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Les fonctions grammaticales

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Les fonctions grammaticalesAuthor(s): André MartinetSource: La Linguistique, Vol. 13, Fasc. 2 (1977), pp. 3-14Published by: Presses Universitaires de FranceStable URL: http://www.jstor.org/stable/30248869 .

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LA LINGUISTIQUE Vol. 13, Fasc. 2/1977

LES FONCTIONS GRAMMATICALES

par Andre MARTINET

La pr6paration, qui est en cours, d'une Grammaire fonctionnelle du frangais par une equipe de linguistes, amine a preciser certains points de doctrine que les auteurs de descriptions fonctionnalistes de langues << exotiques >> n'avaient pas express6ment pos6s. Des discussions priv6es ou en s6minaires r6vblent fr6quemment des points de desaccord qui tiennent moins a des prises de position diff6rentes qu'a des interpr6tations et des usages divergents de termes mal d6finis ou d'emplois susceptibles, a tout instant, d'etre gauchis sous l'influence des valeurs impr6cises de ces termes dans la pratique courante de la langue. Nous ne d6sirons nullement ici imposer une orthodoxie fonctionnaliste qui, heureusement, n'existe pas, mais mieux cerner quelques traits d'une doctrine personnelle dont certains chercheurs semblent vouloir s'inspirer.

Dans l'article < Cas ou fonctions ? >>1 j'avais critiqu6 l'utilisa- tion faite par Charles Fillmore du terme < cas >> pour designer les relations entre les noms et le verbe de la proposition en arguant qu'il valait mieux <<~ viter d'employer un terme dans une accep- tion qui correspond partiellement "a celle qui est traditionnelle >>. Dans un tel cas, continuais-je, le lecteur ou l'auditeur croit

comprendre et finalement perd pied, et je terminais en recomman- dant de d6signer toutes les relations syntaxiques, y compris celles

qui 6taient en cause, comme des < fonctions >>, en retenant le terme de la grammaire traditionnelle. J'oubliais, ce faisant, que cette dernibre ne distinguait pas entre :

- d'une part, la pure relation, distincte certes par son signifi6 et son signifiant d'autres relations du meme type, mais envi-

I. La Linguistique 8 (1972), fasc. i, p. 8-9.

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sageable, dans un premier temps, comme un signe, sans r6f6- rence au d6tail de sa forme et de son sens, celle que nous devons retenir en syntaxe, et

- d'autre part, les avatars de sa forme perceptible, son signifiant, et sa valeur s6mantique, son signifi6.

Certains ont pu &tre d'autant plus tent6s de retrouver dans << fonction >> une valeur semantique, que le progrbs assez lent de la pens6e fonctionnaliste a beaucoup fait attendre l'identification meme, sous le nom d'axiologie, de l'examen des valeurs signifiees. Le meme desir d'aborder enfin la structure du signifi6 a pu, semble-t-il, amener meme A parler de fonction, non plus pour designer une relation ind6pendante des unites qu'elle unit, mais, en retrouvant le sens ordinaire du terme, pour designer le role d'une unite non << fonctionnelle >> dans la structuration semantique de l'6nonc6. Ceci a ete particulibrement tentant 1U oiu une approche strictement formelle, bruyamment d6noncee par certains comme << distributionnelle >, n'autorisait pas A faire le depart, dans un meme paradigme commutatif, entre des classes bien distinctes dans la tradition, comme les articles, les adjectifs possessifs et les adjectifs demonstratifs.

Une fois encore, il ne s'agit pas, par impatience, de confondre les temps successifs de la presentation des faits.

Dans un premier temps, celui de l'inventaire, on degage les mondmes mutuellement exclusifs (pas de un le livre, ni de le mon livre, le ce livre, ce mon livre qu'on trouve dans d'autres langues) et de memes compatibilites (presence necessaire d'un substantif ou d'un mon6me jouant le r61le d'un substantif). A ce point de la

pr6sentation, on classe les signes. Dans un deuxibme temps, la morphologie, on examine les

variations formelles des unit6s ainsi classees (/l(a)/, /la/..., /GeB/, /yn/, /d(e)/..., /m6/, /ma/, /m(e)/..., Is(a)/, /set/, /s(e)/, etc.) en pre- cisant leurs divers conditionnements (presence d'un substantif dit << f6minin >, presence d'un mondme de pluriel, initiale voca-

lique du moneme suivant dans la chaine, etc.). On traite alors des signifiants.

Dans un troisibme temps, I'axiologie, on degage les valeurs signi- fides qu'6tablissent les oppositions entre les diff&rentes unites de la classe : traits << d6fini A, << indefini A, Ire personne, 2e per- sonne, etc., << possession > (impliquant << d6fini >>), << demonstra-

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tion >>, etc., en signalant les variantes, dans le cas du d'monstratif, par exemple, les emplois de rappel (cet homme mentionne ante- rieurement) ou de designation (cet homme que voici), et l'on recherche dans d'autres classes (pronoms possessifs, personnels et

d6monstratifs de la grammaire traditionnelle) les traits qu'on vient de d6gager. On atteint ainsi A ce qu'on peut designer comme le syst6me axiologique de la langue. II est evident que nous nous trouvons alors au-dela de la structuration de base resultant des contraintes diverses, en premier lieu celles de la lindarit6 du dis- cours, qu'imposent, a la communication linguistique de l'exp&- rience, les conditions d'emploi du langage.

Il est clair que la recherche, A travers les classes de commuta- tion, des traits pr6c6demment d6gag6s ne se limitera pas n6cessai- rement aux monemes << grammaticaux >>, mais pourra s'6tendre t l'ensemble du lexique : des adjectifs comme susdit ou pre'ce'dant comportent le meme trait << d6monstratif >> (dans sa vari6ti de rappel) que ce. Mais ceci ne justifie en aucune fagon un rapproche- ment anterieur aux consid6rations proprement axiologiques, pas plus que ne serait indiqu6 un rapprochement hatif sur la base du trait << ant6riorit6 >>, entre le moneme << imparfait >> et les adverbes autrefois ou auparavant.

On notera qu'au cours de l'operation qu'on vient d'esquisser t grands traits, oht l'on a trait6 successivement des signes, de leurs signifiants et de leurs signifies, il n'a pas 6t6 question de leur fonc- tion au sens grammatical du terme. Sans doute, lorsqu'on signale la pr6sence n6cessaire d'un substantif pour d6terminer l'apparition d'un moneme de la classe des articles et assimil6s, implique-t-on une relation qu'on peut vouloir caracteriser comme syntaxique. Mais comme la nature de cette relation est impliquee par la copr&- sence de l'article et du substantif, la tradition n'a pas vu lia une fonction digne de recevoir une designation particulibre. Ceci nous

amine a reconsiderer de fagon un peu detaill6e les problkmes que suscitent les valeurs diverses du terme fonction.

L'experience de l'enseignement, lorsqu'il n'est pas fait du haut d'une chaire magistrale et qu'il est, en consequence, apte a susciter des questions, voire des critiques de l'assistance, revele les dange- reux contresens qui peuvent rdsulter de l'emploi polysemique des

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termes. Un seul exemple : on presentait, devant un auditoire attentif et competent, les problkmes qui font l'objet du present expose. On avait soigneusement precis6 que le terme << fonction >>

s'appliquait, en l'occurrence, a un rapport existant entre deux monbmes de l'6nonc6 et que la valeur signifiee d'un tel rapport n'dtait pas en cause. On avait pos6 la question de savoir si l'on avait int&ret a reserver le terme < fonction>> pour designer le rapport etabli du determinant au determin6 (celui, par exemple, du deter- minant le pain au determine mange, d6sign6 comme la << fonction objet >>) l'exclusion du rapport d'un determine a un determinant

(celui de mange ta le pain, par exemple). Malencontreusement, on avait, sans y prendre garde, d6sign6 la direction du rapport &tabli entre les deux 616ments du discours comme le<< sens de la fonctionA avec, naturellement, pour<< sens A, la valeur de ce terme dans <<sens

unique > ou << double sens de circulation . La discussion qui s'ins- taura apr s l'expos6 rev61a qu'en depit d'un contexte insistant d'oti il devait r6sulter que la s6mantique n'6tait pas en cause, certaines

personnes dans l'assistance avait compris<< sens>> comme se ref6rant a une valeur signifi6e.

Un des recenseurs des Ele'ments de linguistique gene'rale avait sev rement relev6 l'incons6quence que representaient, A ses yeux, les deux valeurs qui y &taient donn6es au terme fonction :

10 Celui, normal dans le parler quotidien, qu'on relive, dans cet ouvrage, lorsqu'on parle (A I.4) de << fonctions du langage A,

c'est-a-dire du r6le ou des r6les que joue le langage dans les commu- nautes humaines. C'est cette meme valeur qu'on retrouve au

A 2.6 :<< C'est du fait de sa fonction qu'un element de l'6nonc6 est consid6r6 comme linguistique, et... c'est selon la nature de cette fonction qu'on le classera parmi les autres le6ments retenus. o

C'est elle qui apparait dans la section intitul6e << Fonction des

6l1ments phoniques o des A 3. I 3.4. C'est, bien entendu, cette valeur qui se retrouve dans le terme de linguistiquefonctionnelle pour designer le type de linguistique que nous cherchons a d6velopper et a diffuser.

20 Une TOUT AUTRE VALEUR, emprunt6e cette fois A la termi-

nologie grammaticale traditionnelle, est celle qui apparait ds qu'on aborde les problbmes relatifs aux unites de premiere arti- culation, les mondmes, A I. io, ohi il est question des dlments2

2. Malencontreusement d6sign6s comme des v morphdmes>.

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qui indiquent << leur fonction dans l'6nonc6, c'est-A-dire leurs rapports avec les autres signes >>. La definition du terme figure ' la fin du A 4. I2 << Fonction designe ici le fait linguistique qui corres- pond au rapport entre un 6Clment d'experience et l'exp'rience globale. Nous appellerons mondmes fonctionnels les mondmes qui servent A indiquer la fonction d'un autre mon6me >>. On retrouve, A 4. I8, le terme fonction avec le sens de rapport entre dlements de l'nonc6, et de meme en 4.24 et 6.3.

L'auteur des ElIments 6tait pleinement conscient de la dualit6 de ces emplois, mais pensait qu'une fois encore, les dangers de la

polys6mie se verraient neutralis6s par la diff6rence des contextes, cette diff6rence 6tant illustree ici du fait que la premiere valeur est limitee aux chapitres I, 2 et 3, la seconde aux chapitres 4 et 6.

Nature et fonction

On n'en a pas moins jug6 bon de revenir, a plusieurs reprises, sur ce problkme terminologique. Une premiere fois dans une conf6- rence prononcee a Louvain3 en avril 1970, une seconde fois dans un

colloque, a l'Universit6 d'Anvers, en septembre 19744. C'est au texte de la Conference de Louvain que nous ferons refrrence ci-

aprbs. On y distingue entre deux valeurs de << fonction>>, sans beau- coup insister sur l'irrtductibilit6 de l'une A l'autre. A propos de << fonction grammaticale >>, on rappelle que, traditionnellement, << fonction >> s'y oppose a << nature >>, un substantif, par exemple, ayant, dans le lexique, une <<nature>> A laquelle s'ajoute une <<fonc- tion >> ds qu'il apparait dans un contexte syntaxique : dans

l'homme marche, homme ajoute "t sa nature de substantif une fonction sujet. Ce rappel de la tradition et la declaration qui suit que cet emploi du terme est retenu dans nos analyses comportent un danger serieux : ils peuvent amener le lecteur 'a croire que ce qui nous interesse, en l'occurrence, est la nature du signifi '<< homme >> et celle du signifi << sujet >>, alors qu'at ce point de notre analyse, ce qui retient notre attention est le signe homme d'une part, le rapport

3. Publi&e dans les Travaux de la Facultide Philosophie et Lettres del' Universiticatholique de Louvain, VIII, section de Philologie germanique, I, et reproduite dans Studies in Functional Syntax, Munich, 1975, chap. 7, p. 89-Ioo, oh figure toutefois la pagination de I'original utilisie ci-apres.

4. Contribution A paraitre, en 1977, A Gand, dans Functional Studies in Language and Literature.

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dit < sujet >> d'autre part, moins en eux-memes, que comme repr&- sentants de deux classes, celle des substantifs et celle des rapports possibles entre la classe des substantifs et celle des verbes. Pour l'instant, il nous suffit de les identifier en opposition avec les autres unites de leur classe. On rappelle le point de vue presente dans a Substance phonique et traits distinctifs >>5 selon lequel << la fagon dont sont d6signees les unites linguistiques est conventionnelle >>6, et l'on ajoute que ceci vaut pour les fonctions. L'implication est que nous nous occupons, pour l'instant, de signes appartenant a une classe de signes, et non du signifi6 de l'unit6 (mondme ou fonction), voire du signifi6 de la classe.

Assumer une fonction

Plus loin d'ailleurs, p. 7, on ecarte express6ment la r6f"rence t la << nature>> du moneme pour la remplacer par<< son appartenance a une classe caract6risee par certaines compatibilites >>. Une fonc- tion sera alors le rapport qui est 6tabli dans l'6nonce entre deux mondmes appartenant a des classes compatibles. Cette formulation semble exclure la possibilit6 qu'une fonction soit reconnue comme caracterisant de faqon permanente et hors de tout contexte un moneme ou une classe de monemes donnee. C'est pourquoi il serait incons&- quent et dangereux de definir un mondme verbal comme un monbme qui n'a qu'une seule fonction, la fonction pr6dicative. Ce

5. B.S.L., 53, P. 72-85, reproduit pour l'essentiel dans La linguistique synchronique, Paris, 1965, chap. 5.

6. C'est pourquoi, lorsqu'on procede a l'6num6ration, totale ou partielle, des monemes d'une classe, on peut choisir de les pr6senter soit sous la forme de leur signifiant,

c'est-.-dire comme une succession d'unit's distinctives entre barres obliques, par exemple

/avek/, soit au moyen d'un signifi6 entre guillemets, par exemple << imparfait >>, soit encore comme un signe sous la forme orthographique, celle du dictionnaire, en italiques, naturel- lement, 1L oh existe une telle forme, par exemple prendre. Le choix de l'une ou d'une autre sera d6termin6 par des consid6rations pratiques. On donnera la pr6f6rence a la forme manifeste, c'est-a-dire le signifiant, lorsqu'il n'est pas ambigu. Lorsque ce signifiant est ambigu (homonymie) ou variable, on choisira le signifi6 s'il existe une designation tradi- tionnelle que le descripteur ne prend pas a son compte et qu'il se reserve de rem- placer, dans le chapitre d'axiologie, par une analyse s6rieuse. C'est li souvent le cas pour les monemes grammaticaux : plut6t k imparfait >> en franqais, que << /-/>> alternant avec 1-i-i qui serait l'identification en termes de signifiant. Dans le cas of0 le monime, generalement lexical, est traditionnellement identifie au moyen d'une entree de diction- naire et que son signifiant est de forme variable, c'est I'entr"e en italique qui sera prf6r'e : prendre puisque nous hesiterions devant diff6rentes formes de signifiant (/prdA, /prid-/, /pren/, pran-/ ; mais plut6^t /Adt/ que chanter, puisque /t]/ est la forme constante du moneme verbal en cause lorsqu'on l'a d6gag6 des monemes grammaticaux adventices. II faut htre consequent 1I oh les pertinences sont en cause et savoir ailleurs utiliser diff6- rentes conventions 1i ofi le reclament les besoins de la presentation.

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qu'on devrait dire, si l'on est d'accord pour definir ainsi le verbe, c'est qu'un moneme verbal<< n'est pas susceptible d'assumer d'autre fonction que la fonction predicative >> (ibid., p. 4, ofi, toutefois, < assumer >> n'est pas mis en valeurl). Ceci revient A dire que la fonction pr6dicative - si l'on doit finalement parler de fonction dans ce cas - est impliquee par le moneme verbal et ne se r6vele que dans un contexte syntaxique. Dans un sens analogue, on devrait dire qu'en frangais, par exemple, l'article ne peut assumer qu'une seule fonction, celle de d6termination du substantif. Ici encore, c'est cette fonction qu'il peut assumer par rapport a la classe des substantifs qui permet de definir l'article (et ses cong&- neres possessifs et d6monstratifs), fonction qui, naturellement, ne devient manifeste que lorsqu'il apparait dans un contexte. Au-delI de ces subtilites, on notera que si l'on veut parler d'une << nature >> de la classe des verbes ou de celle des articles et acolytes, cette nature, qui s'identifie avec les compatibilites de la classe, se confond

pratiquement avec la seule fonction qu'elle peut assumer. On notera, en outre, que dans << fonction predicative >> et << fonction de determination >>, < fonction >> a sensiblement sa valeur ordinaire de

r61ejou6 par une entit6. Ceci d'ailleurs semble ^tre le cas d6s qu'on attribue la fonction au moneme d'une certaine classe au lieu d'envisager la fonction comme une relation entre deux classes.

Pour reprendre la chose de faqon plus concrete et plus ana- lytique, disons que nous avons, dans un premier temps, identifie et

groupd un certain nombre de monemes, qu'on d6signe tradition- nellement comme l'article d6fini, l'article indefini, les adjectifs possessifs, d6monstratifs et quelques autres. Nous les avons rdunis en une classe distincte parce qu'ils sont mutuellement exclusifs et

parce qu'ils sont << compatibles >> avec les unit6s de la classe des substantifs dans le sens qu'ils peuvent former avec un substantif l'unit6 linguistique, plus complexe que le moneme5, qu'on d6signe comme un syntagme. Il faut, en outre, preciser que la compatibilit6 de l'article, et de ses cong6ndres, avec le substantif est a sens

unique. Elle implique en effet une dependance de ceux-la par rap- port ta celui-ci : l'existence des premiers presuppose celle du second ;

7. Nous parlons, bien entendu, ici du moneme verbal, et non des combinaisons de monemes impliquant le mondme verbal, comme les participes.

8. Ou le syntheme qui, bien qu'analysable en deux ou plus de deux unites significa- tives, entretient avec l'article, par exemple, les memes rapports que le moneme substantif simple.

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il faut un substantif ou un mon6me substantivise pour que puisse apparaitre un article ou un des montmes qui alterne avec lui ; au contraire, un substantifpeut apparaitre sans un mondme de l'autre classe, encore que cette latitude soit diversement limitee. Dans une visualisation, la relation sera marquee par une flche allant de

l'article vers le substantif : /la/ /fam/. On dit, dans ce cas, qu'il y a determination du substantif par l'article, le substantif tant deter- mine, l'article determinant. Un corollaire de ce qui preccde est que la liaison du determinant, article ou congenere, avec le reste de l'nonc6 se fait necessairement par l'intermediaire du substantif. Ceci vaut tant de la liaison du substantif avec un predicat verbal, qui se comprend comme determination du predicat par le subs- tantif (subst. -> pr6d.), que de la liaison du substantifavec un adjectif 6pith6te, qui se comprend comme une d6termination du premier par le second (adj. -+ subst.).

Point d'incidence de la fonction

Au risque de nous Ccarter un peu de notre sujet, il faut ici rappeler, pour clarifier les relations syntaxiques, qu'il convient de resister a la tentation de decreter que l'article est un determinant du groupe form6 par le substantif et l'adjectif 6pithete, voire un adverbe determinant celui-ci : les rapports reels ne s'exprimeront pas comme

le - { tres - petit -- caillou

mais bien au moyen de

le -* caillou caillou petit +- tres

Donner le premier schema comme indicatif de la fonction

epithetique de petit (le tris petit caillou) et le second comme celui de la fonction appositive de tres petit (le caillou, tris petit...) est un

exemple d' << 6conomie >> formalisante qui aboutit a deformer la r6alit6 des rapports syntaxiques en presentant comme diff6rents les

rapports, en fait identiques, dans l'un et l'autre cas, de l'article au substantif : une adjonction a le caillou..., que ce soit l'6pith6te ou

l'apposition, ne change rien au rapport de l'article au substantif. Representer, comme nous l'avons fait, une fonction par une

fldche, c'est-Aa-dire un symbole orient6, semblerait indiquer que les fonctions n'existent que dans les rapports de subordination ou, ce

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qui pour nous revient au meme, dans les relations de d6termination. Les relations syntaxiques qui ne sont pas de subordination semblent etre necessairement de coordination .

Le cas du sujet

Sans doute pourrait-on faire valoir comme troisibme 6ventualit6 le nexus jespersenien, le rapport du sujet au predicat, le cas oui A et B n'existent pas l'un sans l'autre, alors que, dans la subordina- tion, A existe sans B, mais B n'existe pas sans A, et que, dans la coordination A et B peuvent exister l'un sans l'autre. Mais il est clair que la fonction sujet est exercee par des elements qui, dans d'autres 6nonc6s, sont utilisables dans leur relation au predicat, avec les fonctions les plus diverses, fonctions dont la presence auprbs du predicat est, en franqais notamment, grammaticalement facul- tative'0. Quelque constant qu'il soit"1 et, de ce fait, ta part des

<< compl6ments >>, le sujet est, comme les autres<< complkments>>, un determinant du predicat. Son rapport a lui est bien de subordina- tion. Sa constance a ses c6tes est la marque d'un autre r61le - que nous nous garderons bien d'appeler << fonction > pour ne pas retomber dans la confusion dont nous cherchons A nous degager -, celui d'actualisateur. La necessaire coexistence, dans les langues ta sujet, d'un sujet et d'un predicat comme 'nonc6 minimum, est une fagon d'assurer l'auditeur du caractbre proprement linguistique de l'mission vocale qu'il pergoit, en y faisant, hic et nunc, la preuve de son articulation en signes distincts : on, dans le frangais on danse, est une fagon de satisfaire aux habitudes actualisatrices sans avoir a expliciter l'identit6 des participants ; hier, dans l'all. hier wird getanzt, quelque adverbe qu'il soit,joue le meme r6le. Si done nous avons cru bonl2 d'identifier le nexus au moyen d'une flche 'a double pointe reliant le sujet au predicat (Jean +-+ dort), il n'en reste pas moins que le sujet se prdsente comme une modalit6 particulibre des rap-

g. On n'envisagera pas ici les probl6mes que posent les constructions dites << corrila- tives>> de types divers (A peine l'avion s'est-ilposi que le pneu a iclati, plus il travaille moins il gagne, etc.). Leur rattachement i la subordination et la coordination peut se faire de diverses farons.

Io. L'obligation d'emploi de telle ou telle fonction non sujet est sous la ddpendance de la valeur axiologique (simantique) du verbe. Par exemple, Il met sa voiture au garage, oil metire prdsuppose un objet, et igalement un lieu, sauf s'il a le sens de << mettre un v6tement >>.

ix. La Linguistique 8 (1972), fasc. I, p. 9-16. I2. Dans Convention pour une visualisation des rapports syntaxiques, La Linguis-

tique 9 (x973), fasc. I, p. 7.

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ports du substantif (et assimiles) au pr6dicat. C'est ce qu'indique, dans notre visualisation, le cadre qui cerne le pr6dicat qui est, par definition, le mon~me en fonction duquel s'ordonnent toutes les

relations syntaxiques de la phrase (Jean+- dort).

Fonction suppose subordination

Nous nous retrouvons donc, en fait, devant l'opposition simple de la subordination et de la coordination. Or, il n'est pas usuel de parler de la relation entre deux termes coordonnes comme d'une fonction et on ne voit guere l'interet qu'on aurait ta le faire. Ceci nous amine donc a pr6ciser qu'une fonction est le rapport qui est itabli dans l'6noncd entre deux monemes appartenant a deux classes compa- tibles tel qu'un mondme est le de'terminant de l'autre ou, ce qui veut dire la meme chose, qu'il existe entre les deux mondmes un rapport de subor- dination. La fonction 6tant un rapport, elle presuppose deux termes. On devrait donc dire, par exemple, << la fonction objet est un des

rapports qui s'6tablit entre le substantif et le pr6dicat >. Mais l'usage, qui s'est impos6 aux fonctionnalistes, est tout autre. On dira << ce substantif est en fonction objet >> ou << a la fonction objet >, c'est-a-dire que la fonction est attribue a l'le'dment subordonne', d6ter- minant. Certes, on entend dire que << l'article et le substantif sont dans un rapport unifonctionnel >> au contraire du substantif et du verbe qui << sont dans un rapport plurifonctionnel >. Ur.autre exemple de terminologie cons6quente se retrouve lorsqu'on d6clare

qu' << article et substantifsont dans un rapport de determination > ; mais tout change des qu'apparait<< fonction>> puisqu'on dit norma- lement que I'article exerce, par rapport au substantif, une fonction de d6termination. Ceci se comprend d'ailleurs fort bien puisque la fonction ne peut exister

qu'. partir du moment oit un article

s'ajoute au substantif. Elle apparait avec l'article. Elle est mbme la raison d'etre de l'article et c'est pourquoi on est tente, par 6co- nomie, de ne pas parler de la fonction de determinant qu'assume l'article, mais de dire simplement que l'article est un determinant du nom. Et, effectivement, l'article et ses cong6ndres ne sont, lin-

guistiquement, que cela, aussi longtemps qu'on ne cherche pas ca digager les valeurs axiologiques qui distinguent le de un, le de ce, cette, et ceux-ci de mon, ton, son, etc. Mais tout ceci n'a rien d voir avec la syntaxe.

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Tant que les rapports de classe A classe sont unifonctionnels, le choix de la fonction est impliqu6 dans celui de l'unit6, et, dans ce cas, la fonction peut toujours &tre dite de d6termination. Comme la compr6hension des messages se fait par l'identification par le r~cepteur des choix faits par l'6metteur parmi les unites qui auraient pu apparaitre A chaque point, on peut dire qu'il n'y a d'unit6 fonc- tionnelle distincte que lorsqu'il y a choix distinct. Si donc le choix d'une unit6 comme l'article entraine automatiquement un type de relation avec l'unit6 qu'il determine, il n'y a pas choix d'un type de relation et, en consequence, nous n'avons pas A poser, entre article et substantif, une uniti distincte de relation. Ceci vaut, naturellement, partout oh l'on constate un rapport unifonctionnel. < Fonction uniqueA>> 6quivaut donc A << aucune fonction >> en tant qu'unit6 distincte des unit6s dont on examine les relations dans le message. C'est pourquoi la syntaxe, en tant qu'6tude des fonctions gramma- ticales, peut passer complktement sous silence les rapports unifonc- tionnels. Tout ce qu'il y a a dire de ces rapports figure dans l'inven- taire qui est, bien entendu, le premier chapitre de la presentation de l'articulation en signes de la langue.

Il nous faut ici revenir sur ce que nous avons dit ci-dessus rela- tivement A la fonction comme supposant, entre les deux mondmes dont elle represente la relation, un rapport de subordination, et

pouvant etre attribute A l'alment subordonn6 (ou d6terminant) puisqu'elle n'existe qu'au moment o r cet dlement subordonn6

s'ajoute A un ensemble necessairement pr6existant dans l'organisa- tion de l'6nonc6. Ceci implique que nous ne saurions parler d'une fonction predicative, puisque le predicat est, par definition, le

noyau central auquel tout le reste est subordonn6 et que, par cons&- quent, les rapports entre le pr6dicat et ses d6terminations imm6- diates sont ceux d'un d6termind "A des d6terminants : ce sont donec ces derniers qui << ont une fonction >> par rapport au pr6dicat. Sans doute pourrait-on renoncer A la restriction du terme fonction A la

d6signation d'un rapport a sens unique dirig6 du determinant subordonn6 au noyau d6termine. Dans ce cas, le terme de << fonc- tion predicative >> s'appliquerait A l'ensemble des relations qui s'6tablissent entre le predicat et ses determinants. Ceci impliquerait que cette<< fonction>> se subdiviserait, en fait, en plusieurs fonctions du type << sujet >>, objet >>, < attribution >>, etc., ou, en d'autres

termes, qu'on designerait comme < fonction >> au singulier la rela- tion plurifonctionnelle existant entre le verbe comme predicat et

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Page 13: Les fonctions grammaticales

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la classe des substantifs, ce qui serait contradictoire. II parait donc clair que, dans l'expression << fonction pr6dicative o, << fonction >> n'a pas la valeur de < fonction grammaticale>> mais celle qu'on trouve dans << fonction du langage >>, c'est-a-dire celle de < r6le >>, usuelle dans le parler g6neral. La polysemie de << fonction >> peut paraitre tolerable lorsque la valeur usuelle apparait dans les emplois generaux et en phonologie et que la valeur grammaticale est reserv~e aux emplois syntaxiques. Elle est inadmissible lorsqu'on traite des relations entre les mondmes de l'6nonc&. Il est donc indispensable de remplacer << fonction predicative >> par << r61e pr6dicatif >> ou, mieux peut-etre, << emploi predicatif>>.

Nous pouvons donc r6sumer ce qui prechde en precisant qu'une fonction grammaticale est une relation a sens unique qui s'etablit de determinant a d6termine, du subordonne vers un element plus central ou, en d'autres termes, d'une expansion vers un noyau. Chacun des termes d'un 6nonc6 entre lesquels s'6tablit la relation doit 6tre consid6r6, non dans sa specificite propre, mais comme le

representant d'une classe de l'inventaire. Rien n'empache de consid6rer la relation qui s'&tablit entre la classe des articles et celle des substantifs comme une fonction intitulke << de determination A, mais cette fonction ne faisant pas l'objet d'un choix, puisqu'elle s'impose des que coexistent un article et un substantif, ne saurait ^tre consid&r~e comme une unit' linguistique distincte. Les fonc- tions deviennent des unites lorsque entre deux classes, substantifs et verbes, par exemple, on peut et doit choisir entre plusieurs rela- tions distinctes. La syntaxe est, proprement, l'6tude de ces relations.

Universiti Rend-Descartes, Sorbonne.

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