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Insectes 27 n°129 - 2003 (2) Les reconnaître Les espèces les plus répandues en Europe de l'Ouest sont le Grillon champêtre qui creuse des terriers dans les prés, le Grillon domestique qui hante les habitations et certaines stations du métro parisien ainsi que le Grillon des bois qui affectionne la litière de feuilles mortes. Les grillons d’Europe de l’Ouest et leurs noms scientifiques sont rassemblés dans le tableau 1. Les grillons appartiennent à l'ordre des Orthoptères, qui regroupe plus de 16 000 espèces réparties en deux sous-ordres : les Ensifères et les Caelifères. Les espèces du pre- mier groupe, qui réunit sauterelles mues. C’est le mâle adulte qui chante et sa stridulation porte à en- viron 50 mètres. C’est le seul grillon à creuser un terrier, parfois allant jusqu'à 20 ou 30 cm de pro- fondeur, d'où il sort quand le soleil chauffe pour manger, chanter à l'entrée, sur une petite terrasse bien entretenue, et s'accoupler. À la suite de quoi la femelle vient pondre dans le terrier du mâle. À l'automne, il s'y abrite et bouche l'entrée pour tout l'hiver. Son cou- sin le Grillon provençal, qui vit en région méditerranéenne, ne creuse pas de terrier et se contente de se cacher sous quelque pierre ou motte de terre. et grillons, sont caractérisées par des antennes filiformes, par un long appendice servant à la ponte - oviscapte- chez la femelle et par le tympan placé sur le tibia de la pre- mière paire de pattes. Les grillons portent à l'extrémité de leur abdo- men deux filaments appelés cerques, qui leur permettent de se situer dans leur environnement. Grillon champêtre Le grillon champêtre, d'une stature massive, mesure de 20 à 26 mm de long. Sa tête est plus large que le corselet. Son cycle biologique est annuel. L’adulte apparaît 9 à 10 mois après la naissance, après dix Par Gilbert et Julien Cousteaux . Les grillons Le Grillon des bois s'alimente de débris végétaux de la litière forestière. Cliché R. Coutin-OPIE Grillons provençaux en activité de parade nuptiale. - Cliché G. Blondeau-OPIE Pour célébrer l’été, les grillons les plus documentés de tout l’Internet fran- cophone (1) se retrouvent dans les pages d’Insectes : grillons à connaître, écouter et attraper, grillons à élever, combattre ou encore manger ! (1) Voir le site www.grillons.fr.st

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■ Les reconnaîtreLes espèces les plus répandues enEurope de l'Ouest sont le Grillonchampêtre qui creuse des terriersdans les prés, le Grillon domestiquequi hante les habitations et certainesstations du métro parisien ainsi quele Grillon des bois qui affectionne lalitière de feuilles mortes. Les grillonsd’Europe de l’Ouest et leurs nomsscientifiques sont rassemblés dansle tableau 1.Les grillons appartiennent à l'ordredes Orthoptères, qui regroupe plusde 16 000 espèces réparties endeux sous-ordres : les Ensifères etles Caelifères. Les espèces du pre-mier groupe, qui réunit sauterelles

mues. C’est le mâle adulte quichante et sa stridulation porte à en-viron 50 mètres. C’est le seulgrillon à creuser un terrier, parfoisallant jusqu'à 20 ou 30 cm de pro-fondeur, d'où il sort quand le soleilchauffe pour manger, chanter àl'entrée, sur une petite terrassebien entretenue, et s'accoupler. Àla suite de quoi la femelle vientpondre dans le terrier du mâle. Àl'automne, il s'y abrite et bouchel'entrée pour tout l'hiver. Son cou-sin le Grillon provençal, qui vit enrégion méditerranéenne, ne creusepas de terrier et se contente de secacher sous quelque pierre oumotte de terre.

et grillons, sont caractérisées pardes antennes filiformes, par unlong appendice servant à la ponte -oviscapte- chez la femelle et par letympan placé sur le tibia de la pre-mière paire de pattes. Les grillonsportent à l'extrémité de leur abdo-men deux filaments appeléscerques, qui leur permettent de sesituer dans leur environnement.

■ Grillon champêtreLe grillon champêtre, d'une staturemassive, mesure de 20 à 26 mmde long. Sa tête est plus large que lecorselet. Son cycle biologique estannuel. L’adulte apparaît 9 à 10mois après la naissance, après dix

Par Gilbert et Julien Cousteaux .

Les grillons

Le Grillon des bois s'alimente de débris végétaux de la litière forestière.Cliché R. Coutin-OPIE

Grillons provençaux en activité de parade nuptiale. - Cliché G. Blondeau-OPIE

Pour célébrer l’été, les grillons les plus documentés de tout l’Internet fran-cophone (1) se retrouvent dans les pages d’Insectes : grillons à connaître,écouter et attraper, grillons à élever, combattre ou encore manger !

(1) Voir le site www.grillons.fr.st

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Sa stridulation entrecoupée depauses évoque un message enmorse. Il se nourrit de feuillessèches, en particulier de chêne.Son cycle biologique présente laparticularité de s'étendre sur deuxannées, ce qui est exceptionnelchez les Orthoptères.

■ Suivre leur reproduction etleur développement Comme chez tous les Orthoptères,le mâle émet un spermatophore,vésicule contenant les spermato-zoïdes. Pendant l’accouplement ille dépose à la base de l’oviscapte,long appendice de la femelle ser-vant à la ponte. Peu après, celle-cilibère elle-même les spermato-zoïdes qui migrent alors dans sesvoies génitales. La majorité desgrillons pondent dans le sol, l'in-secte recourbant son abdomen demanière à présenter l'extrémité del'oviscapte perpendiculairement àla surface. La tarière de l'oviscapteest constituée par quatre valves, lesventrales perforent le sol et les dor-sales permettent la progression del'oviscapte dans le terrain où lesœufs seront pondus à l'aide devalves internes garnies d'aspéritéspour empêcher une remontée desœufs. Les grillons ont une vie lar-vaire comptant jusqu'à neuf stadespour le Grillon champêtre. Avantde sortir de l’œuf, le grillon subit

(2) La cause du grillon par Pierre Georges, in LeMonde du 5 décembre 1995.

■ Grillon domestiqueMesurant de 16 à 20 mm, legrillon domestique est plus frêleque le grillon champêtre. Sa stridu-lation est plus douce et la durée despauses moins régulière. Cette es-pèce ne peut durablement semaintenir qu'à l'intérieur des bâti-ments. Recherchant la chaleur, sonrefuge privilégié était le fournil du-boulanger. Aujourd'hui, on letrouve dans certaines stations dumétro parisien, particulièrementsur les lignes 3 et 9. La Ligue deprotection des grillons du métroparisien (LPGMP), associationconstituée en 1992 et comprenantune centaine de membres, se pro-pose de promouvoir l'existence desgrillons dans le métro et veille aumaintien de leurs conditions devie. Elle revendique notamment lalimitation en durée et en fréquencedes grèves (2) qui ont pour effet defaire chuter la température dansles galeries, ainsi que l'assouplisse-ment de la loi Evin qui, par l'inter-diction de fumer, prive les grillonsde mégots, source importante denourriture. En 1993, un député acrée l'Amicale parlementaire pourle soutien aux grillons du métro.■ Grillon des boisPetit grillon de moins d'un centi-mètre, très agile, jouissant d'unebonne aptitude au saut, c’est uneespèce abondante signalée danstous les pays d'Europe de l'Ouest.

une première mue. À la dernièremue, très impressionnante à voir,apparaît l'insecte parfait ou imago. Le cycle de vie du grillon deschamps est lié à l'exposition à la lu-mière du jour : les longues photopé-riodes d'été entraînent un arrêt deson développement larvaire - dia-pause -, pendant lequel il s'enterre àl'automne, toujours au même stade(adulte moins 2) passant ainsi l'hi-ver sans geler. Le cycle biologiquedes grillons ne dépasse pas une an-née, à l'exception de celui du grillondes bois d'une durée double.

■ Les écouter stridulerSeuls, les mâles adultes grésillentou grésillonnent, en soulevant obli-quement les deux élytres (ailes an-térieures dures). L'élytre droit re-couvre toujours le gauche quiporte la râpe stridulante ou archetqui va frotter le grattoir ou chante-relle de l'autre élytre. L'archet estconstitué par un alignement dedents lamellaires, se chevauchantlégèrement. Lors de la fermeturedes élytres, chaque dent frottéecontre une nervure de l'élytre op-posé provoque un train d'ondessoutenues et uniformes. Lesélytres jouent le rôle de caisse derésonance en modulant les vibra-tions. Deux zones membraneuses,la harpe et le miroir, amplifient lessons émis.

Tableau I. La famille des grillons (Gryllidae) d'Europe de l'Ouest comporte cinq sous-familles.

Sous-famille Nom français EspèceGrillons agrestes Grillons des bastides ou de Dalmatie Gryllomorpha dalmatinaGryllinae Grillon bordelais ou d'été Tartarogryllus burdigalensis

Grillon champêtre ou des champs Gryllus campestrisGrillon domestique ou du foyer ou des maisons

Acheta domesticus

Grillon à front jaune ou oriental Modicogryllus frontalisGrillon des jas Gryllomorpha uclensisGrillon ligure Petaloptila andreiniiGrillon noirâtre ou pubescent Melanogryllus desertusGrillon provençal ou bimaculé Gryllus bimaculatusGrillon replet Gryllodes sigillatusGrillon testacé ou siffleur ou de montagne

Eugryllodes pipiens

Grillons sylvestres Grillons des bois ou forestier Nemobius sylvestrisNemobiinae Grillon des marais Pteronemobius heydenii

Grillon des torrents Apteronemobius lineolatus

Grillons squameux Grillon des Cistes Rachnocephalus vestitusMogoplistinae Grillon écailleux Mogoplistes brunneus

Grillon maritime Mogoplistes squamiger

Trigonidions Trigonidiinae Grillon des jonchères Trigonidium cicindeloides

Œcanthes Oecanthinae Grillon d'Italie ou G.transparent Oecanthus pellucens

Le chant mélodieux du Grillon italien ponctueles nuits estivales dans une grande partie dela France. - Cliché H. Guyot

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Si l'on a pu reconnaître six chantsdifférents chez certaines espècesd’Orthoptères, seuls trois d'entreeux ont été clairement interprétéspour les grillons : la stridulation derivalité afin d'intimider un autremâle, ou d'accompagner un combatentre rivaux ou d'exprimer la vic-toire ; le chant de cour, prélude àl'accouplement ; le chant d'appelsexuel (le plus fréquent) qui a pourfonction d'orienter la femelle vers leterritoire du mâle. L'attrait sembleirrésistible, un enregistrement pro-duisant le même effet (en 1913, unprofesseur de lycée à Vienne a, defaçon expérimentale et pour la pre-mière fois, fait chanter un mâledans un téléphone et a constaté quela femelle s'approchait de l'écou-teur). Le chant de cour, émis aprèsquelques contacts antennaires, estplus bref et plus métallique. Le répertoire acoustique desgrillons n'est ni appris ni impro-visé, il est entièrement inné. Lechant d'appel de deux espèces exo-tiques (Eneoptera guyanensis etLerneca fuscipennis) se caractérisepar d'importantes modulations defréquence. On savait que certainesespèces émettent à des fréquencesdifférentes selon la températureambiante (grillons thermomètres,en particulier Oecanthus). Les râpesdes deux espèces sus-citées sont hé-térogènes tant en ce qui concerne ladistribution que la structure mêmedes dents. Pendant qu'ils frottentleurs élytres, les grillons désensibi-lisent leur système auditif pour ne (3) En ligne à www.e-fabre.com

pas être assourdis par leur proprechant. Une expérience menée pardeux chercheurs de l'université deCambridge a montré que l'inhibi-tion n'est pas déclenchée par un sti-mulus acoustique ou par un mou-vement des muscles, mais par lesystème nerveux.Le chant du grillon domestiqueétait et est toujours très appréciédes Chinois qui les élèvent encorede nos jours dans de petites cages.On a rapporté que des dames de lacour impériale enfermaient desgrillons dans des cages doréesqu’elles plaçaient près de leur litpour favoriser leur sommeil.Au Japon, après la Seconde Guerremondiale, la tradition de l'élevagedes grillons chanteurs a régressé.Cependant, de nos jours, le“grillon cloche” (suzumushi) conti-nue à être élevé pour être venduen raison de sa popularité.

Les capturer

■ Méthode de capture“Le moyen de faire sortir le grillon estconnu de tous. Une paille est intro-duite et doucement agitée dans le ter-rier. Surpris de ce qui se passe là-haut, chatouillé, l'insecte remonte deson appartement secret ; il s'arrêtedans le vestibule, hésite, s'informe enremuant ses fines antennes ; il vient àla lumière, il sort, désormais facilecapture, tant les événements ont trou-blé sa pauvre tête. Si, manqué unepremière fois et devenu plus soupçon-neux, il résiste aux titillations de lapaille, l'inondation d'un verre d'eaudéloge l'obstiné.” J.-H. Fabre (3).Si la méthode pour “tuter” legrillon est connue de tous, il n'enest pas de même de celle qui per-met de localiser, avec facilité et àcoup sûr, le trou dans lequel legrillon s'est terré après avoir dé-tecté le chasseur à l'approche. 1 -Individualiser le chant d'ungrillon dans un pré parmi plu-sieurs sources sonores 2 - tracervirtuellement une ligne droite, endirection du bruit, en prenant

deux points de repère comme desarbres 3 - se déplacer à 90°, en te-nant compte éventuellement duvent (s'il souffle, marcher contre levent) 4 - se diriger, le plus discrète-ment possible, vers la source so-nore en suivant une deuxièmeligne imaginaire, perpendiculaireà la première 5 - à l'intersectiondes deux lignes, se trouve l'entréedu terrier. Il ne reste plus qu'à enfaire sortir le grillon ! Un arrêté du 22 juillet 1993 relatifà la liste des insectes protégés enÎle-de-France complète la liste na-tionale en interdisant notammentla capture du grillon d'Italie.

■ Championnat du mondeEn 1981, dans le Gers, à Lavardens,a été organisé le premier cham-pionnat du monde des tuteurs degrillons. Au son du canon, un di-manche de juin, les tuteurs inscritsdans trois catégories (plus dedouze ans - moins de cinq ans),munis d'une paille et d'une cage serendent sur un pré délimité par lejury et ils doivent faire sortir deleur trou trois grillons et les rame-ner vivants dans la cage. Le plus ra-pide est sacré champion dumonde. Après la proclamation desrésultats, les grillons capturés sontremis en liberté. Le 2 juin 2002,62 inscrits, 35 grillons capturés. Levainqueur a réalisé les trois prisesen vingt minutes.

Les élever

■ Cages de transportUn seul grillon mâle est placédans une cage. Il est nourri avecdes feuilles de salade ou de choux,

Pour en entendre plus...

• F.-R. De Bonnet - Guide sonore des saute-relles, grillons et criquets d'Europe occidentaleDelachaux et Niestlé.• J-C. Roché et J. Thévenet - Cigales etgrillons - Éd. Sitelle, 2000. • Nashvert, 1999 - Cris et chants des ani-maux sauvages en France - Parmi les 70sons, 8 chants de grillons (provençal,champêtre, domestique, bordelais, testacé,des bois, des marais, d'Italie).• A.-J. Andrieu et B. Dumortier -Entomophonia : chants d’insectes - INRAéditions, 1994.• Site OPIE sur Internet : www.inra.fr/opie-insectes/stridu.htm• La communication auditive chez le grillonà www.ac-toulouse.fr/svt/labo/gaccueil.htm

Boîtes de transport de grillons de combat(Chine) - Clichés R. Guilbot – OPIE

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des morceaux de pommes ou depoire pelées. En France, il devientdifficile de se procurer des cagessolides avec des barreaux en mé-tal. Des animaleries proposent à lavente des cages en plastique. EnChine, de nos jours, les cages enbois sont de petite taille, en demi-lune, de la taille d'un paquet de ci-garettes, ou en forme de sablier.Leur taille réduite permet de lesgarder à la main , voire sous lesaisselles où la chaleur environ-nante déclenche leur chant.

■ Vivarium Pour un élevage rationnel, il est re-commandé d'utiliser :- un bac en verre collé pour préve-nir les évasions le long des cor-nières, une ampoule vissée (25 ou40 watts) dans le couvercle pouratteindre la température idéale de28°, - des abris constitués par desboîtes à œufs pour limiter lesagressions entre mâles, - unabreuvoir à oiseaux muni d'uneéponge pour éviter les noyades, -des pondoirs avec du sable ou duterreau humide et changés régu-lièrement. Pour éviter le rachi-tisme ou le cannibalisme liés àune surpopulation, il est conseilléde répartir les grillons dans plu-sieurs vivariums en ne faisant pascohabiter des grillons d'âges tropdifférents. La mortalité précocedes jeunes se produit tant dans lanature que dans un élevage. Il ar-rive également que des grillonsperdent une patte postérieure quiprésente une zone de fragilité à sabase. Saisie par un congénère

agressif, elle se détache sans granddommage, un peu comme pourun lézard qui perd sa queue.

■ NourritureIl est conseillé de varier la nourri-ture donnée aux grillons en capti-vité : des feuilles de salade ou dechoux, des morceaux de fruits pe-lés ou de légumes frais, des bis-cuits pour chiens, des croquettespour chatons, des flocons pourpoissons (pour les nouveaux-nés).Ne pas oublier de l'eau, qui peutêtre apportée par les fruits et les lé-gumes, tout en évitant les noyades.

Vue générale d'un élevage de jeunes duGrillon domestique - Cliché H. Guyot

Les abris sont nécessaires à l'évolution optimale d'un élevage de jeunes du Grillondomestique - Cliché H. Guyot

Adultes de Grillon domestique en période dereproduction (mâles stridulants)Cliché H. Guyot

Femelles de Grillon domestique s'affairantautour d'un pondoir - Cliché H. Guyot

Mangeoire d'un élevage de jeunes du Grillonprovençal - Cliché H. Guyot

Les donner à manger et… Dans la nature, les principaux prédateurssont le crapaud et la musaraigne. En ville,les grillons servent à nourrir certains “nou-veaux animaux de compagnie”, comme desreptiles, des grenouilles, des scorpions, desmygales, des lézards, des caméléons etautres geckos. Des grillons séchés, enrichisen vitamines et calcium et parfumés, sontproposés à la vente comme nourriture, etune société propose même un produit quiimite l'odeur du grillon.

…les déguster !Comme beaucoup d’insectes, le grillonconstitue une importante source protéique(son corps en contient 62% contre 23%pour le poulet, 20% pour le bœuf et 17%pour le porc). Il est consommé dans plu-sieurs régions du monde et lorsqu’on ne luiattribue pas simplement des vertus théra-peutiques (Insectes n°120), il se prête assezbien à la cuisine. Parmi les recettes propo-sées sur Internet : terrine de grillons, saladecri-cri, sauce méditerranéenne aux grillons,paella aux grillons, beignets de grillons,grillons séchés au soleil, galettes de grillonsau caramel à la mode mexicaine, grillonsnature, sorbet aux grillons, pain auxgrillons, sans oublier les grillons au choco-lat ou les sushis de grillons.

■ Les voir combattre Des combats sont organisés enChine, en Indonésie, au Vietnamet à Madagascar. Ils se déroulentselon une gradation stéréotypée :escrime avec les antennes, écarte-ment des mandibules, prise demandibules, corps à corps. Lors del'exposition sur “5 000 ans desport en Chine : art et tradition”,qui s'est tenue en 1999 au Muséeolympique de Lausanne, le combatde grillons était présenté “commeun lien fédérateur qui cimente la

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Chine depuis des lustres”. Il estvécu intensément par beaucoup,du moindre hameau au palais im-périal. Autour d'un pot circulairequi tient lieu d'arène, les foules sepressent pour assister aux affronte-ments d'athlètes dûment entraînésau gongfu et souvent des paris sontengagés.La coutume d'avoir chez soi desgrillons pour les combats, ou sim-plement pour le chant, a été forcée àla clandestinité pendant la révolu-tion culturelle, étant considéréecomme un passe-temps bourgeoisréservé aux riches oisifs. Des for-tunes ont été jouées sur des paris quisont toujours organisés à Shanghai. Le vainqueur porte le titre de“grand maréchal”. Dans la pro-vince de Shan Dong, région de laChine du Sud, depuis 2000 ans,des grillons sont élevés en vue decombats. Ils sont parfois gardésdans des pots dont le fond est ornéde la représentation d'une des 108divinités guerrières.Quand un grillon rompt le com-bat, il refuse de le reprendre pen-dant un jour. Pour lui redonner sacombativité, les Chinois le se-couaient entre leurs mains jointes.Récemment, des scientifiques al-lemands ont expliqué la raisond'une telle manipulation : les gan-glions thoraciques du grillon, res-ponsables de la coordination duvol, envoient un signal nerveux aucerveau, centre de l'agressivité (4).

En Chine, les grillons de combat sont toujours présents sur les marchés. - Clichés R. Guilbot – OPIE

■ Les combattrePour limiter l'invasion des mai-sons par des grillons, il est habi-tuel d'utiliser des insecticides.Pour éviter le danger d'un tel em-ploi, il existe des méthodes écolo-giques comme de les attirer enmélangeant de la mélasse avec del'essence de vanille ou de jus de ci-tron dans de l'eau. Les grillonsvont s'y noyer et il est facile de s'endébarrasser. Il est également re-commandé de boucher les trouspar lesquels ils peuvent s'infiltrerdans les maisons.

■ Les élire En Allemagne, où ses populationstendent à se réduire en raison de ladestruction de leur biotope et où il ad'ores et déjà disparu de certainesrégions, le grillon des champs a étédésigné comme insecte de l'année2003. Depuis 1999, une commis-sion de scientifiques désigne un “in-secte de l'année” afin d'attirer l'at-tention sur ce groupe qui rassembleprès de 60 % des espèces animalesactuellement répertoriées. r

Les auteursGilbert et Julien Cousteaux6, rue de Queven - 31000 [email protected]

Pour en savoir plus...• À la rencontre des Sauterelles, Criquetset Grillons – Cahier technique de laGazette des terriers n°102 – Fédération desclubs CPN, 2002.• D’Aguilar, J. - Le Grillon : florilège ento-mologique - Insectes n°116, 2000.• Bellmann H., Luquet G.-C. - Guide dessauterelles, grillons et criquets d'Europe occidentale – Delachaux et Niestlé, 1995.• Bérenger-Lévêque P. - Le grillon du métro– Boubée, 1988.• Guyot, H. - L'élevage des grillons –Insectes n°78, 1990.• M. Cayre M., Strambi A. - La neurogé-nèse dans le cerveau du grillon domes-tique - Insectes n°119, 2000.• Petit, D. - Orthoptères du Limousin -Insectes n°124, 2002.• Thomas F., et coll. - Do Hairworms(Nematomorpha) manipulate their terres-trial host to seek water? - Journal ofEvolutionary Biology 15: 356-361, 2002.• Vincent, C. - Le grillon, avec ou sansdomicile fixe - Le Monde du 1er octobre2000.Sur Internet • Les extraits des Souvenirs entomolo-giques : Jean-Henri Fabre à www.e-fabre.com• Les grillons du métro parisiens àperso.wanadoo.fr/antoine/lpgmp/

Les noyer Le ver Gordius (Paragordius tricuspidatus),connu depuis le XIe siècle, passe près d'un an de son existence dans l'abdomen d'uneautre espèce. Avalé sous forme de larve parle grillon, il se développe en dévorant lagraisse, les organes reproducteurs, sanstoucher aux organes vitaux. Au terme d'uneannée, le ver, qui a atteint sa maturitésexuelle, doit trouver un partenaire dansl'eau. Or, le grillon n'aime pas le milieuliquide. Pour le contraindre à plonger, le verémet une substance chimique qui agit surson cerveau. C'est ainsi que l'on peut trou-ver des grillons noyés dans des réservoirs,des piscines voire dans des seaux d'eau.

Ver Gordius s’extrayant de l’abdomen d’ungrillon “suicidé” dans une piscine.Cliché extrait du film Le manipulateur(VBFilms)

Le manipulateur - Un film de 55 min réalisé parYves Elie, produit par CNRS Images media et VBFilms - Conseiller scientifique : Frédéric Thomas(Centre d'études sur le polymorphisme des microor-ganismes, UMR CNRS, Montpellier) - 2002

(4) Parieurs : le secret… en Épingle àwww.inra.fr/opie-insectes/epingle00.htm#criquet

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