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20 formation dossier Actualités pharmaceutiques n° 494 Mars 2010 L es virus, responsables de 80 % des diarrhées du nourrisson, entraînent une hypersécrétion intes- tinale. Le rotavirus est l’agent infectieux le plus fréquent, à transmission interhumaine. Il est respon- sable des diarrhées aiguës hivernales du nourrisson. D’autres virus peuvent être en cause : les entérovirus, les adénovirus ou les calcivirus. Les diarrhées aiguës peuvent constituer des symptô- mes associés à d’autres pathologies. Les infections extra-digestives présentent fréquemment des mani- festations digestives comme la diarrhée chez le nour- risson : infections ORL (otites), bronchopulmonaires (pneumopathie), urinaires (cystites) ou méningites. Les diarrhées peuvent être associées à des vomis- sements, un refus de boire et de manger, une fièvre élevée et des douleurs abdominales. La déshydratation aiguë La principale complication des infections gastro-intesti- nales est la déshydratation aiguë, notamment chez les nourrissons qui sont plus fragiles, et d’autant plus si la diarrhée est accompagnée de vomissements importants. La déshydratation peut parfois s’installer en quelques heures et ses conséquences sont potentiellement gra- ves si elle n’est pas prise en charge rapidement. L’éva- luation de l’état de déshydratation est indispensable. Les infections virales gastro-intestinales La diarrhée aiguë correspond à une augmentation brutale de la fréquence – plus de 3 par jour – et du volume des selles depuis au moins 3 jours. Elle fait suite à une déficience de l’absorption de l’eau et des électrolytes au niveau de la muqueuse intestinale. L’étiologie principale est constituée par les gastro-entérites aiguës d’origine infectieuse, les diarrhées aiguës virales étant plus fréquentes en hiver alors que les diarrhées bactériennes surviennent le plus souvent l’été. La principale complication de la diarrhée aiguë est la déshydratation qu’il faut prévenir ou prendre en charge très rapidement. Évaluation de la gravité de la déshydratation Poids Perte de poids Pourcentage de perte de poids Perte de poids entre 5 et 10 % Perte de poids > 10 % Autres facteurs de gravité Surveillance Hospitalisation La déshydratation aiguë © Fotolia.com/Lsantilli

Les infections virales gastro-intestinales

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Actualités pharmaceutiques n° 494 Mars 2010

Les virus, responsables de 80 % des diarrhées du nourrisson, entraînent une hypersécrétion intes-tinale. Le rotavirus est l’agent infectieux le plus

fréquent, à transmission interhumaine. Il est respon-sable des diarrhées aiguës hivernales du nourrisson. D’autres virus peuvent être en cause : les entérovirus, les adénovirus ou les calcivirus.Les diarrhées aiguës peuvent constituer des symptô-mes associés à d’autres pathologies. Les infections extra-digestives présentent fréquemment des mani-festations digestives comme la diarrhée chez le nour-risson : infections ORL (otites), bronchopulmonaires (pneumopathie), urinaires (cystites) ou méningites. Les diarrhées peuvent être associées à des vomis-

sements, un refus de boire et de manger, une fièvre élevée et des douleurs abdominales.

La déshydratation aiguëLa principale complication des infections gastro-intesti-nales est la déshydratation aiguë, notamment chez les nourrissons qui sont plus fragiles, et d’autant plus si la diarrhée est accompagnée de vomissements importants. La déshydratation peut parfois s’installer en quelques heures et ses conséquences sont potentiellement gra-ves si elle n’est pas prise en charge rapidement. L’éva-luation de l’état de déshydratation est indispensable.

Les infections virales gastro-intestinales

La diarrhée aiguë correspond à une augmentation brutale de la fréquence –

plus de 3 par jour – et du volume des selles depuis au moins 3 jours. Elle fait suite

à une déficience de l’absorption de l’eau et des électrolytes au niveau de la muqueuse

intestinale. L’étiologie principale est constituée par les gastro-entérites aiguës

d’origine infectieuse, les diarrhées aiguës virales étant plus fréquentes en hiver

alors que les diarrhées bactériennes surviennent le plus souvent l’été.

La principale complication de la diarrhée aiguë est la déshydratation qu’il faut prévenir ou prendre en charge très rapidement.

Évaluation de la gravité de la déshydratation

Poids

Perte de poids

Pourcentage de perte de poids

Perte de poids entre 5 et 10 %

Perte de poids > 10 %

Autres facteurs de gravité

Surveillance

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Les maladies infantiles virales

D’autres complications, plus rares, peuvent survenir comme une insuffisance rénale fonctionnelle ou une thrombose des artères rénales.

La prise en charge nutritionnelleLa prise en charge nutritionnelle, par la réhydratation orale et la réalimentation précoce, constitue l’essentiel du traitement de la diarrhée aiguë du nourrisson, les médicaments devant être relégués au second plan. La réhydratation à l’aide des solutions de réhy-

dratation orale ou SRO (Adiaril®, Ges 45®, Fanolyte®, Viatol®…) permet de prévenir ou de corriger les trou-bles hydroélectriques.D’abord mises au point par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour les pays du tiers-monde, les SRO ont permis de diminuer la mortalité et la morbi-dité dues aux diarrhées aiguës.Pour les pays industrialisés comme la France, la Société européenne de gastro-entérologie, hépato-logie et nutrition pédiatrique (ESPGHAN) a publié, en 1992, des recommandations sur la composition des SRO destinés aux nourrissons atteints de diarrhée aiguë avec comme exigences :– un apport de sodium de 60 mmol/L ;– une osmolarité de 200 à 250 mOsm/L.Ces recommandations ont été établies à partir de l’analyse de l’élimination fécale des électrolytes (sodium, potassium, chore) au cours des diarrhées aiguës de diverses étiologies.Quelle que soit la cause des diarrhées, les capacités d’absorption intestinale des électrolytes persistent et doivent être utilisées.Les principes de composition des SRO actuellement disponibles en France sont les suivants :– apport d’électrolytes adapté aux pertes fécales ;– prévention de l’acidose par addition de bicarbona-tes ou de citrates ;– stimulation de l’absorption intestinale du sodium par addition de glucose à la concentration de 20 g/L,

soit pure, soit sous forme de saccharose (glucose-fructose) ou de polymères de glucose (malto-dextrine) ;– respect de l’osmolalité de la lumière intestinale, soit 200 à 300 mosmol/L de solution. En effet, une osmolalité supérieure peut entraîner un “appel d’eau” intraluminal avec diarrhée osmotique ;– apport calorique non négligeable.La prescription par les médecins et l’utilisation par les familles des SRO doit être systématique chez tout nour-risson débutant une diarrhée aiguë. Il est recommandé d’utiliser exclusivement les SRO disponibles en officine et d’éviter l’utilisation de solutions “maison” reconsti-tuées de façon artisanale, a fortiori de l’eau pure ou des boissons gazeuses à base de cola.Sept solutions de réhydratation orale (SRO) sont actuellement disponibles en France (tableau 1).Des modifications par rapport aux solutions proposées par l’OMS et l’ESPGHAN ont été réalisées. Ainsi, les

Tableau 1 : Solutions de réhydratation orale disponibles

Produit Sodium (mmol) Potassium

(mmol)

Bicarbonate

(mmol)

Citrate (mmol) Glucose (g) Saccharose (g) Dextrine (g) Osmolarité (mOsm) Énergie (kcal)

OMS1 90 20 - 10 20 - - 311 80

ESPGHAN2 60 20 - 10 14-20 - - 200-250

Adiaril® (Gallia) 60 20 - 10 13,3 12,5 - 250 105

Alhydrate® (Nestlé), Hydrigoz® (Guigoz)

60 20 - 18 - 20 59 < 270 330

Fanolyte® (Bioprojet) 60 20 - 10 16,2 - - 240 64

GES 45® (Milupa) 49 25 17 15 20 20 - 298 160

Picolite® (Picot) 55,5 24,5 - 13,4 - 20 69,6 268,5 355

Viatol® 50 25 - 12,5 20 - - 311 80

1. OMS : Organisation mondiale de la santé. 2. ESPGHAN : Société européenne de gastro-entérologie, hépatologie et nutrition pédiatrique.

Au comptoir, pour une bonne utilisation des SRO

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citrates remplacent les bicarbonates pour compenser l’acidose. L’adjonc tion d’acides aminés (glycine ou glutamine, nutriments préférentiels de l’entérocyte) permet d’équilibrer la balance azotée et favorise la réabsorption de sodium. L’uti-lisation d’autres hydrates de carbone que le glucose, tels que le saccharose, apporte un goût sucré qui améliore l’acceptation du SRO. Enfin, la présence de dextri ne- mal to se ou d’amidon de riz, de céréales, permet d’augmenter l’apport énergétique du SRO tout en conservant une faible osmolarité. La réalimentation de l’enfant doit

intervenir après quelques heures ou au maximum après un à deux jours de réhydratation par solution hydroélectri-que. La réintroduction précoce d’une ali-

mentation solide permet d’éviter la dégradation de l’état nutritionnel, en facilitant la “réparation” des entéro cytes et en maintenant l’activité des disaccharidases, en par-ticulier de la lactase et de la saccharase.

Les traitements médicamenteuxEn dehors des antibiotiques, qui ont des indica-tions spécifiques, les médicaments considérés comme antidiarrhéiques sont, pour la majorité, des traitements adjuvants visant à améliorer le confort du patient. Chacun d’eux doit être efficace, ne pas entraîner d’effets secondaires mais aussi éviter de masquer la déperdition hydroélectrolytique en lais-sant croire, à tort, que l’amélioration apparente de la consistance des selles s’accompagne d’une diminu-tion de la perte hydroelectrolytique. Les inhibiteurs de la motricité intestinale et les

antisécrétoires sont représentés par des opiacés et des anticholinergiques, type lopéramide. Du fait de leurs effets indésirables sur le système nerveux central,

ces médicaments sont contre-indiqués chez l’enfant. Tiorfan® (racédotril), inhibiteur de l’enképhalinase intes-tinal, a une action antisécrétoire pure, sans action sur le transit intestinal. C’est actuellement le seul médica-ment antidiarrhéique qui ait démontré une diminution significative du débit des selles. La posologie est de 1,5 mg/kg et par prise (une prise d’emblée, puis trois prises par jour, soit 6 mg/kg/jour). Le traitement peut être poursuivi en trois prises par jour, jusqu’à retour de la première selle normale, sans dépasser 7 jours. Les agents intraluminaux comprennent les silica-

tes (diosmectite, Smecta® ; attapulgite, Actapulgite®) qui possèdent un fort pouvoir adsorbant et de fixa-tion de diverses molécules comme les toxines bacté-rien nes. Leur pouvoir couvrant permet de protéger la muqueuse et ils favorisent la production de glycopro-téines de mucus, protectrices. Leur tolérance est excel-lente, même chez le jeune nourrisson. En raison de leur proprié té d’adsorption, il faut les administrer à 2 heures de distan ce des autres médicaments. Les pré- et probiotiques sont des composants

alimentaires non digérés stimulant, de manière sélec-tive, la multiplication et/ou l’activation d’un nombre limité d’espèces bactériennes au niveau du côlon, dans le but d’améliorer la physiologie de l’hôte.Un probiotique est un micro-organisme non patho-gène qui, ingéré vivant, est susceptible d’exercer une influence sur la santé ou la physiologie de l’hôte grâce à une modification de l’écosystème intestinal. Saccharomyces boulardii (Ultra-levure®) et surtout Lactobacillus GG permettent une diminution de la durée de la diarrhée et du nombre de selles dès le troisième jour, notamment dans les diarrhées à rota-virus. Les probiotiques sont également intéressants pour leur effet préventif des diarrhées.Les agents tués (Lactobacillus acidophilus, Lactéol Fort®) présente une activité similaire. L’usage des antibiotiques est inutile et même

dange reux car la plupart des diarrhées sont d’origine virale (70 % au moins). L’antibiothérapie risquerait de déséquilibrer encore plus la flore intestinale.

Le traitement préventifLe traitement préventif de la diarrhée aiguë repose essen-tiellement sur l’allaitement maternel, l’hygiène alimentaire de l’enfant et l’hygiène des collectivités d’enfants. �

François Pillon

Docteur en pharmacie, Dijon (21)

[email protected]

Géraldine Dupuis

Pharmacien, Paris (75)

[email protected]

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Au comptoir, la diarrhée aiguë d’un enfant

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La réalimentation de l’enfant ayant souffert d’une diarrhée doit être progressive : il faut lui proposer des féculents, des carottes et des pommes cuites.