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LA REVUE DU PÔLE Patrimoines bâtis, immatériels, culturels et naturels, des Hommes et des savoir-faire. CULTURE & PATRIMOINES L’ÉDITORIALISTE INVITÉ Le capital Van GOGH par Jean-Paul Capitani, Président du Directoire d’Actes Sud Pour réaliser ce qu’est l’économie créative, culturelle et patrimoniale, rien de mieux que de penser aux frères Van Gogh qui ont engendré un patrimoine colossal ; l’œuvre de Vincent mais aussi tous les peintres qu’ils ont achetés et soutenus (Gauguin, Toulouse-Lautrec, Degas…). Ceci représente une fortune bien supérieure à celle de Warren Buffet. D’un autre côté, il ne faut pas oublier que la création, ce n’est pas piller les matières pre- mières, exploiter les gens, détruire la vie de la terre avec les pesticides, considérer les enfants comme un marché, etc. Faisons confiance au génie créatif de la société civile, cher à Pierre Rabhi. Résoudre le chômage, rendre nos enfants heureux et créatifs, accueillir les migrants qui sont là, restaurer notre relation à la terre, au sauvage par le respect des écosystèmes. C’est un passage à l’acte. Il faut donc créer, inventer une nouvelle économie, la société civile est là, avide d’actions, pleine d’enthousiasme. Les politiques doivent écarter les nuages, les syndicats oublier le corporatisme, les administrations les délais, pour laisser se développer cette nouvelle éco- nomie qui doit bénéficier des mêmes conditions que l’autre, cette économie qui pille, détruit et exploite. Je récapitule : Créative : énergies nouvelles, économie circu- laire… Culturelle : musique, danse, littérature, archi- tecture durable… Patrimoniale : arrêter de piller les ressources du sol, les forêts, les océans. Certains ont déjà commencé à vivre cela, Arles pourrait être, avec d’autres, un laboratoire de la transition. N°13 décembre 2017 Ces territoires qui misent sur la culture LES TÉMOIGNAGES Steven Hearn, entrepreneur culturel disruptif LE PORTRAIT Les industries culturelles et créatives, levier de développement économique LE DOSSIER © Marc Melki

Les industries culturelles et créatives,...Les industries culturelles et créatives, levier de développement économique ©DR La Revue du Pôle Culture & Patrimoines est publiée

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LA

REVUE DU PÔLEPatrimoines bâtis, immatériels, culturels et naturels, des Hommes et des savoir-faire.

CULTURE& PATRIMOINES

L’ÉDITORIALISTE INVITÉ

Le capital Van GOGHpar Jean-Paul Capitani, Président du Directoire d’Actes Sud

Pour réaliser ce qu’est l’économie créative, culturelle et patrimoniale, rien de mieux que de penser aux frères Van Gogh qui ont engendré un patrimoine colossal ; l’œuvre de Vincent mais aussi tous les peintres qu’ils ont achetés et soutenus (Gauguin, Toulouse-Lautrec, Degas…). Ceci représente une fortune bien supérieure à celle de Warren Buffet. D’un autre côté, il ne faut pas oublier que la création, ce n’est pas piller les matières pre-mières, exploiter les gens, détruire la vie de la terre avec les pesticides, considérer les enfants comme un marché, etc. Faisons confi ance au génie créatif de la société civile, cher à Pierre Rabhi. Résoudre le chômage, rendre nos enfants heureux et créatifs, accueillir les migrants qui sont là, restaurer notre relation à la terre, au sauvage par le respect des écosystèmes. C’est un passage à l’acte. Il faut donc créer, inventer une nouvelle économie, la société civile est là, avide d’actions, pleine d’enthousiasme. Les politiques doivent écarter les nuages, les syndicats oublier le corporatisme, les administrations les délais, pour laisser se développer cette nouvelle éco-nomie qui doit bénéfi cier des mêmes conditions que l’autre, cette économie qui pille, détruit et exploite. Je récapitule :Créative : énergies nouvelles, économie circu-laire…Culturelle : musique, danse, littérature, archi-tecture durable…Patrimoniale : arrêter de piller les ressources du sol, les forêts, les océans. Certains ont déjà commencé à vivre cela, Arles pourrait être, avec d’autres, un laboratoire de la transition.

N°13 décembre 2017

Ces territoiresqui misent sur la culture

LES TÉMOIGNAGES

Steven Hearn,entrepreneur culturel disruptif

LE PORTRAIT

Les industries culturelles et créatives, levier de développement économique

LE DOSSIER

©Mar

c M

elki

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LES BRÈVES

Si la culture française peut se targuer d’être une « exception » au regard du droit international, elle ne fait cependant pas exception au secteur économique de notre pays. Au contraire, elle en constitue une composante de plus en plus importante ces dernières années comme le montre le développement des industries culturelles et créatives dans de nombreux territoires français.

Les Suds, en hiver !

Du 17 au 24 février prochain, Les Suds,à

Arles lèveront le voile sur la première édi-

tion d’un tout nouveau rendez-vous… De

Saint-Martin-de-Crau à Arles, en passant

par Boulbon, Saint-Pierre-de-Mézoargues

et Tarascon, Les Suds, en hiver offriront

une semaine de concerts à travers le terri-

toire.

À cette occasion et après avoir mis à jour

ses formules de partenariats aux contrepar-

ties multiples (défiscalisation, visibilité, re-

lations publiques, etc.), SUDS réunira ses

partenaires autour d’un cocktail privé.

3 façon de s’associer aux Suds,à Arles :

- Les Grands Partenaires,

- Le Club des Entreprises Partenaires, ré-

seau d’entrepreneurs impliqués dans le

territoire

- Les Réceptions Privées, soirées clefs en

main au Théâtre Antique pour les clients

privilégiés, les salariés d’entreprise, les

apéros-réseaux…

Contact : [email protected] ▶ www.suds-arles.com/fr/2017

A-Corros en Polynésie Française!

Après avoir créé le Centre d’Etudes et de

Restauration de l’Océan Indien (CEROI)

sur l’île de la Réunion, A-CORROS inter-

vient désormais en Polynésie Française !

La société A-CORROS a en effet été man-

datée en octobre 2017 par le Service de

la Culture et du Patrimoine de Polynésie

Française pour réaliser le constat d’état et

les préconisations de restauration de 14

canons et de 2 ancres en cotraitant de la

société SMBR qui réalise parallèlement le

diagnostic de 15 sites patrimoniaux d’ex-

ception sur le territoire polynésien. Ces

canons, de 4 modèles différents (1820,

1837, 1841, 1859), ont été extraits cette

année du quai des paquebots à Papeete où

ils servaient de bittes d’amarrage afin d’être

restaurés et exposés par le Ministère de la

Culture, dans le cadre d’une opération de

restauration qui s’étalera entre mars 2018

et mars 2019.

SIPPA – du 16 au 18 mai 2018

Le SIPPA s’installe comme le rendez-vous

annuel des professionnels des patrimoines

et s’ancre dans l’écrin du Parc des Ate liers

à Arles.

Le programme est en cours de constitu-

tion, mais sachez déjà que les collabora-

tions entre le Louvre et des professionnels

Arlésiens sur des monuments soudanais et

égyptiens seront en l’honneur, ainsi que la

thématique de la construction acier dans

le patrimoine. De plus le SIPPA ouvre ses

portes au grand public, avec le jeudi soir

une conférence sur un sujet très prochai-

nement dévoilé et qui devrait susciter un

fort intérêt. Et bien entendu, un panel de

professionnels sera également présent sur

des espaces de stands pour présenter leurs

compétences et savoir-faire. ▶ www.sippa.eu

A Noël, capturez les Arlésiennes !

En famille, avec votre tribu, baladez-vous

en centre-ville, dénichez des cibles et dé-

couvrez les secrets d’Arles avec Culturo-

Game, un jeu de chasse urbaine en réalité

augmentée.

Jouez, découvrez et gagnez des dizaines de

cadeaux !

Avec la complicité du Museon Arlaten, qui

sera le premier à dénicher la Tarasque, Vé-

nus ou Frédéric Mistral ?

Application Smartphone CulturoGame gra-

tuite ▶ Jeu disponible dès le 20 décembre sur les AppStore ou téléchargeable via ce lien www.culturogame.com/app

Les élus locaux ont en effet pris la mesure du poids économique que représentent ces industries et s’en servent comme levier de développement économique. En témoignent les nombreux clusters, ou grappes d’entreprises, qui redonnent vie à des friches indus-trielles et d’où sortent une multitude de projets et d’innovations.

N’en déplaise à certains, la culture est économie. Pour s’en convaincre, il suffit de lire la définition que donne le Larousse du mot économie : « Ensemble des activités d’une collectivité humaine relatives à la production, à la distribution et à la consommation des richesses ». Oui la culture génère des richesses intellectuelles mais aussi sonnantes et trébuchantes. « L’approche écono-mique de la culture est ancienne. Il y a toujours eu des entreprises privées dans le secteur de la culture, même avant la Seconde Guerre Mondiale. Puis les politiques ont rangé la culture dans le secteur du non-marchand, du régalien. Les théâtres publics c’est quelque chose de récent », explique Steven Hearn, entrepreneur cultu-rel qui a très tôt compris l’intérêt d’investir dans ce secteur (voir notre portrait en page 8). La puissance publique a pris conscience du poids des industries culturelles et créatives dans l’économie française.

En témoigne le rapport commandé conjointement en 2013 à Steven Hearn par le ministère de la Culture et de la Communication et le ministère du Redres-sement Productif. Il y a quatre ans, dans leur lettre de mission, les ministres Aurélie Filippetti et Fleur Pellerin indiquaient que le secteur artistique et cultu-rel comptait plus de 200 000 entreprises employant l’équivalent de 1,4 million de personnes à temps plein.

83 milliards d’euros de revenus en 2013

En octobre 2015, le panorama de l’économie de la culture et de la création en France commandé par la plate-forme France Créative (qui regroupe les acteurs de toutes les filières des secteurs culturels et créa-tifs) et réalisé par le cabinet d’études Ernst & Young

--Pôle Pixel

Canon polynésien extrait à Papeete

2 La revue du Pôle N°13 décembre 2017 La revue du Pôle N°13 décembre 2017 3

LE DOSSIER

Les industries culturelles et créatives, levier de développement économique

©DR

La Revue du Pôle Culture & Patrimoines est publiée par le Pôle Culture & Patrimoines.

[email protected] 06 14 89 18 39

17 chemin de Severin -13200 Arles

www.industries-culturelles-patrimoines.fr / N° ISSN: 2555-932X

Éditeur responsable : Jean-Bernard Memet

Comité de rédaction : L. Bertrand, X. Delaporte, S. Dumagel, L. Jarmas-son, J. Lallement, M. Lataillade, G. Martinet.

Maquette et mise en page : Agence Canopée

Photographies (sauf mention contraire) : Xavier Delaporte

Texte (sauf mention contraire) : Stéphanie Dumagel

Avec le soutien de nos partenaires :

Par Steven Hearn, synthèse Sur le dévelop-pement de l’entreprenariat dans le secteur culturel en Francewww.culturecommunication.gouv.fr

SUR LE DÉVELOPPEMENT DE L’ENTREPRENEURIAT DANS LE SECTEUR CULTUREL EN FRANCE

RAPPORT

À LA MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION

ET

AU MINISTRE DE L’ÉCONOMIE, DU REDRESSEMENT PRODUCTIF

ET DU NUMÉRIQUE

par Steven Hearn

en association avec Olivier Saby

Juin 2014

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montrait la place prépondérante et le dynamisme des industries culturelles et créatives au sein de l’éco-nomie française. En 2013, ces industries ont géné-ré plus de 83 milliards d’euros de revenus dont 72,7 milliards de revenus directs et employé 1,3 million de personnes dont 96 % d’emplois directs. « Entre 2011 et 2013, l’économie culturelle s’est mieux portée que l’économie nationale, avec une augmentation de 1,2 % de l’ensemble des revenus (alors que le PIB a crû de 0,9 % sur la période) et des emplois directs de +1,5 % (contre 0,2 % pour la moyenne nationale) », souligne l’étude.

Le poids de la culture dans l’économie a également été mis en avant en décembre 2013, par l’Inspection générale des affaires culturelles et l’Inspection géné-rale des Finances qui ont été chargées d’une mission conjointe sur les agrégats économiques de la culture. Leur rapport montre qu’en 2011 les branches cultu-relles contribuaient à 3,2 % de la richesse nationale. « La valeur ajoutée des activités culturelles (57,8 milliards d’euros) est équivalente en 2011 à la valeur ajoutée de l’agriculture et des industries alimentaires. Elle représente sept fois l’industrie automobile, quatre fois l’industrie chimique ou l’assurance et plus de deux fois les télécommunications », précise le rapport des Inspections générales. Un poids économique indé-niable et dont on peut penser qu’il prendra encore plus d’importance avec le développement du numé-

rique qui tend à élargir les possibilités d’expression des industries culturelles et créatives car comme l’indique l’Unesco : « À travers les progrès, ces vingt dernières années, des technologies nouvelles telles que l’Internet, le commerce électronique et les fichiers électroniques qui rendent le partage, le commerce et la consommation des biens et services culturels plus faciles qu’aupara-vant, la mondialisation exerce un impact profond sur les industries créatives ».

Les pouvoirs publics accompagnent les entrepreneurs culturelsÀ la lecture des chiffres macro-économiques rappor-tés par ces différentes études, les pouvoirs publics ont pris conscience que ces industries pouvaient constituer un levier de développement économique. Désormais, il n’y a pas que les événements culturels tels que les festivals qui ont des retombées écono-miques sur un territoire. Des entreprises installées de manière pérenne sont elles aussi créatrices de richesses et pourvoyeuses d’emplois souvent non délocalisables. C’est la raison pour laquelle, un peu partout en France, les pouvoirs publics locaux ont décidé d’aider et d’accompagner les entrepreneurs culturels en créant des pôles au sein desquels les industries culturelles et créatives peuvent s’épanouir.

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La métropole nantaise est une des premières à avoir pris ce virage. Grâce au Creative Factory, le pôle d’excellence dédié au développement des industries culturelles et créatives sur son territoire, lesdites industries ont enregistré, entre 1993 et 2014, une croissance de 63 %. L’île nantaise de la création rassemble plus de 9 000 entreprises, plus de 38 000 emplois privés en croissance de 15 % entre 2007 et 2012 (contre 5 % pour l’ensemble des autres filières), et au total près de 90 000 emplois. « On est en avance sur notre plan d’action. On a atteint les deux tiers des objectifs. La dynamique économique du territoire est en train de se consolider. Aujourd’hui, nous sommes sollici-té par des nombreuses entreprises qui veulent s’installer à Nantes », se félicite Fabrice Berthereaux, directeur général adjoint de la Creative Factory, qui est régu-lièrement sollicité par d’autres territoires français et étrangers pour parler de la réussite nantaise.

« Beaucoup de territoires aujourd’hui souhaitent accom-pagner l’émergence des industries culturelles et créatives. C’est un vrai choix acté par les collectivités » observe le responsable de la Creative Factory nantaise.

De nombreux clusters émaillent le territoire nationalEt ces dernières années, de nombreux clusters axés sur les industries culturelles et créatives ont vu le jour, s’appuyant pour être efficaces sur les caractéristiques et les savoir-faire locaux. À Arles, le Pôle Culture & Patrimoines fédère depuis dix ans les acteurs économiques des filières culture et patrimoines et a pour mission de structurer et animer la stratégie de promotion du territoire arlésien autour de la musique,

de l’image, de l’édition et des métiers du patrimoine. Une stratégie qui se concrétise dans le projet de réhabilitation des papèteries Étienne, une friche industrielle qui accueillera les entreprises de ces filières (voir notre encart).

À Paris, le Numa accueille et soutient des entreprises du numérique, Magélis à Angoulême rassemble des professionnels de la fillère image et de l’audiovisuel numérique (animation, tournages, jeu vidéo, image numérique, réalité virtuelle et bande dessinée), Ici Montreuil se veut un « Creative Space » pour les artistes, les artisans, les entrepreneurs et les start-up de la création (communication digitale, graphisme, mode, édition...), Culture & Coopération à Saint-Étienne se définissait comme « une démarche » de partage de ressources et de développement de pro-jets collectifs, Citia à Annecy est une cité de l’image en mouvement, le Pôle Pixel à Villeurbanne réunit des entrepreneurs dans les secteurs du cinéma, de l’audiovisuel, du jeu vidéo, du web et des nouveaux médias (voir notre encart) ou encore le Damier à Clermont-Ferrand qui soutient les professionnels de la musique et de l’image (voir notre encart), sont autant d’exemples de clusters qui ont émergé ces dernières années.

Une prolifération qui s’avère être positive tant au niveau local que national. « Les pépinières ou clusters d’entreprises culturelles sont une bonne chose, cela per-met de créer les conditions favorables pour que les en-treprises viennent s’installer sur un territoire. La culture c’est de l’économie, de l’emploi, du tourisme », souligne Steven Hearn. « Plus il y aura de pôles économiques qui se développeront dans le secteur des industries créatives et culturelles, plus cela légitimera la démarche, per-mettra de crédibiliser notre secteur d’activité, incitera les dirigeants à investir dans le secteur et fera prendre conscience aux pouvoirs publics de l’impact économique

Forum Entreprendre dans la Culture en PACA organisé par l’ARCADE. Aix-en-Provence, novembre 2017 Bar et espace de coworking, Numa, Paris

Quartier de la création, Nantes

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SIPPA, Arles, mai 2017

W W W . S I P P A . E U

22 AU 24 MAI 2017PARC DES ATELIERS

Pays invité : l’Algérie

3e ÉDITION

Stands exposants Conférences & ateliersRendez-vous d’aff aires

SALON INTERNATIONAL DESPROFESSIONNELS DES PATRIMOINES

À ARLES

Un projet de la Fondation LUMAUn projet de la Fondation LUMA

Journée du Pôle, Correns, mars 2009

Museomix, Arles, novembre 2014

6 La revue du Pôle N°13 décembre 2017 La revue du Pôle N°13 décembre 2017 7

que ces industries représentent. Il faut faire masse dans nos secteurs d’activité. Plus il y aura de pôles, plus notre démarche sera crédible. Il ne faut pas relâcher la pres-sion », renchérit le directeur du Pôle Pixel à Villeur-banne Sébastien Thomas- Chaffange.

Créer du lien

S’ils évoluent parfois dans des secteurs différents des industries culturelles et créatives, ces clusters ont tous pour objectif d’accompagner les porteurs de projets, de les aider à développer leur marché et de mettre en réseau les entreprises. Pour cela, la plupart disposent d’espaces de coworking pour faciliter les échanges, de fab labs et d’ateliers créatifs pour favori-ser l’innovation. Christine Liefooghe, maître de confé-rence à l’Université de Lille 1, a travaillé sur le rôle de la créativité dans les territoires.

« L’économie de la créativité montre que l’innovation n’est plus réservée aux laboratoires et aux chercheurs, elle s’élargit. Ce ne sont plus les mêmes espaces de pro-duction, souligne l’universitaire. Pendant longtemps, on a pensé qu’il suffisait de créer un cluster pour que ça marche mais le développement économique n’est pas systématique. Le développement économique est lié à la densité de population présente sur le territoire, à la

haute qualification des entreprises qui innovent, à l’ou-verture d’esprit des habitants, à la présence d’animations (sorties, restaurants, espaces de rencontres...). Il faut aussi que les entrepreneurs soient en mode projet. Mais le plus important est qu’il faut créer du lien. Les clusters qui fonctionnent sur une longue durée sont ceux qui arrivent à se brancher en réseau », renchérit Christine Liefooghe.

Sans doute une des raisons du succès de l’île de la création à Nantes qui fait partie du réseau ECIA (European Creative Industries Alliance) aux côtés de Barcelone, Berlin, Amsterdam et Milan. L’implanta-tion d’un cluster a donc directement un impact sur l’économie locale. Les pouvoirs publics ont un rôle majeur à jouer en facilitant le dialogue entre les acteurs et en développant des politiques publiques de soutien à cette dynamique. « Les politiques doivent être cohérentes sur la longueur car si les projets changent à chaque élection, l’échec économique de l’opération est presque certain. Les élus doivent également savoir faire évoluer le contenu et la forme du projet si l’idée initiale s’avère être une fausse bonne idée ou si le contexte économique ou technologique change. Enfin, les pouvoirs publics ne doivent pas avoir une gouver-nance qui cherche à tout contrôler mais avoir une gou-vernance créative qui privilégie la transversalité entre les services (économie, culture, urbanisme, emploi...) et l’ouverture aux citoyens sur le mode de la confiance », analyse Christine Liefooghe.

À condition de disposer d’un bon terreau, les terri-toires ont donc tout intérêt à miser sur les industries culturelles et créatives en attirant les entrepreneurs et en les aidant à se mettre en réseau. D’autant que l’économie de la culture est un élément déclencheur dans le choix de la France comme destination tou-ristique. Avec 38 sites classés au patrimoine mondial de l’Unesco, 8 000 musées, plus de 2 000 festivals musicaux, la culture est un levier d’attraction touris-tique et donc de développement économique. Selon l’étude du cabinet Ernst & Young, les impacts des industries culturelles et créatives sur le tourisme étaient estimés en 2013 à 2,327 milliards d’euros, sous forme de billetterie (musées, spectacles...). La même étude estime que les retombées indirectes comprises comme les dépenses touristiques diverses (shopping, alimentation, restauration) issues d’un séjour à dimension culturelle sont de 32,5 milliards d’euros. C’est donc un cercle vertueux : en culti-vant son exceptionnalité, la culture prend une part croissante dans le développement économique local et national. Bar et espace de coworking, Numa, Paris Ateliers de création de décors au pôle Pixel, Villeurbanne

Tableau des résidents, Ici Montreuil

Page 5: Les industries culturelles et créatives,...Les industries culturelles et créatives, levier de développement économique ©DR La Revue du Pôle Culture & Patrimoines est publiée

Bouillonnant. Boulimique. À 45 ans, Steven Hearn n’a de cesse de vouloir

épancher sa soif de connaissances, de découvertes, lui qui s’intéresse « autant au biomimétisme des insectes qu’aux inconséquences des Paradise Papers ». Ce féru de philosophie, fasciné par les utopies socialistes, a grandi dans une famille qui lui a appris l’ouverture au monde. De son enfance au cœur de la forêt de Fon-tainebleau, il garde une admiration pour ce grand-père qui lui a transmis l’amour de la nature et une recon-naissance pour ses parents qui l’ont encouragé dans ses activités culturelles, musique, peinture. L’école n’est pas vraiment son fort jusqu’à la rencontre avec ce professeur de français qui lui transmet « le goût pour la littérature et la philosophie ». Il suit les conseils paternels, passe un bac économique, effectue une prépa HEC et fait une école de commerce. Un cours « audacieux pour l’époque » sur le management cultu-rel sera le déclic. « J’ai compris qu’on pouvait articuler quelque chose autour de l’économie et de la culture ». L’esprit de Steven est en ébullition d’autant qu’en parallèle de ce cursus, il poursuit son apprentissage de la philosophie, suit les cours de l’École du Louvre et se nourrit de la vie culturelle parisienne.

Le Troisième Pôle

Lors de son service militaire, il décide d’aider les jeunes appelés en leur donnant des cours de français et d’histoire. Puis travaille pour une association sur les questions de bioéthique et dans une agence de communication avant de créer sa première entreprise en 2000, à 28 ans. Le Troisième Pôle est une agence d’ingénierie culturelle. « Nous sommes des experts dans la conduite de projets culturels et le financement alter-natif des politiques culturelles. On répond à des appels d’offres de collectivités locales souhaitant installer sur leur territoire un équipement culturel, organiser un évènement, créer un dispositif culturel... À l’époque, notre démarche était innovante, on a mis en place des méthodologies inédites pour répondre aux enjeux terri-toriaux et être à l’écoute des habitants ». La création de la Condition Publique de Roubaix valide cette méthode. À tel point que ce dossier passionne l’entrepreneur qui fait une sorte de « baby blues », une fois le projet réalisé. C’est dans cet état d’esprit qu’il répond en 2004 à un appel d’offres de la Ville de Paris

pour gérer la Gaîté Lyrique. Alors que le chantier de ce lieu prend du retard, le Troisième Pôle poursuit son développement avec l’organisation de la Nuit Blanche à Paris en 2008. Steven Hearn rachète des petites sociétés tout en restant attentif aux sollicitations de la ville concernant la gestion de la Gaité Lyrique. La per-sévérance paie. Lui et son équipe se voient confier la délégation de service public. La Gaîté Lyrique ouvre en 2011. « On a transformé le programme en un lieu de la création artistique à l’ère du numérique ».

Accompagner les porteurs de projets

L’homme étonne, détonne dans le paysage culturel. Il crée la holding Scintillo et prend des participations dans des entreprises dont le cinéma le Saint-André-des-Arts sur les écrans duquel il projette des films qui n’avaient pas de distributeurs. La fréquentation triple. Sur sa lancée, Steven Hearn participe à la création de la revue Serge dédiée à la chanson française. Quand son banquier lui refuse un prêt, l’entrepreneur se dit qu’il faut créer un outil de financement des start-ups de la culture, mais il ne fédère pas. À défaut de pou-voir créer un fonds d’investissement, Créatis, un incu-bateur d’entreprises culturelles, voit le jour. « 90 % des 130 entreprises accueillies sont toujours vivantes. Au-jourd’hui les banques ont confiance dans les entreprises qui sont accompagnées ». C’est alors qu’en 2013 les ministres A. Filippetti et F. Pellerin, lui commandent un rapport sur l’entrepreneuriat culturel. Il y préco-nise, entre autres, une reconnaissance de la culture en innovation de services et d’usages, l’établissement d’un lien avec l’économie sociale et solidaire, une aide pour permettre aux associations culturelles d’aller vers un modèle plus entrepreneurial, l’encouragement des pépinières et clusters et attend qu’un fonds d’investis-sement – promesse du candidat devenu Président de la République, Emmanuel Macron – voit le jour.

Fort de ces expériences, Steven Hearn souhaite développer des plates-formes d’accélération de projets culturels en s’associant avec d’autres structures. « Il s’agit d’aider les porteurs de projets à aller plus vite à la rencontre de leur marché et à rompre leur isolement sans jamais perdre le sens du projet. Ces plates-formes sont une manière d’accompagner l’évolution sociétale de la culture ». Jamais rassasié l’entrepreneur.

Steven Hearn entrepreneur culturel disruptif

LE PORTRAIT