de la pauvreté et des conditions de vie des ménages, voir le rapport final global des

Résultats de l’enquête sur l’emploi, le secteur informel et sur la consommation des ménages/2012 produit sous l’égide du

Ministère du Plan en Septembre 2014. 6 Heureusement, c’est aussi dans les zones rurales que l’on a observé le plus d’amélioration en 7 ans, de 76 % en 2005 à 65 % en

2012.

24

23. Malgré les énormes potentiels agricoles du pays, la majorité de la population est

confrontée à une insécurité alimentaire. Une étude récente du PAM et de l’IFPRI sur l’insécurité

alimentaire et la vulnérabilité, estime que 54% des ménages ruraux (près de 28 millions de

personnes) traversent des périodes d’insécurité alimentaire7. De ces ménages, plus de 10%, soit

7,5 millions de personnes, vivent en situation d’insécurité alimentaire sévère8. La province ayant

le plus grand nombre de personnes touchées par l’insécurité alimentaire est l'Équateur, en raison

du taux relativement élevé de ménages ruraux connaissant une insécurité alimentaire (60%) et de

son importante population rurale (7,5 millions).

24. L’Enquête 1-2-3 indique que plus de la moitié des ménages urbains et les deux tiers des

ménages ruraux se soucient de ne pas avoir assez à manger, et que la moitié des ménages sur

l’ensemble du territoire national affirment avoir connu l’insécurité alimentaire au cours des 12

derniers mois. Comme cause de cette situation, les ménages urbains évoquent principalement le

manque de ressources financières; les ménages ruraux mentionnent en premier lieu les mauvaises

récoltes dues à une pluviométrie défavorable, puis le manque de ressources financières.

L’insécurité alimentaire se traduit par des taux élevés de malnutrition chez les enfants. Dans

l’ensemble, 43% des enfants souffrent de malnutrition chronique dont près de la moitié (23%)

sous une forme sévère. Les enfants des milieux ruraux sont nettement plus menacés de

malnutrition que ceux des zones urbaines: ils accusent un retard de croissance, conséquence de la

malnutrition chronique, plus fréquemment (47% contre 33%) et leur niveau de malnutrition

aiguë (émaciation) est plus élevé (9% contre 5%)9 .

C. Accès aux services de base

25. Comme compléments des politiques nationales d’éducation et de santé, les filets sociaux

peuvent jouer un rôle important pour la prestation de services de base, en en élargissant l’accès

aux populations qui en sont exclues. Au départ, cet accès est limité, d’une part, par la carence des

services et d’autre part, par le manque de moyens financiers des ménages pauvres. Il s’avère

qu’une partie substantielle du financement des services de santé et éducation repose sur les

redevances payées par les usagers; ainsi, même si l’enseignement primaire est obligatoire et sa

gratuité garantie par la Constitution, les écoles perçoivent des frais officiels et non officiels. Les

transferts monétaires, les revenus temporaires issus des travaux HIMO, et les programmes

d’exonération de frais peuvent mettre les ménages vulnérables à même de scolariser leurs enfants

et de se soigner, entre autres. Qui plus est, certains services de santé et d’éducation sont inclus

parmi les prestations d’assistance sociale.

26. L’état des infrastructures physiques constitue une autre entrave considérable à l’accès aux

services de base. Des décennies de guerre et d’absence d’entretien ont laissé un système de

7 Analyse approfondie de la sécurité alimentaire et de la vulnérabilité (CFSVA), janvier 2014, PAM/IFPRI. 8 La sécurité alimentaire des ménages est classée selon une combinaison de trois indicateurs : (i) le score de consommation

alimentaire (SCA), qui divise les ménages en trois groupes: consommation alimentaire pauvre, limite et acceptable, (ii) l'indice de

richesse, qui est basé sur la possession des avoirs et les conditions de logement, (iii) l'indice des stratégies de survie (CSI), qui est

un indicateur de la sévérité des réactions comportementales régulières des ménages face à la pénurie alimentaire. Les ménages en

insécurité alimentaire sévère sont i) les ménages ayant une consommation alimentaire pauvre et ii) les ménages ayant une

consommation alimentaire limite mais en même temps classés parmi les ménages les plus pauvres par rapport à l’indice de

richesse et parmi la catégorie de ménages qui ont un indice de stratégie de survie le plus élevé (rapport CFSVA, PAM/IFPRI,

janvier 2014). 9 Enquête de démographie et de santé 2013-2014.

25

transport où seuls 2000 km de routes sont revêtues, dans un pays de plus de 2 millions de km2, et

où le réseau des pistes rurales est gravement endommagé. Par conséquent, la majorité des

villages et hameaux sont difficilement accessibles par véhicules motorisés, ce qui accroît la

vulnérabilité en rendant l’accès aux services plus pénible, et en limitant les opportunités de

commercialisation des produits agricoles. L’Enquête 1-2-3 estime que «les infrastructures

scolaires pourraient être qualifiées de rares tant qu’elles sont situées à plus de 10 km pour plus de

80% des ménages congolais».

27. Dans le secteur de l’éducation, les indicateurs sont insatisfaisants: seuls 75% des enfants

d’âge scolaire au primaire fréquentent l’école, soit plus de 7 millions d’enfants non scolarisés. La

situation est nettement plus préoccupante pour le secondaire, où moins d’un tiers des enfants

scolarisables (32%) vont à l’école. Le faible taux de fréquentation scolaire découle en partie du

niveau élevé de pauvreté, car les frais scolaires et d’autres frais connexes sont souvent la cause

du retrait prématuré des enfants de l’école: 40% des élèves quittent l’école parce que les

ménages ne peuvent pas supporter les coûts qui y sont associés10

.

28. Les filles ont un niveau de scolarisation inférieur à celui des garçons. L’indice de parité

filles-garçons à l’école primaire est de 0,93 mais il régresse à 0,81 au niveau secondaire, ce qui

indique une déperdition lors du passage au secondaire plus importante chez les filles11

. Ces

faibles taux d’instruction se reflètent dans les proportions globales d’alphabétisation. À l’échelle

nationale, seules 51% des jeunes femmes âgées de 15 à 24 ans savent lire et écrire, un chiffre qui

diminue à 28% pour les femmes appartenant au quintile le plus pauvre. Les femmes sans aucune

instruction sont moins susceptibles d’entrer sur le marché du travail formel, et plus susceptibles

de se marier à un âge précoce et d’avoir plus d’enfants.

29. Les indicateurs de santé affichent un certain progrès au cours des années récentes. On

estime que 88% des femmes ont consulté un professionnel de la santé au cours de leur dernière

grossesse, contre 80 % en 200712

. Toutefois, l’utilisation des méthodes contraceptives par les

femmes en couple demeure faible13

, et le taux de natalité chez les adolescentes reste élevé, à 135

naissances pour 1000 femmes âgées de 15 à 19 ans14

.

30. Les résultats de l’EDS mettent en évidence une tendance à l’amélioration de la

couverture vaccinale des enfants au cours de la période 2007-14, qui passe de 31% à 45% pour

tous les antigènes, de 72% à 83% pour le BCG, de 46% à 66% pour la troisième dose de polio et,

enfin, de 63% à 72% pour le vaccin contre la rougeole. Néanmoins, un très grand nombre

d’enfants demeurent sans protection de base.

31. Depuis 2007, la mortalité infantile15

aurait diminué régulièrement, passant de 97‰ à

58‰. Globalement, le risque de mortalité infanto-juvénile, c'est-à-dire le risque de décès avant

10 UNICEF (2008), « Pauvreté des enfants et disparités en République démocratique du Congo. Rapport final », Kinshasa 11 MICS 2010 12 EDS 2011-2012 13 EDS 2011-2102 14 MICS 2010 15 Risque de décès avant l’âge de 12 mois sur 1000 naissances vivantes.

26

l'âge de cinq ans, est de 104‰. En d'autres termes, près d’un enfant sur dix meurt avant

d'atteindre l'âge de cinq ans. Les infections respiratoires aiguës (IRA), la fièvre, et la

déshydratation induite par des diarrhées sévères sont les principales causes de décès des enfants.

Parmi les enfants qui ont eu soit une IRA, soit une fièvre au cours des deux semaines avant

l’enquête EDS, un traitement médical auprès d’un professionnel de santé a été sollicité pour

42 % et 40 % d’entre eux, respectivement.

32. Pour ce qui concerne l’accès à l’eau potable, un peu moins de la moitié de la population

(49%) se sert d’une source d’eau améliorée, ce qui expose des millions de personnes au risque de

maladies hydriques. La différence entre milieu urbain et rural est frappante: 31 % des membres

des ménages des milieux ruraux utilisent une source d’eau améliorée, alors que la part

correspondante pour les milieux urbains est de 83%.16

Les services d’assainissement sont encore

plus limités, et leur carence cause une grande insalubrité du cadre de vie et accroît le risque de

maladies.

D. Emploi et moyens de subsistance

33. La RDC offre peu d’emplois formels à sa population, alors que la base économique d’un

ménage peut être le facteur principal de sa vulnérabilité. En 2011, le Ministère du Plan a estimé

un taux d’emploi informel de 90,6%, et des taux d’emploi formel de 10% seulement, dont les

deux tiers dans le secteur public. Le secteur informel est caractérisé par le sous-emploi, l’absence

de capital et les revenus précaires.

34. La majorité des Congolais travaillent dans l’agriculture (71,2%), un quart dans le

commerce (24,4%) et moins de 5% dans l’industrie. L’agriculture représente 43% du produit

intérieur brut de la RDC, emploie 62% de sa population masculine et 84% de sa population

féminine. Ainsi que l’a indiqué le DSCRP-2, après un long déclin de la production dans ce

secteur, aggravé par les conflits récents et l’abandon des exploitations agricoles, la productivité

agricole a chuté de 60% entre 1960 et 2006. La grande majorité des exploitations agricoles sont

de petite dimension, tournées vers l’autosubsistance et tributaires de la pluviométrie.

35. Selon l’Enquête 1-2-3, les revenus des femmes sont sensiblement inférieurs à ceux des

hommes (moins de la moitié), et ceux des travailleurs ruraux sont sensiblement inférieurs à ceux

des travailleurs urbains (moins d’un tiers). Il existe également une grande disparité entre les

districts : ainsi à Sankuru, le revenu mensuel médian est de 10 000 FC, et à Kinshasa, le revenu

mensuel médian est sept fois plus élevé (72 000 FC). Pour ce qui est des salaires, un décret de

2002 avait fixé à 335 FC par jour le salaire minimum, et prévoyait une majoration de 3% par an.

En actualisant ce salaire minimum (2098 FC par jour), on constate que dans les zones rurales

88% de la population touche moins que le salaire minimum, et 66% touchent moins que ce

salaire ; dans les centres urbains (à l’exclusion de Kinshasa), 40% de la population gagne moins

que le salaire minimum.

36. Le pays fait également face au lourd enjeu d’employer ses jeunes. Les personnes les plus

vulnérables sont les jeunes âgés de 15 à 24 ans vivant dans les villes et grandes agglomérations.

Un grand nombre de jeunes manquent de formation et de compétences, en raison des déficiences 16 MICS 2010.

27

des services éducatifs. De plus, étant donné le faible taux de départ à la retraite chez les

employés du secteur public, il existe peu d’ouvertures d’emploi dans le secteur public.

E. Profil des chocs

37. La vulnérabilité est en partie fonction de la fréquence et de la gravité des chocs que

connaissent les ménages et les communautés. Selon la dernière enquête nationale auprès des

ménages, la maladie est la cause principale des chocs au niveau individuel, et celle-ci est plus

présente dans les milieux ruraux et pour les couches les plus pauvres (tableau 2). En revanche la

perte d’emploi est peu fréquente, étant donné que peu de ménages ont un emploi formel, surtout

parmi les pauvres et en milieu rural.

Tableau 2: Profil des chocs subis par les individus (pourcentage)

Type de choc Milieu de résidence Sexe du chef de ménage Niveau de revenu*

Urbain Rural Masculin Féminin Très

pauvre

Très

aisé

Maladie grave dans le ménage 22 32 27 26 31 18

Décès dans le ménage 7 12 9 9 11 7

Perte d'emploi dans le ménage 3 1 2 2 1 3 *Le niveau de revenu est mesuré en quintiles (très pauvre=les 20% plus pauvres). Source : Enquête 1-2-3.

38. L’Enquête 1-2-3 a également identifié les chocs que connaissent les ménages congolais

au niveau de la communauté (tableau 2): les épidémies et les invasions d’insectes sont citées

comme les chocs les plus graves et les plus fréquents ; le conflit armé et le déplacement interne

touchent un pourcentage relativement faible de la population, bien que leur impact soit d’une

énorme gravité.

Tableau 3: Profil des chocs communautaires subis par les communautés (pourcentage)

Types de choc Oui, modéré Oui, grave Non

Inondation 23 9 68

Sécheresse 34 10 56

Érosion 30 11 59

Incendie 16 6 78

Insectes 35 28 37

Épidémie 38 20 42

Conflit 21 8 70

Famine 34 13 52

Réfugiés 14 4 81

Autre choc 11 6 63

Source : Enquête 1-2-3.

F. Vulnérabilité au conflit et à la violence

39. Au cours des trois dernières décennies, les provinces de l’Est de la RDC ont été victimes

d’un mélange complexe de facteurs graves, tels qu’une gouvernance déficiente, une pauvreté

généralisée, une mauvaise gestion des ressources naturelles, des litiges fonciers, et l’exploitation

28

des divergences ethniques à des fins politiques et économiques par des groupes armés congolais

et étrangers. L’instabilité ainsi générée s’est fréquemment transformée en conflits violents, et

l’impact cumulatif de ces différents facteurs a été catastrophique. Depuis 1998, on estime en

effet que plus de 5,4 millions de personnes sont mortes de causes liées au conflit, et que des

milliers d’autres ont été plongées dans une vulnérabilité extrême en raison de leur délocalisation,

de la dépossession de leurs biens, de la rupture des liens communaux et sociaux, et de la perte de

leurs moyens de subsistance. Les situations de conflit livrent tous ceux qui vivent dans ces zones

à une multitude de risques. En décembre 2014, la RDC comptait quelques 2 700 000 de

personnes déplacées, un chiffre qui n’a cessé d’augmenter pendant les derniers 10 années, mais

qui masque aussi le volume réel des déplacements, car plusieurs ménages ont dû se déplacer à

multiples reprises en réponse à la volatilité de la situation sécuritaire.

40. Les femmes congolaises, et les filles en particulier, font les frais de cette crise. La

violence basée sur le genre est endémique sur tout le territoire national, mais elle atteint des

niveaux particulièrement alarmants dans les zones de conflit à cause de sa dimension sexuelle et

de son utilisation comme arme de guerre, et contribue ainsi à déclencher des vagues de

déplacement. Les victimes des violences sexuelles ont besoin au minimum d’un soutien psycho-

social et de services de santé (physique et mentale), et dans certaines situations, une prise en

charge globale, incluant leurs enfants, peut s’avérer nécessaire.

G. Autres groupes vulnérables spécifiques

41. Les enfants à risque constituent un groupe vulnérable critique en RDC, notamment les

orphelins, les enfants de la rue, les enfants engagés dans les de pires formes de travail17

et ceux

qui ont abandonné l’école. Le Plan d’Action National 2010-2014 en faveur des Orphelins et

autres Enfants Vulnérables (PAN OEV) indique que globalement, un enfant congolais sur quatre

est considéré comme vulnérable, ce qui représente plus de 8 millions d’enfants, et 15% des

ménages comportent des orphelins ou d’autres enfants vulnérables18

. La proportion d’OEV dans

la population totale des enfants varie selon les provinces, mais quatre provinces semblent avoir

un pourcentage particulièrement élevé d’OEV: il s’agit, par ordre d’importance, du Sud Kivu

(41% des enfants, soit plus d’un million), du Maniema, du Kasaï Occidental et de la Province

Orientale.

42. Les orphelins sont moins susceptibles de fréquenter l’école que les autres enfants. Ainsi,

le taux de scolarisation chez les enfants âgés de 10 à 14 ans qui ont perdu leurs deux parents est

de 63%, alors que chez les enfants du même âge, dont les parents sont vivants, et qui vivent avec

au moins un parent, le taux correspondant est de 85%. Au Nord Kivu, ce chiffre est de 30% pour

les orphelins, et de 81% pour les non orphelins19

.

17 Les pires formes de travail des enfants sont définies par l’article 3 de la convention nº 182 de l’OIT. Elles désignent tout

travail qui met en danger le développement physique, mental ou le bien-être moral de l'enfant, soit par sa nature soit par les

conditions dans lesquelles il est effectué. 18 Un OEV est défini comme « un enfant ayant perdu son père, sa mère ou ses deux parents ; ou vivant en dehors du cadre

familial ; avec un tuteur malade chronique ou infecté par le VIH/SIDA ; ainsi qu’un enfant malade chronique et /ou infecté par le

VIH/SIDA » 19 MICS 2010

29

43. La RDC compte près de 40 000 enfants de la rue, y compris près de 20 000 à Kinshasa, et

de ce total, près du quart est composé de filles. Les enfants de la rue sont exposés à la violence et

ont tendance à vivre en marge de la société et à adopter des comportements antisociaux,

notamment la toxicomanie, le vandalisme et la sexualité à risque. Les indicateurs de santé et

d’éducation relatifs aux enfants de la rue sont les plus défavorables. Par ailleurs, ces enfants sont

plus susceptibles d’être recrutés par des gangs urbains ou des milices. Au-delà du coût humain,

cette situation peut aggraver les problèmes d’insécurité et d’instabilité dans les zones urbaines.

44. En outre, 42% des enfants âgés de 5 à 14 ans travaillent, ce qui n’est pas nécessairement

un mal en soi mais peut avoir des effets nuisibles au développement de l’enfant, notamment en

entraînant souvent la déscolarisation ou l’abandon précoce de l’école. Les enfants des milieux

ruraux sont plus susceptibles de travailler que les enfants de milieu urbain: 46% contre 34% dans

les zones urbaines; le taux de travail infantile le plus faible se retrouve à Kinshasa (28%) alors

que le plus élevé (53%) se retrouve au Bas Congo20

.Notons toutefois que ces chiffres ne donnent

qu’une idée approximative de l’étendue du problème du travail des enfants en RDC; une

évaluation plus précise des niveaux et des tendances dans le temps nécessiterait des enquêtes à

l’échelle nationale.

45. Les femmes et les filles courent des risques spécifiques qui les rendent plus vulnérables

que les hommes et garçons:

Quoique les ménages dont le chef est un homme soient plus susceptibles de vivre en

dessous du seuil de pauvreté,21

les revenus des femmes sont nettement inférieurs à ceux

des hommes, car celles-ci se heurtent à d’importants obstacles à l’emploi dans le secteur

formel22

; elles sont donc concentrées dans l’agriculture et le secteur informel, où les

revenus sont moindres.

Les taux de mortalité maternelle ont sensiblement reculé passant de de 870 pour 100 000

en 1995, à 540 pour 100 000 en 2010. Toutefois, ils restent élevés, et l’accès aux services

de santé sexuelle et reproductifs demeure largement insuffisant.

Ainsi qu’il est mentionné plus haut, la violence à l’égard des femmes et des filles est

omniprésente et sévit également en dehors des zones touchées par le conflit: 71% des

femmes congolaises subissent des violences aux mains de leur mari au cours de leur vie,

qu’il s’agisse d’abus physiques, psychologiques ou sexuels23

.

Les filles sont exposées au risque de mariage précoce: la moitié des femmes âgées de 20

à 49 se sont mariées avant l’âge de 18 ans, excepté celles qui appartiennent aux tranches

plus aisées de la population24

.

20

MICS 2010. 21 Enquête 1-2-3, 2012. 22 Shapiro et al. (2011) Genre, éducation et marché du travail à Kinshasa. 23 Lyndsay McLean Hilker et Karen Barnes Robinson. « Femmes et filles en République démocratique du Congo : Évaluation

rapide de la situation nationale » Ministère du Développement international, Gouvernement du Royaume Uni. 24 MICS 2010.

30

46. Les personnes vivant avec handicap sont elles aussi en situation de plus grande

vulnérabilité. Selon les estimations, 11% des Congolais vivent avec un handicap, soit 7,3

millions de personnes25

. Plus de la moitié de ces handicaps sont causés par la maladie, et plus de

40% par le conflit armé. En général, les personnes handicapées connaissent des difficultés plus

importantes sur le plan de la santé et de l’éducation. Les femmes vivant avec un handicap ont

moins de chance de se marier, ce qui les rend généralement plus vulnérables. Près de trois quarts

des enfants handicapés souffrent de malnutrition. Globalement, les services disponibles ne

suffisent pas à aider les personnes handicapées en leur fournissent notamment des appareils

physiques ou de la formation professionnelle.

H. Implications pour le dimensionnement d’un système de filets sociaux en RDC

47. Ce profil synthétique de la pauvreté et de la vulnérabilité permet un meilleur

dimensionnement des filets sociaux en RDC. La majorité des filets sociaux en usage dans le

monde utilisent la pauvreté comme critère de ciblage, mais, étant donné qu’en RDC la pauvreté

touche les deux tiers de la population, les filets sociaux devront aller au-delà de de ce critère. Le

nombre de personnes en situation d’extrême pauvreté, c’est-à-dire qui ne peuvent pas se procurer

le panier alimentaire de base, pourrait être utilisé comme critère principal de ciblage, car il s’agit

de personnes qui ont besoin d’assistance pour satisfaire leurs besoins caloriques minima.

Malheureusement, une estimation récente de ce nombre n’est pas disponible.

48. Quel que soit le critère de pauvreté ou le groupe vulnérable considéré, il est évident qu’un

(ou plusieurs) programme à grande échelle serait nécessaire pour obtenir un impact significatif

sur le bien-être des ménages et individus les plus vulnérables. Le tableau 4 ci-dessous récapitule

les dimensions des principaux groupes vulnérables en RDC.

Tableau 4: Estimation de la taille des populations cibles de filets sociaux potentiels

Population cible Estimation de la taille

En-dessous du seuil de pauvreté 50 millions

En-dessous du seuil d’extrême pauvreté 36 millions

Insécurité alimentaire en milieu rural 28 millions

Enfants non scolarisés 7 millions

OEV 8,2 millions

Femmes non-alphabétisées 15-24 ans 4 millions

Personnes déplacées 2,7 millions

Personnes vivant avec handicap 8,7 millions

49. La couverture offerte par la protection sociale formelle est très loin de satisfaire ce niveau

de besoin. Selon le DCSRP-2, quelques 9% des OEV reçoivent un soutien extérieur, 15% des

enfants issus des familles éclatées sont pris en charge ou suivis par les institutions, 86 000

personnes perçoivent des allocations de sécurité sociale, et 42 000 retraités et bénéficiaires

d’assistance sociale sont soutenus.

25 Tel que cité dans FENAPHACO.

31

50. Étant donné la carence des programmes formels de protection sociale, la plupart des

personnes vulnérables ont recours à des filets sociaux informels, soit spécialement à l’assistance

de la famille, d’amis, ou d’organisations locales telles que les églises ou les associations

villageoises. Mais ces arrangements de type informel comportent plusieurs désavantages et ne

fournissent pas une protection suffisante. Dans le cadre de l’Enquête 1-2-3, les ménages ont été

invités à indiquer leurs sources de soutien dans les cas de besoin. Le tableau 5 confirme que la

famille et les amis sont les sources d’aide les plus fréquemment citées quel que soit le niveau de

revenus du ménage, mais il est intéressant de constater qu’un tiers des personnes pauvres

interrogées ne semblent pas recevoir de l’aide de ces sources. Les ONG assistent environ 14%

des ménages seulement, et leur aide ne semble pas être concentrée sur ceux qui en ont le plus

besoin.

Tableau 5: Sources d’aide dans les moments difficiles, par quintile de revenu (pourcentage)

Source d’aide Très pauvre Pauvre Moyen Aisé Très aisé

Famille 63 64 65 69 72

Amis 59 58 60 62 68

Association 51 48 47 47 43

Voisin 47 43 43 42 38

ONG 15 13 14 14 13

Autre 10 9 9 9 10 Source : Enquête 1-2-3.

51. Au sein des communautés et des ménages pauvres, les ressources sont généralement

insuffisantes pour constituer une aide en cas de crise, surtout lorsque plusieurs ménages sont

touchés en même temps. En fait, lorsque les chocs sont covariants, c’est-à-dire qu’ils affectent

une grande partie de la population ou de la communauté, comme c’est le cas des sécheresses, des

inondations, des conflits ou des récessions économiques, les parents ou voisins peuvent

difficilement s’entraider puisque chacun se trouve dans le besoin. En outre, certaines catégories

d’individus n’ont tout simplement pas de structures sur lesquelles s’appuyer ; c’est le cas par

exemple des enfants qui ont été chassés de chez eux. Ainsi, du fait du niveau de pauvreté et de

vulnérabilité en RDC, les filets sociaux informels ne suffisent pas à eux seuls à protéger les plus

démunis.

52. Dans le cadre global de la protection sociale, les filets sociaux devraient jouer un rôle

prioritaire au niveau des politiques et des dépenses de l’État, en raison du profil de la pauvreté et

de la vulnérabilité brossé ci-dessus. La figure 1 qui suit indique que seule une petite tranche de la

population bénéficierait des prestations de la sécurité sociale et d’autres programmes

contributifs. L’ensemble des efforts pour améliorer la protection sociale en RDC devrait donc

être orienté vers le développement de filets sociaux efficaces.

32

Figure 1: Carte des interventions de protection sociale en fonction de la pauvreté et des

niveaux de vulnérabilité (% de population)

53. En termes de types de filets sociaux qui correspondent au profil général, plusieurs

interventions pourraient être en adéquation avec les besoins du pays :

a) étant donné le faible niveau d’infrastructures et le mauvais état des routes, facteurs de

l’enclavement des communautés rurales de frein à la croissance économique, les filets

sociaux qui créent des infrastructures productives, tels que les travaux HIMO, peuvent

apporter des avantages dépassant les effets de protection des ménages ;

b) si l’on tient compte des niveaux élevés d’insécurité alimentaire, il apparaît que les

programmes de transferts monétaires ou de soutien alimentaire en nature pourraient

contribuer substantiellement à la lutte contre cette vulnérabilité basique ;

c) les frais à encourir constituant l’obstacle principal à l’accès aux services de santé et

d’éducation, les programmes ciblés d’exonération des frais, ainsi que les programmes de

transferts monétaires, peuvent aider à lever ces contraintes 26

;

d) le conflit touche une portion relativement faible de la population en RDC. Mais les

personnes déplacées et autrement affectées ont généralement besoin d’un niveau

important de soutien, car elles sont le plus souvent traumatisées, et ont été forcées de

quitter leur maison en abandonnant tous leurs biens. Ici, l’assistance doit inclure une prise

en charge quasi totale, tant matérielle que psychologique, mais elle doit surtout

déboucher sur la restauration de leur capacité de production et d’autosuffisance.

26 Des mesures dans ce sens devraient être accompagnées par des améliorations de la qualité et la quantité de l’offre des services

de santé et d’éducation.

15.0%

42.0%

16.0%

27.0%

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

100%

Non-pauvre

Pauvre

Extreme pauvre

Vulnerables critiques (OEV,deplaces)

Population-cible des programmes contributifs d'assurance sociale

Population-cible des programmes de filets sociaux, avec expansion aux groupes vulnérables non pauvres en cas de choc. Population-cible des interventions

intensives (récupération nutritionnelle, réinstallations, centres d'accueil , etc.)

33

III. Cadre politique des filets sociaux

A. Les filets sociaux dans le contexte d’une stratégie de réduction de la pauvreté

54. Le Document de la stratégie de croissance et de réduction de la pauvreté (DSCRP-2)

2011-2015 représente la deuxième stratégie nationale de réduction de la pauvreté. Il définit

l’orientation générale des politiques du Gouvernement visant à réduire la pauvreté. Le document

met l’accent sur les besoins immédiats de la RDC post-conflit, et sur le défi à long terme d’un

développement à la hauteur du potentiel du pays. En particulier, la stratégie cherche à améliorer

le cadre global de gouvernance, et à atteindre les objectifs des OMD à l’horizon 2020.

55. Le DSCRP est basé sur quatre axes:

a) renforcement de la gouvernance et consolidation de la paix;

b) diversification de l’économie en vue d’une accélération de la croissance et de la création

d’emplois;

c) amélioration de l’accès aux services sociaux de base, ainsi que du capital humain ; et

d) protection de l’environnement et mesures visant à réduire l’impact du changement

climatique.

56. Le DSCRP reconnaît que la guerre en RDC et la baisse subséquente des revenus ont eu

un effet désastreux sur le bien-être des ménages. La stratégie identifie les groupes les plus

vulnérables comme suit: (i) les enfants en situation difficile (y compris les enfants de la rue et

ceux accusés de sorcellerie), (ii) les femmes en situation difficile (mères adolescentes, jeunes

femmes chefs de famille, femmes victimes de violence sexuelle), (iii) les personnes vivant avec

le VIH/SIDA, (iv) les personnes vivant avec handicap, (v) les personnes du troisième âge sans

soutien, et (vi) les personnes déplacées (en raison du conflit ou des catastrophes naturelles).

57. La stratégie considère la protection sociale comme une partie intégrante des services

sociaux de base et du développement du capital humain, et comme un moyen important

d’éradiquer la pauvreté extrême. Elle constate que les mauvais indicateurs de santé et

d’éducation, l’inégalité des revenus, et la gravité de l’insécurité alimentaire nécessiteront un

effort concerté à long terme de la part de l’État. Elle relève également que les ménages pauvres

se heurtent à de sérieux obstacles pour accéder aux services sociaux de base, alors même que la

proportion des personnes bénéficiant d’une forme quelconque d’assistance sociale est faible et

que les ressources disponibles sont infimes, face à des besoins énormes.

58. Les priorités du gouvernement dans ce domaine d’ici 2015 sont : (i) l’amélioration des

soins et des prestations sociales au profit des personnes vulnérables; (ii) la sensibilisation et le

renforcement de capacités des communautés à travers les communautés protégées pour la gestion

et le suivi des situations de vulnérabilité; (iii) le renforcement de capacités institutionnelles, y

compris en matière de coordination et de suivi-évaluation du système d’assistance sociale; (iv) la

mise en place du socle de protection sociale; (v) l’application de la loi portant protection de

34

l’enfant; et (vi) la conception et la mise en œuvre de programmes ciblés en faveur des groupes

plus vulnérables, tels que celui de transferts sociaux. Par ailleurs, le DSCRP appelle au

développement d’un cadre politique et réglementaire plus précis pour lutter contre la

vulnérabilité, notamment la Politique nationale de protection sociale, un nouveau Code de

sécurité sociale, une loi sur les compagnies d’assurance sociale, et un Plan d’action national pour

la lutte contre les pires formes de travail de l’enfant.

59. Les filets sociaux ne sont pas expressément mentionnés, hors de la nécessité de

programmes qui répondent aux besoins immédiats des groupes vulnérables. Le DSCRP ne fixe

pas de cibles ou d’objectifs de protection sociale et n’aborde pas les questions d’approches ou de

choix optimal de programmes. Bien que l’amélioration de la coopération avec les ONG et la

définition de politiques de protection sociale plus exhaustives soient des composantes cruciales

pour réduire la vulnérabilité, les initiatives plus concrètes identifiées dans le plan prioritaire pour

les actions du Gouvernement se focalisent sur les réformes de la sécurité sociale (contributive)

qui n’intéressent qu’une petite minorité des Congolais, plutôt que sur les filets sociaux (non

contributifs), dont bénéficierait une tranche bien plus large de la population.

B. Les filets sociaux dans le contexte d’une stratégie de protection sociale

60. Dans l’idéal, une stratégie nationale de protection sociale devrait fournir le cadre général

des besoins en protection sociale dans le pays, et déterminer l’éventail des programmes et le

cadre institutionnel appropriés pour atteindre les objectifs de couverture et l’impact visés. Mais

l’absence d’une définition universellement acceptée de la notion de «protection sociale», et les

différentes interprétations des mandats et responsabilités qui en découlent, nuisent à la cohérence

des politiques et approches au niveau national, ainsi qu’à la collaboration entre institutions.

61. Ainsi, la RDC dispose de deux stratégies de protection sociale formulées par deux

ministères différents: la stratégie du ministère de l’Emploi, du travail et de la prévoyance sociale

porte principalement les services contributifs qui sont la responsabilité de ce ministère, alors que

celle élaborée par le MINAS se focalise sur les services non contributifs (et donc les filets

sociaux). Cette dernière, intitulée Stratégie nationale de protection sociale des groupes

vulnérables et préparée en 2004 mais validée par le Gouvernement en 2008 seulement, concerne

les groupes les plus vulnérables, notamment: les enfants et les femmes en situation difficile, les

personnes vivant avec handicap et avec le VIH/SIDA, les personnes du troisième âge sans

soutien et les personnes déplacées internes.

62. La stratégie élaborée par le MINAS vise globalement à renforcer les droits fondamentaux

garantis et assurer l’accès des groupes vulnérables à des services sociaux de base de qualité. Les

objectifs spécifiques sont :

a) le respect des droits et de la dignité des groupes à risque à travers l’actualisation et la

mise en œuvre des dispositions légales et réglementaires de protection et de promotion

des groupes vulnérables; et l’information, l’éducation et la communication (IEC) visant le

changement de comportement à l’égard des groupes vulnérables;

b) le renforcement de la prise en charge communautaire des personnes vulnérables, y

compris l’appui aux initiatives de prise en charge communautaire des groupes

vulnérables;

35

c) la facilitation de l’accès des groupes vulnérables aux services sociaux de base de qualité,

grâce à l’appui aux interventions ciblant les groupes vulnérables dans les structures

sociales de base, et l’intégration des besoins prioritaires des groupes vulnérables dans le

DSCRP et différents programmes et projets sectoriels (agriculture, éducation, santé,

énergie, logement, environnement, etc.);

d) la réinsertion des personnes vulnérables (sur le plan économique, social et professionnel,

etc.) à travers le renforcement des capacités des associations/structures spécialisées dans

l’aide aux personnes vulnérables, l’accès des personnes vulnérables à la formation et à

l’apprentissage socio-professionnel et au système éducatif formel, et l’accès à l’emploi ou

aux activités génératrices de revenus des personnes vulnérables;

e) le renforcement des capacités institutionnelles des acteurs de la protection sociale des

groupes vulnérables. Cet objectif comprend : i) la coordination des interventions et la

concertation des acteurs de la protection sociale au sein des cadres formels; ii) l’appui

organisationnel et institutionnel au ministère des Affaires sociales; iii) l’appui

organisationnel et institutionnel aux acteurs impliqués dans la protection sociale des

groupes vulnérables; iv) la réhabilitation, la reconstruction et l’équipement des

infrastructures de protection sociale des groupes vulnérables; v) la mobilisation des

ressources internes et externes pour la protection sociale des groupes vulnérables; et vi) la

constitution d’une banque de données sur les groupes vulnérables.

63. La stratégie n’identifie pas de programmes spécifiques à financer, ne définit pas

d’objectifs couverture, et n’avance pas d’estimations de coûts. En outre, le retard mis à la valider

n’a pas favorisé son appropriation de la part des différents acteurs, ce qui a limité sa mise en

œuvre. Conscient des limitations de sa stratégie, le MINAS a entamé la préparation d’une

politique et d’une stratégie nationales actualisées destinées aux groupes vulnérables. À cet effet,

une Note d’orientation politique est en gestation. Cette Note: (i) retient la nécessité de réforme

des centres de promotion sociale en centres d’action sociale, en vue d’améliorer l’offre de leurs

prestations; (ii) préconise de mettre en place une banque de données sur les groupes vulnérables,

préalablement à la définition d’un programme de filets sociaux de sécurité, en vue d’améliorer

l’accès des personnes vulnérables aux services sociaux de base; (iii) recommande de déterminer

un socle minimum des droits sociaux assurant l’accès aux cinq besoins de base que sont la

nutrition, l’éducation/formation, l’emploi/revenu, la santé et le logement.

64. Une autre initiative à signaler est celle du Fonds national de promotion et de service

social (FNPSS) qui a réalisé une étude de faisabilité sur l’élaboration d’une stratégie de

protection sociale pour la RDC. L’étude fournit des informations sur les principaux textes et

institutions nationales concernant différents aspects de la protection sociale, et présente

quelques-unes des initiatives en place ou en cours. Elle met aussi en exergue certains paramètres

à prendre en compte pour la formulation de la politique et de la stratégie nationale de protection

sociale en RDC. Enfin, une feuille de route a été proposée pour l’aboutissement de deux

principaux objectifs, à savoir: (i) la réalisation de l’état des lieux sur la protection sociale en

RDC, et (ii) la formulation proprement dite de la politique et la stratégie nationale de protection

sociale en RDC27

. 27Mutombo-Mudiay, J. « Étude de faisabilité pour la formulation de la politique et la Stratégie nationale de la protection sociale

en RDC », rapport provisoire, FNPSS, 28 juillet 2014.

36

C. Les filets sociaux dans le contexte des stratégies sectorielles et thématiques

65. En l’absence d’une orientation stratégique claire sur les filets sociaux eux-mêmes, les

politiques et stratégies sectorielles et thématiques existantes peuvent guider leur développement.

Les documents suivants semblent être particulièrement pertinents :

Document de Stratégie de Développement de l’Enseignement Primaire, Secondaire et

Professionnel (2010/2011-2015/2016) et Plan Intérimaire de l’Education (PIE),

2012/2014;

Stratégie Nationale pour le Développement de l’Alphabétisation et de l’Education non

Formelle (AENF) 2012 à 2016-2020;

Audit Organisationnel du MINAS;

Plan National de Développement Sanitaire (PNDS) 2011-2015;

Programme National d’Investissement Agricole (PNIA) 2013-2020;

Plan d’Action National 2010-2014 en faveur des Orphelins et autres Enfants Vulnérables

(PAN-OEV);

Plan d’Action Humanitaire en RDC 2013.

66. Éducation. La Stratégie de développement de l’enseignement primaire, secondaire et

professionnel, et le PIE 2012-2014 qui l’accompagne, se veulent une contribution à la réalisation

des Objectifs du millénaire pour le développement dans le sous-secteur de l’enseignement

primaire, particulièrement la scolarisation primaire pour tous. Dans cette optique, le PIE vise à:

(i) accroître l’accès et l’accessibilité à l’enseignement primaire; (ii) améliorer la qualité de

l’enseignement et des apprentissages scolaires ; et (iii) renforcer la gouvernance du système

éducatif.

67. En termes d’amélioration de l’accès à l’éducation par les pauvres et les groupes

vulnérables spécifiques, le Plan reconnaît que les frais de scolarité payés par les parents, estimés

en 2010 à 18 USD par enfant par an, constituent une barrière capitale à la scolarisation,

notamment pour les enfants issus des ménages pauvres. Les frais de scolarité sont exigés avant

tout pour payer les enseignants qui n’émargent pas au budget de l’État.

68. La stratégie du Gouvernement visant à réduire le besoin d’imposer des frais de scolarité

au niveau local vise: (i) l’uniformisation des zones salariales (ce qui devrait permettre l’arrêt du

versement de la prime de motivation aux enseignants en zones rurales); (ii) la mécanisation de

quelques 20 000 enseignants supplémentaires par an entre 2011 et 2015; et (iii) l’octroi d’une

dotation mensuelle aux écoles et aux bureaux de gestion pour leur fonctionnement. Cette

opération aura un coût important et devra donc être mise en œuvre graduellement, en

commençant prioritairement par les zones potentiellement « à risque ».

37

69. L’objectif général de la Stratégie nationale d’AENF est de réduire d’ici 2016-2020 le

taux d’analphabétisme à un rythme soutenu de 10% par an, en améliorant l’accès, la qualité et la

gestion de l’offre éducative et en corrigeant les disparités de tous genres. La stratégie présente

l’objectif spécifique de toucher 900 000 personnes inscrites à l’éducation non formelle et

540 000 inscrites à l’alphabétisation d’ici 2015. Les groupes cibles bénéficiaires de la Stratégie

nationale d’AENF sont constitués de tous ceux qui n’ont pas eu accès à l’éducation formelle, et

tous ceux qui n’ont pas les capacités requises pour être pris en charge. Cette stratégie nécessitera

l’amélioration de la qualité des services et des infrastructures, ainsi que d’autres investissements

en vue de contenir l’accroissement des inscriptions prévues. Le plan quinquennal appelle à une

augmentation importante du financement de ce sous-secteur, pour un montant de 109 millions de

dollars par an.

70. Santé. Le PNDS vise l’extension des services en mettant tout d’abord l’accent sur l’offre:

amélioration des infrastructures et de l’équipement, et dotation en personnel des districts

sanitaires. Même avec une amélioration de l’offre sanitaire, le Plan reconnaît qu’une large

proportion de la population est exclue de l’accès aux services de santé pour des raisons

financières. L’absence de subventions dans le système de santé fait que son fonctionnement

repose essentiellement sur l’apport des ménages. Dans ces conditions, la reconnaissance et la

valorisation des initiatives communautaires deviennent cruciales. La mutualisation et diverses

autres stratégies de solidarité permettent d’améliorer l’accessibilité aux soins et services de santé.

Les réformes de financement inspirées des expériences menées sur le terrain (tarification

forfaitaire, fonds d’achat des services) seront capitalisées afin d’améliorer le financement du

secteur. Pour que ces stratégies soient efficaces, les subventions de l’État seront accordées pour

le fonctionnement de l’ensemble des formations sanitaires en vue d’une meilleure accessibilité

aux soins.

71. Agriculture et sécurité alimentaire. Le Programme national d’investissement agricole

(PNIA) identifie les problèmes majeurs du secteur agricole tels que (i) la malnutrition et

l’insécurité alimentaire: 73% de la population ne reçoit pas l’apport calorique minimum, et 50%

ne dispose pas de réserves alimentaires; (ii) la forte incidence de la pauvreté rurale,

particulièrement chez les producteurs agricoles; et (iii) les revenus insuffisants apportés à l’État

par l’agriculture commerciale, par rapport au potentiel du pays. En termes de gestion de la

sécurité alimentaire et des réserves stratégiques, le PNIA préconise la mise en place d'un système

d'information et d'alerte précoce sur la sécurité alimentaire ; pour lutter contre la malnutrition, il

entend sensibiliser la population rurale sur l'importance d'une bonne nutrition pour la santé et

promouvoir des actions spécifiques pour améliorer la nutrition. Il insiste également sur la gestion

de la vulnérabilité alimentaire et l’organisation des réserves stratégiques, y compris l’appui à la

mise en adéquation de l’aide alimentaire d’urgence. Le Plan évalue les coûts de ces initiatives de

sécurité alimentaire à environ 77 millions de dollars par an, bien qu’on ne puisse pas établir

clairement le nombre de personnes potentiellement couvertes par ce montant, ni comment celles-

ci seraient ciblées.

72. Orphelins et enfants vulnérables. Le MINAS a adopté en 2009 le Plan d’action national

2010-2014 en faveur des orphelins et autres enfants vulnérables (PAN-OEV). L’objectif global

du plan est d’étendre l’accès des OEV aux services, et d’améliorer la qualité de ceux-ci en vue de

toucher au moins 15% de la population cible, soit 1,5 million d’OEV sur 8,2 millions (une étude

38

préalable ayant relevé que seuls 287 000 bénéficiaient d’une assistance quelconque). Outre une

augmentation de cinq fois la couverture, le PAN-OEV prévoit une expansion des types de

services offerts, en mettant l’accent sur cinq domaines interdépendants, considérés essentiels

pour améliorer la situation des OEV :

a) assurer que le cadre politique et institutionnel favorise une prise en charge holistique de

qualité des OEV, en définissant et en faisant appliquer des directives politiques, normes

et standards formels pour les interventions en faveur des OEV, et en diffusant les

meilleures pratiques;

b) mobiliser les réponses communautaires et des familles pour la protection et la prise en

charge : un soutien et un accompagnement plus systématique aux familles sont

nécessaires, avec l’appui de personnes bénévoles et des organisations communautaires;

c) assurer une facilité d’accès aux services sociaux de base (scolarisation formelle et non

formelle, soins médicaux de base, soutiens nutritionnels et VIH/SIDA, assistance

psychosociale, juridique et judiciaire), grâce à: (i) une révision des politiques et pratiques

d’exonérations, telles que le certificat d’indigence, afin de couvrir les coûts des soins de

santé et des frais de scolarité; (ii) un soutien aux centres d’accueil pour les OEV; et (iii)

un élargissement de l’accès à la prévention et au traitement du VIH-SIDA comme mesure

préventive pour réduire le nombre d’OEV;

d) développer un système de suivi et évaluation spécifique des activités en faveur des OEV

afin de pallier l’absence d’un tel système pour l’ensemble des bénéficiaires des filets

sociaux, dans le but d’établir un registre des enfants assistés ainsi qu’une cartographie des

intervenants;

e) mobiliser les ressources financières, matérielles et humaines pour mettre en œuvre le

PAN-OEV.

73. Le Plan présente plusieurs choix stratégiques : les mesures efficaces concernant les OEV

doivent être multisectorielles, car ces enfants ont besoin d’un ensemble de services qui relèvent

du mandat de différents ministères, et qui sont fournis par une vaste gamme d’organismes

publics, non gouvernementaux et communautaires. Ceci nécessitera des mécanismes de

coordination et des partenariats efficaces. Les interventions les plus importantes devant être

mises en place au niveau local, les organisations communautaires et les services décentralisés de

l’État devraient être en première ligne, mais ces actions devraient aussi impliquer les familles et

les bénéficiaires. Le PAN-OEV estime que près de 500 millions de dollars seraient nécessaires

pour étendre la couverture à 15% sur la période de 5 ans du Plan, y compris les améliorations

dans l’accès aux services sociaux, et le soutien aux structures familiales et communautaires.

Lorsqu’il sera pleinement étendu, le plan exigera des coûts estimés à 137 millions d’USD par an,

soit environ 91 USD par OEV par an. Signalons que le PAN-OEV, qui a longtemps souffert de

l’absence d’un plan opérationnel, vient de se doter pour l’année 2014 depuis le mois de mars, sur

financement de l’USAID via le Projet Intrahealth. Ce plan, qui est géré par la Direction des

Interventions Sociales en faveur de l’Enfant (DISPE) du MINAS, est en cours de mise en œuvre

avec le concours de divers partenaires techniques et financiers. Il permet désormais à la

Direction de mieux programmer ses activités et organiser leur suivi-évaluation.

39

74. Assistance humanitaire. Comme nous l’avons mentionné au départ, une revue des

programmes d’assistance humanitaire sortait du cadre de notre État des lieux. Toutefois, de

nombreuses similarités existent entre les interventions de type filet social et celles menées par les

organismes d’aide humanitaire. D’une certaine manière, les filets sociaux peuvent être

considérés comme une assistance humanitaire «non urgente», car eux aussi visent à satisfaire des

besoins essentiels, mais dans un perspective de plus long terme. Les filets sociaux sont souvent

considérés comme des programmes permanents visant à répondre aux besoins des pauvres tant

chroniques que temporaires, alors que l’assistance humanitaire est programmée de manière

ponctuelle en réponse à une crise, que ce soit un conflit armé ou une sécheresse. Étant donné que

les filets sociaux sont souvent déployés ou reproduits à grande échelle en réponse à des chocs, la

différence entre action humanitaire et filet social n’est pas toujours nette, et il existe un

continuum de couverture entre les deux. L’Afrique offre de plus en plus d’exemples où

l’assistance humanitaire ponctuelle se transforme en filet social à long terme (encadré 1).

40

Encadré 1: Passage de l’assistance humanitaire aux filets sociaux

- Problèmes et expériences en Afrique

En Afrique, l’assistance humanitaire a été cruciale pour la protection des vies menacées par les conflits et les

catastrophes naturelles. Malgré cet impact positif de l’assistance humanitaire sur la protection de la vie des

personnes les plus vulnérables, il est important de relever quelques faiblesses systémiques du dispositif,

notamment :

a) l’absence de prévisibilité. Pour les personnes touchées par les conflits, la prévisibilité est faible en ce qui

concerne le niveau de soutien attendu, les conditions d’accès à celui-ci et sa durée. Les appels internationaux à

l’assistance humanitaire prennent généralement des mois pour mobiliser et déployer les ressources. Celles-ci

sont habituellement insuffisantes pour satisfaire la totalité des besoins, ainsi des rations sont coupées, certains

sont laissés sans soutien, ou alors le soutien est intermittent. Sans soutien prévisible, les familles peuvent

s’engager dans des stratégies de survie qui peuvent accroître la vulnérabilité, telles que l’épuisement des actifs,

la désertion des maisons pour rechercher de l’assistance, ou le retrait des enfants de l’école ;

b) l’utilisation de structures autonomes ponctuelles pour la mise en œuvre. La nature même des crises demande

des mesures extraordinaires. L’assistance humanitaire est souvent mise en œuvre à travers des structures

dirigées par les bailleurs de fonds aux fins de répondre aux besoins la transparence et de rendre compte de

l’utilisation des fonds internationaux. Toutefois, ces structures temporaires sont le plus souvent peu

coordonnées avec les structures et systèmes plus permanents qui fourniront les services après les crises ;

c) le coût élevé de l’exécution des prestations et le peu d’impact durable étant donné que les prestations mettent

souvent l’accent sur les besoins immédiats ;

d) la définition inadéquate des stratégies de sortie et de transition. Que se passe-t-il une fois que l’urgence est

passée ? Plusieurs régions sortant de conflits, d’un épisode de sécheresse ou d’autres crises sont confrontées à

de graves séquelles en termes de pauvreté chronique et d’insécurité alimentaire. Le passage de l’assistance

humanitaire devrait être couplé avec la mise en place de filets sociaux efficaces, en vue de faire face à la

vulnérabilité chronique. Notons que dans les situations de post-conflit, cette démarche peut contribuer au

maintien de la paix.

Le Programme de filet social productif d’Éthiopie (PNSP) est l’un des exemples les plus remarquables de

transformation d’assistance humanitaire en filet social de longue durée en Afrique. Pendant plus de 30 ans, les

mesures répondant à l’insécurité alimentaire en Éthiopie ont été dominées par l’aide alimentaire d’urgence,

s’élevant en moyenne à 265 dollars par an par personne durant la période 1997-2002. Bien que l’aide alimentaire ait

sauvé de nombreuses vies, avec le temps, des questions se sont posées quant à la dépendance potentielle, aux faibles

actifs productifs, à l’absence d’opportunités et de prévisibilité, et à l’effet négatif sur le développement de

l’économie rurale dans la durée.

Pour sortir de ces impasses, le Gouvernement éthiopien a lancé en 2005 un système alternatif, le PSNP, visant à

mieux répondre aux besoins des ménages en situation d’insécurité alimentaire et à créer des investissements

productifs pour soutenir la croissance économique rurale. Ces objectifs ont été atteints grâce à : (i) l’octroi en temps

opportun de transferts suffisants aux ménages bénéficiaires ciblés, permettant ainsi la régularité effective de la

consommation et évitant l’épuisement des actifs ; (ii) le passage de l’aide alimentaire aux paiements en espèces (en

tout ou partie) ; et (iii) la création d’actifs communautaires productifs utilisant des travaux publics HIMO. Le PSNP

touche chaque année environ 8 millions de ménages, 80 % par le biais des travaux publics et 20 % en soutien direct.

Les évaluations de l’exécution et de l’impact du programme ont révélé :

- une amélioration remarquable de la sécurité alimentaire des ménages grâce au PSNP ;

- des impacts positifs sur les actifs productifs et les exploitations d’élevage ;

- une amélioration des moyens de subsistance grâce aux travaux publics de conservation du sol et de

l’eau dans le cadre des prestations au niveau communautaire, grâce aux infrastructures créées ;

- une réponse plus rapide en temps de crise : lors de la sécheresse de 2011, la mobilisation et la distribution

de l’assistance humanitaire ont pris huit mois dans les zones non couvertes par le PSNP, alors que le temps

de réponse du PSNP a été de deux mois seulement ;

- une utilisation accrue des services sociaux par les bénéficiaires du PSNP, qui effectuent davantage de

dépenses de soins de santé et d’éducation des enfants.

La mise en place de filets sociaux constitue une évolution importante de l’assistance humanitaire traditionnelle et

peut offrir des avantages substantiels les pour la population la plus vulnérable en termes de prévisibilité et d’impact.

41

75. L’assistance humanitaire à la RDC est guidée par le Plan d’Action Humanitaire (PAH) de

plusieurs agences. Le PAH 2013 regroupe les agences des Nations Unies, les partenaires

humanitaires et le Gouvernement, autour d’une stratégie coordonnée visant à apporter un secours

immédiat aux populations touchées. La stratégie humanitaire prévoit une approche différenciée

entre les zones affectées par le conflit armé et les zones hors-conflit mais sujettes à des crises

chroniques ou soudaines.

76. Le PAH identifie quatre priorités stratégiques:

a) renforcer la protection de la population civile dans les zones affectées par les crises;

b) réduire la morbidité et la mortalité au sein des populations affectées par les crises;

c) améliorer les conditions de vie, réduire la vulnérabilité, et préserver la dignité des

personnes et communautés affectées par les crises;

d) restaurer les moyens de subsistance et renforcer la résilience des communautés affectées

par les crises, et faciliter le retour et la réintégration durable des populations déplacées et

réfugiées.

77. Le PAH identifie les priorités dans l’aide à apporter aux millions de personnes touchées

par l’insécurité alimentaire, le conflit et les maladies en 2013, chiffrant cette assistance à 892

millions de dollars. La plus grande catégorie d’assistance est la sécurité alimentaire, avec 28%

des coûts totaux, alors que, à 137 dollars par tête, la récupération nutritionnelle a le coût le plus

élevé, suivie par l’éducation à 99 dollars par tête et la sécurité alimentaire à 53 dollars (figure 2).

Au cours des trois dernières années, entre 55% et 67% des ressources ciblées ont été mobilisées.

Figure 2: Estimation des besoins humanitaires en 2013 par domaine particulier (en milliers

de dollars)

0 10,000 20,000 30,000

Protection

Education

Articles menagers…

Eau, hygiene et…

Sante

Nutrition

Securite alimentaire

Assistance…

Ciblees

Domaine Par hbt ($)

Protection 20

Éducation 99

Articles

ménagers

essentiels et

abris 31

Eau, hygiène et

assainissement 9

Santé 5

Nutrition 137

Sécurité

alimentaire 53

42

78. Bien que le PAH ne se limite pas aux populations touchées par le conflit, l’assistance a

été largement concentrée sur ce groupe. Le Plan prévoit des interventions humanitaires massives,

parfois urgentes, potentiellement étendues à de vastes zones (lorsqu’elles sont accessibles),

pouvant opérer plus longtemps et avec un volet protection important, mais il envisage également

des interventions humanitaires localisées, spécifiques et de courte durée, visant à répondre aux

besoins urgents des populations touchées.

Implications pour les filets sociaux

79. Le cadre politique brossé ci-dessus a des implications pour l’élaboration des filets

sociaux en RDC. Il convient de noter qu’une grande attention est accordée aux plus hauts

niveaux politiques à la satisfaction des besoins des groupes vulnérables, et à la couverture de

ceux qui sont dans le besoin. Les objectifs sont ambitieux. Les objectifs globaux de réduction de

l’extrême pauvreté et de satisfaction des besoins des groupes vulnérables sont soutenus par des

stratégies sectorielles et thématiques qui reflètent ces objectifs.

80. Toutefois, on relève une certaine absence de précision relativement aux moyens de

toucher ces groupes. Ainsi, les politiques destinées à identifier les programmes qui pourraient

être les plus efficaces, ou les réformes nécessaires pour permettre aux programmes actuels

d’atteindre les principaux objectifs visés ne sont pas définies. En outre, les cibles fixées pour le

financement semblent peu réalistes à la lumière des ressources disponibles et de la capacité

d’absorption des institutions.

81. Le secteur de la protection sociale lui-même existe dans un cadre politique faible, qui

demande à être révisé, actualisé et harmonisé. Le rôle des filets sociaux devrait être bien précisé

dans toute révision des politiques et stratégies de protection sociale, étant donné que ces filets

devraient représenter la partie la plus importante des activités de protection sociale eu égard au

profil de pauvreté et de vulnérabilité du pays.

82. Les politiques sectorielles en matière de santé et d’éducation se focalisent principalement

sur l’offre de services, et cherchent à en accroître la couverture et la qualité. Les frais pour

accéder à ces services sont reconnus comme étant une difficulté critique pour les ménages

pauvres, et la solution proposée, à savoir augmenter les ressources budgétaires pour payer plus

de personnel et de matériels peut, à long terme, réduire la pression des frais d’utilisation sur les

ménages. Toutefois, il est prévisible, si l’on tient compte de l’expérience d’autres pays, que

l’accès aux services continuera sans aucun doute de poser des problèmes du côté de la demande.

Les filets sociaux, les transferts monétaires par exemple, sont bien adaptés pour lever ce type

d’obstacles, en fournissant aux ménages les ressources pour payer le coût inhérent aux services

sociaux de base. En fait, il a été démontré que ces programmes ont systématiquement eu un

impact positif sur l’utilisation des services de santé et d’éducation en complétant ainsi les

politiques sectorielles d’éducation et de santé.

83. L’aide humanitaire est bien organisée et relativement bien dotée de ressources, par

rapport à d’autres domaines de l’assistance sociale. Avec le temps et une fois que l’urgence

s’estompe, l’assistance ponctuelle peut être supprimée progressivement en faveur d’une

approche de filet social plus structuré. Étant donné la variété des circonstances en RDC,

43

l’assistance humanitaire et les filets sociaux peuvent coexister, le secours humanitaire ciblant les

zones où sévissent des crises, et les approches de filet social à long terme appliquées aux les

zones stabilisées, aux les pauvres chroniques et à ceux qui connaissent une insécurité

alimentaire, en dehors des zones de conflit. Il serait important de concevoir des politiques qui

puissent accommoder la transition de l’assistance humanitaire vers la stabilisation dans les zones

de conflit.

44

IV. Cadre institutionnel

Principaux acteurs institutionnels

84. Plusieurs acteurs sont engagés au niveau politique et opérationnel dans les programmes

sociaux, notamment les ministères et organismes de l’État, les ONG et les organisations

internationales. De nombreux programmes d’éducation, de santé, de protection civile, de réponse

aux catastrophes naturelles, d’emploi, d’assurance sociale, de développement rural et d’autres

secteurs, sont destinés à toucher les populations vulnérables.

85. Ce chapitre se concentre sur les institutions qui sont les plus actives dans le domaine des

filets sociaux (travaux HIMO, transferts monétaires et en nature, exonérations de frais et autres

formes d’assistance sociale).

86. Le Ministère des Affaires Sociales, de l’action humanitaire et de la solidarité nationale.

Le MINAS est le principal ministère national chargé de répondre aux besoins des groupes

vulnérables. Il a la toute première mission institutionnelle de superviser les filets sociaux du

pays. Selon l’Ordonnance n°15/015 du 21 mars 2015 fixant les attributions des ministères, le

MINAS s’occupe de:

Volet affaires sociales

l’organisation, l’administration et la gestion des centres d’actions sociales tels que les

centres de promotion sociale, les orphelinats, les homes et les hospices pour les

vieillards, les centres d’apprentissage professionnel pour les personnes vivant avec

handicap;

l’assistance sociale aux populations nécessiteuses;

la tutelle et reclassement des enfants en situation particulièrement difficile;

la collaboration à l’élaboration des projets pilotes de lutte contre la pauvreté;

la protection et insertion sociale des groupes vulnérables;

la collaboration à l’organisation de l’enseignement spécial au profit des enfants vivant

avec handicap;

l’organisation de l’éducation non formelle en collaboration avec les ministères en

chargés de l’enseignement primaire, secondaire et professionnel, et de la jeunesse et des

sports.

Volet action humanitaire et solidarité nationale

la coordination, l’évaluation et la supervision des programmes humanitaires;

45

le contrôle et le suivi des activités des organismes et ONG chargés des questions

humanitaires;

la collaboration avec les ministères chargés de la défense nationale et des anciens

combattants, de la santé, pour appuyer la réinsertion des ex-combattants et autres groupes

assimilés dans la vie civile;

le suivi et l’insertion des victimes des calamités et catastrophes naturelles en

collaboration avec les autres ministères concernés;

la collaboration avec les agences humanitaires et les organisations compétentes en

matière d’assistance aux réfugiés, aux victimes de la guerre et des catastrophes

naturelles, aux déplacés et autres populations vulnérables en cas de crise humanitaire;

la coordination de la recherche des sources de financement pour soutenir la politique du

gouvernement en matière de solidarité et d’actions humanitaires, en collaboration avec

les ministères chargés des finances et la coopération internationale;

la promotion de la vie associative dans les domaines de l’action humanitaire;

la coordination des actions humanitaires caritatives et philanthropiques pour venir en

aide aux déplacés et victimes de la guerre et des catastrophes naturelles.

87. Ce ministère a connu une certaine instabilité institutionnelle, jalonnée de fusions et

démembrements répétés depuis 1963; dans sa configuration actuelle (figure 3), le MINAS est

issu de la fusion de deux ministères (Affaires sociales et solidarité nationale et ministère des

Affaires humanitaires) en 2007. Le MINAS comporte deux secrétariats généraux, plusieurs

divisions opérationnelles et administratives, des services spécialisés (tels que le Service national

médico-social, le Service national polyvalent d’éducation permanente, le Centre d’actions

sociales intégrées, etc.), et le FNPSS, établissement public, qui a un système décentralisé de sept

agences en provinces.

46

Figure 3 : Organisation du MINAS

AU

NIV

EA

U P

RO

VIN

CIA

LA

U N

IVE

AU

CE

NT

RA

L

Ministre des Affaires Sociales, Action Humanitaire et Solidarité

Nationale

Cabinet du Ministre

Secrétariat Général des Affaires Sociales

Secrétariat Général de l’ Action Humanitaire et

Solidarité Nationale

Division Unique Division Unique

DSG DEP DAS DIC DG/ENF DICOREPHA COSNI DISPE DEPTA DG/SNR DSG DEP DAIR DSAHP DAVCN

Services d’appui / Unités spécialisées

SNRS

SENAPEP

SENAMES

CENAPHI

CASI

CAP

Organismes promotionnels

CFMA

INAV

FMA

SENARAC

DIVAS

BSG

BAS

BEP

BENF

BUCOREPHA

BISPE

BEPTA

Agence provinciale

FNPSS

DIVAH

BSG

BEP

BAIR

BSAHP

BAVCN

Home de vieillards

de Kabinda

Home de vieillards

de Kitambo

FNPSS

Organismes et services

CFMA

CEPEP

Home de vieillard

CPS

IPAS

OES

47

88. Le Ministère dispose d’un imposant patrimoine immobilier qui date en grande partie de la

période coloniale. Il convient de noter que les Centres de Promotion Sociale (CPS), établis dans

les années 30, ont abrité pendant longtemps les principaux services d’assistance sociale offerts

par le MINAS. Les CPS sont utilisés, entre autres, pour la formation professionnelle, les cours

d’alphabétisation, les pouponnières et la prise de contact avec les assistants sociaux, bien que la

majorité de ces centres soient mal équipés et mal entretenus et offrent une gamme limitée de

services.

89. En termes de personnel, le MINAS a un effectif d’environ 19 000 agents sur l’ensemble

du territoire national mais une grande partie d’entre eux n’ont pas le statut officiel de

fonctionnaire et sont qualifiés de « nouvelles unités » ou d’ « agents contractuels ». Par ailleurs,

une importante proportion du personnel a dépassé l’âge de la retraite mais reste en place, car le

Gouvernement n’a pas les moyens de les absorber dans le système national de retraite.

90. Le MINAS gère un certain nombre de programmes et services de longue date,

notamment:

a) la formation professionnelle, l’alphabétisation et le rattrapage scolaire (ce dernier est un

programme accéléré pour l’achèvement de l’école primaire en faveur de ceux qui

abandonnent l’école) ;

b) les attestations d’indigence, qui exonèrent les bénéficiaires des paiements des frais pour

les services de santé dans les établissements publics;

c) des services pour certains groupes vulnérables tels que les personnes vivant avec

handicap (par exemple, l’école pour les aveugles et mal voyants) et les personnes âgées

sans soutien familial ;

d) les services de protection des enfants ;

e) la distribution d’assistance humanitaire immédiate dans le cas des catastrophes naturelles

ou de déplacement (y compris les rapatriements);

f) la tutelle de tous les établissements publics et privés qui offrent des services sociaux, tels

que les orphelinats et les centres d’accueil pour les personnes du troisième âge ou les

personnes vivant avec handicap ;

g) un programme de soutien en personnel et en espèces (à travers les transferts) à plusieurs

centres de services sociaux des ONG.

91. Le Fonds national de promotion et de service social (FNPSS). Le FNPSS a été créé en

1963 (Ordonnance n° 161 du 27 juillet 1963) avec l’actif hérité du Fonds du bien-être indigène

de la période coloniale. Le FNPSS est un établissement public qui, dans le passé, a servi de levier

dans la mobilisation et la gestion des financements de l’action sociale de l’État. Placé sous tutelle

du ministre ayant les affaires sociales dans ses attributions, le FNPSS dispose d’un personnel de

140 agents au niveau central, et de 297 agents au niveau provincial.

92. La principale source de financement du FNPSS est la subvention de l’État inscrite aux

budgets annexes dans la rubrique des services auxiliaires. Ce budget couvre la rémunération du

48

personnel, les frais de fonctionnement et les subventions. Mais concrètement, seule la

rémunération du personnel est généralement effectuée. Dans le souci de redynamiser le FNPSS,

un Plan stratégique et financier du FNPSS (2012-2016) a été validé et adopté par le

Gouvernement.

93. Le FNPSS a pour mission de mobiliser les financements internes et externes nécessaires

et de servir d’interface entre les structures étatiques et non étatiques de prise en charge et les

sources des financements. Il n’a pas encore commencé à remplir cette fonction.

94. Le Fonds social de la République démocratique du Congo (FSRDC). Le Fonds social a

été créé par décret présidentiel en février 2002 sous forme d'un établissement public à caractère

social. Il est placé sous la Haute autorité du président de la République. Le FSRDC a pour

mission principale de participer à l’effort de reconstruction et de développement du pays en

contribuant à : (i) l’amélioration des conditions de vie de la population congolaise et de son accès

aux services sociaux à travers la réhabilitation et la reconstruction des infrastructures

économiques et sociales communautaires ; et (ii) la création des revenus et des emplois dans les

milieux ruraux et urbains par l’exécution ou l’implantation des micro-projets générateurs de

revenus pour alléger la pauvreté et promouvoir le développement économique et social. Dans le

cadre de sa mission, le FSRDC finance des travaux HIMO dans l’est du pays.

95. Organisations non gouvernementales. Il existe des centaines d’ONG impliquées dans la

prestation de services sociaux. Un petit nombre d’entre elles parviennent à avoir une couverture

nationale, particulièrement celles qui sont membres d’organisations confessionnelles plus larges

telles que CARITAS ou l’Armée du salut. Ces ONG ont tendance à offrir une gamme plus vaste

de services, y compris des activités liées au développement (activités génératrices de revenus,

etc.), des services de santé et/ou d’éducation, et une assistance sociale. La grande majorité des

ONG sont de petites entités focalisées sur un domaine précis. Par exemple, le PAN-OEV a révélé

qu’il existe plus de 200 ONG axées sur les OEV, qui touchent entre 10 et 500 OEV chacune. Ces

ONG sont souvent en première ligne dans l’assistance des groupes vulnérables et représentent

leur seule source de soutien.

96. Agences internationales. Les agences internationales jouent un rôle crucial dans le

financement et la mise en œuvre des activités de type filet social en RDC. Plusieurs d’entre elles

financent et/ou mettent en œuvre des filets sociaux: 28

a) le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA)

coordonne l’assistance humanitaire internationale destinée à la RDC ;

b) le Programme alimentaire mondial (PAM) cherche à éradiquer l’insécurité alimentaire ;

grâce à la distribution de vivres, il assure la survie des personnes vulnérables dans les

situations d’urgence et aide les communautés à rétablir leur autosuffisance alimentaire ;

28 Cette partie est tirée de : Mukadi Bonyi, « État des lieux de la protection sociale en République démocratique du

Congo », étude complémentaire, août 2013.

49

c) l’UNICEF intervient dans les domaines de l’éducation, de la santé offre une assistance

sociale aux personnes déplacées et victimes de conflit, ainsi qu’un soutien au bien-être

des enfants en général, par exemple en facilitant l’accès aux services sociaux et en

promouvant la mise en place de «communautés protectrices»;

d) le Bureau des Nations Unies pour les services d’appui aux projets (UNOPS) a pour

mission d’améliorer la capacité opérationnelle du système des Nations Unies et de ses

partenaires dans la mise en œuvre d’opérations de consolidation de la paix, d’aide

humanitaire et de développement ; en particulier, l’UNOPS supervise des travaux publics

HIMO;

e) la Banque mondiale finance l’assistance sociale destinées aux OEV, et aux enfants de la

rue en particulier, et l’assistance technique pour le soutien institutionnel au MINAS ainsi

que des travaux publics HIMO à l’est du pays;

f) les bailleurs de fonds bilatéraux financent des programmes d’assistance humanitaire et

sociale, qui sont pour la plupart canalisés à travers les ONG internationales et locales.

Mécanismes de coordination

97. La complexité du cadre institutionnel nécessiterait des mécanismes efficaces de

coordination. Il n’existe aucun mécanisme qui soit actuellement opérationnel dans la

coordination des efforts en matière de filets sociaux et de protection sociale en général. Un

Groupe thématique protection sociale, formé après la validation de la stratégie de protection

sociale de 2004, était présidé par le ministère de l’Emploi, du travail et de la prévoyance sociale,

et comprenait des représentants du MINAS, d’autres ministères sectoriels (jeunesse, santé,

affaires sociales, éducation, etc.), du ministère des Finances et des principaux partenaires actifs

dans le domaine de la protection sociale. Le MINAS qui est actuellement à la tête de ce groupe

thématique, s’est engagé à relancer la des réunions régulières après un an d’inactivité. Une

seconde avancée qu’il convient de rappeler est que les groupes thématiques sont désormais régis

par le décret n° 13/011 du 09 avril 2013 du Premier Ministre portant création, organisation et

fonctionnement des groupes thématiques. Il existe également un cadre opérationnel des groupes

thématiques sectoriels. Par ailleurs, un Groupe inter-bailleur pour la protection sociale a été

récemment formé pour assurer une meilleure coordination entre les partenaires extérieurs. Le

PAN-OEV est suivi par un groupe thématique multisectoriel.

98. L’assistance humanitaire est efficacement coordonnée à travers OCHA. Créé en

décembre 2013, le cadre national de concertation humanitaire (CNCH) se veut un cadre de

dialogue et d’échange d’informations entre partenaires œuvrant dans le secteur de l’humanitaire.

Il a été créé à l’initiative du gouvernement de la République pour améliorer la coordination de

l’action humanitaire sur terrain. Le Groupe consultatif humanitaire comprend des membres des

ONG et des agences onusiennes. Présidé par OCHA, ce groupe consultatif tient des réunions

fréquentes.

99. Les ONG ont plusieurs mécanismes nationaux de coordination sous des organisations

faîtières telles que le Conseil national des organisations non gouvernementales de

développement de la République démocratique du Congo (CNONGD). Une Plateforme nationale

des ONG œuvrant dans la protection sociale a été formée au cours des récentes années, alors que

50

les ONG œuvrant en faveur des enfants de la rue sont regroupées dans le Réseau des éducateurs

des jeunes et enfants de la rue (REJEER).

Implications pour les filets sociaux

100. La situation institutionnelle des filets sociaux représente un défi pour la prestation

efficace des services. Des mesures de réformes et de renforcement institutionnel devront être

mises en place au sein du MINAS, pour lui permettre de remplir sa mission avec efficacité. Pour

l’heure, les rôles institutionnels sont en mutation permanente, se chevauchent ou manquent de

définition claire. Les multiples ONG assurant des services d’assistance sociale sont confusément

reliées aux politiques et structures nationales.

101. En revanche, l’assistance humanitaire fonctionne à travers des structures plus solides,

mais celles-ci sont pour la plupart dirigées par les bailleurs de fonds, et insuffisamment

rattachées aux services publics qui devront intervenir, le moment venu, pour assurer la transition

de l’assistance humanitaire vers le développement de longue durée. Il est à espérer que le CNCH

se maintiendra et produira les effets escomptés, dont le plus important est la coordination des

appuis dans le secteur de l’action humanitaire.

51

V. Revue des principales interventions

Cadre de l’État des lieux

102. Cet État des lieux a uniquement répertorié les principales interventions en matière de

filets sociaux en RDC, car des limites de temps et de budget ne permettaient pas d’en élaborer un

inventaire exhaustif. Ces interventions sont regroupées dans les catégories suivantes:

a) travaux publics à haute intensité de main-d’œuvre (HIMO), en particulier lorsqu’un des

objectifs est d’offrir de l’emploi temporaire à des travailleurs qualifiés;

b) exonération des frais conçue pour améliorer l’accès aux services de base par les

populations vulnérables;

c) transferts en numéraire et quasi-numéraire (coupons, etc.) aux populations vulnérables;

d) assistance alimentaire, soit directement aux familles vulnérables, soit à travers les

programmes de cantine scolaire;

e) autre assistance sociale, y compris les multiples types de services aux groupes

hautement vulnérables, tels que les orphelins et les victimes de violence et d’exploitation.

103. Pour chaque type d’intervention, l’État des lieux a essayé de déterminer plusieurs

paramètres de base: objectifs du programme, mécanismes de ciblage (voir l’encadré 2),

couverture, mécanismes opérationnels, coûts, financement, résultats et enseignements acquis.

Ainsi qu’il a été noté plus haut, des visites de terrain ont été effectuées dans les provinces de

Kinshasa, du Bas Congo, du Bandundu, du Nord Kivu et du Sud Kivu. Une fiche standard de

collecte des données a été distribuée aux personnels indiqués des programmes visités.

104. Durant les visites de terrain, les gestionnaires de certaines institutions ou programmes

abordés ont fait valoir que leur action ne correspondait pas vraiment aux critères qui définissent

un filet social, s’agissant de programmes axés fondamentalement sur le développement agricole,

par exemple, ou l’amélioration des niveaux de santé. Ces programmes ne sont donc pas

considérés dans ce chapitre. Par ailleurs, la RDC compte un très grand nombre d’interventions

humanitaires en raison des conflits de longue durée dans plusieurs zones du pays et presque tous

ces programmes offrent un secours de base aux populations. Quoique non conçus pour être des

filets sociaux, plusieurs d’entre eux ont été inclus dans le présent État des lieux parce que les

mêmes approches pourraient être reproduites dans les programmes futurs de filets sociaux, hors

du contexte de conflit. De plus, certaines interventions humanitaires ont testé des mécanismes

novateurs de transfert qui fournissent des conclusions importantes applicables à l’ensemble du

pays. Une liste complète des institutions contactées au cours de la visite de terrain figure en

Annexe 1.

52

Encadré 2 : Mécanismes de ciblage des programmes de filets sociaux

L’une des principales caractéristiques des programmes de filets sociaux est qu’ils emploient des

mécanismes de ciblage pour sélectionner les bénéficiaires, en vue de s’assurer que les prestations

touchent les pauvres et les personnes vulnérables. Cet aspect les distingue des programmes universels

tels que les services généraux de la santé et de l’éducation. Les mécanismes de ciblage se réfèrent à

l’ensemble des règles d’éligibilité et aux critères de sélection des bénéficiaires. Les types de

mécanismes de ciblage sont, entre autres :

L’auto-sélection, dans les cas où seuls les individus ou les ménages éligibles devraient être incités

à souscrire à un programme, soit par définition (par exemple les services destinés aux handicapés),

soit par choix (par exemple, les travaux HIMO). Des mesures de désincitation sont introduites afin

que les non-nécessiteux choisissent de ne pas participer. Ainsi, le salaire journalier attribué dans les

projets HIMO peut être établi pour décourager les non-nécessiteux de se présenter.

Le ciblage par catégorie, où toutes les personnes ou ménages ayant une caractéristique donnée

(âge, sexe, handicap, etc.) sont admissibles à participer.

Le ciblage géographique, où les services du programme ne sont disponibles que pour certaines

localités, par exemple les milieux ruraux, les zones d’insécurité alimentaire ou, comme dans le cas

de la RDC, les régions touchées par le conflit.

Le ciblage par approximation du bien-être des ménages (proxy means testing), qui attribue un

score à chaque ménage sur la base d’un ensemble de caractéristiques observables corrélées aux

niveaux de pauvreté, et produit un classement selon le niveau de pauvreté. Cette méthode est

utilisée pour mesurer le bien-être du ménage dans les cas où les informations sur le revenu et la

consommation de chaque ménage ne sont pas disponibles ou pas fiables. Les données issues des

enquêtes nationales auprès des ménages peuvent être utilisées pour élaborer ces scores moyens par

approximation.

Le ciblage par évaluation des ressources des ménages, où les participants admissibles sont

sélectionnés sur la base du niveau de revenu des ménages.

Le ciblage à base communautaire, où les comités communautaires désignent les ménages

éligibles grâce à la connaissance locale des cas les plus nécessiteux, généralement sur la base de

critères déterminés auparavant par l’ensemble de la communauté.

L’évaluation des ménages par les travailleurs sociaux, où les ménages individuels sont

sélectionnés par un travailleur social formé à cet effet.

Les filets sociaux peuvent utiliser une combinaison de ces méthodes. Par exemple, les programmes

HIMO peuvent être orientés géographiquement vers les zones connaissant une insécurité alimentaire,

ensuite utiliser des taux de salaires inférieurs à ceux du marché pour s’assurer que seuls les pauvres

cherchent du travail. Dans le cadre des transferts monétaires, des catégories générales de ménages

éligibles peuvent être définies, suivies d’un ciblage à base communautaire permettant d’établir au

niveau local des listes des individus à servir prioritairement.

53

Programme de réunification routière de la RDC, financé par la RDC,

Équateur. Crédit photo : UNOPS- Jacques Kimbanda-2014

105. Notre démarche a été plusieurs fois limitée par l’insuffisance des données et informations

disponibles. Dans certains cas, les programmes visités n’ont pas été inclus dans ce chapitre car

les fiches de collecte des données ou autres informations pertinentes n’ont pas été transmises.

Néanmoins, les programmes présentés ici fournissent un aperçu de la situation des filets sociaux

actuels en RDC, dans la perspective de déterminer la manière d’améliorer, d’étendre ou de

transformer certains programmes et permettre d’offrir une meilleure couverture et de produire un

impact à l’avenir.

A. Travaux publics à haute intensité de main-d’œuvre

106. Les programmes de

travaux publics créent de

l’emploi temporaire pour les

participants qui sont en mesure

d’apporter leur travail en

contrepartie de prestations,

généralement sous forme de

numéraire ou de vivres.

107. Pour aider les personnes

victimes de pauvreté chronique

ou d’insécurité alimentaire, les

travaux publics offrent parfois

des opportunités de travail

régulières ou saisonnières, dans

les milieux ruraux, en fonction du

cycle agricole. Les travaux

publics sont également utilisés

pour distribuer des revenus

temporaires en situation de

chocs, lors des épisodes de

sécheresse ou de crise économique par exemple. Les travaux publics ont l’avantage

supplémentaire de créer des biens publics sous la forme d’infrastructures nouvelles,

d’amélioration des infrastructures existantes ou de prestation de services.

108. Parce que l’objectif est d’octroyer une aide temporaire en revenus ou en vivres à une

population ciblée, les coûts de main-d’œuvre tendent à être élevés et représentent entre 50% et

80% des coûts des infrastructures. Cette caractéristique distingue les programmes de travaux

publics comme filet social des programmes plus généraux de création ou de réhabilitation

d’infrastructures du gouvernement. En outre, les programmes de travaux publics à fonction de

filet social ciblent les pauvres avant tout, et offrent des salaires inférieurs à ceux du marché, ce

qui crée un mécanisme d’auto-sélection par le groupe cible.

109. Les travaux HIMO existent de longue date en Afrique. Les programmes «vivres contre

travail» ont été utilisés à grande échelle sur le continent, par exemple en réponse aux

sécheresses dans le Sahel au début des années 70, et en Éthiopie au début des années 80. Les

programmes de travaux publics ont également été utilisés pour réintégrer les ex-combattants

54

dans l’économie, et restaurer les infrastructures dans les situations d’après-guerre. Dans la

majorité des pays, les ministères de tutelle, les entreprises publiques, et les ONG sont tous

impliqués dans l’offre de travaux publics. Une étude des travaux publics en Afrique a démontré

que les projets sont presque tous de courte durée de par leur nature, visant à offrir un filet social

temporaire ou à accroître la demande de main-d’œuvre dans les activités du secteur de la

construction29

. Seuls 20% des projets ont été exécutés à grande échelle. La majorité des projets

de travaux publics HIMO octroyaient des vivres aux participants, mais les transferts monétaires

sont de plus en plus utilisés30

.

110. Programmes identifiés. Le travail de terrain a identifié plusieurs programmes de travaux

publics HIMO en RDC. Ces interventions comprennent des programmes à échelle relativement

grande, concentrés sur les infrastructures, ainsi que des activités intégrées dans des programmes

de développement communautaire à plus petite échelle, exécutées dans le cadre d’une assistance

aux populations affectées par le conflit. Les informations ont été collectées tant au niveau

national qu’à partir du terrain (tableau 6). Les programmes inclus ici sont (ou étaient) organisés

par:

a) l’UNOPS. L’UNOPS a construit, réhabilité ou entretenu depuis 1999 plus de 600 km de

routes, et a bâti près de 260 édifices dans les 11 provinces du pays, souvent dans des

zones difficiles d’accès ou soumises à des conditions sécuritaires instables. Près de 7%

des journées de travail ont été réalisées en mode HIMO au bénéfice des communautés

locales. Les programmes HIMO spécifiques de l’UNOPS comprennent: i) la sécurité

alimentaire, le désenclavement du territoire de Boende et la relance de la production

agricole; ii) la relance du secteur agricole dans la province de l’Équateur et à Kinshasa

(PARRSA); iii) la réhabilitation des infrastructures et voies de desserte agricole dans la

Province du Maniema (PIRAM); iv) l’appui au Plan de Stabilisation pour l’Est de la RDC

(ISSSS/STAREC); et v) les travaux routiers sur l’axe prioritaire Sake-Masisi-Walikale

dans la province du Nord Kivu.

b) Le Fonds social de la RDC. Le FSRDC soutient la création et la réhabilitation des

infrastructures communautaires sociales et économiques dans tout le pays, dans le cadre

de sa mission d’améliorer l’accès aux services chez les populations vulnérables et les

communautés pauvres. Le Fonds social a conduit un projet pilote HIMO en 2010 dans la

province du Katanga et va bientôt démarrer un programme de travaux HIMO dans les

deux Kivus et la Province Orientale.

c) CARITAS. CARITAS soutient des projets HIMO dans le cadre de ses activités intégrées

visant à satisfaire les besoins des communautés-cibles et des bénéficiaires vulnérables.

d) Programme Alimentaire Mondial (PAM). Le PAM offre des programmes de vivres

contre travail chez les populations souffrant des effets du conflit dans l’Est de la RDC.

111. ONG de plus petite envergure. Un certain nombre d’ONG de plus petite envergure

contactées au cours des visites de terrain se sont dites engagées dans des activités HIMO.

29

McCord et Slater (2009) McCord A. et R. Slater (2009). « Aperçu des programmes de travaux publics en Afrique sub-

saharienne. Overseas Development Institute, Londres. 30 « Gérer les risques, promouvoir la croissance», La stratégie de protection sociale de la Banque mondiale en l’Afrique 2012-

2022, Banque mondiale 2012.

55

Toutefois, ces activités sont généralement de portée très limitée, se concentrant sur un ou deux

petits projets locaux d’infrastructure routière ou autre infrastructure dans le cadre de projets

intégrés de développement local. Elles n’ont pas été incluses dans un examen plus détaillé des

programmes HIMO31

.

Tableau 6: Programmes de travaux HIMO inclus dans cet État des lieux

Organisation Niveau de collecte d’information

National Kinshasa Bas Congo Bandundu Nord Kivu Sud Kivu

CARITAS X X X X

UNOPS X X

Fonds

social/Banque

mondiale

X

(Katanga)

PAM X X X

112. Objectifs. Les objectifs et les centres d’intérêt des programmes HIMO varient, bien

qu’ils cherchent tous à aider les travailleurs à travers des rémunérations en vivres ou en

numéraire. Ils comprennent souvent des objectifs qui s’étendent, au-delà des effets positifs de

l’augmentation des revenus et de la consommation chez les travailleurs, aux effets positifs des

infrastructures créées. Les objectifs identifiés dans les programmes énumérés ci-dessus sont entre

autres :

a) contribuer à la réduction de la pauvreté et à la sécurité alimentaire en facilitant la

production agricole grâce aux infrastructures créées ;

b) renforcer la présence du gouvernement dans les provinces de l’Est afin d’apporter la paix

et la stabilité aux zones exposées aux conflits ;

c) atténuer l'impact de la crise financière internationale de 2008, grâce à la distribution de

revenus aux populations cibles par le biais de la création d'emplois temporaires ;

d) améliorer la vie socioéconomique de la population et faciliter la réinsertion

socioéconomique ;

e) soutenir le développement local et l’extension des services de base.

113. Couverture et portée. L’essentiel des projets HIMO se situent à l’Est, avec un

complément d’actions dans d’autres parties du pays pour pallier les problèmes liés à l’insécurité

alimentaire ou les chocs économiques (tableau 7).

31 Exemples : FSH, MBAN, ILDEMA, COVODER, FUDI et bien d’autres.

56

Tableau 7: Couverture des programmes de travaux HIMO

Organisation Géographique Emplois en mois-

personnes générés

Bénéficiaires

directs

CARITAS Province Orientale (Territoire de Bond)

Province de l’Équateur (Territoire de

Kungu) – HIMO2013

N.D. N.D.

UNOPS Province Orientale, Province de

l’Équateur, Province du Maniema,

Province du Nord Kivu

400 000 (2013) N.D.

FSRDC Province du Katanga (villes de

Lubumbashi, Likasi et Kolwezi)

218 318 (2010) 3 215

PAM Nord Kivu (villes de Goma, Rutshuru,

Masisi) et Sud Kivu

N.D. 1 845 Nord Kivu,

1 300 Sud Kivu

114. L’UNOPS dirige le plus grand des projets HIMO étudiés : depuis 1999, il a créé 5

millions de journées de travail rémunérées pour la population congolaise. D’autres programmes

sont de moindre portée, soient qu’ils poursuivent un impact local, soit qu’ils opèrent seulement

pour une courte période en réponse à une crise. La proportion de femmes bénéficiaires est

estimée, lorsque les données existent, à entre 5% (UNOPS) et 31% (FSRDC)32

. Les seules

informations sur l’intensité de la main-d’œuvre viennent du programme du FSRDC au Katanga

et indiquent une intensité de main-d’œuvre de 47%. Ce chiffre se situe à la limite inférieure dans

les comparaisons internationales pour les programmes HIMO, mais donne néanmoins une

indication des coûts plus élevés des intrants et des matériaux en RDC.

115. Dans l’ensemble, la couverture des programmes HIMO est très réduite par rapport au

nombre des personnes qui pourraient en bénéficier et à l’état délabré des infrastructures du pays.

Les bénéficiaires se comptent par milliers, face aux millions de Congolais en situation de

déplacement forcé, d’extrême pauvreté ou d’insécurité alimentaire.

116. Mécanismes de ciblage. Les programmes HIMO emploient essentiellement l’auto-

ciblage comme mécanisme de sélection des travailleurs (tableau 8), bien que d’autres méthodes

de ciblage, comme le ciblage géographique ou à base communautaire, aient aussi été employées.

Les taux de rémunération sont généralement de 3 USD et 4 USD par jour, quoi que des taux plus

élevés soient souvent nécessaires dans certaines zones minières, telles que le Katanga où les taux

sont de 6 USD à 7 USD33

. Certaines catégories de bénéficiaires sont souvent ciblées. Ainsi, le

programme au Katanga avait été conçu pour aider les travailleurs de l’industrie minière ayant

perdu leur emploi, tandis que le PAM cible les déplacés internes et les rapatriés. L’UNOPS

accorde une priorité à l’offre d’emploi temporaire aux populations riveraines lors des

réhabilitations routières, quoique la sélection des travailleurs proprement dits soit laissée au soin

des entreprises de construction privées. Dans d’autres programmes, les communautés locales ou

les autorités locales sont impliquées dans la sélection des travailleurs.

32 Parmi les programmes étudiés, celui du FSRDC au Katanga est le seul à imposer un quota minimum pour la participation des

femmes, fixé à 25 %. 33 Les projets vivres contre travail offrent des rations alimentaires quotidiennes (2,8 kg par personne/homme-jour).

57

117. Il n’y a pas eu d’évaluation des niveaux de pauvreté des travailleurs qui permettrait

d’apprécier les résultats du ciblage. Dans le programme HIMO-Katanga, l’analyse a posteriori a

montré que 97 % de la main-d’œuvre utilisée dans les travaux était constituée de creuseurs, mais

peu de travailleurs licenciés des entreprises minières officielles en faisaient partie, probablement

à cause du long délai dans la mise en route du projet. En effet, après la perte de leur emploi, les

chômeurs, du reste enregistrés tant dans les mairies que dans les services spécialisés, n’avaient

pas pu attendre le démarrage du projet et avaient saisi les opportunités qui s’étaient présentées

avec la timide reprise des activités34

.

Tableau 8: Mécanismes de ciblage des programmes HIMO

Auto-sélection Ciblage

géographique

Ciblage catégoriel Ciblage à base

communautaire FSRDC Auto-ciblage basé sur

la rémunération

journalière

Zones des crises

économiques

Ex-mineurs et mineurs

artisanaux

Liste des travailleurs

éligibles inscrits

CARITAS Auto-ciblage basé sur

la rémunération

journalière

Déplacés et résidents des

villages d’accueil

Communautés en

contact avec les

diocèses

UNOPS Auto-ciblage basé sur

la rémunération

journalière

Routes d’accès

prioritaires

Priorité aux riverains

locaux

PAM Auto-ciblage par le

montant des vivres

Zones prioritaires Les rapatriés, les retournés

et les autochtones

vulnérables à l’insécurité

alimentaire

La communauté

participe à la

sélection des

bénéficiaires

118. Mécanismes opérationnels. Différents mécanismes opérationnels sont utilisés pour

mettre en œuvre les projets HIMO en RDC. L’UNOPS et le FSRDC utilisent l’approche de la

maîtrise d’ouvrage déléguée, qui limite leur rôle à la passation de marchés et à la supervision sur

le terrain de la mise en œuvre des contrats. La priorité dans la sélection des maîtres d’ouvrage

délégués est généralement accordée aux entreprises ou ONG locales afin de maximiser l’impact

économique local. Le PAM et CARITAS utilisent une approche plus communautaire : les projets

sont élaborés et exécutés par la communauté elle-même travaillant avec les ONG locales et les

organisations communautaires.

119. Tous les programmes mettent en place des comités locaux qui assument une variété de

responsabilités, allant de la sélection du projet et des bénéficiaires à la supervision et à l’entretien

des infrastructures. Les projets de l’UNOPS, par exemple, sont élaborés dans le cadre d’une

stratégie sectorielle pour la construction et l’entretien des routes prévoyant que des comités

locaux, qui se chargeront de l’entretien après l’achèvement du projet (Comités locaux d’entretien

routier, CLER), soient mis en place afin de promouvoir la pérennité des routes construites. Aux

niveaux national et local, ces comités locaux travaillent en étroite collaboration avec l’Office des

Routes et la Division des voies de desserte agricole, ainsi qu’avec le Fonds national d’entretien

routier (FONER).

34 Bosimi. Rapport d’enquête de satisfaction des bénéficiaires, 2013.

58

120. Coûts et financement. Les projets HIMO qui ont été identifiés dans la présente

évaluation sont largement financés par des ressources extérieures, à travers soit des canaux

officiels, soit des canaux non-gouvernementaux. Dans l’ensemble, les fonds annuellement

injectés dans les projets HIMO n’ont jamais atteint les 20 millions d’USD, et le plus gros

montant a été reçu par l’UNOPS (tableau 9).

Tableau 9: Financement des programmes HIMO

Programme Source de financement Financement

(USD)*

FSRDC: HIMO-Katanga Banque mondiale 4,2 millions

(2010-2011,

18 mois)

UNOPS: Sécurité alimentaire,

désenclavement du territoire de Boende

et relance de la production agricole

Union européenne 4,1 millions

(2010 – 2014,

48 mois)

UNOPS: Relance du secteur agricole

dans la province de l’Équateur

(PARRSA)

Banque mondiale 54,2 millions

(2011 – 2015,

60 mois)

UNOPS: Réhabilitation des

infrastructures et voies de desserte

agricole - Province du Maniema

(PIRAM)

Fonds international de

développement agricole

(FIDA)

10,2 millions

(2012-2015)

UNOPS: Contribution du Royaume-

Uni au Plan de stabilisation pour l’Est

de la RDC

Royaume-Uni 20,5 millions

(2009-2014)

UNOPS: Appui au Plan de stabilisation

pour l’Est de la RDC, travaux routiers

sur l’axe prioritaire Sake-Masisi-

Walikale

Belgique, Pays‐Bas, Royaume‐Uni et Suède

N.D.

(2008-2014)

CARITAS: Réhabilitation des routes de

desserte agricole dans les Territoires de

Bondo et Kungu

Gouvernement allemand via

Caritas Allemagne;

Gouvernement belge via

Caritas International Belgique

N.D.

(2013)

PAM: Vivres pour la création d’actifs

au Nord-Kivu

N.D. N.D

Note : Pour l’UNOPS, il s’agit du coût total du projet, y compris des composantes non-HIMO.

121. Impacts et résultats. Certains des résultats pertinents pour cet État des lieux sont

résumés ci-dessous :

a) La distribution temporaire de revenus/vivres aux bénéficiaires-cibles constitue l’objectif

principal des projets HIMO. Par exemple, le programme HIMO-Katanga signale la

distribution de près de 900 000 USD de paiement en numéraire à ses bénéficiaires ; pour

une moyenne de 63 jours de travail par travailleur, le gain individuel se situe entre 100

USD et 150 USD.

b) Ces ressources ont permis aux ménages de se procurer des vivres et d’avoir accès aux

services sociaux. Une évaluation a posteriori du programme HIMO-Katanga indique que

59

Encadré 3: Feedback des bénéficiaires sur le programme HIMO-Katanga

Le retour d’information de la part des populations touchées par les filets sociaux est rare en RDC. Une

exception notable est le sondage auprès des bénéficiaires effectué par le FRSRDC sur son programme

HIMO-Katanga. Ce sondage a été mené dans trois localités et chez les travailleurs engagés dans les

travaux HIMO et les représentants municipaux. Les niveaux de satisfaction sont rapportés ci-après :

Satisfaction par rapport au travail : La grande majorité des personnes enquêtées (86 %) est

satisfaite du travail accompli dans le cadre du projet, et serait prête à refaire le même travail.

Satisfaction par rapport au revenu : 62 % des personnes enquêtées est satisfaite du revenu gagné,

contre 38 % de non satisfaits ; ces derniers justifient leur évaluation par la courte durée du travail et

donc son caractère précaire au regard de leurs problèmes vitaux.

Satisfaction par rapport aux travaux réalisés : 87 % des membres du Comité local de suivi mis en

place au niveau de chaque ville sont satisfaits des travaux réalisés dans le cadre du projet, dans la

mesure où, selon eux, les villes ont été embellies.

Source: Jean de Dieu Mbey Bosimi. «Rapport d’enquête sur la satisfaction des bénéficiaires du Projet HIMO

Katanga », préparé pour le Fonds social de la RDC, février 2013.

le revenu a été affecté prioritairement aux besoins d’alimentation pour 100 % des

personnes interrogées, aux soins de santé pour 89% des personnes interrogées, et aux

frais scolaires pour 79 % des personnes interrogées.

c) Les informations disponibles laissent supposer que les bénéficiaires ont été satisfaits des

projets HIMO, bien que certains auraient souhaité des paiements plus élevés. Le

programme HIMO-Katanga a réalisé une étude auprès des bénéficiaires qui a démontré

des niveaux élevés de satisfaction (encadré 3).

d) La création/réhabilitation d’actifs productifs a été remarquable. L’UNOPS a construit,

réhabilité ou entretenu depuis 1999 plus de 8 600 km de routes et construit près de 260

bâtiments dans les onze provinces de la RDC, souvent dans des zones enclavées ou

confrontées à des conditions sécuritaires précaires. Au-delà de ces effets nationaux, tous

les programmes enregistrent une importante création d’infrastructures locales ; par

exemple CARITAS signale la construction de 190 km de routes dans ses deux

programmes HIMO de 2013.

e) Les impacts économiques locaux sont très positifs. Les informations a posteriori obtenues

du projet HIMO de l’UNOPS pour la réhabilitation de la route Burhale-Shabunda

décrivent les résultats suivants : ( i) un trafic accru le long de plusieurs tronçons de la

route passant d’une moyenne de 9 véhicules par jour à 54 véhicules par jour ; (ii) la durée

du trajet réduite de 2 semaines (à pied) à 2 à 3 jours (en moto ou véhicule 4x4), et le coût

du voyage de 500 USD à 100 USD ; et (iii) l’accessibilité des biens essentiels augmentée,

avec une baisse de leurs coûts sur le marché.35

Dans l’expérience du PAM au Nord Kivu,

35 UKAID/UNOPS. Fiche de renseignements : Contribution du RU au Plan de stabilisation pour l’est de la RDC (STAREC -

ISSSS).

60

les bénéficiaires des projets (rapatriés, déplacés, retournés et autochtones vulnérables) ont

pu avoir un accès à la terre et ont augmenté leur production.

f) Les capacités techniques et organisationnelles sont renforcées. La capacité locale a été

renforcée à travers l’expérience directe, la formation sur le tas et des sessions de

formation formelles dont ont bénéficié les travailleurs, les entreprises et les ONG locales.

Par exemple, depuis 2008, l’UNOPS a attribué des contrats à plus de 200 ONG locales du

Nord Kivu, du Sud Kivu et de l’Ituri qui ont souvent bénéficié de formation et/ou

d’assistance technique.

122. Enseignements acquis. La RDC a fait l’expérience de diverses façons de mettre en

œuvre des projets HIMO. Dans l’ensemble, ce type d’interventions s’est révélé particulièrement

efficace comme moyen d’offrir du travail temporaire, et donc des revenus, aux groupes

vulnérables, et pour aider les communautés pauvres à travers la création/réhabilitation de

certaines infrastructures, en particulier dans les zones touchées par le conflit. De ces expériences,

il ressort que le type de tâches réalisées et les horaires devraient être adaptés aux réalités sociales

et aux cibles (les horaires, par exemple, devraient tenir compte des obligations domestiques des

femmes). De même, les programmes devraient envisager des formations pouvant renforcer les

capacités des travailleurs pour leur permettre d’acquérir de nouvelles compétences, et préparer

certains à leur reconversion dans des domaines tels que l’agriculture, la menuiserie, la mécanique et

autres. De cette manière, l’aide reçu aurait des retombées positives pour les travailleurs qui vont au-

delà de la période limitée de leur emploi.

123. Les approches participatives peuvent contribuer au développement communautaire et au

renforcement des capacités locales. En particulier, les petites entreprises et ONG locales peuvent

être des partenaires efficaces pour la mise en œuvre, à condition de fractionner les projets en de

sous-projets raisonnablement petits et de leur offrir une orientation et une formation en rapport

avec la conception, la contractualisation et l’exécution des infrastructures.

124. Pour servir de filet social efficace, les travaux publics HIMO doivent être prévisibles et

offrir un niveau de soutien suffisant pour faire face à l’insécurité alimentaire. Bien que les

mécanismes opérationnels soient plus ou moins rodés et facilement adaptables à une échelle bien

plus étendue, il faut que ces programmes trouvent leur place dans la réflexion sur la question,

pour doter le pays d’un système performant de filets sociaux.

B. Exonération des frais

125. Les exonérations de frais ont été utilisées avec succès pour faciliter l’accès des pauvres

aux services de base, en santé et en éducation par exemple, dans les pays en développement. Ces

programmes sont considérés comme nécessaires, particulièrement pour l’accès aux services de

santé, étant donné que les frais payés par les utilisateurs représentent une partie importante du

financement de ces services. En RDC, le coût de l’accès à la santé et à l’éducation est considéré

comme un obstacle primordial pour les pauvres.

126. L’expérience acquise par les pays en développement en matière d’exonérations de frais

indique que les systèmes qui rémunèrent les prestataires pour le manque à gagner généré par les

exonérations accordées, réussissent mieux que ceux qui demandent aux prestataires d’absorber le

61

coût des exonérations36

. De plus, la performance s’améliore avec la rapidité du remboursement.

D’autres facteurs de succès sont, entre autres : la large diffusion des informations parmi les

bénéficiaires potentiels sur la disponibilité de l’exonération et les procédures ; l’octroi de soutien

financier pour les coûts autres que les frais, tels que les vivres, le transport, les fournitures et les

matériaux; et l’existence de critères clairs pour l’octroi des exonérations, qui réduit ainsi la

confusion chez les personnes responsables de la gestion du système et chez les bénéficiaires

potentiels.

127. Programmes identifiés. Il existe un seul programme national ciblé d’exonération de

frais opérationnel en RDC: le certificat d’indigence (appelé aussi attestation d’indigence) délivré

par le MINAS. Un arrêté de 1991 prescrit qu’il faille attribuer un certificat d’indigence aux

individus vulnérables afin de les aider à accéder aux services, moyennant une exonération

spécifique des frais. Ce certificat est plus couramment utilisé dans les services de santé, mais

peut s’appliquer à d’autres services payants, dont les taxes, les dépenses funéraires municipales,

les frais de justice, l’accès à l’éducation, et ainsi de suite.

128. Objectifs. L’objectif général du programme est de faciliter l’accès aux services sociaux

essentiels par les personnes les plus vulnérables, en reconnaissance du fait que le coût constitue

pour eux un empêchement.

Tableau 10: Distribution des

Attestations d’indigence, 2013

129. Couverture. Le certificat d’indigence est un programme

national. La couverture de 2013 était estimée à environ 5 604

personnes (tableau 10), dont plus des deux tiers à Kinshasa.

Aucun quota ou budget n’est fixé pour la carte d’indigence.

Malgré la forte population cible, en réalité, la carte d’indigence

est relativement peu utilisée. Ainsi, la Division de l’Action

sociale du Bas Congo (DIVAS/Bas Congo) a informé l’équipe

que sur 640 formulaires envoyés aux différents bureaux de

l’intérieur (en raison de 40 à chacun de leurs 16 bureaux

locaux), seules 131 demandes ont été reçues en 2013.

130. Mécanismes de ciblage. Les directives relatives au

ciblage ne sont pas claires. L’arrêté de 1991 définit les indigents

et les fonctionnaires comme bénéficiaires-cibles. Il est

généralement admis que le ciblage doit s’appliquer aux enfants

vulnérables, aux femmes, aux personnes du troisième âge, aux

déplacés et aux réfugiés. Alors que l’arrêté indique que les

fonctionnaires (jusqu’au niveau de directeur) y ont accès, cela

n’est pas uniformément compris. Chaque DIVAS applique des

catégories choisies de bénéficiaires-cibles. Par exemple, le Sud

Kivu cite les OEV, les personnes déplacées, les personnes âgées

et les personnes affectées par le VIH/SIDA.

131. Le ciblage s’appuie essentiellement sur l’établissement 36 Enseignements tirés des filets sociaux, site web de la Banque mondiale.

Province Bénéficiaires

Kinshasa 3808

Bas-Congo 163

Bandundu 450

Équateur n.d

Kasaï-

Occidental

113

Kasaï-Oriental 494

Katanga 369

Maniema 88

Province

Orientale

82

Nord-Kivu n.d

Sud-Kivu 37

TOTAL 5 604

62

de larges catégories de populations éligibles ; chaque demandeur reçoit une visite de suivi d’un

agent social du MINAS (tableau 11). Il n’existe pas de publication officielle des directives du

programme, ni de sensibilisation aux bénéficiaires potentiels. Les bénéficiaires potentiels

contactent directement soit la DIVAS en province, soit la Direction des Affaires Sociales (DAS)

au niveau central, généralement en envoyant des requêtes écrites. L’enquêteur social doit rendre

visite au ménage, mais bien souvent, il/elle ne dispose pas de moyen de transport.

Habituellement, les demandeurs doivent se rendre au bureau de la DIVAS ou de la DAS, selon

l’échelon, ce qui constitue une barrière à l’accès au programme.

Tableau 11: Mécanismes de ciblage des attestations d’indigence

Mécanismes de

ciblage

Description

Auto-sélection L’individu se présente lui-même au bureau soit de la DAS, soit de la

DIVAS. Toutefois, une enquête sociale est préalable à toute prise en

charge.

Ciblage catégoriel Veuves, personnes âgées, personnes vivant avec handicap, orphelins,

déplacés du fait du conflit, etc.

Ciblage à base

communautaire

Il arrive aussi que la communauté saisisse le bureau soit de la DAS, soit

de la DIVAS. Toutefois, une enquête sociale est préalable à toute prise

en charge.

Évaluation des

ménages par les

travailleurs sociaux

Effectuée à travers une enquête par les travailleurs sociaux pour

confirmer la vulnérabilité. Descente sur le terrain afin d’évaluer les

conditions du ménage avant la prise en charge.

132. Mécanismes opérationnels. Le certificat d’indigence est par la DIVAS ou de la Division

urbaine des Affaires sociales (DUAS) ou encore de la DAS au niveau national. Le certificat varie

dans son application : parfois, il est délivré par année renouvelable, parfois pour la vie, parfois

encore pour couvrir les coûts d’un évènement précis. Aucune directive claire n’est établie à cet

effet. Il n’existe pas non plus de paramètres sur le niveau de service autorisé. Il existe au niveau

ministériel plusieurs approbations de cas de personnes qui sont transférées à l’étranger pour des

soins médicaux, à un coût très élevé.

133. La politique officielle est que la carte d’indigence peut être obtenue gratuitement.

Toutefois, on rapporte que cette carte se vend parfois pour une somme comprise entre 10 USD et

20 USD, comme c’est le cas au Bureau des Affaires sociales de Kikwit dans la province du

Bandundu. La DIVAS de Matadi a déclaré qu’elle le délivre contre remise de 10 000 francs

congolais.

134. Ces exonérations de frais devraient assurer, en théorie, l’accès gratuit aux services, mais

dans la pratique, des différences se font jour. Officiellement, les centres de santé doivent être

remboursés à travers les budgets provinciaux. Toutefois, des arriérés de remboursement de deux

à trois ans sont courants, et plusieurs centres de santé n’en reçoivent jamais. Par ailleurs, il

n’existe pas de système formel transparent associant les services au remboursement des cartes

d’indigence individuelles. Cette situation a créé la confusion et une absence de transparence dans

le système au niveau des prestataires de services. En conséquence, ces subventions de frais ne

sont généralement pas reconnues ni dans les cliniques de santé privées, ni dans celles des ONG.

63

Dans les hôpitaux publics, elles peuvent être reconnues, mais les patients paient dans tous les cas

le prix des médicaments et d’autres matériels. La DIVAS/Bas-Congo a déclaré qu’en théorie ces

exonérations de frais étaient applicables au transport grâce à un accord avec l’association des

chauffeurs du Congo, mais il n’y a pas eu de campagne de sensibilisation sur cet arrangement, et

les mécanismes de remboursement ne sont pas clairs. Dans les provinces de l’Est, et

particulièrement au Nord Kivu et au Sud Kivu, les DIVAS ont déclaré que certaines structures

privées à caractère social bénéficient des exonérations des frais d’électricité et des factures d’eau

de la Regideso. Ces exonérations des factures d’eau ont avoisiné 4 000 USD au cours de l’année

2013.

135. Le système administratif de délivrance des certificats d’indigence est manuel car il

n’existe pas de registre informatisé. Il n’y a pas non plus d’estimations de coûts qui soient

vérifiées et budgétisées pour remboursement. Ceci représente un passif éventuel du MINAS qui

accuse souvent des arriérés vis-à-vis des prestataires de services, mais des informations

consolidées sur les demandes non réglées ne sont pas disponibles.

136. En général, la communication avec le public relativement à l’attestation d’indigence n’est

pas très répandue, que ce soit sous forme de publicité ou de sensibilisation des groupes

potentiellement éligibles, ou à travers les media. Lors des visites de terrain, il ressort des

discussions tenues avec les ONG locales s’occupant d’OEV et d’autres groupes vulnérables, que

peu d’organisations et de personnes incluses dans les populations-cibles connaissent ou utilisent

les attestations d’indigence.

137. Le MINAS envisage la révision des réglementations pour la carte d’indigence et la

délivrance d’une carte spécifique avec des identifiants personnels. Parmi les bénéficiaires

figureraient : les OEV, les personnes vivant avec handicap, les femmes sans assistance (veuves,

femmes chefs de ménage), les chômeurs sans assistance, les personnes vivant avec le VIH/SIDA,

les personnes atteintes de maladies mentales, les personnes du troisième âge sans assistance

(femmes de 62 ans, hommes de 65 ans). Des termes de référence produits par le DAS concernant

cette révision sont déjà disponibles, et l’activité est en quête de financement.

138. Coûts et financement. Les dépenses du MINAS pour ce programme ne sont pas

enregistrées sous forme d’informations consolidées. Les hôpitaux publics et autres prestataires

de services doivent soumettre des demandes de remboursement au budget provincial qui

devraient être financées à partir du poste budgétaire «aide et secours». Toutefois, le processus de

remboursement ne fait pas l’objet de suivi transparent.

139. Impacts et résultats. Le MINAS n’a pas mené d’évaluation du programme, ni établi de

rapports sur les résultats ou/et les impacts du certificat d’indigence sur la population desservie.

140. Enseignements acquis. La carte d’indigence telle qu’elle existe actuellement n’est guère

efficace en tant que mesure de filet social. Concrètement, elle a très peu d’usagers, du fait des

frais fréquemment appliqués qui la rendent inaccessible aux plus pauvres, mais aussi à cause du

manque d’information diffusée au public quant aux critères d’admissibilité.

64

141. Une réforme profonde du programme est nécessaire. Des registres informatisés des

bénéficiaires, un ciblage et des processus de sélection transparents, ainsi qu’un système efficace

de remboursement doivent être établis pour que le programme puisse fonctionner comme prévu.

En outre, la carte d’indigence devrait être relié aux autres types d’assistance offerts par le

MINAS ou par d’autres agences, afin de mettre en place un système holistique et coordonné de

gestion des cas, mais aussi d’éviter tout problème de double ponction.

C. Transferts monétaires

142. Les transferts directs aux ménages, que ce soit en numéraire, en vivres ou autres matériels

de base, constituent généralement une composante centrale de tout système national de filets

sociaux. En fait, si l’assistance alimentaire a été un moyen traditionnel pour stabiliser la

consommation de base en Afrique sub-saharienne, les transferts monétaires sont de plus en plus

utilisés pour protéger les ménages vulnérables en leur assurant une consommation régulière face

aux crises ou en cas de pauvreté chronique. Une étude datant de 2010 a identifié 123

programmes de transferts monétaires opérant depuis l’année 2000, dans 34 pays africains37

.

143. L’ensemble de l’expérience en matière de transferts monétaires tant conditionnels

qu’inconditionnels sur le continent africain, démontre que cet instrument peut être un filet social

d’une bonne efficacité. Les programmes répertoriés ont tendance à être de petite envergure et à

court terme ; ils devraient être reproduits à plus grande échelle pour devenir des programmes

nationaux. Une question-clé sera d’établir des mécanismes solides de ciblage, de gouvernance et

de contrôlabilité. L’adoption de pratiques innovantes telles que l’utilisation du téléphone mobile

et d’autres nouvelles technologies promet une extension potentielle considérable de la couverture

des transferts monétaires dans des zones actuellement difficiles d’accès38

.

144. Programmes identifiés. L’usage des transferts monétaires est émergent en RDC et reste

lié à la réponse humanitaire dans l’est du pays. L’UNICEF a lancé en 2010 un programme

humanitaire et d’aide à la transition intitulé Alternative Responses for Communities in

Crisis (Solutions de rechange pour les communautés en crise), ou ARCC, financé par le DFID.

L’ARCC a piloté des mécanismes novateurs pour l’aide humanitaire, y compris les transferts en

espèces et quasi-espèces (coupons), en partenariat avec plusieurs ONG. Le programme utilise

principalement l’approche des coupons dans les foires aux Articles de ménage essentiels

(AME)/Abris/Moyens de subsistance, mais aussi en mettant à l’essai des programmes-pilotes de

l’approche coupons dans les AME/Abris/Moyens de subsistance en marché ouvert, et les

transferts monétaires inconditionnels. Les enseignements tirés de ces expériences ont permis

d’élaborer l’ARCC 2, qui a été lancé en 2013 pour toucher les groupes les plus vulnérables mais

également pour étudier de plus près, et expérimenter des modalités opérationnelles pour les

transferts monétaires en RDC.

145. D’autres partenaires financent les transferts monétaires/coupons. Le PAM utilise les

transferts monétaires directs depuis plusieurs années, Il a financé en 2013 en particulier des

programmes de transferts monétaires/coupons qui ont été exécutés par des ONG partenaires39

.

37

Garcia et Moore (2010) 38 Stratégie de protection sociale en Afrique, Banque mondiale 2012-2022. 39 Programme alimentaire mondiale. Cash and Vouchers –PAM/RDC, juillet 2013.

65

ECHO finance aussi des programmes de transferts monétaires/coupons gérés par des ONG, tels

que le NRC et AVSI dans le cadre du programme de Réponse rapide au mouvement de

populations (RRMP). Par ailleurs, des programmes de transferts monétaires sont mis en œuvre à

travers les DIVAS au niveau provincial. À Kikwit dans le Bandundu par exemple, la DIVAS a

signalé des transferts mensuels de 10 000 francs congolais à 750 veuves, orphelins et militaires

inactifs, sans toutefois que l’information sur la procédure de sélection ne soit documentée. Les

informations sur des interventions similaires dans d’autres provinces ne sont pas non plus

disponibles ; le travail du MINAS n’a pas été inclus dans la revue détaillée40

.

Tableau 12: Programme des transferts monétaires inclus dans cet État des lieux

Organisation/

Programme

ONG partenaire Niveau de collecte

d’information

National Nord

Kivu

Sud

Kivu

UNICEF/DFID/ARCC2 Solidarité internationale, Concern,

AVSI, Mercy Corps

X X X

ECHO (RRMP) NRC, AVSI, IRC X

PAM CARITAS, AVSI, CARE, Oxfam

GB, DKH, ADSSE, VIPATU,

GFD, AFECOPAD, IEDA,

X

146. Objectif. Les programmes de transfert monétaire visent à satisfaire des besoins

immédiats. Dans le contexte humanitaire, ils servent à stabiliser la consommation et répondre

aux besoins de base présents. Par exemple, l’objectif principal d’ARCC2 est de satisfaire les

besoins prioritaires des populations confrontées aux impacts à long terme de la crise humanitaire.

Il a pour objectif secondaire de générer des données et des preuves de l’efficacité et de la

pertinence de ses méthodes dans différents contextes et secteurs. Les programmes de transfert

monétaire/coupons du PAM soutiennent la sécurité alimentaire des populations déplacées.

147. Couverture. Le présent État des lieux a estimé un niveau de couverture annuelle

d’environ 460 000 bénéficiaires en RDC.

a) Dans la première phase du programme, ARCC1 a touché 22 930 familles (114 650

personnes) en 2011. ARCC2 ambitionne d’aider 34 000 familles vulnérables (170 000

personnes) affectées par la crise dans l’est de la RDC pour mieux satisfaire les besoins

essentiels prioritaires, accéder aux services de base (éducation, santé, protection) et

investir dans les moyens de subsistance à travers des interventions monétaires, y compris

la nutrition améliorée pour 1 500 enfants âgés de moins de 5 ans, la scolarisation de

12 000 enfants et l’assistance à 1 500 victimes de violence basée sur le genre et autres

femmes vulnérables. Les phases-pilotes de l’ARCC2 ont été mises en œuvre par trois

40 Le MINAS effectue également des versements en numéraires à certains groupes vulnérables, par exemple à travers ses

responsabilités dans le cadre de la Coordination nationale de l’encadrement et de la paie des militaires inactifs des forces armées

de la RDC (CPMI/FARDC). Chaque mois, les transferts monétaires sont effectués directement aux militaires inactifs et à leur

famille (veuves, orphelins) sur la base d’une évaluation des besoins. Ce programme touche 54 283 personnes par an, débourse au

total 10,3 millions d’USD, soit 189 USD par bénéficiaire. Étant donné que seuls les membres qualifiés sont issus de la fonction

publique et qu’il n’est pas largement disponible pour les ménages pauvres, ce programme constitue plus un programme

d’assurance sociale, et n’est donc pas spécifiquement étudié dans la présente analyse de l’assistance sociale.

66

ONG : Solidarité Internationale (Ituri, Oriental), AVSI (Sud Kivu) et Concern Worldwide

(Nord Kivu), travaillant directement dans les communautés ciblées. ARCC 2 fait

intervenir Mercy Corps au Nord Kivu, et impliquera Save the Children dans la province

du Kasaï Oriental.

b) Le PAM a touché 234 000 personnes avec des programmes de transferts monétaires/

coupons en 2013, travaillant avec : CARITAS (Maniema), AVSI (Sud Kivu), CARE,

Oxfam GB et DKH (Nord Kivu), ADSSE (Équateur) et VIPATU, AFECOPAD, IEDA, et

GFD (Katanga).

c) Les programmes de transferts en monnaie/coupons à travers le RRPM financés par

ECHO ont atteint 58 000 bénéficiaires.

148. Mécanismes de ciblage. L’usage des transferts monétaires en RDC a lieu principalement

dans des zones affectées par le conflit, où le ciblage est catégoriel puisqu’il concerne les

personnes déplacées et les communautés d’accueil. Cependant, les transferts monétaires ont été

également utilisés ailleurs dans le pays pour pallier les effets de l’insécurité alimentaire, lorsque

le coût du transport de l’aide alimentaire est prohibitif et que les produits alimentaires sont

disponibles localement. Quand les programmes de transfert ciblent les personnes déplacées, ils

reposent sur un système d’enregistrement : les ONG sont chargées de l’identification et

l’enregistrement des populations déplacées, pour élaborer ensuite des listes en concertation avec

les communautés locales.

149. Mécanismes opérationnels. Les programmes ARCC et ceux du PAM se sont concentrés

essentiellement sur les AME, que les bénéficiaires pouvaient acheter dans des foires avec des

coupons ou, à titre expérimental dans certaines localités, grâce à des paiements en espèce. Une

vaste gamme d’articles est vendue au cours des foires, y compris des matériaux pour la

construction des abris, et des articles liés à certaines activités génératrices de revenu telles que

les outils, les filets de pêche ou les semences. Les bénéficiaires ont eu 11 jours pour obtenir leurs

coupons, qu’ils pouvaient collecter soit tous à la fois, soit progressivement, selon leur préférence.

Ces coupons pouvaient également être utilisés pour payer les frais de scolarité et de santé.

150. Dans le cadre du PAM en 2013, 61% des transferts se sont faits sous formes de coupons

et 39% sous forme d’espèces, pour un montant moyen de 35 USD par bénéficiaire. Les transferts

en espèces ont été effectués soit en paiements directs, soit par téléphone mobile. Au total, 44%

des transferts du PAM ont été réalisés en numéraires, 22% en coupons papier, 18% en une

combinaison d’instruments, 11% en comptes espèces, et 6% en coupons électroniques.

151. Pour ce qui est des transferts monétaires de l’ARCC, les personnes déplacées vulnérables

sont identifiées par un processus de sélection et de négociations avec la communauté locale.

Elles sont ensuite enregistrées dans un registre informatisé, portant photo d’identification. Sur

présentation d’une carte d’identité à code ultraviolet, vérifiée par rapport au registre, le

bénéficiaire reçoit son paiement, en laissant une empreinte du pouce en reconnaissance du

paiement.

67

Une jeune bénéficiaire fait vérifier sa carte dans la base de données et se fait remettre de l’argent. Photo : Chris

Pycroft/DFID RDC.

Les montants et les modalités des transferts d’ARCC varient en fonction de la situation

géographique41

:

a) Sur le territoire de Djugu, Solidarité Internationale a assisté 1 000 personnes retournées à leur

lieu d’origine, rapatriées, déplacées, ainsi qu’à des familles d’accueil, avec des transferts de

110USD sous forme de coupons ou numéraires (maximum de 40 USD en espèces) à utiliser

dans les marchés de la ville (coupons de marché ouvert).

b) Dans l’Ituri, les bénéficiaires choisis parmi les déplacés les plus vulnérables, reçoivent

15 USD une fois par mois. Dans certains cas, les femmes reçoivent un versement initial en

espèces de près de 90 USD pour leur permettre d’acheter des animaux à élever, et ainsi

accroître leurs revenus.

c) Dans le Nord Kivu, l’ONG Concern organise des transferts pour un total de 135 USD par

ménage. Un programme pilote de transferts à long terme (11 mois), pour un total de 225

USD par ménage, est en cours d’exécution avec 20% des ménages bénéficiaires.

d) Également dans le Nord Kivu, Mercy Corps a exécuté son premier transfert monétaire sur le

territoire de Nyiragongo en 2014, versant une première tranche de 60 USD à 385 déplacés,

retournés et à des familles d’accueil au moyen d’un système mobile de transfert d’argent M-

pesa, géré par Vodacom ; le système M-pesa a aussi été testé avec Soficom pour transférer

120 USD par famille à 3 400 familles (soit 17 000 personnes). Mercy Corps a par ailleurs

testé un programme de coupon électronique par lequel près de 500 familles ont reçu 100

USD à utiliser dans les marchés ouverts, en se servant d’une carte qui pouvait aussi être

employée dans les écoles et centres de santé partenaires.

e) NRC et AVSI ont offert aux bénéficiaires des transferts monétaires leur permettant

d’effectuer tous types de dépenses. Le NRC a travaillé avec des institutions financières

locales pour assurer les transferts ; AVSI a traité avec Airtel pour les transferts dans le

41 Rapport sur l’assistance humanitaire mensuelle de l’UNICEF, juin 2014.

68

territoire de Fizi. Dans deux autres zones d’intervention, le NRC offrait un versement de 25

USD en plus des coupons de AME et des coupons de vivres, de sorte que les bénéficiaires

pouvaient utiliser les avoirs en espèce pour satisfaire d’autres besoins (exemple, paiement de

dettes, dépenses de santé)42

.

f) Les transferts en espèces par téléphone mobile (Airtel money) ont été effectués en faveur des

déplacés du Site de Mugunga 1 et du Lac vert dans la ville de Goma, avec l’appui du PAM.

152. Coûts et financement. Les dépenses totales d’ARCC2 en 2013 s’élevaient à 2,8

millions d’USD, sur financement de DFID. Le financement du PAM pour son programme de

transfert en espèces et de coupons atteignait 6 millions d’USD.

153. Impacts et résultats. Une transition marquée a pu être constatée depuis les

traditionnelles distributions de vivres et autres articles essentiels, vers les transferts en

espèces et quasi-espèces. Plus de 60% de l’assistance en non-vivres en RDC sont maintenant

fournis par des coupons monétaires à utiliser dans des foires de AME, ou des coupons

échangeables dans les marchés (programmes de «coupons ouverts»), ou sous forme de

transferts en espèces.

154. La plupart des transferts monétaires ont servi à l’achat de vivres. Le suivi post

distribution du programme de transfert en espèces/coupons du PAM indique que les coupons

dans l’Est et les transferts en espèce dans l’Équateur ont amélioré la diversité du régime

alimentaire des bénéficiaires et ont généré des gains pour les producteurs et les commerçants.

Dans l’ensemble, les transferts monétaires ont responsabilisé les populations bénéficiaires qui

avaient la liberté de choisir les produits qui correspondaient au mieux à leurs besoins. Leur

flexibilité permet aux bénéficiaires de se procurer les provisions essentielles, régler le loyer,

rembourser les dettes et payer les frais de scolarité.

155. Une évaluation qualitative réalisée sur l’utilisation des coupons dans l’Ituri indique que

les ménages les plus pauvres ont été en mesure d’acquérir des non-vivres qu’ils n’avaient plus

été capables d’acquérir depuis la fin du conflit, et certains ont même profité de l’initiative pour

améliorer leur logement. L’accroissement des surfaces cultivées et de la vente de la production

agricole locale a également été observé. Par-dessus tout, ARCC a favorisé de nombreux

investissements en capital et des initiatives endogènes de développement ainsi que la reprise

d’activités économiques non agricoles. Toutefois, les impacts ont été limités en raison de la

faible couverture (40% seulement des bénéficiaires ciblés) et du montant limité des transferts43

.

156. Enseignements acquis. L’expérience acquise dans le domaine humanitaire en matière de

transferts monétaires montre que ceux-ci aident les ménages pauvres à satisfaire leurs besoins

prioritaires, qui les apprécient en général car ils leur donnent un maximum de flexibilité dans la

manière de résoudre leurs difficultés matérielles. L’expérimentation à l’est de la RDC, qui a

permis de concevoir et mettre à l’épreuve des mécanismes opérationnels et d’utiliser les

nouvelles technologies telles que le téléphone mobile, peut être mise à profit pour le

42 Bailey 2014. 43

Pasquet, J. « Résultats-clés du projet ARCC exécuté par Solidarité Internationale en RDC ». Solidarité Internationale, décembre

2012.

69

Distribution de vivres dans l’est de la RDC ; photo:

PAM/Radio Okapi

développement des transferts monétaires hors du contexte humanitaire. Il serait important

d’évaluer les mécanismes de «nouvelles» modalités (transferts par téléphone mobile, distribution

en numéraire, coupons électroniques) en termes de coût, d’utilité, de transparence et d’efficacité

et de les comparer à la méthode coupon traditionnelle. Mais celle-ci reste adéquate dans de

nombreuses circonstances, par exemple lorsqu’il y a accessibilité au marché mais pas

d’institution financière qui soit capable d’assurer les transferts monétaires ni d’autre moyen de

les fournir qui soit faisable, voire souhaité. En revanche, lorsque les marchés ouverts ne sont pas

accessibles, les foires seront les plus appropriées.44

D. Transferts en nature

157. Les transferts en nature comprennent

notamment les programmes alimentaires tels

que le secours humanitaire et les cantines

scolaires. Les programmes alimentaires visent à

préserver les populations pauvres de la pauvreté

chronique et des effets des chocs, en particulier

dans des situations d’urgence lorsque d’autres

mécanismes ne sont pas disponibles. Les

cantines scolaires, elles, ont en outre des

bienfaits pédagogiques puisqu’elles elles

favorisent la scolarisation et peuvent améliorer

les performances des élèves. L’une des

difficultés pour ce type de programme est de

pouvoir assurer la disponibilité des vivres en

temps opportun lorsque les ménages sont dans

le besoin.

158. La RDC est l’un des pays qui a reçu le plus d’aide humanitaire au cours de la dernière

décennie, en grande partie pour faire face aux effets du conflit persistant à l’est. Pour la seule

année 2013, elle a reçu 740 millions d’USD45

. Au cours de la même année, le Plan d’action

humanitaire (PAH) a sollicité 282 millions d’USD de financement aux fins de soutenir la sécurité

alimentaire, ce qui représente près du tiers de tous les besoins humanitaires recensés pour cette

année-là ; l’essentiel de ces vivres était destiné aux personnes déplacées.

159. Programmes identifiés. Deux types d’assistance en nature sont pris en compte dans le

cet État des lieux:

a) les cantines scolaires : le PAM est le seul soutien important des cantines scolaires en

RDC ;

b) l’aide alimentaire en général46

: bien que l’objet de cet état des lieux ne soit pas de passer

en revue de l’assistance alimentaire humanitaire de manière détaillée, plusieurs

programmes-clés sont considérés pour en tirer les enseignements qui pourraient s’avérer

44 UNICEF RDC, Proposition ARCC2 – Résumé des conclusions des phases-pilotes ARCC1. 45 Suivi financier d’OCHA, 2013. 46 L’assistance nutritionnelle offerte pour lutter contre la malnutrition aigüe est considérée comme une intervention de santé et

n’est pas couverte par la présente revue des filets sociaux.

70

utiles pour la mise en place d’un filet social à long terme. Deux des principaux

programmes étudiés sont : (i) le Projet d’assistance alimentaire du PAM en faveur des

personnes déplacées et retournées au Nord Kivu (Protracted Relief and Recovery

Operations ou PRRO 200540) et (ii) l’assistance humanitaire de CARITAS aux familles

déplacées, victimes des catastrophes et du conflit.

160. Objectifs. L’objectif général des programmes d’assistance alimentaire est d’améliorer la

sécurité alimentaire et/ou de réduire la malnutrition. Quatre des objectifs spécifiques sont (a)

d’assurer une consommation alimentaire suffisante aux ménages en situation d’insécurité

alimentaire; (b) de protéger les moyens de subsistance des ménages vulnérables en situation

d’insécurité alimentaire; (c) d’améliorer le pouvoir d’achat des ménages et l’économie locale; (d)

et d’accroître et de diversifier l’alimentation des ménages en situation d’insécurité alimentaire.

Outre l’apport d’une assistance nutritionnelle aux enfants, les cantines scolaires visent aussi à

relever le niveau de l’éducation dans les écoles ciblées des zones de conflit.

161. Couverture. En 2013, les organisations d’aide humanitaire en RDC ont distribué des

vivres à plus de 3,6 millions de personnes (dont environ le tiers a été desservi par les

programmes pris en compte dans cette revue). Toutefois, cette aide était surtout concentrée à

l’est, dans les zones touchées par le conflit. Les cantines scolaires du PAM ont touché 854 546

enfants (402 198 filles et 452 348 garçons), ainsi que 19 138 enseignants. L’aide alimentaire

octroyée par le PAM avec le PPRO 200450 a soutenu 714 900 personnes, et 25 003 ménages

déplacés ont reçu des kits, des abris d’urgence, des intrants agricoles et de l’aide alimentaire de

CARITAS.

162. Mécanismes de ciblage. Ces programmes de transferts de vivres sont orientés vers des

populations vulnérables, notamment les élèves et les personnes déplacées internes (PDI). Les

deux types de populations sont «enregistrés», soit dans les écoles soit comme des PDI.

L’insécurité alimentaire, la malnutrition et la vulnérabilité des PDI sont évaluées avec la

participation des communautés bénéficiaires, les partenaires de la coopération et les partenaires

du gouvernement. Les PDI enregistrées sont contrôlées à travers des vérifications inter-agence.

CARITAS, quant à elle, utilise une méthode à base communautaire d’identification des

bénéficiaires éligibles.

163. L’accès aux repas scolaires et à l’aide alimentaire en général reste déterminé surtout par

le ciblage géographique: les cantines scolaires ciblent à la fois les écoles situées dans des

communautés rurales ayant plus de 40% d’enfants d’âge scolaire mais non scolarisés, et celles

des zones en urgence (affectées par les conflits) où l’on compte au moins 40% d’enfants

déplacés. La priorité est également accordée aux écoles qui pratiquent la gratuité de

l’enseignement primaire en vue de permettre aux enfants des parents pauvres d’accéder à

l’assistance (tableau 13).

71

Tableau 13: Mécanismes de ciblage pour l’assistance alimentaire

Mécanismes de ciblage Cantines scolaires Autre assistance alimentaire

Ciblage géographique Écoles dans des communautés

rurales ayant plus de 40 %

d’enfants d’âge scolaire non

scolarisés, ou dans les zones

affectées par les conflits ayant au

moins 40 % d’enfants déplacés

Zones géographiques sur la

base des besoins. Le PAM

inclut les communautés des

déplacés internes.

Ciblage catégoriel Enfants scolarisés PDI

Ciblage à base

communautaire

CARITAS identifie les

ménages vulnérables de

concert avec les communautés

Évaluation du bien-être

des ménages par

approximation (Proxy

means testing)

Enquête sur la vulnérabilité des

ménages en situation

d’insécurité alimentaire pour

les déplacés et les retournés

(PAM)

164. Mécanismes opérationnels. Le programme de cantines scolaires offre un repas chaud

par jour à chaque élève fréquentant l’école bénéficiaire pendant environ 10 mois par an, en

fonction du calendrier scolaire. Chaque repas a une valeur d’environ 0,2 USD, soit environ 5

USD par élève et par mois. Le PAM se charge de la livraison des vivres jusqu’au dépôt des

écoles ciblées, et des ONG partenaires assurent l’organisation et la supervision des activités,

rendant régulièrement compte au PAM.

165. Le programme d’aide alimentaire générale du PAM (PPRO 200450) est mis en œuvre

sur des contrats passés avec des ONG. Il fonctionne pendant trois mois suivant un calendrier de

distribution, publié pour informer les ménages bénéficiaires qui reçoivent les vivres sur les sites

de distribution. Les rations sont prévues pour apporter quotidiennement 2 132 calories par

personne. Au total, le ménage reçoit 555 grammes de vivres, composés de céréales (farine de

maïs ou riz), légumineuses (haricots ou petits pois), huile et sel. CARITAS utilise son réseau de

diocèses pour apporter une assistance alimentaire dans le cadre d’un ensemble de services.

166. Coûts et financement. Les coûts annuels des vivres distribués par le PRRO 200450

s’élèvent approximativement à 65 millions d’USD. Outre les coûts des vivres, d’autres coûts

directs —notamment ceux du transport, des frais de personnel, et les dépenses de fonctionnement

—sont évalués à 90 millions d’USD. Ces chiffres révèlent le coût élevé de la mise en œuvre des

transferts en nature, particulièrement au regard des coûts du transport en RDC. Les informations

sur le coût des cantines scolaires ou de l’assistance alimentaire de CARITAS n’ont pas été

rendus disponibles.

167. Impacts et résultats. L’assistance alimentaire a singulièrement contribué à la

stabilisation de la consommation et à la survie des populations vulnérables, surtout aux groupes

qui ont subi les conséquences des conflits. Quoique les données sur l’évaluation des impacts de

différents programmes soient indisponibles, il est généralement reconnu que l’aide alimentaire

est indéniablement pertinente dans les situations de conflit ou catastrophes naturelles où peuvent

72

INSÉRER PHOTO

survenir d’importantes perturbations des marchés. En outre, tous les acteurs s’accordent à dire

qu’elle a été effectivement touché les populations les plus vulnérables.

168. Enseignements acquis. L’assistance alimentaire à court terme est appropriée dans les

opérations humanitaires, particulièrement pour assurer la consommation de base des populations

déplacées. Mais les interventions alimentaires à long terme devraient être liées à des objectifs

plus larges, comme c’est le cas avec les repas scolaires, ou être intégrées dans un système plus

vaste de filets sociaux. Les cantines scolaires peuvent être par exemple un important facteur

d’attraction permettant d’accroître la fréquentation scolaire, problème crucial en RDC.

169. Toutefois, il ressort de l’État des lieux que le fait de baser les filets sociaux sur

l’assistance alimentaire comporte certains désavantages, et ce, d’autant plus que l’assistance

alimentaire a généralement des coûts de transport et de stockage élevés. Elle manque également

de la souplesse que l’on reconnaît aux programmes de transferts en espèces et de coupons, et

peut avoir des effets pervers sur l’économie locale dans les zones agricoles. Par ailleurs, pour les

zones où d’importantes proportions d’enfants d’âge scolaire ne vont pas à l’école, les impacts

des cantines scolaires risquent d’être limités.

D. Autre assistance sociale

170. Les services d’assistance

sociale répondent à un grand éventail

des besoins des groupes extrêmement

vulnérables. Par exemple, ils offrent

un hébergement aux enfants de la rue,

du soutien aux personnes vivant avec

handicap, et toute une panoplie de

services pour les femmes et enfants en

situation difficile.

171. Dans les pays africains, les

personnes ayant le plus besoin de prise

en charge sociale sont souvent les

personnes affectées par les conflits, y

compris les combattants démobilisés et

leurs familles, les réfugiés, les

déplacés internes, les orphelins et les personnes vivant avec handicap. Dans l’ensemble, les

services d’assistance sociale dépendent de ministères ayant dans leurs attributions le bien-être

social des personnes vulnérables, mais qui, d’ordinaire, manquent de ressources et de capacités

techniques pour offrir des services de qualité et une couverture suffisante. Ces ministères sont

secondés par des ONG et les organisations confessionnelles qui essayent de combler ces lacunes,

mais dans des proportions plus modestes et souvent de manière disparate.

172. L’assistance sociale tend à ne pas être considérée comme faisant partie des filets sociaux ;

elle offre en général des services intensifs intégrés, tels que la prise en charge plus ou moins

complète des orphelins et des personnes gravement handicapées. Il existe pourtant une relation

73

étroite entre assistance sociale et filets sociaux dans la mesure où cette assistance est souvent la

première, sinon la seule, à répondre aux besoins des personnes vulnérables. D’ailleurs, les

services intensifs intégrés peuvent devenir nécessaires à cause de l’absence de filets sociaux

efficaces, c’est à dire capables de jouer leur rôle de filets de sécurité en empêchant les personnes

vulnérables de tomber dans un dénuement abject. En réalité, il est nécessaire d’établir un lien fort

entre filets sociaux et services d’assistance sociale.

173. Programmes identifiés. Notre étude a retenu un certain nombre de programmes

d’assistance sociale qui, quoique que non exhaustifs, donnent un aperçu global de types

d’interventions. Ces programmes ciblent les OEV, les enfants déscolarisés ou jamais

scolarisés, les personnes du troisième âge et les personnes rendues vulnérables par les

conflits ou une forme ou une autre d’exploitation. Les organisations confessionnelles jouent

un rôle important en fournissant le plus souvent une large gamme de services, notamment la

gestion des écoles et des dispensaires. L’assistance sociale y est fournie dans le cadre d’une

approche plus intégrée des services47

.

174. L’alphabétisation et le rattrapage scolaire n’entrent pas d’ordinaire dans la catégorie des

filets sociaux. Pour autant, plusieurs programmes ont été inclus ici car ils font partie des

principaux services offerts par le MINAS ou font partie d’un ensemble plus vaste d’assistance

sociale fournie par les ONG et autres48

. Le tableau 14 présente la liste des programmes retenus

pour cette revue.

47

Il existe plusieurs projets de services intégrés liés à la lutte contre la violence basée sur le genre dans les zones de conflit. Selon

les estimations d’une étude de Douma et Hilhorst (2012), 300 à 400 organisations sont impliquées dans les programmes de lutte

contre les violences sexuelles en RDC, y compris les ONG congolaises, les ONG internationales et les agences onusiennes, ainsi

qu’un grand nombre de petites organisations communautaires dans les milieux ruraux. Un inventaire complet de ces programmes

sort du cadre de la présente revue. 48

La formation professionnelle non formelle n’est pas incluse ici, sauf si elle s’inscrit dans le cadre d’un ensemble plus large de

services d’assistance sociale, car ces programmes sont considérés comme des interventions du marché du travail.

74

Tableau 14: Programmes d’assistance sociale inclus dans l’État des lieux Organisation Programme/Projet Niveau de collecte d’information

Na

tion

al

Kin

sha

sa

Ba

s Co

ng

o

Ba

nd

un

du

No

rd K

ivu

Su

d K

ivu

OEV et personnes du troisième âge

MINAS Projet Enfants dits de la rue X X

MINAS Transferts aux institutions X

MINAS Division Action sociale/Divisions

urbaines

X X X X X X

Église du Christ au Congo

(ECC Kipwanza)

Kipwanza X

Église kimbanguiste Action sociale X X X X X X

Action Age - RDC (ex

HelpAge International).

Protection, santé et moyens de

subsistance aux personnes âgés

X

Alphabétisation/ rattrapage scolaire

MINAS Rattrapage scolaire X X X X X X

Caritas Scolarisation des enfants et

adolescents en dehors de l’école-

EADE

X

Victimes du conflit ou exploitation

Appui-conseils aux projets et

initiatives de développement

endogène (APIDE)

Situation des femmes et des enfants

dans les coopératives et concessions

minières artisanales

X

CADERCO Appui à la réintégration

socioéconomique des enfants sortis

des groupes armés et autres enfants

vulnérables affectés par le conflit

armé

X

CASPF Protection des familles et

accompagnement des vulnérables

(victimes d’injustices sociales)

X

Collectif des organisations des

jeunes solidaires du Congo-

Kinshasa (COJESKI)

Appui à la paix, la non-violence, la

démocratie, et à la cohabitation

pacifique entre groupes sociaux,

mouvements des jeunes et

communautés inter ethniques

X

Ensemble luttons contre le

SIDA (ELCOS)

Encadrement psychosocial et

professionnel des victimes des

conflits armés

X

Fondation Solidarité des

hommes (FSH)

Appui à la prévention et aux victimes

de violence sexuelle et à la

réinsertion socioéconomique des

enfants sortis des groupes armés et

autres OEV

X

Partenaires d’exécution

financés par l’USAID

[Comité international de

secours (IRC), Corps médical

international (IMC), Santé

mondiale (IMA)]

Mettre fin à la violence sexuelle par

la promotion d’opportunités et de

droits individuels (ESPOIR),

Programme soins, accès, sécurité et

autonomisation (CASE), Prévention

et protection contre la violence

sexuelle par la communication du

changement de comportement,

USHINDI

X

175. Objectifs. Tous les programmes d’assistance sociale considérés ont des objectifs à court

et à long terme. Ils cherchent à offrir une assistance immédiate, mais dans le cadre d’un faisceau

75

de services qui devraient permettre aux bénéficiaires de sortir de leur condition actuelle dans les

moyen et long termes. C’est la différence entre ces programmes et la plupart des programmes

d’aide humanitaire centrés plus sur le court terme. Certains des objectifs des programmes sont

décrits ci-après :

a) certains programmes visent le bien-être de groupes vulnérables précis, tels les OEV ou

les personnes du troisième âge ; par exemple, le Projet Enfants dits de la rue cherche à

améliorer les mécanismes de prévention et de soutien pour les enfants dits de la rue,

principalement à Kinshasa ; l’ECC Kipwanza vise la réduction de la pauvreté et le

relèvement du rang social et économique de la femme et des enfants délaissés dans

l’Église et dans la société du Bas Congo ; la DAS du MINAS cherche à contribuer à

l’amélioration de la situation socioéconomique des ménages et la réduction de la

transmission de la pauvreté entre les générations ;

b) les programmes de rattrapage scolaire entendent donner aux jeunes qui ont été

marginalisés la possibilité de poursuivre leur éducation, pour faciliter leur réintégration

économique et/ou l’accès à l’éducation secondaire ou à la formation professionnelle ;

c) les cours d’alphabétisation visent à apporter cette compétence essentielle aux personnes

qui ont été écartées du système éducatif formel, et favoriser ainsi leur accès au marché du

travail, aux systèmes et programmes officiels, aux droits légaux, aux services de santé et

autres services ;

d) pour les victimes de violence et d’exploitation, les objectifs vont de l’aide immédiate

dans le traitement du traumatisme à des objectifs à long terme, notamment une meilleure

protection juridique et une meilleure compréhension de leurs droits (par exemple pour les

jeunes impliqués dans l’exploitation minière artisanale, ou les veuves dans le Bas-

Congo), ou la réinsertion socioéconomique (par exemple pour les déplacées et les ex-

combattants), ou encore la réduction des risques de violence et d’exploitation.

176. Couverture. La plupart des programmes d’assistance sociale sont d’envergure assez

modeste, même ceux exécutés à travers les institutions officielles et les ONG ayant une

couverture nationale (tableau 15).

76

Tableau 15: Couverture des programmes d’assistance sociale

Organisation Estimation des bénéficiaires

directs (année la plus récente)

Couverture géographique

OEV et PTA

MINAS Projet Enfants dits de la

Rue 9 709 (37% de filles) Kinshasa

MINAS Division Action sociale 43 546 Nationale

MINAS Transferts aux institutions N.D. Nationale

Église du Christ au Congo (ECC

Kipwanza)

132 (78 % femmes) (projet dans

le Bas Congo, chiffres nationaux

n.d.)

Nationale

Église kimbanguiste

178 à Kikwit-

78 enfants sont internés

dans un orphelinat (Matadi)

Nationale

Centre Maman Kinzembo,

«CEMAKI» 200 OEV

Bas Congo (Kibuatu, Kinzoki

et Kitshaku)

ONG Action Age – RDC (ex

HelpAge International). 45 000 Nord Kivu

Alphabétisation/ rattrapage scolaire

Rattrapage scolaire du MINAS 62 030 (48% filles) secteur

public Nationale

MINAS Alphabétisation 94 028 (58% filles) secteur

public Nationale

Caritas EADE 11 500 (50% de filles) Province Orientale, Équateur,

Katanga et Kasaï occidental

Victimes du conflit ou exploitation

Appui-conseils aux projets et

initiatives de développement

endogène (APIDE)

4 286 (78% de femmes) Mwenga au Sud Kivu

CADERCO 296 (40% de filles) Masisi, Goma au Nord Kivu

CASPF 2 217 Matadi au Bas Congo

Collectif des organisations des

jeunes solidaires du Congo-

Kinshasa (COJESKI)

1 500 Nord Kivu

Ensemble luttons contre le SIDA

(ELCOS) 3 000 (80% de femmes) Nord Kivu

Fondation solidarité des hommes

(FSH) 420 (86% de femmes)

Lemera, Ruzizi, Minova,

Mwenga, Kalehe et Uvira au

Sud Kivu

Programmes de lutte contre la

violence basée sur le genre financés

par l’USAID

- 9 000 assistances holistiques

- 20 000 services de soutien

économique

- 4000 services juridiques

Nord Kivu, Sud Kivu,

Katanga, Province Orientale,

Maniema

Note : 2013 ou l’année la plus récente, selon les données disponibles.

177. Dans les services intégrés pour des groupes précis, le MINAS rapporte avoir touché près

de 44 000 personnes en 2013, dont la vaste majorité sont des OEV (tableau 16) ; HelpAge atteint

un nombre similaire de personnes âgées ; d’autres programmes sont de taille plus modique. Dans

la formation en alphabétisation, en 2012 le secteur public a donné des cours à 94 028 élèves,

77

contre 64 255 pour le secteur privé (à but lucratif)49

. Au total, plus de 94 000 filles ont reçu une

formation en alphabétisation, soit seulement 2% de la population des femmes illettrées âgées de

15 à 24 ans. Dans le programme de rattrapage scolaire, on compte 62 000 bénéficiaires desservis

par le secteur public en 2012; toutefois, même en incluant les 72 000 personnes desservies par le

secteur privé, moins de 2% des 7 millions d’enfants en âge d’aller à l’école primaire non

scolarisés sont couverts par les programmes de rattrapage. En définitive, l’assistance sociale

touche un très petit pourcentage des groupes vulnérables ciblés.

Tableau 16: Couverture des programmes d’assistance sociale du MINAS, par province

2013

PR

OV

INC

E

Orp

hel

ina

t

Cen

tre

d’h

éber

gem

ent

Pen

sio

nn

air

es

En

fan

ts e

n

mil

ieu

ou

ver

t

Cen

tre p

ou

r

ha

nd

ica

Cen

tre p

ou

r

sou

rds-

mu

ets

Ho

me

de

vie

illa

rds

Pen

sio

nn

air

es

Ass

ista

nts

So

cia

ux

Total

Kinshasa 36

6

2

371 415

Bas-Congo 4

520 2 065

83 2 672

Bandundu 21 8 38

55 122

Équateur 11 212 3 980

2

8 80 4 293

Kasaï-

Occidental 10 44

40 94

Kasaï-

Oriental 6 32

3

21 73 66 201

Katanga

40

22

25

75 162

Maniema 4

150 5793 6 2

435 20 6 410

Province

oriental 5 5 5238

40 5 288

Nord Kivu 8 13 509 22350 5 2

970

23 857

Sud- Kivu 3 8

21 32

TOTAUX 108 362 11 405 30 208 44 4 48 516 851 43 546

178. Pour ce qui est de la couverture géographique, les activités de rattrapage scolaire et

d’alphabétisation du MINAS sont des programmes standards offerts sur tout le territoire à travers

les Centres de promotion sociale et des Centres d’alphabétisation. Les ONG confessionnelles

telles que CARITAS, l’ECC et l’Église kimbanguiste ont une forte présence sur tout le territoire

national, quoique leurs programmes dépendent généralement des diocèses locaux. Les

programmes destinés aux victimes de violence sexuelle ou d’exploitation, se trouvent surtout

dans les provinces orientales de la RDC.

49 Il existait 2 761 centres d’alphabétisation en 2012/13, contre 1 508 l’année précédente, concentrées dans les

provinces les plus pauvres. Le tiers des cours est dispensé par le secteur privé à but non lucratif. Dans le secteur

public, les organisations confessionnelles assurent 57 % et le MINAS couvre le restant.

78

179. Mécanismes de ciblage. Tous ces programmes sont essentiellement basés sur le ciblage

catégoriel, notamment ceux qui concernent les orphelins et les enfants vulnérables. Ceux-ci sont

définis comme étant les enfants qui manquent de soutien parental et familial, en raison de

maladies, de décès ou de désertion. Les personnes affectées par le conflit ou l’exploitation, telles

que les victimes de violence sexuelle ou les enfants sortis des forces et groupes armés font

également l’objet d’un ciblage catégoriel. Par ailleurs, de nombreux programmes exécutés par les

ONG recourent au ciblage à base communautaire, en impliquant des comités locaux, des groupes

communautaires, ou des volontaires communautaires qui établissent le contact pour identifier les

bénéficiaires. En effet, de par la nature de leur vulnérabilité, les enfants sans soutien familial ou

les femmes victimes de violence sexuelle, par exemple, ne sont pas en mesure de rechercher ces

activement services. Enfin, la sélection des bénéficiaires peut être effectuée par agents sociaux,

qui déterminent l’éligibilité et le type d’assistance nécessaire.

180. Mécanismes opérationnels. Généralement, les programmes d’assistance sociale visent à

fournir plusieurs services, tels que le soutien psychologique, la scolarisation, les soins de santé,

l’hébergement, l’alimentation, le renforcement des capacités des prestataires de services et, dans

certains cas, l’élaboration ou la révision des cadres juridiques et réglementaires50

. Les

programmes de lutte contre la violence sexuelle et sexiste combinent généralement des activités

psycho-sociales, médicales, juridiques et économiques en faveur des personnes affectées.

Cependant, les acteurs recourent à diverses modalités opérationnelles dont les plus courantes

sont décrites ci-dessous :

a) Pour les programmes à base communautaire, il existe deux modalités : soit les ONG les

mettent en œuvre directement, soit les programmes sont sous-traités. Par exemple : le

Projet Enfants dits de la rue du MINAS opère à travers huit ONG, tant internationales que

nationales, qui reçoivent des contrats de services d’un ou deux ans.

b) Le soutien direct du gouvernement aux institutions non-gouvernementales ou quasi-

publiques. Dans son budget annexe, le MINAS a prévu des versements à l’endroit de 42

institutions de prise en charge sociale. Mais, selon le personnel du MINAS, seules six ou

sept institutions ont effectivement reçu ce soutien.

c) L’appui aux personnes vulnérables (aides et secours) du MINAS se fait de trois

manières : (i) aide financière ou matérielle aux sinistrés, refoulés, rapatriés, indigents,

nécessiteux, entre autres ; (ii) aide en nature (alimentaire) aux malades, enfants malnutris,

sinistrés, refoulés ; et (iii) aide à la réinsertion socioprofessionnelle (matérielle ou

financière) des personnes vulnérables.

d) Les programmes de rattrapage scolaire et d’alphabétisation organisés par le MINAS sont

mis en œuvre et exécutés par le personnel du MINAS ou par des ONG contractuelles.

181. Dans tous les cas, la majorité de ces programmes établissent différents types de comités

locaux composés des autorités locales et des responsables communautaires, des représentants des

50 C’est dans ce contexte qu’il convient de signaler que le Projet « Enfants dits de la rue » du MINAS a aidé à

accompagner le processus d’élaboration de normes et standards de prise en charge des enfants en situation difficile,

qui ont été mis à la disposition de tous les intervenants du secteur de la protection de l’enfant en RDC.

79

organisations confessionnelles et de la société civile. Ces comités veillent à la sensibilisation et

au suivi de la population vulnérable et des services reçus, afin de mieux intégrer ces services

dans les communautés locales.

182. Coûts et financement. Notre étude a considéré les coûts totaux de la plupart des

principaux programmes visités. Le montant annuel du financement de ces programmes est

estimé à 13 millions d’USD. Le Projet Enfants dits de la rue reçoit la plus grosse part du

financement total, soit 10 millions d’USD, dont 4,3 millions consacrés aux services de prise en

charge, soit 860 000 USD par an.

183. Le MINAS budgétise environ 35 000 USD en transferts par institution de prise en charge

sociale, soit près de 1,4 million de USD, bien que le montant des transferts effectivement

exécutés en 2013 soit estimé à moins de 250 000 USD. Quant aux activités de lutte contre la

violence sexuelle ou basée sur le genre, financées par l’USAID dans l’Est du Congo, leurs coûts

avoisinent en moyenne 11,2 millions d’USD par an, soit environ 2,8 millions de USD par

programme par an. Enfin, les budgets annuels des programmes des ONG locales comprises dans

la présente revue allaient de 3 000 USD à 200 000 USD.

184. Même si le niveau global du financement de ce domaine soit relativement faible, et que le

taux de couverture soit également faible, les services peuvent en fait revenir à un coût unitaire

élevé, le coût annuel par bénéficiaire étant compris entre 15 USD et 550 USD par an51

. Il est très

difficile de faire des comparaisons entre les programmes vu la différence dans la variété et

l’intensivité relative des services offerts. Mais on constate surtout que, comparativement à

d’autres programmes, la part des coûts connexes (frais de personnel et frais généraux), qui

représente de 30% à 50% des dépenses (là où ces informations sont disponibles) est

généralement élevée.

185. Impacts et résultats. La plupart des programmes affichent leurs résultats sur le nombre

des bénéficiaires ou de communautés locales soutenues, entre autres. Mais il existe très peu

d’études d’impact sur l’amélioration de la vie des bénéficiaires (achèvement de la scolarité, etc.)

186. Enseignements acquis. Les programmes d’assistance sociale disposent de peu de

financement ou de couverture par rapport à l’éventail des groupes vulnérables décrits dans la

Stratégie nationale de protection des groupes vulnérables de 2004. Les coûts unitaires sont élevés

en raison du niveau de service nécessaire qui implique plus de contact direct avec les

bénéficiaires et d’interactions à long terme.

187. En partie, cette assistance sociale plus intensive est nécessaire pour pallier la carence,

sinon le vide laissé par l’abandon de tous les acteurs traditionnels de premier plan : la famille

(orphelins), la société (conflit), l’État (manque de services). L’assistance sociale semble être de

nos jours un dernier ressort, mais c’est souvent aussi le seul, pour une population très

nécessiteuse. Mais en même temps, c’est malheureusement une option coûteuse.

51

Le coût par bénéficiaire pour le programme financé par l’USAID ne pouvait pas être calculé car les différents

ensembles de services, notamment les campagnes de communication, les services psychologiques directs, etc., ne

s’y prêtaient pas.

80

188. Dans l’optique d’améliorer l’offre de l’assistance sociale en RDC, il est nécessaire d’en

évaluer les résultats et de mener des études d’impact afin d’identifier les approches efficaces

ainsi que les modèles susceptibles d’être reproduits à grande échelle, et ainsi de toucher une plus

grande part de la population nécessiteuse.

189. Enfin, les normes et standards de prise en charge des enfants en situation difficile, tels

qu’élaborés dans le cadre du Projet Enfants dits de la rue, peuvent aider à uniformiser les

services, améliorer la qualité et parvenir à des coûts unitaires raisonnables, en particulier ceux

financés par l’État.

E. Résumé

190. Cette revue détaillée a inventorié les principaux programmes de filets sociaux opérant en

RDC. Bien que les données soient incomplètes, la meilleure estimation de couverture (tableau

17) montre que le pays dispose actuellement d’une capacité très réduite de protection par le biais

de filets sociaux. De plus, la majorité des programmes identifiés est concentrée dans la partie Est

du pays, ce qui signifie qu’une très grande proportion de Congolais pourtant éligibles reste avec

peu, voire aucune assistance de ce type. Afin de lutter contre l’extrême pauvreté, l’insécurité

alimentaire et d’autres formes de vulnérabilité observées dans le pays, une répartition beaucoup

plus équitable des interventions doit nécessairement être effectuée.

Tableau 17: Estimation de la couverture actuelle des programmes de filets sociaux

Type de programme Estimation de la couverture

annuelle

Comparaisons par rapport aux

populations cibles

Travaux publics

HIMO

Moins de l’équivalent de 100 000

personnes/an engagées dans les

projets HIMO

8.6 millions de chefs de des

ménages vivent en-dessous du seuil

de pauvreté

Exonération des frais Environ 2 000 36 millions dans la pauvreté

extrême

Transferts en espèces

et quasi-espèces

Environ 460 000 2,8 millions de personnes déplacées

Assistance

alimentaire

3,6 millions (total des humanitaires)

Cantines scolaires 850 000

28 millions de personnes en

situation d’insécurité alimentaire

rurale

Autre assistance

sociale

Moins de 500 000 8,2 millions d’OEV

191. De nombreuses instances offrent des services de type filet social, à petite échelle ou dans

des régions circonscrites pour la plupart. Ces organismes et institutions travaillent sans aucune

inter-coordination, ce qui produit une série d’actions juxtaposées qui ne sont pas intégrées dans

une stratégie d’ensemble. Néanmoins, les mécanismes de ciblage et les systèmes opérationnels

ont été suffisamment testés pour permettre une reproduction à grande échelle des programmes de

plusieurs types de filets sociaux. Actuellement, ces programmes bénéficieraient tous de la

conduite d’évaluations détaillées afin d’estimer et de comparer leur coût-efficacité, ainsi que leur

capacité à améliorer la situation socioéconomique des populations vulnérables.

81

VI. Financement des filets sociaux

Le contexte des dépenses au titre des filets sociaux en Afrique

192. Dans les pays en développement, le niveau de dépenses consacrées aux filets sociaux

représente une moyenne de 1% à 2% du PIB, soit près de la moitié du pourcentage des pays

industrialisés52

. Par ailleurs, la majorité des pays africains, surtout ceux à faible revenu, allouent,

comparativement aux autres pays du monde à faible revenu, des niveaux de dépenses encore plus

bas aux filets sociaux. En effet, une étude récente de la Banque mondiale sur les filets sociaux en

Afrique indique que ces dépenses représentent en moyenne environ 1,7% du PIB (fonds des

bailleurs et du gouvernement cumulés) et 4,4% du total des dépenses publiques (niveau central).

Dans les pays africains à faible revenu, ces taux tombent à 1,2% du PIB et 3,7% du total des

dépenses publiques.

193. L’essentiel des dépenses est affecté aux programmes d’urgence et d’aide alimentaire, ou

aux transferts à certaines catégories d’individus, les bailleurs internationaux apportant une large

part du financement. En effet, les bailleurs assurent 68% des dépenses de filets sociaux en

Afrique. Cette proportion augmente à près des trois-quarts si les pays africains à revenu

intermédiaire sont exclus du calcul, car ces derniers, tels que l’Afrique du Sud, utilisent leurs

propres ressources pour financer les pensions sociales au titre des personnes du troisième âge, et

les subventions au titre des enfants.

194. Si les dépenses de filets sociaux sont faibles sur le continent africain, par rapport aux

éléments de comparaison internationaux, elles ont toutefois augmenté au cours des dix dernières

années. En effet, plusieurs gouvernements ont répondu aux crises alimentaires, énergétiques,

économiques et financières à partir de 2008 en développant ou en élargissant des filets sociaux

existants. En outre, une nouvelle génération de filets sociaux à long terme a été lancée dans

plusieurs pays pour lutter contre la pauvreté chronique et l’insécurité alimentaire, tels que le

PSNP d’Éthiopie ou les programmes de transferts monétaires à travers tout le sous-continent. Les

bailleurs, considérant les filets sociaux comme un facteur de plus en plus important de la

réduction de la pauvreté, se sont aussi engagés davantage à financer ce type d’interventions.

Financement des filets sociaux dans le cadre des priorités globales du Gouvernement

195. La composition des dépenses indique que le gouvernement de la RDC a accordé un rang

relativement inférieur aux filets sociaux. Le DSCRP-2 (2011-2015), au chapitre 4, manifeste

l’intention du Gouvernement de faire de la réduction de la pauvreté une priorité à moyen terme,

en incluant même un plan indicatif de dépenses. Le DSCRP-2 établit un cadre de dépenses à

moyen terme (CDMT) qui présente les allocations des dépenses sur la base des projections

macroéconomiques de toutes les recettes (tableau 18). Plus de 40% des dépenses ciblent la

croissance économique et les initiatives de création d’emplois. Les services sociaux et le capital

humain représentent le tiers des dépenses programmées. Dans cette enveloppe, seul 1,4% à 1,8%

des dépenses totales est consacré à la protection sociale et au soutien des groupes vulnérables. Le

texte du DCSRP-2 explique en partie ce rang peu élevé par la nécessité d’élaborer au préalable

52 Christine Weig et Margaret Grosh 2008. Niveaux et composition des dépenses consacrées aux filets sociaux dans les pays en

développement et en transition - Document de discussion SP 0817

82

une stratégie nationale efficace de protection sociale, afin d’établir une échelle de priorité dans

les interventions.

Tableau 18: Allocations budgétaires sectorielles du DSCRP-2 2011-2015

Source : Ministère du Plan, 2011.

Dépenses de filets sociaux actuelles

196. Les dépenses actuelles affectées aux filets sociaux sont très modestes par rapport aux

normes internationales, et largement assurées par les bailleurs, avec un accent particulier sur la

crise humanitaire dans la partie orientale du pays53

. En 2012, le financement de l’ensemble de

l’action humanitaire représentait 1,6% du PIB54

. Près de 37% de cette proportion étaient destinés

à la sécurité alimentaire et au soutien aux besoins urgents de base, soit environ 0,6% du PIB.

197. Les estimations de l’ensemble des dépenses de filets sociaux demeurent approximatives,

étant donné: (i) la rareté des informations financières consolidées, (ii) les multiples sources

privées de l’assistance sociale, notamment les organisations confessionnelles et les ONG, et (iii)

le manque de précision et de cohérence dans la manière d’intégrer l’assistance humanitaire dans

les comptes (avec les filets sociaux, ou séparément). Si l’on considère les interventions

53 Ce chapitre ne considère pas les dépenses au niveau infranational par les gouvernements provinciaux et municipaux. Étant

donné que la décentralisation fiscale est de très petite envergure, l’essentiel des dépenses des filets sociaux se font à travers le

budget du gouvernement central ou les bailleurs de fonds. 54 Plan d’action humanitaire 2013, Nations Unies.

83

assimilables à des filets sociaux tels que définis dans ce document, ainsi que l’assistance

humanitaire dans les domaines de la sécurité alimentaire et des besoins essentiels, le total annuel

des dépenses de filets sociaux serait de 205 millions d’USD, soit 0,6 % du PIB. L’essentiel de ce

montant représente l’aide alimentaire dans le cadre de l’assistance humanitaire et est presque

exclusivement financée par les bailleurs internationaux.

Tableau 19: Estimations des dépenses consacrées aux filets sociaux (hors MINAS)

Type de programme Estimations des dépenses annuelles

Travaux publics HIMO Moins de 20 millions de dollars au maximum au cours des dernières

années, avec une forte variabilité annuelle

Subventions et exonérations des

frais

N.D.

Transferts d’espèces et quasi

espèces

Estimés à 9 millions de dollars au cours des toutes dernières années

Assistance alimentaire Assistance humanitaire totale de 164 millions de dollars en 2012 pour

la sécurité alimentaire et les besoins essentiels d’urgence

Autres assistances sociales 11,2 millions de dollars annuels pour les programmes examinés dans

cet État des lieux. Le montant total de l’assistance sociale est

inconnu.

198. Ces estimations ne comprennent pas les dépenses publiques de filets sociaux. Le budget

du MINAS représentait 1% seulement des dépenses publiques en 2013, et ce y compris les

dépenses dans les domaines des affaires sociales et d’assistance humanitaire (chapitres 64 et 70

du budget opérationnel), telles que présentées au tableau 20.

84

Tableau 20: Allocations budgétaires du gouvernement et dépenses en affaires sociales, assistance humanitaire et solidarité

nationale, 2009-2013 (milliers de dollars)

2009 2010 2011 2012 2013

Voté Payé Voté Payé Voté Payé Voté Payé Voté Payé

Grand total

(interne et

externe)

2 922 394 2 059 445 5 608 518 3 350 374 6 746 324 3 515 063 6 609 171 3 613 940 6 435 665 3 682 239

% du budget

total 0,5% 0,7% 0,7% 0,8% 1,5% 0,9% 1,0% 2,7% 0,7% 1,1%

Total Affaires

sociales et action

humanitaire

15 259 15 168 37 888 25 625 99 633 31 026 65 115 97 914 44 783 39 916

Affaires sociales 14 511 14 620 36 029 23 779 28 272 27 936 43 292 20 534 33 062 37 066

Actions

humanitaires et

solidarité

nationale

748 547 1 860 1 846 71 361 3 090 21 824 77 380 11 722 2 849

Interne

Affaires sociales 14 511 14 620 20 689 17 366 20 063 19 626 30 194 20 534 32 380 37 066

Actions

humanitaires et

solidarité

nationale

748 547 1 860 1 846 19 791 3 090 21 824 77 380 11 722 2 849

Externe

Affaires sociales 0 0 15 340 6 413 8 209 8 310 13 098 0 682 0

Actions

humanitaires et

solidarité

nationale

0 0 0 0 51,569 0 0 0 0 0

Source : Ministère des Finances

85

199. Pour permettre un examen plus détaillé du contenu des dépenses, le tableau 21 ci-dessous

présente l’évolution du budget de l’action sociale du MINAS et les dépenses réelles pour les cinq

dernières années. Les dépenses de personnel représentent près de 80% du total. L’absence de

dépenses sur les budgets de fonctionnement (hors dépenses de personnel) et les transferts a limité

l’impact et réduit la qualité des services d’assistance sociale offerts par le MINAS.

Tableau 21: Budget et dépenses du MINAS 2009-2013, en millions de francs congolais

*Cet investissement correspond à l’acquisition d'équipements médico-chirurgicaux de laboratoire et hospitaliers, ce

qui peut être une déclaration erronée dans le budget.

200. Si le total des dépenses de 2013 du MINAS pour la période de 2013 s’ajoute au calcul

des dépenses de filets sociaux ci-dessus, le total des dépenses de filets sociaux en RDC

représenterait près de 0,7% du PIB. Cette proportion est en-dessous de la moyenne des pays

africains à plus faible revenu. De même, à l’instar de plusieurs de ces pays, l’assistance

humanitaire alimentaire représente une part importante des dépenses de filets sociaux, qui

dépendent fortement du financement des bailleurs de fonds. Pour développer des filets sociaux

efficaces, la RDC devra entreprendre la tâche difficile d’obtenir suffisamment de financement

pour l’expansion des programmes existants, généralement de petite envergure, à l’échelle

nationale.

Total 2009 2010 2011 2012 2013 Moyenne

Rubrique Voté Payé Voté Payé Voté Payé Voté Payé Voté Payé %

Total 14 511 14 620 20 689 17 366 20 063 19 626 30 194 20 534 32 380 37 066

Rémunérations 12 551 12 719 15 317 16 492 17 429 19 220 21 219 17 857 22 106 20 012 79 %

Fonctionnement 1 305 1 089 1 625 367 1 549 292 2 000 1 954 2 198 704 4 %

Transferts et

subventions 655 812 2 008 506 834 114 3.904 723 3 863 455 2 %

Interventions

écon. soc. cult.

et scientifiques

155 8014 1 616 228 461 76 763 184 1 098 186

Subventions

aux organismes 500 11 392 278 373 38 3 141 539 2 765 269

Investissements 0 0 1 739 0 250 0 3 071 0 4 213 15 896* 15 %

Investissements

ressources

propres

0 0 1 739 0 250 0 3 071 0 2 013 15 831

Contrepartie

des projets 0 0 0 0 0 0 0 0 2 200 65

86

VII. Recommandations

201. En matière de protection sociale, l’expérience récente a montré que les filets sociaux

offrent un moyen abordable de répondre efficacement au problème de la pauvreté qui persiste

dans les pays africains à faible revenu. Dans un nombre croissant de pays, les formules de

protection ont évolué ; elles consistent de moins en moins en une juxtaposition d’interventions de

court terme pour devenir un ensemble de mécanismes plus durables et mieux coordonnés.

202. En RDC, une évolution semblable est nécessaire et le défi à relever est de passer d’une

situation caractérisée par la coexistence d’une série de programmes fragmentés, largement

concentrés sur l’assistance humanitaire dans les zones de conflit, à un système national, moderne

et intégré, de filets sociaux. Ce système devra être en mesure d’offrir un minimum de protection

sociale à un éventail plus large de populations vulnérables, et servir de pierre angulaire dans

l’effort de réduction de la pauvreté.

203. Le Gouvernement ne dispose pas, pour l’heure, d’une stratégie globale susceptible

d’orienter le développement des filets sociaux. Mais il existe fort heureusement une importante

expérience opérationnelle dans toute la gamme des grandes composantes d’un éventuel système

national de filets sociaux. Le présent chapitre propose quelques-unes des principales actions qui

pourraient permettre d’améliorer la couverture et d’accroître l’impact des filets sociaux en RDC.

Le coût du statu quo

204. L’absence d’un effort concerté pour étendre les protections de type filet social aux

groupes vulnérables présente un obstacle important au développement des ressources humaines

du pays, et la réalisation d’une croissance économique inclusive. L’inexistence de filets sociaux à

déployer en cas de chocs, et en tant que mesure de lutte contre la pauvreté chronique, est

notamment à la source du niveau d’indigence qui pèse sur le pays, et explique les conséquences

des actions d’adaptation négatives entreprises par les ménages concernés, telles que la

liquidation des actifs, le retrait des enfants de l’école, les soins de santé sacrifiés et les réductions

de la consommation calorique. En termes de capital humain et de bien-être des individus, ces

impacts peuvent s’avérer durables et engendrer un cercle vicieux en transférant la pauvreté à la

génération suivante. À l’opposé, le déploiement de filets sociaux efficaces peut permettre de

réduire la demande de services sociaux onéreux, tels que les programmes d’orphelinats, de

rattrapage scolaire et de récupération nutritionnelle. Mais l’intérêt majeur des filets de protection

est qu’ils contribuent à accroître la cohésion sociale, et même à réduire le risque de conflit

violent, car celui-ci correspond parfois à une réaction, de la part de certains groupes de

population, déclenchée en partie par le désespoir économique.

205. Il existe une forte corrélation entre la présence de filets sociaux et la croissance

économique. Les changements de niveau de dépenses au titre des filets sociaux sont positivement

associés aux changements enregistrés dans la croissance économique. À mesure que l’économie

d’un pays se développe, celui-ci a tendance à allouer une partie plus importante de son budget

aux filets sociaux. Qui plus est, l’ensemble des études menées récemment sur le sujet indiquent

que les dépenses en protection sociale sont utiles à la croissance économique. Ce fait peut être

d’autant plus important pour les pays où le niveau de dépenses en protection sociale est très bas.

87

Encadré 4 : Éléments essentiels d’un système national de filets sociaux

L’ensemble de principes de base ci-dessous pourrait sous-tendre les systèmes nationaux de filets sociaux, et plus

généralement les systèmes de protection sociale :

1. Pertinence : Les objectifs du système et la combinaison des filets devraient répondre aux besoins

particuliers du pays. Ils devraient reposer sur une analyse de données factuelles, des risques et des

vulnérabilités, et correspondre aux priorités mais aussi aux contraintes politiques et sociales.

2. Droits et dignité : Les lois et réglementations nationales devraient déterminer l’éventail, les conditions

d’accès et les niveaux des prestations. Les programmes et les prestations devraient être conçus et mis

en œuvre d’une manière qui respecte les droits et la dignité des populations ciblées. Ils devraient aussi

prévoir des procédures efficaces et accessibles de recours et d’appel.

3. Inclusivité : Un système de filets sociaux devrait assurer l’inclusivité, y compris la non-discrimination,

l’égalité entre les sexes, et la sensibilité aux besoins spéciaux de certains groupes, de manière à garantir

la protection de chacun. À cet effet, les opérations de ciblage devraient être élaborées soigneusement.

4. Proportionnalité : Le système devrait offrir des prestations et services qui soient réalistes et

proportionnels aux objectifs fixés.

5. Gouvernance : Les systèmes d’administration et de prestation devraient être précis, fiables, vérifiables

et transparents. Le système d’identification des bénéficiaires devrait être central et partagé par tous les

services et programmes.

6. Intégration et cohérence : Les objectifs, stratégies, plans, politiques et lois relatifs aux filets sociaux

devraient être en cohérence avec les politiques sociales et économiques connexes (p. ex. : en éducation,

santé, agriculture), et entre eux-mêmes. La coordination entre les institutions chargées de

l’administration et de la prestation devrait veiller à ce que la combinaison la plus efficace et efficiente

de programmes/prestations pour la gestion d’un risque donné, soit mise en œuvre. Le chevauchement

et la duplication devraient être minimaux.

7. Rapport efficacité-coût : Les systèmes de prestation devraient mettre en œuvre les programmes

existants avec le minimum de ressources requises pour atteindre l’impact souhaité.

8. Mesures incitatives : Les programmes devraient être conçus de manière à créer des mesures

incitatives pour que les personnes en âge de travailler ne développent pas une mentalité d’assistés, et

pour que les prestataires de services enrôlent et/ou acceptent tous les bénéficiaires éligibles et leur

offrent des services de bonne qualité.

9. Pérennité : Le système devrait être financièrement, fiscalement, économiquement et

institutionnellement durable.

10. Réactivité: Les filets sociaux devraient être flexibles afin d’évoluer et d’adapter la portée des

programmes à la lumière des développements sociodémographiques ou lorsque les chocs ou les crises

surviennent, mais aussi lorsque leurs effets s’estompent.

Des travaux menés par la Banque mondiale sur des ensembles de données pour la période 1996-

2009, ont montré que les dépenses moyennes au titre des filets sociaux se situaient entre 0,75%

du PIB pour les pays à plus faible revenu, et 5,82% du PIB pour les pays aux revenus élevés. Il y

a donc grandement intérêt à instaurer au plus tôt une base solide pour la mise en place de

programmes efficaces et évolutifs de filets sociaux.

206. Vision pour le long terme. De même que la plupart des pays du monde, la RDC devrait

poursuivre la mise en place progressive d’un système national intégré de filets sociaux. Étant

donné la situation actuelle, il est évident qu’un système national intégré est un objectif qui ne

peut s’inscrire que dans le long terme, et qui doit être soutenu par une vision claire et

partagée, et par une volonté politique ferme. Les principes qui pourraient sous-tendre la

formulation d’un tel système sont présentés dans l’encadré 4 et incluent, entre autre, une

attention à la pertinence, la dignité et les droits des personnes, la gouvernance, la

complémentarité avec d’autres interventions, le coût-efficacité, la flexibilité, la pérennité, et

la participation. Par ailleurs, la définition d’une vision pour le long terme devra passer par

l’identification des programmes adaptables les plus appropriés au contexte, et une estimation

de la couverture et du niveau d’effort possible.

88

Identification des programmes adaptables

207. Un système national de filets sociaux devrait être capable de répondre rapidement aux

besoins résultant d’une crise soudaine mais aussi de rétrécir par la suite, quand la crise s’atténue.

En RDC, très peu de ménages pauvres et vulnérables ont actuellement accès à des filets sociaux.

La tâche la plus importante serait d’identifier les programmes de filets sociaux appropriés et

adaptables, mais aussi la combinaison souhaitée de types d’interventions. Étant donné le contexte

de conflit en RDC mais aussi la fréquence de catastrophes, ces programmes devraient être

étroitement coordonnés avec l’assistance humanitaire, de manière à pouvoir prendre la relève dès

que les secours humanitaires prennent fin, et servir de passerelle (ou de tremplin) pour démarrer

un processus de développement à long terme

208. Pour être rentables et efficaces, les programmes devraient fonctionner à l’échelle

nationale, ce qui nécessiterait l’existence d’un socle de programmes standardisés mis en

application à travers le pays, plutôt que l’ensemble présent d’interventions à petite échelle, très

diverses et ponctuelles. Sur la base tant de l’expérience actuelle en RDC que des enseignements

tirés de l’expérience d’autres pays africains ayant reproduit avec succès des programmes de filets

sociaux à grande échelle, il semble que plusieurs types de programmes pourraient remplir cette

condition :

a) Transferts directs aux ménages ciblés (espèces, vivres ou une combinaison des deux). Les programmes de transferts monétaires prennent de plus en plus d’ampleur en Afrique

et ont été mis à l’essai de manière satisfaisante au cours des interventions humanitaires en

RDC. Bien que l’assistance alimentaire doive continuer de jouer un rôle important dans la

satisfaction des besoins des populations vulnérables, particulièrement dans le cadre de

l’action humanitaire pour nourrir les populations déplacées, les filets sociaux de long

terme devraient revêtir la forme de transferts monétaires. Ces derniers ont généralement

des coûts unitaires plus faibles que les transferts de vivres, et permettent une réponse plus

souple aux besoins divers des ménages pauvres. Les nouvelles technologies basées sur la

téléphonie mobile, combinées à l’utilisation des infrastructures bancaires privées,

pourraient apporter des avantages sensibles et une plus grande transparence dans les

mouvements de fonds (encadré 5).

b) Travaux publics à haute intensité de main-d’œuvre, pour constituer des actifs productifs

collectifs, tout en créant de l’emploi et des revenus de manière temporaire. Étant donné

l’état délabré des infrastructures en RDC, des travaux HIMO reproduits à grande échelle

pourraient simultanément améliorer les infrastructures nationales et promouvoir les

objectifs de protection sociale, en aidant les communautés pauvres à constituer des actifs

productifs, faciliter l’accès aux marchés et encourager le développement économique. Par

ailleurs, les travailleurs HIMO étant généralement des hommes très jeunes, ces

programmes pourraient s’inscrire dans le cadre des actions gouvernementales de

promotion de l’emploi des jeunes, et permettre de désamorcer les tensions sociales, tout

en réinsérant les ex-combattants dans la société à mesure que les conflits se résolvent.

89

c) Une extension du programme de cantines scolaires. Les programmes de cantine scolaire

peuvent favoriser la fréquentation de l’école et stabiliser la consommation chez les

ménages pauvres qui envoient leurs enfants à l’école. Parce que les programmes

desservent des écoles entières plutôt que des individus, ils devraient être soigneusement

ciblés sur le plan géographique, en direction des zones souffrant le plus d’insécurité

alimentaire. Mais il est important de noter que ces programmes ne touchent pas les

enfants déscolarisés, qui constituent toujours un groupe très important, et parmi les plus

vulnérables, en RDC.

d) Un programme d’exonération de frais mieux géré. Les coûts d’accès aux services de

santé et d’éducation demeurent un facteur prohibitif en RDC. Le gouvernement pourrait

envisager de mener un programme d’exonération de frais qui soit plus étroitement ciblé

et mieux géré que l’actuelle carte d’indigent, réservé aux groupes particulièrement

vulnérables. Des coupons ou certificats destinés notamment aux déplacés, aux enfants

déjà enregistrés dans les programmes d’OEV, aux personnes vivant avec handicap ou aux

ménages extrêmement pauvres sélectionnés sur des critères objectifs de pauvreté, seraient

vraisemblablement plus efficaces que la méthode actuelle au cas par cas, qui ouvre la

voie à l’arbitraire et à des sélections pas toujours transparentes.

e) Transferts standardisés pour des services sociaux plus intensifs à l’intention de

certains groupes vulnérables. Même après l’extension satisfaisante des programmes

mentionnés ci-dessus, il resterait un groupe d’individus très vulnérables qui

nécessiteraient un soutien plus intégral. Ces individus devraient être pris en charge à

travers une gestion des cas associée à un ensemble exhaustif de services. Les

bénéficiaires devraient être formellement enregistrés, et des normes et standards de

services devraient être définis. Le système actuel mis en place par les institutions

humanitaires ciblant les populations déplacées a créé des outils opérationnels pour ce

faire ; ces mécanismes pourraient être reproduits dans le cadre de services plus étendus.

90

Encadré 5 : Nouvelles technologies de transfert de fonds en RDC

La disponibilité de la téléphonie mobile et des systèmes bancaires privés a permis une véritable

révolution sur le plan de l’efficacité des transferts monétaires en Afrique. En 2012, près de 16 % des

adultes en Afrique sub-saharienne disaient avoir utilisé un téléphone pour envoyer ou recevoir de

l’argent, et/ou pour payer des factures au cours de l’année précédente (Demerguc-Kunt et Klapper

2012). Quoique la situation s’améliore, la RDC demeure l’un des pays les moins connectés, en

grande partie en raison des niveaux élevés de pauvreté, du faible taux d’alphabétisation, de

l’insuffisance des infrastructures, et de la faible densité routière. En 2013, l’estimation des taux de

pénétration du marché dans le secteur des télécommunications de la RDC était comme suit :

Taux de pénétration du marché

Mobile 35 %

Fixe 0,1 %

Internet 2,3 %

(Source : BuddeComm, sur la base de différentes sources)

Actuellement, la RDC compte six opérateurs de téléphonie mobile (Airtel, Congo Chine

Télécommunications - Orange, Congolese wireless, Supercell, Tigo, et Vodacom). Plusieurs de ces

entreprises ont été utilisées pour effectuer des dépôts, des retraits ou des transferts d’argent dans la

région, et Airtel et Vodacom ont fourni des services de transferts monétaires dans le cadre de

l’assistance humanitaire dans l’est de la RDC.

En outre, le système bancaire privé s’étend rapidement. Il a récemment été sollicité pour gérer le

traitement du paiement des salaires de la fonction publique. Initiée en 2011, cette transformation a

permis qu’à l’heure actuelle, un million de fonctionnaires perçoivent leur salaires directement à partir

du système bancaire privé, nombre d’entre eux étant alertés par un message SMS lorsque le paiement

a été effectué. Les transferts bancaires directs ont considérablement amélioré l’efficience et la

transparence des paiements aux employés de l’État, tout en rendant possible l’extension du système

bancaire lui-même à toutes les provinces.

Estimation de la couverture et du niveau d’effort possible

209. Une vision pour le long terme doit avoir des objectifs réalistes en termes de coûts et de

couverture, en évitant tout autant de se fixer des objectifs inatteignables parce que trop ambitieux

ou des objectifs insuffisants qui empêcheraient la RDC de faire une différence. L’examen des

résultats obtenus dans le cadre de la reproduction à grande échelle des programmes de filets

sociaux en Afrique révèle que ceux-ci ne touchent jamais qu’une proportion relativement faible

même de la population-cible, quelques exceptions mises à part. L’encadré 6 présente quelques

comparaisons des filets sociaux, en Afrique et dans d’autres régions du monde. Les plus grands

programmes de filets sociaux, par exemple les programmes de transferts monétaires en

Amérique latine ou les subventions sociales en Afrique du Sud, touchent près du quart de la

population. Des filets sociaux raisonnablement étendus, généralement destinés aux plus pauvres

d’entre les pauvres, peuvent toucher entre 5% et 10% de la population d’un pays, et laisser de

nombreux pauvres sans couverture.

91

210. Le niveau d’effort possible en RDC dépendra d’un certain nombre de facteurs. En

premier lieu, le niveau global de priorité accordé par le gouvernement et la communauté des

donateurs déterminera la disponibilité des financements.

211. Le tableau 22 ci-dessous présente un scénario de base utilisant la cible budgétaire

marginale de 0,5% du PIB pour les dépenses de programmes de filets sociaux à grande échelle,

Encadré 6 : Couverture comparative et coût des programmes de filets sociaux en Afrique

Les programmes de filets sociaux présentent une très grande diversité de couverture et de coûts

budgétaires dans les pays en développement. Les filets sociaux à grande échelle peuvent couvrir jusqu’à

30% de la population nationale, comme dans le cas du programme de subventions sociales en Afrique du

Sud, et des nombreux programmes de TMC-phares en Amérique latine. Les programmes de travaux

publics, qui créent des actifs en infrastructures en plus du revenu transféré, couvrent généralement peu

d’individus étant donné leur coût élevé. Par exemple, deux des plus grands programmes, les régimes de

garantie de l’emploi rural en Inde et le Programme de filets sociaux productifs (PSNP) en Éthiopie,

touchent bien en-deçà de 10% de la population nationale. Les programmes nationaux de cantines scolaires

touchent globalement moins de 25% de la population-cible. L’incidence budgétaire varie, mais pour un

pays à faible revenu tel que l’Éthiopie, un programme à grande échelle comme le PSNP représente

environ 1% du PIB. Dans les pays à revenu intermédiaire, les niveaux plus élevés de PIB par habitant

réduisent l’incidence budgétaire de ces programmes de plus grande envergure.

Programmes de filets sociaux

Nombre de

bénéficiaires

(millions)

Couverture (%

de la population

nationale)

Niveau

d’avantage

annuel par

ménage (USD)

Incidence

budgétaire

(% du PIB)

Comparaison en Afrique

Afrique du Sud : toutes les subventions

de sécurité sociale 15 30 % 450-2 000 6.0

Éthiopie : Programme de filets sociaux

productifs 8

10 % (dont 8 %

pour les travaux

publics)

137 1,2

Lesotho : Subventions aux personnes

âgées 0,07 3 % 350 3

Comparaison internationale

Brésil : Bolsa Programme de TMC 44 25 % 84-540 0,5

Mexique : Oportunidades TMC 28 25 % Variable 0,3

Inde : Mahatma Gandhi National Rural

Employment Guarantee Act 55 5 % 184 3,1

Pakistan : Programme Benazir de soutien

du revenu 32 17% 170 n.d

Source : Stratégie de la Banque mondiale en matière de protection sociale en Afrique 2012-2022, estimations des auteurs.

Couverture des cantines scolaires Pourcentage de couverture de la population totale nationale potentiellement éligible

Bénin 3 – 6 %

Botswana 33 %

Malawi 21 %

Sierra Leone 21 %

Tanzanie 7 %

Source : Monchuk, V. « Réduire la pauvreté et investir dans l’humain : Le nouveau rôle des filets sociaux en Afrique »,

Département du développement humain, Banque mondiale, 2014.

92

ainsi que certaines estimations générales du coût unitaire de ces programmes. Ce scénario

amènerait la RDC à un niveau moyen de dépenses, relativement aux pays africains à faible

revenu. Il représenterait un coût de 156 millions de dollars par an sur la base de la prévision du

PIB de 2014. Le nombre de personnes qui pourraient bénéficier d’un tel financement dépend

largement du type de programme choisi et du niveau des prestations. Étant donné de fortes

contraintes budgétaires, des compromis importants devront être consentis entre la couverture des

programmes et leur générosité.

Tableau 22: Répartition hypothétique du financement des filets sociaux avec 0,5% du PIB

par programme

Hypothèse

de

prestation

Montant du

transfert par

bénéficiaire

par an

Administra

tion et

autres

apports

Coût

unitaire

annuel total

Nombre

total des

bénéficiaire

s

Coût

annuel

(USD)

Transferts

monétaires

15 $ par

ménage par

mois

180 $ 15 % 212 $ 270 000

(1 350000

personnes)

57 millions

Travaux

HIMO

5 $ par jour,

25 jours par

an

125 $ 49 % 245 $ 230 000

(1 150000

personnes)

56 millions

Repas

scolaires

5 $ par

enfant par

mois

50 $ 40 % 83 $ 650 000 54 millions

Total 1,15

millions

168

millions

212. Le tableau 22 ci-dessus présente une répartition hypothétique des bénéficiaires si le

financement global est distribué plus ou moins également entre trois principaux types de

programme. Les ressources (espèces ou vivres) seraient transférées à 1,15 million de

bénéficiaires et profiteraient dans l’ensemble à environ 5,75 millions d’individus, soit à peu près

7,3% de la population (en supposant que personne ne bénéficierait de plus d’un programme). Ces

chiffres sont donnés à titre d’illustration uniquement. La combinaison définitive des programmes

devrait prendre en compte une analyse plus détaillée des économies de coûts potentielles, et des

capacités techniques et administratives à mettre en place et gérer les différents types de filet

social.

213. La capacité du gouvernement à améliorer la couverture et la qualité des filets sociaux du

pays pour protéger ses citoyens les plus vulnérables suppose une base viable de financement. Le

budget de la RDC ne permettra vraisemblablement pas une augmentation significative des

dépenses intérieures dans le court terme, particulièrement au regard des priorités concurrentes de

développement. Le pays restera fortement dépendant des ressources des partenaires

internationaux pour l’extension de ses filets sociaux à l’échelon national55

, comme c’est le cas

actuellement.

55 Le Fonds national de promotion sociale, une agence autonome rattachée au MINAS, a proposé la mobilisation de ressources

pour la protection sociale grâce à une taxe spécifique sur les recettes minières, entre autres sources. Bien que les textes juridiques

aient été adoptés, jusqu’ici aucun acte n’a été concrétisé pour les appliquer. Il serait essentiel d’affecter ces recettes potentielles à

un système de financement de filets sociaux géré de manière transparente.

93

214. Étant donné le besoin d’importantes ressources de la part des bailleurs pour

l’établissement d’un système national de filets sociaux, il sera important de veiller à ce que les

donateurs opèrent sur une vision programmatique privilégiant un nombre limité d’interventions,

auxquelles plusieurs acteurs contribuent de manière cohérente. Les programmes qui ont pu être

reproduits à grande échelle dans d’autres pays reposent sur la mutualisation des ressources des

bailleurs pour accompagner le même programme. Tel est le cas avec le Programme de filet social

productif de l’Éthiopie, où plus de dix agences extérieures financent toutes le même programme,

en employant un manuel d’opérations et un cadre de suivi et évaluation communs, ainsi qu’un

calendrier unique de missions de supervision conjointes.

Actions à court et moyen terme pour concrétiser la vision sur le long terme

215. La matrice ci-dessous résume les actions qui pourraient être mises en œuvre pour

concrétiser cette vision sur le long terme. Elles sont discutées plus en détail par la suite.

Actions de court terme (0-3 ans) Actions de moyen terme

(3-6 ans)

Vision de long terme

Niveau

opérationnel

Expansion du programme de

travaux à haute intensité de main

d’œuvre exécuté par le FSRDC,

idéalement à échelle nationale.

Substitution du certificat

d’indigence par un mécanisme de

ciblage et d’octroi de bénéfices

rigoureux et partagé avec d’autres

programmes d’exonération des

frais

Pilotage d’un programme de

transferts monétaires à initiative

gouvernementale

Début de structuration

d’un système national de

filets sociaux par

l’utilisation d’outils

communs (enregistrement,

ciblage, suivi,…) couvrant

plusieurs filets sociaux

(HIMO, transferts

monétaires, exemption de

frais,…)

Expansion graduelle du

programme de transferts

monétaires sur la base de

l’expérience pilote

Pilotage d’un autre type de

filet social à initiative

gouvernementale

Expansion des

programmes les

mieux adaptés au

contexte national

Niveau

réglementaire

Révision de la stratégie de

protection sociale en vue d’une

stratégie nationale intégrée

Détermination du niveau de

couverture des filets sociaux

souhaitable dans le court, moyen

et long terme

Augmentation du budget des

filets sociaux en adéquation aux

besoins de couverture identifiés et

similaires aux montants alloués

par les autres pays africains à

faible revenu (1,1% du PIB)

Soutien à la mise en œuvre

de la stratégie et à son

éventuelle mise à jour

Mise à disposition d’un

budget en adéquation aux

besoins de couverture

identifiés

Mise à jour régulière

de la stratégie

nationale de

protection sociale

Mise à disposition

d’un budget en

adéquation aux

besoins de couverture

identifiés

94

Actions de court terme (0-3 ans) Actions de moyen terme

(3-6 ans)

Vision de long terme

Niveau

institutionnel

Redynamisation du groupe

thématique protection sociale

Mise en œuvre des

recommandations prioritaires de

l’audit organisationnel du

MINAS

Poursuite de la

réorganisation et

redynamisation du MINAS

Coordination et

collaboration pilotées

par le gouvernement

intégrant acteurs

nationaux et

internationaux tant

publics que privés

Niveau

analytique

Mise à point d’un système de

ciblage basé sur des critères de

pauvreté et vulnérabilité objectifs

Étude pour la conception d’un

programme de transferts

monétaires

Études et analyses pour

l’identification d’un

ensemble de programmes

adaptables qui feront

partie du système national

de filets sociaux

Études et analyses pour

l’élaboration d’outils et de

mécanismes de

coordination communs

Évaluations d’impact des

filets sociaux pilotes pour

en tirer des enseignements

utiles en vue d’une

éventuelle expansion

Évaluations d’impact

des différents types

de programmes afin

d’améliorer leur

performance et

optimiser la

composition du

système national de

filets sociaux

Actions de court terme (1-3 ans)

37. L’objectif de court terme devrait être de renforcer le cadre politico-institutionnel et

d’étendre la portée d’au moins un filet social efficace et bien structuré, qui couvre tout le

territoire national, et poser ainsi les bases d’une évolution vers un système national de filets

sociaux sur le plus long terme. En même temps il serait souhaitable de tester la capacité du

gouvernement à mettre en place et gérer un deuxième type de filet social, même de petite

envergure. Les actions à entreprendre pourraient être les suivantes :

a. Révision de la stratégie de protection sociale. La révision de la stratégie nationale de

protection sociale est une action prioritaire qui doit clarifier le rôle des filets sociaux dans

la politique du Gouvernement, et définir des orientations stratégiques claires en la matière.

Ce processus devrait également aboutir à la détermination du niveau de couverture des

filets sociaux souhaitable dans les courts, moyen et long termes, ainsi qu’à une

augmentation du budget de financement de ces programmes qui soit en adéquation avec les

besoins de couverture recensés. Des démarches en ce sens sont déjà en cours et devraient

être poursuivies dans un esprit de collaboration interministérielle, avec le soutien des

partenaires au développement. Ce processus de révision devrait être accompagné par des

activités de renforcement des capacités des différents acteurs gouvernementaux, et tout

particulièrement pour le MINAS, dont le mandat englobe les filets sociaux.

b. Renforcement de la coordination parmi les acteurs de protection sociale et en

particulier les acteurs impliqués dans les filets sociaux. Actuellement, les filets sociaux

95

consistent en de nombreuses interventions de petite envergure, peu coordonnées ou

intégrées entre elles. Chaque agence ou programme met généralement en place ses propres

mécanismes de coordination locale, ce qui résulte en plusieurs comités et plusieurs

mécanismes de concertation. Une plateforme institutionnelle commune favoriserait la

synergie entre les programmes. Elle assurerait également une meilleure perception de tous

les types de services disponibles dans une localité donnée. Dans un premier temps, le

MINAS devrait jouer son rôle en instaurant un mécanisme global de coordination, qui

pourrait se concrétiser par la redynamisation du Groupe thématique protection sociale, à

travers la tenue de réunions régulières avec des objectifs précis et pratiques. Cette

activation devrait par la suite être soutenue par un système central de suivi, qui recueillerait

les informations de base sur chaque programme, y compris la couverture géographique, le

nombre et le type des services fournis, le niveau des prestations, ainsi que d’autres données

de base. Ces mécanismes de coordination devraient également concerner l’harmonisation

du travail des bailleurs de fonds, étant donné que ceux-ci apportent un niveau très élevé de

ressources aux interventions de type filet social. Le regroupement des bailleurs dans un

cadre officiel harmonisé, géré par l’État, est essentiel à la création d’un système cohérent

de filets sociaux. La coordination est relativement efficace à travers les clusters, qui

réunissent tous les partenaires, par exemple autour de l’assistance humanitaire, de

l’éducation, de la santé, etc. Cette approche par clusters pourrait servir de modèle pour la

mise sur pied de mécanismes tels que la mise en commun des financements, tandis que la

supervision et le suivi conjoints des programmes permettraient d’éviter des coûts de

transaction excessifs pour l’État.

c. Consolidation du cadre institutionnel par la mise en œuvre des recommandations

prioritaires de l’audit organisationnel du MINAS. L’audit, mené en 2013, préconise un

ensemble d’actions à court terme pour améliorer la performance du MINAS. Ces actions

sont de nature tant organisationnelle (par exemple : clarifier la répartition des tâches), que

de nature plus opérationnelle (développer une base de données dynamiques sur les groupes

vulnérables et sur les actions en leur faveur mises en œuvre par les différents intervenants).

Les réformes préconisées par l’audit permettraient au MINAS de jouer un rôle plus

important dans l’orientation et la coordination des activités liées aux filets sociaux.

d. Substitution du certificat d’indigence, en tant que mécanisme de ciblage et d’octroi de

bénéfices, par un mécanisme adapté aux besoins de la RDC. Le certificat d’indigence

est un moyen de ciblage et d’identification des bénéficiaires qui devrait faciliter l’accès des

plus vulnérables aux services sociaux de base grâce à une exonération des frais. Mais le

programme tel qu’il fonctionne actuellement, offre très peu de protection et ne répond pas à

son objectif de départ. Pour que la continuation de ce programme soit justifiée, il faudrait

mettre en place des critères de ciblage et d’éligibilité clairs, des procédures efficaces de

sélection et de vérification de l’identité des bénéficiaires, des allocations budgétaires

transparentes, et un mécanisme fiable et rapide de remboursement aux prestataires de

services (ces derniers devraient comporter non seulement les services de l’État mais aussi

les ONG, afin de rendre plus simple l’accès aux services). En particulier, le mécanisme de

ciblage sur lequel repose le certificat d’indigence devrait être remplacé par un outil basé sur

des critères objectifs de pauvreté et de vulnérabilité, ce qui pourrait être fait en s’appuyant

sur les données de l’Enquête 1-2-3 tant pour le ciblage au niveau géographique et des

96

ménages que pour la conception des critères d’éligibilité. Ces données permettraient de

faire l’évaluation du bien-être des ménages par approximation (proxy means testing),

évaluation qui servirait à déterminer les caractéristiques des ménages corrélées à la

pauvreté/vulnérabilité, et à les utiliser par la suite pour définir des critères de sélection et

d’éligibilité aux différents programmes de filets sociaux. L’élaboration de ce dispositif de

ciblage et son adoption au sein de programmes gouvernementaux, en substitution au

certificat d’indigence, serait une première étape vers l’élaboration d’un système qui pourra

ensuite être généralisé aux autres principaux filets sociaux et programmes d’assistance, et

évoluer graduellement vers un système national de ciblage.

e. Expansion du programme de travaux à haute intensité de main d’œuvre. En sus de

donner des revenus immédiats aux personnes vulnérables, ce type de programme contribue

à la reconstruction des infrastructures du pays et, en injectant des sommes importantes

d’argent dans les zones défavorisées, dynamise leur économie. Plusieurs acteurs ont

accumulé une expérience considérable dans la mise en œuvre de travaux HIMO, y compris

le FSRDC qui exécute un tel programme à l’est du pays. Vu les énormes besoins de la

RDC en terme d’infrastructures et de création d’emplois, et la présence d’au moins une

entité gouvernementale capable de gérer des travaux HIMO, le programme de travaux

HIMO à l’est pourrait être élargi aux autres provinces du pays. En même temps, les

ministères en charge des infrastructures publiques (le ministère de l’Aménagement du

territoire, urbanisme et habitat, et le ministère des Transports et voies de communication)

devraient inclure dans leurs politiques l’adoption systématique de l’approche HIMO Les

outils élaborés et développés pour ce programme (ciblage, identification, registre, suivi-

évaluation) permettraient de tester les éléments d’un système de filets sociaux géré par

l’État.

f. Pilotage d’un projet de transferts monétaires à l’exemple de ce qui est fait dans le

contexte humanitaire. Des projets de transferts en espèces qui ciblent les populations

déplacées existent déjà en RDC. En capitalisant l’expérience de ces projets, le

Gouvernement, possiblement en collaboration avec des ONG qualifiées en la matière,

pourrait piloter un mécanisme de transfert monétaire pour soutenir les ménages en situation

de pauvreté extrême chronique. Ce programme devrait fournir des transferts réguliers et

prévisibles aux ménages ciblés pour les aider à faire face aux dépenses essentielles (par

exemple, alimentation, écolage, soins de santé). Une étude préalable permettrait de mieux

définir le contour de ce programme et les synergies éventuelles avec d’autres interventions.

Piloter ce type de filet social permettrait de vérifier si ce mécanisme est approprié au

contexte de la RDC en dehors du milieu humanitaire et si le Gouvernement possède la

capacité de bien le gérer.

Actions de moyen terme (3-6 ans)

216. L’objectif sur le moyen terme devrait être de poursuivre l’amélioration du cadre politico-

institutionnel, porter à l’échelle un deuxième type de filet social susceptible d’atteindre une

couverture nationale sur le long terme et mettre au point les outils nécessaires pour un système

national de filets sociaux. Les actions à entreprendre pourraient être les suivantes :

97

a. Poursuite de la réorganisation et redynamisation du MINAS au moyen de réformes

plus poussées. Ces réformes devraient comprendre :

o La restructuration et la modernisation des systèmes internes du ministère pour

aboutir entre autre à un contrôle et une comptabilité plus serrés du patrimoine

ministériel, et à une gestion plus efficace du personnel, notamment concernant les

départs à la retraite et les réaffectations. Aucune de ces réformes ne sera possible

sans, d’une part, des allocations budgétaires plus conséquentes et, d’autre part, une

volonté politique de réforme.

o Une meilleure réglementation des services d’assistance sociale, en commençant par

la formulation de normes et de standards spécifiques dont le respect serait une

condition de financement. Présentement, le MINAS rempli son mandat concernant

la protection sociale des groupes vulnérables soit à travers une offre directe de

services, comme c’est le cas pour les programmes destinés aux personnes du

troisième âge ou handicapées, soit à travers l’attribution de contrats aux ONG et

d’autres institutions qui offrent les services souhaités. Mais il n’existe pas de textes

pour orienter prestataires de services, ni contrôler la qualité ou estimer le coût de

ces services. Il faudrait donc que le MINAS procède à l’élaboration de normes et

standards pour les services relevant de l’éventail complet de l’assistance sociale, en

suivant l’exemple établi récemment dans le cas des services destinés aux enfants en

situation difficile. En même temps, le soutien du MINAS aux ONG et aux autres

institutions en matière de transferts monétaires et de personnel, devrait respecter un

niveau minimum de qualité et de vérifiabilité. En outre, le MINAS devrait s’assurer

que les transferts sont effectués de manière efficace, et recevoir en contrepartie des

rapports appropriés sur l’exécution des services.

b. Portée à l’échelle du programme pilote de transferts monétaires. En fonction des

résultats des évaluations d’impact et de processus qui seront conduites et qui permettront

d’évaluer la pertinence de ce programme, les transferts monétaires pourraient être

transposés au niveau national, en incorporant d’éventuelles restructurations. En parallèle, il

conviendrait de poursuivre les études et analyses en vue d’identifier les autres programmes

qui pourraient faire partie d’un système national, et qui s’ajouteraient sur le plus long terme

aux programmes déjà en vigueur.

c. Élaboration d’outils et de mécanismes de coordination communs. Un système national

de filets sociaux devrait disposer d’outils et de mécanismes de coordination partagés par

tous les acteurs afin d’assurer la cohérence et l’intégration de différents projets et

programmes. L’ensemble des outils à partager devrait inclure :

o Un système de ciblage. Ainsi qu’il a été suggéré plus haut, un tel système pourrait

être développé au départ pour certains projets, sur la base de l’évaluation du bien-

être des ménages par approximation (proxy means testing), qui servira à identifier

les caractéristiques des ménages corrélées à la pauvreté/vulnérabilité.

o Des registres communs des bénéficiaires et gestion des cas. La mise en commun

des registres d’immatriculation des bénéficiaires entre les programmes améliorerait

la coordination et permettrait une utilisation plus efficiente des ressources. En outre,

98

l’adoption d’une approche de gestion des cas pourrait améliorer la situation des

ménages les plus vulnérables en les rattachant à plusieurs types d’assistance (p. ex :

des revenus grâce à l’emploi dans les travaux HIMO pour les parents et une aide à

l’alimentation des enfants grâce aux cantines scolaires)56

.

o Un suivi intégré des programmes. Actuellement, il n’existe pas de mécanisme

permettant de collecter et de consolider les données sur les multiples interventions

d’assistance sociale et de filets sociaux qui sont à l’œuvre dans le pays. Le MINAS,

en tant que ministère sectoriel mandaté dans ce domaine, devrait être mis à même

de prendre la responsabilité de rassembler les données de base sur les programmes,

y compris sur la couverture (par province/localité, sexe, classe d’âge, etc.), afin

d’assurer le suivi et établir des bilans sur l’évolution des filets sociaux dans le pays.

o Des évaluations inter-programmes. Les données sur les résultats des programmes

actuels sont rares. Les évaluations des interventions de type filet social pourraient

être menées sur des programmes similaires, par exemple par type de filet social

(travaux HIMO, transferts monétaires, assistance alimentaire, et autre assistance

sociale), ce qui contribuerait à enrichir les connaissances et à disséminer les

informations entre les programmes, et permettrait ainsi de veiller à ce que les

meilleures pratiques soient repérées et reproduites.

Conclusions

217. Face aux niveaux élevés de pauvreté et de vulnérabilité dans le pays, l’absence de filets

sociaux efficaces pèsera lourdement sur les efforts de réduction de pauvreté entrepris par le

Gouvernement. La mise en place d’un système national efficace de protection sociale est un

processus à long terme. En matière de filets sociaux, la RDC dispose d’un ensemble de

programmes débutant, de petite échelle, dépendant pour la plupart des ressources des partenaires

internationaux et généralement orientés vers l’assistance humanitaire, pour le soutien aux

groupes les plus vulnérables. Les acteurs non-gouvernementaux jouent un rôle majeur dans

l’exécution des services. Les données sur l’efficacité et les résultats des programmes au niveau

des ménages sont rares, et les programmes faiblement coordonnés.

218. Malgré cette diversité et ces challenges opérationnels, un intérêt commun existe pour

réformer les actions en cours et reproduire certains programmes à grande échelle, sur la base des

meilleures pratiques telles qu’elles évoluent présentement en Afrique. Par conséquent, le

Gouvernement, les ONG et les partenaires internationaux devraient se regrouper dans un cadre

d’action commun, avec pour objectif d’élaborer un système intégré de filets sociaux à long

terme, tout en apportant une protection et un soutien immédiats aux ménages vulnérables et en

leur permettant de constituer leur capital humain et leurs actifs productifs, sur le chemin de sortie

de la pauvreté.

56

Il existe au Ghana un exemple de croisement entre les programmes qui assurent des fonctions complémentaires. Les ménages

enregistrés dans le programme de transfert monétaire Livelihoods Empowerment Against Poverty (LEAP) sont automatiquement

admissibles au régime national d’assurance maladie. En Éthiopie et au Rwanda, les ménages participant aux programmes de

travaux publics ont un accès prioritaire aux services de microcrédit, dans l’esprit de les aider à sortir de la pauvreté et sortir du

programme de filet social.

99

ANNEXE : FICHES DES COLLECTES DES DONNÉES

- Fiche de collecte d’informations -

Programmes et projets de filet sociaux et d’assistance sociale en RDC

I. Identification de programme/projet

1.1. Nom du programme/ projet :

1.2 Année du début des opérations:

1.3 Durée estimée du projet :

II. Cadre institutionnel

2.1 Institution/ Unité responsable du Programme / Projet :

2.2 Ancrage ministériel (département, lignes de responsabilité) :

2.3 Structure/organigramme :

III. Objectifs et description du programme/projet:

3.1 Objectif général :

3.2 Objectifs spécifiques:

3.3 Description des activités du programme et les prestations fournies (services, produits)

3.4 Type(s) de programme (transferts en espèce, transferts en nature, aide alimentaire, HIMO,

exonération des frais, assistance sociale, etc.) :

3.5 Localisation (national, urbain, rural; province(s), commune(s) y compris la répartition des

participants par zone géographique

IV. Bénéficiaires du programme/ projet

4.1 Bénéficiaires : (nombre)

Actuel

2012

Actuel

2013

Programmé

2014

Nombre de ménages

Nombre de personnes

Sexe/ âge (nombre de personnes)

1. Femme

2. Homme

100

4.2 Durée moyenne des bénéficiaires dans le Programme :

V. Ciblage

5.1 Méthodes de ciblage utilisées :

Description

Auto-sélection

Ciblage géographique

Ciblage catégorielle

Ciblage à base communautaire

Évaluation des ressources du ménage (Means test)

Évaluation du bien-être du ménage par

approximation (Proxy means testing –PMT)

Évaluation des ménages par les travailleurs sociaux

5.2 Critères spécifiques d’éligibilité et de sélection des bénéficiaires :

5.3 Processus de sélection (qui préside à l’identification des bénéficiaires ? Représentants, ONG,

maire de la ville, Conseils de village/ciblage communautaire, sélection administrative, etc.) :

5.4 Méthode de vérification/correction :

5.6 Résultats du ciblage (résultats ex-post en fonction de l’évaluation), si disponible (statistiques

sur les caractéristiques et le niveau de pauvreté des participants)

VI. Prestations /allocations

6.2 Type de prestations (subvention, transfert en nature, transfert en argent, formation, etc.)

6.3 Valeur des prestations/allocations (par personne, par ménage, par mois)

6.4 Base de calcul de l'allocation

VII. Administration du programme/ projet

7.1 Mécanismes de mise en œuvre :

7.2 Entités par lesquelles les services sont effectuées (Programme/ Projet, Autorité régionale,

Entreprise rivée, ONG, Groupes communautaires, Conseils de village) :

7.3 Mécanismes de participation communautaire (création des comités locaux, mécanismes

d’identification et sélection des participants, control communautaire, etc.) »

101

VIII. Coût et financement

8.1 Coût annuel du programme

8.2 Détails par composant ou type de couts (investissement, transferts, personnel, administration

etc.)

8.3 Sources (et montants) de financement

8.4 Coût Unitaire du Programme

Coût Total / No des bénéficiaires:

IX. Suivi-évaluation

9.1 Activités principales de suivi :

9.2 Description des rapports (périodicité, contenu)

9.3 Indicateurs de performance du programme (y compris la situation de référence et but à

réaliser)

9.4 Activités principales d’évaluation (description des méthodologies, fréquence et thèmes

d’évaluation)

9.5 Impact du programme/projet

X. Enseignements acquis

XI. CONTACT

Nom de l’interviewé/ répondant: ................................................................................................

Institution:....................................................................................................................................

Position: ......................................................................................................................................

Téléphone:...................................................................................................................................

E-mail: ........................................................................................................................................

102

Bibliographie

Altai Consulting. Consumer Financial Needs and Behavioral Assessment in DRC. Mai, 2014.

Bailey, S. Evaluation of ECHO - funded cash and voucher food assistance in the Democratic

Republic of Congo, juillet 2014.

Bailey, S., P. Pereznieto and N. Jones Child-sensitive Social Protection in DRC - A diagnostic

study. Overseas Development Institute, May 2011.

Bonyi, M. « État des lieux de la protection sociale en République démocratique du Congo –

Étude complémentaire ». Août 2013.

Burhama, E. et S. Garanke. « Étude sur l’état des lieux actuel de la protection sociale en

République démocratique du Congo ». Rapport provisoire, Bureau international du travail,

Bureau de Pays de l’OIT à Kinshasa et le PNUD--Bureau Pays PNUD, Kinshasa (RDC).

Décembre 2011.

Demirguc-Kunt, A. and L. Klapper. Measuring Financial Inclusion: The Global Findex

Database, Policy Research Working Paper 6025, World Bank, avril 2012.

Department for International Development and UKaid. Building Resilience in DRC: Linking the

humanitarian and development sectors. 2012.

Diniz, E., N. Fingermann and N. Best. Mobile Banking and Conditional Cash Transfer

Programs, Inshort, Number 26, December 2011.

Douma, N. and D. Hilhorst. “Fonds de commerce? Sexual violence assistance in the Democratic

Republic of Congo”, Wageningen University, Disaster Studies Occasional Paper No. 2, 2012.

FENAPHACO. « Rapport de la situation des personnes vivant avec des handicap en République

démocratique du Congo (Exercice 2012-2013), Janvier 2014.

FMI. « République démocratique du Congo : Note consultative conjointe ». Rapport du FMI No.

13/225, juillet 2013.

Fonds national de promotion et de service social. « Plan stratégique et financier 2012- 2016 ».

Novembre 2013.

FAO. “Plan d’action pour la gestion des risques de catastrophe en République démocratique du

Congo 2011-2013 ». Rome, 2011.

Gouvernement de la RDC. « Enquête démographique et de santé 2013-2014 ». Ministère du

Plan et du suivi de la mise en œuvre de la révolution de la modernité, et ministère de la Santé

publique.

103

Gouvernement de la RDC. « Document de la politique nationale de protection sociale des

groupes vulnérables en République démocratique du Congo ». Ministère des Affaires sociales, de

l’action Humanitaire et de la solidarité nationale. 2004.

Mboso, S., A. Mossige, B. Mpiana, and N. Nyoka. “Stratégie nationale de protection sociale des

groupes vulnérables en République démocratique du Congo », Affaires sociales, de l’action

Humanitaire et de la solidarité nationale, 17 août 2004.

McLean Hilker, L. and K. Barnes Robinson. Women and Girls in the Democratic Republic of

Congo: Rapid National Situation Assessment, DFID, non daté.

Mercy Corps. Guide to Cash-for-Work Programming, 2007.

Mercy Corps. Mercy Corps in the Democratic Republic of the Congo – Fact Sheet. non daté.

Ministère des Affaires sociales, de l’action humanitaire et de la solidarité nationale. «Plan

d’action national 2010-2014 en faveur des orphelins et autres enfants vulnérables (PAN-OEV) »

octobre 2009.

Ministère des Affaires sociales, de l’action humanitaire et de la solidarité nationale. « Stratégie

nationale pour le développement de l’alphabétisation et de l’éducation non-formelle 2012 -2016-

2020 », mars 2012.

Ministère de l’Agriculture et du développement rural. « Programme national d’investissement

agricole – Plan d’investissement 2013 – 2020 », septembre, 2012.

Ministère de l’Enseignement primaire, secondaire et professionnel. «Plan intérimaire de

l’éducation 2012/2014 », juin 2012.

Ministère du Plan. “Document de la stratégie de croissance et de réduction de la pauvreté –

Deuxième génération--SRP 2 », octobre, 2011.

Ministère du Plan, Institut national de la statistique avec le concours de l’UNICEF Multiple

Indicator Cluster Survey – 2010, résultats préliminaires, décembre 2010.

Ministère du Plan et du suivi de la mise en œuvre de la révolution de la modernité, et ministère

de la Santé publique. « Résultats de l’enquête sur l’emploi, le secteur informel et sur la

consommation des ménages/2012 », rapport global final, septembre 2014.

Ministère de Santé. Plan national de développement sanitaire (PNDS) 2011-2015. Mars 2010.

Monchuk, V. Reducing Poverty and Investing in People: The New Role of Safety Nets in Africa,

Directions in Development. Human Development Department, Banque mondiale, 2014

Mutombo-Mudiay, J. « Étude de faisabilité pour la formulation de la politique et la stratégie

nationale de la protection sociale en RDC », rapport provisoire, FNPSS. 28 juillet 2014.

104

Programme alimentaire mondial (PAM). « Analyse approfondie de la sécurité alimentaire et de

la vulnérabilité (CFSVA) », Janvier 2014.

PAM. Cash and Vouchers –PAM/RDC, juillet 2013.

PAM. « République démocratique du Congo 2011 ». 2011.

SGS. « Audit organisationnel du ministère Affaires sociales, de l’action humanitaire et de la

solidarité nationale », Note Cadrage. MINAS, février, 2013.

SGS. « Audit Organisationnel du ministère des Affaires sociales, de l’action humanitaire et de la

solidarité nationale», Feuille de Route, MINAS, avril, 2013.

SGS. « Audit Organisationnel du ministère des Affaires sociales, de l’action humanitaire et de la

solidarité nationale », Résumé analytique, MINAS, avril 2013.

UNICEF. Alternative Responses For Communities in Crisis II (ARCC2) Briefing Note (non

daté).

UNICEF. Cash & Voucher Learning Event – Rapport final, Goma, République démocratique du

Congo, 2-4 Novembre 2011.

UNICEF. Community Peace-building, Transition & Stabilization – Program Strategy 2013-

2017, PEAR + II” Briefing Note (non daté).

UNICEF. Democratic Republic of the Congo Mid-Year Situation Report: January – June 2013.

UNICEF. “Pauvreté des enfants et disparités en République démocratique du Congo. Rapport

final”, Kinshasa, 2008.

UNICEF. « Plan d’action du Programme de Pays 2013-2017 entre le Gouvernement de la

République démocratique du Congo et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance

(UNICEF) », Kinshasa, Avril 2013.

United Nations. DRC Humanitarian Action Plan 2013. 2013.

United States Agency for International Development. Assessment of USAID/DRC Social

Protection SGBV Programming, Development & Training Services, Inc. (DTS), avril 2012.

Weijs, B., D. Hilhorst and A. Ferf. Livelihoods, basic services and social protection in

Democratic Republic of the Congo”, Document de travail # 2, Secure Livelihoods Research

Consortium, Université de Wageningen , juillet 2012.

World Bank. Project Appraisal Document: Democratic Republic of Congo Street Children

Project. Report No. 53792-ZR. May, 2010.

Zaman, H. and S. Tiwari. Can safety nets contribute to economic growth “, draft World Bank

2010.