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Reportage www.terra-economica.info n°49 - 24 février 2005 - 1,50 l’économie entre les lignes Chers amis lecteurs, Terra economica, ce sont 42 éditions par an... donc quelques jours de vacances de temps en temps. Le magazine s’absente pendant deux semaines. Rendez-vous à partir du 17 mars. Le calendrier prévisionnel de nos éditions est disponible sur notre site Internet, à l’adresse : www.terra-economica.info/a168.html Des pilules très colorées Page 5 Ronds ou allongés. Gélules ou comprimés. Blancs ou colorés. Les médicaments ne doivent pas leur look au hasard. Entre impératifs scienti- fiques et ficelles marketing, le dosage est subtil. Les Trente (prochaines) Glorieuses Page 11 Dérives du capitalisme financier est un livre touf- fu et ardu. Mais il vaut la peine qu’on s’y plonge. Car il trace peut-être les grandes lignes de la social-démocratie de demain. Le plastique c’est fantastique Page 12 Le recyclage du plastique pose un pied sur le continent africain. Au Burkina Faso, une ONG italienne fait du développement durable son cheval de bataille. Et crée des emplois. Adoptez la “DD attitude” Page 2 Etes-vous DD ? Ce n’est pas une insulte, mais la mise en pratique du développement durable pour chacun d’entre nous. Grâce au site Internet Billy Globe. Les Brèves Page 3 L’ANPE au panier // Stratellite : le satellite du pauvre // Zéro pointé pour les petits Anglais // La Chine fait flamber la forêt // Montréal, la ville homo-rentable // La guerre des prix, 2e épisode La Revue de presse Page 4 Mc Do se lance dans la cuisine // L’Organisation des pays exportateurs d’eau // L’immigration sème la pagaille en Europe // Danone patauge en Serbie Usés par dix années de crise, déboussolés par l’ouverture de leur pays à la mondialisation et par la fin de l’emploi à vie, les Japonais ne savent plus par quel bout prendre leur avenir. Reportage au cœur de deux Japon. Celui des villes, où jeunes et personnes âgées balancent entre espoir et résignation. Celui des champs, où des agricul- teurs tentent, coûte que coûte, de préserver leur petit lopin de vie. // Page 6 Les Japonais ont le blues

Les Japonais - dossier.univ-st-etienne.fr...L’ANPE au panier // Stratellite : le satellite du pauvre // Zéro pointé pour les petits Anglais // La Chine fait flamber la forêt

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Page 1: Les Japonais - dossier.univ-st-etienne.fr...L’ANPE au panier // Stratellite : le satellite du pauvre // Zéro pointé pour les petits Anglais // La Chine fait flamber la forêt

Reportage

w w w . te r ra - e co n o m i c a . i n fo

nn°°4499 -- 24 février 2005 - 1,50 €

l’économie entre les lignes

Chers amis lecteurs,Terra economica, ce sont 42 éditions par an...donc quelques jours de vacances de temps entemps. Le magazine s’absente pendant deuxsemaines. Rendez-vous à partir du 17 mars.Le calendrier prévisionnel de nos éditions estdisponible sur notre site Internet, à l’adresse :w w w . t e r r a - e c o n o m i c a . i n f o / a 1 6 8 . h t m l

Des pilules très colorées Page 5

Ronds ou allongés. Gélules ou comprimés.Blancs ou colorés. Les médicaments ne doiventpas leur look au hasard. Entre impératifs scienti-fiques et ficelles marketing, le dosage est subtil.

Les Trente (prochaines) Glorieuses Page 11

Dérives du capitalisme financier est un livre touf-fu et ardu. Mais il vaut la peine qu’on s’y plonge.Car il trace peut-être les grandes lignes de lasocial-démocratie de demain.

Le plastique c’est fantastique Page 12

Le recyclage du plastique pose un pied sur lecontinent africain. Au Burkina Faso, une ONGitalienne fait du développement durable soncheval de bataille. Et crée des emplois.

Adoptez la “DD attitude” Page 2

Etes-vous DD ? Ce n’est pas une insulte, mais lamise en pratique du développement durablepour chacun d’entre nous. Grâce au siteInternet Billy Globe.

Les Brèves Page 3

L’ANPE au panier // Stratellite : le satellite dupauvre // Zéro pointé pour les petits Anglais //La Chine fait flamber la forêt // Montréal, laville homo-rentable // La guerre des prix, 2eépisode

La Revue de presse Page 4

Mc Do se lance dans la cuisine // L’Organisationdes pays exportateurs d’eau // L’immigrationsème la pagaille en Europe // Danone pataugeen Serbie

Usés par dix années de crise, déboussolés parl’ouverture de leur pays à la mondialisation et parla fin de l’emploi à vie, les Japonais ne savent pluspar quel bout prendre leur avenir. Reportageau cœur de deux Japon. Celui des villes, où jeunes etpersonnes âgées balancent entre espoiret résignation. Celui des champs, où des agricul-teurs tentent, coûte que coûte, de préserver leurpetit lopin de vie. // Page 6

Les Japonaisont le blues

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Forum des lecteurs // Sources

Forum des lecteurs

n°49 -- 24 février 2005 www.terra-economica.info2

La mendicité mercantileRéaction à l’article “Les ONGsont dans la rue”, Terraeconomica numéro 47, du 10février 2005.“Un petit euro ! Un ticketrestaurant ! Un petit prélè-vement permanent ! J’aicinq ONG à nourrir et ce soirje n’ai rien à leur donner àgérer !" Voici à peine carica-turé ce qu’un provincialretient d’un voyage à Paris !Tiens, Paris ne pense-t-ellepas organiser les Jeux en2012 ? Alors pourquoi nepas demander une nouvelleépreuve : celle de la mendi-cité mercantile.Eaulibrius

Amnistie déguisée ?Réaction à l’article “Plaider-coupable : ni vu, ni connu”,Terra economica numéro 47,du 10 février 2005.Cet article met le doigt surune amnistie déguisée. Les

décrets d’application de laloi Perben ont-ils été pris ?Et sinon, que fait l’opposi-tion ? Entend-elle en profi-ter elle aussi ? Quoi qu’il ensoit, c’est le "grand som-meil".Regulus

Ramener le mondeà l’échelle des autresRéaction à l’article “Bagdad,année zéro”, Terra economicanuméro 43, du 13 janvier2005.J’ai lu le reportage deNaomi Klein et bravo ! Enfait, je trouve que les métho-des des Américains sontscandaleuses. Il me sembledingue que les gens necomprennent pas que par laforce on ne peut pas y arri-ver. Ca me donne le senti-ment que l’histoire se répè-te et que les gens oublient,dès lors qu’ils n’ont pas subiles conséquences directes

de la violence. Pourtant desgars comme Rumsfeld etcompagnie sont assez vieuxpour se souvenir duVietnam, ou de la guerred’Afghanistan. Personnelle-ment, pour lutter, j’ai décidéde boycotter les superpro-ductions américaines et jerefuse de recevoir des pro-spectus. Je me ferme à lapublicité et à la société deconsommation et je m’ouv-re aux gens. La croissancec’est la guerre ! Je ne suispas une "décroissante" biensûr, mais disons qu’il y a uneidée intéressante dans ladécroissance, c’est l’idée deramener le monde à l’échel-le des autres et non plus à lasienne propre. C’est l’idéequ’il ne faut pas avoir lesyeux plus gros que le ventre,qu’il faut réfléchir avant demanger, ne pas consommerplus que raisonnable, pré-voir les énergies propres,

Etes-vous DD ? Cela n’a rien d’insultant, ils’agit juste de savoir si votre attitude est enaccord avec les principes du "développe-ment durable", terme presque galvaudéavant même d’avoir été réellement mis enapplication. Le site de Billy Globe, créé enmars 2000 par le secrétariat d’Etat belge àl’Energie et au Développement durable,propose à cet effet un formidable question-naire animé. Rapide, il balaie en 9 questionsquelques-uns des actes essentiels d’unejournée - les déplacements, l’utilisation del’eau, les courses, la consommation d’élec-tricité - et d’une vie - l’épargne, les vacan-ces, les engagements associatifs. Sans pré-tention scientifique, le site n’en a pas moinsune grande valeur pédagogique. Il consti-tue une excellente piqûre de rappel desgestes qui peuvent panser les plaies de laplanète : du système de chasse économi-sant l’eau, aux produits du commerce équi-table, en passant par les fonds éthiques. En

fin de parcours, le visiteur se voit attribuerun score assez déroutant. De quoi, espé-rons-le, nous pousser à la réflexion, pourdevenir de futurs premiers de la classeverte. // Anne Bate

Allez tester votre “DD attitude” sur le sitede Billy Globe :www.billy-globe.org/fr_2001/index.htm

Sources

Ont participé à ce numéro (ordre

alphabétique inversé) : Jalila Zaoug,

Marie Wolin,Toad, ponofob, Aurélie Piel,

Charlotte Penchenier, Caroline

Montaigne, Pauline Hervé, Arnaud

Gonzague, Gilles Gauret, Bénédicte

Foucher, Edouard Flam, Nicolas Filio,

DjS, Benoît Gautier, Alexandra

Chaignon, Anne Bate, Sara Aden

Illustration de Une : Toad

Directeur artistique :

Sébastien de Poortere

Relations abonnés, communication :

Mathieu Ollivier

Systèmes d’information :

Gregory Fabre

Rédacteur en chef : David Solon

Responsable de la rédaction,

directeur de la publication :

Walter Bouvais

Terra economica est édité

par Terra economica, SARL de presse

au capital de 1500 euros - RCS B 451

683 718 (Paris)

Siège social :

24, rue Saint-Martin, 75004 Paris

Principaux associés :

Gregory Fabre (gérant), Mathieu

Ollivier, Walter Bouvais

Impression : Dupli Print, 2 rue

Descartes, ZI Sezac, 95330 Domont

Dépôt légal : à parution

Numéro ISSN : 1766-4667

Numéro de Commission paritaire :

1004 I 84334

Contact : Terra economica,

139, rue du Faubourg-Saint-Denis,

75010 Paris

Service abonnements :01 42 05 73 69

ou [email protected]

Adoptez la “DD attitude”

sans quoi on prend du bideet on pollue les poumons denos petits enfants, et ça setermine avec des problèmesde santé pour les uns et lesautres. Or, les ennuis desanté coûtent des sous à laSécu, ce qui ajoute encoreau problème.Angelita Moresco

Réagissez à nos articles :[email protected]

Soumettez-nous vos tribunes :[email protected]

URS

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Brèves

www.terra-economica.info n°49 -- 24 février 2005

Brèves

3

La Chine fait flamber la forêtLe bois permet de produire du papier. Il facilite aussi la multiplication desbillets de banque. La demande mondiale en bois de construction est tellequ’elle suscite l’appétit de tous les investisseurs. La compagnie de produc-tion forestière Boise Cascade a ainsi vu fondre sur elle une OPA de575 millions de dollars début février. Des grands noms de Wall Street, telsque le financier Carl Icahn, des tas de fonds de pension et même l’univer-sité de Harvard lorgnent le secteur. Et dans les bois, on plante à tire-larigotet on achète des millions d’hectares. Explication : l’explosion du marché dela construction en Chine. Mais la production de bois est un travail à longterme, car les plantations d’aujourd’hui ne seront utilisables que dans unevingtaine d’années. Un retour sur investissement peu adapté à l’impatien-ce des financiers. // Anne Bate

Zéro pointé pour les petits AnglaisLes ados britanniques sont experts quand il s’agit de donner le prix d’un“Ipod mini”, mais n’ont à 75 % aucune idée du prix d’un litre de lait. C’est laconclusion d’une enquête menée auprès de 300 d’entre eux par un collec-tif d’experts financiers qui préparent un ouvrage intitulé Money, Money,Money. Selon le quotidien The Guardian, un exemplaire en sera distribué àchaque collègien britannique. De l’avis de l’un des auteurs, ces résultatssont "inquiétants” et ne présagent rien de bon quant à la façon qu’aura“cette génération de gérer son budget dans quelques années.”// Pauline Hervé

Stratellite : le satellite du pauvreC’est le retour des ballons dirigeables. Cette fois,ils n’embarqueront pas des passagers, mais destonnes de fils et de matériel informatique. Les"stratellites", comme les appelle la société améri-caine Sanswire à l’origine du projet, seront expé-diés à 20 kilomètres d’altitude, avec à bord tout cequ’il faut pour fournir des services de communica-tions (voix, vidéo, données) et d’Internet sans filsur quelque 777 000 km2. Cette filiale de GlobeTelCommunications va envoyer son premier "stratel-lite" à la verticale de Lima au Pérou, et espère àterme doter l’Amérique du Sud de moyens decommunications rapides. Pour l’avenir, c’est, peut-être, la perspective de réseaux à coût modiquepour les pays en voie de développement qui sedessine. // Edouard Flam

Montréal invente la ville “homo-rentable”Quels sont les moteurs de la croissance ? Pour leprofesseur américain Richard Florida, tout se jouesur la présence ou non d’une "classe créative",ces chercheurs, créateurs, artistes qui développentles nouveaux produits à valeur ajoutée. Dansl’étude qu’il a publiée en janvier, il appuie sadémonstration sur la ville canadienne de Montréal.Selon lui, un parfait exemple de diversité etd’ouverture face aux nouvelles idées, et doncidéale pour un "noyau super créatif". Des preuves ?Montréal se classe quatrième en Amérique duNord pour la concentration des emplois en hautetechnologie ; 53 % de sa population parle français,anglais et 18,5 % une troisième langue... Et elleaffiche une concentration de couples gais etlesbiens 1,7 fois plus élevée que la moyenne dupays. Car Richard Florida en est persuadé : une villequi est accueillante pour les homosexuels, a degrandes chances de connaître un rythmede croissance plus élevé que la moyenne. // AB

L’ANPE au panierNom de code : Ingéus. Mission : dégoter un emploi à 6 000 chômeurs endeux ans, dans les bassins de Lille et Rouen. Particularité : l’opération, lan-cée en janvier, pourrait être étendue à l’Hexagone. Ingéus est en fait uneagence de recrutement dont la maison mère est australienne ! Dès la priseen charge d’un demandeur d’emploi, le cabinet percevra au moins 2 300euros de l’Unédic. En cas de placement, la somme s’élèvera entre 4 300 et6 000 euros. Soit un potentiel de 26 millions d’euros en deux ans !Habituellement, l’accompagnement d’un demandeur d’emploi à l’ANPEcoûterait, lui, 301 euros pour une durée de trois mois. Mais la subtilité, c’estqu’Ingéus ne s’occupera que de chômeurs indemnisés depuis moins d’unan, les plus faciles à recaser, en excluant précaires et bénéficiaires del’Allocation spécifique de solidarité ou du RMI. Ingéus prendra en charge7 demandeurs d’emploi par conseiller et par mois, contre 150 pour unagent de l’ANPE. Les syndicats s’insurgent contre une "privatisation ram-pante des services de l’ANPE", mise en concurrence de façon "injuste". Anoter, le directeur d’Ingéus France n’est autre que l’ancien directeur del’Assédic de Haute-Normandie. Déjà un de casé ! // Gilles Gauret

Gilles Soetemondt, conseiller prud’homal parisien, réclamant desmoyens supplémentaires (17 février). Les conseillers représentantsdes salariés et du patronat sont élus pour une période de cinq ans et sontindemnisés pour les audiences auxquelles ils participent, au prorata deleur salaire. En dehors de ces audiences, ils sont rémunérés à hauteur de5,59 euros de l’heure, un tarif inchangé depuis 1992.

La Petite phrase

« On est moins payésque des femmes de ménage

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Pascal Nègre, patron d'Universal Music France, est un des croi-sés de la bataille contre les échanges de musique en peer-to-peer. Or selon Les Echos (23/02), le brave homme refuserait dereverser à la Sacem la part due sur les ventes de musique dusite Internet ecompil (propriété d'Universal Music). Motif : laSacem réclame un pourcentage trop élevé sur les ventes demusique en ligne . "Les droits d'auteur sur le téléchargement nesauraient être supérieurs à ceux payés sur les ventes de support deson (comme le CD,ndlr),puisque (...) l'un se substitue à l'autre", jus-tifie Pascal Nègre.Quitte à “oublier” que l'intérêt du télécharge-ment réside dans la dématérialisation (pas d'impression de CD,pas de magasin), donc sur le rapprochement artiste-consom-mateur.A l'image du commerce équitable,Internet peut instau-rer un cercle vertueux :mieux rémunérer les auteurs et offrir un“bon”prix au client. Mais il y a un revers : la fin des vaches gras-ses pour les intermédiaires... comme Universal Music. // EF

Revue de Presse

n°49 -- 24 février 2005 www.terra-economica.info

Revue de Presse // Gros mot // Chiffre

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L’Organisation des paysexportateurs d’eauA peine 2,5 % de l’eau de la planète estpotable et, déjà, les projets d’exporta-tion et de transport de cette douce res-source se multiplient, analyse MarkClayton dans le journal de Boston, TheChristian Science Monitor, repris parCourrier international. Entre les livraisons“en gros”de sacs flottants, les tankers, lesaqueducs, l’avenir est aux pays exporta-teurs d’eau douce qui feront oublier lesexportateurs de pétrole. "Nous sommesà l’aube d’une ruée des entreprises privéeset des Etats sur l’accès à l’eau disponible",assure le journaliste. La société cana-dienne, Global H2O Resources, dit ainsiavoir acquis les droits exclusifs sur18 milliards de litres d’eau de glacier paran pendant trente ans dans le cadred’un accord passé avec l’Alaska.L’absence d’accès à l’eau potable mena-cerait la vie de 35 millions de personnesdans les dix années à venir. // Anne Batewww.courrierinternational.com

L’immigration sème la pagailleen EuropeLa Commission européenne s’inquiète :entre 2010 et 2030,il faudra à l’Europe 20millions d’immigrés pour pallier sonvieillissement et maintenir son taux depopulation active. Mais les appréciationsdiffèrent d’un pays à l’autre et selon les

secteurs, observe le webzine Europeplus Net. "Ici, on manque de saisonnierspour cueillir les fruits ; là, ce sont les infir-mières et les médecins qui font défaut.Ailleurs, c’est le secteur du tourisme quipeine à trouver la main-d’œuvre, quand lesecteur de l’informatique se plaint, lui, demanquer de spécialistes de haut niveau."L’Italie a choisi de pratiquer une poli-tique des quotas qui subordonne l’accèsau territoire à l’obtention d’un contrat detravail. En France, l’idée des quotas susci-te des polémiques, tandis quel’Allemagne maintient le gel de l’immi-gration pour les travailleurs pas ou peuqualifiés. La tâche de Franco Frattini,commissaire en charge de la Justice etdes Affaires intérieures, pour imaginerune politique commune dans ce domai-ne, s’annonce plutôt délicate. // ABwww.europeplusnet.info

Mc Do se lance dans la cuisineMc Do ne désespère pas de ces satanésFrançais obsédés de la bonne bouffe.Les résultats de l’année 2004 laissent lachaîne optimiste : les ventes ont aug-menté de 5,5 % en France, l’un des plusbeaux scores de l’enseigne dans lemonde. D’autant plus remarquable,dans un marché hexagonal du fast-fooden déclin de 3 % sur la même période,souligne le magazine américain TheBusiness (13/02). Ce succès n’est pas dû

au Big Mac, symbole de la chaîne, maisaux salades introduites récemment(elles représentent 15 % des ventes),auxyaourts, etc. Le clown Ronald s’est adap-té aux demandes de plats limités encalories et végétariens.En 2005, il va lan-cer un plat de couscous-poulet, et despains pita avec des légumes grillés.Reste à reconstruire une image écornée,car toujours assimilée à celle des grandsméchants Américains. L’estomac peut-ilinfluencer l’esprit ?. // Edouard Flamhttp://thebusinessonline.com

Danone patauge en SerbieAu pied de la montagne de Bukulja, enSerbie, les familles se déchirent.Au cœurdu conflit : la privatisation des très renta-bles eaux minérales Knjaz Milos, au pro-fit de la multinationale Danone, rappor-te Le Courrier des Balkans. Danone aannoncé en décembre que l’entrepriseArpurna, qu’elle co-détient avec la stardu basket serbe Vlade Divac, était deve-nue actionnaire majoritaire de KnjazMilos. Mais le fonds d’investissementFPP Balkan Limited, également candidatau rachat, accuse Arpurna d’activité illé-gale. Depuis, les coups bas pleuvent etla presse évoque un "Danonegate".Résultat : la moitié des Serbes estimentque la privatisation dans le pays est"inefficace et malhonnête" . // ABwww.balkans.eu.org

20blessés à l’ouverture d’unIKEA en Grande-Bretagne.Les promotions ont deseffets parfois désastreux. Enproposant d’importantesréductions aux clients se pré-sentant entre minuit et3 heures du matin, la chaîned’ameublement suédoiseIKEA ne pensait pas créer unetelle émeute. Plus de6 000 personnes se sont pré-sentées le 10 février aux por-tes du nouveau magasin aunord de Londres, entraînant

une bousculade, cinq hospi-talisations et vingt blessés. Ladirection a dû fermer unedemi-heure seulement aprèsl’ouverture du magasin quienvisage de rester ouvert24 heures sur 24 (en condi-tions normales). En septemb-re, une émeute lors de l’ou-verture du premier IKEA àDjeddah en Arabie saoudite,avait entraîné la mort dedeux personnes. L’enseigneproposait des bons d’achataux premiers à se présenter àla nouvelle boutique. Laménagère de moins de50 ans va devoir se mettre aukaraté. // EF

Le Gros motLe Chiffre

« Droit d’auteur

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Le marketing expliqué à ma Mère

www.terra-economica.info n°49 -- 24 février 2005 5

L’idée lui est venue lors d’un voyage enAfrique. Un jour, sur un marché duTogo, Patrick Lemoine observe unefemme, qui distribue des médica-ments. D’un joyeux mélange, elle réus-sit à extraire les plus adaptés à chacunedes maladies de ses "clients". Un bleupour les soucis, un marron pour lesdouleurs du ventre... La prescription sefait en fonction de la couleur.De retour en France, ce psychiatre de larégion lyonnaise (1) procède à quel-ques vérifications et réalise que lesrecommandations de l’Africaine nesont pas très éloignées de celles deslaboratoires pharmaceutiques. Y au-rait-il pour les médicaments une sym-bolique des couleurs ? Certaines asso-ciations se font en tout cas naturelle-ment : le bleu serait souvent utilisépour le sommeil, le rose ou le vert cont-re l’angoisse, le jaune contre les infec-tions urinaires... "Il y a un effet placebochez le patient, lié à la couleur, remarquePatrick Lemoine. Le médicament perçucomme le moins efficace est d’ailleurs uncomprimé blanc et de taille moyenne."

Sujet tabou pour les labosVéronique Liabeuf est directrice géné-rale associée de Dragon Rouge Santé,une agence de design spécialisée dansl’industrie pharmaceutique. Pour elle,cette généralisation de la couleur est

aussi liée à l’interna-tionalisation dumarché des médica-

ments : "Aux Etats-Unis, tout est systé-matiquement très coloré. Or, lorsqu’unnouveau produit est lancé, il l’est auniveau mondial et les spécificités localessont peu prises en compte." Même siPfizer a dernièrement, pour l’un de sestraitements, réalisé un emballage spé-cifique pour le marché européen, cegenre d’expérience reste plutôt margi-nal. Les laboratoires pharmaceutiquessont d’ailleurs peu loquaces sur laquestion. Lorsqu’on leur demande s’ilexiste des codes de couleur et si ceparamètre est pris en considération aumoment de la fabrication d’une nou-velle molécule, c’est l’omerta.

Contrer les médicamentsgénériquesUn médicament, ce n’est pas seule-ment une couleur, c’est aussi uneforme qui, selon Patrick Lemoine, peutavoir un effet psychologique. "EnFrance, le Lexomil est "quadrisécable",contrairement aux formules vendues enAllemagne ou en Italie. Comme il peutêtre coupé, les patients pensent qu’ilentraîne moins de dépendance, alorsqu’il n’y a aucune différence."Y-a-t-il derrière cette présentation uneréflexion des laboratoires ? HuguesJoublin, de Novartis, certifie que cesconsidérations n’entrent pas en jeu etque la démarche est avant tout scienti-

fique : "Trois facteurs déterminent laforme d’un médicament. De quellemanière la substance est-elle la plus acti-ve ? Faut-il pour cela un comprimé, desgouttes ou une gélule ? Peut-il être facile-ment produit en grande quantité ? Enfin,quel est le public concerné ? S’il s’agit depersonnes âgées, on privilégiera les gout-tes aux formes solides, car elles sont plusfaciles à ingérer." Mais, reconnaît-il, unautre paramètre pourrait être pris encompte dans les années à venir : pourcontrer les génériques, les laboratoirespourraient être tentés de choisir desformes plus compliquées. Donc plusdifficiles à copier."Les premiers génériques étaient trèsbasiques en termes d’emballage mais cen’est plus le cas. N’ayant pas besoin d’in-vestir en recherche, puisque la moléculeexiste déjà, les génériqueurs soignentleur image", remarque VéroniqueLiabeuf. Ce qui oblige les laboratoiresde marque à réagir. "Ils sont d’ailleurs deplus en plus nombreux à nous consultercar ils ont compris que l’emballage peutcréer une identité et devenir un supportde communication", ajoute-elle. C’estainsi que de nouvelles couleurs, jus-qu’alors inexploitées, apparaissent surle marché : prune, mauve ou aubergine.Des nuances héritées, selon elle, de lavague des nouvelles technologies.// Caroline Montaigne

(1) Patrick Lemoine est auteur du livreLe mystère du placebo, éd. Odile Jacob, 1996.

Le marketing expliquée à ma Mère

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Dis papa,pourquoi lespetites pilulessont-elles roses ?

RONDS OU ALLONGÉS. GÉLULES OU COMPRIMÉS.BLANCS OU COLORÉS. LES MÉDICAMENTS NE DOIVENT

PAS LEUR LOOK AU HASARD. ENTRE IMPÉRATIFS

SCIENTIFIQUES ET GROSSES FICELLES MARKETING,LE DOSAGE EST SUBTIL.

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n°49 -- 24 février 2005 www.terra-economica.info

TITRE de rubrique, dossier ...Petite planète

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Au début, ça l'amusait. Aujour-d'hui, il ne sait plus très bien. Ken,27 ans,avait commencé à enchaî-

ner les petits boulots pendant ses étu-des d'anglais à l'université de Sophia(Tokyo), histoire de se payer les loisirs siprisés par sa génération. Puis, après untour d'Asie de six mois, il s'y est remis,pas très décidé sur son avenir. Accoudéau comptoir de la librairie pour laquelleil travaille actuellement, ce doux rêveurréfléchit : pas envie d'intégrer la boîte àpapa, la fameuse "Japan Inc" ; pas assezconfiance en soi pour lancer son petitcommerce, une petite maison d'éditionde récits de voyage par exemple. Iladore les livres pourtant. Mais préfères'y réfugier. “Les boîtes se sont bien cas-sées la figure ces derniers temps.” Lareprise ici, tout le monde en parle, maispersonne ne l'a vue. Pourtant, depuis2003, les indicateurs sont repassés auvert. En 2004, les entreprises cotées enBourse ont enregistré des profits, le PIBa augmenté de 2,5 %. Certes. Mais l'in-quiétude est dans toutes les têtes. Letravailleur japonais a le blues."Les gens sont déboussolés", résumeAtsushi Seike, économiste à l'universitéde Keio. La crise économique, l'ouver-ture à l'investissement étranger, laconcurrence de la Chine, l'importation

de méthodes modernes de gestion etd'une culture de la rentabilité financiè-re ont bouleversé le paysage. Et modi-fié en profondeur la société japonaise."Le contrat social en a pris un sacrécoup", poursuit Atsushi Seike, quiévoque sans fard le "traumatisme"japonais. L'emploi à vie, qui faisait lagloire de la "Japan Inc", n'est plus cequ'il était. Fini le temps où, contre lafidélité et un dévouement sans faille,une place au chaud était garantie àchaque employé de l'entreprise.

C’est la révolutionau pays de l’’amareu”Mondialisation oblige, ces derniers doi-vent faire preuve d'efficacité, de créati-vité et d'esprit d'entreprise, des qualitéspeu valorisées jusqu'à présent. Il y adeux ans, Canon annonçait à ses36 000 employés que la rémunération àl'ancienneté était révolue et que désor-mais, elle distribuerait ses augmenta-tions au mérite.Coup de tonnerre ! C'estla révolution au pays de l'”amareu”.Cette notion centrale de la culture japo-naise désigne le lien de dépendance etde responsabilité entre l'enfant et samère, le salarié et son employeur, lagrosse entreprise et son sous-traitant...Ce réseau d'obligations réciproques,

pesant mais solidaire, est le socle de laforte cohésion sociale de l'Archipel.Aujourd'hui, ce socle est bel et bien fis-suré. Le taux de chômage avoisine 5 %,chiffre qui ne prend pas en compte lestravailleurs précaires (30 % de la popu-lation active, contre 22 % en 1999). Lesplus âgés gardent un goût amer despremières vagues de licenciements, quiles ont touchés au premier chef.Indicateur extrême, le taux de suicide aconsidérablement augmenté chez lesplus de 50 ans. Au Japon, la retraite estsouvent vécue comme un drame, aprèsde longues années de bons et loyauxservices. Alors, pré-retraites et licencie-ments sont une catastrophe dans la viede l'"homo japonicus", selon l'expressionde la sociologue Muriel Jolivet.Yasuo, 65 ans, a sombré dans une pro-fonde dépression, après avoir été licen-cié de la petite PME dans laquelle il tra-vaillait depuis trente ans. Il évoque avecémotion "un long séjour à l'hôpital".Aujourd'hui guéri grâce à une activitéde conseil bénévole, il se sent mieux.Mais ses semblables ne s'en sont pastous aussi bien sortis. Il suffit, pour s'enrendre compte, de fréquenter lesgrands marchés de la main-d'œuvrejournalière, à Tokyo ou Osaka : des mon-des parallèles au pays de la prospérité.Une énorme verrue qui grossit dans lesquartiers nord des grandes villes, et quela société se refuse encore à regarderen face.Il est cinq heures du matin àKamagasaki, quand des centaines d'ou-

USÉS PAR DIX ANNÉES DE CRISE, DÉBOUSSOLÉS PAR L’OUVERTURE

DE LEUR PAYS À LA MONDIALISATION, LES JAPONAIS

NE SAVENT PLUS PAR QUEL BOUT PRENDRE LEUR AVENIR.ENTRE RÉSISTANCE, RÉSIGNATION ET ESPOIR, REPORTAGE AU CŒUR

DE DEUX JAPON : CELUI DES VILLES ET CELUI DES CHAMPS.

Reportage

Les Japonaisont le blues

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vriers et de SDF, logés dans les dortoirsdu quartier ou dans les innombrablesabris de fortune qui jalonnent le quar-tier, s'approchent des vitres du préau oùsont collées les offres d'emplois. Toutautour, les camionnettes de travailattendent les candidats en pleine négo-ciation avec les recruteurs, "souvent liésaux Yakuzas, la pègrejaponaise", selon unresponsable d'uneassociation chrétiennequi fournit des soinsaux plus démunis.Ceux qui n'ont pas étéembauchés se rendentau premier étage del'agence de l'emploi,où résonne la clameurdes heureux bénéfi-ciaires de l'assurancechômage. Ils empochent 8 000 yens(45 euros) et le carnet à tampons attes-tant qu'ils ont travaillé au moins vingt-six jours au cours des deux derniersmois - ce qui donne droit à treize moisd'assurance chômage - puis s'éclipsent.Avec les saisonniers, venus des campa-gnes, les journaliers furent les soutiersde la "Japan Inc", formant une main-d'œuvre intermittente qui assurait laflexibilité du travail. Ils étaient 1,5 mil-lion au début des années 90. Mais avecla récession, le travail s'est fait plus rare,

et va aux plus jeunes. A Sanya (Tokyo), laBourse du travail a bel et bien fermé sesportes.Le quartier n'est plus qu'un vastedéambulatoire pour SDF,qui viennent lematin manger la soupe populaire serviepar des ONG. 80 % d'entre eux ont plusde 50 ans. Ils vivent le long du fleuveSumida, sous des cartons, ou dans le

parc d'Ueno,sous des cen-taines de bâ-ches bleues.Karatani estl'un d'eux : à55 ans, le teintburiné d'avoirpassé les troisdernières an-nées de sa viedehors, il ra-conte : "J'avais

une petite entreprise qui a fermé. Tout estparti dans ma vie". Il dit surtout la honte,le pire des sentiments au Japon.Aujourd'hui, il se livre à la principaleactivité des sans-abri de la ville : la récu-pération de cannettes vides. Un par-cours tristement banal.Chez les sans-abri japonais, pas d'histoi-re de drogue,pas d'alcool sur trois géné-rations. Seulement la déchéance d'an-ciens ouvriers du bâtiment, de patronsde petites PME, qui d'un coup, ont toutperdu. Et préfèrent se cacher du regard

des autres. Parlez du quartier de Sanya àun jeune Japonais : c'est moins la com-passion qui se lit dans son regard, que lapeur panique d'un avenir incertain, dese retrouver irrémédiablement déclas-sé. Pourtant, certains d'entre eux ontchoisi l'inconfort, comme Kyo, 26 ans,l'allure nonchalante et le cheveu enpétard. Il est un des 2 millions de "free-ters" ou "arubetos", ces jeunes qui jon-glent entre les boulots d'intérim.Diplômé de Sophia, il a refusé un travaildans une entreprise d'informatiquejaponaise. "Trop dur." Surtout, il ne peutse résoudre à abandonner le groupe derock qu'il a fondé à l'université avec cinqamis et qui se produit régulièrementdans les bars. Il exhibe le CD qu'ils ontenregistré et distribuent dans les ruesde Shibuya, le quartier jeune de Tokyo."Ca prend pas mal de temps." Pourgagner sa vie, il multiplie les petits bou-lots : distributeur de prospectus, serveurdans l'un des 50 000 restaurants de lacapitale, vendeur dans les supérettesouvertes 24 heures sur 24.

“Nos pères ivres de fatigue”Le phénomène des "freeters" remonteaux années 1980. A l'époque, il s'agissaitd'un mode de vie alternatif, du rejet dumodèle social symbolisé par les salariésentièrement dévoués à la "Japan Inc".Aujourd'hui, la réalité est plus nuancée.

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Petite planète

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Pas de drogue,pas d’alcool. Seulementla déchéance d’anciensouvriers du bâtimentet de patrons de petitesPME qui, d’un coup, onttout perdu.

Sur l’avenue quimène au sanctuaireMeiji Jingu de Tokyo,on est loin descohortes decostumes-cravatesdes quartiersd'affaires.Des groupesde musiqueet de danses'y produisent pour acquérirune petite notoriété.Parmi eux,de nombreux"freeters" viventde petits boulotsafin d'assouvir leurpassion artistique.

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ment, vivent douillettementchez leur parents, une sorte defuite en avant, une stratégied'évitement devant la peurpanique de l'avenir. "Habitués àêtre pris en main du berceau jus-qu'à la mort, ils doivent aujour-d'hui, plus que leurs aînés, déci-der de leur vie, explique-t-elle.Pas si facile, surtout pour cettegénération très gâtée par sesparents, et qui ne dispose pasforcément de toutes les clés."Cette jeunesse déphasée, quine voit pas bien quel sensdonner à son existence appa-raît symptomatique d'un paysqui se cherche, en panne deprojet collectif fort.Et pourtant, de cette libertéretrouvée, bon gré mal gré,naissent les prémices de ceque sera peut-être le Japon dedemain. Avec la crise écono-mique et le tremblement deterre de Kobe en 1995, les Japonais ontredécouvert l'action humanitaire et lavie associative, qui avait pris un premierélan dans les années 70. "Le Japon asso-ciatif n'est pas encore un acteur majeursur la scène mondiale, écrit Jean-MarieBoussiou. Mais dans les régions et lescommunes de l'Archipel, il a réussi à créerdes rapports de force beaucoup plusfavorables qu'avant." Les acteurs decette révolution de velours sont desretraités décidés à faire bouger le pays,des femmes au foyer à la recherched'un nouveau souffle - celles-ci ontd’ailleurs été toujours très investiesdans la société civile -, des jeunes peuenclins à suivre les pas de leurs pères.Suga, 22 ans, est l'un d'entre eux.Chaque vendredi matin, il part avec une

TITRE de rubrique, dossier ...Petite planète

La majorité des jeunes Japonais dési-rent ardemment un emploi stable."Certes, les jeunes ont légèrement changéleur vision du travail, admet l’économis-te Atsusi Seike. Mais ce changement estdû au contexte économique : les emploisstables sont plus rares, moins intéressantset aussi contraignants qu'auparavant. Lesentiment d'insécurité s'est installé." Unjob, d'accord, mais pas n'importe quoi. Ildoit plaire et permettre de profiter de lavie. "On a vu nos pères rentrer le soir, ivresde fatigue et d'alcool après la tournée desbars entre collègues, poursuit Kyo. Chezeux, ils n'ont pas leur place. Je peux direqu'à force de ne pas se voir, mes parentssont devenus étrangers l'un à l'autre."

Peur panique de l’avenirLa sociologue Muriel Jolivet ne peuts'empêcher de voir dans le comporte-ment de ces jeunes, qui, majoritaire-

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LE PAYSAN NIPPON FAIT DE LA RÉSISTANCELE MÉTIER D'AGRICULTEUR SE PERD AU PAYS DES RIZIÈRES. SAUF, PEUT-ÊTRE, CELUI DE PAYSAN BIO, SOUTENU

PAR DES MÈRES DE FAMILLE, CONSOMMATRICES AVERTIES. UN COMMERCE ÉQUITABLE, VERSION NIPPONE.

Le parc d'Ueno, à Tokyo, où des centaines de sans-abri ont élu “domicile “ sous des bâches et cartons.

La frénésie de consommation d’une partiedes Japonais masque une réelle déprime.

ONG distribuer des "bento", des pla-teaux-repas typiquement japonais, auxSDF de Tokyo. "Je pense que nous devonsêtre plus solidaires, et ne pas nous renfer-mer sur nos problèmes, explique-t-il. Detoute façon on ne peut rien attendre denotre gouvernement. Il faut que les chan-gements viennent de nous." Lui ne sevoit pas en salarié et costume sombre.Grand voyageur, ouvert au monde, il selancerait bien définitivement dans l'hu-manitaire à la fin de ses études. A l'ima-ge de Suga, le Japon invente peut-être,dans la douleur, une nouvelle façon devivre ensemble.// Bénédicte Foucher, au Japon(1) Jean-Marie Boussiou, Quand les sumosapprennent à danser. La fin du modèlejaponais, Fayard, 2000.

Chaque semaine, un panier de légumes tout frais récoltés.Des légumes bio, mais aussi du riz et des fruits, livrés par lesfermiers à 840 familles des environs de Tokyo. Ils viennent deMiyoshi, un village situé à une centaine de kilomètres de lacapitale. Les agriculteurs se relaient pour assurer la livraison.

Les consommateurs, pour la recevoir. Le réseau est rodé,depuis trente ans que le groupe de Miyoshi pratique l'agri-culture biologique. Ce partenariat appelé “teikei”, a inspiré enFrance les AMAP (Associations pour le maintien d'une agri-culture paysanne), système d’économie solidaire qui pousse

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depuis 2000. Des consommateurs achètent à l'avance larécolte d'un agriculteur. Assuré d'écouler sa production,celui-ci s'engage à cultiver en respectant l'environnement.

Le consommateur-assureurL'idée est donc née au Japon au début des années 70. A cetteépoque, l'industrialisation commence à faire des dégâts.Pollution de l'eau et de la terre, scandales alimentaires... Une“affaire” de poudre de lait pour bébés contaminée sert dedéclencheur. Des centaines de mères de famille se regrou-pent pour acheter du lait frais directement auprès de pro-ducteurs. Après le lait, puis les légumes, Hiroko débarqueavec vingt-cinq autres mères dans le village de Miyoshi enoctobre 1973 et propose un partenariat aux fermiers locaux.Six mois plus tard, l'affaire est lancée. Les producteurs fixentle prix, les consommateurs se répartissent la récolte et assu-ment, solidaires, les risques de toute production : typhon,hiver rude ou maladie dévastatrice.Les règles sont strictes : niengrais chimique, ni additif, ni antibiotique. Une aventure ris-quée pour les agriculteurs : le climat très humide du Japon nefavorise pas l'agriculture biologique. Conséquence, le taux deproduits chimiques y est l'un des plus élevés au monde.Mais pour les 18 fermiers de Miyoshi (29 aujourd’hui) qui sesont lancés dans ce "teikei", le risque est calculé. "On ne vivaitpas bien de l'agriculture. J'avais 38 ans et pas d'avenir en restantpaysan. Le teikei m'a permis de gagner suffisamment ma vie",explique Hiroyuki Wada. Avec 1,2 hectare chacun, sur un ter-rain montagneux, ces fermiers ressemblent à la plupart deleurs congénères. A l’exception des grandes plainesd'Hokkaido, au nord de l'Archipel,des millions de micro-exploitations(60 % de rizières) parsèment le pay-sage.Malgré des subventions abon-dantes, difficile de vivre d'un minus-cule lopin. Les fermiers cumulentdonc les activités et se fontemployer dans de petites industrieslocales. Aujourd'hui, les trois quartsdes revenus des foyers ruraux pro-viennent de salaires. Mais la crise deces dernières années et les faillites de nombreuses PME rura-les menacent par ricochet ces petites exploitations.

Les jeunes japonaissont accros à la supéretteLa moitié des agriculteurs nippons ont aujourd'hui plus de65 ans et pour la plupart, pas de successeur. Pour sauver lesrizières, plusieurs gouvernements ont tenté de favoriser laconcentration des terres et l'agriculture mécanisée. Mais rienn'y fait. Les Japonais des champs répugnent à se séparer deleurs bouts de terre, même quand ils ne les cultivent plus.Parmi les autres voies à explorer, les “teikei”, à leur petiteéchelle, ont permis à des agriculteurs de ne pas changer demétier, tout en préservant la nature et leur santé. Ils seraientenviron un millier selon l'Association japonaise pour l'agri-culture organique et peuvent réunir de 10 à 5 000 familles-membres. Mais aujourd'hui, ces groupements informels ontdu mal à se renouveler. Malgré des revenus mieux assurés

que dans l'agriculture conventionnelle, les enfants de fer-miers bio ne sont pas forcément tentés par l'aventure. Côtéconsommateurs, la moyenne d'âge augmente aussi - 50 ansdans le groupe de Miyoshi - au grand regret d'Hiroko : "Lesjeunes ont grandi avec les “convenient stores” (supérettesouvertes 24h/24, ndlr). Ils veulent pouvoir choisir les produits."L'originalité des ”teikei” fait pourtant des émules. Des coopé-ratives de consommateurs copient la formule et se mettentau bio, poussées par leurs membres - des femmes, toujours.

Alpha Coop, à Osaka, propose depuis peudes paniers de légumes biologiques à ses7 000 membres. Contre une sorte d'abon-nement, ils reçoivent chaque semaine unpanier surprise. "Sur le marché, on trouvedes légumes à toute saison, mais hors deprix. Avec ce système, on a des légumes desaison pas trop chers et sans produits chi-miques", explique Yoshikazu Ikuta, direc-teur de la coopérative.La famille Motizuki fournit en légumes

Alpha Coop. Coincés entre de grands immeubles, à deux pasd'une route très fréquentée, ils font figure de résistants surleur terrain d’un demi-hectare. Le fils confirme : "Quand j'étaispetit, il y avait plein d'autres fermes tout autour. Puis la ville s'estétendue, ils ont tous vendu leurs terres..." A la demande de lacoopérative, il y a quinze ans, il a progressivement éliminétout produit chimique. Grâce aux prix stables de la coopéra-tive, grâce à des commandes régulières également, YuuitiMotizuki, sa femme et ses parents vivent toujours de la terre,sans autre source de revenus.“Aidés” par la “préférence nationale” des Japonais - méfiantsenvers les produits importés - ces formules alternatives pour-raient bien faire tache d'huile dans le paysage agricole nip-pon. En attendant, le taux d'autosuffisance alimentaire dupays décroît régulièrement. En 1998, l'agriculture ne satisfai-sait plus que 40 % des besoins alimentaires du Japon.Contre 79 % vingt ans plus tôt.// Charlotte Penchenier, au Japon

Rizières cherchent cultivateurs. La moitié des agriculteursjaponais ont plus de 65 ans. Et la plupart ne trouvent pasde successeur.

En 1998, l’agriculturene couvrait plusque 40 % des besoinsalimentaires du pays.Contre 79 %, vingt ansplus tôt.

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LES MÉDIAS FRANÇAIS SE CONCENTRENT. APRÈS LE RACHAT DE LA SOCPRESSE (LE FIGARO) PAR DASSAULT,LE JOURNAL LE MONDE S’APPRÊTE À OUVRIR SON CAPITAL AU GROUPE DE PRESSE LAGARDÈRE, PAR AILLEURS

ACTIONNAIRE DU GÉANT EUROPÉEN DE LA DÉFENSE EADS. ILLUSTRATION : TOAD.

LES NOUVEAUX CANONS DE LA PRESSE FRANÇAISE

Sans commentaire

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Cultivons notre jardin

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"L’Europe peut encore proposer aux sociétés (...) un modèle dedémocratie économique pour retrouver le chemin perdu du pro-grès social." Diable ! La dernière phrase de Dérives du capitalis-me financier lui assigne un objectif plus qu’ambitieux : cons-truire une nouvelle social-démocratie européenne, sortie deslimbes incontrôlables du capitalisme financier. Ce n’est pas lepremier ouvrage à prétendre "réformer" la société. Mais celui-ci pourrait bien avoir les moyens de ses ambitions. Car loin dese contenter de constats mille fois rebattus, il attaque le sys-tème en son cœur : la gouvernance.Ce concept à la mode serten fait à désigner la mainmise croissante des grands action-naires sur le gouvernement des entreprises. La plupart desthéoriciens de la "responsabilité sociétale des entreprises" necessent de répéter que cette évolution est nécessaire et sou-haitable. Michel Aglietta et Antoine Rebérioux la taillenten pièce.

Remettre un pilote dans l’avionEn observant très précisément l’évolution de ces vingt der-nières années, ils constatent que le rôle des grands actionnai-res et des dirigeants a surtout été néfaste. Ils se sont défaitsdes risques d’entreprise pour les rejeter sur les salariés et ontpénalisé les dépenses d’innovation pour faire grossir leurs basde laine, tendance que le libéral Patrick Artus appelle aujour-d’hui un "capitalisme sans projet" (lire Terra economica n°44).

Sans parler de la gabegienavrante d’Enron. On dira queles auteurs nous sifflent un airconnu : il faut remettre un pilo-te dans l’avion capitaliste.Certes. Mais leur excellent neu-vième chapitre indique desvoies très concrètes pour y par-venir : changer la nature juri-dique de l’entreprise pour lafaire échapper aux dirigeants etactionnaires et la rendre collec-tive. Il faut ainsi que son pou-voir "soit exercé (...) dans l’intérêtde ceux qu’il affecte : les action-

naires certes, mais aussi les salariés et au-delà les collectivitésvivant dans les territoires où les entreprises sont implantées."Pour Aglietta et Rébérioux, l’entreprise ne peut plus êtreconsidérée comme un objet de propriété, mais comme une"communauté", une "institution" (1). Corollaire de cette révolu-tion copernicienne : la représentation des salariés dans lesconseils d’administration (CA), le nécessaire droit de veto duCA en cas d’Offre publique d’achat (OPA), le contrôle accru del’Etat sur "toute la chaîne financière des analystes, courtiers,banquiers d’affaires, agences de notation." Et surtout, il fautdonner aux fonds d’épargne salariaux un vrai pouvoir déci-sionnel, pour que "la grande masse des épargnants salariés","cette catégorie d’actionnaires (...) muette, dispersée, sansmoyens d’influence et manipulée par l’industrie financière" ait -enfin - son mot à dire sur la bonne marche des affaires.// Arnaud Gonzague(1) Lire sur ce thème l’excellent ouvrage de Didier Livio,Réconcilier l’entreprise et la société, Village Mondial, 2002

DÉRIVES DU CAPITALISME FINANCIER EST UN LIVRE

TOUFFU ET ARDU. MAIS IL VAUT LA PEINE QU’ON S’YPLONGE. CAR IL TRACE PEUT-ÊTRE LES GRANDES LIGNES

DE LA SOCIAL-DÉMOCRATIE DE DEMAIN.

Michel Aglietta et Antoine Rebérioux, Dérives du capitalismefinancier, Albin Michel, 394 pages, 28 euros.

DR

LES TRENTE (PROCHAINES) GLORIEUSES

Cultivons notre jardin

REVUEMegalopolis - La planète compte 20 mégalopoles, dont la popu-lation dépasse 20 millions d’habitants, Tokyo supplantant toutesles autres (26 millions). Dans un numéro spécial, la Revue Durableestime qu’il est impossible de faire de ces agglomérations tenta-culaires "des havres d’équilibre écologique et d’harmonie sociale".Mais reconnaît qu’elles "ont beaucoup de réussites à faire valoir enmatière de transports, d’habitat, de gestion des déchets et d’inté-gration sociale", Car "la mégalopole n’offre pas d’échappatoire : elleoblige à apprendre à vivre ensemble." La Revue Durable n°14,

février-mars 2005. www.larevuedurable.com

TELEVISIONAzalaï, la caravane de l’or blanc - Depuis la nuit des temps, lescaravanes transsahariennes relient l’Afrique noire au mondeméditerranéen. Aujourd’hui, la dernière de ces pistes relie

Tombouctou (Mali) aux salines de Taoudenit, à 800 kilomètres aunord du pays. Les nomades arabes y conduisent des mineurs noirsoriginaires des bords du fleuve Niger et descendants des esclavesd’autrefois. Ce périple, nommé l’azalaï, empreint de coutumesimmuables, a pour but d’acheter une denrée très prisée dans toutel’Afrique de l’Ouest : le sel. Documentaire de 52 minutes, réalisé par

Joël Calmettes. Jeudi 3 mars, 14 h 45, France 5. (Programme sous-titré)

Zarkaoui, la question terroriste - On en sait beaucoup sur la per-sonnalité de Ben Laden (son origine sociale, sa famille, etc.), mais onen sait beaucoup moins sur Zarkaoui, l’actuel chef du terrorisme enIrak. D’où sort-il ? D’où tient-il les moyens financiers et logistiquesde ses actions ? Quels sont ses buts de guerre ? Quelles sont sesrelations avec Ben Laden ? Documentaire de 90 minutes, réalisé par

Patrice Barrat, Najat Rizk et Ranwa Stephan, d’après une enquête de

Fouad Hussein. Mardi 1er mars, 20 h 45, Arte.

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La BA de la semaine

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La BA de la semaine

LE PLASTIQUE C’EST FANTASTIQUE

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LE RECYCLAGE DU PLASTIQUE POSE UN PIED SUR LE CONTINENT AFRICAIN. EN S’APPUYANT SUR

DES ORGANISATIONS POPULAIRES AU BURKINA FASO, UNE ONG ITALIENNE FAIT DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

SON CHEVAL DE BATAILLE. TOUT EN CRÉANT DES EMPLOIS.

C’est au Sénégal quel’initiative a pris sasource. Le problème

- malheureusement peuoriginal - était le suivant.Comment se débarrasserdes sacs plastiques quitapissent villes et champset mettent en péril (1) lestroupeaux peu regardantssur cette drôle de nourritu-re décidément bien abon-dante ? L’association inter-nationale des volontaireslaïcs (LVIA), basée en Italie,s’est penchée sur la ques-tion il y a maintenant septans. Concentré sur les sec-teurs de l’agriculture, de lasanté et de l’assainisse-ment, l’investissement de la LVIA duredepuis 1966 notamment en Afrique del’ouest et en Europe de l’est."L’idée n’était pas de résoudre le problè-me de façon ponctuelle puis de repartir,explique Andrea Micconi, qui dirigel’ONG. A l’image de tous nos program-mes en Afrique, nous souhaitions mettreau point une démarche de développe-ment qui puisse être durable dans letemps".Sept ans plus tard, le projet,même s’il demeure de taille modeste,est un succès et est en passe d’êtredupliqué à Ouagadougou, la capitaledu Burkina Faso, où l’organisations’est implantée en 1973.

Le plastique pousse plus viteque les culturesAu Burkina, l’Association internationaledes volontaires laïcs s’est appuyée surles collectivités locales (mairie deOuagadougou) et sur la brigade verte,une association regroupant 900 fem-mes sur place, "le maillon indispensablede ce projet", reconnaît sans sourcillerAndrea, dans un français impeccable.

Soutenue par la Banque mondiale àhauteur de 150 000 euros et peut-êtrebientôt suivie par l’Union européenne,l’initiative déroule un fonctionnementtrès cohérent.

"Développer pour longtemps"Tout part des femmes chargées duramassage de ces sacs plastique quijonchent le sol notamment dans lacapitale. Les emballages sont achetésau poids à ceux qui les collectent. Ilssont ensuite nettoyés, lavés, avant d’êt-re transformés en plastique réutilisa-ble. Le produit obtenu (assiettes, cou-verts, récipients, etc.) est alors revenduaux entreprises locales de plus en plusdemandeuses de ces matières premiè-res, difficiles à importer. "Nous pré-voyons de traiter environ 600 tonnes paran et de dégager près de 70 000 dollarsde recettes", explique Andrea Micconi.Un volume modeste certes, maisconséquent au vu des conditions surplace. Le projet, dans son déploiementfinal, devrait par ailleurs offrir unemploi à une quinzaine de femmes.

Plusieurs centres de trai-tement sont prévus, lepremier venant d’ailleursd’être inauguré. Un parte-nariat passé avec desentreprises italiennes vaquant à lui permettre defaire venir les machinescapables de retransfor-mer le plastique, pour uncoût moindre.Le projet a d’ores et déjàdécroché le Prix interna-tional de Dubaï, quirécompense les meilleu-res pratiques en matièred’amélioration de l’envi-ronnement résidentiel.Pour la Banque mondiale,ce projet est jugé "exem-

plaire", car il lutte directement contrel’appauvrissement des sols et la pollu-tion : "La population locale utilise engénéral les déchets organiques commefertilisants, mais les quantités actuellesde déchets plastiques diminuent la ferti-lité de la terre et empêchent l’eau, unedenrée déjà rare, de s’infiltrer dans le sol".En outre, la brigade verte, forte de lamobilisation des femmes, est chargéede la sensibilisation de la population àla défense de l’environnement et audanger de ces matières plastiques quireprésentent aujourd’hui environ 10 %de la totalité des déchets d’une villecomme Ouagadougou. Cette dimen-sion "sociale et environnementale" aprécisément séduit la Banquemondiale. Andrea Micconi est lui trèsserein. "Ce projet possède tous les élé-ments pour fonctionner de façon auto-nome. Il est l’illustration parfaite de notrephilosophie." // David Solon

(1) Près de 30 % des décès des animauxsont provoqués par l’ingurgitationde ces sacs plastiques.

La LVIA travaille sur la valorisation des déchets plastiquesen Mauritanie (photo), au Sénégal et au Burkina Faso.