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Université Rennes 2 Haute Bretagne Centre de recherches historiques de l’Ouest – CERHIO Thomas P ERRONO Les marchands de toiles d’Amanlis Une petite élite rurale au cœur de la manufacture des toiles à voiles 1750 v. 1900 Sous la direction de M. Yann LAGADEC Master 2 Histoire, sociétés et cultures Septembre 2011

Les marchands de toiles d'Amanlis

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Page 1: Les marchands de toiles d'Amanlis

Université Rennes 2 – Haute Bretagne

Centre de recherches historiques de l’Ouest – CERHIO

Thomas PERRONO

Les marchands de toiles d’Amanlis

Une petite élite rurale au cœur de la manufacture des toiles à voiles

1750 – v. 1900

Sous la direction de M. Yann LAGADEC

Master 2 Histoire, sociétés et cultures

Septembre 2011

Page 2: Les marchands de toiles d'Amanlis

Université Rennes 2 – Haute Bretagne

Centre de recherches historiques de l’Ouest – CERHIO

Thomas PERRONO

Les marchands de toiles d’Amanlis

Une petite élite rurale au cœur de la manufacture des toiles à voiles

1750- v. 1900

Tome 1

Sous la direction de M. Yann LAGADEC

Master 2 Histoire, sociétés et cultures

Septembre 2011

Page 3: Les marchands de toiles d'Amanlis

A Olivia,

A ma famille,

A mes ancêtres Perrono,

tisserands au village de Kervihan en Guénin (56).

En couverture : Carte postale de la halle de Janzé, début du XXe siècle, éd. Mary-Rousselière, Rennes.

Page 4: Les marchands de toiles d'Amanlis

Remerciements | 3

R E M E R C I E M E N T S

Ce travail de recherche n’aurait pas été possible sans l’aide constante ou occasionnelle

de nombreuses personnes.

Je tiens, tout d’abord, à montrer ma gratitude envers M. Yann Lagadec qui m’a

proposé ce sujet et m’a appris l’exigence du travail de la recherche historique avec une

disponibilité de tous les instants. Je lui suis aussi redevable de m’avoir encouragé et conseillé

lors de ma participation au colloque « Industrie et monde rural en France de l'Antiquité au

XXIe siècle », qui s’est tenu à Limoges du 30 septembre au 2 octobre 2010.

Je remercie l’ensemble du personnel des Archives départementales d’Ille-et-Vilaine et

M. Renan Donnerh, bibliothécaire du CERHIO, pour leur disponibilité.

Ce travail ne serait également rien sans le soutien de mes parents et d’Alban, qui n’ont

eu de cesse d’alimenter ma passion de l’histoire tout au long de mon enfance.

Mes amis bretons, normands, poitevins et d’ailleurs, du master Histoire, sociétés et

cultures, trouvent évidemment leur place ici, pour la saine émulation qui nous a animée aux

Archives départementales.

Enfin, et surtout, je pense à Olivia qui m’a apporté un soutien indéfectible, une écoute

délicate et une aide précieuse tout au long de ce travail. Je lui promets de ne plus passer,

désormais, tout mon temps à Amanlis en compagnie de Jean-Baptiste Chevrel et de Pierre-

Antoine Arondel.

Page 5: Les marchands de toiles d'Amanlis

Avertissements | 4

A V E R T I S S E M E N T S

Afin d’alléger la lecture de notre travail, nous avons utilisé un certain nombre de

signes et d’abréviations, que voici :

Les références d’archives

ADIV : Archives départementales d’Ille-et-Vilaine

AMR : Archives municipales de Rennes

Les abréviations bibliographiques

AB : Annales de Bretagne

ABPO : Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest

AESC : Annales Economies, Sociétés, Civilisations

AHSR : Association d’Histoire des Sociétés Rurales

BMSAHIV : Bulletins et mémoires de la Société Archéologique et Historique d’Ille-et-

Vilaine

MSHAB : Mémoires de la Société d’Histoire et d’Archéologie de Bretagne

PUF : Presses Universitaires de France

PUR : Presses Universitaires de Rennes

RB : Revue de Bretagne

RN : Revue du Nord

Les abréviations généalogiques

° : né à la date du ; ¤ : marié à la date du ; † : décédé à la date du.

La monnaie de compte

L : livre tournoi ; s : sou ; d : denier ; fr : franc.

Page 6: Les marchands de toiles d'Amanlis

Introduction | 5

I N T R O D U C T I O N

Entre les XVIe et XVIII

e siècles, la Bretagne a été une grande région productrice de

toiles, au cœur d’un espace de production textile plus large englobant l’ouest de la France. J.

Tanguy explique que « le climat océanique dominant en Bretagne, doux et humide, convient

bien à la culture du lin et du chanvre », les deux plantes qui servent à confection des toiles.1 Il

en est de même pour les conditions géologiques avec des sols fertiles le long de la côte nord et

dans le bassin de Rennes, fertilité due à « des placages de lœss, provenant des fonds marins de

la Manche asséchée au quaternaire. »2 A côté des deux importantes manufactures rurales

linières, que sont celles des « crées », produites dans le Léon, ainsi que celles des

« bretagnes », produites en Centre-Bretagne, on trouve d’autres zones de productions toilières,

notamment celle des toiles de chanvre qui nous intéressent plus particulièrement ici. Ces

toiles à voiles sont principalement produites dans les paroisses rurales du triangle

Rennes/Vitré/La Guerche. Celles de Noyal, Châteaugiron, Piré, Janzé et Amanlis constituent

le cœur de cette manufacture rurale.3

Amanlis est d’ailleurs décrite dans les années 1840-1850, par A. Marteville et P.

Varin, correcteurs du Dictionnaire historique et géographique de Bretagne d’Ogée, comme

un « pays [où l’on] produit encore […] beaucoup de chanvre : aussi dans presque toutes les

fermes on fabrique des toiles à voiles. Il y a au village de Néron une blanchisserie de fil

considérable. »4 Cette paroisse, devenue commune après la Révolution, se situe entre les deux

grosses paroisses toilières de Châteaugiron et de Piré-sur-Seiche. Elle est éloignée de

seulement une vingtaine de kilomètres de la ville de Rennes et de ses halles aux toiles. Nous

n’avons que très peu d’éléments sur l’histoire d’Amanlis, mis à part une monographie de R.

1 TANGUY Jean, Quand la toile va. L’industrie toilière bretonne du 16

e au 18

e siècle, Rennes, éd. Apogée, 1994,

p. 9. 2 Ibid., p. 10.

3 Cf. annexe n°1.

4 OGEE Jean-Baptiste, Dictionnaire historique et géographique de Bretagne, nouvelle édition par MARTEVILLE

Alphonse et VARIN Pierre, Rennes, éd. Deniel, 1843-1853, tome 2, p. 39.

Page 7: Les marchands de toiles d'Amanlis

Introduction | 6

Chabirand, un érudit local.5 D’après son ouvrage, la culture des plantes textiles (lin et

chanvre) serait pratiquée depuis l’époque médiévale à Amanlis, elle se développe ensuite,

après 1500, favorisée par l’industrie des toiles à voiles « canevas » originaire de Vitré, puis au

XVIIe siècle avec l’arrivée des « noyales », de la paroisse voisine de Noyal-sur-Vilaine.

Cependant, nous n’avons pas pour but de faire, comme R. Chabirand, une simple

histoire locale d’Amanlis. Notre étude entend apporter sa contribution à l’historiographie de la

proto-industrie textile des campagnes du sud-est de Rennes, qui n’est pas aussi approfondie

que celle des manufactures des « crées » dans le Léon, ou des « bretagnes » aux alentours de

Quintin/Uzel/Loudéac, comme ont pu le remarquer Y. Lagadec et D. Pointeau, qui se

proposent, dans un article publié en 2006 dans les Mémoires de la Société Historique et

Archéologique de Bretagne, d’établir un bilan des connaissances actuelles sur la manufacture

des toiles à voiles. Les deux historiens constatent alors « une connaissance par trop

impressionniste de la production textile des campagnes des environs de Vitré, […] une

production rarement étudiée pour elle-même. »6 Ils suggèrent également qu’il existe un mode

de production spécifique à cette manufacture des toiles à voiles, qui repose sur deux

éléments : tout d’abord, la pluri-activité des acteurs de la production textile, ceux-ci seraient

des paysans qui trouvent dans la production des toiles à voiles une source de revenus

supplémentaires lorsqu’ils désertent les travaux des champs ; ensuite, le soutien de l’Etat dans

ces commandes de voiles pour la Marine pendant tout le XVIIIe siècle et la première moitié du

XIXe siècle, ce qui aurait permis de « garantir une activité plus durable à défaut d’être aussi

soutenue que dans le Léon et en Centre-Bretagne. »7

Conjointement à ce volet plus économique de l’histoire de la manufacture des toiles à

voiles, notre travail entend également être une histoire sociale d’une petite élite rurale : les

marchands de toiles. Ces derniers sont considérés comme les véritables moteurs de l’industrie

textile des paroisses rurales du sud-est de Rennes. La compréhension du fonctionnement du

groupe social qu’ils composent nous permettra de saisir l’évolution du système productif de la

manufacture. Nous n’avons pour l’instant que très peu d’informations sur les marchands de

toiles à voiles. Sont-ils de riches marchands-fabricants à l’image des Juloded léonards, ou

5 CHABIRAND, Raymond, Amanlis. Histoire d’une paroisse rurale, Rennes, Imprimerie « Les Nouvelles », 1968.

6 LAGADEC Yann, POINTEAU Delphine, « La protoindustrie textile dans les campagnes des environs de Vitré

(XVIe-XIX

e siècles) : un modèle spécifique de production ? », MSHAB, 2006, p. 181.

7 Ibid., p. 196.

Page 8: Les marchands de toiles d'Amanlis

Introduction | 7

bien de petits paysans-marchands pluri-actifs ? Il sera d’ailleurs nécessaire d’aborder un

certain nombre de questions : quelle place occupent les marchands dans le système productif

et commercial des toiles à voiles ? Forment-ils un groupe homogène financièrement avec un

niveau de richesse plus élevé que le reste de la population paysanne d’Amanlis ? Mettent-ils

en place des stratégies matrimoniales et de reproduction sociale afin de maintenir en place

leur groupe social ? Exercent-ils une influence politique sur les institutions locales, tant

paroissiales sous l’Ancien Régime, que communales après la Révolution ? Ont-ils investi leur

richesse dans un patrimoine foncier, immobilier et mobilier conséquent et original ? Ont-ils eu

une influence sur le patrimoine religieux de leur paroisse ?

Le cadre chronologique de notre étude s’étend sur environ un siècle et demi, entre

1750 et la fin du XIXe siècle. On remarquera que nous avons sciemment choisi de dépasser

« la césure académique entre les périodes moderne et contemporaine »8, afin de pouvoir

étudier le second essor de la manufacture dans le second quart du XIXe siècle, puis son déclin

progressif jusque dans les années 1860. Alors, pourquoi étendre l’étude au-delà de la

disparition de la manufacture des toiles à voiles ? De manière à saisir l’effet d’inertie exercée

par cette production toilière, désormais abandonnée, sur la société rurale d’Amanlis,

notamment lors de la reconversion professionnelle des anciens marchands et de leur

descendance.

La production textile a suscité un certain nombre d’études depuis la fin du XIXe siècle.

Mais elles ont porté des regards différents sur cette industrie : le temps des premières

connaissances fin XIXe, début XX

e siècle, l’histoire économique dans les années 1960, puis

l’arrivée de la « Nouvelle histoire » dans les années 1980 qui a posé un regard plus social

pour essayer de comprendre les mentalités des acteurs de l’industrie textile.

Nous avons évoqué à plusieurs reprises le concept de proto-industrialisation. Il a été

forgé par l’historien américain, F. Mendels, dans sa thèse soutenue en 1969 à l’université du

Wisconsin.9 Elle désigne une première phase de modernisation industrielle pendant laquelle

8 Ibid., p. 181.

9 MENDELS Franklin, Industrialization and population pressure in XVIII

th century Flanders, thèse de doctorat,

univ. Wisconsin, 1969.

Page 9: Les marchands de toiles d'Amanlis

Introduction | 8

les industries rurales sont perçues comme une étape préalable à la révolution industrielle.10

Mendels propose que l’on analyse la proto-industrialisation comme la combinaison de quatre

critères interdépendants :

1- Les productions réalisées par les artisans et paysans ruraux doivent être destinées au

commerce sur des marchés situés en dehors du cadre spatial local, voire à l’étranger. On ne

doit pas être en présence d’une activité qui permette uniquement l’autosubsistance des

paysans, par exemple de se vêtir dans le cas des industries textiles.

2- Cette proto-industrialisation doit impliquer les paysans dans son système de production.

Ceux-ci deviennent alors acteurs de l’artisanat rural, en plus de leurs activités agricoles. Ils y

trouvent ainsi des revenus de compléments. Cette production est hiérarchisée : la ville joue un

rôle de marché pour les productions rurales et de contrôle qualitatif des marchandises. Les

paysans viennent à la ville vendre directement leur production dans le cadre du Kaufsystem,

ou bien font appel à des « marchands-fabricants » de la ville lorsque l’on se trouve dans le

Verlagssystem ou le putting out system.

3- L’agriculture et l’industrie sont liées : les paysans ont besoin de revenus de complément,

à cause des tailles insuffisantes de leurs exploitations. Ils les trouvent en fabriquant des

produits commercialisés (toiles à voiles dans notre étude) à des moments de l’année où les

travaux des champs sont interrompus.

4- La proto-industrialisation doit se concevoir à une échelle régionale. Il existe une véritable

complémentarité des productions à cette échelle, entre « terre riche d’agriculture commerciale

et terre pauvre d’agriculture de subsistance ; paysage de grandes fermes cultivées par des

ouvriers salariés et de petites fermes familiales. » Les relations entre les villes et les

campagnes environnantes forment « la structure élémentaire de la proto-industrialisation. » Ce

que Mendels résume ainsi : « la région est la molécule, ses zones rurales internes différenciées

en sont les atomes, dont la ou les villes forment le noyau. » 11

L’historiographie de l’industrie textile bretonne se concentre principalement autour

des deux manufactures linières des « crées » dans le Léon et des « bretagnes » en Centre-

Bretagne, à travers notamment les ouvrages de références que sont Quand la toile va.

L’industrie toilière bretonne du 16e au 18

e siècle, de J. Tanguy et Toiles de Bretagne. La

10

MENDELS Franklin, « Des industries rurales à la proto-industrialisation, histoire d’un changement de

perspective », AESC, septembre-octobre 1984, p. 988. 11

Ibid., p. 988.

Page 10: Les marchands de toiles d'Amanlis

Introduction | 9

manufacture de Quintin, Uzel et Loudéac 1670-1830, de J. Martin.12

Ces deux ouvrages

proposent les mêmes grilles d’analyses. Ils s’intéressent aux aspects économiques, sociaux,

culturels et patrimoniaux des manufactures. Ainsi, ils rentrent dans le débat de la proto-

industrialisation proposé par Mendels, tout comme ils abordent les questions des mentalités et

de la culture matérielle. Nous verrons, au cours de notre étude, si nous pouvons appliquer

entièrement ces mêmes grilles d’analyses à la manufacture des toiles à voiles, ou bien si elle

comporte des spécificités dans son fonctionnement économique notamment. A côté de ces

deux ouvrages, nous trouvons également d’autres études universitaires dans le cadre de

mémoires de master, notamment celui d’Anthony Guillemot, soutenu en 2007, et qui avait

pour objectif d’étudier la relation entre richesse produite par le commerce des toiles et

entreprise de chantiers paroissiaux, au cœur de la manufacture des toiles « bretagnes ». En

fait, il a appliqué à cette manufacture la réflexion de Jean Tanguy.13

Si les manufactures de toiles des « crées » et des « bretagnes » ont été largement

étudiées, ce n’est pas le cas de la manufacture des toiles à voiles, qui se situe dans les

paroisses rurales de l’évêché de Rennes. Il n’existe qu’un nombre restreint d’études anciennes

et qui nécessitent d’être réactualisées. L’une des plus anciennes est celle du vitréen Edouard

Frain de la Gaulayrie à la fin du XIXe siècle.

14 Cet ouvrage est très marqué par l’école

méthodique de C. Seignobos. Sinon, nous devons alors nous contenter d’études partielles,

souvent insérées au sein d’ouvrages consacrés aux autres manufactures. Comme, par exemple,

dans la monographie de R. Chabirand sur Amanlis, qui livre – sans citer ses sources –

plusieurs éléments factuels sur la production des toiles à voiles et des marchands de la

paroisse/commune.15

J. Tanguy, dans son ouvrage sur l’industrie toilière bretonne, évoque

également la production de toiles de chanvre dans la région de Vitré et de Rennes, mais il

s’agit plus d’une chronologie de l’économie de la manufacture des toiles à voiles, que d’une

étude économique et sociale. En fait, ce n’est que très récemment que l’on a commencé à

redécouvrir cette manufacture toilière, avec notamment Y. Lagadec qui a publié deux articles

à ce sujet en 2006. Il a tout d’abord publié le rapport d’un inspecteur principal de la

manufacture entre 1748 et 1767, Antoine de Coisy, ce qui permet de disposer d’un état de

12

TANGUY Jean, Quand la toile va…, op. cit. MARTIN Jean, Toiles de Bretagne : la manufacture de Quintin,

Uzel et Loudéac, 1670-1830, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1998. 13

GUILLEMOT Anthony, Prospérité toilière et chantiers paroissiaux dans les paroisses rurales de la

manufacture des toiles « Bretagnes » (1650-1830), Mémoire de master 2, dact., Rennes 2, 2007. 14

FRAIN DE LA GAULAYRIE, Edouard, Les Vitréens et le commerce international, Vannes, Lafolye, 1893. 15

CHABIRAND, Raymond, Amanlis, op. cit.

Page 11: Les marchands de toiles d'Amanlis

Introduction | 10

l’industrie des toiles à voiles au milieu du XVIIIe siècle.

16 Il y a eu également un autre article

publié dans le cadre du Congrès de la Société d’Histoire et d’Archéologie de Bretagne

(SHAB) à Vitré en 2006, en collaboration avec Delphine Pointeau, qui cherche à faire un état

des connaissances sur l’industrie des toiles à voiles, à cette date.17

Les deux historiens ont

notamment cherché à se démarquer de l’historiographie des deux manufactures linières

bretonnes, en incitant de futurs chercheurs à étudier les spécificités économiques, sociales et

patrimoniales de la manufacture chanvrière. Plus largement, nous pouvons également citer le

mémoire de master de G. Le Goué-Sinquin, soutenu en 2009, sur les marchands de toiles de

Vitré au XVIe siècle, qui a très largement renouvelé l’historiographie de ce sujet.

18

Pour mener à bien notre travail, il a été nécessaire de dépouiller et d’étudier plusieurs

types de sources : manuscrites, imprimées, administratives, commerciales, notariales, fiscales

etc. C’est grâce à cette diversité que nous allons faire l’analyse la plus fine et la plus complète

possible des marchands de toile d’Amanlis.

La majorité des sources étudiées sont conservées aux archives départementales d’Ille-

et-Vilaine.

Les sources les plus abondantes sont issues, sans aucun doute, des différentes archives

administratives : qu’il s’agisse des listes de recensement (série 6M des ADIV), des matrices et

plans cadastraux (série 3P des ADIV), des registres de mutations après décès provenant du

bureau de l’enregistrement (série 3Q des ADIV), des archives de justice commerciale rendue

par le Consulat sous l’Ancien Régime (série 10B des ADIV), voire des archives liées aux

élections et aux nominations du personnel politique local (séries 2M et 3M des ADIV). Nous

retrouvons également les sources de l’administration paroissiale, comme les registres de

délibérations du général de paroisse (série 2G des ADIV).

Les archives fiscales nous ont permis d’estimer la richesse des marchands de toiles, à

travers l’étude des registres de capitations (série C des ADIV). Le registre de capitation est un

document fiscal produit tous les ans, sous l’autorité de six égailleurs de la capitation. Ces

derniers représentent chacun un des six traits de la paroisse. Il s’agit d’une division de la

16

LAGADEC Yann, « La production des toiles à voiles en Bretagne au milieu du XVIIIe siècle d'après un rapport

de l'Inspection des manufactures », BMSAHIV, 2006, p. 141-174. 17

LAGADEC Yann, POINTEAU Delphine, « La proto-industrie textile… », art. cit. 18

LE GOUE-SINQUIN Gwénolé, Les marchands de toiles de Vitré (v. 1500 - v. 1600) : aspects économiques,

sociaux, religieux, culturels, Mémoire de master 2, dact., Rennes 2, 2009.

Page 12: Les marchands de toiles d'Amanlis

Introduction | 11

paroisse créée pour des raisons fiscales. Au début de chaque mois de novembre, on désigne un

égailleur des impôts par trait qui était alors chargé de la répartition de l’impôt à l’intérieur du

trait. Le registre prend en note le nom du capité ainsi que la somme due au titre de la

capitation, qui est un impôt par répartition qui pesait sur tous les chefs de feu. Ainsi un chef

de famille paye aussi pour tous les servantes ou domestiques présents sous son toit.

L’étude des patrimoines fonciers, immobiliers et mobiliers des marchands a été

réalisée à partir de l’analyse des sources notariales que constituent les inventaires après décès

(séries 4B et 4E des ADIV). Cet acte notarié comprend l’énumération et la description des

biens du défunt après sa mort. Ce type d’acte est rédigé lorsque des mineurs sont en jeu dans

la succession, ou bien lorsqu’une veuve ou un veuf veut arrêter la communauté des biens avec

son époux défunt.

Les registres paroissiaux, sous l’Ancien Régime, et l’état civil, après la Révolution,

constituent également un type de source primordial lorsque l’on fait une histoire sociale des

marchands de toiles. Ces archives nous ont permis de reconstituer les généalogies de plusieurs

marchands de toiles et ainsi d’étudier, par exemple, l’endogamie ou la reproduction sociale au

sein de ce groupe.

Nous avons également appuyé notre travail sur l’étude de nombreuses sources

imprimées, dont de nombreux rapports et mémoires rédigés sur l’industrie des toiles à voiles

aux XVIIIe et XIX

e siècles.

Nous n’allons pas reprendre, ici, l’ensemble des questionnements que nous avons

exposé au cours de cette introduction. Mais, de façon plus générale, ce travail est l’occasion

de comprendre les mécanismes économiques, sociaux et commerciaux de la manufacture des

toiles à voiles, d’étudier le groupe social des marchands de toiles pour voir s’il s’agit d’une

élite rurale, ainsi que d’analyser la disparition de cette production toilière avec l’échec d’un

système proto-industriel vers une véritable industrie. Cette étude s’appuiera donc sur les

travaux déjà réalisés pour les autres manufactures bretonnes, tout en se gardant bien de ne pas

forcément reproduire l’ensemble de leurs grilles d’analyses, ce qui permettra ainsi de voir les

spécificités de la manufacture des toiles à voiles.

Page 13: Les marchands de toiles d'Amanlis

Introduction | 12

Les deux premiers chapitres seront consacrés à une étude globale de la manufacture

des toiles à voiles, en partant de l’exemple d’Amanlis, afin de comprendre l’univers

économique, social et commercial dans lequel s’intègre les marchands de toiles. Nous

analyserons, dans le premier chapitre, la production des toiles à voiles par l’implication de

l’ensemble de la population paysanne d’Amanlis. Puis, dans le deuxième, nous aborderons le

commerce de cette production, depuis Amanlis et ses marchands ruraux, jusqu’à Saint-Malo

et ses grands négociants d’envergure internationale. Les quatre chapitres suivants seront le

cœur de l’étude sur les marchands de toiles d’Amanlis. Nous étudierons tout d’abord, le

groupe social des marchands, ensuite, leur patrimoine foncier, immobilier et mobilier, puis,

leur domination sur la vie politique locale et enfin, leur influence, ou non, sur le patrimoine

religieux. Le septième et dernier chapitre sera consacré à comprendre les raisons du déclin,

puis de la disparition, de la manufacture rurale des toiles à voiles, dans la première moitié du

XIXe siècle.

Page 14: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 1 | 13

La production des toiles à voiles à Amanlis

C H A P I T R E 1

La production des toiles à voiles à Amanlis

Comme ont pu largement le montrer J. Tanguy ou bien J. Martin1, la province de

Bretagne a été au cœur des flux économiques mondiaux, entre les XVe et XIX

e siècles, grâce au

commerce des toiles. Si les villes de Rennes, Saint-Malo et Nantes concentrent ce commerce

destiné aux marchés étrangers – Hollande, Angleterre, Espagne et ses colonies américaines

principalement – jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, il ne faut surtout pas sous-estimer le rôle

joué par les paroisses rurales environnantes, puisque ce sont « de 10 à 30 000 pièces » de

toiles « noyales » qui sont marquées chaque année entre 1750 et la Révolution dans les

bureaux de marque de Rennes, Vitré, La Guerche et Nantes.2 La production de ces toiles de

chanvre est centrée « autour des trois paroisses de Piré, Noyal et Châteaugiron, le tissage en

concerne au moins une quarantaine d’autres […] de Janzé à Argentré et de Gennes à

Cesson. »3

Nous pouvons nous demander comment la production de toiles à voiles – du semis de

la graine de chanvre, jusqu’au tissage – a pu devenir le moteur économique de toute une

région rurale située au sud-est de Rennes, dans le cadre du concept de proto-industrialisation ?

Pour cela, nous étudierons dans un premier temps, le fait que la production toilière ait pris une

place primordiale dans les paroisses situées au cœur de la manufacture, allant jusqu’à

impliquer l’ensemble de la population paysanne. Puis dans un second temps, nous analyserons

le processus de fabrication des toiles à voiles, ainsi que les différents types de toiles tissées.

1 TANGUY Jean, Quand la toile va. L’industrie toilière bretonne du 16e au 18e siècle, Rennes, éd. Apogée, 1994

et MARTIN Jean, Toiles de Bretagne. La manufacture de Quintin, Uzel et Loudéac (1670-1830), Rennes, PUR,

1998. 2 LAGADEC Yann, POINTEAU Delphine, « La protoindustrie textile dans les campagnes des environs de Vitré

(XVIe-XIX

e siècles) : un modèle spécifique de production ? », MSHAB, 2006, p. 184.

3 Ibid., p.184.

Page 15: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 1 | 14

La production des toiles à voiles à Amanlis

1. L’importance de l’activité textile à Amanlis

Avant d’étudier plus en profondeur le groupe social des marchands de toiles, il faut

voir que ceux-ci prennent place dans une société paysanne entièrement impliquée dans la

production des toiles à voiles, d’autant plus que la paroisse d’Amanlis se situe au cœur de la

manufacture des toiles à voiles.

1.1. Amanlis, une paroisse au cœur de la manufacture des toiles à voiles

Amanlis se situe au cœur d’une zone de production toilière, comme ont pu le constater

Y. Lagadec et D. Pointeau qui rapportent, à travers une enquête de l’intendance en date de

1739, que la culture du chanvre est « largement répandu dans le quadrilatère Rennes/Vitré/La

Guerche/Châteaugiron. »4 Ils restituent les propos de Charil, subdélégué de Vitré pour qui « il

est certain qu’il n’y a pas de laboureurs à la campagne qui tiennent des fermes quelques

petites qu’elles soient qui ne sème des chanvres. »5. Le même avance dans une autre

lettre : « Je pense que l’on sème des chanvres dans presque toutes les paroisses de la

subdélégation de Vitré. »6 La paroisse d’Amanlis n’est distante que d’une vingtaine de

kilomètres des villes de Rennes et Vitré, comme du bourg de La Guerche (cf. carte n°1). Les

marchands d’Amanlis trouvent dans ces villes et bourgs des bureaux de contrôle et de marque

des toiles à partir du milieu du XVIIIe siècle, mais également des marchés aux toiles

importants.7 En outre, Amanlis est limitrophe des paroisses de Châteaugiron et de Piré,

véritable cœur de la manufacture, où Y. Lagadec a dénombré pas moins de 280 métiers à

tisser pour les années 1750.8 A Janzé, chef-lieu du canton auquel appartient Amanlis après la

Révolution, se tient un marché hebdomadaire, qui est fréquenté à « plus de dix lieues à la

ronde » selon J.-B. Ogée.9

4 LAGADEC Yann, POINTEAU Delphine, « La protoindustrie textile … », art. cit., p. 187.

5 ADIV, C 1560, Lettre du 5 novembre 1739.

6 ADIV, C 1560, Lettres des 22 octobre et 26 novembre 1739.

7 LAGADEC Yann, « L’horizon planétaire des ruraux bretons », Du lin à la toile : la proto-industrie textile en

Bretagne, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008, p. 312. 8 LAGADEC Yann, « La production des toiles à voiles en Bretagne au milieu du XVIII

e siècle d'après un rapport de

l'Inspection des manufactures », BMSAHIV, 2006, p. 171. 9 OGEE Jean-Baptiste, Dictionnaire historique et géographique de Bretagne, nouvelle édition par MARTEVILLE

Alphonse et VARIN Pierre, Rennes, éd. Deniel, 1843-1853, p. 356.

Page 16: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 1 | 15

La production des toiles à voiles à Amanlis

Carte n°1 : La manufacture des toiles à voiles « noyales » au XVIIIe siècle

1.2. Une population paysanne entièrement impliquée dans la production des toiles

1.2.1. A travers l’étude des inventaires après décès

L’étude des inventaires après décès à Amanlis permet de déterminer l’importance de la

culture du chanvre et sa transformation en toiles à voiles dans la paroisse.10

Nous avons à

notre disposition 49 inventaires, sur une période d’un siècle entre la seconde moitié du XVIIIe

siècle et la première moitié du XIXe siècle. Ce résultat n’est certainement pas suffisant pour

une étude sérielle et quantitative, ce qui aurait été permis par une étude systématique de

l’ensemble des sources notariales concernant Amanlis. Toutefois, cela nous permet d’évaluer

l’impact de la culture chanvrière et la production toilière à Amanlis.

Pour débuter, nous pouvons remarquer que seuls trois inventaires après décès ne font

mention d’aucun outil ou matière première lié à la culture du chanvre et à la production de

toiles. Le premier d’entre eux est celui de Noël Daën du Cosquer (1756-1825), recteur

d’Amanlis de novembre 1783 à décembre 1803. C’est un noble né en la paroisse Saint-

Etienne de Rennes.11

Il a quitté Amanlis le 16 mai 1791 face à son refus de la Constitution

civile du Clergé. Parti rejoindre les émigrés, il séjourna un temps en Angleterre avant de 10

ADIV, 4B 30, 4B 2688/3, 4E 4167, 4E 4187, 4E 4190, 4E 4289, 4E 4294, 4E 4305, 4E 4307, 4E 4316, 4E

4503, 4E 4504, 4E 4507, 4E 4519, 4E 4531. Etude de 49 inventaires après décès, sur la période 1756-1853. 11

CHABIRAND, Raymond, Amanlis. Histoire d’une paroisse rurale, Rennes, Imprimerie « Les Nouvelles », 1968,

p. 85.

Page 17: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 1 | 16

La production des toiles à voiles à Amanlis

revenir pour reprendre sa cure le 12 juillet 1802. Cependant le 23 frimaire an II de la

République, ses biens avaient été saisis par la nouvelle municipalité d’Amanlis ; c’est à cette

occasion qu’a été réalisé un inventaire de tous ses biens meubles.12

Le deuxième inventaire est

celui de Me Georges Brizé (1732-1817), notaire, cultivateur et marchand de toiles au Jarrot.

Etant donné son grand âge à sa mort, 85 ans, il n’est donc pas étonnant de ne trouver aucune

mention d’outil ou matière première lié à la culture du chanvre et à la production de toiles

dans son inventaire établi le 27 décembre 1817.13

Le troisième inventaire après décès est

également celui d’un ancien marchand de toiles, le Sieur Louis Belloir (1760-1837), fils d’un

négociant nantais. Comme pour le marchand-notaire du Jarrot, l’âge avancé de Louis Belloir –

77 ans – explique certainement que l’on ne trouve rien concernant la production toilière dans

l’inventaire du 31 mars 1837.14

De plus, d’après son inventaire après décès, cet ancien

marchand avait déjà partagé ses biens entre ses trois fils François, Ambroise et Jean-Marie.15

Ce partage s’est effectué lors d’une succession entre vifs, en date du 16 mai 1834, chez Me

Chapon, notaire à Janzé. Au final, recteur mis à part, la toile semble concerner d’une manière

ou d’une autre la totalité de la population.

L’étude de ces 49 inventaires après décès permet de décrypter plus finement l’impact

de la manufacture des toiles à voile sur la société amanlisienne. Pour cela, nous nous

appuierons sur le tableau ci-dessous, qui recense la présence ou non d’au moins un des

éléments (outil comme matière première) dans chacun des inventaires (cf. tableau n°1).

12

ADIV, 4E 4190, inventaire de Noël Daën du Cosquer, 23 frimaire 1793. 13

ADIV, 4E 4504, inventaire après décès de Georges Brizé, 27 décembre 1817. 14

ADIV, 4E 4307, inventaire après décès de Louis Belloir, 31 mars 1837. 15

Jean-Marie Belloir est par ailleurs mentionné comme « cultivateur et marchand » aux Ouches, puis la Touche

de Néron et Bel-Air dans les registres de recensement de 1846, 1851, 1856 et 1861 – ADIV, 6M 50, registres de

recensements de la commune d’Amanlis.

Page 18: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 1 | 17

La production des toiles à voiles à Amanlis

Tableau n°1 : L’impact de la culture chanvrière dans les inventaires après décès

Présence dans les

inventaires après décès Ratio (sur les 49 IAD)

Ou

tils

Rouet 36 73%

Travouil 34 69%

Braye à broyer 17 35%

Métier à toile 9 18%

Ma

tièr

es p

rem

ière

s

Fil de chanvre 28 57%

Graines de chanvre 23 47%

Poupée de chanvre 22 45%

Paquet de chanvre 18 37%

Loyaux de chanvre 16 33%

Chanvre à broyer 13 27%

Chanvre sur pied 12 24%

Pièce de toile 3 6%

Nous pouvons ainsi voir que le rouet et le travouil, deux outils de bases dans le travail

du chanvre16

, sont présents respectivement dans 36 et 34 inventaires après décès. Cela montre

deux choses : le travail quasi systématique du chanvre par cette population rurale, ainsi que le

faible coût de ces équipements qui permet leur diffusion massive. Un rouet selon sa taille

(grand filage ou non) et son état de conservation est prisé de manière générale entre 2 et 8 L.17

Le travouil, quant à lui, est prisé à hauteur d’1 L., voire simplement quelques sols pour les

plus mauvais, ou bien 1,5 L. quand il est agrémenté d’un pied de travouil. La braye ou broye,

qui permet comme son nom l’indique de broyer les tiges de chanvre afin de séparer la

chènevotte de l’étoupe, est également très présente dans les inventaires après décès, 17 sur 49.

Cet outil, comme les deux précédents, était d’utilisation très courante et peu onéreux à l’achat.

Il est prisé entre 12 s. et 2,5 L. Par ailleurs, on retrouve souvent les trois outils prisés dans le

même inventaire. Le métier à tisser, nommé métier à toile, ou métier à faire toile, prisé

autour de 30 L., est d’ailleurs plus rare. On ne le retrouve que neuf fois sur les 49 inventaires,

quatre sont d’ailleurs mentionnés dans les inventaires après décès de marchands de toiles.

Les matériaux également sont largement présents dans les foyers d’Amanlis. Parmi

ceux-ci, on retrouve des fils de chanvre à 28 reprises, en plus ou moins grande quantité, mais

aussi des graines de chanvre, généralement conditionnées dans des barriques, dans 23

inventaires. En revanche, il n’est fait mention de toiles qu’à trois reprises seulement. Cela

16

Le rouët est un instrument actionné par une pédale ou une manivelle qui servait au filage du chanvre, et le

travouil est un dévidoir pour mettre le fil en écheveaux. 17

Le prisage est l’estimation du bien répertorié dans l’inventaire après décès, le prix mentionné sert ensuite lors

de la vente des biens.

Page 19: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 1 | 18

La production des toiles à voiles à Amanlis

peut s’expliquer par le fait que l’on stockait les toiles que sur un temps très court. Dans

l’inventaire après décès du marchand Jean-François Chevrel, on relève la possession, chez lui

ou chez d’autres marchands ou tisserands, de sept toiles, ce qui est exceptionnel ici.18

Ces résultats semblent indiquer que la quasi-totalité de la population de la paroisse est

impliquée, d’une manière ou d’une autre, directement ou indirectement, dans l’industrie

textile dans la deuxième moitié du XVIIIe et au début XIX

e siècle.

1.2.2. A travers l’étude des registres de recensement

Au XIXe siècle, les listes nominatives de recensement nous permettent d’étudier la

population paysanne impliquée dans la production toilière, grâce à l’indication des

professions.19

Nous en avons retenus quatre pour notre étude : marchands de toiles ou de

fils20

, tisserands, filassiers ou peigneurs de chanvre et fileuses. L’histogramme ci-dessous

nous montre l’évolution du nombre de paysans occupés par la production de toiles à voiles

entre les années 1841 et 1861 (cf. graphique n°1).

18

ADIV, 4E 4316, inventaire après décès de Jean-François Chevrel, 5-6 novembre 1841. 19

ADIV, 6M 50. Nous avons dépouillé les listes des années 1841, 1846, 1851, 1856 et 1861. La liste de

recensement pour l’année 1836 étant donné qu’elle était incommunicable, pour cause de numérisation. 20

Parfois, il était simplement mentionné la profession de « marchand », ce qui complique la distinction entre un

marchand de toiles et un marchand de cidre par exemple. Nous avons pour cela, essayé de voir si la même

personne n’était pas mentionnée dans un autre document, nous donnant des précisions sur le type de

marchandises dont il faisait commerce.

Page 20: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 1 | 19

La production des toiles à voiles à Amanlis

Le XIXe siècle est une longue période de déclin pour l’activité textile des paroisses

rurales de l’évêché de Rennes, en raison, notamment, de la concurrence des toiles fabriquées

mécaniquement, dans le nord de la France, ou à l’étranger comme en Grande-Bretagne ou en

Belgique, mais aussi plus proche d’Amanlis, dans les manufactures urbaines de Rennes. Ce

sont désormais les commandes de l’Etat qui soutiennent la proto-industrie des toiles à voiles,

à la faveur des besoins de la Marine. Ainsi, la guerre de Crimée qui débute en 1855 requiert la

production de voiles pour la flotte française, ce qui relance, pour une dizaine d’années, la

production des toiles désormais appelées rurales, par opposition aux toiles mécaniques

produites dans les manufactures urbaines.21

Sur le graphique, on remarque que l’activité de

tissage semble se maintenir à un même niveau entre 1841 et 1856, puisque le nombre de

tisserands en activité tourne autour de 120 pendant ces 15 années ; on fait le même constat en

ce qui concerne les professions de filassiers ou peigneurs de chanvres et de marchands. En

revanche, les résultats concernant l’activité des fileuses sont tout à fait différents. En 1846 on

ne recense que 114 fileuses, alors qu’elles étaient trois fois plus nombreuses cinq auparavant,

et que ce ne sont pas moins de 610 fileuses qui sont comptabilisés lors du recensement de

21

LAGADEC Yann, POINTEAU Delphine, « La protoindustrie textile… », art. cit., p. 186-187.

383

114

610

109 81

131

109

134

119

64

30

29

39

33

14

7

9

5

12

9

0

100

200

300

400

500

600

700

800

900

1841 1846 1851 1856 1861

No

mb

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e p

erso

nn

es i

mp

liq

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da

ns

la p

rod

uct

ion

to

iliè

re

Années

Graphique n°1 : Evolution de la population impliquée dans la

production toilière à Amanlis (à partir des registres de recensement)

Marchands

Filassiers

Tisserands

Fileuses

Page 21: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 1 | 20

La production des toiles à voiles à Amanlis

1851. On peut tout à fait expliquer ces chiffres par une baisse de l’activité de filage entre 1841

et 1846, puis par une reprise soudaine et très importante dans les cinq années suivantes. Ces

écarts importants peuvent également trouver leur explication dans les méthodes de comptage

des agents recenseurs. Le filage reste l’activité domestique féminine de base dans ces

paroisses rurales, ce que nous avons déjà pu constater par l’étude des inventaires après décès,

qui mentionnent la présence d’outils de filage (rouët, quenouilles, travouil etc.) dans tous les

ménages d’Amanlis. Ainsi, il suffit que lors des campagnes de recensement on décide de

désigner sous le terme générique de « fileuse » l’ensemble des femmes et des filles vivant

dans les fermes, et à qui on ne donne pas le titre de « cultivatrice » ou bien « tisserande »,

pour faire gonfler artificiellement les chiffres de l’activité de filage.22

Au final, l’activité textile reste très importante au XIXe siècle pour la société rurale

d’Amanlis, puisque les cinq professions que nous avons nommées auparavant, représentent au

total entre 10% (en 1846) et 29% (en 1851) de la population totale. Cependant, il reste à

commenter le recensement de 1861, qui montre que l’activité textile à Amanlis vit ses

dernières années, puisque l’on constate une baisse significative de l’ensemble des

professions : le nombre de fileuses a baissé de 25% en cinq ans, même chiffre pour les

marchands, alors que le nombre des tisserands a chuté de 46,2% et celui des filassiers de

57,6%. En parallèle, la population totale d’Amanlis qui avait enregistré une croissance

continue de 18,8% entre 1780 et 1840, voit la courbe s’inverser brutalement avec une baisse

de près de 14% en 20 ans (cf. graphique n°2). Cette baisse de la population à partir du milieu

du XIXe siècle est le reflet du début de l’exode rural d’une main d’œuvre trop abondante pour

des communes qui offrent de moins en moins de travail. Plus tard dans notre raisonnement,

nous nous poserons la question de savoir si une partie de cette population part travailler dans

les manufactures urbaines de Châteaugiron ou de Rennes.

22

Dans le recensement de 1851, les fileuses représentent 22,5% de la population totale d’Amanlis.

2400 2500 2600 2700 2800 2900

1780 1790 1800 1810 1820 1830 1841 1846 1851 1856 1861

Po

pu

lati

on

Années

Graphique n°2 : Evolution de la population d'Amanlis entre 1780

et 1861

Page 22: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 1 | 21

La production des toiles à voiles à Amanlis

2. La production des toiles à voiles

Après avoir montré la prépondérance de la proto-industrie des toiles à voiles à

Amanlis, il faut maintenant s’intéresser aux mécanismes de cette manufacture chanvrière, de

la culture du chanvre, jusqu’à la fabrication des toiles à voiles.

2.1. Du chanvre à la toile à voile

Nous avons dit auparavant que le chanvre, plante de la famille des cannabinacae et

originaire d’Asie, est cultivé dans les jardins ou courtils situés à proximité des habitations

paysannes d’Amanlis. Le chanvre est semé à partir du 20 avril, lorsque tout risque de gelée a

disparu. Les paysans disposent alors d’un mois pour mettre le chènevis23

en terre dans le

courtil. La plante doit lever en quatre jours seulement. Elle pousse très serrée, étouffant ainsi

les mauvaises herbes, ce qui évite les travaux d’entretien contraignants. Une centaine de jours

plus tard, elle peut atteindre trois mètres de hauteur. Après quatre mois de croissance,

proverbialement aux alentours de la Saint-Louis (soit le 25 août), débute la phase finale de la

culture du chanvre : l’arrachage. L’opération est effectuée par tout le personnel de la ferme (le

paysan, sa femme, ses enfants et ses domestiques éventuels). On réunissait les pieds pour en

faire des paquets liés par deux liens.

Ensuite les paquets de chanvres étaient transportés jusqu’au routoir ou au doué pour

subir l’opération de rouissage (cf. illustration n°1). Le but était d’éliminer les matières

pectiques qui collent les faisceaux de fibres entre eux. Les poignées étaient tassées sur une

croix de chanvre, constituant une sorte de radeau ; pour immerger le chanvre, de grosses

pierres étaient placées sur toute la surface. Plusieurs jours devaient s’écouler avant d’obtenir

le rouissage convenable, la température de l’eau jouant un grand rôle. Y. Lagadec et D.

Pointeau ont rappelé que le rouissage s’effectuait parfois dans les rivières : bien que « des

ordonnances défendent d’utiliser les rivières pour ce rouissage qui pollue l’eau, il semble

qu’elles n’aient guère été suivies d’effets »24

. Selon les propos de Joseph Thomas de La

Plesse, le subdélégué de Vitré, répondant à l’intendant suite à une plainte des officiers des

eaux et forêts de Rennes,

23

Le chènevis est le nom donné à la graine de chanvre. 24

LAGADEC Yann, POINTEAU Delphine, « La protoindustrie textile… », art. cit., p. 189.

Page 23: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 1 | 22

La production des toiles à voiles à Amanlis

« cet usage est proscrit par différens arrêts, toutefois il est toléré […]. Depuis près de 30 ans

que je suis officier de la maîtrise [des eaux et forêts] de Vitré où se trouvent les rivières de

Vilaine, de Seiche et les petits ruisseaux qui y descendent, je n’ai jamais vu mettre ses arrêts

en exécution, parce qu’en effet je n’ai jamais reçu de plainte que le rouissage des lins et des

chanvres ait nui aux poissons, qu’il ait été dangereux aux bestiaux qui y boivent et ait

occasionné des épidémies. Nous avons fermé les yeux sur cet usage ancien parce que nous n’y

avons vu aucun inconvénient et que le plus grand bien le demandoit. »25

Illustration n°1 : Doués ou routoirs au lieu-dit des Douëts-de-Néron à Amanlis

(d’après le cadastre napoléonien)

Y. Lagadec et D. Pointeau expliquent qu’une fois rouies et séchées à l’ombre, les

bottes de chanvre étaient entreposées dans les greniers.26

Par la suite, le chanvre est broyé à

l’aide d’une broie ou braie (cf. illustration n°2), avant de passer au pilage, au cours duquel le

chanvre est battu à l’aide de gros maillets dans des mortiers de bois. On obtient alors de la

filasse, qui est peignée dans un serrant ou peigne à dents de fer, afin de séparer correctement

les fibres les unes des autres. On forme enfin des poupées qui sont « exposées ensuite dans les

25

ADIV, C 1556. Lettre du 13 mai 1777. 26

LAGADEC Yann, POINTEAU Delphine, « La protoindustrie textile… », art. cit., p. 188.

Page 24: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 1 | 23

La production des toiles à voiles à Amanlis

marchés et foires et vendues aux fileuses qui vendent ensuite les fils dans ces mesmes foires et

marchés à des marchands qui font particulièrement ce commerce, ou aux fabriquans qui font

ou font faire les toiles ».27

Illustration n°2 : Reconstitution « pittoresque » du broyage du chanvre

Le chanvre est ensuite filé, pendant l’hiver, lorsque les travaux de la terre nécessitent

moins de main-d’œuvre. Cette opération du filage est une activité essentiellement féminine.

Les domestiques et les servantes prêtent également renfort lors du filage. Cette activité peut

être un moyen de subsistance pour les veuves qui y trouvent une source de revenus non

négligeables. Les outils nécessaires sont le rouet et le travouil (cf. illustration n°3).

27

ADIV, C 3929, Mémoire concernant les fabriques des toiles à voiles qui se fabriquent en Bretagne, 1751.

Page 25: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 1 | 24

La production des toiles à voiles à Amanlis

Illustration n°3 : Rouet et travouil28

L’opération de tissage est l’étape ultime de la fabrication de la toile de chanvre, elle

nécessite l’utilisation d’un métier à tisser ou métier à toille. Le coût de ce matériel réduit la

pratique de cette activité à un plus petit nombre de paysans. Il y a bien, dès le XVIIIe siècle

quelques tisserands indépendants, mais la pluri-activité, présente dans ces paroisses rurales,

fait que le tissage est bien souvent une source de revenu supplémentaire pour des paysans qui

se font salariés auprès d’un fabricant, qui est un véritable « petit entrepreneur textile rural »29

,

qui cultive son chanvre, le tisse, le file, achète des fils et des toiles supplémentaires dans le

but d’en faire commerce. Les toiles de chanvres ainsi tissées servent quasi-exclusivement à

faire des voiles de bateaux. En revanche, il en existe de plusieurs qualités, de plusieurs tailles,

ce que nous allons étudier maintenant.

28

Musée des arts et traditions populaires, Essé, 35. RACAPE Marine, Le cadre de vie matérielle dans les

communes de Janzé, Piré-sur-Seiche, Amanlis et Brie au XIXe siècle, mémoire de maîtrise, dact., Université

Rennes 2, 2003, p. 73. 29

LAGADEC Yann, POINTEAU Delphine, « La protoindustrie textile… », art. cit., p. 188.

Page 26: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 1 | 25

La production des toiles à voiles à Amanlis

2.2. Les différentes toiles fabriquées dans les campagnes du triangle Rennes-Vitré-La

Guerche

Avant de rentrer dans le détail, nous pouvons dire que les toiles produites à Amanlis

portent le nom de « noyales » avant le XIXe siècle, puis de toiles « rurales » par la suite.

Auparavant, les premières toiles de chanvre fabriquées dans la région furent les

« canevas » de Vitré. Ces toiles à voiles ont connu leur apogée à la fin du XVIe siècle,

notamment grâce à la confrérie des Marchands d’Outre-Mer.30

Ce ne sont pas moins de

1 700 000 mètres qui sont exportés annuellement vers l’Angleterre ou Cadix dans les années

1580.31

Les guerres de la Ligue ont mis fin à l’hégémonie vitréenne. Dès le XVe siècle, elles

sont connues sous le terme de « vitrés », mais la production se limite à 650 000 mètres au

XVIIe siècle.

Au cours du XVIIe siècle, la zone de production toilière se déplace vers les paroisses

rurales du sud-est de Rennes, notamment Noyal-sur-Vilaine, Châteaugiron, Amanlis, Piré et

Janzé. Ces toiles à voiles portent logiquement le nom de « noyales ». Celles-ci peuvent

également devenir des sacs pour le transport des marchandises, des hamacs et fonçures, ou

bien des ris aux voiles, c'est-à-dire des « bandes horizontales qu’on peut replier grâce à des

garcettes en cas de besoin, afin de diminuer la surface de la voilure »32

. A partir des années

1730, les toiles « noyales » ont pris définitivement le dessus sur les toiles « vitrés » ou celles

en lin des « pertrées », fabriquées elles aussi localement.

Si l’on se concentre sur les toiles « noyales » produites à Amanlis, on se rend compte

que ce nom générique regroupe différents types de toiles. Nous avons pu les recenser à partir

du rapport d’Antoine de Coisy, inspecteur principal des manufactures pour la Bretagne, rédigé

en 1751 (cf. tableau n°2).33

30

Sur cette question du commerce des toiles à Vitré au XVIe siècle, on notera le récent travail de recherche de LE

GOUE-SINQUIN Gwénolé, Les marchands de toiles de Vitré (v. 1500 - v. 1600) : aspects économiques, sociaux,

religieux, culturels, mémoire de Master, dact., Rennes 2, 324 p. 31

LE CHARLES Monique, « Au temps des noyales », in MARTIN Jean, PELLERIN Yvon (dir.), Du lin à la toile : la

proto-industrie textile en Bretagne, Rennes, PUR, 2008, p. 180. 32

LAGADEC Yann, « La production des toiles à voiles en Bretagne… », op. cit., p. 155. 33

ADIV, C 1560, Enquête sur la culture du chanvre en Bretagne. Yann Lagadec a entièrement retranscrit le

rapport d’Antoine de Coisy dans l’article consacré à la production des toiles à voiles en Bretagne au milieu du

XVIIIe siècle. Ibid., p. 153-169.

Page 27: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 1 | 26

La production des toiles à voiles à Amanlis

La fin du XVIIIe siècle voit l’apparition des toiles mécaniques dites régulières. Elles

sont fabriquées dans les manufactures urbaines de Rennes principalement, mais aussi

Fougères et Châteaugiron. Nous évoquerons ce type de fabrication des toiles, au sein

d’ateliers urbains et mécanisés, au cours d’un chapitre prochain qui analysera les aléas du

commerce des toiles à voile.

A partir du XIXe siècle, on parle de toiles rurales pour nommer les toiles à voiles

fabriquées dans les paroisses rurales de la manufacture, comme Amanlis, pour les distinguer

des toiles dites de fabrication régulière. Nous avons pu recenser l’ensemble de ces toiles dites

rurales, produites dans les cantons de Châteaugiron et Janzé, grâce au rapport de la

« Commission consultative et de surveillance pour les toiles rurales » à propos d’une

« Enquête sur la culture du chanvre et du lin, le filage et la fabrication des toiles »34

(cf.

tableau n°3). Plusieurs marchands ou négociants en toiles faisaient d’ailleurs partie de cette

commission. On peut relever les noms de A. Raimbault, négociant à Châteaugiron, le Sieur

Des Bouillons, ancien négociant et directeur de la manufacture éponyme à Châteaugiron,

Desguez, marchand de toiles à Châteaugiron, J. Deshommes, fabricant à Noyal-sur-Vilaine et

J. Louis, fabricant à Janzé.

34

ADIV, 9M 16, « Enquête sur la culture du chanvre et du lin, le filage et la fabrication des toiles », 1853.

Tableau n°2: Toiles à voiles fabriquées en 1751

Noïales larges d'un fil de la première qualité (746 fils de chaîne)

Noïales entre-larges d'un fil (660 fils de chaîne)

Noïales étroites ou courtes grosses d'un fil (600 fils de chaîne)

Courtes menues ou fines d'un fil

Rondelettes d'un fil (780 fils de chaîne)

Noïales à quatre fils communes (1 000 fils de large)

Noïales à quatre fils de brin de la première largeur (1 000 fils de chaîne)

Noïales à quatre fils de brin de la seconde largeur (1 200 fils de chaîne)

Noïales à six fils de brin de la première largeur (1 260 fils)

Noïales à six fils de brin de la seconde largeur (1 512 fils)

Noïales triples à un fil de la première largeur (1 000 fils de chaîne)

Noïales à quatre fils bande de ris (320 fils de chaîne)

Noïales triples à un fil de la seconde largeur (1 160 fils)

Meslis (900 fils)

Toiles à voiles façon Hollande à un fil (920 fils de chaîne)

Page 28: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 1 | 27

La production des toiles à voiles à Amanlis

Conclusion :

En conclusion, nous pouvons retenir l’implication de la quasi-totalité de la population

rurale d’Amanlis dans la production des toiles à voiles. Ces paysans trouvent des

compléments de revenus dans une activité textile qui les occupe toute l’année : des semis au

printemps, à la récolte à la fin de l’été, jusqu’au filage durant l’hiver. Les paroisses/communes

rurales du sud-est de Rennes, dont Amanlis, produisent ainsi différents types de toiles à voiles

destinées aux marchés internationaux. Le concept de proto-industrialisation analysé par F.

Mendels semble correspondre au type de production toilière étudié ici. Il est toutefois

nécessaire d’étudier plus en profondeur ce qui est la phase la plus importante de ce processus

proto-industriel : le commerce des toiles.

Tableau n°3 : Toiles « rurales » fabriquées en 1853

Dans le canton de Châteaugiron Dans le canton de Janzé

Six fils 30 (longueur: 65m ; laize: 58,5) Six fils 30 (longueur: 65m ; laize: 58,5)

Quatre fils 30 (longueur: 65m ; laize: 58,5) Quatre fils 30 (longueur: 65m ; laize: 58,5)

Deux fils forts (longueur: 80m ; laize: 57) Deux fils forts (longueur: 80m ; laize: 57)

Treize cents (longueur: 65m ; laize: 57) Treize cents (longueur: 65m ; laize: 57)

Quatorze cents (longueur: 90m ; laize: 57) Quatorze cents (longueur: 90m ; laize: 57)

Bonnettes (longueur: 80m ; laize: 65) Bonnettes (longueur: 80m ; laize: 65)

Mélis double (longueur: 80m ; laize: 57-58) Mélis double (longueur: 80m ; laize: 57-58)

Mélis simple (longueur: 60m ; laize: 65) Mélis simple (longueur: 60m ; laize: 65)

Rondelettes 1ère qualité (longueur: 60m ; laize: 65) Rondelettes 1ère qualité (longueur: 60m ; laize:

57)

Rondelettes 2ème qualité (longueur: 100m ; laize: 65) Rondelettes 2ème qualité (longueur: 100m ;

laize: 57)

Prélarts (longueur: 65m ; laize: 65-66) Quatre fils 30 (longueur: 65m ; laize: 57)

Fonçures (longueur: 60m ; laize: 65-66)

Quatre fils communes (longueur: 100m ; laize: 54)

Page 29: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 2 | 28

Le commerce des toiles à voiles

C H A P I T R E 2

D’Amanlis à Saint-Malo : le commerce des toiles à voiles

Dans ce concept de proto-industrialisation défini par F. Mendels, le commerce des

toiles tient le rôle central. Il faut donc maintenant étudier le processus de commercialisation

de la production toilière des paroisses/communes rurales – Amanlis –, jusqu’aux ports

tournés vers les marchés internationaux, Saint-Malo principalement.

Pour analyser les mécanismes de ce commerce, nous évaluerons, dans un premier

temps, le nombre des marchands et l’ampleur des ventes de toiles. Puis, dans un deuxième

temps, nous étudierons les lieux et les moments de rencontre des marchands. Enfin, dans un

troisième temps, nous reconstituerons une chaîne de commerce depuis Amanlis jusqu’aux

marchés internationaux, via Saint-Malo.

Page 30: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 2 | 29

Le commerce des toiles à voiles

1. Un nombre de marchands important pour une production toilière majeure

Il s’agira dans cette première partie de cerner l’ampleur du commerce des toiles à

voiles au sein des paroisses/communes rurales des environs de Rennes, en dénombrant, dans

un premier temps, le nombre des marchands d’Amanlis, ainsi qu’en évaluant, dans un second

temps, la production de toiles à voile.

1.1. Amanlis, vivier de marchands de toiles

Jusqu’à présent, aucune étude n’est parvenue à dénombrer précisément les marchands

de toiles des paroisses rurales entre Rennes et Vitré. Y. Lagadec et D. Pointeau ont toutefois

réussi à avancer des chiffres pour des villes (la Guerche, Châteaugiron) ou paroisses rurales

(Châteaubourg, Janzé, Amanlis, Noyal) « que l’on ne connaît que très marginalement »1. Ils

ont travaillé à partir de mémoires et de rapports rédigés aux XVIIIe et XIX

e siècles sur la

manufacture des toiles à voiles. Pour ces deux historiens, les marchands de toiles sont « peu

nombreux : 18 seulement font le commerce des toiles à voiles dans les campagnes entre

Rennes et Vitré en 17512 ; et si l’on compte 63 marchands ruraux en 1826, ils ne sont plus que

37 en 18473. » Ils relevaient alors la faible présence de marchands de toiles comparés aux

chiffres de J. Martin pour la manufacture des toiles « bretagnes », dans laquelle 194

marchands de toiles fréquentent le marché de Loudéac dans les années 1780-1790, ceux-ci

étant originaires de 18 paroisses rurales environnantes. On pouvait par ailleurs dénombrer pas

moins de 42 marchands pour la seule paroisse de Trévé.4

Le dénombrement des marchands de toiles à Amanlis pour le XVIIIe siècle nous est

apparu compliqué au début, étant donné que les registres de capitation ne mentionnent pas les

professions exercées par les capités. C’est alors que la découverte d’une liste nominative « de

ceux qui ont souscripts, c'est-à-dire, qu’ils ont soussignés exercer telle ou telle profession

dans la commune d’Amanlis pour l’an 1791 et suivantes »5, nous a permis d’obtenir un

résultat concret pour cette paroisse rurale. Le résultat est tout à fait surprenant, puisque ce ne

sont pas moins de 62 marchands de fils et de toiles qui sont inscrits sur cette liste.6 Cette seule

1 LAGADEC Yann, POINTEAU Delphine, « La protoindustrie textile dans les campagnes des environs de Vitré

(XVIe-XIX

e siècles) : un modèle spécifique de production ? », MSHAB, 2006, p. 191.

2 ADIV, C 3929, Mémoire concernant les fabriques des toiles à voiles qui se fabriquent en Bretagne, 1751.

3 ADIV, 9M 16, Rapport du préfet, 12 novembre 1851.

4 MARTIN Jean, Toiles de Bretagne : la manufacture de Quintin, Uzel et Loudéac, 1670-1830, Rennes, PUR,

1998, p. 166. 5 ADIV, E dépôt administratif Amanlis 4.

6 Cf. annexe n°2.

Page 31: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 2 | 30

Le commerce des toiles à voiles

liste remet en cause tous les chiffres avancés jusqu’à présent dans les évaluations qui

globalisaient l’ensemble des paroisses rurales entre Rennes et Vitré. Ainsi la paroisse

d’Amanlis, coincée entre la ville-marché de Châteaugiron et la grosse paroisse toilière de Piré,

comptabilise un nombre de marchands, pour 1791, supérieur aux estimations antérieures. Pour

expliquer cet écart, il est probable que les rapports faits au XVIIIe siècle ne comptabilisent que

les plus grands marchands, délaissant une population nombreuse de petits marchands

pluriactifs qui trouvent dans le commerce des toiles un complément de revenu.7 Amanlis

présente-t-elle malgré tout un exemple exceptionnel ? Nous ne pouvons répondre par

l’affirmative, ni par la négative pour le moment. L’étude plus approfondie d’autres paroisses

rurales permettrait d’avoir un avis définitif sur la question. Toutefois, on peut émettre

l’hypothèse que la grande proximité du marché de Châteaugiron – voire de celui de Rennes –

ait incité les paysans aisés d’Amanlis à se lancer dans le commerce des toiles, même s’il ne

s’agit pas de leur activité principale.

Nous pouvons également comparer ces chiffres au nombre des marchands de toiles

léonards.8 L. Elégoët nous donne ces indications à propos de la manufacture des « crées », à la

fin des années 1780 : « Dans la zone la plus toilière, les fabricants9 sont nettement plus

nombreux : Pleyber-Christ et Plounéour-Ménez en comptent un pour 87 habitants ; Sizun, un

pour 82 et Saint-Thégonnec, un pour 71. » Un rapide calcul pour la paroisse d’Amanlis nous

donne un ratio d’un marchand de toiles pour environ 38 habitants, ce qui parait considérable,

surtout quand on sait que la manufacture des toiles à voiles a toujours été sous-estimée dans

les études sur les toiles bretonnes, par rapport à la manufacture linière du Léon et ses riches

Juloded, qui ont fait bâtir de fastueux enclos paroissiaux.10

Au XIXe siècle, nous avons été en mesure de recenser les marchands de toiles grâce

aux registres de recensements.11

Nous constatons une baisse considérable de l’effectif entre

1791 et le milieu du XIXe. La génération de marchands de 1791 exerce cette profession jusque

dans les années 1830 au maximum. Ainsi en 1841, on ne compte plus que trois marchands au

7 On peut nommer par exemple Toussaint Benard, demeurant à Laval, paroisse d’Amanlis, qui est cabaretier et

marchand de toiles, ou bien Emmanuel Bouë, demeurant à Serran, paroisse d’Amanlis, qui est charron et

marchand de fils et de bois. 8 ELEGOËT Louis, Les Juloded. Grandeur et décadence d’une caste paysanne en Basse-Bretagne, Rennes, PUR,

1996, p. 46-50. Pour dénombrer les marchands de toiles à la Révolution, Louis Elégoët a utilisé les rôles de

patentes. Ce qui semble également possible de faire pour la paroisse de Piré ; ADIV, E dépôt Administratif Piré-

sur-Seiche 37. 9 Il est fréquent que les marchands de toiles soient nommés ainsi.

10 On peut ajouter que par exemple, la paroisse de Saint-Thégonnec qui est au cœur de la manufacture des

« crées » comptabilise 46 paysans-marchands autour de 1800. ELEGOËT Louis, Les Juloded…, op. cit., p. 47. 11

Cf. annexe n°3 et graphique n°1.

Page 32: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 2 | 31

Le commerce des toiles à voiles

sein de la commune. Par la suite, leur nombre stagne autour d’une petite dizaine de

marchands : 9 en 1846, 5 en 1851, 12 en 1856 et 9 en 1861. On remarque par ailleurs que

plusieurs marchands de toiles possèdent une autre profession ou qualité. Par exemple, Jean-

Marie Belloir est qualifié de « cultivateur marchand » en 1846. Il en est de même pour

plusieurs autres, voire même « marchand agriculteur » pour Désiré Arondel en 1856. Nous

pouvons en conclure que la pluriactivité des marchands, notamment au profit de l’agriculture,

devient la règle au XIXe siècle, bien que l’effectif des marchands ait été divisé par six en 50

ans. Ces variations laissent entendre également que les choix de « l’agent recenseur » sont

aussi à prendre en considération. Nous nous attacherons à analyser plus en détail ce groupe

des marchands de toiles dans les chapitres suivants.

1.2. L’évaluation des ventes de toiles au fil des années

Différentes sources peuvent nous permettre d’évaluer le volume des toiles à voiles aux

XVIIe, XVIII

e et XIX

e siècles. Pour la fin du XVII

e siècle, nous avons le mémoire rédigé par

l’intendant de Marine Jean-Baptiste Patoulet en 1686, alors qu’il avait été envoyé à Cadix par

le secrétaire d’Etat à la Marine Seignelay pour mener une enquête auprès des négociants

français installés dans la ville, afin d’évaluer le commerce des toiles qui y est fait, ainsi que le

mémoire réalisé par l’intendant Béchameil de Nointel en 1696.12

Pour la seconde moitié du

XVIIIe

siècle, nous disposons des estimations chiffrées annuelles concernant la marque des

toiles, fournies par les inspecteurs des manufactures Coisy et son successeur Guillotou.13

Enfin, pour le XIXe siècle, nous nous appuierons sur le rapport de la « Commission

consultative et de surveillance pour les toiles rurales » de 1853.14

Le commerce des toiles rurales commença à être florissant à partir des années 1660,

avec les toiles « noyales » et les « vitrés » qui étaient de grosses toiles écrues servant pour les

12

Le mémoire de Patoulet est intitulé « Mémoire général sur le commerce qui se fait aux Indes Occidentales par

Cadis par lequel on en peut pénétrer à fond toutes les circonstances et juger les moyens que le Roy devra prendre

pour en étendre ou au moins conserver à ses sujets les avantages » (MORINEAU Michel, Incroyables gazettes et

fabuleux métaux. Les retours des trésors américains d’après les gazettes hollandaises (XVIe- XVIII

e siècles),

Paris/Cambridge, CUP/Editions de la MSH, 1984, p. 326-343). L’intendant Béchameil de Nointel écrit un

rapport au roi en 1696 qui a été étudié par J. Bérenger et J. Meyer (BERENGER Jean et MEYER Jean, La Bretagne

à la fin du XVIIe siècle d’après le mémoire de Béchameil de Nointel, Paris, Klincksieck, 1976).

13 Les chiffres de l’administration de l’Inspection des manufactures ont été repris dans les articles et ouvrages de

LAGADEC Yann, « La production des toiles à voiles en Bretagne au milieu du XVIIIe siècle d'après un rapport de

l'Inspection des manufactures », BMSAHIV, 2006, p. 147-148, et de TANGUY Jean, Quand la toile va. L’industrie

toilière bretonne du 16e au 18e siècle, Rennes, éd. Apogée, 1994, p. 106. 14

ADIV, 9M 16. Enquête sur la culture du chanvre et du lin, le filage et la fabrication des toiles dans le

département. Rapport à M. le Préfet, Rennes, A. Marteville et Lefas, 1853.

Page 33: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 2 | 32

Le commerce des toiles à voiles

voiles des navires. L’ouverture à l’international du commerce toilier s’effectue à partir des

ports de Saint-Malo et de Nantes, vers la Hollande et l’Angleterre pour une somme totale de 3

à 400 000 L. par an, l’Espagne achetant des toiles pour l’emballage de ses marchandises en

partance pour les Amériques et non pour en faire des voiles de navires. En 1670, le marché de

Rennes fournit les grandes marines européennes (France, Angleterre et Hollande) en toiles et

cordages ; mais ces marchés étrangers sont rapidement soumis à une rude concurrence

puisque ces acheteurs deviennent à leurs tours producteurs de leurs propres toiles, faisant

tomber les exportations de toiles à voiles à 80 000 L. par an à la fin du XVIIe siècle. Dans ces

mêmes années les marchés espagnol et surtout sud-américain, via Cadix, se ferment petit à

petit aux toiles « noyales » et de Vitré. Patoulet, dans son rapport de 1686, rapporte que

celles-ci sont « de grosses toiles » et « peu considérées en Espagne ». Il évalue ainsi le

commerce des « Toiles de Rennes ou Noyalles » entre 30 et 36 000 L. et celui des « Toiles de

Vitré » entre seulement 8 à 10 000 L.15

Dix ans plus tard, en 1696, l’intendant Béchameil de

Nointel évalue entre 40 et 50 000 L le commerce des « vitrés » sur le marché espagnol, soit de

60 à 80 % du commerce total de ces toiles.16

La production de toiles de chanvre diminue peu à peu au cours du XVIIIe siècle. Elle

stagne à une moyenne de 9 460 pièces marquées annuellement au bureau de Rennes entre

1748 et 1780 (cf. graphique n°3). Toutefois, le commerce des toiles à voiles semble trouver

un second souffle lors de la guerre d’Indépendance américaine (1775-1783). On assiste,

durant ces sept années, à une multiplication par plus de trois du nombre de toiles marquées :

10 921 en 1775 contre 32 021 en 1782. Mais ce n’est qu’un répit de courte durée puisque la

Révolution française puis le blocus continental mis en place par le Premier Empire mettent à

mal le commerce des toiles à voiles, qui se cantonne désormais au seul marché français pour

la pêche et le cabotage.

15

MORINEAU Michel, Incroyables gazettes et fabuleux métaux, op. cit., p. 328. 16

BERENGER Jean et MEYER Jean, La Bretagne à la fin du XVIIe siècle, op. cit., p. 121.

Page 34: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 2 | 33

Le commerce des toiles à voiles

Les années 1830 voient l’accélération de la concurrence des toiles fabriquées

mécaniquement, avec l’apparition de manufactures mécaniques en Anjou, Flandres ou

Picardie. Au bout du compte la rentabilité des toiles « rurales » s’effondre peu à peu. Elles ne

doivent leur survie qu’à la politique de soutien de la part de l’Etat. Ainsi en 1848, il existe

deux types de toiles à voiles en Ille-et-Vilaine, celles que l’on appelle désormais toiles

« rurales » de par leur provenance, et les toiles dites « régulières », fabriquées dans les

manufactures mécaniques de Fougères et de Rennes. Ce dernier type de toile concurrence

fortement le commerce des toiles fabriquées dans les communes rurales du sud-est de Rennes,

mais le produit total de la fabrication de ces dernières reste toujours plus important que le

produit cumulé des deux autres manufactures de toiles « régulières » (évalué à 2 000 000 de

francs). Le rapport indique que l’arrondissement de Rennes est le plus grand producteur de

toiles « rurales » du département au début des années 1850, et particulièrement « les cantons

de Châteaugiron et de Janzé, et quelques communes environnantes »17

. Ce même rapport nous

donne un tableau du nombre de pièces de toiles « rurales » vendues à la halle de Rennes entre

1826 et 1855 (cf. graphique n°4). On peut y constater que le commerce des toiles à voiles se

maintient à peu près au même niveau tout au long de ces 27 années, avec la vente d’environ

20 000 toiles par an, tout en enregistrant un maximum en 1838 avec 25 688 toiles vendues et

un minimum en 1848, en pleine crise économique qui touche la France depuis deux ans, avec

seulement 14 569 toiles vendues à la halle de Rennes.18

17

Amanlis fait alors partie du canton de Janzé. 18

ADIV, 9M 16. Enquête sur la culture du chanvre et du lin, le filage et la fabrication des toiles dans le

département. Rapport à M. le Préfet, Rennes, A. Marteville et Lefas, 1853., p. 36.

0

5000

10000

15000

20000

25000

30000

35000

Graphique n°3 : Pièces de toiles marquées à Rennes (1748-1789)

Pièces

de toile

Page 35: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 2 | 34

Le commerce des toiles à voiles

Après avoir étudié les acteurs et l’ampleur du commerce toilier dans la manufacture

rurale des toiles à voile, il faut maintenant s’intéresser aux lieux et moments de rencontre de

ces marchands de toiles.

2. Lieux et moments de rencontre des marchands de toiles

Véritable moteur économique des paroisses rurales du sud-est de Rennes, le commerce

des toiles se fait principalement lors des marchés et des foires qui se tiennent dans les bourgs

ruraux ou les petites villes de la manufacture. Toutefois, il ne se tient ni foire, ni marché à

Amanlis. Quels étaient alors les moments et les lieux de rencontre pour les marchands de

toiles amanlisiens des XVIIIe et XIX

e siècles ?

2.1. Foires et marchés : moments de rencontre des marchands

Si Amanlis est tenue à l’écart du réseau local des foires et des marchés19

, d’après R.

Chabirand, quatre des six communes limitrophes possèdent les leurs à la fin du XVIIIe siècle :

Piré, le lundi, Corps-Nuds, le mardi, Janzé, le mercredi, et Châteaugiron, le jeudi.20

Ces

marchés hebdomadaires locaux sont l’occasion pour les marchands de toiles et fils d’Amanlis,

d’acheter le fil qu’ils donnent aux tisserands de leur commune pour tisser les toiles, d’acheter

des toiles vendues par des tisserands, ainsi que de vendre – sur les marchés importants – leur

19

La foire est une manifestation commerciale qui se déroule ponctuellement dans l’année, à date fixe ou

fluctuante, au lieu de se dérouler de façon hebdomadaire comme le marché. 20

CHABIRAND, Raymond, Amanlis. Histoire d’une paroisse rurale, Rennes, Imprimerie « Les Nouvelles », 1968,

p. 154.

0

5000

10000

15000

20000

25000

30000

Graphique n°4 : Pièces de toiles vendues à la halle de Rennes (1826-

1855)

Pièces de

toiles

Page 36: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 2 | 35

Le commerce des toiles à voiles

propre production toilière. Les marchands d’Amanlis privilégient sans doute ceux de

Châteaugiron et de Janzé, étant donné que ce sont des bourgs commerciaux.

L’étude des différents calendriers et annuaires du département d’Ille-et-Vilaine, nous

permet d’établir une cartographie de l’ensemble des foires et marchés à l’échelle de la

manufacture des toiles à voiles sur l’ensemble du XIXe siècle. Pour plus de commodités, nous

avons réalisé des sondages à la fréquence de 20-25 ans (cf. carte n°2).

Carte n°2 : Les foires et marchés de la manufacture des toiles à voiles au XIXe siècle

Les foires et

marchés en l’an

VIII (1800)21

21

AMR, R0-41. Calendrier du département d’Ille-et-Vilaine, pour la VIIIe année républicaine, Rennes,

Chausseblanche imprimeur, an VII.

Page 37: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 2 | 36

Le commerce des toiles à voiles

Les foires et

marchés en

182522

Les foires et

marchés en

184523

22

AMR, R0-49. Etrennes royales de Rennes et du département d’Ille-et-Vilaine, pour l’an 1825, Rennes, Mme

Ve

Frout imprimeur, 1824. 23

AMR, R0-52. Etrennes de Rennes et du département d’Ille-et-Vilaine, pour l’an 1845, Rennes, Imprimerie

d’AMB. Jausions, 1844.

Page 38: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 2 | 37

Le commerce des toiles à voiles

Les foires et

marchés en

186324

Les foires et

marchés en

188525

A partir de ces cinq cartes, nous pouvons faire deux constats : un premier sur la

localisation des foires et marchés, un second sur leur nombre.

Tout d’abord, les cartes montrent nettement que la densité des foires et marchés est

plus forte dans ce qui peut être appelé « le cœur de la manufacture des toiles à voiles », qui

représente environ 30% de l’ensemble des communes de la manufacture des toiles à voiles,

24

AMR, R0-72. Annuaire d’Ille-et-Vilaine et des tribunaux du ressort de la cour impériale de Rennes (1863),

Rennes, A. Leroy imprimeur, 1862. 25

AMR, R0-76. Annuaire officiel d’Ille-et-Vilaine (1885), Rennes, Alphonse Leroy fils imprimeur-éditeur, 1884.

Page 39: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 2 | 38

Le commerce des toiles à voiles

mais qui concentre entre 36 et 47% des foires et marchés de la manufacture. De plus, si

Amanlis reste à l’écart de ces moments d’échanges commerciaux, on remarque que presque

toutes les communes périphériques possèdent au moins une foire ou un marché, voire les deux

à Châteaugiron et Janzé. Ces deux communes apparaissent d’ailleurs comme les deux centres

commerciaux majeurs les plus proches de Rennes.

Ensuite, nous pouvons remarquer que la tenue de foires et marchés, dans les

communes de la manufacture des toiles à voiles, ne semble pas corrélée à la conjoncture

économique du commerce des toiles à voiles, puisque le nombre des communes possédant au

moins une foire ou un marché continue d’augmenter, malgré le déclin – 1863 – et l’arrêt

définitif – 1885 – de la production toilière au sein de ces communes (cf. graphique n°5).

On passe ainsi de 9 communes possédant au moins une foire en l’an VIII à 15 en 1845,

puis 16 en 1863 et 1885. C’est la même chose pour les marchés, puisque de 9 communes

possédant un marché en 1825, on passe à 12 en 1863.

En revanche, aucune source ne nous indique la présence de marchands de toiles

d’Amanlis dans les foires et marchés. Il demeure tout de même fort probable que ceux-ci

fréquentent les marchés et les foires de Châteaugiron et encore plus de Janzé pour les

0

2

4

6

8

10

12

14

16

18

Graphique n°5 : Evolution du nombre des communes possédant des

foires et marchés dans la manufacture des toiles à voiles (1800-1885)

Marchés

Foires

Page 40: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 2 | 39

Le commerce des toiles à voiles

marchands qui habitent la partie sud de la commune – autour du village de Néron – là où se

concentre les marchands de toiles d’Amanlis au XIXe siècle.

26

Le calendrier des foires dans les communes limitrophes d’Amanlis dans les années

1840-1850 se déroule du mois de mars au mois de décembre (cf. tableau n°4).27

Tableau n°4 : Calendrier des foires dans les communes limitrophes d’Amanlis dans les

années 1840-1850 Châteaugiron Corps-Nuds Janzé

Janvier - - -

Février - - -

Mars - - -

Avril 4e jeudi Mardi avant Pâques 2

nd mercredi

Mai - - 2nd

mercredi

Juin 25 juin, lendemain de la

Saint-Jean

Mardi après la Saint-

Pierre (29 juin) 2

nd mercredi

Juillet - - 2nd

mercredi

Août - - -

Septembre 4e jeudi - -

Octobre - 2nd

mardi 2nd

mercredi

Novembre - - 11 novembre

Décembre - Mardi avant Noël -

Quant aux lieux où se déroule ces foires, nous savons que celles de Châteaugiron se

déroulent sur la place des Gâtes qui sert de champ de foires. D’après les érudits locaux J.

Legoux et J. Méril, la place avait l’aspect « d’un terrain vague, sorte de ‟vaine pâture” ».28

Les marchés prennent place, quant à eux, dans le lieu qui pourrait symboliser le cœur du

commerce toilier, la halle, chargée de concentrer en un même lieu les productions de toiles

des paroisses/communes rurales, afin de les redistribuer vers les marchés urbains et les

marchés internationaux.

26

Cf. annexe n°4. 27

OGEE Jean-Baptiste, Dictionnaire historique et géographique de Bretagne, nouvelle édition par MARTEVILLE

Alphonse et VARIN Pierre, Rennes, éd. Deniel, 1843-1853. 28

LE GOUX Jean, MERIL Joseph, Histoire de Châteaugiron. Images d’hier et d’aujourd’hui, Rennes, Imprimerie

Simon, 1975, p. 90.

Page 41: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 2 | 40

Le commerce des toiles à voiles

2.2. Les halles : principaux lieux de rencontre des marchands

2.2.1. Des anciennes halles seigneuriales…

Lorsque l’on évoque le bâtiment des halles, il nous vient systématiquement à l’esprit

un bâtiment au milieu d’une place qui concentre en son sein et à ses alentours directs les

activités commerciales du centre urbain. Toutefois, au moins jusqu’au XVIIe siècle, en

Bretagne, on trouve largement une autre typologie de halles « incorporées dans des îlots

d’habitation »29

, ce qui est le cas de Châteaugiron et de Janzé, tout du moins pour les

anciennes halles. Ce type de construction est un élément du pouvoir seigneurial, puisque « le

droit de fondation d’un marché et la construction d’une halle relevait du seigneur local ou

était délégué au seigneur local par son suzerain ».30

Nous savons d’ailleurs que les halles de

Janzé appartiennent jusqu’à la Révolution au marquis de Langle de Beaumanoir, seigneur de

Brie et Janzé.31

Les halles, propriétés du seigneur, nous amènent à évoquer un autre rôle non-

commercial qui est attribué à ce bâtiment. Elles sont le lieu où se rend la justice seigneuriale

sous l’Ancien Régime. Ces auditoires, placés sous la juridiction directe du seigneur local, sont

situés soit dans un étage construit sous les combles – comme on peut le retrouver à Bécherel

par exemple –, soit se trouvent simplement accolés au bout des halles – Châteaugiron et

certainement Janzé entrent dans ce cas de figure. Il est loin d’être rare de trouver un

« triptyque » : halle-auditoire-prison. Cette triple fonction confirme, selon l’architecte et

historien de l’art D. Leloup, « le rôle institutionnel des halles et détermine l’aspect extérieur

du bâtiment ainsi que son emplacement au cœur même de la cité. Cette association, exprimée

par une construction unique, revêt un caractère hautement symbolique. »32

Il ne nous reste que peu de traces des anciennes halles de Janzé et de Châteaugiron qui

sont utilisées jusqu’au milieu du XIXe siècle, période à laquelle celles-ci sont remplacées par

des halles plus modernes. Ces anciennes halles sont construites en bois. Toutefois, le manque

d’entretien au fil des années a fait qu’elles se trouvent dans un état très dégradé dans les

années 1840-1850. M. Soraye-Racapé rapporte, à ce propos, le jugement des Janzéens sur les

vieilles halles, à partir d’un rapport du conseil municipal en 1844 : « les Halles de Janzé

29

LELOUP Daniel, Halles de Bretagne. Cinq siècles d’histoire, Rennes, éd. Apogée, 1999, p. 24. 30

Ibid., p33. 31

SORAYE-RACAPE Marie, Janzé ses origines, son histoire, Janzé, Yves Salmon éditeur, 1982, p.111. 32

LELOUP Daniel, Halles de Bretagne, op. cit., p. 40.

Page 42: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 2 | 41

Le commerce des toiles à voiles

remontent à une antiquité fort reculée. […] Leur construction en bois desséché par les années,

leur donne une laideur qui arrête le regard du passant, dans une ville de 1 800 habitants qui

commencent à recevoir la régularité des alignements. »33

Le cadastre napoléonien nous

permet de repérer spatialement les halles dans la ville (cf. illustration n°4). Les anciennes

halles étaient situées en face de l’église Saint-Martin. Elles sont identifiées par le numéro 600

sur le cadastre. Autour des halles se concentraient l’ensemble du trafic commercial. Trop

petites pour contenir le flot de marchands, le commerce se faisait également dans les rues

voisines. Nous savons par exemple que la rue de Lantivy, située au nord-ouest des halles,

étaient le domaine du commerce du fil et de la filasse, et ce encore au XIXe siècle.

34 Le

commerce des toiles semblait se tenir dans les halles, tandis que celui du grain avait lieu dans

l’ancienne église Saint-Pierre toute proche.35

33

SORAYE-RACAPE Marie, Janzé ses origines, op. cit., p.111. 34

Ibid., p. 108. 35

Jusqu’à la Révolution, Janzé possède deux paroisses. En 1803, la paroisse de Saint-Pierre de Janzé est

supprimée et son territoire réuni à celle de Saint-Martin. Sur le cadastre napoléonien, la halle aux grains est

identifiée sous les numéros 553 et 554. le marché aux bestiaux se déroule, quant à lui, dans les bâtiments

numérotés 550 et 551.

Page 43: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 2 | 42

Le commerce des toiles à voiles

Illustration n°4 : Les anciennes halles de Janzé36

Nous n’avons que peu de sources sur les anciennes halles de Châteaugiron, sinon ce

que nous rapportent les auteurs d’un ouvrage collectif d’érudits locaux sur l’histoire de la cité

marchande : « Jouxtant presque cette chapelle [de la Trinité], voici les halles avec leur énorme

toiture d’ardoises soutenue par une forêt de chevrons, et l’auditoire, grande salle où se rend la

justice seigneuriale. »37

Sur l’extrait cadastral des halles de Châteaugiron (cf. illustration

n°5), nous pouvons observer que les anciennes halles sont situées à l’angle de la rue de la

Poterie et de la Grande Rue, cette dernière étant la plus commerçante de la cité, ainsi que la

rue de résidence des marchands de toiles.

36

ADIV, 3P 5365. Section B2 du cadastre napoléonien de Janzé, 1837. 37

LE GOUX Jean, MERIL Joseph, Histoire de Châteaugiron…, op.cit., p. 91.

Page 44: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 2 | 43

Le commerce des toiles à voiles

Illustration n°5 : Les anciennes halles de Châteaugiron dans la ville38

Nous avons déjà décrit dans quel état pitoyable se trouvent les halles de Janzé en 1844.

Celles de Châteaugiron ne sont pas dans un meilleur état. En 1854, le maire de la ville,

Auguste Marchand39

, souhaite entreprendre la construction de nouvelles halles et il en fait

part dans une lettre adressée au préfet, en date du 16 août : « Ce projet est d’une importance

extrême pour l’avenir commercial de Châteaugiron, qui verra ses marchés tomber

38

ADIV, 3P 5300. Section A du cadastre napoléonien de Châteaugiron, 1849. 39

Auguste Marchand, entrepreneur, est maire de Châteaugiron de 1856 à 1878. On peut se demander s’il est l’un

des descendants des marchands de toiles François et Jacquette Marchand qui ont été parmi les principaux

animateurs du commerce toilier de la cité au XVIIIe siècle.

Page 45: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 2 | 44

Le commerce des toiles à voiles

entièrement, si l’on y construit pas une halle. »40

Ces années 1850 sont l’occasion, pour Janzé

et Châteaugiron, de redynamiser leur commerce local, qui décroit en même temps que la

manufacture rurale des toiles à voiles, par la construction de nouvelles halles.

2.2.2. … vers la construction de halles modernes dans les années 1850

Dans sa lettre du 16 août 1854, adressée au préfet, le maire de Châteaugiron, évoque le

projet de construction d’une nouvelle halle sur « un terrain central et parfaitement situé […]

avec une rue de chaque côté. » Il s’agit en fait des terrains et des bâtiments propriétés de la

communauté des Ursulines – transférée alors dans l’ancien prieuré de Sainte-Croix et

ancienne manufacture de toiles Des Bouillons –, qui sont situés entre les rues du Porche et de

la Poterie (cf. illustration n°5). L’acquisition du terrain, de l’immeuble et des bâtiments est

estimée à 30 000 francs. Le terrain serait alors mis « à nu » par la destruction de tous les

bâtiments conventuels. Le coût de la démolition est évalué à 5 000 francs.41

La nouvelle

construction permettrait, selon le maire, d’établir de nouvelles voies de communication : entre

les rues du Porche et de la Poterie, ainsi qu’entre la rue du Porche et le « champ de foire

[place des Gâtes] ». Toutefois, le projet est repoussé une première fois dans un rapport du

conseil local des Bâtiments civils du département d’Ille-et-Vilaine, lors de sa séance du 3 avril

1855.42

Il y est demandé la production d’un plan général du projet, ainsi que la modification

de quelques éléments architecturaux. Les dimensions de la halle sont prévues faire 42,60

mètres de longueur pour 18,75 mètres de largeur, sur un terrain mesurant 63 mètres de long et

57 mètres de large.43

(cf. illustration n°6)

40

ADIV, 2O 70/14. Lettre adressée au préfet par le maire de Châteaugiron, à propos d’un « projet d’acquisition

d’un terrain et construction d’une halle », datant du 16 août 1854. 41

ADIV, 2O 70/14. Etat approximatif de la dépense de cette construction et des moyens pour y parvenir. 42

ADIV, 2O 70/14. Rapport du conseil local des Bâtiments civils du département d’Ille-et-Vilaine, lors de sa

séance du 3 avril 1855. 43

ADIV, 2O 70/14. Procès-verbal d’enquête de commodo et incommodo, datant des 26, 27 et 28 mars 1857.

Page 46: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 2 | 45

Le commerce des toiles à voiles

Illustration n°6 : Plan de la halle de Châteaugiron, à l’état de projet44

D’après J. Legoux et J. Méril, les travaux débutent en 1858 pour se terminer un an

plus tard.45

Dans sa configuration définitive, la halle est composée d’un bâtiment central, ainsi

44

ADIV, 2O 70/14. Plan de la future halle de Châteaugiron extrait du rapport du conseil local des Bâtiments

civils du département d’Ille-et-Vilaine, lors de sa séance du 3 avril 1855. 45

LE GOUX Jean, MERIL Joseph, Histoire de Châteaugiron…, op.cit., p. 196.

Page 47: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 2 | 46

Le commerce des toiles à voiles

que deux appentis moins élevés sur les deux murs gouttereaux de ce bâtiment (cf. illustration

n°7). Ce dernier est surmonté de greniers réservés au dépôt des céréales. La grande halle du

rez-de-chaussée est réservée au commerce des toiles et à l’accueil des marchands forains.

Cette affectation des activités de la halle montre le décalage entre l’avenir perceptible – déjà –

des toiles et les projets du conseil municipal de Châteaugiron, mais politiquement il est

difficile de faire autrement. Les autorités politiques souhaitent que la cité marchande reste un

lieu d’échanges commerciaux, bien que l’activité économique principale jusque dans les

années 1850 – les toiles – soit sur le déclin. Les deux appentis de la halle, quant à eux, sont

destinés à recevoir le marché aux grains. Dernière opération pour la municipalité dans ce

projet : procéder à l’alignement des rues proches de la halle, en concédant des terrains à des

propriétaires qui les obligent à construire des maisons sur un plan uniforme et régulier.46

Illustration n°7 : Photos de la halle de Châteaugiron

(Clichés Thomas Perrono)

Vue de la façade de la halle

Vue de l’appenti latéral nord

46

Ibid., p. 196.

Page 48: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 2 | 47

Le commerce des toiles à voiles

A Janzé, le conseil municipal cherche à acquérir les anciennes halles seigneuriales dès

1823.47

Un membre du conseil municipal, monsieur Chocquené, souhaite avancer des fonds

pour acheter les halles qui appartiennent aux sieurs Dubot et Desaintdo. Le prix du rachat est

estimé à 12 000 francs et doit être remboursé par la commune à Chocquené petit à petit, grâce

aux revenus issus de l’exploitation de la halle. Le projet semble bien se dérouler puisque le

préfet donne son accord à cet achat pour utilité publique et générale. Toutefois le conseil

municipal semble rencontrer des problèmes, puisqu’un nouvel extrait du registre des

délibérations du 6 novembre 1853 – soit 30 ans après la décision d’achat ! – révèle que l’un

des anciens propriétaires, monsieur Desaintdo, essaye d’entraver par « chaînes et chaînons »

l’utilisation de la halle, alors que pour le conseil municipal, « le sol des halles [est] propriété

communale ».48

La même année, vu que ce problème semble insoluble, alors que nous ne connaissons

pas le fond du litige, le conseil municipal cherche une nouvelle solution car la nécessité de

disposer de halles modernes est de plus en plus pressante. Il faut rappeler que la cité de

Châteaugiron commence également à réfléchir au remplacement de ses vieilles halles. C’est

pourquoi un deuxième projet de halle est lancé le 12 juillet 1853 avec un document présentant

le « métré et estimation des travaux ».49

Une première estimation est établie à 13 002,65

francs, avant que l’on révise celle-ci à 14 981,38 francs le 21 novembre 1853, dans un avenant

à ce même document. Ce projet est présenté devant le conseil local des bâtiments civils de la

préfecture d’Ille-et-Vilaine lors de la séance du 3 août 1853.50

Le document révèle que la

commune de Janzé « a cherché un emplacement convenable pour en construire une

nouvelle ». Ce nouvel emplacement se trouve dans les jardins du manoir de la Grandinerie,

qui se trouve à l’époque à proximité du centre ancien de Janzé. Le rapport insiste sur le fait

que cette nouvelle halle serait ainsi située sur le nord de la route de Vitré, que le projet prévoit

la construction d’une rue de « douze mètres » vers Rennes et qu’elle est ouverte en

prolongement de la rue de Châteaugiron. Plus tard seulement, serait construit une connexion

avec l’intérieur de la ville par une nouvelle rue. Ce projet est révélateur du changement de

point de vue des autorités municipales sur l’utilité d’une halle. Celle-ci n’est plus conçue

comme un des lieux centraux de la vie publique, comme sous l’Ancien Régime, avec les

47

ADIV, 2O 137/17. Extrait du registre des délibérations de la commune de Janzé, en date du 13 mai 1823. 48

ADIV, 2O 137/17. Extrait du registre des délibérations de la commune de Janzé, en date du 6 novembre 1853. 49

ADIV, 2O 137/17. Projet de halle. Métré et estimation des travaux, datant du 12 juillet 1853. 50

ADIV, 2O 137/17. Conseil local des bâtiments civils de la préfecture d’Ille-et-Vilaine, projet de halle et rue,

séance du 3 août 1853.

Page 49: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 2 | 48

Le commerce des toiles à voiles

activités de commerce et de justice, de plus situé juste à côté de l’église paroissiale. En

revanche, cette nouvelle halle doit être tournée vers l’extérieur, notamment les villes

marchandes voisines : Rennes, Vitré, Châteaugiron.

Cependant, le conseil local des bâtiments civils, par la voix de son président Thomas

Pinczon du Sel51

, regrette l’absence d’un programme détaillé de construction dans le projet et

critique également « le manque de simplicité et surtout de solidité » de l’architecture de la

future halle. Par exemple, le conseil juge inopportun la construction d’un clocheton ainsi que

l’emploi de certains matériaux. Malgré tout, ce projet arrive à son terme dans les années

suivantes et à faire la comparaison entre les plans fournis lors du passage devant le conseil

local des bâtiments civils et une carte postale de la fin du XIXe siècle-début XX

e siècle, la

ressemblance prouve que le projet n’a été modifié qu’à la marge (cf. illustrations n°8 et 9).

51

Thomas Paul Marie Pinczon du Sel (1812-1882), conseiller de préfecture, se trouve être de la même famille

que Julien-Joseph Pinczon du Sel des Monts (1712-1882), puisque ce dernier est le frère aîné de son arrière-

grand-père. Julien-Joseph fut le fondateur de la manufacture royale des toileries de Rennes en 1742. Nous aurons

l’occasion de retrouver ce personnage dans un prochain chapitre qui abordera la question de la concurrence des

toiles mécaniques.

Page 50: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 2 | 49

Le commerce des toiles à voiles

Illustration n°8 : Plans du 2nd

projet de halle de Janzé52

Coupe longitudinale, élévation d’un pignon, coupe en travers

52

ADIV, 2O 137/17. Plans du second projet de halle, 1853.

Page 51: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 2 | 50

Le commerce des toiles à voiles

Façade principale, place de la halle

Page 52: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 2 | 51

Le commerce des toiles à voiles

Illustration n°9 : Carte postale de la halle de Janzé

Ces deux exemples de Châteaugiron et de Janzé montrent bien que la fin de l’Ancien

Régime a posé le problème des vieilles halles seigneuriales. Toutefois, nous ne savons pas si

elles sont devenues obsolètes ou bien si elles ont vieilli prématurément par un moindre

entretien et une moindre utilisation. Dans tous les cas, les municipalités de la première moitié

du XIXe siècle cherchent à relancer leur commerce par la construction de halles modernes.

Celles-ci doivent être placées à des endroits stratégiques : proche du champ de foire et des

principales rues – du Porche et de la Poterie –, à Châteaugiron ; proche des voies de

communication vers les villes marchandes de Rennes, Vitré et Châteaugiron, à Janzé. On

remarque enfin que les autorités municipales pensent/souhaitent que le commerce des toiles

reste l’un des piliers du commerce local, puisque la halle centrale de Châteaugiron lui est

réservée, alors que le commerce des toiles rurales connait son dernier souffle au cours de la

décennie 1850. Les halles sont donc les maillons essentiels pour le bon fonctionnement du

circuit commercial des toiles.

Page 53: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 2 | 52

Le commerce des toiles à voiles

3. Un circuit des toiles : d’Amanlis à Saint-Malo

En plus des différentes informations récoltées dans les paragraphes précédents,

plusieurs sources nous permettent de recréer le cheminement de la commercialisation des

toiles « rurales », depuis le lieu de production – Amanlis – jusqu’aux portes des marchés

internationaux – Saint-Malo.

Pour le XVIIIe siècle, les procès-verbaux de fraudes et malfaçons établis par le bureau

de contrôle et de marque de Rennes révèlent les relations commerciales entre les tisserands,

les marchands-fabricants et les marchands commissionnaires des paroisses rurales de la

manufacture toilière. Nous avons le cas, par exemple, d’un procès-verbal établit le 29

novembre 1777 contre une toile « six fils » présentée par Jacquette Hamelin, femme de

François Marchand, elle-même marchande de toiles à Châteaugiron.53

Cette toile lui avait été

confiée par Pierre Brosseau, « fabriquant » de la paroisse d’Amanlis. On peut penser que

Pierre Brosseau est certainement venu vendre lui-même sa toile à Jacquette Hamelin sur le

marché de Châteaugiron, avant que la marchande de toiles n’aille la vendre sur le marché de

Rennes et la passer préalablement au bureau de marque de la ville, là où une malfaçon a été

sanctionnée. Un autre procès-verbal, dressé lors de la visite du samedi 17 janvier 1778, nous

donne l’exemple d’un marchand de toiles d’Amanlis, Pierre Chevrel, pour une pièce

appartenant à René Gautier, « fabriquant » de la paroisse de Piré.54

A d’autres moments, on

voit apparaître des « marchands commissionnaires » dans ces procès verbaux. Comme par

exemple, Georges Brizé, marchand de toiles et notaire au Jarrot à Amanlis, dans un procès

verbal du 22 avril 1780, ou bien Julien Melissons marchand de la paroisse de Châteaugiron,

dans un procès-verbal dressé le 8 février 1786.55

A travers ces documents, il apparaît une

« hiérarchie » entre les différents marchands de toiles. Des « fabriquants » confient ou

vendent leurs toiles à d’autres marchands de leur paroisse ou de la paroisse voisine, sur les

marchés de Châteaugiron ou de Janzé. Puis les « marchands » ou « marchands

commissionnaires » présentent la marchandise au bureau de contrôle et de marque de Rennes

et la vendent sur le marché à des négociants rennais et surtout malouins.

53

ADIV, C 1545. Lettres des contrôleurs généraux invitant l’intendant à donner main-levée de toiles confisquées

et à modérer les amendes prononcées contre les fabricants. 54

ADIV, C 1545. Lettres des contrôleurs généraux invitant l’intendant à donner main-levée de toiles confisquées

et à modérer les amendes prononcées contre les fabricants. 55

ADIV, C 1546. Lettres des contrôleurs généraux invitant l’intendant à donner main-levée de toiles confisquées

et à modérer les amendes prononcées contre les fabricants.

Page 54: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 2 | 53

Le commerce des toiles à voiles

Pour le XIXe siècle, nous pouvons nous appuyer sur le rapport de la « Commission

consultative et de surveillance pour les toiles rurales » de 1853, pour nous rendre compte que

le système de commercialisation des toiles à voiles n’a pas changé depuis un siècle.56

Le

rapport dit que les « marchands ruraux » achètent les toiles directement dans les paroisses

rurales, chez le « producteur », c'est-à-dire le tisserand à qui l’on a confié du fil pour qu’il

tisse la toile, ou le « petit fabricant », qui s’est approvisionné lui-même en fils et filasses sur

les marchés ruraux locaux, comme « Janzé, Châteaugiron, La Guerche et Retiers ». Puis ces

« marchands ruraux » apportent la marchandise à la halle de Rennes, où ils « sont inscrits […]

au nombre de 37 [en 1853] », pour les vendre à des négociants. Il arrive également que les

toiles soient vendues aux négociants, rennais et surtout malouins, sans passer par la halle,

voire qu’elles soient directement envoyées au port de Saint-Malo.57

Nous pouvons, à partir de l’ensemble de ces informations, tenter de reconstituer un

schéma du commerce des toiles à voiles valable pour le XVIIIe siècle, mais aussi pour la

première moitié du XIXe siècle, depuis Amanlis, le lieu de production, vers les marchés

internationaux. Ce schéma réalisé pour Amanlis – objet de notre étude – est bien entendu

valable pour les autres paroisses/communes rurales de la manufacture des toiles à voiles.

56

ADIV, 9M 16. Enquête sur la culture du chanvre et du lin, le filage et la fabrication des toiles dans le

département. Rapport à M. le Préfet, Rennes, A. Marteville et Lefas, 1853. 57

Ibid., p. 39.

Page 55: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 2 | 54

Le commerce des toiles à voiles

Schéma n°1 : Le commerce des toiles à voiles, d’Amanlis à Saint-Malo

du XVIIIe siècle aux années 1850

Légende :

Page 56: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 2 | 55

Le commerce des toiles à voiles

Ici on se retrouve dans un modèle productif s’apparentant au Kaufsystem, c'est-à-dire

qu’un nombre important de paysans-marchands d’Amanlis – 62 en 1791 – viennent vendre

eux-mêmes leur production de toiles à voiles, ou bien celle de tisserands à qui ils ont fourni la

matière première sur le marché de Châteaugiron. Les plus riches d’entre eux vont jusqu’à

Rennes vendre directement leurs toiles à la halle. Ensuite ce sont des marchands urbains,

établis à Châteaugiron qui s’occupent de faire passer les toiles au Bureau de marque de

Rennes ; une fois l’opération de contrôle de qualité effectuée, les toiles sont vendues à des

négociants rennais, ou bien probablement directement aux négociants malouins. Ces derniers,

situés tout en haut de l’échelle du commerce toilier, s’occupent de les vendre sur les marchés

internationaux, puis, de plus en plus, sur le marché français au cours du XVIIIe siècle, lorsque

les marchés hollandais, anglais et espagnols se ferment petit à petit aux toiles de fabrication

rurale française, privilégiant les toiles fabriquées mécaniquement. Nous voyons bien que dans

ce schéma, ce sont les marchands de toiles (du petit paysan-marchand, jusqu’au grand

négociant) qui tiennent le rôle central dans la manufacture des toiles à voiles, le paysan-

marchand rural ayant pour fonction essentielle d’amorcer cette chaîne du commerce.

Conclusion :

Si le commerce des toiles à voile issu des campagnes du triangle Rennes/Vitré/La

Guerche, n’est pas aussi important que celui des « crées » produites dans le Léon, ou des

« bretagnes », produites dans le Centre-Bretagne, il ne faut pourtant pas sous-estimer la

manufacture rurale des toiles à voile. Au XVIIIe siècle, dans les paroisses rurales situées au

sud-est de Rennes semblent – à l’exemple d’Amanlis – se trouver un grand nombre de

marchands de toiles. La densité de cette profession par rapport au reste de la population

paysanne dépasserait ainsi ponctuellement celles enregistrées dans les grandes paroisses

toilières du Léon, à la même époque. De plus, les cantons de Châteaugiron et de Janzé sont

restés parmi les plus gros producteurs de toiles du département d’Ille-et-Vilaine au siècle

suivant.

La première étape du commerce toilier se déroule lors des foires et marchés qui ont

lieu dans les paroisses/communes des environs d’Amanlis. Si les plus riches des marchands

amanlisiens vont certainement jusqu’à Rennes pour vendre leur marchandise, ils se tournent

Page 57: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 2 | 56

Le commerce des toiles à voiles

principalement vers les marchés et halles de Châteaugiron et Janzé. C’est pourquoi, ces deux

bourgs marchands prennent avec force le problème des vieilles halles seigneuriales, pour faire

construire des halles modernes dans les années 1850. Il faut noter par ailleurs, que ces deux

communes sont devenues des chefs-lieux de cantons à la Révolution, ces nouvelles

constructions sont peut-être un moyen d’affirmer cette position par rapport aux communes

rurales voisines. Durant cette décennie, alors que le commerce des toiles « rurales » est voué à

s’effondrer définitivement, celui-ci est encore l’une des seules ouvertures de ces communes

rurales vers l’extérieur, vers les grandes villes marchandes comme Rennes et Saint-Malo.

D’Amanlis à Saint-Malo se met donc en place un circuit commercial, au sein duquel les

marchands de toiles ruraux ont pour rôle de stimuler la production locale des toiles, puis de

drainer celle-ci vers les halles voisines. En revanche les marchands ruraux d’Amanlis

semblent n’avoir eu pas ou très peu de relations directes avec les négociants rennais et plus

encore malouins. Dans un prochain chapitre nous analyserons un autre type de relation entre

les marchands ruraux et les marchands urbains : les dettes liées au commerce des toiles.

Nous venons de voir le rôle important joué par les marchands ruraux dans la proto-

industrie des toiles à voiles. Il serait intéressant maintenant d’étudier la place sociale,

économique et politique qu’occupe ce groupe social – si nous pouvons le définir ainsi – au

sein de leur société rurale.

Page 58: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 3 | 57

Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?

C H A P I T R E 3

Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?

Les deux premiers chapitres de notre étude ont permis d’analyser le fonctionnement

économique de la manufacture rurale des toiles à voiles : de la culture du chanvre dans les

courtils et la fabrication des toiles à Amanlis jusqu’à la commercialisation sur les marchés

internationaux à Saint-Malo. Nous avons également mis en lumière le rôle majeur joué par les

marchands de toiles, notamment par les petits marchands ruraux. Il s’agit désormais

d’analyser la place occupée par les marchands de toiles, en tant que groupe social s’ils en

constituaient bien un, dans la société rurale d’Amanlis.

Pour ce faire, nous verrons, tout d’abord, si nous avons à faire à un groupe homogène

de riches marchands, ou si, au contraire, il s’agit d’un groupe social aux fortunes diverses,

regroupant autour d’un même commerce des hommes de conditions différentes. Puis, nous

nous attacherons par la suite à replacer ce groupe social par rapport aux élites économiques et

sociales du département d’Ille-et-Vilaine. Enfin, nous analyserons la généalogie détaillée de

plusieurs familles marchandes pour voir si l’endogamie et la reproduction sociale font parties

de leurs pratiques socioculturelles.

Page 59: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 3 | 58

Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?

1. Un groupe social professionnellement et financièrement très hétérogène

Si l’on considère que, de par leur activité professionnelle de commerce toilier, les

marchands ruraux d’Amanlis peuvent former un groupe social, nous verrons que ce groupe est

avant tout très divers, tant par les situations professionnelles que financières de ces membres.

1.1. « Marchand de toiles » : une seule profession, mais des situations diverses

La liste nominative des marchands de 1791 montre clairement que la profession de

marchand de toiles recouvre des situations bien différentes.1 Nous avons pu analyser cette

diversité à travers six situations professionnelles qui sont exposées dans le tableau et le

graphique ci-dessous (cf. tableau n°5 et graphique n°6).

1 ADIV, E dépôt administratif Amanlis 4. Liste nominative de ceux qui ont déclaré exercer une profession à

Amanlis pour l’année 1791 et suivantes, 1791. Cf. annexe n°2.

Page 60: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 3 | 59

Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?

Tableau n°5 : La diversité des situations professionnelles des marchands de toiles

d’Amanlis en 1791

Situations professionnelles Nombre de marchands Noms des marchands

Marchands de toiles et fils 39

François Albert, Jean Barbier,

René Barbier, Charles Berthiau,

Pierre Bigot, Jean Bigot, Jean

Boüe, Antoine Brizé, Georges

Brizé (de la Piardière), Jean

Brossault, Jullien Brossault,

Théodore Bustault, Paul Chailleux,

Félicien Châtellier, Jean-Baptiste

Chevrel, Joseph Chevrel, Jean

Croyal père, Jean Garnier, Charles

Garnier, Jean-Baptiste Gilbert,

Joseph Guibour, René Haslé, Paul

Hazard, Georges Jamois, Nicolas

Lussot, Pierre Maleuvre, Charles

Martin, Jacques Ménard, François

Morin, Jean Paris père, Alexis

Perrichon, Jullien Ricard, René

Robert, Joseph Robert, Georges

Robert, François Tortellier,

Jacques Vallée, Joseph Veilleaux,

Jean Veilleaux

Marchands de fils 5 Jean-François Chevrel, René

Garnier, Charles Guyené, Pierre

Jouzel, René Viel

Marchands et tisserands 9

Jean Albert, Jean Desiles, Georges

Herrault, Jean Jamier, Georges

Jamier, Georges Louis, Jean

Meslet, Jean Micault, Pierre Paris

Marchands et autres activités

commerciales (autres denrées,

cabaretier, marchand tanneur)

3

Louis Belloir, Toussaint Benard,

Jullien Louis

Marchands et activités artisanales

(charron, menuisier, meunier,

cordonnier)

5

Emmanuel Boüe, Jean-Baptiste

Boüe, Joseph Debroize, Jean

Faucheux, Pierre Grée

Marchand et autre activité (notaire) 1 Georges Brizé (du Jarrot)

Page 61: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 3 | 60

Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?

Si la majorité des marchands – 39, soit 63% – exerce les activités conjointes de

marchands de fils et de toiles, cinq marchands ne font que le commerce de fils (8%). Neuf

marchands sont également désignés comme tisserands (14%). Les neuf autres exercent une

autre activité professionnelle en plus du commerce textile ; trois ont une autre activité

commerciale (5%), comme marchand tanneur, d’autres denrées, ou bien cabaretier ; cinq

pratiquent une activité artisanale (8%), en tant que charron, menuisier, meunier, ou

cordonnier ; enfin, un marchand exerce également une profession juridique 2. Il est intéressant

également de regarder dans quel ordre ont été notées les professions. Par exemple, Emmanuel

Bouë, qui demeure au village de Séran3, est désigné comme « charron et marchand de fils et

bois » ; nous pouvons émettre l’hypothèse qu’il est avant tout un artisan qui fabriquait des

roues de charrettes et qu’il trouvait dans le commerce du fil et du bois une source de revenus

supplémentaires. Jean Meslet, de Laval, a déclaré comme profession « tisserand et marchand

de toiles », alors que Georges Loüis de Bellemotte est « marchand de fils et toiles et

tisserand ». Là aussi nous émettons l’hypothèse que le premier est avant tout tisserand, qu’il

vend ses toiles – plus quelques autres qu’il a pu acheter à Amanlis – sans doute à Janzé ou à

Châteaugiron, plus difficilement à Rennes. En fait, Jean Meslet correspond aux

« fabriquants » que nous avons pu étudier dans le chapitre précédent, alors que le second,

Georges Loüis, n’est tisserand que de manière secondaire.

2 Il s’agit de Georges Brizé du Jarrot qui est notaire.

3 Cf. annexe n°4 pour repérer les différents villages d’Amanlis.

39 5

9

3 5 1

Graphique n°6 : La répartition des situations professionnelles des

marchands de toiles d'Amanlis en 1791

Marchands de toiles et fils

Marchands de fils

Marchands et tisserands

Marchands et autres activités

commerciales

Marchands et activités artisanales

Marchand et autre activité

Page 62: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 3 | 61

Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?

Ces situations professionnelles diverses entraînent des situations financières très

différentes. Les marchands de toiles forment ainsi un groupe social très hétérogène du point

de vue de la richesse.

1.2. Les marchands de toiles face à une richesse inégale…

1.2.1. Une inégalité face à la capitation

Les registres de capitation, pour la période antérieure à 1790, constituent la source la

plus commode pour évaluer la richesse des marchands. Nous sommes en possession de 17

rôles pour la période 1751-1790 à Amanlis. Etant donné qu’aucun des rôles ne mentionnait les

professions, nous avons fait concorder les noms des marchands de toiles de la liste de 1791

avec les noms des capités de 1790.4

Premier constat : les marchands de toiles sont globalement plus riches que le reste de

la population (cf. graphique n°7). Sur les 423 personnes soumises à la capitation en 1790,

presque 15% d’entre elles étaient des marchands de toiles. Lorsque l’on s’intéresse au détail

de la capitation, on se rend compte qu’ils payent en moyenne 7 L. et 9 s., là où le reste de la

population n’en paye que 4 L. et 10 s. Ils ne représentent que 5% des capités les plus pauvres,

ceux qui ne payent qu’une ou deux livres, et ce taux augmente graduellement lorsque l’on

monte dans l’échelle de la capitation, jusqu’à représenter 80% de ceux qui payent 14 ou 15 L.

de capitation et 38% des plus riches qui payent plus de 15 L. Ce constat en amène un autre : le

groupe des marchands de toiles est très hétérogène, puisque six marchands en 1790 font partie

des catégories de capités les plus pauvres, ne payant qu’une ou deux livres, alors que six

autres payent plus de 15 L. de capitation. Le montant de la capitation a un lien avec le

patrimoine personnel5, ce qui signifie que la diversité des sommes payées par les marchands

recouvre des situations personnelles très différentes : lorsque certains marchands vivent

comme de petits paysans, d’autres sont de véritables bourgeois ruraux. Toutefois, il faut noter

que les marchands ne sont qu’une partie des plus riches.

4 ADIV, C 4066. Rôle de capitation de la paroisse d’Amanlis, 1790. Cf. annexe n°5.

5 A partir d’un rapide calcul entre le rapport de la somme totale du patrimoine mobilier laissé au décès dans

l’inventaire après décès, et celle payée par la capitation, nous sommes arrivés à un ratio d’environ 1 pour 104.

Page 63: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 3 | 62

Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?

1.2.2. Un emploi inégal de domestiques par les marchands de toiles

La richesse peut également être évaluée, de manière plus indirecte cependant, au

nombre de domestiques employés par les marchands. Ces domestiques sont repérables, pour

le XVIIIe siècle, sur les registres de capitation puisque ce sont les employeurs qui payaient cet

impôt pour eux, à raison de 1,5 à 2,5 L. par personne. Pour le XIXe siècle, nous pouvons

utiliser les registres de recensement, puisque les domestiques sont recensés dans les foyers de

leurs maîtres, comme en 1846 (cf. tableau n°6).

Tableau n°6 : Un emploi inégal des domestiques par les marchands de toiles

en 1790 et en 1846 Nombre de

domestiques 0 1 2 3 4 5 6 7

Nombre de

marchands en

1790

32 16 9 3 1 0 0 0

Nombre de

marchands en

1846

4 0 1 1 1 1 0 1

0

20

40

60

80

100

120

Graphique n°7 : Capitation des marchands de toiles par rapport aux

autres en 1790

Marchands

Autres

Page 64: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 3 | 63

Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?

En 1790, près de la moitié des marchands de toiles (32) n’emploie aucun domestique,

mais 21 en emploient 1 ou plus, jusqu’à 4 pour l’une d’entre eux. Il s’agit de la veuve de Jean-

Baptiste Chevrel, sieur du Vinoux, qui demeure au Gros-Chêne et emploie deux domestiques,

une servante et un tisserand6. Nous constatons qu’il existe également une grande

hétérogénéité du groupe social des marchands de toiles face à l’emploi de domestiques. Mais

il est important de noter que le lien nombre de domestiques/richesse n’est pas forcément

automatique. Toussaint Besnard, de Laval, paye par exemple 18 L. de capitation et n’emploie

pas de domestiques.

En 1846, sur les neuf marchands de toiles encore présents à Amanlis, cinq emploient

au moins un domestique.7 Ils emploient respectivement deux, trois, quatre, cinq et sept

domestiques. Désiré Arondel, marchand de toiles au Talut, emploie ainsi le plus de

domestiques. Nous aurons l’occasion dans le point suivant sur les stratégies matrimoniales

d’étudier cette famille Arondel, l’une des plus riches et importantes d’Amanlis au XIXe siècle.

Après avoir dénombré les domestiques chez les marchands de toiles, nous pouvons

également étudier, à partir des mêmes sources, leur sexe, ainsi que les fonctions pour

lesquelles ils étaient employés (cf. tableau n°7).

Tableau n°7 : Une typologie des domestiques employés par les marchands de toiles

en 1790 et en 1846 Servante Domestique Tisserand Valet Farinier Pâtre Homme Femme

Nombre de

en 1790 26 11 6 3 1 0 21 26

Nombre de

en 1846 0 19 1 0 0 1 16 5

A partir de ce tableau, lorsque l’on essaye d’établir une typologie des domestiques

employés par les marchands de toiles en 1790 et en 1846, une première information ressort :

six domestiques en 1790 et un en 1846 sont employés au titre de tisserands par les marchands.

Le tableau montre également des disparités dans la dénomination des types de

domestiques. Alors que plus d’un domestique sur deux est une servante en 1790, cette

dénomination a disparu en 1846. Cela s’explique par le fait que les femmes sont désormais

6 Elle paye 32 L. de capitation, ce qui fait d’elle la plus riche du groupe de marchands de toiles. Son défunt mari,

Jean-Baptiste, avait payé 38 L. de capitation en 1783. Nous aurons par ailleurs l’occasion d’étudier plus en

profondeur les Chevrel d’Amanlis dans le point suivant. 7 ADIV, 6M 50. Registres de recensement de la commune d’Amanlis, 1846.

Page 65: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 3 | 64

Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?

regroupées avec les hommes parmi les domestiques. En fait, le terme « domestique » semble

être devenu la norme en 1846, lorsqu’il s’agit de simplement recenser les personnes

employées par le foyer, alors qu’il est important de définir des professions précises en 1790,

puisque tous les domestiques ne coutent pas la même somme au paiement de la capitation. En

1846, seule Anne-Marie Gilbert, veuve Garnier, demeurant au bourg, fait la distinction parmi

ses domestiques. Elle emploie deux domestiques, un tisserand et un pâtre. Ce dernier est en

fait un jeune garçon âgé de 12 ans. Sa mission doit essentiellement consister à faire paître le

bétail de la ferme.

Un autre fait important réside dans la très forte diminution du nombre de domestiques

femmes : alors qu’elles représentent 55% des domestiques en 1790, le pourcentage tombe à

24% un demi-siècle plus tard. Dans le même temps, le nombre de domestiques hommes s’est

à peu près maintenu entre 21 et 16. On peut poser l’hypothèse que les servantes de 1790 sont

là pour aider la femme du marchand dans toutes ses tâches ménagères, mais surtout pour

l’activité de filage qui est primordiale comme nous avons pu le voir auparavant. Cette activité

déclinant tout au long du XIXe siècle à Amanlis – il ne reste plus que 114 fileuses en 1846 –, il

devient de moins en moins nécessaire d’employer des filles, mis à part pour s’occuper de la

maison et des enfants. De plus, les hommes qualifiés comme domestiques en 1846 doivent

d’avantage être compris comme ce que nous appellerions aujourd’hui des ouvriers agricoles.

Nous pouvons remarquer enfin que les 32 marchands de 1790 emploient 47

domestiques contre 21 pour les seuls neuf marchands de 1846 – soit un ratio de 1,4 en 1790

contre 2,3 en 1846. Cela est révélateur d’une inégalité de richesse entre la génération de la fin

de l’Ancien Régime et celle du milieu XIXe siècle.

Pour terminer notre typologie sur les domestiques, nous pouvons nous intéresser à

l’âge de ceux-ci en 1846 (cf. graphique n°8).

Page 66: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 3 | 65

Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?

En moyenne, quel que soit le sexe ou le type, l’âge d’un domestique est de 24 ans. En

fait, plus de la moitié des domestiques – 11 sur 21 – ont un âge compris entre 20 et 30 ans.

Seulement trois ont moins de 15 ans, le plus jeune étant le pâtre de 12 ans chez la veuve

Garnier. Le domestique le plus âgé a 36 ans et travaille chez Jean-Marie Belloir aux Ouches.

Tout ceci peut nous permettre de dégager le portrait type d’un domestique travaillant

chez un marchand de toiles en 1846. Il s’agit d’un homme, plutôt jeune, qui travaille dans les

champs avec le cultivateur-marchand et qui l’assiste probablement dans ses activités

commerciales. Ce qui correspond en fait au statut d’ouvrier agricole, que l’on donne au XXe

siècle pour ce type d’employé dans une ferme.

Nous avons notamment vu jusqu’ici que le groupe social des marchands de toiles est

très inégal face à l’impôt, tout comme face à la capacité d’emploi de domestiques. Il est

intéressant d’étudier maintenant que cette inégalité se poursuit jusqu’à leur mort.

1.3. … jusqu’à leur mort

La mort est l’occasion de faire un bilan de la réussite professionnelle des marchands.

Entre moyen d’accession à la fortune et revenus complémentaires à l’activité agricole, les

différentes pratiques du commerce des toiles s’observent également lors du trépas des

marchands de toiles. Là aussi, l’hétérogénéité de la richesse des marchands est flagrante.

0

1

2

3

4

5

6

7

0-15 15-20 20-25 25-30 30-40

Graphique n°8 : L'âge des domestiques employés par les marchands

en 1846

Nombre de

domestiques

Page 67: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 3 | 66

Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?

L’un des moyens de montrer l’expression de la richesse des marchands est d’analyser

leurs propriétés foncières à travers les registres des mutations après décès.8 Ceux-ci relèvent

des archives de l’Enregistrement. À partir de 1790, tout acte notarié doit être présenté à

l’Enregistrement dans les dix jours suivant la date de sa rédaction lorsque le notaire réside

dans le lieu où le bureau est installé, et dans les vingt jours lorsque le notaire réside hors du

lieu de l’établissement du bureau. Une exception est faite pour les testaments, qui doivent être

présentés trois mois au plus tard après le décès des testateurs.9 Une taxe est prélevée par la

suite. Celle-ci fut créée en 1790, puis réorganisée par la loi du 22 frimaire an VII.10

Pour notre

étude, nous nous concentrerons sur le capital des propriétés foncières déclaré à la mort des

marchands de toiles d’Amanlis.11

Nous avons utilisé la liste des marchands de toiles de 1791

pour cette étude. A cette liste nous avons juste ajouté Pierre Antoine Arondel, qui est un des

acteurs majeurs du commerce des toiles à Amanlis au XIXe siècle. Mais n’étant arrivé dans la

commune qu’en 1802, il ne pouvait logiquement pas faire partie de cette liste. Au final, nous

avons trouvé les mutations après décès de 41 marchands – sur un nombre initial de 63

marchands – sur une période s’étalant du 4 thermidor an III, jusqu’au 5 avril 1842 (cf.

graphique n°9).12

8 ADIV, 3Q 18/283 jusqu’à 3Q 18/311, registres des mutations après décès du bureau de l’enregistrement de

Janzé. 9 Ce dispositif prend la suite du contrôle des actes qui existait sous l’Ancien Régime. La différence entre les

deux réside dans la suppression de l’insinuation judicaire et de l’insinuation fiscale, mais l’obligation

d’enregistrer les actes notariés subsiste, et l’enregistrement inclut désormais la déclaration de succession. 10

DAUMARD Adeline, « Paris et les archives de l'Enregistrement », Annales ESC, 13e année, n°1, 1958, p. 289.

11 Les registres de mutations après décès détaillent l’ensemble des propriétés foncières du décédé, en précisant

les revenus issues de ces propriétés. Pour obtenir le capital, il faut multiplier le revenu par un coefficient qui a

évolué au cours de la Révolution. Ainsi jusqu’en l’an VII de la République, le coefficient multiplicateur entre «

revenus » et « capital » est de 25 ; il n’est plus que de 22 au cours de l’an VII et le début de l’an VIII ; par la suite

le coefficient multiplicateur reste stable à 20. 12

Cf. annexe n°6.

Page 68: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 3 | 67

Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?

Ce graphique montre parfaitement le large spectre des conditions matérielles des

marchands. Ainsi, 20% des marchands de toiles peuvent être considérés comme pauvres

puisqu’ils n’ont accumulé aucun ou moins de 500 fr. de capital foncier durant leur vie. Sur les

85% des marchands qui possèdent quelque chose, les situations varient énormément : les

deux-tiers ont un capital foncier compris entre 500 et 10 000 fr., contre seulement 14% qui en

possèdent plus de 10 000 fr. Le groupe social des marchands serait ainsi dans sa grande

majorité un groupe de petits propriétaires terriens, avec à ses marges, une minorité qui ne

possède rien ou très peu, et à l’opposé, quelques individus relativement riches. Jean-François

Chevrel, marchand de toiles aux Douëts-de-Néron, est le plus grand propriétaire foncier parmi

eux, avec un capital foncier s’élevant à 23 209,60 fr.13

De plus, l’analyse de la moyenne et de la médiane des chiffres du capital foncier des

marchands de toiles d’Amanlis confirme la très grande hétérogénéité de ce monde de petits

propriétaires fonciers. Si la moyenne du capital foncier s’élève à 4 556 fr., dans le même

temps, la médiane est nettement inférieure avec 2 908 fr. En conséquence, cette différence

importante reflète très bien qu’une minorité de riches marchands tire l’ensemble du groupe

social vers le haut, alors que dans le même temps, la moitié des marchands possède moins de

2 908 fr. de capital foncier.

13

ADIV, 3Q 18/311, mutation après décès de Jean-François Chevrel, du 5 avril 1842.

0

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

Graphique n°9 : Montant du capital foncier des marchands de toiles

d'Amanlis à leur décès (an III-1842)

Nombre de

marchands

de toiles

Page 69: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 3 | 68

Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?

Nous étudierons plus en profondeur les différents types de propriétés foncières des

marchands de toiles d’Amanlis dans le prochain chapitre.

L’idée principale, qui ressort de cette première partie est la très grande hétérogénéité

du groupe social des marchands de toiles d’Amanlis. Celle-ci se voit d’abord dans la diversité

des situations professionnelles des marchands du XVIIIe siècle, mais également dans les

situations financières complètement différentes, que ce soit face à l’impôt, pour la constitution

d’un patrimoine foncier, ou bien encore face à l’emploi de domestiques. Malgré tout, nous

avons pu remarquer que l’ensemble du groupe social des marchands est globalement plus

riche que le reste de la population paysanne d’Amanlis. Cet état de fait semble se renforcer au

le XIXe siècle.

Toutefois, si les marchands de toiles d’Amanlis apparaissent parmi les plus riches de

leur commune, notamment au XIXe siècle, nous pouvons nous poser la question de savoir

quelle est leur situation par rapport aux élites départementales.

2. Un groupe social à l’écart des élites départementales

Si les marchands de toiles d’Amanlis, par leur relative richesse, appartiennent à l’élite

communale au XIXe siècle – comme c’était déjà le cas au XVIII

e –, qu’en est-il face aux élites

économiques, financières et politiques du département d’Ille-et-Vilaine ? Peuvent-ils

prétendre à faire partie de l’élite départementale ? Nous étudierons, dans un premier temps,

l’intégration politique des marchands d’Amanlis parmi les élites départementales. Puis, dans

un second temps, nous élargirons cette étude à l’ensemble du monde rural d’Ille-et-Vilaine.

2.1. Les marchands de toiles d’Amanlis : une élite seulement locale à l’échelle de l’Ille-et-

Vilaine

Si les marchands de toiles sont, dans leur ensemble, plus riches que le reste de la

population à l’échelle de leur société paroissiale – ou communale après la Révolution –, il est

intéressant de pouvoir établir leur position sociale à une échelle géographique plus large. Pour

cela, nous avons utilisé trois sources électorales différentes : premièrement, la liste des 600

Page 70: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 3 | 69

Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?

contribuables les plus imposés du département en l’an XIII14

; deuxièmement, la liste des

membres du collège électoral de l’arrondissement de Rennes, toujours en l’an XIII15

;

troisièmement, la liste des électeurs de la monarchie de Juillet pour les élections

départementales, établie en 1833.16

Pour commencer, la liste des 600 contribuables les plus imposés du département

permet de faire un constat simple : aucun des marchands de toiles d’Amanlis n’est mentionné

dans cette liste des personnes les plus riches d’Ille-et-Vilaine.

Ensuite, à partir de la liste des membres du collège électoral de l’arrondissement de

Rennes du 30 germinal an XIII (20 avril 1805) : sur une soixantaine de marchands de toiles

exerçant à Amanlis en ce début du XIXe siècle, seul Alexis Garnier (1785-1845), cultivateur et

marchand de toiles au bourg, est membre de ce collège électoral.

Enfin, sur la liste des électeurs de la monarchie de Juillet pour les élections

départementales en 1833, on ne retrouve, une nouvelle fois, que la personne d’Alexis Garnier,

qui devient maire d’Amanlis en septembre de la même année, jusqu’à sa démission en mai

1836. On peut noter également la présence des deux marchands, Pierre Jouzel, de la

Ferronnerie, et Jean-François Chevrel, des Douëts-de-Néron, parmi les électeurs

complémentaires.

De ce constat, on peut en déduire que, si les marchands d’Amanlis constituent une

élite locale, en revanche, dès que l’on dépasse le cadre du canton, voire de leur commune, ils

ne peuvent prétendre à faire partie d’une élite départementale.

2.2. Un monde rural globalement en marge des élites départementales

En partant du constat qu’il n’y a qu’un horizon local pour l’élite marchande

d’Amanlis, on peut se demander s’il s’agit d’une exception, ou bien la règle en ce qui

concerne les élites rurales d’Ille-et-Vilaine. Pour cela nous allons étudier plus en profondeur

notre troisième source : la liste des électeurs de la monarchie de Juillet pour les élections

départementales, établie en 1833. Ces élections se déroulent sur le mode du suffrage

censitaire, qui a été mis en place en 1814 : seuls les citoyens dont le total des contributions

14

ADIV, 3M 9, liste des 600 contribuables les plus imposés du département, an XIII. 15

ADIV, 3M 9, liste des membres du collège électoral de l’arrondissement de Rennes, 30 germinal an XIII. 16

ADIV, 3M 50, liste des électeurs de la Monarchie de juillet pour les élections départementales, 1833.

Page 71: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 3 | 70

Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?

directes dépasse un seuil, appelé cens, sont électeurs.17

La monarchie de Juillet élargit

progressivement le corps électoral en incluant notamment la patente – impôt qui touche les

personnes qui exercent un commerce – dans le calcul du cens, qui est par ailleurs ramené de

300 à 200 fr. Ainsi pour être inscrit sur les listes électorales, il suffit d’avoir 25 ans et

d’acquitter un cens de 200 fr. En revanche pour être éligible, il faut être âgé de 30 ans et payer

500 fr. de contributions directes.18

A partir des chiffres de recensement de 1831 pour l’ensemble de l’Ille-et-Vilaine19

, et

du nombre des membres du collège électorale de 1833, nous avons pu calculé un ratio de

membres pour 1 000 habitants et par canton, afin d' établir une cartographie (cf. carte n°3).

17

LAGOUYETTE Patrick, La vie politique en France au XIXe siècle, Paris, Ophrys, coll. Synthèse Σ Histoire, 1997,

p. 47. 18

Ibid., p. 48. 19

Contribution des Archives à l’histoire du département d’Ille-et-Vilaine de 1789 à 1980, Rennes, Archives

d'Ille-et-Vilaine, 1981.

Page 72: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 3 | 71

Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?

Carte n°3 : La répartition des membres du collège électoral de 1833 par canton

0 50 km

Page 73: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 3 | 72

Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?

En s’appuyant sur la carte de la répartition des membres du collège électoral de 1833

par canton, ainsi que sur le tableau ci-dessous (cf. carte n°3 et tableau n°8), nous pouvons

remarquer très nettement que certains cantons concentrent plus de membres au sein du collège

pour 1 000 habitants. Trois aires semblent ainsi se dégager :

- les cantons urbains principaux, autour des deux cantons nord de Rennes et celui de

Saint-Malo.

- les cantons urbains secondaires, autour des deux cantons sud de Rennes, les deux

cantons vitréens, le canton de Redon, les deux de Fougères et celui de Saint-Servan

en périphérie de Saint-Malo.

- enfin, le reste du département, c’est-à-dire les cantons ruraux, avec des nuances

toutefois. Certains cantons apparaissent mieux représentés au sein du collège

électoral, notamment ceux situés en périphéries des aires urbaines, tels les cantons

de Mordelles, de Dol, de Saint-Aubin-du-Cormier par exemple.

Tableau n°8 : Nombre de membres du collège électoral de 1833 pour 1 000 habitants

selon le type de cantons

Département Cantons urbains

principaux

Cantons urbains

secondaires Cantons ruraux

Cantons de la

manufacture

3,4 16 4,4 1,9 1,8

L’étude plus précise des chiffres du tableau n°8 est très parlante, puisque l’on constate

qu’il y a presque cinq fois plus de membres du collège électoral pour 1 000 habitants dans les

principaux cantons urbains que dans l’ensemble du département, alors que, dans le même

temps, ils sont presque deux fois moins nombreux dans les cantons ruraux par rapport à la

moyenne départementale. On remarque, dans ces conditions, que les élites économiques,

celles qui ont les moyens de participer au processus politique à l’échelle de l’Ille-et-Vilaine –

du fait du droit de vote censitaire –, sont très fortement concentrées dans les cantons urbains

au détriment des cantons ruraux.

Page 74: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 3 | 73

Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?

Un dernier chiffre nous permet d’aller encore plus loin, il s’agit de celui des cantons

intégrés à la manufacture rurale des toiles à voiles.20

On comptabilise ainsi 1,8 membre du

collège électoral pour 1 000 habitants sur l’ensemble de ces six cantons, un chiffre encore

plus faible – bien que très légèrement – que celui de l’ensemble des cantons ruraux. Deux

constats en découlent : premièrement, le monde rural ne concentre pas une élite économique,

à l’échelle de l’Ille-et-Vilaine ; deuxièmement, ce constat est encore plus fort à l’échelle des

cantons de la manufacture des toiles à voiles.

Au final, on constate que le commerce des toiles à voile n’a pas été un moyen, pour les

marchands ruraux, de s’élever au niveau social des élites économiques départementales. Cela

s’inscrit dans un contexte plus large, d’une mise à l’écart du monde rural par rapport au

pouvoir politique départemental, puisqu’il n’est que très faiblement représenté au sein du

collège électoral. Toutefois, une autre hypothèse reste possible : les riches marchands ruraux

partent pour la ville une fois l’ascension réalisée, comme c’est le cas pour Hyacinthe Porteu,

qui a repris la manufacture de la Piletière à Rennes aux débuts des années 1820 et qui est le

fils d’un notaire et marchand de toiles de Louvigné-de-Bais.21

En revanche, nous n’avons pas

encore d’exemple similaire pour Amanlis. Peut-être l’étude de la généalogie des principales

familles de marchands de toiles d’Amanlis permettra-t-elle de valider cette hypothèse.

3. « Se marier entre soi » : un moyen de conforter sa position sociale et de construire

des réseaux

Lorsqu’il évoque les alliances matrimoniales au sein du groupe social des Juloded –

ces marchands de toiles léonards –, L. Elegoët parle en ces termes : « Jusqu’à cette époque [le

milieu du XIXe siècle] les marchands de toiles et les tanneurs se marient presque toujours entre

eux et forment une sorte de caste. »22

Il serait intéressant de savoir, à ce moment de l’étude, si

les marchands de toiles d’Amanlis ont les mêmes pratiques endogamiques et ainsi, de voir

s’ils se considéraient comme un groupe social « en soi », voire comme une caste à part entière

dans la société paroissiale.

20

Bien que la manufacture ne soit pas aussi strictement définie autour de frontières cantonales, nous avons

retenu les six cantons d’Argentré, de Châteaugiron, de Châteaubourg, de Janzé, de La Guerche et enfin de

Retiers. 21

LAGADEC Yann, Pouvoir et politique en Haute-Bretagne rurale. L'exemple de Louvigné-de-Bais (XVIe-XIX

e

siècles), thèse de doctorat, dact., université Rennes 2, 2003, p. 384-385. 22

ELEGOËT Louis, Les Juloded…, op. cit., p. 143.

Page 75: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 3 | 74

Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?

3.1. Amanlis, une société rurale endogame

L’endogamie, notion qui relève de l’ethnographie, est l’obligation – ou tout du moins

la forte inclinaison – pour un membre d’un groupe social de se marier avec un membre du

même groupe. Nous pouvons distinguer plusieurs types d’endogamies : l’endogamie

géographique, pour les mariages entre personnes de la même paroisse ou de la même

commune ; l’endogamie sociale, qui concerne les mariages dans le même milieu social ;

l’endogamie professionnelle, lorsque deux familles exerçant la même profession marient leurs

enfants ; enfin, l’endogamie religieuse, qui consiste à se marier avec une personne de la même

religion. Toutefois, nous n’évoquerons pas ce quatrième type d’endogamie, puisqu’il semble

que toutes les personnes qui apparaissent dans ces généalogies soient de confession

catholique. De plus, dans les archives de la paroisse d’Amanlis, il n’est jamais fait état d’une

quelconque conversion de catholiques au protestantisme, ou bien de la pratique du culte

réformé. Nous conclurons donc à une endogamie religieuse de facto à Amanlis. Pour étudier

ces pratiques endogamiques, nous nous appuierons sur la généalogie détaillée23

de trois

familles notables de marchands de toiles : la famille Chevrel du Gros-Chêne – à ne pas

confondre avec la famille Chevrel de Néron, de lointains cousins, que nous avons déjà

évoqués à travers la personne de Jean-François Chevrel –, la famille Jouzel et la famille

Arondel.24

3.1.1. L’endogamie géographique

La première question à se poser sur le mariage « entre soi » est de savoir si les

marchands de toiles d’Amanlis allaient chercher leurs épouses – ou des époux pour leurs filles

– en dehors d’Amanlis, ou bien si l’on se mariait avant tout dans le cadre de la paroisse, puis

de la commune. Sur les trois familles étudiées, nous avons pu repérer l’origine géographique

du conjoint pour 28 mariages, entre le milieu du XVIIIe et la fin du XIX

e siècle.

23

Nous avons tenté de remonter le plus en amont possible pour nos trois familles de marchands et de poursuivre

jusqu’à une période la plus contemporaine possible. Ainsi, nous pourrons tenter de voir leurs origines familiales,

mais aussi observer l’évolution familiale, une fois le commerce de la toile abandonné dans les dernières

décennies du XIXe siècle. C’est pourquoi la généalogie de la famille Chevrel du Gros-Chêne s’étend sur sept

générations, du début du XVIIe siècle jusqu’à la fin du XIX

e siècle ; celle de la famille Jouzel compte huit

générations du début XVIIe au tournant du XX

e siècle ; enfin la plus étoffée (12 générations), celle de la famille

Arondel, que nous avons réussi à remonter jusqu’aux dernières décennies du XVe siècle pour se terminer au

milieu du XXe siècle.

24 Pour pouvoir utiliser des informations suffisamment étoffées dans nos statistiques, nous nous concentrerons

sur les générations nées à partir du milieu du XVIIIe siècle (génération n°1). Cf. annexes n°7, 8 et 9.

Page 76: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 3 | 75

Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?

Nous avons réparti sur trois « zones » l’origine géographique des mariés : « zone 0 »,

lorsque les conjoint sont natifs de la même paroisse/commune ; « zone 1 », lorsque les

conjoints viennent de deux paroisses/communes limitrophes ; « zone 2 », lorsqu’un conjoint

vient d’une paroisse/commune séparée par au moins une autre, par rapport à celle de l’autre

conjoint (cf. graphique n°10).

Nous avons également établi une cartographie de l’endogamie géographique pratiquée

par les familles Arondel, Chevrel et Jouzel, originaires d’Amanlis (cf. carte n°4).

0

2

4

6

8

10

12

14

16

Graphique n°10 : Endogamie géographique - Origine paroissiale ou

communale du ou de la marié(e)

Nombres de mariages

Page 77: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 3 | 76

Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?

Carte n°4 : L’endogamie géographique des marchands de toiles et de leurs descendants :

étude des familles Arondel, Chevrel et Jouzel

Légende :

Ces résultats nous montrent une endogamie très marquée chez les familles Arondel,

Chevrel et Jouzel, puisque plus de la moitié (53%) des mariages se font avec une personne

Page 78: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 3 | 77

Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?

originaire de la même paroisse/commune, Amanlis. Une part notable des mariages – un quart

– est établie avec une personne originaire de la paroisse/commune voisine. Dans ce cas, on

remarque par ailleurs, qu’à cinq reprises les marchands de toiles vont chercher une femme, ou

un mari pour leur fille, à Janzé. On peut retenir par exemple le cas de Joachim-Pierre Jouzel,

fils de Pierre Jouzel, marchand de toiles qui épouse à Janzé Jeanne-Marie Pâris, fille de Julien

Pâris, cultivateur à Janzé, le 3 juillet 1806 ; ou bien celui de Rosalie Chevrel, fille de Jean-

Baptiste, qui se marie avec Armand Chedmail, cultivateur à la Haslerie en Janzé.

En revanche, il est à noter que l’on ne relève aucun mariage avec des personnes

originaires de Piré ou bien Châteaugiron, les autres terres voisines, pourtant riches en

marchands de toiles. Peut-on en conclure que les marchands de toiles d’Amanlis faisaient plus

commerce avec les Janzéens ? C’est probable. Il faut tenir compte également du fait que

Janzé, ville de marché, devient le chef-lieu de canton d’Amanlis après la Révolution, ce qui

entraîne des liens plus forts entre les deux communes, Amanlis se rapprochant ainsi plus du

marché de Janzé, au détriment de celui de Châteaugiron. A partir de ces données, nous

pouvons observer – sinon en tirer des conclusions irrévocables, vu le faible nombre de

mariages étudiés – une véritable tendance, pour les marchands de toiles, à se marier avec des

personnes originaires de la même paroisse/commune. Ainsi, les mariages des marchands de

toiles étaient marqués par une forte endogamie géographique.

Cette endogamie géographique, au sein du groupe social des marchands de toiles,

serait à relativiser vis-à-vis du reste de la population paysanne. Toutefois, les sources à notre

disposition ne nous ont pas permis de connaître directement l’origine géographique des

époux/ses pour l’ensemble des mariages célébrées à Amanlis. Ainsi, les tables décennales

disponibles couvrent seulement la période postérieure à la Révolution. De plus, seuls les noms

des époux sont inscrits dans le registre. Il n’est pas fait mention de leur origine communale.

Au final, pour pouvoir tenter de comparer l’endogamie des marchands avec le reste de la

population, il aurait fallu dépouiller l’ensemble des registres paroissiaux et de l’état civil sur

une période suffisamment longue, XVIIIe et XIX

e siècles au minimum. L’ampleur du travail de

dépouillement et le caractère secondaire de cette analyse, nous oblige à faire simplement le

constat de l’endogamie géographique importante pour les marchands de toiles d’Amanlis.

Nous pouvons même poser l’hypothèse que l’endogamie géographie doit être encore plus

élevée pour le reste de la population paysanne d’Amanlis.

Page 79: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 3 | 78

Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?

3.1.2. L’endogamie sociale et professionnelle

Après avoir étudié l’endogamie géographique pratiquée par les marchands de toiles

d’Amanlis, nous allons analyser si ceux-ci pratiquent également l’endogamie sociale et

professionnelle. Pour cela, nous avons repérer la profession du marié ou du père de la mariée

lors des mariages dans les familles Arondel, Chevrel et Jouzel (cf. graphique n°11).

Entre la fin du XVIIIe siècle et le milieu du XIX

e siècle, près de la moitié des 28

mariages recensés se sont conclus au sein du même groupe social des marchands de toiles. En

outre, si l’on veut aller plus loin dans la comparaison des marchands de toiles haut-breton

avec les Juloded léonards, on remarquera également les trois mariages conclus avec des

marchands tanneurs.25

Ces deux professions composent, pour L. Elégoët, la caste des Juloded

dans les paroisses rurales de la manufacture linière des « crées ».26

La deuxième profession la

plus représentée est – sans surprise – celle de cultivateur ou agriculteur. Ce cas de figure

intervient le plus souvent au cours du XIXe siècle, alors que l’activité toilière décline, tout du

moins se concentre entre les mains d’un nombre restreint de marchands de toiles (cf.

25

Il s’agit ici, essentiellement de la famille Monnier, marchands tanneurs au bourg d’Amanlis, à qui

appartiennent plusieurs notables de la paroisse au cours du XVIIIe siècle, notamment François Monnier.

26 ELEGOËT Louis, Les Juloded…, op. cit., p. 34.

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9

10 11 12 13

Graphique n°11 : Endogamie socio-professionnelle - La profession du

marié ou du père de la mariée lors des mariages dans les familles

Arondel, Chevrel et Jouzel

Nombres de mariages

Page 80: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 3 | 79

Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?

graphique n°1). Ces cultivateurs ont probablement pratiqué le commerce toilier auparavant,

ou bien leur père, mais ils ont désormais abandonné cette activité. Il n’empêche que ces

cultivateurs peuvent être d’une richesse au moins comparable à celle des marchands de toiles.

Il est très intéressant de noter les professions – plus ponctuelles – que l’on trouve dans

ces mariages : trois propriétaires, deux notaires, un médecin et la fille d’un négociant en

beurre et œufs. Aucun mariage n’est ici conclu avec des personnes d’un groupe social que

l’on pourrait d’ « inférieur ». Par exemple, Désiré Marie Joseph Arondel (1867-1949), arrière-

petit-fils d’Antoine Pierre Arondel, et fils de Désiré Jean-Marie René Arondel (1840-1906),

cultivateur et marchand, ancien maire d’Amanlis de 1870 à 1880 et conseiller

d’arrondissement pour le canton de Janzé de 1875 jusqu’à sa mort en 1906, s’est marié le 5

septembre 1892 avec Félicité Joséphine Bridel (1874-1956) à Martigné-Ferchaud. Cette

dernière est la fille de Jean-Marie Bridel (1843-1916), négociant en beurre et œufs à

Martigné-Ferchaud. Elle est également la sœur d’Emile Timothée Bridel (1877-1957), qui

reprend l’activité de son père et développe cette société familiale en rachetant une fromagerie

au Theil-de-Bretagne puis à Retiers et s’implante à l’Hermitage ainsi que dans le Maine-et-

Loire. Il donne son nom à une marque internationalement reconnue aujourd’hui. Au delà de

l’anecdote, cela traduit bien que les marchands de toiles et leurs fils, s’ils ne se marient pas au

sein de leur groupe professionnel, s’allient avec des familles de notables ruraux. Dans tous les

cas, ces professions témoignent incontestablement d’un certain niveau de vie et aussi d’une

ascension sociale au sein de la bourgeoisie. Nous pouvons alors parler d’endogamie sociale en

plus de la nette endogamie professionnelle évoquée un peu plus haut.

3.2. Alliances matrimoniales et mariages « en famille »

Parfois l’endogamie socio-professionnelle pratiquée par les marchands de toiles

d’Amanlis laisse apparaître une multiplication des alliances matrimoniales entre deux

familles, voire au sein d’une même famille.

Dans la famille Chevrel du Gros-Chêne, on observe des mariages répétés avec les

Monnier, marchands tanneurs au bourg, ou avec la famille de marchands de toiles Louis, de la

Touche de Néron. Jean-Baptiste Chevrel, sieur du Vinoux, marie sa fille Julienne à Jean

Monnier, le fils de François, qui est l’un des hommes – sinon l’homme – le plus influent de la

commune (cf. graphique n°12). La cérémonie est célébrée le 21 messidor an V (9 juillet

1797) par Pierre Monnier (1756-1813), frère du marié et prêtre depuis 1781. Il vient tout

Page 81: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 3 | 80

Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?

juste, par ailleurs, de revenir de Jersey où il a été déporté en 1793.27

Un an plus tard, le 1er

octobre 1798, Rosalie Chevrel se marie, à Janzé, cette fois avec Julien Louis marchand

tanneur à la Touche de Néron. Un deuxième mariage intervient le 14 juin 1803 avec cette

même famille Louis de la Touche, lorsque Prudence, la plus jeune sœur, se marie avec Pierre

Louis, le frère de Julien, qui est cultivateur et marchand de toiles à la Touche de Néron.

Graphique n°12 : Généalogie simplifiée de la famille Chevrel, du Gros-Chêne

Deux autres familles de marchands de toiles multiplient les mariages au début du XIXe

siècle : il s’agit des Arondel et des Jouzel (cf. graphique n°13). Attardons-nous sur le

personnage d’Antoine-Pierre Arondel. Il est né le 10 juillet 1761 à Avranches (paroisse de

Notre-Dame-des-Champs), fils d’Antoine Arondel, sieur des Vaux, apothicaire à Avranches,

et de Claire Morin, née à Dol-de-Bretagne, quant à elle fille d’un médecin. La Révolution lui

fait embrasser la carrière militaire ; il devient ainsi, en 1792, capitaine adjudant-major au 1er

bataillon de la Manche, l’un des bataillons de volontaires de 1792. Blessé grièvement en juin

ou juillet 1793, il passe sa convalescence à Pleine-Fougères dans la maison des Hardouin, son

frère René ayant épousé Jeanne Hardouin en 1790. C’est là qu’il fait la connaissance de la

jeune Cécile Hardouin qu’il prend pour femme le 7 janvier 1794. Il a trente-deux ans ; elle

n’en a pas encore dix-neuf. René Hardouin, sieur du Budan, le père de Jeanne et Cécile,

exerce la médecine ; un de ses fils est par la suite officier sous Napoléon. Il semble donc que

rien ne prédispose le nouveau ménage à diriger une exploitation agricole. Pourtant, l’ancien

capitaine, ayant été réformé définitivement avec pension, cherche une nouvelle activité.

27

CHABIRAND, Raymond, Amanlis. Histoire d’une paroisse rurale, Rennes, Imprimerie « Les Nouvelles », 1968,

p. 243.

Page 82: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 3 | 81

Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?

Puisque sa femme vient de recevoir en héritage la ferme du « Talus » – forme ancienne du

Talut – en Amanlis, ils s’y installent en 1802. Le maître du manoir du Talut est aidé par son

frère Thibaud et par plusieurs commis. Le foyer n’a pas encore d’enfants ; une nièce, la petite

Henriette Arondel, née en 1792, grandit à la ferme du Talus.28

Antoine-Pierre devient

immédiatement un personnage important d’Amanlis. Il se lie d’amitié avec Pierre Jouzel,

marchand de fil à la Ferronnerie depuis 1802, alors que ce dernier vivait à Néron auparavant.

Pour marquer l’alliance entre les deux familles, un premier mariage intervient en 1813,

celui d’Henriette Arondel et de Jean-Baptiste Jouzel, fils de Pierre, lui-même marchand de fil

à la Touche de Néron. Par la suite, on assiste à un double mariage entre les deux familles, ce

qui parachève l’alliance. Celui-ci a lieu le 7 juillet 1838, en l’église paroissiale d’Amanlis.

Jeanne-Marie Jouzel, fille de François Jouzel, le second fils de Pierre29

, épouse Désiré

Arondel cultivateur et marchand de toiles au Talus, fils d’Antoine Pierre Arondel, tandis que

François Jouzel, frère de Jeanne-Marie, épouse Joséphine Arondel, sœur de Désiré.

28

Ibid., p. 139. 29

François Jouzel est né le 2 avril 1781. Il est cultivateur et probablement marchand de toiles au bourg de Néron.

Il est marié en 1810 à Jeanne-Marie Chevrel, la fille de Jean-François Chevrel, le riche marchand de toiles aux

Douets de Néron. Le couple a eu deux enfants en 1811 et 1812, avant qu’un malheur s’abatte sur la famille.

François trouve la mort accidentellement en 1814, âgé seulement de 33 ans, « au cours d’un pari stupide », nous

dit R. Chabirand. Ibid., p. 144.

Page 83: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 3 | 82

Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?

Graphique n°13 : Alliances matrimoniales entre les familles Arondel et Jouzel

Page 84: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 3 | 83

Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?

Au-delà de ces alliances entre les familles notables de marchands de toiles, on peut

remarquer également des unions au sein de la même famille. C’est le cas dans la famille

Jouzel, où deux petits-enfants de Pierre Jouzel se marient le 27 avril 1847 : Jean-Marie Jouzel,

cultivateur et propriétaire à la Rivière – fils de Joachim-Pierre (appelé communément Pierre),

marchand de fil à la Rivière –, épouse sa cousine Jeanne-Marie Jouzel, cultivatrice – fille de

Jean-Baptiste Jouzel, marchand de fil à la Touche de Néron. Nous n’apportons ici qu’un seul

exemple, mais il est fort à parier que sans être légions, les mariages entre cousins ne sont pas

si rares. D’ailleurs L. Elégoët, dans son étude sur les marchands de toiles léonards, a recensé

un certain nombre de ces mariages au sein de la même famille. Il soulève également un

problème religieux, puisque « les Juloded s’entre épous[a]nt, il est inévitable que les futurs

mariés ne soient pas quelquefois amenés à solliciter des dispenses de mariage : l’Eglise

interdit d’épouser ses parents par le sang jusqu’au quatrième degré, c'est-à-dire jusqu’aux

cousins de germains inclus. […] Il nous semble que chez les Juloded ces mêmes demandes ne

concernent pas plus d’un mariage sur dix. »30

En ce qui concerne les marchands de toiles

d’Amanlis, nous n’avons pu quantifier la fréquence de ces mariages. Cependant, le fait de

prouver que le mariage entre cousins existe dans la société marchande d’Amanlis montre une

nouvelle fois la forte endogamie qui prévaut au sein de ce groupe social.

De l’étude de la généalogie des marchands de toiles d’Amanlis, nous pouvons retenir

qu’ils pratiquent une forte endogamie géographique et professionnelle, conditions nécessaires

à la constitution d’un groupe social à part entière. Ce sentiment de groupe social peut être

renforcé par la conclusion de plusieurs mariages entre deux familles, voire au sein de la même

famille. Nous ne pouvons tout de même pas parler de caste – à l’instar des Juloded – puisque

les marchands de toiles semblent s’allier de plus en plus, au XIXe siècle, avec d’autres notables

ruraux – notaires, médecins, propriétaires… –, alors que le commerce toilier est peu à peu

abandonné. Enfin, concernant l’hypothèse d’un départ des plus riches marchands de toiles

d’Amanlis vers la ville, une fois l’ascension sociale réalisée, l’étude de la généalogie de trois

des plus importantes familles de marchands de toiles de la commune, ne nous a apporté que

peu d’exemples et fort peu concluant. Nous pouvons juste retenir celui de Désiré Jean-Marie

René Arondel, cultivateur et marchand, qui démissionne de son poste de maire d’Amanlis en

1880, pour s’installer à Janzé, alors qu’il est âgé de 40 ans et qu’il est conseiller

d’arrondissement pour le canton de Janzé depuis cinq ans. Toutefois, ce cas de départ reste

relatif par rapport à celui d’un Porteu, puisqu’il se limite à Janzé et non à Rennes.

30

ELEGOËT Louis, Les Juloded…, op. cit., p. 136.

Page 85: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 3 | 84

Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?

Conclusion :

Au final, le groupe social des marchands de toiles d’Amanlis est marqué par une très

forte hétérogénéité, quelle soit professionnelle, ou financière. De plus, si les marchands de

toiles sont globalement plus riches que le reste de la population d’Amanlis, nous avons vu

qu’ils sont tenus à l’écart des élites départementales.

Si le groupe social des marchands de toiles a des contours flous au XVIIIe siècle, en

revanche, pour le XIXe siècle, la baisse importante du nombre des marchands, consécutive à

l’abandon du commerce toilier par les moins fortunés d’entre eux, a entraîné une

homogénéisation de ce groupe social. Il s’agit désormais d’un groupe resserré de cultivateurs-

marchands plus riches que le reste de la population. Ce groupe social se maintient au cours de

la première moitié du siècle, alors que le commerce toilier décline inexorablement, grâce à

une endogamie sociale et professionnelle qui se traduit par des alliances matrimoniales au sein

des marchands de la paroisse d’Amanlis et des environs, ainsi qu’avec d’autres notables

ruraux. Au XIXe siècle, les marchands de toiles formeraient donc un groupe social intégré à

une élite rurale locale plus large.

Enfin, nous avons vu que les marchands de toiles fondent également une partie de leur

richesse sur la possession d’un patrimoine foncier, contribuant ainsi à la formation d’une

petite élite économique locale. En revanche, nous n’avons fait que l’évaluation de ce

patrimoine foncier. Pour l’instant nous n’en connaissons pas le détail. C’est pourquoi, nous

allons approfondir, dans le prochain chapitre, l’étude des patrimoines foncier, immobilier et

mobilier des marchands de toiles.

Page 86: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 4 | 85

Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles

C H A P I T R E 4

Le patrimoine foncier, immobilier

et mobilier des marchands de toiles

Le chapitre précédent nous a permis d’apercevoir la très grande hétérogénéité des

marchands de toiles face à la constitution d’un patrimoine foncier, tout au long de leur vie. Il

va s’agir ici d’étudier en profondeur ce patrimoine, non seulement foncier, mais également

immobilier et mobilier. Plusieurs questions se posent à nous : les marchands de toiles

possèdent-ils un patrimoine foncier plus élevé que le reste de la population paysanne ? Quels

types de propriétés foncières possèdent les marchands de toiles ? Les marchands de toiles

habitent-ils dans des exploitations agricoles ou bien dans des maisons de bourgeois ruraux ? Y

a-t-il un patrimoine immobilier original dans la manufacture des toiles à voiles ? Les

marchands de toiles se sont-ils constitués un riche patrimoine mobilier ? Des objets les

distinguent-ils du reste de la population paysanne ?

A partir de toutes ces interrogations, nous structurerons notre propos en trois parties.

Dans une première partie, nous étudierons les différents types de propriétés foncières des

marchands de toiles, afin de voir si ce groupe social est une petite élite économique locale.

Dans une deuxième partie, nous nous concentrerons sur le patrimoine mobilier des

marchands, pour analyser les différents types de maisons habitées par les marchands et voir

s’ils ont contribué à créer un patrimoine toilier original. Dans une troisième partie, nous nous

attacherons à voir si les marchands de toiles se sont constitués un patrimoine mobilier plus

important que le reste de la population et si des objets pourraient être révélateurs d’une

certaine notabilité rurale.

Page 87: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 4 | 86

Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles

1. Une petite élite économique locale basée sur la propriété foncière ?

Nous allons voir tout d’abord que les marchands de toiles d’Amanlis se distinguent

des autres paysans par la possession de plusieurs propriétés foncières. Ensuite, nous nous

concentrerons sur l’analyse des propriétés foncières de quelques marchands importants.

1.1. Un patrimoine foncier plus important que la moyenne

Nous allons reprendre la même source que dans le chapitre précédent, lorsque nous

avons voulu montrer que le groupe social des marchands de toiles reste hétérogène même

jusqu’au moment de la mort de ces derniers, dans une étude menée à partir des registres de

mutations après décès.1 Cependant, nous allons, ici, non pas simplement comparer les

marchands entre eux, mais les confronter au reste de la population rurale.

C’est dans ce but que nous avons dépouillé, en plus, le registre de mutation après

décès pour l’ensemble des communes du bureau de l’Enregistrement de Janzé durant l’année

1819. Il faut, toutefois, être bien conscient des limites de cette comparaison, puisque les

mutations après décès des marchands, dont nous disposons, s’étendent sur près d’un demi-

siècle, de l’an III de la République à 1842 ; il aurait fallu, ainsi, dépouiller l’ensemble des

mutations après décès du bureau de Janzé sur la même période pour avoir une comparaison

complètement fiable. Le temps court et intense imposé par un master et l’ampleur des sources

à dépouiller ne nous l’ont pas permis.

1 Cf. chapitre 3, 1.3, p. 65-68.

Page 88: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 4 | 87

Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles

Toutefois, le graphique ci-dessus révèle une réelle tendance (cf. graphique n°14).

Lorsque l’on compare les différentes catégories de population – pauvres, riches, médians –,

les chiffres sont très révélateurs : si 1 marchand sur 5 peut être considéré comme pauvre –

capital foncier inférieur à 500 fr. – le ratio s’élève à 1 sur 2 en ce qui concerne le reste de la

population rurale. Dans la tranche médiane – capital foncier compris entre 500 et 10 000 fr. –,

on y trouve les deux-tiers des marchands contre seulement 40% du reste de la population.

Même parmi les plus riches, les marchands sont plus présents : 14% contre 9%. Ainsi, la

structure de l’histogramme de l’ensemble de la population montre qu’une grande part de la

population rurale ne possède aucun capital : la courbe décroît au fur et à mesure que l’on

s’élève sur l’échelle du montant du capital. En revanche, l’histogramme du capital des

marchands de toiles d’Amanlis montre une structure bien différente, avec ce noyau de petits

propriétaires terriens, que nous avons déjà repéré dans le chapitre précédent.

La moyenne du capital des marchands de toiles par rapport au reste de la population

est, également, un très bon indicateur. Alors que les marchands possèdent en moyenne 4 556

fr. de capital foncier, celui du reste de la population est 1,7 fois plus faible et se situe à 2 688

fr.

0%

5%

10%

15%

20%

25%

30%

Graphique n°14 : Comparaison du montant du capital foncier des

marchands de toiles d'Amanlis (an III-1842) par rapport aux

personnes ayant fait une déclaration de mutations après décès au

cours de l'année 1819 dans l'ensemble du bureau de Janzé

Marchands

de toiles

Autres

personnes

Page 89: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 4 | 88

Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles

Le groupe social des marchands serait, ainsi, un groupe de petits propriétaires terriens,

plus riche en moyenne que le reste de la population rurale. Cependant, si l’on relève quelques

grands propriétaires parmi les marchands de toiles d’Amanlis, notamment Jean-François

Chevrel avec un capital de 23 209,60 fr.2, celui-ci reste tout de même moins riche que les plus

grands possesseurs de capitaux fonciers, puisque nous avons pu relever, au cours de l’année

1819, des capitaux fonciers se montant à 27 835 fr., 27 870 fr., 34 284 fr., et le plus élevé

38 403 fr.3 Il s’agit, dans l’ordre de ces fortunes, de Pierre Tortellier, laboureur propriétaire et

ancien marchand de toiles à Piré, décédé le 15 août 18184, de Jan-Auguste-Mathieu Saint-

Marc, propriétaire décédé à Saint-Malo le 29 juin 18195, de Perrinne-Marguerite Mouisel,

propriétaire décédée à Rennes le 12 septembre 18186, et de dame Gabrielle Pelé, veuve du

sieur Antoine Félix Le Guay, décédée à Châteaugiron le 24 août 18187. Cette dernière

possède notamment quatre fermes à Amanlis : la ferme du Gripail, pour un capital foncier de

440 fr., la ferme de la Clarlais, pour un capital foncier de 470 fr., la ferme des Landes, pour un

capital foncier de 330 fr., et la ferme de la Tionnais, pour un capital foncier de 300 fr.

1.2. Des propriétés foncières intégrées dans un paysage de bocage

Avant de détailler les propriétés des familles Arondel, Chevrel et Jouzel, il est

intéressant de se représenter ce qu’est le paysage rural d’Amanlis. Celui-ci est avant tout un

paysage de bocage, avec un extrême morcellement des parcelles, qui sont séparées par des

haies, constituées d'un talus (arbres et bois piquants) et d'un fossé. Elles sont desservies par un

très grand nombre de petits chemins. Toutefois, d’après M. Racapé, « un champ sur quatre

reste enclavé, et n'est accessible que par droit de servitude sur l'un de ses voisins. »8 Cette

dernière a détaillé le parcellaire du paysage de la commune d’Amanlis à partir du relevé

cadastral de 1837 (cf. tableau n°9).9

2 ADIV, 3Q 18/311, mutation après décès de Jean-François Chevrel, du 5 avril 1842.

3 ADIV, 3Q 18/298, mutations après décès du bureau de l’Enregistrement de Janzé, année 1819.

4 ADIV, 3Q 18/298, mutation après décès de Pierre Tortellier, du 27 janvier 1819.

5 ADIV, 3Q 18/298, mutation après décès de Jan-Auguste-Mathieu Saint-Marc, du 25 octobre 1819.

6 ADIV, 3Q 18/298, mutation après décès de Perrinne-Marguerite Mouisel, du 22 février 1819.

7 ADIV, 3Q 18/298, mutation après décès de dame Gabrielle Pelé, du 17 février 1819.

8 RACAPE Marine, Le cadre de vie matérielle dans les communes de Janzé, Piré-sur-Seiche, Amanlis et Brie au

XIXe siècle, mémoire de maîtrise, dact., Université Rennes 2, 2003, p. 14.

9 Ibid., p. 14.

Page 90: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 4 | 89

Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles

Tableau n°9 : Le paysage d’Amanlis d’après le relevé cadastral de 1837

Surface Contenances Im

po

sab

le

Terres labourables et dessertes 1 905 ha 11 ares

Prés 311 ha 88 ares

Jardins (courtils) 100 ha 85 ares

Pâtures et pâtis 21 ha 25 ares

Landes 12 ha 74 ares

Vagues, mares, carrières, douets 2 ha 50 ares

Bois, taillis et sapins 31 ha 56 ares

Bois de châtaigniers, futaies, avenues 28 ha 97 ares

Etangs et viviers 0 ha 71 ares

Bâtiments et cours 21 ha 50 ares

Non

-

imp

osa

ble

Chemins et places 70 ha 06 ares

Rivières et ruisseaux 15 ha 50 ares

Eglise et cimetières 0 ha 31 ares

Presbytère et jardin 0 ha 60 ares

Si les terres labourables restent, fort logiquement, le type de parcelles le plus présent à

Amanlis avec 1 905 ha 11 ares, nous pouvons noter que la surface des jardins ou courtils se

monte à 100 ha 85 ares. Ces terres servent à la culture vivrière, mais elles sont également le

lieu de la culture du chanvre.

Concernant le prix de la terre, R. Chabirand donne quelques indices pour l’Ancien

Régime. Au début du XVIIIe siècle, la valeur de l’hectare de terre se monterait entre 400 et 600

L. suivant la qualité du terrain. Il a constaté également une nette augmentation du prix de la

terre entre 1763 et 1789. Il donne ainsi l’exemple de François Monnier, marchand tanneur au

bourg, qui achète en 1785, « trois pièces de terre à la Haute-Touche, contenant au total 2 ha

70, pour le prix de 2120 L. (soit 785 L./ha) ; il paye en outre 265 L. de taxes à la Baronnie et

77 L. au notaire. »10

10

CHABIRAND, Raymond, Amanlis. Histoire d’une paroisse rurale, Rennes, Imprimerie « Les Nouvelles », 1968,

p. 37.

Page 91: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 4 | 90

Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles

Le régime des successions peut expliquer le morcellement extrême des propriétés à

Amanlis. Selon M. Racapé, « la coutume veut, en effet, qu’à la mort d’un propriétaire chacun

de ses enfants (ou de ses héritiers) reçoive un lot de terrains ou de maisons. »11

1.3. Les propriétés foncières de quelques marchands de toiles

L’étude du cadastre nous permet d’analyser les propriétés foncières de quelques

marchands de toiles d’Amanlis. Le cadastre napoléonien représente l’état des biens fonciers

d’une commune, où sont consignés le nom des propriétaires, la superficie des parcelles et le

produit qu’elles rapportent. Il sert avant tout à la perception de l’impôt foncier.12

Tout comme pour les généalogies, nous nous intéresserons aux familles Arondel,

Chevrel et Jouzel et plus particulièrement à Pierre-Antoine Arondel, Jean-Baptiste Chevrel et

aux trois frères Jean-Baptiste, René et Pierre Jouzel. A partir des matrices cadastrales13

, nous

avons pu reconstituer l’ensemble des propriétés foncières de ces marchands.14

Nous n’avons

pris en compte que les propriétés présentes sur le territoire communal d’Amanlis : non

seulement il n’est pas exclu que ces marchands aient des propriétés hors de la commune, mais

certains doivent aussi être locataires de parcelles qu’ils exploitent, parcelles que nous n’avons

pu recenser cependant.

Nous ferons consécutivement une étude quantitative puis qualitative des propriétés

foncières de ces marchands de toiles, avant d’aborder la question de la localisation de ces

parcelles.

1.3.1. Des propriétés foncières de tailles variables

Si l’étude des registres de mutation après décès a montré que les marchands de toiles

possèdent un capital foncier globalement plus important que le reste de la population

paysanne, l’étude des matrices cadastrales va, quant à elle, nous permettre d’évaluer la taille

des propriétés foncières de cinq marchands de toiles (cf. tableau n°10).

11

RACAPE Marine, Le cadre de vie matériel…, op. cit., p. 24. 12

La série 3P des Archives départementales d’Ille-et-Vilaine renferment les plans cadastraux. Ceux de l’année

1837 sont conservés pour Amanlis sous la cote 3P 5235. 13

ADIV, 3P 96, matrices des propriétés foncières d’Amanlis, 1837. 14

Cf. annexes n°10, 11 et 12.

Page 92: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 4 | 91

Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles

Tableau n°10 : Les propriétés foncières des marchands de toiles à Amanlis

Noms Qualités Nombre de parcelles Superficies

Pierre-Antoine Arondel Marchand au Talut 17 8 ha, 5 a, 39 ca

Jean-Baptiste Chevrel Marchand au Gros-Chêne 21 8 ha, 15 a, 94 ca

Pierre Jouzel Marchand à la Rivière 33 17 ha, 59 a, 77 ca

Jean-Baptiste Jouzel Marchand à la Touche de Néron 39 17 ha, 39 a, 40 ca

René Jouzel Marchand à Néron 10 4 ha, 36 a, 50 ca

Ces cinq marchands possèdent en moyenne un peu plus de 11 ha, ce qui est presque

trois fois supérieur à la moyenne générale de la population d’Amanlis. Puisque, si l’on

considère qu’il y a – d’après les recensements – environ 600 ménages à Amanlis dans les

années 1836-1840 et que la superficie totale des parcelles imposables en 1837 s’élèvent à

2 437,07 ha (cf. tableau n°9), cela nous donne une moyenne d’environ 4 ha de propriétés

foncières par ménage. Ceci montre parfaitement le statut de petits propriétaires terriens des

marchands de toiles : plus riches que la moyenne, mais dans des proportions qui restent

modestes.

En outre, on constate, une nouvelle fois, les disparités entre marchands de toiles. Par

exemple, deux des frères Jouzel, Pierre et Jean-Baptiste, possèdent 17 ha, alors que leur plus

jeune frère n’en possède seulement que 4, ce qui constitue un rapport d’environ 1 à 4. Par

ailleurs, René Jouzel se retrouve totalement dans cet archétype d’exploitation moyenne à

Amanlis, avec une propriété foncière de 4 ha. Il est possible que ce chiffre corresponde à la

limite d’une exploitation viable.

En conséquence, cet exemple montre que les marchands de toiles d’Amanlis ne tire

pas l’essentiel de leurs revenus de la propriété foncière mais bien de la pluri-activité

commerciale et agricole. De plus, en ce qui concerne Pierre-Antoine Arondel, Jean-Baptiste

Chevrel, s’il est sûr qu’ils sont plus propriétaires que la moyenne, il est possible qu’ils

exploitent autant de terres que la moyenne des exploitants, le reste des terres étant voué à la

location. Reste à savoir de quels types de parcelles étaient constituées ces propriétés foncières.

Page 93: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 4 | 92

Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles

1.3.2. La composition de ces propriétés foncières

Etablir une typologie des propriétés foncières des marchands de toiles permettra

notamment de voir si celles-ci présentent un profil « atypique » par rapport au parcellaire

disponible sur le territoire communal (cf. graphique n°15).15

Ceci pourrait montrer une

utilisation particulière des terres par les marchands de toiles, dans l’optique de la production

de fil et de toile.

Nous pouvons remarquer tout d’abord que les marchands de toiles – à travers ces cinq

exemples – n’ont pas constitué de propriétés foncières « atypiques » par rapport aux types de

parcelles disponibles sur le territoire communal.16

C'est-à-dire que les marchands ne semblent

pas avoir cherché à acquérir des parcelles tournées vers un type particulier d’activité. Par

exemple, si l’on avait constaté une surreprésentation des parcelles de jardin dans les

15

Cf. annexe n°13. 16

Afin de comparer les types de parcelles possédées par les marchands de toiles par rapport au total des parcelles

disponibles à Amanlis, nous nous sommes appuyés sur les données du tableau n°9.

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

100%

Graphique n°15 : Répartition des propriétés foncières des marchands

de toiles selon les différents types de parcelles dans la première moitié

du XIXe siècle à Amanlis, d’après les matrices cadastrales.

(Proportion des surfaces en hectare)

Pierre-Antoine Arondel

Jean-Baptiste Chevrel

Pierre Jouzel

Jean-Baptiste Jouzel

René Jouzel

Moyenne marchands

Total Amanlis

Page 94: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 4 | 93

Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles

propriétés foncières des marchands de toiles, on aurait pu y voir une volonté de leur part de

développer à plus grande échelle la culture du chanvre dans ces jardins ou courtils, aux côtés

des cultures vivrières. Or, celles-ci ne représentent que 4% de la surface de leurs propriétés

foncières, exactement la même proportion que sur le reste du territoire communal. Au final,

nous pouvons poser comme hypothèse que si, dans l’ensemble, les marchands de toiles

possèdent, en moyenne, plus de terres que le reste de la population paysanne, en revanche,

ceux-ci ont les mêmes besoins fonciers.

Maintenant, si l’on entre dans le détail de ces propriétés foncières, on voit que la

majorité – entre 70 et 80% – des propriétés sont des terres labourables, qui servent notamment

à la culture des céréales. Au XVIIIe siècle, on cultive à Amanlis avant tout le sarrasin (blé

noir), le seigle, l’avoine, le froment et l’orge. Le blé froment est la céréale la plus noble,

réservée à la vente ainsi qu’au paiement des redevances. Le seigle et le sarrasin servent à la

nourriture quotidienne de la paysannerie d’Amanlis, à travers le pain et les galettes. D’après

R. Chabirand, « les rendements céréaliers sont médiocres », de l’ordre de 5 ou 6 quintaux

pour 1 ha.17

Cela est dû, sans nul doute, au manque d’engrais et à la mauvaise qualité des

semences. Les terres restent en jachère deux, voire trois années sur six. En revanche, au XIXe

siècle, on observe une nette amélioration des cultures. Les jachères ont diminué, pour ne plus

représenter que le quart des terres labourables. Le seigle ne se cultive plus que sur les terres

les plus hautes. La culture du froment augmente considérablement et représente – avec le

sarrasin – plus de la moitié de la superficie des terres cultivés.18

La culture de la pomme de

terre supplante alors celle des navets. Les rendements céréaliers se sont améliorés, on atteint

désormais un rendement moyen sur la commune de 13,6 quintaux pour 1 ha.19

Les marchands de toiles possèdent également d’autres types de propriétés foncières.

Outre de rares landes, les frères Jouzel ont cinq parcelles de bois taillis qui leur permettent

d’exploiter le bois, une ressource importante. Les châtaigneraies, possédées par Jean-Baptiste

Chevrel et les Jouzel, permettent, quant à elles, de faire de la farine de châtaignes qui peut se

substituer aux farines de céréales en hiver. Les prés, quant à eux, représentent entre 5 et 18%

de la surface totale des propriétés des marchands, et ont une double utilité : celle de faire

paître les bêtes et surtout une utilité liée à la fabrication des toiles à voiles, grâce à l’accès à

l’eau. Ce que nous allons étudier plus précisément maintenant.

17

CHABIRAND, Raymond, Amanlis…, op. cit., p. 36. 18

Ibid., p. 150. 19

Ibid., p. 151.

Page 95: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 4 | 94

Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles

1.3.3. Disposer d’un accès à l’eau grâce à la localisation des propriétés foncières

L’eau est l’élément déterminant pour l’opération du rouissage, qui consiste – comme

nous l’avons dit auparavant – à éliminer les matières pectiques qui collent les faisceaux de

fibres entre eux. Il est donc possible que les marchands cherchent à posséder des parcelles

ayant un accès à l’eau, que ce soit sous forme de rivière, ruisseaux, ou bien de routoirs. Cette

hypothèse peut être vérifiée en observant la localisation des parcelles sur le cadastre et

notamment grâce aux reconstitutions des propriétés foncières des cinq marchands (cf. tableau

n°11).20

Tableau n°11 : Les propriétés foncières des marchands et l’accès à l’eau

Noms des marchands de toiles Proportion des parcelles ayant

un accès à l’eau

Nombre de routoirs présents sur

les parcelles

Pierre-Antoine Arondel 5/17 soit 30% 0

Jean-Baptiste Chevrel 8/21 soit 38% 2

Pierre Jouzel 9/33 soit 30% 4 + 1 mare

Jean-Baptiste Jouzel 7/39 soit 18% 4

René Jouzel 0/10 soit 0% 0

Le tableau ci-dessus confirme l’hypothèse de la recherche de l’accès à l’eau par les

marchands. Mis à part pour René Jouzel, entre 18 et 38% de parcelles des quatre autres

marchands possèdent un accès à cette ressource. Il faut noter également, que dans un cas sur

deux (14/29 parcelles), les parcelles possédant un accès à l’eau sont des prés.

L’accès à l’eau se fait de plusieurs manières :

- Par le contact direct avec la rivière de la Seiche :

o Parcelles n°582, 633 chez Jean-Baptiste Chevrel.

- Par le contact avec de petites rivières, ou des ruisseaux :

o La rivière de Néron : parcelles n°443, 444, 453, 585 chez Jean-Baptiste

Chevrel, ou n°451, 459 chez Jean-Baptiste Jouzel.

20

Cf. annexes n°10, 11 et 12.

Page 96: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 4 | 95

Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles

o Le ruisseau du Reda : parcelles n°64, 65, 176, 146, 148, 143, 130 chez Pierre

Jouzel.

o D’autres petits ruisseaux : parcelles n°670, 673, 674, 855 ter, 707 chez Pierre-

Antoine Arondel, ou n°73, 494, 496, 534 chez Jean-Baptiste Jouzel.

- Par le contact avec un étang :

o Parcelle n°444 chez Jean-Baptiste Chevrel – bien que les étangs du Choisel

n’appartenaient pas en propre au marchand du Gros-Chêne –.

Dans le tableau ci-dessus, nous avons également relevé la présence de plusieurs

routoirs dans les propriétés de Jean-Baptiste Chevrel, Pierre Jouzel et Jean-Baptiste Jouzel (cf.

illustration n°10). Pierre Jouzel possède également une « mâre » (parcelle n°146) reliée au

ruisseau du Reda et située au village de la rivière de Néron. Ces routoirs sont de deux types :

soit ils sont situés au bord d’un ruisseau (parcelles n°130, 143 de Pierre Jouzel et n°494 de

Jean-Baptiste Jouzel), soit ils semblent créés ex-nihilo (parcelles n°732, 733 de Jean-Baptiste

Chevrel et n°573 de Jean-Baptiste Jouzel). Ces routoirs sont communément nommés douëts,

terme qui se retrouve également dans la toponymie local avec le village se dénommant « Les

Douëts-de-Néron ». C’est d’ailleurs dans ce village qu’habite le marchand de toiles Jean-

François Chevrel.

Page 97: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 4 | 96

Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles

Illustration n°10 : Les routoirs dans les propriétés foncières des marchands de toiles

2 routoirs près du manoir du Gros-Chêne de

Jean-Baptiste Chevrel

Routoir dans le « pré de la cartelle » de

Pierre Jouzel

Routoir dans le « pré des cours mardaux » de

Pierre Jouzel

Routoir dans le « pré de la Fontaine » de

Jean-Baptiste Jouzel

2 routoirs dans le « pré devant » de

Jean-Baptiste Jouzel

Par ailleurs, nous avons déjà évoqué, dans le chapitre 1, les problèmes de pollution de

l’eau, que posent ces pratiques du rouissage dans les rivières.

Au final, la localisation des biens fonciers pourrait s’avérer être plus importante pour

les marchands de toiles, que la quantité ou le type des parcelles, avec une préférence pour des

parcelles ayant un accès à l’eau : rivière, ruisseaux, routoirs, afin de pouvoir faire rouir le

chanvre.

Page 98: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 4 | 97

Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles

2. Le patrimoine immobilier des marchands de toiles

Lieu de vie et de travail, la maison peut également être un moyen d’exprimer son

aisance, grâce à la richesse du décor architectural, par la multiplication des pièces intérieures

à la maison d’habitation ou par le nombre des bâtiments composant la ferme. Dans un premier

temps, il faut chercher à savoir si les marchands de toiles d’Amanlis pensent et utilisent leurs

habitations comme de simples exploitations agricoles, ou bien si celles-ci peuvent être le

reflet d’une certaine notabilité rurale. Ceci nous amènera dans un second temps, à nous poser

la question de la qualité architecturale de ces maisons marchandes. C’est-à-dire de savoir s’il

y a un style architectural original dans ces communes rurales – Amanlis – et urbaines –

Châteaugiron – de la campagne rennaise, tout en nous appuyant sur des comparaisons avec la

manufacture des « bretagnes » autour de Quintin.

2.1. Des maisons de marchands entre simples exploitations agricoles et maisons de

bourgeois ruraux

Après nous être intéressé à l’étude des propriétés foncières des marchands de toiles,

nous allons nous concentrer sur leurs propriétés immobilières, avant d’analyser plus en détail

deux d’entre elles.

2.1.1. Quelles types de propriétés immobilières possèdent les marchands ?

En partant de l’étude sur les propriétés foncières des marchands de toiles Arondel,

Chevrel et Jouzel, nous observons, que ceux-ci possèdent plusieurs maisons, accompagnées

de bâtiments et d’une cour dans la plupart des cas.21

Pierre-Antoine Arondel en a deux : une

au Talut – sa résidence principale –, et la seconde de l’autre côté de la route du bourg, à

l’Ombrière. Jean-Baptiste Chevrel détient le manoir du Gros-Chêne ainsi qu’une autre maison

juste de l’autre côté de la route du bourg au Choisel. Pierre Jouzel est le propriétaire de deux

maisons à la Rivière et une autre au bourg de Néron. Son frère, Jean-Baptiste, établi à la

Touche de Néron, a trois maisons dans le village. René Jouzel, le troisième frère, habite dans

son unique maison du bourg de Néron, mitoyenne de celle de Pierre. Nous pouvons en

déduire que la richesse de certains marchands de toiles leur permet « d’investir dans la

pierre » et de mettre ces biens immobiliers à la location, mis à part leur résidence principale

bien entendu.

21

Cf. annexes n°10, 11 et 12.

Page 99: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 4 | 98

Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles

Toutefois, ces propriétés immobilières ne possèdent pas la même valeur. C’est ainsi

que l’ensemble des maisons de la commune est réparti en dix classes selon le revenu fiscal de

celles-ci. L’érudit local, R. Chabirand, porte à notre connaissance le résultat du classement de

l’habitat amanlisien effectué par l’Administration des contributions directes, lors de la

constitution de la matrice cadastrale de 1837.22

Tableau n°12 : L’habitat à Amanlis en 1837

Classes Nombre de maisons (total de 656) Revenu imposable (en francs)

Hors classe 2 80-100

1ère

classe 1 50

2e classe 2 35

3e classe 8 24

4e classe 21 18

5e classe 29 14

6e classe 52 10

7e classe 116 8

8e classe 298 6

9e classe 99 4

10e classe 28 2

D’après R. Chabirand, « la majorité des maisons d’habitation des fermes de plus de 10

ha se trouve en 5e, 6

e, ou 7

e classe. Ce sont des maisons à deux pièces ou à une grande pièce

bien éclairée »23

. A côté de ces 231 maisons dites « convenables », il existe 425 maisons –

65% du total – que l’on qualifie de « pauvres ». Celles-ci se retrouvent dans les 8e, 9

e et 10

e

classes. La 8e classe concentre par ailleurs près de la moitié (45%) de l’ensemble des maisons

d’Amanlis. Ces maisons pauvres dateraient pour la plupart du XVIIe siècle ou du début du

XVIIIe siècle, et se seraient dégradées par manque d’entretien, jusqu’à devenir insalubres. Elles

seraient ainsi les demeures des « ouvriers, des petits fermiers, des vieilles femmes seules »24

.

A partir de ce classement, il est intéressant d’analyser la valeur fiscale des maisons

possédées par les marchands de toiles, en faisant la distinction entre leurs habitations

principales et leurs autres propriétés destinées à la location (cf. tableau n°13).

22

Ibid., p. 156. 23

Ibid., p. 156. 24

Ibid., p. 156.

Page 100: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 4 | 99

Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles

Tableau n°13 : Le classement des maisons d’habitation des marchands de toiles en 1837

Noms des marchands Localisation de la maison (n°

cadastre) Classes

Pierre-Antoine Arondel Le Talut (B, 675) 3

L’Ombrière (B, 689) 7

Jean-Baptiste Chevrel Le Choisel (D, 603 bis) 9

Le Gros-Chêne (D, 732) 4

Pierre Jouzel La Rivière (E, 149) 8

La Rivière (E, 186) 4

Bourg de Néron (E, 295) 6

René Jouzel Bourg de Néron (E, 296) 5

Jean-Baptiste Jouzel La Basse Touche (E, 538) 6

La Basse Touche (E, 539) 8

La Basse Touche (E, 542) 8

La Basse Touche (E, 571) 4

Nous pouvons remarquer que la valeur fiscale des maisons principales – en gras – est

bien différente de la valeur des autres biens immobiliers – en italique – possédés par ces cinq

marchands de toiles. Ceux-ci habitent dans des maisons répertoriées dans les classes 2, 3, 4 et

5, alors que leurs autres biens immobiliers ne sont que dans les classes 6, 7, 8 et 9.

En fait, mis à part René Jouzel, dont la maison est répertoriée en 5e classe, les quatre

autres marchands possèdent des maisons appartenant aux 5% des habitations les plus

imposées de la commune. Ces maisons bourgeoises témoignent d’une certaine aisance

financière de leur part. Le manoir de Pierre-Antoine Arondel, au Talut, fait même partie des

13 habitations – sur 656 – les plus imposées d’Amanlis.

Après avoir comparé les résidences principales des marchands de toiles par rapport

aux maisons du reste de la population d’Amanlis, il faut maintenant étudier précisément les

différents bâtiments, la disposition et l’utilité des pièces de ces premières. C’est pourquoi,

nous nous appuierons ainsi sur les inventaires de Jean-François Chevrel25

, marchand de fils

aux Douëts-de-Néron, et de Jean-Baptiste Chevrel26

, marchand de toiles au Gros-Chêne. Ces

25

ADIV, 4E 4316. Inventaire après décès de Jean-François Chevrel, en date des 5-6 novembre 1841. Cf. annexe

n° 14. 26

ADIV, 4E 4305. Inventaire après décès de Jean-Baptiste Chevrel, en date du 15 janvier 1836. Cf. annexe n°

15.

Page 101: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 4 | 100

Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles

deux exemples serviront à montrer deux types de maisons de marchands relativement

différents : une exploitation agricole et une maison de bourgeois rural.

2.1.2. L’exploitation agricole de Jean-François Chevrel

Jean-François Chevrel (1763-1841), marchand de toiles et fils aux Douëts-de-Néron

est, dans le premier tiers du XIXe siècle, le marchand le plus riche d’Amanlis. A sa mort, en

1841, il posséde un capital foncier s’élevant à 23 209,60 francs.27

Nous avons classé les

différents bâtiments ou lieux de la ferme de Jean-François Chevrel, selon leurs usages (cf.

tableau n°14).

Tableau n°14 : La ferme de Jean-François Chevrel

Bâtiments ou lieux de demeure

ou à usage domestique

Bâtiments ou lieux liés à la

production toilière Bâtiments à vocation agricole

Maison de demeure Buanderie 2 écuries

Maison neuve Maison dite la subite Greniers

Cellier Douët Etable

Cour Refuge à porcs

A partir des matrices cadastrales28

, nous avons reconstitué la propriété agricole de

Jean-François Chevrel, tout en essayant de faire correspondre les bâtiments et lieux recensés

dans le tableau ci-dessus (cf. illustration n°11).

27

ADIV, 3Q 18/311, mutation après décès de Jean-François Chevrel, du 5 avril 1842. 28

ADIV, 3P 96, matrices des propriétés foncières d’Amanlis, 1837.

Page 102: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 4 | 101

Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles

Illustration n°11 : La ferme de Jean-François Chevrel aux Douëts-de-Néron sur le

cadastre d’Amanlis en 1837 (section E de Néron)

Quelques commentaires sur les différents bâtiments ou lieux de la ferme pourraient

être utiles. Tout d’abord, nous n’avons pas classé la « maison dite la subite » parmi les

bâtiments de demeure, puisque celle-ci – outre qu’elle ne doit pas être très grande – doit servir

à travailler ; elle contient un « métier à toile » ainsi qu’un pressoir. Ensuite, l’activité toilière

est marquée par la présence d’une buanderie et d’un douët. La buanderie sert au blanchiment

des toiles tissées écrus. Cette opération consiste à donner une couleur blanche aux toiles, mais

également à enlever les impuretés naturelles des fibres textiles. Ainsi, « le tissu devait perdre

celles [les impuretés] acquises lors des différentes transformations de la fibre : rouissage,

filature, tissage ».29

Le douët permet, quant à lui, de faire rouir le chanvre fauché. D’ailleurs,

ce n’est sans doute pas un hasard si l’on retrouve dans la toponymie de son lieu d’habitation

l’ajout du mot douët accolé au nom du lieu-dit de Néron.

29

MARTIN Jean, Toiles de Bretagne : la manufacture de Quintin, Uzel et Loudéac, 1670-1830, Rennes, Presses

universitaires de Rennes, 1998, p. 132.

Page 103: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 4 | 102

Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles

Concernant la maison neuve, nous ne savons pas si elle est destinée à la location, ou

bien Jean-François Chevrel est venu y habité lors de ses vieux jours – il meurt en 1841 à l’âge

de 78 ans – (cf. illustration n°12). La deuxième hypothèse est possible, puisque l’un de ses

enfants, Jean-Baptiste Chevrel – à ne pas confondre avec les Chevrel du Gros-Chêne –

continue l’activité du commerce des fils et possède, en 1837, une grande partie des autres

parcelles, maisons et bâtiments disponibles aux Douëts-de-Néron. Le père aurait ainsi cédé sa

place à la ferme à son fils, pour se retirer dans une nouvelle maison d’habitation.

Illustration n°12 : La « maison neuve » de Jean-François Chevrel aux Douëts-de-Néron

(cliché Thomas Perrono)

Il faut noter ici l’importance des bâtiments agricoles – hors production toilière – dans

la ferme du marchand. Cela prouve une nouvelle fois l’importance de la pluriactivité pour les

marchands de toiles amanlisiens. L’activité de culture céréalière se voit par la présence de

greniers, et celle de l’élevage par la présence de l’étable, des écuries et du refuge à porcs. De

plus, le fait qu’il y ait deux écuries montre l’utilité, pour les marchands, de posséder des

chevaux afin de pouvoir transporter les toiles et le fil vers les marchés urbains.

Page 104: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 4 | 103

Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles

2.1.3. La maison bourgeoise de Jean-Baptiste Chevrel

L’habitation principale de Jean-Baptiste Chevrel, qui se situe au village du Gros-

Chêne, présente un autre type d’habitat marchand, moins tourné vers l’exploitation agricole.

Ce manoir est acheté à la fin du XVIIIe siècle par son père, le sieur du Vinoux, Jean-Baptiste

Chevrel, également marchand de toiles, qui était installé auparavant dans le bourg d’Amanlis.

L’inventaire après décès établi le 15 janvier 1836 décrit, pièces après pièces, les objets

mobiliers qui s’y trouvent, ce qui nous permet de tenter de reconstituer l’intérieur du manoir

du Gros-Chêne, de la distribution des pièces jusqu’à leur utilité, tout en nous appuyant sur le

cadastre (cf. illustrations n°13 et n°14).30

Illustration n°13 : Le manoir du Gros-Chêne sur le cadastre d’Amanlis en 1837

30

ADIV, 4E 4305. Inventaire après décès de Jean-Baptiste Chevrel, en date du 15 janvier 1836.

Page 105: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 4 | 104

Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles

Illustration n°14 : Plan schématique possible du manoir du Gros-Chêne

(d’après l’inventaire après décès de Jean-Baptiste Chevrel et le cadastre)

Lors de l’inventaire après décès, la prisée commence par la cuisine, puis continue dans

un corridor qui doit séparer la cuisine de la salle. Ensuite, un escalier, sous lequel se trouve un

charnier, permet de monter au premier étage du manoir. Là, on trouve deux chambres : l’une

au-dessus de la cuisine qui contient lits, coffres et armoires bien entendu, ainsi que du

matériel de filage ; la seconde chambre sert, quant à elle, à entreposer des graines de chanvre.

Page 106: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 4 | 105

Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles

Toujours au premier étage, se trouve un cabinet contenant une table, un lit et une armoire. Au-

dessus, au second étage, des greniers servent à entreposer les récoltes de grains, mais aussi

d’autres graines de chanvre, ainsi que du matériel en tout genre. Sans doute accolés à la

maison de demeure, prennent place une boulangerie et un cellier. Etant donnée l’absence de

four dans la boulangerie, on peut exclure l’idée qu’elle sert, comme son nom le suggère, à

préparer le pain pour la famille. En revanche, la pièce contient une marmite et une chaudière,

ce qui pourrait laisser penser que l’on y prépare les rations des animaux. De plus, deux

chevaux y sont logés. Dans la pièce annexe, le cellier, sont entreposés les tonneaux, barriques,

fûts de cidre, mais encore du matériel de filage et des charrues. Au-dessus de ces deux

bâtiments, on retrouve à nouveau des greniers qui contiennent des barriques, du chanvre

femelle en vrac, une baratte.

A proximité de cette maison d’habitation, il est fait mention d’une « petite maison » –

peut-être le bâtiment circulaire mentionné sur le cadastre –, qui a une vocation de stockage.

On y trouve du chanvre en vrac, ainsi que des outils de toutes sortes. Il y a aussi deux

bâtiments d’élevage : une « écurie aux chevaux », où est entreposé du matériel de labour, et

une « écurie aux vaches » (sic), dans laquelle vivent cinq vaches. Il est intéressant de noter

que les chevaux ne sont pas logés dans « l’écurie aux chevaux », mais dans la boulangerie, à

côté de l’habitation des Chevrel. On peut suggérer l’hypothèse que les noms donnés aux

différentes pièces et bâtiments ne correspondraient pas réellement à leur utilisation. En ceci

que le matériel – une selle notamment – pour les chevaux se trouve également dans la

boulangerie et non dans « l’écurie aux chevaux », et que le matériel de labour prend place

dans ce bâtiment. Ainsi, le manoir du Gros-Chêne semble avoir une vocation toilière et

agricole bien moins affirmée que la ferme de Jean-François Chevrel, où l’on retrouve un

certain nombre de bâtiments agricoles avec une utilisation précise : étable, écurie, grenier,

refuge à porcs, buanderie.

Un jardin prend également place devant la maison. Une ruche y est prisée pour 6

francs. Sur le côté sud du jardin, on trouve un douët, ce qui laisse penser que ce jardin pourrait

notamment être utilisé pour la culture du chanvre. Une autre petite pièce d’eau se trouve

derrière la maison, mais il n’en est pas fait mention dans l’inventaire après décès, bien que

visible sur le plan du cadastre (cf. illustration n°13).

Enfin, R. Chabirand relate qu’après la mort de Jean-Baptiste Chevrel, le dernier jour

de l’année 1835, le manoir ne reste pas propriété de la famille Chevrel. Jean-Baptiste, son fils,

Page 107: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 4 | 106

Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles

également marchand de toiles, part pour la ferme de la Placette à Janzé.31

Le manoir du Gros-

Chêne est alors acheté par Pierre Domaigné, qui n’est ni marchand de toiles, ni même

cultivateur.32

Ce qui peut contribuer à penser que le manoir du Gros-Chêne est plus le reflet

d’une maison de bourgeois rural, que d’un cultivateur-marchand.

Ces deux exemples semblent nous montrer que les marchands de toiles ne concevaient

pas – au sens propre comme au sens figuré – de la même façon leurs habitations : exploitation

agricole ou maison bourgeoise. En revanche, reste à savoir, si malgré tout, un style

architectural propre à cette petite élite locale et à la manufacture des toiles à voiles peut se

dégager.

2.2. Existe t-il un patrimoine toilier original à la manufacture des toiles à voiles ?

Nous allons voir tout d’abord si les marchands de toiles d’Amanlis ont contribué à

créer un patrimoine toilier propre à la manufacture des toiles à voiles par la construction de

leurs maisons dans un style architectural original. Puis, nous élargirons notre étude à une

réflexion sur le patrimoine immobilier des marchands urbains de Châteaugiron, en le

comparant à Quintin, cité marchande de la manufacture des « bretagnes ».

2.2.1. Un style « marchand de toiles » à Amanlis ?

Nous analyserons ici le style architectural des maisons de plusieurs marchands de

toiles, que nous avons pu identifier. Puis, nous les comparerons avec les maisons de

marchands ruraux de la manufacture des « bretagnes », qui constituent d’après J. Martin

« l’originalité architecturale » de la manufacture.33

Pour cette étude nous nous sommes concentrer sur les résidences principales de

quelques marchands importants du début du XIXe siècle : Pierre-Antoine Arondel, les trois

frères Jouzel – Pierre, Jean-Baptiste et René –, ainsi que Jean-François Chevrel.34

En

revanche, nous avons exclu de ce corpus le manoir du Gros-Chêne de Jean-Baptiste Chevrel,

31

CHABIRAND, Raymond, Amanlis…,op. cit., p. 157. 32

Le manoir est acheté vers 1842 par Pierre Domaigné, puis en 1858 par Achille Cahours. Ce dernier, rentier,

agrandit l’immeuble et lui donne son aspect actuel (travaux exécutés en 1862). 33

MARTIN Jean, Toiles de Bretagne…, op. cit., p. 252. 34

Cf. annexe n°16.

Page 108: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 4 | 107

Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles

car la façade a subi trop de modifications postérieures au marchand de toile, pour que celle-ci

soit révélatrice de ce que le manoir pouvait être au XVIIIe et au début du XIX

e siècle.

A partir des photos présentées en annexe, on se rend compte que plusieurs maisons de

marchands peuvent montrer des ressemblances au niveau architectural : Pierre Jouzel, à la

Rivière, René Jouzel, au bourg de Néron, Jean-Baptiste Jouzel à la Touche de Néron, voire

celle de Jean-François Chevrel aux Douëts-de-Néron. Nous avons essayé de dégager les

grandes caractéristiques architecturales de ces maisons, à travers l’exemple de la maison de

Pierre Jouzel, située au village de la Rivière (cf. illustration n°15).

Illustration n°15 : Les caractéristiques architecturales de la maison de Pierre Jouzel, à

la Rivière (clichés Thomas Perrono)

Partie ouest de la maison

Partie est de la maison

Page 109: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 4 | 108

Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles

La maison de Pierre Jouzel – tout comme celles de René Jouzel, de Jean-Baptiste

Jouzel et de Jean-François Chevrel – est une maison longue ou « longère », orientée au sud.

La partie ouest de la maison semble être réservée à l’habitation de la famille Jouzel, alors que

la partie est serait consacrée aux activités agricoles et toilières. Au niveau architectural,

l’appareil des murs est en schiste, pierre typique du bassin de rennais. La charpente, qui se

termine en pente douce par un coyau, se retrouve également sur de nombreuses maisons

d’Amanlis et des alentours. On remarque, d’ailleurs, que les charpentes des deux parties de la

maison ne sont pas de la même hauteur : faut-il y voir un besoin de stockage plus grand, dans

la partie est ? L’extrémité est de la maison semble avoir été retouchée à une autre période – au

XIXe siècle peut-être – ; l’appareil de schiste est beaucoup plus foncé que le reste de la bâtisse.

La lucarne, située sur la toiture du « magasin », est caractéristique dans la manufacture des

toiles à voiles. Une poulie probablement disparue ici – vient souvent s’ajouter à la lucarne,

dans le but de faciliter le stockage du chanvre en vrac ou en « loyaux » dans les greniers. On

remarque également la taille inégale des fenêtres, entre le rez-de-chaussée qui est un étage

d’habitation, et le premier étage, consacré au stockage, ce qui est lié à un évident besoin de

luminosité.

Toutefois, si les marchands de toiles habitent, au XIXe siècle, de « grandes et belles

maisons »35

– Pierre-Antoine Arondel et Jean-Baptiste Chevrel dans des manoirs et les autres

dans de grandes fermes –, il faut noter que ces demeures datent probablement de la fin du

XVIIe ou du début du XVIII

e siècle. Donc, malgré les rénovations, les améliorations et les

agrandissements qu’ont subi ces maisons marchandes, on ne peut pas y voir la constitution

d’un patrimoine toilier original par les marchands de toiles, issu d’un enrichissement des

individus de ce groupe social. Bien que ces maisons portent bien, dans leur architecture, les

marques d’une architecture locale, ce ne sont pas de véritables « traces » de la prospérité des

marchands de toiles d’Amanlis de la fin du XVIIIe et de la première moitié du XIX

e siècle.

Même la seule maison neuve construite par un marchand de toiles au XIXe siècle, que

nous avons recensé, celle de Jean-François Chevrel aux Douëts-de-Néron, ne semble pas très

différente des autres dans son architecture (cf. illustration n°12).

Ainsi, les marchands de toiles ruraux de la manufacture des toiles à voiles auraient

continué à construire leurs maisons, au XVIIe comme XIX

e siècle, sur des conceptions

35

Nous empruntons ici une expression des juges locaux des environs d’Uzel, rapportée par J. Martin, à propos

des maisons de Saint-Thélo. MARTIN Jean, Toiles de Bretagne…, op. cit., p. 255.

Page 110: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 4 | 109

Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles

architecturales locales, ce qui n’est pas le cas dans la manufacture des « bretagnes ». Dans sa

thèse, J. Martin, a étudié ce phénomène de construction de maisons, par des marchands de

toiles ruraux des environs de Quintin/Uzel/Loudéac.36

Ces maisons se caractérisent par leurs

composition et plan symétriques, par leurs façades sévères et ordonnées, ainsi que par les

importantes parties hautes. L’historien y voit l’influence des maisons de plaisance rurales des

négociants de Saint-Malo, également appelées « malouinières ». La construction de ce

nouveau type de maisons a débuté dans le premier quart du XVIIIe siècle, avec

l’enrichissement des marchands de toiles ruraux. L’une des maisons caractéristiques de ce

phénomène se situe dans la petite commune rurale de Saint-Thélo – proche d’Uzel –,

construite au début des années 1720, et qui porte le nom de « manoir Boscher-Delangle »,

bien que la construction soit probablement antérieure d’une génération à ce marchand de

toiles (cf. illustration n°16).37

Illustration n°16 : La maison Boscher-Delangle dans le bourg de Saint-Thélo,

vue de la façade sud

Cette différence d’influence architecturale entre deux manufactures toilières rurales est

peut-être une nouvelle preuve du peu de contacts entre les marchands ruraux d’Amanlis et les

36

Ibid., p. 259. 37

J. Martin a réalisé, dans sa thèse, une étude plus poussée de cette maison Boscher-Delangle. Ibid., p. 259-261.

Page 111: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 4 | 110

Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles

négociants malouins, à la différence des marchands ruraux de Saint-Thélo et des environs qui

vendaient directement leurs toiles aux négociants de Saint-Malo.38

Au final, si il y a bien un style architectural local à Amanlis et dans les environs, nous

ne pouvons pas dire qu’il y a un style « marchand de toiles » comme cela se trouve dans les

communes rurales de la manufacture des « bretagnes ».

Voyons maintenant si les marchands de la cité marchande de Châteaugiron ont été

plus sensibles au style architectural « à la française » des malouinières.

2.2.2. Maisons marchandes à pan-de-bois de Châteaugiron vs. hôtels marchands en pierre de

Quintin

Lorsque l’on étudie le patrimoine immobilier de la manufacture des toiles à voiles, il

est important de dépasser l’horizon de la seule commune rurale d’Amanlis. Le cas de

Châteaugiron permet d’analyser un patrimoine urbain, situé en zone rurale. Dans le

paragraphe précédent, nous avons comparer Amanlis avec la commune rurale de Saint-Thélo ;

nous nous proposons ici de confronter Châteaugiron avec la cité toilière de Quintin, l’un des

piliers de la manufacture des « bretagnes ».

La plupart des boutiques des marchands de toiles de Châteaugiron se situent dans la

Grand Rue (cf. illustration n°5). Elles ont été construites en bois et en pierre, principalement

du grès39

, et présentent généralement un encorbellement de façade, notamment sur celles

datant du XVIe et du début du XVII

e siècle.

40 Les façades des maisons tendent à être régulières

et ordonnées : au rez-de-chaussée, nous retrouvons la vitrine de la boutique, avec la porte soit

au milieu, soit sur l’un des côtés de la façade selon la distribution interne du bâtiment. Le

centre du premier étage est occupé par une fenêtre. Une lucarne – au niveau des combles –

suit cet alignement vertical.41

L’analyse d’une maison de marchands, située actuellement au

n°35 de la Grand Rue, et datant probablement du XVIe siècle, reprend presque toutes les

caractéristiques générales que nous venons d’exposer (cf. illustration n°17).42

38

Ibid., p. 154-158. 39

DAVID Typhaine, Toutes toiles sur Châteaugiron. Industrie toilière et apports artistiques du xviie au xixe

siècle, mémoire de maîtrise d’histoire de l’art, dact., université Rennes 2, 1997, 2 tomes, p. 93. 40

Ibid., p. 95. 41

Ibid., p. 96. 42

Cf. annexe n°, pour voir la marque de marchand gravée sur la façade de la maison.

Page 112: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 4 | 111

Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles

Illustration n°17 : Une maison de marchand de toiles dans la Grand Rue de

Châteaugiron

(cliché Thomas Perrono)

En ce qui concerne l’intérieur de ces habitations marchandes, nous avons à notre

disposition la description de la maison d’Olivier Bienassis, marchand de toiles dans cette

Grand Rue, au milieu du XVIIIe siècle.

43 Alors que celui-ci est en situation de faillite, le

consulat de Rennes instruit son dossier et recense notamment l’ensemble de ses biens

immobiliers et mobiliers. En pièce jointe au dossier, il nous est fait part de la « grosse de

contrat d’acquêt passé entre le sieur Bienassix et femme, acquereurs et Charlotte Aubin,

vendresse, le troisieme novembre 1757 ». Ce contrat décrit dans le détail le bien immobilier

43

ADIV 10B 93. Affaire n° 148, faillite du marchand de toiles de Châteaugiron, Olivier Bienassis, en date du 5

février 1766.

Page 113: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 4 | 112

Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles

que le marchand de toiles vient d’acquérir. Malheureusement, nous n’avons pas pu identifier

précisément cette maison, ce qui nous empêche d’en faire une reconstitution à partir du

cadastre.

« Scavoir est une maison scise et scituée prés le milieu de la Grande Ruede la ditte ville de

Chateaugiron paroisse de la Magdeleine bastye de bois pierre en terrasse, couverte d’ardoise,

constistante en un paranbas avec cheminée, dans lequel paranbas il y a une boutique ouvrante

sur la ditte grande rue, icelle boutique bastye de carraux, chambre audessus de la ditte

maison ou il y a aussi cheminée et grenier audessus de la ditte chambre, transport au derriere

de la ditte maison ou est un escallier de bois pour le deservice des dites chambre et grenier,

cour auderriere du dit transport dans la qu’elle il y a des latrinne bastye de caraux la

la[…]ge couverte d’ardoise, et une ecurie au derriere de la susditte cour et latrinne, icelle

bastye de pierre bois et terasse couverte d’ardoise avec un petit grenier audessus de la ditte

ecurie et comme elle en comporte et generallement tout ce qui depend de la ditte maison et en

appartien a la ditte Aubin vendresse le tout contenant par fond quatre cordes de terre ou

environ cordes de terre joignante doriant maison cour ecurie et deport de demoiselle Perinne

Labbé veuve du Sieur Julien Besnard par sur lequel deport la ditte ecurie a droit de pied a

echelle, du midy et occident maison cour et ecurie et jardin des Demoiselles Marie et

Guillemette Peudeniers Demoiselles de la Gaudinays et des vergers et du nord la Grand Rue

de cette ditte ville de Chateaugiron. »

Si à Châteaugiron, nous ne retrouvons quasiment que des maisons marchandes datant

du XVIe siècle, comme celle décrite ci-dessus, à Quintin, J. Martin n’a recensé que 14 maisons

construites avant 1600 sur l’ensemble de la ville. En revanche, l’historien a recensé 109

maisons datant du XVIIIe siècle.

44 Les incendies et les multiples sièges subis par la ville,

notamment lors des guerres de la Ligue, ne sont pas les seuls responsables du peu d’édifices si

anciens.

J. Martin y voit des raisons économiques : le développement du commerce des toiles à

Quintin au XVIIIe siècle a bouleversé le patrimoine immobilier de la cité.

45 Les marchands de

toiles ont construit, grâce à leur enrichissement, de nombreux hôtels particuliers en pierre.

Ceux-ci se présentent généralement par des façades à cinq ou sept travées s’organisent autour

d’un axe central qui est couronné par un fronton ou par une demi-lune. L’hôtel Digaultray du

Vivier – l’actuelle mairie – est l’exemple parfait de ces hôtels marchands quintinais (cf.

illustration n°18). Plusieurs beaux hôtels particuliers se situent également dans la rue Saint- 44

MARTIN Jean, Toiles de Bretagne…, op. cit., p. 268. 45

Ibid., p. 270.

Page 114: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 4 | 113

Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles

Thurian toute proche, dont le plus ancien, datant de 1720, l’hôtel Digaultray des Landes, qui

possède un jardin à la française (illustration n°18).

Illustration n°18 : Les hôtels particuliers des marchands de toiles quintinais

(clichés Thomas Perrono)

Hôtel Digaultray du Vivier, place du Martray

Hôtel Digaultray des Landes, 7-9 rue Saint-Thurian

Page 115: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 4 | 114

Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles

Au final, les différences de construction entre les maisons de marchands de toiles de

Châteaugiron, par rapport à celles de Quintin, s’expliquent probablement par le fait que

« l’âge d’or » des cités de la manufacture des toiles à voiles – à l’instar de Vitré – se situe au

XVIe siècle plutôt qu’au XVIII

e siècle, ce qui est le cas pour Quintin. On peut même se

demander si Châteaugiron n’aurait pas connu un tel phénomène de construction d’hôtels

particuliers en pierre si la manufacture des « noyales » avait connu le même essor que celle

des « bretagnes » au siècle des Lumières.

Après avoir étudié les propriétés immobilières des marchands de toiles ruraux et

urbains d’Amanlis et de Châteaugiron, il serait intéressant de « rentrer » dans leurs intérieurs

pour analyser leurs biens mobiliers.

3. Le patrimoine mobilier des marchands de la manufacture des toiles à voiles

Y. Lagadec a montré, dans un article, que les biens mobiliers des marchands de toiles

ruraux peuvent révéler leur appartenance à la notabilité locale.46

Il a ainsi étudié le cas de

Pierre-Anne Moisan, marchand de toiles de la seconde moitié du XVIIIe siècle, important à

l’échelle de Trévé, paroisse qui représenterait d’après l’historien « une sorte de parangon de

l’image d’une Bretagne centrale éloignée de tout, délaissée, crottée à l’excès. »47

Malgré tout,

ce marchand rural de la manufacture des « bretagnes », qui n’a certainement pas plus voyagé

que nos marchands d’Amanlis, possède une bibliothèque où se croise les livres de dévotion

proches des Jésuites, les auteurs antiques comme César, Ovide, Trajan ou Virgile, les auteurs

modernes comme Boileau, les récits de voyage autour du monde d’un Italien ou l’Histoire de

la Bretagne de Dom Lobineau (1707). Le marchand est également abonné à toute une série de

périodiques qui dépasse le seul horizon de sa paroisse : le Journal de Verdun, le Courrier

d’Avignon, ainsi que la Gazette de France. La notabilité de ce marchand rural peut également

se voir à travers la consommation, par sa famille, de « caffé moka », ou bien par la possession,

par sa mère, de toiles de coton qualifiées d’« indiennes ».48

Il serait donc intéressant d’étudier si l’on retrouve ce même phénomène en ce qui

concerne les marchands de toiles d’Amanlis. Toutefois le but de notre travail n’étant pas de

faire une histoire de la culture matérielle d’une petite élite rurale, ce qui est présenté ici n’est

46

LAGADEC Yann, « Trévé et la Vera Cruz : les horizons d'un marchand de toiles de Bretagne centrale au XVIIIe

siècle », ABPO, 2005, p. 127-142. 47

Ibid., p. 128. 48

Ibid., p. 136.

Page 116: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 4 | 115

Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles

qu’une ébauche d’une étude plus large, qui serait à mener par la suite. Nous nous sommes

concentré sur l’étude de 10 inventaires après décès de marchands de toiles et 39 autres pour le

reste de la population amanlisienne.49

Dans un premier temps, nous tenterons d’évaluer le patrimoine mobilier des

marchands de toiles, par rapport au reste de la population d’Amanlis. Puis, dans un second

temps, nous chercherons à trouver dans leurs intérieurs, des objets qui marqueraient leur

appartenance à une élite rurale.

3.1. Un patrimoine mobilier plus important que la moyenne

Avant d’étudier dans le détail le patrimoine mobilier des marchands de toiles, il est

important d’évaluer le patrimoine mobilier des marchands de toiles d’Amanlis par rapport au

reste de la population, en comparant les montants totaux des sommes prisées dans les

inventaires après décès.50

Nous avons établi une répartition sociale des marchands de toiles

par rapport au reste de la population selon ces sommes (cf. graphique n°16).51

49

ADIV, 4B 30, 4B 2688/3, 4E 4167, 4E 4187, 4E 4190, 4E 4289, 4E 4294, 4E 4305, 4E 4307, 4E 4316, 4E

4503, 4E 4504, 4E 4507, 4E 4519, 4E 4531. Etude de 49 inventaires après décès, sur la période 1756-1853. 50

Le prisage, c’est l’estimation du bien répertorié dans l’inventaire après décès, le prix mentionné sert ensuite

lors de la vente des biens. 51

Notre corpus de 49 inventaires après décès couvre une période allant de 1756 à 1853, durant laquelle deux

monnaies ont eu cours : la livre tournois, sous l’Ancien Régime, le franc, après la Révolution. Pour pouvoir

comparer l’ensemble des montants des inventaires après décès, nous avons tenu compte du taux entre la livre et

le franc mise en place par la loi du 25 germinal an IV (17 avril 1796), qui établit que 1 fr équivaut à 1 L 3 d, soit

1 fr = 1,0125 L. Par commodité, étant donné la faiblesse du taux entre les monnaies, nous avons décidé d’établir

la parité entre les deux monnaies, soit 1 fr = 1 L.

Page 117: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 4 | 116

Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles

Une nouvelle fois, nous faisons le constat d’un groupe social des marchands de toiles

hétérogène, mais globalement plus riche que le reste de la population. Ainsi, à leur mort, les

premiers possèdent, en moyenne, un patrimoine mobilier trois fois plus élevé que les seconds:

2 917 fr., contre 980 fr.

De plus, si aucun marchand ne possède moins de 100 fr de patrimoine mobilier, c’est

pourtant le cas d’1 habitant sur 5, hors de ce groupe social. A l’inverse, quand 70% des

inventaires marchands se montent au moins à 1 000 fr, seulement 30% du reste de la

population en possède un équivalent. De plus, l’inventaire le plus élevé, que nous avons

relevé, avec un montant de 16 325 fr., est celui de Jean-François Chevrel.52

Toutefois, il est

probable que d’autres personnes, notamment parmi les nobles et les propriétaires d’Amanlis,

possèdent un patrimoine mobilier supérieur à celui du marchand de fils et toiles des Douëts-

de-Néron.

Après, avoir fait le constat que le patrimoine mobilier, du groupe social des marchands

de toiles, est plus important que celui du reste de la population d’Amanlis, il faut maintenant

étudier le contenu de ces inventaires, pour voir si des objets permettraient de saisir une

certaine appartenance à une notabilité rurale.

52

ADIV, 4E 4316. Inventaire après décès de Jean-François Chevrel, en date des 5-6 novembre 1841. Cf. annexe

n°14.

0

5

10

15

Graphique n°16 : Répartition sociale des marchands et non

marchands, à Amanlis, à partir des sommes d'inventaires après

décès (1756-1853)

Autres

Marchand

Page 118: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 4 | 117

Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles

3.2. Des inventaires après décès révélateurs d’une certaine notabilité rurale ?

L’analyse des 10 inventaires après décès de marchands de toiles révèle une faible

présence d’objets mobiliers de valeur.

On ne recense aucun bijou. De plus, les seuls objets en argent recensés appartiennent à

Louis Belloir, soit une montre pour un valeur de 15 fr., et une tabatière en corne avec cercle

en argent pour une valeur de 5 fr.53

La vaisselle raffinée est également rare. Jean-Baptiste

Chevrel possède tout de même quelques pièces en faïence, voire en porcelaine, dont 25

assiettes, 3 plats et 2 soupières en faïence, plus 1 plat en porcelaine.54

L’usage plus courant de

la faïence s’explique certainement par son coût moins élevé par rapport à la porcelaine. Cette

vaisselle plus raffinée que la simple vaisselle en céramique, ou en étain, n’est pas pour autant

de la vaisselle de luxe.

Peu de meubles sortent de l’ordinaire, bien que la présence de chaises, plus

confortables que les simples bancs, soit assez fréquente chez les marchands de toiles. Par

exemple, François Albert possède neuf chaises « jonchées », c’est-à-dire dont l’assise est en

paille tressée, pour une valeur de 4 fr.55

Nous retiendrons également le buffet en cerisier de

Jean-Baptiste Chevrel pour 50 fr., ou bien son prie-Dieu valant 15 fr.56

Le notaire du Jarrot,

Georges Brizé, possède également ce type de mobilier liturgique, mais d’une valeur moindre

avec une estimation à 2 fr.57

Les horloges font couramment partie du mobilier des marchands

de toiles. Elles sont présentes chez six d’entre eux, mais de formes et de valeurs différentes :

chez François Tortellier, Jean-François Chevrel, Jean-Baptiste Chevrel et Louis Belloir, ce

sont des horloges avec leurs « bouette », « boëte » ou « boite », pour une estimation entre 20

et 40 fr. Georges Brizé possède une horloge en cuivre, valant 12 fr. Alors que chez François

Albert, on trouve plutôt une « une pendulle ou horloge en bois avec ses pois », pour

seulement 3 fr.

En fait, les meubles les plus courants semblent être les armoires et les lits. On en

trouve en plusieurs exemplaires chez tous les marchands, mais de qualités variables. Par

exemple, dans l’inventaire de Jean-Baptiste Chevrel, on relève plusieurs types d’armoires :

une « ancienne armoire » pour 3,5 fr, une « vieille armoire » pour 20 fr, « une grande

53

ADIV, 4E 4307. Inventaire après décès de Louis Belloir, en date du 31 mars 1837. 54

ADIV, 4E 4305. Inventaire après décès de Jean-Baptiste Chevrel, en date du 15 janvier 1836. Cf. annexe n°15. 55

ADIV, 4E 4507. Inventaire après décès de François Albert, en date du 31 juillet 1820. 56

ADIV, 4E 4305. Inventaire après décès de Jean-Baptiste Chevrel, en date du 15 janvier 1836. Cf. annexe n°15. 57

ADIV, 4E 4504. Inventaire après décès de Georges Brizé, en date du 27 décembre 1817.

Page 119: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 4 | 118

Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles

armoire en chêne » pour 40 fr, ainsi qu’une « armoire en cerisier » dont le montant s’élève à

66 fr.58

Chez le marchand du Gros-Chêne, on dénombre pas moins de sept lits, plus un lit

d’enfant. Les plus beaux d’entre eux sont prisés pour une somme d’environ 50 fr., comme

celui-ci :

« Un lit à lange au midi de la cheminée, composé de sa carrée, vergette de fer, plafond en

indienne à fleur, & rideaux de coton blanc, paillasse, matelat, couette de plume, deux oreilles

de plume, un traversin de balle & une couverture de laine blanche. »

En revanche, il n’est jamais fait mention de biens « exotiques », comme pouvait l’être

le « caffé moka » de Pierre-Anne Moisan, de Trévé. Il en est de même pour les biens ayant un

lien avec la culture. Les marchands de toiles d’Amanlis ne semblaient pas possédés de livres

ou de tableaux, par exemple.

Il ressort de ces inventaires après décès une faible ostentation de l’argent à travers les

biens mobiliers. Les marchands de toiles n’ont apparemment pas investi leur richesse dans

l’achat de meubles, ou d’objets « luxueux ». Les biens mobiliers possédés sont avant tout

utilitaires : lits, armoires, buffets, horloge, vaisselle etc. Au final, l’un des hommes les plus

riches d’Amanlis, Jean-François Chevrel, vit comme un paysan aisé, mais pas comme un

bourgeois rural. Même Jean-Baptiste Chevrel, qui cherche pourtant à vivre comme un notable

dans son manoir du Gros-Chêne, ne possède pas un patrimoine mobilier digne d’un bourgeois

rural.

Conclusion :

En conclusion, nous pouvons retenir que si les marchands de toiles possèdent des

propriétés foncières plus importantes que le reste des paysans d’Amanlis, ils n’ont pas

cherché, pour autant, à tirer profit de ces terres supplémentaires pour cultiver plus

spécifiquement le chanvre. En fait, les marchands de toiles restent avant tout des paysans

pluri-actifs qui cultivent des céréales et élèvent quelques animaux, plus que de véritables

entrepreneurs toiliers.

58

ADIV, 4E 4305. Inventaire après décès de Jean-Baptiste Chevrel, en date du 15 janvier 1836. Cf. annexe n°15.

Page 120: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 4 | 119

Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles

Les marchands sont, dans la plupart des cas, propriétaires de plusieurs biens

immobiliers, souvent des fermes qu’ils louent par la suite. Leur résidence principale reste

également tourné vers l’exploitation agricole, comme nous avons pu le voir chez Jean-

François Chevrel. Quelques marchands tentent pourtant de vivre comme des notables ruraux

dans leurs manoirs, comme Jean-Baptiste Chevrel au Gros-Chêne, ou Pierre-Antoine Arondel

au Talut. Toutefois ces manoirs comportent un certain nombre de bâtiments agricoles. De

plus, nous ne pouvons pas dire qu’il existe un style architectural « marchand de toiles » à

Amanlis. Leurs maisons sont construites sur des modèles locaux, que l’on retrouve chez les

autres paysans.

De la même façon, si les marchands de toiles ont un patrimoine mobilier plus

important que la moyenne, il n’est en aucun cas révélateur de l’appartenance à une élite

rurale. Les marchands possèdent ainsi, peu de biens de valeurs, qui sortent de l’ordinaire, ou

bien qui manifestent l’accès à un certain niveau de culture.

Au final, si les marchands de toiles ne semblent pas avoir manifestés les « attributs »

de leur notabilité à travers le patrimoine, il est possible que leur influence politique permette

de les voir comme une petite élite rurale.

Page 121: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 5 | 120

Les marchands de toiles : une élite politique locale

C H A P I T R E 5

Les marchands de toiles : une élite politique locale

Dans les chapitres précédents, nous avons vu que les marchands de toiles d’Amanlis

apparaissent comme une petite élite économique et sociale à l’échelle de leur

paroisse/commune. Ainsi, tout en tenant compte l’hétérogénéité de leur richesse, ils forment

un groupe social de petits propriétaires terriens plus riches que la moyenne. Cette notabilité se

manifeste notamment par l’ajout du nom d’une de leurs propriétés à leur nom de famille. On

observe cette pratique chez plusieurs familles de marchands de toiles, par exemple Jean-

Baptiste Chevrel, sieur du Vinoux, ou bien le sieur François Paul Loüis, sieur de la Morinière.

Toutefois, nous avons pu remarquer, dans le chapitre 3, que cette petite élite rurale n’a

d’ampleur qu’à l’échelle locale, puisqu’ils sont quasi-inexistants sur la scène départementale.

Nous pouvons nous demander si ce groupe des marchands de toiles profite de leur

situation sociale et économique pour dominer politiquement la vie paroissiale sous l’Ancien

Régime, puis la vie municipale après la Révolution. Nous verrons dans une première partie,

que les marchands de toiles sont très présents au sein des institutions politiques de la paroisse

entre 1750 et 1789. Puis, dans une deuxième partie, nous étudierons le rôle qu’ils ont joué, ou

pas, lors de la Révolution, que ce soit dans la garde nationale, dans la mise en place de la

municipalité, ainsi que lors de la création d’administrations plus vastes que le territoire

d’Amanlis – district et municipalité de canton. Enfin, dans une troisième partie, nous

analyserons la poursuite de leur domination politique locale au XIXe siècle.

Page 122: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 5 | 121

Les marchands de toiles : une élite politique locale

1. Les marchands de toiles aux commandes de la paroisse

Nous allons nous intéresser tout d’abord à la domination de la vie paroissiale

d’Amanlis par les marchands de toiles, lors de la période d’Ancien Régime. Nous

présenterons, tout d’abord, les différents pouvoirs paroissiaux présents à Amanlis. Puis, nous

étudierons l’influence des marchands sur ceux-ci. Enfin, nous aborderons la question de

l’alphabétisation et de l’instruction nécessaire pour exercer des fonctions politiques au niveau

de la paroisse.

1.1. La paroisse : cadre politique et religieux de la société amanlisienne

Sous l’Ancien régime, il n’existe pas en Bretagne rurale, de structure laïque et

indépendante. Les institutions locales se basent sur la paroisse, qui offre ainsi un cadre

politique et religieux à la société rurale d’Amanlis. Nous détaillerons, ici, ces différentes

institutions.

1.1.1. Le cadre politique de la paroisse : général, fabrique et missions fiscales

+ Le général de paroisse

Sous l’Ancien Régime, chaque paroisse est administrée par un organisme composé de

12 membres et appelé corps politique du général de la paroisse ou de façon plus succincte

général. Avant la fin du XVIIe siècle, ce qui s’appelle alors la généralité des paroissiens

rassemble une plus large part des paroissiens, mais le Parlement de Bretagne souhaite réduire

cette pratique du pouvoir paroissial à un petit nombre de paroissiens alphabétisés. Le corps

délibérant est alors réduit à 17 paroissiens délibérants, dont 14 sont d’anciens trésoriers de la

fabrique.1 Ce chiffre passe progressivement à 12 paroissiens délibérants au sein du général au

cours du XVIIIe siècle.

Cette institution s’occupe des affaires civiles et religieuses de la paroisse, mais elle

n’est chargée de délibérer que sur les affaires les plus importantes de la paroisse. Par exemple,

c’est le général qui délibère afin de procéder à des travaux d’agrandissement ou de

construction d’édifices religieux (église, ossuaire, calvaire etc.). Une de ses autres fonctions

1 LAGADEC Yann, « Fabriques », in CROIX Alain, CASSARD Jean-Christophe, LE QUEAU Jean-René (dir.),

Dictionnaire d’Histoire de Bretagne, Morlaix, Skol Vreizh, 2008, p. 285.

Page 123: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 5 | 122

Les marchands de toiles : une élite politique locale

essentielles est d’élire, chaque année, le conseil ordinaire de la fabrique qui gère au quotidien

« l’ensemble des affaires de la paroisse, religieuses mais aussi laïques ».2 Il nomme également

les prévôts des différentes confréries fondées dans la paroisse.

A Amanlis, l’assemblée se réunit ordinairement trois fois par an : à Pâques, à la Saint-

Thomas (3 juillet) et à Noël. Il faut y ajouter une réunion pour nommer les officiers

paroissiaux pour l’année suivante, qui intervient généralement à la mi-novembre au milieu du

XVIIIe siècle, puis progressivement au mois de septembre dans les années 1780. Le général est

composé de 12 délibérants qui sont forcément 12 anciens trésoriers de la fabrique qui ont

rendu et soldé leurs comptes (4 renouvelables annuellement), des deux trésoriers en exercice,

du recteur de la paroisse, ainsi que les juges de la juridiction. A partir des délibérations du

général de la paroisse, nous avons pu recréer l’organisation et le fonctionnement du pouvoir

paroissial à Amanlis.3

+ Le conseil ordinaire de la fabrique

Si le général de la paroisse est l’organe décisionnel concernant le temporel de la

paroisse, le conseil ordinaire est chargé d’administrer les biens de la paroisse dans le

quotidien. Le conseil se réunit ordinairement une fois toutes les deux semaines, aux prônes de

la Grand Messe, dans la sacristie. A sa tête se trouve un procureur, chargé des intérêts

matériels de la communauté religieuse du village ; celui-ci a été auparavant trésorier puis

délibérant. Deux trésoriers sont nommés chaque année. Ils sont chargés de dresser les comptes

de la fabrique, de préparer les affaires devant être portées au conseil, d’exécuter ses

délibérations, et de diriger l’administration quotidienne du temporel de la paroisse : pourvoir

aux besoins du culte et entretenir l’église notamment. Ils doivent être assez riches pour

pouvoir garantir, sur leurs propres deniers, la pérennité des comptes de la fabrique. De plus,

un économe – fonction relativement stable au fil des années – est là pour gérer les finances de

la fabrique.

+ Les missions fiscales de la paroisse

Enfin, deux anciens délibérants du général, nommés aux postes de notables des

fouages et de la capitation, dirigent les fonctions de la paroisse en matière fiscale. Six

2 Ibid., p. 285.

3 Cf. annexe n°17.

Page 124: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 5 | 123

Les marchands de toiles : une élite politique locale

égailleurs des fouages et de la capitation – un par trait fiscal –, quatre collecteurs du vingtième

ou du dixième jusqu’en 1749 et quatre collecteurs de la capitation sont chargés, sous les

ordres des deux notables, de répartir et de collecter les impôts au sein de la paroisse. Ces

dernières fonctions sont généralement réservées aux paroissiens de « second plan » ou alors

comme entrée dans une sorte de « cursus honorum paroissial » pour de jeunes notables, ce

que nous essayerons de démontrer un peu plus tard.

1.1.2. Le cadre religieux : les confréries de dévotion

Nous retrouvons ensuite les confréries de dévotion, engendrées par le Concile de

Trente et qui se sont largement diffusées, en milieu rural, dès les premières décennies du XVIIe

siècle.4 Elles ont notamment pour buts d’encadrer les paroissiens, d’accroître leur dévotion

par la piété collective, ainsi que d’augmenter le prestige de l’église paroissiale.5 Un prévôt,

nommé en même temps que les autres charges paroissiales, est à leur tête pour un an, ce qui

rend la confrérie dépendante de la fabrique, selon C. Jamet.6 Il gère les biens, les comptes,

organise des quêtes et surveille le déroulement des services de la confrérie. Les recettes des

confréries sont issues des sommes versées par les nouveaux confrères, des offrandes, des dons

testamentaires, des fondations, mais également de dons en nature, comme du fil, ce qui

pourrait être le cas à Amanlis.7 La visibilité des confréries est assurée par la présence de

bannières lors des différentes processions qui ont lieu dans la paroisse et par la présence, dans

l’église paroissiale, d’une chapelle, avec un autel, dédiée à la confrérie. Cette dernière

disposition est une condition sine qua non pour pouvoir fonder une confrérie du Rosaire.8

A Amanlis, cinq confréries de dévotion, entre le milieu du XVIIe siècle et le XIX

e siècle,

ont animé la vie religieuse de la paroisse : la confrérie du Rosaire, celle de Saint-Sébastien,

celle des Pauvres, celles des Défunts et enfin celle du Scapulaire. Le livre de la paroisse

rédigé en 1833, sans doute par le recteur Pierre Robert, nous donne un historique des

confréries du Rosaire et de Saint-Sébastien.9

4 RESTIF Bruno, La révolution des paroisses. Culture paroissiale et Réforme catholique en Haute-Bretagne aux

XVIe et XVII

e siècles, Rennes, PUR, 2006, p. 179.

5 JAMET Catherine, « Les confréries de dévotion dans le diocèse de Rennes (XVII

e-XVIII

e siècle). Piété et

spiritualité : de l'idéal au quotidien », ABPO, n° 87-3, 1980, p. 483. 6 JAMET Catherine, Les confréries de dévotion dans le diocèse de Rennes, XVII

e et XVIII

e siècles, mémoire de

maîtrise, dact., Rennes 2, 1979, p. 69. 7 RESTIF Bruno, La révolution des paroisses…, op. cit., p. 188.

8 Ibid., p. 190.

9 ADIV, 5V cd n°16. Livre de paroisse d’Amanlis, 1833.

Page 125: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 5 | 124

Les marchands de toiles : une élite politique locale

+ La confrérie du Rosaire

La confrérie du Rosaire est établie en 1668 par un dominicain, le Père Julien Aubry.

Elle fait partie des confréries mariales. Le recteur affirme que sous l’Ancien Régime la

confrérie « parait s’être bien soutenue ». Il explique ensuite les pratiques du culte liées à la

confrérie :

« Tous les dimanches de l’année on récite le Rosaire en entier, ordinairement avant les

Vêpres, devant l’autel de la Sainte Vierge ; les premiers dimanches du mois et les jours de fête

de la Vierge on chante, ou on dit à voix basse, la première messe à l’autel de la Sainte Vierge

pour tous les associés. Le soir à la fin des Vêpres, on chante le Subtuum10

, et on fait la

procession en chantant les litanies de la Sainte Vierge. On termine devant l’autel du

Rosaire. »11

Cette confrérie s’inscrit dans un large mouvement de fondation de confréries du

Rosaire dans les paroisses rurales du diocèse de Rennes au XVIIe siècle, sous l’impulsion des

Dominicains de Vitré et de Rennes. Celles d’Amanlis est rattachée aux dominicains de

Bonne-Nouvelle de Rennes. B. Restif distingue trois vagues, entre 1620 et 1710, pour ces

fondations : une première entre 1620 et 1650, une deuxième entre 1650 et 1670 et une

troisième entre 1670 et 1710 (cf. carte n°5).12

Ainsi, la confrérie du Rosaire d’Amanlis a été

fondée à la fin de la deuxième période.

10

Ce chant connu sous le nom complet Sub Tuum Praesidium, signifiant « Sous l'abri de Ta miséricorde » est

une prière catholique dédiée à la Vierge Marie. C'est la plus ancienne prière adressée à Notre-Dame, si l'on

excepte le Magnificat qui est mis dans la bouche de Marie dans l'Evangile de Luc. Cette prière demande l'aide de

Marie, et parfois elle est chantée avec les Litanies à la Sainte Vierge. 11

ADIV, 5V cd n°16. Livre de paroisse d’Amanlis, 1833. 12

RESTIF Bruno, La révolution des paroisses…, op. cit., p. 183.

Page 126: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 5 | 125

Les marchands de toiles : une élite politique locale

Carte n°5 : La diffusion des confréries du Rosaire dans les paroisses rurales du diocèse

de Rennes, de 1604 à 170913

B. Restif parle d’un véritable « maillage territorial diocésain » par les Dominicains,

par la création de ces confréries du Rosaire, qui se retrouvent affiliées avec les confréries de

leurs propres couvents de Vitré et de Rennes. Ainsi, en 1710, B. Restif dénombre 92

confréries du Rosaire dans le diocèse, c’est-à-dire que 40% des paroisses rurales en ont une.14

Au final, bien que la fondation d’une confrérie du Rosaire à Amanlis soit loin d’être

une originalité à l’échelle du diocèse de Rennes, il faut noter cependant, qu’Amanlis est l’une

des seules et la plus précoce à posséder une telle confrérie parmi les paroisses limitrophes.

Seules Piré et Nouvoitou ont fondé de telles confréries, mais après 1670.

13

Ibid., p. 182. 14

Ibid., p. 183.

Page 127: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 5 | 126

Les marchands de toiles : une élite politique locale

+ La confrérie de Saint-Sébastien

La confrérie de Saint-Sébastien à Amanlis remonterait, d’après le livre de paroisse, à

une institution très ancienne.15

Le recteur dit que l’on peut voir à la fin du registre les

indulgences accordées à cette confrérie, en 1636, par le souverain pontif Urbain VIII. Elle

semble avoir perdu de son prestige au fil du temps, notamment après la Révolution. Cette

confrérie est ce que l’on appelle une confrérie-vœu, dont la naissance est imputable à des

événements locaux. C’est ainsi que les fondations de confréries de Saint-Sébastien sont liées à

la surmortalité épidémique, notamment au XVIIe siècle.

16 Saint Sébastien est invoqué

notamment contre la peste, mais aussi contre d’autres maladies épidémiques. Cette confrérie

fut d’abord placée sous les vocables de saint Roch et de saint Sébastien. Saint Roch est lui

aussi invoqué contre les fléaux. Il semblerait que ce soit au milieu du XVIIIe siècle, que la

confrérie n’est plus placée que sous le vocable unique de saint Sébastien.17

D’après B. Restif, seules 20 confréries réparties sur 14 paroisses sur l’ensemble du

diocèse de Rennes, ont pour patron un autre saint que la Vierge (cf. carte n°6).18

15

ADIV, 5V cd n°16. Livre de paroisse d’Amanlis, 1833. 16

JAMET Catherine, « Les confréries de dévotion dans le diocèse de Rennes… », art. cit., p. 487. 17

En 1762, le sieur de la Peayerais Domaigné est nommé prévôt de la « confrairie de Saint Roch et Saint

Sebastien », par la suite les prévôts sont à la tête de la confrérie de Saint-Sébastien. De plus, entre 1750 et 1762,

la confrérie est nommée « confrairie de Saint Roch et Saint Sebastien » seulement trois fois pour treize années.

ADIV, 2G 2. Délibérations de la paroisse d’Amanlis. 18

RESTIF Bruno, La révolution des paroisses…, op. cit., p. 185.

Page 128: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 5 | 127

Les marchands de toiles : une élite politique locale

Carte n°6 : Les confréries de dévotion (hors confréries du Rosaire) érigées dans les

paroisses rurales du diocèse de Rennes au XVIIe siècle

19

B. Restif fait ressortir par cette carte, le fait que le sud-est du diocèse de Rennes est un

lieu d’implantation privilégié des confréries de dévotion au XVIIe siècle. Il invite même à

« établir un lien avec les cartes des zones toilières. »20

Lorsque l’on applique les limites de la

zone de production des toiles à voile dites « noyales » (tracé vert) sur cette carte des

confréries de dévotion, on se rend compte, en effet, que la zone toilière concentre de

nombreuses confréries. On peut noter la confrérie de Sainte-Fabienne et de Saint-Sébastien

fondée à Janzé en 1787.

+ La confrérie du Scapulaire

Une nouvelle confrérie mariale est fondée à Amanlis, le 18 juin 1835, par

Monseigneur Claude Louis de Lesquen, évêque de Rennes. Il s’agit de la confrérie du

19

Ibid., p. 184. 20

Ibid., p. 185.

Zone de production des toiles

à voile dites « noyales »

Page 129: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 5 | 128

Les marchands de toiles : une élite politique locale

Scapulaire. M. Lagrée, dans sa thèse sur les mentalités et la religion dans le diocèse de Rennes

entre 1815 et 1848, montre que les confréries du Scapulaire deviennent prédominantes au XIXe

siècle, alors que l’on reconstitue des confréries de dévotion après le choc de la Révolution et

la dispersion des ressources de celles-ci. Selon cet historien, « l’uniformisation tient

probablement à une politique qui vise à soumettre étroitement les associations de dévotion à

l’autorité épiscopale ».21

Ceci expliquerait la présence de l’évêque de Rennes, Monseigneur

de Lesquen, à Amanlis lors de la fondation de la confrérie. En tout état de cause, le fait de

trouver une confrérie du Scapulaire au XIXe siècle à Amanlis, relève plus de la norme que de

l’exception dans le diocèse de Rennes.

+ La confrérie des Pauvres et la confrérie des Défunts

Enfin, sous l’Ancien Régime, on retrouve deux autres confréries qui n’ont pas pour

patron la Vierge ou un saint : la confrérie des Pauvres et de celle des Défunts. Toutefois, le

terme de confrérie utilisé ici semble poser problème. Il ne s’agit probablement pas de

confréries de dévotions comme nous venons de les décrire. S’il existe bien de nombreuses

confréries des agonisants dans un grand nombre de paroisses du diocèse de Rennes, celles-ci

ont pour principal but la recherche d’indulgences pour le salut de l’âme du confrère après sa

mort, ce qui ne semble pas être le cas à Amanlis.

C. Jamet, dans son étude des confréries de dévotion dans le diocèse de Rennes aux

XVIIe et XVIII

e siècles, dit « qu’il est possible qu’il s’agisse d’un emploi abusif du terme

Confrérie et d’une confusion avec ce que l’on désigne sous [diverses] appellations ».22

Il

pourrait donc plus s’agir de bourses que de véritables confréries.

La confrérie des Défunts serait ainsi une caisse destinée à pourvoir aux funérailles,

alors que la confrérie des Pauvres, comme son nom l’indique, viendrait aux secours des plus

démunis de la paroisse, voire peut-être des mendiants.

Ces deux confréries ont à leurs têtes des prévôts comme les autres confréries de

dévotion, ce qui pourrait avoir accentué la confusion entre bourse et véritable confrérie.

21

LAGREE Michel, Mentalités, religion et histoire en Haute-Bretagne au XIXe siècle : le diocèse de Rennes

(1815-1848), Paris, Klincksieck, 1977, p. 295. 22

JAMET Catherine, Les confréries de dévotion dans le diocèse de Rennes…, op. cit., p. 111.

Page 130: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 5 | 129

Les marchands de toiles : une élite politique locale

Y. Lagadec, dans sa maîtrise sur le pouvoir paroissial en Centre-Bretagne au XVIIIe

siècle, distinguait déjà l’influence des marchands de toiles sur le général, donc sur le pouvoir

paroissial.23

De plus, C. Jamet avance que les « confrères sont des chrétiens au-dessus de la

moyenne : plus actifs et plus scrupuleux »24

, et également que les confréries sont le lieu de

rencontre « d’une élite spirituelle, élite qui corrobore assez étroitement l’élite sociale [de la

paroisse]. »25

Ce qui nous amène à voir si les marchands de toiles d’Amanlis occupent une

place prédominante – ou non – dans les institutions politiques et religieuses de la paroisse

d’Amanlis.

1.2. Les marchands de toiles et le contrôle de la paroisse

L’étude de l’implication des marchands de toiles dans le général de la paroisse a été

rendue possible par l’étude des registres de délibérations de l’année 1750 jusqu’à 1790.26

Notre objet n’étant pas l’étude de la vie paroissiale en tant que telle, nous nous sommes

principalement concentré sur la séance de nomination des officiers paroissiaux pour l’année

suivante.27

1.2.1. Le contrôle des institutions politiques

+ Le général de paroisse

Sous l’Ancien Régime, le signe que les marchands de toiles auraient dominer la

paroisse, serait une forte présence – en nombre – de ceux-ci au sein du corps politique. Faire

partie des délibérants du général de la paroisse témoigne d’une notabilité déjà acquise, ou

alors permet de concrétiser une situation de notabilité.

Pour quantifier cette présence, nous avons relevé le nom des délibérants qui sont

dénommés au début de chaque réunion du général de la paroisse.28

Cette étude a été menée

sur la décennie 1780-1789, en nous appuyant sur la liste des marchands de 1791.29

23

LAGADEC Yann, Pouvoir et religion au village : la vie paroissiale à Loudéac, Trévé et Saint-Caradec au 18e

siècle (vers 1680-1790), Mémoire de Maîtrise, Rennes 2, 1991. 24

JAMET Catherine, « Les confréries de dévotion dans le diocèse de Rennes… », art. cit., p. 484. 25

Ibid., p. 482. 26

ADIV, 2G 2. Registres de délibérations de la paroisse d’Amanlis. 27

Cf. annexe n°18. 28

ADIV, 2G 2. Registres de délibérations de la paroisse d’Amanlis. 29

ADIV, E dépôt administratif Amanlis 4.

Page 131: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 5 | 130

Les marchands de toiles : une élite politique locale

Au cours de cette décennie 1780, nous avons recensé en moyenne 4,7 marchands de

toiles parmi les 12 délibérants du général de la paroisse d’Amanlis (cf. graphique n°17).30

Cette présence évolue entre trois marchands en 1781 et 1782 et huit pour l’année 1789. La

proportion des marchands fluctuerait alors entre un quart et deux-tiers des membres du

général. Nous pouvons tout de même émettre des réserves concernant les chiffres des

premières années de la décennie. Il y a probablement d’autres marchands de toiles présents au

sein du général, mais, n’ayant pu les identifier à coup sûr, nous avons préféré ne pas les

compter dans les statistiques. Cette impression est renforcée par la forte présence de certains

noms de familles qui comptent dans leur rang de nombreux marchands, tels les Berthiau,

Boué, Bustault, Garnier, Hairault, Haslé, Louis, Lussot, Ménard et Robert. Nous pourrions

alors établir un graphique similaire qui constituerait une moyenne haute, pour lequel on

comptabiliserait tous les membres du général qui portent un nom issu de familles de

marchands de toiles (cf. graphique n°18). Ce cas de figure montre des résultats

complètement différents, avec une moyenne de 8,4 délibérants issus de familles marchandes

pour 12 délibérants. On comptabilise alors au minimum sept délibérants, qu’ils soient

marchands, anciens marchands ou issus de familles de marchands.

30

Cf. annexe n°19.

0

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

Graphique n°17 : Les marchands de toiles au sein du général de

paroisse d'Amanlis (1780-1789)

Autres délibérants

Délibérants

marchands de

toiles

Page 132: Les marchands de toiles d'Amanlis

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Les marchands de toiles : une élite politique locale

La vie politique de la paroisse d’Amanlis est également marquée, au cours de la

décennie 1780, par quatre notables : le sieur de la Lande-Moulin, le sieur de la Touche-

Bourdon, monsieur des Ponts-Baulieu et le sieur Salmon-Laubourgère.31

Ces quatre

délibérants font partie des notables les plus influents de la paroisse de part leur condition de

propriétaires-rentiers. Ces délibérants non-marchands montrent bien que le pouvoir paroissial

n’est pas tenu par le seul groupe social des marchands de toiles. En conséquence, c’est la

position sociale de notabilité qui permet l’accession au pouvoir paroissial, plus que la simple

appartenance à un groupe social professionnel. En revanche, la richesse procurée par

l’exercice d’une profession peut permettre d’accéder à la notabilité paroissiale, qui se

matérialise alors par l’exercice d’une charge paroissiale, ou la présence au sein des

délibérants.

Au final, nous retiendrons tout de même la forte proportion de marchands de toiles

composant le général de la paroisse. Selon les méthodes de comptage nous ne pouvons

proposer qu’une fourchette large : entre 1 délibérant marchand sur 4 et 2 délibérants

marchands sur 3 ; mais cela suffit à montrer le poids du groupe social des marchands de toiles

sur la vie politique de la paroisse d’Amanlis. Ainsi, les plus riches marchands de toiles

31

Cf. annexe n°19.

0

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

Graphique n°18 : Les délibérants issus de familles marchandes

(1780-1789)

Autres délibérants

Délibérants issus

de familles

marchandes

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Les marchands de toiles : une élite politique locale

d’Amanlis font partie intégrante de la notabilité paroissiale dans les dernières décennies de

l’Ancien Régime, partageant en grande partie le pouvoir paroissial avec des propriétaires-

rentiers.

+ Le conseil ordinaire de la fabrique

Que ce soit aux postes de trésoriers, procureur de fabrique ou économe, le constat reste

le même : les marchands de toiles ont occupé toutes les arcanes du pouvoir paroissial. Le

poste stratégique de trésorier est ainsi occupé, sans interruption, de 1781 à 1790 par au moins

un trésorier marchand ou issu d’une famille de marchands de toiles.32

On trouve même en

1781, 1786, 1788 et 1790, deux marchands aux postes de trésoriers. Le poste de procureur de

fabrique est revenu, quant à lui, à cinq reprises à un marchand de toiles entre 1780 et 1790.

Enfin, la fonction d’économe, après avoir été tenue de 1781 à 1787 par Jullien Bouyaux sans

interruption, entre dans le giron des marchands de toiles de 1788 à 1790 grâce à Jean Bigot.

Nous pouvons faire, encore une fois, le même constat lorsque l’on étudie les décennies

antérieures. Les noms des familles marchandes apparaissent régulièrement aux commandes du

conseil ordinaire de la fabrique d’Amanlis. Si l’on essayait de quantifier l’emprise des

familles de marchands de toiles sur ce conseil depuis 1750 jusqu’à la Révolution, on pourrait

évaluer qu’un peu plus d’un poste sur deux (58%) a été occupé par un marchand de toile ou

un membre de sa famille.33

1.2.2. Le contrôle des confréries

Nous avons dit auparavant que, sous l’Ancien Régime la paroisse d’Amanlis compte

deux confréries de dévotion : la confrérie du Rosaire et celle de Saint-Sébastien, ainsi que

deux confréries, à propos desquelles, nous nous sommes demandées s’il ne s’agit pas plutôt

de bourses : la confrérie des défunts et celle des pauvres. A leur tête, quatre prévôts. Il y a eu

de ce fait 44 nominations de prévôts entre 1780 et 1790 à Amanlis. Selon la même méthode

que pour les autres fonctions paroissiales, on dénombre 34 prévôts marchands de toiles ou

issus de familles marchandes, ce qui fait un rapport de 77%. Cette main mise du groupe social

des marchands sur les confréries est rendue plus facile par la pérennité de ces fonctions. Ainsi

32

ADIV, 2G 2. Registres de délibérations de la paroisse d’Amanlis. 33

Nous avons comptabilisé 57 trésoriers marchands ou issus de familles marchandes sur 82, soit 70% ; 24

procureurs sur 41, soit 59% ; 14 économes sur 41, soit 34%.

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Les marchands de toiles : une élite politique locale

le notaire et marchand de toiles Georges Brizé du Jarot, occupe le poste de prévôt de Saint-

Sébastien durant sept années consécutives entre 1780 et 1786. Ce constat n’aurait rien

d’original à lire C. Jamet, qui affirme que les nominations des prévôts se réalisent au sein

d’un petit groupe de notables.34

Après avoir constaté l’emprise du groupe social des marchands de toiles sur les

institutions politiques et religieuses de la paroisse, il est intéressant d’étudier l’exemple de la

carrière paroissial d’un marchand de toiles, avec en parallèle, celle d’un notable proche du

milieu marchand.

1.2.3. Les carrières paroissiales de Jean-Baptiste Chevrel et de Jean-Baptiste Boué, dans les

dernières décennies de l’Ancien Régime

Membre du général de paroisse 11 années sur 19, entre 1767 et 1785, le sieur du

Vinoux, Jean-Baptiste Chevrel, représente parfaitement cette notabilité marchande à Amanlis.

Né au bourg le 29 janvier 1742 au bourg d’Amanlis, il est nommé pour la première

fois à la charge de trésorier en novembre 1766 pour l’année 1767. Mais sa minorité étant

établie par un « extrait baptistaire » en date du 31 janvier 1742, il ne peut assumer ces

fonctions. C’est alors Jan Crocq, du Bois du Teil, qui est nommé à sa place. Nous pourrions

retirer de cet événement une simple anecdote, mais il faut plutôt y voir la prépondérance des

marchands de toiles sur leur société paroissiale. Les délibérants de l’année 1766 ont ainsi jugé

que Jean-Baptiste Chevrel, âgé de 24 ans seulement, fait déjà partie des notables de la

paroisse ; il est aussi assez riche pour assumer sur ses propres deniers cette charge de

trésorier. Il lui faut attendre 1770 pour devenir trésorier (cf. tableau n°15). Il devient dès

l’année suivante, 1771, délibérant au sein du général de la paroisse. Il y demeure quatre

années consécutives, occupant en parallèle des charges secondaires : en 1772, il compte parmi

les porteurs du dais35

; en 1773, il est prévôt des défunts en plus de porter les flambeaux ; en

1774, il est notable de la capitation alors qu’il n’est plus que délibérant subsidiaire. Quelques

années plus tard, en 1778, il prend la charge de procureur de fabrique. Enfin, il retrouve sa

place au sein du général de la paroisse, en étant délibérant de 1782 à 1785. Son « cursus

34

JAMET Catherine, Les confréries de dévotion dans le diocèse de Rennes…, op. cit., p. 70. 35

Le dais est un ouvrage comportant quatre pieds, recouvert de tentures. Il est employé lors des processions,

porté par quatre hommes, tandis que le célébrant se tient dessous. La visibilité des porteurs du dais lors des

processions nous laissent penser que cette charge revenait naturellement aux notables de la paroisse.

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Les marchands de toiles : une élite politique locale

honorum » dans les arcanes du pouvoir paroissial d’Amanlis s’arrête brutalement avec sa mort

qui survient en 1787, alors qu’il n’est âgé que de 45 ans.

Nous avons remarqué qu’un autre homme a poursuivi une carrière paroissiale assez

analogue. Il s’agit du sieur des Cormiers, Jean-Baptiste Boué, du Gros-Chêne (1736-1802).

Toutefois, nous ne pouvons affirmer que celui-ci a participé au commerce des toiles à voile.

D’une part, plusieurs éléments vont même dans le sens contraire : il n’est pas présent sur la

liste des marchands de 1791 et à sa mort le 12 fructidor an X (30 août 1802), il est qualifié de

cultivateur. Son acte de mariage aurait pu nous aider à cerner sa profession lorsqu’il était

jeune, mais Jean-Baptiste Boué est resté célibataire… D’autre part, nous ne pouvons exclure

définitivement le sieur des Cormiers du commerce toilier, car la famille Boué est l’une des

plus importantes familles de marchands de toiles d’Amanlis ; de plus, il fait partie de la

notabilité paroissiale, enfin, il est un proche – en plus d’être le voisin – de Jean-Baptiste

Chevrel. En fait, Jean-Baptiste Boué possède toutes les caractéristique du marchand de toiles,

sauf que nous n’avons aucune trace attestant de la pratique de cette activité commerciale. En

tout état de cause, Jean-Baptiste Boué commence également son « cursus paroissial » par le

poste de trésorier en 1770, comme son jeune voisin du Gros-Chêne. Il est ensuite délibérant

de 1771 à 1774 – comme Jean-Baptiste Chevrel –, tout en exerçant d’autres fonctions :

porteur des flambeaux et prévôt de Saint-Sébastien. En 1775, le sieur des Cormiers devient

notable de la capitation, puis prévôt du Rosaire l’année suivante. Ensuite, il redevient

délibérant durant deux années, en 1779 et 1780, avant de terminer sa carrière paroissiale par le

poste de procureur de la fabrique en 1782 et celui d’assistant à l’examen des comptes en 1783.

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Les marchands de toiles : une élite politique locale

Tableau n°15 : Les carrières paroissiales de Jean-Baptiste Chevrel

et de Jean-Baptiste Boué

Jean-Baptiste Chevrel Jean-Baptiste Boué

1767 Trésorier (remplacé pour cause de minorité) -

1770 Trésorier Trésorier

1771 Délibérant Délibérant

1772 Délibérant, porteur du dais Délibérant, porteur des flambeaux

1773 Délibérant, prévôt des défunts, porteur des

flambeaux

Délibérant, prévôt de Saint-Sébastien

1774 Délibérant subsidiaire, notable de la capitation Délibérant subsidiaire, prévôt de Saint-Sébastien,

porteur des flambeaux

1775 - Notable de la capitation

1778 Procureur de fabrique Prévôt du Rosaire

1779 - Délibérant

1780 - Délibérant

1782 Délibérant Procureur de fabrique

1783 Délibérant Assistant à l’examen des comptes

1784 Délibérant -

1785 Délibérant -

Que pouvons-nous retirer de ces deux exemples de carrières paroissiales ? Tout

d’abord, qu’il s’agit de deux exemples de brillantes carrières à cet échelon, puisqu’ils ont

exercé presque toutes les charges : trésorier, délibérant, prévôt de confrérie, procureur,

notable de la capitation, porteur de dais ou de flambeaux… En revanche, ces exemples

montrent que si l’on peut parler de « cursus paroissial », dans le sens où l’on a pu observer de

véritables carrières au sein des institutions politiques locales, cette expression ne nous

apparaîtrait pas juste si l’on voulait lui donner le sens antique du « cursus honorum ». C'est-à-

dire qu’un jeune notable peut directement commencer sa carrière par une fonction importante

– en l’occurrence trésorier – sans avoir à exercer des fonctions subalternes, égailleurs par

exemple. Concernant le statut des prévôts de confréries, ces deux exemples semblent montrer

que cette fonction paroissiale relèverait plus d’un honneur conféré à un notable. En effet,

Jean-Baptiste Chevrel et Jean-Baptiste Boué ont occupé ces fonctions alors qu’ils sont

également délibérants, mis à part Boué qui a été prévôt du Rosaire en 1778 sans occuper

d’autres fonctions. On peut ainsi se demander si pour obtenir le poste de prévôt, il n’est pas

nécessaire d’avoir été délibérant auparavant, donc bien établi dans la notabilité paroissiale.

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Les marchands de toiles : une élite politique locale

Enfin, l’incertitude quant à la profession de Jean-Baptiste Boué nous oblige à poser

plusieurs hypothèses à propos de ces carrières paroissiales. Si celui-ci est bien un marchand

de toiles, cela montrerait, à nouveau, le poids important du groupe social des marchands sur la

vie paroissial d’Amanlis. En revanche, si Boué n’est pas marchand, on pourrait en conclure

que le statut de notable prime sur le groupe professionnel, dans le but d’accomplir une

carrière paroissiale de premier plan. Dans tous les cas, ces deux hypothèses ne sont pas

forcément à opposer, dans le sens où étant donnée la faible présence de professions juridiques

et médicales à Amanlis, la notabilité paroissiale est avant tout paysanne, ce qui impliquent

que les plus riches marchands de toiles en représentent une grande part. Il est donc normal de

voir un nombre important de marchands effectués des carrières paroissiales de premier plan,

mais celles-ci seraient possibles parce qu’ils font partie de la notabilité paroissiale et non pas

par leur simple appartenance au groupe social des marchands de toiles.

Il faut également prendre en compte une autre hypothèse : si ces notables occupent de

telles fonctions, l’explication n’est-elle pas à chercher dans un niveau d’alphabétisation plus

poussé que le reste de la population ?

1.3. Les marchands de toiles face à l’écrit

O. Chauvot, dans son étude sur les arrêts sur remontrance du Parlement de Bretagne

entre 1643 et 1720, rapporte une remontrance du procureur général, Charles Marie Huchet, en

date du 13 janvier 1688, dans laquelle ce dernier souhaite que les assemblées soient

composées au minimum de « 12 personnes sachant signer ». Le procureur général du

Parlement de Bretagne regrette que jusqu’ici les notables locaux qui savent signer « negligent

les assemblées paroissiales et les abandonnent a des gens qui ne savent meme pas ecrire ».36

Il est donc intéressant de voir, un siècle plus tard, quel est le niveau d’instruction des officiers

paroissiaux d’Amanlis, notamment celui des marchands de toiles. Nous étudierons dans un

premier temps les signatures des membres du général de paroisse, avant de voir dans un

second temps, de quelle instruction auraient pu bénéficier ces marchands.

36

CHAUVOT Olivia, Le Parlement de Bretagne et le religieux à Rennes : quelles relations ? Etude menée à

travers les arrêts sur remontrance. 1643-1720, mémoire de master 2, dact., Rennes 2, 2010, p. 91.

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Les marchands de toiles : une élite politique locale

1.3.1. L’étude des signatures

L’étude des signatures des registres de délibérations de la paroisse peut nous permettre

d’évaluer le niveau d’instruction des délibérants (cf. tableau n°16).37

Pour cela, nous nous

appuierons sur les travaux de J. Quéniart qui a défini une méthodologie pour étudier les

signatures dans sa thèse sur la culture des sociétés urbaines dans la France de l’Ouest au XVIIIe

siècle.38

Nous avons ainsi classées les signatures de la délibération concernant les nominations

des officiers paroissiaux pour six années sur la période 1750-1789, en six catégories

différentes :

- aucune signature : lorsque l’on nous signale qu’un délibérant « déclare ne savoir

signer ».

- signature hésitante : écrite en majuscules, des fautes d’orthographe, ratures,

tremblements, taille inégale des lettres (écriture et lecture incertaine)

- signature lisible : utilisation des majuscules et des minuscules, quelques

tremblements, taille égale des lettres, peu liaison entre les lettres, écriture lourde (écriture

probable, lecture incertaine)

- signature appliquée : écriture fluide, liaison entre les lettres, malgré quelques

irrégularités (écriture certaine et lecture probable)

- signature courante : écriture rapide et ferme, ajout d’un signe supplémentaire

montrant la maitrise de l’écrit (éducation certaine)

37

ADIV, 2G 2. Registres de délibérations de la paroisse d’Amanlis. 38

QUENIART Jean, Culture et société urbaines dans la France de l'Ouest au XVIIIe siècle, Paris, Klincksieck,

1978, p. 34-36.

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Les marchands de toiles : une élite politique locale

Tableau n°16 : Les signatures des membres du général de paroisse d’Amanlis (1750-1789)

1750 1760 1761 1771 1783 1789 Total

Aucune

signature 1 0 0 0 0 0 1

Signatures

hésitantes

2 2 3 2 2 1 12

Signatures

lisibles 4 5 7 0 3 3 22

Signatures

appliquées 6 4 14 7 6 8 45

Signatures

courantes

0 3 3 5 3 3 17

Ce tableau révèle un taux de signature très honorable des délibérants du général de la

paroisse d’Amanlis (cf. graphique n°19). Ainsi, ils sont au total – sur l’ensemble de la

seconde moitié du XVIIIe siècle – près de 65% à savoir signer de façon appliquée (45) voire

courante (17). Nous pouvons constater également, d’après le graphique, que la qualité

générale des signatures semble s’améliorer plus l’on s’approche de la Révolution. Alors que

plus de la moitié des délibérants de 1750 ne peuvent signer qu’au mieux de façon lisible, cette

proportion tombe autour d’un quart en 1789. En revanche, il nous est impossible de trancher

la question de savoir si l’on assiste à une amélioration de l’alphabétisation des paroissiens

d’Amanlis – ou tout du moins des notables – au cours de la deuxième moitié du XVIIIe siècle,

ou bien, si ce constat n’est que le résultat de la volonté du Parlement d’améliorer la qualité

des officiers paroissiaux. Cette dernière hypothèse impliquerait que l’on mette

progressivement à l’écart des institutions politiques paroissiales les hommes illettrés ou mal-

lettrés. Il n’en reste pas moins que l’on constate une amélioration significative et progressive

de la qualité des signatures des délibérants à Amanlis à l’approche de la Révolution.

Un autre élément pourrait accréditer la thèse de la mise à l’écart des illettrés : à une

seule reprise, il est fait mention qu’un délibérant ne sait pas signer. De plus, cette exception a

lieu en 1750, ce qui voudrait dire que par la suite, tous les délibérants possèdent au minimum

les rudiments de l’écriture. Bien que l’on ne puisse écarter non plus l’hypothèse selon

laquelle, il s’agirait de la seule fois que l’on mentionnerait la raison pour laquelle un

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Les marchands de toiles : une élite politique locale

délibérant signe à la place d’un autre. Il n’en reste pas moins que les délibérants présents lors

de ces séances ont semblé faire une différence entre cette mention de 1750, à savoir : « Julien

Croyal [signe] pour Jan Lussot presant qu’il a declaré ne savoir signer »39

, alors qu’à

d’autres reprises il est simplement écrit, comme par exemple en 1761 : « Jullien Loüis pour

Gatien Morin present »40

.

Nous venons d’étudier les délibérants du général dans leur ensemble ; reste à savoir ce

qu’il en est des marchands de toiles. L’exemple de plusieurs signatures semble nous montrer

un niveau général relativement bon (cf. tableau n°17). Les signatures présentées ci-dessous

sont toutes à classer dans les catégories supérieures de la méthodologie de J. Quéniart, c’est à

dire entre signatures appliquées et signatures courantes. Il ne faut pas oublier pour autant que

les marchands de toiles, membres du général, forment eux-mêmes l’élite de leur groupe

social, et qu’ils ne sont en rien représentatifs de l’ensemble du groupe social des marchands

de toiles.

39

ADIV, 2G 2. Registres de délibérations de la paroisse d’Amanlis. cf. annexe n°18. 40

ADIV, 2G 2. Registres de délibérations de la paroisse d’Amanlis. cf. annexe n°18.

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

100%

1750 1760 1761 1771 1783 1789 Total

Graphique n°19 : La qualité des signatures dans les délibérations du

général de paroisse à Amanlis (1750-1789)

Signatures courantes

Signatures appliquées

Signatures lisibles

Signatures hésitantes

Aucune signature

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Les marchands de toiles : une élite politique locale

Tableau n°17 : Les signatures de marchands de toiles

Jean-Baptiste Chevrel

(le Gros-Chêne), 1771

Jean-François Chevrel

(les Douëts de Néron), 1771

Jullien Loüis

(Néron), 1783

Georges Brizé

(Le Jarrot), 1783

François Tortellier

(Le Vinoux), 1789

Jean Boué

(le Cotterel), 1789

1.3.2. Quelle instruction pour les marchands de toiles?

La signature élégante de Georges Brizé nous rappelle qu’il est l’un des « hommes de

l’écrit » dans la paroisse, aux côtés du recteur et de ses vicaires, et cela de par sa profession de

notaire, cumulée au commerce des toiles. Maître Georges Brizé était, ainsi, une personne

instruite, sachant naturellement lire et écrire. Nous avons retrouvé, par ailleurs, bon nombre

de ses actes notariés qui démontrent une écriture assurée, digne d’un notaire de campagne.41

En revanche, nous ignorons où Georges Brizé a reçu cette instruction. Les principaux

marchands de toiles semblent avoir fréquenté les bancs de l’école. L’érudit local R. Chabirand

– qui a pu consulter les archives privées des familles Arondel et Jouzel notamment – nous

rapporte que le marchand Pierre Jouzel de Néron a été à l’école et qu’il s’y est distingué « par

son intelligence ».42

Si plusieurs marchands semblent avoir reçu une instruction scolaire, il est peu

probable que cela fut à Amanlis, puisque « Amanlis n’a pas d’école digne de ce nom » sous

l’Ancien Régime, selon R. Chabirand.43

Les paroissiens s’en sont d’ailleurs plaints lors de la

41

ADIV, 4E 4164, 4165, 4166, 4167, 4631 (1757-1758 ; 1760-an IV). Actes notariés de l’étude Bergère de Janzé,

juridictions du Chatellier et Corpsnuds, notaire Georges Brizé (Amanlis). 42

CHABIRAND, Raymond, Amanlis…,op. cit., p. 67. 43

Ibid., p. 34.

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Les marchands de toiles : une élite politique locale

rédaction du cahier de doléances de la paroisse en 1789. Ils réclament « un maître d’école

dont les enfants ont été privé jusqu’ici »44

. L’érudit local de la paroisse d’Amanlis estime par

ailleurs que les hommes en capacité de lire et écrire devaient être en petit nombre, de l’ordre

d’un sur dix. Dans notre cas, nous nous garderons bien d’avancer des statistiques concernant

le taux d’alphabétisation à Amanlis à la fin de l’Ancien Régime.

D’après R. Chabirand, les notables d’Amanlis auraient parfois payé des études à leurs

enfants dans les écoles des environs. Selon lui, nous ne savons rien des écoles de Janzé, en

revanche Piré possède une école de garçons et une école de filles tenue par les sœurs de la

Charité depuis 1683 et on trouve également une école, qu’il qualifie de « réputée », à

Châteaugiron, puisque l’on y enseigne le latin.45

Il est fort possible que plusieurs marchands

de toiles aient pu suivre, pendant quelques années au moins, un enseignement dans l’une de

ces écoles. Néanmoins, aucune source ne nous permet de dire quelle instruction ont reçu Jean-

Baptiste Chevrel, ou les frères Jouzel.

Nous savons par ailleurs, toujours d’après R. Chabirand, que certains notables ont eu

recours à des précepteurs pour instruire leurs fils.46

Il donne l’exemple de Jérôme Louis,

maître en chirurgie, lui-même fils du sieur de la Morinière, François-Paul Louis, ancien

fabricant de toiles à voiles et propriétaire, beau-frère du sieur du Vinoux, Jean-Baptiste

Chevrel père. Il engage un des prêtres de la commune, un certain M. Buin – ancien

dominicain et prêtre assermenté sous la Révolution, qui est arrivé à Amanlis en mars 1799 –

pour devenir précepteur de son fils, Jérôme, né le 24 février 1790. L’élève du prêtre Buin, qui

devient par la suite prêtre en 1824, puis Supérieur général des Eudistes en 1830, a d’ailleurs

évoqué cette période dans des propos rapportés par le père Dauphin dans un ouvrage consacré

à la vie du père Jérôme Louis de la Morinière :

« Ce M. Buin ne manquait pas d’instruction et n’était pas du tout républicain. L’intention de

mon père [en le demandant] était d’abord d’avoir la messe, ensuite de me permettre d’étudier

le latin. Il y avait un an que je faisais des thèmes sans y rien comprendre et sans savoir même

ce qu’on voulait me faire apprendre, lorsque les royalistes vinrent une nuit prendre M. Buin, le

conduisirent à l’église, l’obligèrent à leur remettre le peu d’ornements qui s’y trouvaient, et lui

44

Ibid., p. 34. 45

Ibid., p. 34. 46

Ibid., p. 129.

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Les marchands de toiles : une élite politique locale

signifièrent qu’il fallait quitter Amanlis, ce qu’il fit dès le lendemain matin, tant il eut peur. Je

fus donc délivré de ce fâcheux précepteur que je ne regrettai pas beaucoup. »47

Certains enfants de notables d’Amanlis ont même fréquenté le prestigieux Collège des

Jésuites de Rennes. Ainsi, il est fait mention sur l’acte de baptême de Marie Thoinette

Julienne Louis – fille d’honorable homme Jullien Louis et d’honorable femme Anne Tortellier

–, en date du 26 janvier 1750, que son parrain, le jeune Antoine Beaulieu, est « ecollier en

cinquieme au College des Jesuites à Rennes ».48

Toutefois, la famille Des Ponts-Beaulieu est

une famille de propriétaire-rentier, et non de marchands de toiles, mais cela n’empêche pas

que ce cas de figure ait pu également se présenter au sein des plus importantes familles

marchandes.

Une autre source permet d’attester de la maîtrise de l’écrit par les marchands de toiles :

les livres de comptabilité. Nous avons l’exemple de celui de René Albert, marchand de toiles

à Amanlis au milieu du XVIIIe siècle.

49 Lorsqu’il fait faillite en 1783, l’un de ses livres de

comptabilité est classé en annexe de son dossier auprès du Consulat de Rennes, qui est le

tribunal compétent pour régler les faillites des commerçants.50

Toutefois, nous n’avons pu

l’exploiter, faute d’avoir compris la logique d’ensemble des annotations inscrites. On

remarque tout de même la maîtrise certaine de l’écriture par René Albert. Les opérations

comptables présentes dans ce carnet montrent que le marchand maîtrise également le les

règles de base de la comptabilité.

Au final, nous pouvons retenir que les plus riches marchands de toiles, qui font partie

des notables de la paroisse d’Amanlis, ont reçu généralement un minimum d’instruction :

savoir lire, écrire et compter, ce qui peut être important pour pouvoir tenir des livres de

comptes, dans le cadre du commerce des toiles. Cet éducation leur a certainement permis

d’exercer une influence certaine sur les institutions paroissiales entre les années 1750 et 1790,

en occupant largement les postes de décision. Pourtant, cette organisation paroissiale est

complètement bousculée lorsque survient la Révolution française en 1789, ainsi que la mise

en place de la République en 1792. Nous allons donc étudier, dans un deuxième temps, la

réaction des marchands de toiles face à l’effondrement de ces institutions paroissiales, et le 47

Ibid., p. 129. Texte cité par le père Dauphin dans son ouvrage Le Père Louis de la Morinière (1892). Nous

n’avons malheureusement pas pu retrouver cet ouvrage, ce qui aurait permis de donner des informations

supplémentaires. 48

ADIV, 10 NUM 35002 229. Registre paroissial d’Amanlis pour l’année 1750 (numérisé et mis en ligne). 49

Cf. annexe n°20. 50

ADIV, 10B 117. Dossier n°336, René Albert, marchand de toiles à la Hantelle, en Amanlis, 19 septembre

1783.

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Les marchands de toiles : une élite politique locale

rôle qu’ils ont joué lors de la création des nouvelles institutions : municipalité, district,

municipalité de canton.

2. Les marchands de toiles face à la Révolution française

Face à ce grand bouleversement de la vie politique, sociale, économique et même

religieuse, que constitue la Révolution française, on peut se demander comment réagissent les

marchands de toiles. Prennent-ils le parti des « bleus » ou celui des « blancs » ? Cherchent-ils

également à participer à la création, voire à contrôler le pouvoir municipal naissant en 1790,

ainsi qu’aux autres institutions plus larges que le territoire d’Amanlis ? Peut-on déceler des

réactions communes à l’ensemble des marchands de toiles, ou bien réagissent-ils de façon

individuelle selon leur sensibilité politique, leur degré de ferveur religieuse ?

Pour répondre à toutes ces questions, les sources actuellement disponibles sont rares.

Nous avons dû nous contenter de quelques sources administratives, comme les registres de

délibérations du district de La Guerche, ou de la municipalité du canton de Janzé. Toutefois,

R. Chabirand semble en avoir consulté de plus nombreuses au moment de la préparation de

son ouvrage, notamment des archives privées des familles de notables d’Amanlis. Quelques-

unes de ses descriptions nous permettront d’appuyer nos analyses.

2.1. La garde nationale, pré carré des marchands de toiles

La municipalité d’Amanlis, fondée le 2 février 1790, en est encore à ses balbutiements

lorsqu’une garde nationale est mise en place. Ce type de milices patriotiques chargées

d’assurer l’ordre intérieur et protéger la Révolution de ses ennemis, se répand rapidement sur

l’ensemble du territoire français.

R. Chabirand retrace la mise en place de la garde nationale d’Amanlis. D’après l’érudit

local, celle-ci commence par s’organiser au cours de l’hiver 1789-1790. Puis, le dimanche 30

mai 1790, l’abbé Louis, vicaire d’Amanlis, procède à la bénédiction du drapeau tricolore

flanqué de la devise « Patrie, liberté ». Un procès verbal de cette journée fait connaître les

cadres qui dirige cette organisation patriotique (cf. tableau n°18).51

Pour R. Dupuy, seules

Châteaugiron, Piré et Janzé ont fondé leurs gardes nationales durant le second semestre de

51

CHABIRAND, Raymond, Amanlis…,op. cit., p. 100.

Page 145: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 5 | 144

Les marchands de toiles : une élite politique locale

1789.52

En revanche, l’historien recense bien Amanlis parmi les communes en ayant une pour

le 14 juillet 1790.53

Il est donc probable que la fondation de la garde nationale se soit faite en

même temps que celle de la municipalité en février 1790.

Tableau n°18 : La garde nationale d'Amanlis (mai 1790)

Noms Grades Ages Lieu habitation Professions

Georges Bourdon Capitaine commandant 48 le Bourg Propriétaire rentier

François Monnier fils Capitaine en pied 38 le Tremblay Marchand tanneur

Julien Louis Second capitaine 50 la Touche

Marchand tanneur et

de toiles

Jean-Baptiste Chevrel Sous-lieutenant 20 le Gros-Chêne Marchand de toiles

Julien Pelé Sergent-major 28 le Bourg Ouvrier tisserand

Jean-Baptiste Boué Premier sergent 36 le Bourg

Marchand de fils et

toiles

Jean Croyal Second sergent 24 les Cours-Jamois Marchand de toiles

Louis Belloir Troisième sergent 40 le Bourg Marchand de toiles

Jean Monnier Sergent 26 le Tremblay Marchand tanneur

Nous ne retrouvons pas moins de cinq marchands de toiles sur neuf officiers et sous-

officiers. Il faut y ajouter le commandant, Georges Bourdon, propriétaire rentier au bourg,

ainsi que François et Jean, les deux frères Monnier de l’influente famille de marchands

tanneurs. Seul le sergent-major, Julien Pelé, ne fait pas partie des notables de la commune.

Originaire de Piré, marié à Amanlis, il vit au bourg et travaille comme ouvrier tisserand. Cela

peut paraître surprenant de le retrouver à ce poste, mais il faut savoir qu’il a servi, dans sa

jeunesse, pendant six ans comme soldat dans le corps royal des matelots à Cherbourg et peut

donc justifier d’une certaine expérience militaire alors que dans le même temps, les notables

d’Amanlis élus officiers et sous-officiers n’ont « aucune idée de l’art militaire ».54

Julien Pelé

est donc chargé de donner une instruction militaire à ses concitoyens, lors des entraînements

qui se déroulent le dimanche. Des tours de garde, pour veiller à la sécurité, se mettent en place

tout au long de la semaine. Il y aurait environ 150 personnes au sein de la garde nationale à

Amanlis, en ce printemps 1790. Les effectifs auraient même augmenté l’année suivante.55

D’après R. Dupuy, l’effectif de la garde nationale d’Amanlis est inférieur à 50 hommes en

1792, alors que celles-ci viennent d’être réorganisées par cantons et districts par la loi relative

52

DUPUY Roger, La Garde Nationale et les débuts de la révolution en Ille-et-Vilaine (1789-Mars 1793), Paris,

Klincksieck, 1972, p. 113. 53

Ibid., p. 136. 54

CHABIRAND, Raymond, Amanlis…,op. cit., p. 100. 55

Ibid., p. 100.

Page 146: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 5 | 145

Les marchands de toiles : une élite politique locale

à l’organisation de la Garde Nationale, en date du 14 octobre 1791.56

En revanche, l’historien

ne donne aucun chiffre pour la période 1790-1792, en ce qui concerne la commune

d’Amanlis. Nous constatons, ici une grande différence avec les chiffres de R. Chabirand.

Ainsi, la garde nationale d’Amanlis aurait perdu les deux-tiers de ses hommes entre 1790 et

1792. Il est possible que l’érudit local ait surestimé les effectifs. Toutefois, il ne nous est

impossible de confirmer ou d’infirmer ces données, puisque R. Chabirand ne fait aucune

référence à ses sources. Nous pouvons également noter que le capitaine-commandant,

Georges Bourdon, est désigné pour conduire la délégation de Janzé à Paris, lors de la Fête de

la Fédération au Champs de Mars le 14 juillet 1790.57

2.2. Tensions idéologiques autour du pouvoir municipal

En grande partie, les marchands de toiles d’Amanlis ont plutôt adhérer à la Révolution

française, au moins à ses débuts, notamment, à travers leur implication dans la garde

nationale. Les environs de Châteaugiron et d’Amanlis n’ont, par ailleurs, pas été des terres

propices à la Contre-Révolution. Une large part des notables de la commune, dont plusieurs

marchands de toiles, étaient membres du club local des Amis de la Constitution, une société

affiliée au puissant club des Jacobins.58

Ce comportement tranche avec celui des marchands

de toiles du Léon, les Juloded, puisque L. Elégoët raconte « qu’en mars 1793, lors de la

révolte contre-révolutionnaire en Léon, quelques marchands de toile apparaissent parmi les

meneurs. »59

Toutefois, il ne faut pas y voir une unanimité totale au sein du groupe social des

marchands. Lorsque la Révolution se durcit, au cours de l’année 1792, la population

amanlisienne se divise. Les plus modérés se mettent en retrait des affaires publiques : ainsi les

marchands de toiles Louis Belloir, Jean-François Chevrel des Douëts de Néron, Pierre Bigot

et ses fils du Cormier, mais aussi François Monnier qui donne sa démission de la garde

nationale, ou bien Jean-Baptiste Boué du Gros-Chêne. Face à eux, certains « restent fidèles à

la Révolution, acceptent la République, font confiance aux dirigeants de la Nation »60

: ils

sont aux commandes de la commune. Parmi ceux-ci on dénombre les marchands de toiles

Julien Louis, de Néron, Georges Brizé, du Jarrot, François Morin, de Touche-Ronde, Julien

56

DUPUY Roger, La Garde Nationale…, op. cit., p. 146-149. 57

CHABIRAND, Raymond, Amanlis…,op. cit., p. 101. 58

Ibid., p. 101. 59

ELEGOËT Louis, Les Juloded…, op. cit., p. 177. 60

CHABIRAND, Raymond, Amanlis,op. cit., p. 111.

Page 147: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 5 | 146

Les marchands de toiles : une élite politique locale

Ricard, du Talus, Jean Croyal, du Gripail et Jean-Baptiste Chevrel, du Gros-Chêne – fils du

sieur du Vinoux –, ainsi que les propriétaires-rentiers Théodore Salmon-Laubourgère et René

Moulin « ardent patriote et zélé défenseur de la République », selon les mots de R.

Chabirand.61

Si les marchands de toiles ont participé activement à la mise en place des

nouvelles institutions et de la garde nationale à Amanlis, qu’en est-il hors du cadre de leur

commune ?

2.3. Des marchands de toiles peu présents dans l’administration du district de La

Guerche et du canton de Janzé

La Révolution voit se mettre en place de nouvelles institutions intermédiaires entre la

municipalité et le département : le conseil et le directoire du district, dans un premier temps,

puis la municipalité de canton, dans un second temps.

2.3.1. Le conseil et le directoire du district de La Guerche

Parmi les nouvelles administrations mises en place dès le début de la Révolution,

apparaît le district. Il est organisé par le décret du 22 décembre 1789. Il est géré par un conseil

de douze administrateurs, qui est une assemblée délibérante et temporaire. Elle a pour but de

choisir parmi ses membres quatre administrateurs, qui composent le directoire, organe

exécutif permanent.62

A côté, on retrouve un procureur syndic, élu pour requérir l’application

des lois. Le département d’Ille-et-Vilaine est ainsi divisé en neuf districts. Amanlis fait partie

de celui de la Guerche, comme l’ensemble du canton de Janzé.63

En revanche, le canton de

Châteaugiron est placé dans le district de Rennes.64

Les premiers administrateurs du conseil du district de La Guerche sont désignés le 30

juin 1790, lors de la réunion de l’assemblée électorale à l’hôtel de ville de La Guerche.65

Aucun habitant d’Amanlis – a fortiori de marchands de toiles – ne fait partie de ce conseil, et

donc du directoire du district.66

Jusqu’à la Constitution du 5 fructidor an III – 22 août 1795 –

61

Ibid., p. 111. 62

BRICAUD Jean, L’administration du département d’Ille-et-Vilaine au début de la Révolution (1790-1791),

Rennes, Imprimerie Bretonne, 1965, p. 88. 63

Cf. annexe n°21. 64

Les neuf districts d’Ille-et-Vilaine sont : le district de Rennes, de Bain, de Dol, de Fougères, de La Guerche, de

Monfort, de Redon, de Saint-Malo, et de Vitré. 65

BRICAUD Jean, L’administration du département d’Ille-et-Vilaine…, op. cit., p. 103. 66

BRETON Yves, Le District de la Guerche (1789-1795), Montfort-sur-Meu, Y. Breton, 1989, p. 108.

Page 148: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 5 | 147

Les marchands de toiles : une élite politique locale

qui voit la fondation du Directoire et la suppression des districts, le constat semble rester le

même en ce qui concerne la non-participation des marchands de toiles amanlisiens.

2.3.2. La municipalité du canton de Janzé

Nous avons dit auparavant qu’Amanlis fait partie du canton de Janzé, ainsi que la

commune de Brie. La partie sud de la commune – autour du village de Néron – se trouve ainsi

aussi proche du chef-lieu que du bourg.

Rappelons tout de même que ce nouveau découpage s’est mis en place fin 1789-début

1790 avec la naissance de 4 600 cantons, qui forment des circonscriptions intermédiaires entre

les 40 000 communes et les 554 districts. Le canton est conçu comme un ensemble cohérent

d’environ 5 500 habitants, autour d’un chef-lieu accessible en une demi journée de marche et

qui possède un relais de poste, une agence fiscale et souvent une foire.67

Toutefois le canton

n’a aucun attribut administratif avant l’instauration de la Constitution de l’an III. Pour S.

Bianchi, la suppression des districts et des municipalités en 1795 montre le « triomphe

apparent du canton ».68

Lorsque l’on analyse les archives de cette administration cantonale, aucun marchand

de toiles d’Amanlis n’y est fait mention.69

Donc dès que l’on sort du cadre territorial

d’Amanlis, on voit que les marchands de toiles sont peu présents dans les nouvelles

institutions que sont le conseil et le directoire du district de La Guerche, ainsi que la

municipalité du canton de Janzé. Malgré cela, ils ont pris largement part aux débuts de la

Révolution, du côté des « bleus », en participant à la garde nationale. Ils ont également occupé

le devant de la scène au moment de la fondation de la municipalité d’Amanlis, tout comme ils

le faisaient avec le général de la paroisse sous l’Ancien Régime. En revanche, le groupe social

des marchands de toiles ne constitue pas, pour autant, un ensemble homogène au niveau

politique. Cela se confirme lors du durcissement de la Révolution et de l’avènement de la

République en 1792 : on retrouve des marchands dans le camp des modérés, comme dans le

camp des républicains. Un comportement politique qui s’observe également parmi les

propriétaires-rentiers. Ainsi, face à de tels événements extraordinaires, les marchands de toiles

67

BIANCHI Serge, « L’expérience des cantons en milieu rural dans la décennie de la Révolution française :

pertinence et problèmes d’une greffe électorale, judiciaire, militaire et administrative », in LAGADEC Yann, LE

BIHAN Jean, TANGUY Jean-François (dir.), Le canton un territoire du quotidien ?, Rennes, PUR, 2009, p. 40. 68

Ibid., p. 42. 69

ADIV, L 1567. Déclaration et arrêts de l’administration du canton de Janzé (30 vendémiaire – 28 floréal an

VIII).

Page 149: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 5 | 148

Les marchands de toiles : une élite politique locale

ne feraient pas preuve de corporatisme et seraient intégrés à une notabilité amanlisienne qui

s’organiserait plus autour de réseaux amicaux et familiaux, plus que selon les situations

professionnelles. Au final, si les notables, aux commandes de la paroisse sous l’Ancien

Régime, semblent avoir conservé leur position dominante tout au long de la Révolution, on

peut se demander ce qu’il advient au cours de la première partie du XIXe siècle ?

3. L’emprise des marchands de toiles sur la vie municipale au cours du premier XIXe

siècle

Si les marchands de toiles ont dominé la vie paroissiale d’Amanlis durant l’Ancien

Régime, la Révolution ne semble pas avoir remis en cause leur prépondérance, tout comme

celle de l’ensemble des notables. Nous pouvons nous demander si les marchands vont

maintenir leur emprise sur la vie municipale d’Amanlis au XIXe siècle, alors que la

manufacture des toiles « rurales » est entrée dans une lente agonie.

3.1. La domination d’un groupe social sur la vie municipale

Avant d’étudier plus en profondeur la personnalité de certains marchands de toiles

qui ont dominée la vie politique municipale d’Amanlis, nous allons analyser, tout d’abord, la

place du groupe social des marchands au sein du conseil municipal.

Pour observer la domination de la vie politique d’Amanlis par le groupe social des

marchands de toiles, nous avons choisi de prendre pour exemple les élections municipales qui

se déroulent en 1834, selon le système du vote censitaire. Dans un premier temps, la liste des

plus forts contribuables de la commune qui peuvent voter aux élections nous permet de

comprendre la répartition sociale des électeurs d’Amanlis (cf. graphique n°20).70

70

ADIV, 3M 104. Liste des plus forts contribuables de la commune d'Amanlis, élections municipales de 1834.

Page 150: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 5 | 149

Les marchands de toiles : une élite politique locale

La loi municipale du 21 mars 1831 a rétabli l'élection des conseils municipaux par les

citoyens les plus imposés de la commune ; les maires et les adjoints sont désignés parmi les

membres du conseil municipal par le préfet. Lors des élections municipales de 1834, il y a

196 électeurs qui payent un cens situé entre 1 412,72 francs pour le comte Jacques de

Corbière, propriétaire au bourg, et 11,75 francs acquittés par Jean Herrault, laboureur à Laval.

Cette année-là, Amanlis recense 2 801 habitants. De ce fait, seulement 7% de la population a

le droit de vote aux élections municipales.

Sans surprise les laboureurs/cultivateurs représentent près de 70% des électeurs, car ils

forment la grande majorité de la population rurale d’Amanlis. Il faut tout de même noter que

les quatre cultivateurs recensés sont plus riches que les simples laboureurs et ne pratiquent pas

ou plus le commerces des toiles en pluriactivité. On trouve ensuite le groupe des marchands et

négociants – qui regroupe toutes les professions commerciales, parmi lesquels une majorité de

marchands de toiles – avec 19 électeurs, soit 10%. On recense également 12 propriétaires,

pour la plupart des hommes âgés retirés des affaires, et autant d’artisans. On peut ainsi

souligner la sur-représentation du groupe social des marchands (10%) au sein des électeurs

d’Amanlis, puisqu’ils ne représentaient qu’à peine 0,5% de la population totale de la

commune.

1 4 19

12

141

12 7

Graphique n°20: Répartition sociale des électeurs d'Amanlis

lors des élections municipales de 1834

Noble

Hommes de loi

Marchands

Propriétaires

Laboureurs / Cultivateurs

Artisans

Autres

Page 151: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 5 | 150

Les marchands de toiles : une élite politique locale

Le conseil municipal, issu de ces élections de 1834 , montre également une sur-

représentation du groupe social des marchands de toiles (cf. tableau n°19 et graphique

n°21).71

Tableau n°19 : Le conseil municipal d'Amanlis en 1834

Noms Prénoms Fonctions Date d'élection ou

de nomination Professions

Garnier Alexis Maire 04/11/183372

Marchand de toiles

Jouzel René 1er adjoint 14/05/1833 Marchand de toiles

Belloir Célestin 2e adjoint 10/06/1833 Marchand de toiles

Chevrel Jean-Baptiste fils Conseiller 1834 Marchand de toiles

Butault René Conseiller 1834 Laboureur

Croyal Jean-Baptiste Conseiller 1834 Marchand de toiles

Tortellier François Conseiller 1834 Laboureur

Louis René Conseiller 1834 Meunier

Lemêle Jean Conseiller 1834 Laboureur

Dufil Julien Conseiller 1834 Tailleur

Robert Joseph Conseiller 1834 Marchand de toiles

Rossignol René Conseiller 1834 Laboureur

Micault Julien Conseiller 1834 Laboureur

Il en ressort que 46% des membres du conseil municipal sont des marchands de toiles,

dont notamment le maire et ses deux adjoints, alors qu’ils ne représentent que 10% des

électeurs. On ne retrouve que 38% de laboureurs, pour 70% des électeurs. Il y a enfin deux

71

ADIV, 3M 83. Conseil municipal d’Amanlis en 1834. 72

Nomination d’Alexis Garnier intervenue suite au décès du maire Pierre-Antoine Arondel le 20 août 1833.

6

5

2

Graphique n°21 : Répartition sociale du conseil municipal

d'Amanlis lors des élections municipales de 1834

Marchands

Laboureurs

Artisans

Page 152: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 5 | 151

Les marchands de toiles : une élite politique locale

artisans, soit 15% du conseil. Ces éléments tendent à montrer que les marchands de toiles

conservent une influence certaine sur la vie municipale d’Amanlis, dans la première moitié du

XIXe siècle, malgré le déclin progressif de l’industrie rurale des toiles à voile.

Cette domination peut se révéler d’autant plus écrasante, qu’ils ne constituent pas le

groupe social le plus riche de la commune d’après la répartition sociale selon l’imposition des

électeurs (cf. graphique n°22).73

A partir du graphique ci-dessus, nous pouvons faire quasiment le même constat que

pour la capitation de 1790 (cf. graphique n°7). Tout d’abord, le groupe social des marchands

de toiles reste très hétérogène au XIXe siècle. Ensuite, ils apparaissent comme globalement

plus riches que le reste de la population : seuls trois marchands – soit 16% d’entre eux – ont

une imposition inférieure à 50 fr, contre 130 autres électeurs – soit 73% d’entre eux –. Enfin,

s’ils sont plus riches que la moyenne, ils ne font pas partie pour autant des plus riches de la

commune. Le plus imposé d’Amanlis est le propriétaire du château du bourg, le comte

Jacques de Corbière, suivi par trois autres propriétaires terriens. Le marchand de toiles le plus

imposé n’est autre que Jean-François Chevrel, à la cinquième place avec 138 fr. de

contributions directes, soit une imposition plus de 10 fois inférieure à celle du comte de

Corbière. De plus le marchand des Douëts-de-Néron ne fait pas partie du conseil municipal.

73

ADIV, 3M 104. Liste des plus forts contribuables de la commune d'Amanlis, élections municipales de 1834.

0

10

20

30

40

50

60

70

80

90

Graphique n°22 : Imposition des marchands de toiles par

rapport aux autres électeurs en 1834

Marchands

Autres

Page 153: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 5 | 152

Les marchands de toiles : une élite politique locale

En revanche, si l’on compare l’imposition des marchands de toiles présents au sein du

conseil municipal par rapport aux autres membres, le constat est plus tranché (cf. graphique

n°23).

Au sein du conseil municipal de 1834, les marchands de toiles sont clairement plus

riches que le reste des conseillers municipaux : alors que la moyenne de l’imposition des

autres conseillers municipaux est de 48 fr, celle des marchands de toiles s’élève à 83,5 fr. De

plus, tandis que tous les marchands de toiles ont une imposition supérieure à 60 fr, seuls deux

autres membres du conseil – sur sept – se trouvent dans le même cas.

Au final, sans être le groupe social le plus riche de la commune – bien que

globalement plus aisés que la moyenne des électeurs –, les marchands de toiles apparaissent

sur-représentés parmi le corps électoral municipal et au sein du conseil municipal. Nous

pouvons parler de domination de la vie municipale de la part des marchands de toiles, dans la

première moitié du XIXe siècle, dans le sens où à peine 0,5% de la population totale

monopolise près de la moitié des postes du conseil municipal.

3.2. Des marchands à la tête de la municipalité

Après avoir démontré la domination de la vie politique municipale par le groupe social

des marchands de toiles, nous allons nous arrêter sur les fonctions de premier magistrat de la

commune et sur quelques personnalités marquantes, notamment la famille Arondel du Talus.

0

1

2

3

4

5

6

Graphique n°23 : Imposition des marchands de toiles par rapport

aux autres membres du conseil municipal de 1834

Marchands

Autres

Page 154: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 5 | 153

Les marchands de toiles : une élite politique locale

3.2.1. Des maires puissants et influents localement

Si l’on fait la liste des maires d’Amanlis depuis la mise en place de la municipalité, le

mardi 2 février 1790, jusqu’à la disparition de la manufacture des toiles à voile dans les

années 1870, on retrouve régulièrement un marchand de toiles au poste de maire (cf. tableau

n°20).

Tableau n°20 : Les maires d'Amanlis (1790-1880)

Date début mandat Date fin mandat Nom Profession

février 1790 mai 1791 Théodore Salmon-Laubourgère Homme de loi

juin 1791 avril 1792 Georges Bourdon Propriétaire rentier

mai 1792 1795 Théodore Salmon-Laubourgère Homme de loi

juin 1800 décembre 1806 François Monnier Marchand tanneur, cultivateur

janvier 1807 août 1815 Antoine-Pierre Arondel Marchand de toiles, cultivateur

août 1815 septembre 1830 Balthazar de Ravenel Propriétaire

septembre 1830 août 1833 Antoine-Pierre Arondel Marchand de toiles, cultivateur

septembre 1833 mai 1836 Alexis Garnier Marchand de toiles, cultivateur

janvier 1838 février 1843 François Crosson Entrepreneur

septembre 1843 août 1851 René Jouzel Propriétaire, marchand de toiles

septembre 1851 mai 1857 Louis Louis Propriétaire rentier

mai 1857 juin 1866 Balthazar Boué Cultivateur

octobre 1870 novembre

1880 Désiré Arondel (fils) Marchand de toiles, cultivateur

Avant d’analyser ce tableau, il est nécessaire de faire la remarque suivante : durant

presque tout le XIXe siècle – de 1800 à 1848, puis de 1851 à 1871 –, les maires d’Amanlis sont

nommés. Ainsi, leur place tient plus à la vision qu’a de la société locale le préfet ou le sous-

préfet, ce qui peut expliquer la domination des notables sur la vie politique municipale qui

ressort de ce tableau. Théodore Salmon-Laubourgère, homme de loi et propriétaire, fut l’un

des délibérants du général de paroisse les plus influents sous l’Ancien Régime. Sa charge de

procureur de fabrique pour l’année 1790 lui permet de devenir logiquement le premier maire

de la commune naissante d’Amanlis. Georges Bourdon, propriétaire rentier, lui succéde en

1791, lui qui avait été le capitaine commandant de la garde nationale d’Amanlis un an plus

tôt, cependant Georges Bourdon meurt brutalement le 10 avril 1792, alors qu’il est âgé de 49

ans.74

Après le retour de Théodore Salmon-Laubourgère, c’est l’influent marchand tanneur

François Monnier qui devient maire, lui le représentant de l’ordre catholique et monarchiste

de la commune. Celui qui avait été son premier adjoint, Antoine-Pierre Arondel, le remplace à

74

ADIV, 10 NUM 35002 476. Etat civil d’Amanlis, registre des sépultures pour l’année 1792 (numérisé et mis

en ligne).

Page 155: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 5 | 154

Les marchands de toiles : une élite politique locale

la mairie en janvier 1807. Il est ainsi le premier des marchands de toiles à atteindre ce poste.

Arondel est d’ailleurs maire à deux reprises, entre janvier 1807 et août 1815 la première fois,

puis entre octobre 1830 et août 1833 la seconde. Entre ses deux mandats, le châtelain de la

commune, propriétaire du château de Boisteilleul, Balthazar de Ravenel prend les rênes de la

municipalité. On retrouve par la suite, d’autres personnages influents, comme Alexis Garnier

qui fut le seul membre du collège électoral départemental de l’an XIII originaire d’Amanlis.75

René Jouzel, marchand de toiles puis rentier à Néron, fils de Pierre Jouzel, est de ceux-là

également. Après avoir été premier adjoint, il devint maire en septembre 1843 et reste en

poste huit ans. Ensuite, le jeune – 29 ans – Louis François Prudent Louis, propriétaire rentier

demeurant au bourg, est élu en septembre 1851 après la démission de René Jouzel. Cet

homme cultivé et riche, mais de santé fragile, n’est autre que le fils de Pierre Louis, marchand

de toiles à la Touche de Néron, et de Prudence Chevrel ; et donc, petit-fils de feus Julien

Louis, marchand tanneur et marchand de toiles et fils et autre denrées à Néron, et de Jean-

Baptiste Chevrel, sieur du Vinoux, également marchand de toiles au Gros-Chêne. Enfin, il

faut noter que Désiré Arondel fils, le petit-fils d’Antoine-Pierre, est maire d’Amanlis durant

une décennie, entre octobre 1870 et novembre 1880.

Au final, des marchands de toiles ou fils de marchands sont à la tête de la commune à

six reprises entre 1790 et 1880. Nous pouvons dire, qu’en termes de durée des mandats,

environ la moitié de la période (48%) s’est déroulée sous la mandature d’un marchand de

toiles.

3.2.2. L’omniprésence de la famille Arondel du Talus dans la vie municipale

Nous venons de voir que deux représentants de la famille Arondel du Talus ont dirigé

la mairie d’Amanlis au cours du XIXe siècle. Cette famille de marchands de toiles, originaire

de Normandie, arrivée à Amanlis en 1802 seulement, a tout de suite gravi les échelons de la

notabilité locale. Elle s’impose comme l’une des familles les plus importantes de la commune

du XIXe siècle, alors que le commerce toilier connait dans le temps un déclin irrémédiable (cf.

graphique n°24).

75

ADIV, 3M 50. Electeurs monarchie de Juillet lors des élections départementales de 1833.

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Les marchands de toiles : une élite politique locale

Graphique n°24 : La vie politique de la famille Arondel au XIXe siècle à Amanlis

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Les marchands de toiles : une élite politique locale

Tout commence avec Antoine-Pierre Arondel qui devient, en avril 1803 – seulement

six mois après son arrivée dans la commune ! –, adjoint au maire François Monnier, à la place

de Julien Ricard, lui-même marchand de fils et de toiles au Talus. Le marchand de toiles

s’intègre ainsi directement à la notabilité d’Amanlis. Il ne reste pour autant à son poste que

quelques mois. Il donne sa démission au préfet le 19 prairial an XII (8 juin 1804). Il l’explique

dans sa lettre par des divergences avec le maire François Monnier, puisque « son caractaire et

le mien ne peuvent pas prandre ensamble. »76

Ces deux hommes cultivés étaient « trop

différents de caractère, d’éducation et d’idées »77

, selon R. Chabirand. Le maire représentait

l’ordre moral catholique et monarchiste au sein de la commune, tandis que son adjoint est

qualifié par le préfet en 1831 de « patriote zélé » et de « très patriote »78

, lui qui soutint la

Révolution française au sein des armées révolutionnaires, avec le grade de capitaine.

Des tensions idéologiques s’affirment au sein de la commune, entre traditionalisme et

idées nouvelles. Les partisans de la République tentent à la suite de la démission de leur chef

de file de déstabiliser le maire. La campagne de critiques met rapidement François Monnier

en porte à faux. Ce dernier remet sa démission au préfet, le 1er

vendémiaire an XIII (23

septembre 1804), pour cause de « maladies récurrentes », alors qu’il n’est âgé que de 52 ans.79

Celle-ci lui est refusée, mais lorsqu’il refait une demande en octobre 1806, le préfet accepte.

Ainsi, le retrait de la vie politique municipale est de courte durée pour Antoine-Pierre

Arondel. Il est nommé maire le 27 décembre 1806, en sa qualité « d’officier retiré et

propriétaire ».80

François Tortellier, marchand de fils et de toiles, est nommé adjoint ; Jean

Boué, marchand de toiles au Cotterel, François Bigot, Pierre Garnier, François Hazard, Alexis

Garnier, marchand de toiles à Laval en Amanlis, François Butault et Pierre Jouzel, marchand

de fils et de toiles à la Ferronnerie, sont quant à eux conseillers.81

. Pierre-Antoine Arondel

peut compter sur les soutiens de François Tortellier, gendre du marchand de toiles du Talus

Julien Ricard, lui-même grand ami et appui d’Arondel, Pierre Jouzel, avec lequel trois

mariages scellent quelques années plus tard l’alliance entre les familles Arondel et Jouzel,

Jean Morin, Alexis Garnier, Pierre Garnier notamment.82

76

ADIV, 2M 39. Nomination des maires et adjoints à Amanlis, an VIII-1813. 77

CHABIRAND, Raymond, Amanlis,op. cit., p. 134. 78

ADIV, 2M 85. Nomination des maires et adjoints, arrondissement de Rennes, 1830-1846. 79

ADIV, 2M 39. Nomination des maires et adjoints à Amanlis, an VIII-1813. 80

ADIV, 2M 39. Nomination des maires et adjoints à Amanlis, an VIII-1813. 81

ADIV, 2M 39. Nomination des maires et adjoints à Amanlis, an VIII-1813. 82

CHABIRAND, Raymond, Amanlis,op. cit., p. 140.

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Les marchands de toiles : une élite politique locale

Le mandat de Pierre-Antoine se poursuit tout au long du Premier Empire. Waterloo, le

18 juin 1815, et le retour de Louis XVIII poussent le préfet à dissoudre le conseil municipal

d’Amanlis, le 16 août 1815.83

Cet événement est tout à fait banal, comme le souligne T. Le

Yoncourt, pour qui, si la première Restauration n’a pas été l’occasion d’un vaste

remplacement du personnel préfectoral et administratif du département d’Ille-et-Vilaine, la

seconde est qualifiée, par l’historienne, « d’épuration » de l’administration.84

Il apparaît

logique alors qu’Arondel, ancien officier des armées révolutionnaires et partisan de l’Empire,

soit écarté. Amanlis se met alors aux couleurs de la Restauration avec la nomination du

châtelain Balthazar de Ravenel du Boisteilleul. Le refus de ce dernier de prêter serment au

nouveau roi Louis Philippe, en septembre 1830, permet à Pierre-Antoine Arondel de retrouver

son poste de maire le 2 septembre 1830. René Jouzel, marchand de fils à la Touche de Néron,

fils de Pierre, est nommé adjoint le 22 septembre 1830.85

Quand le propriétaire du Talus meurt le 20 août 1833, il a passé près de 11 ans et demi

en tant que maire d’Amanlis. Au final, en une trentaine d’années, alors qu’il n’est pas

originaire de la commune, Pierre-Antoine Arondel en est devenu le personnage le plus

marquant. En outre, le fait qu’il ait obtenu un banc d’honneur pour sa famille dans la nef de

l’église paroissiale est un autre signe de son intégration à la notabilité locale (cf. illustration

n°19).86

D’autant plus que seules deux autres familles ont eu cette honneur, les deux familles

nobles de la commune : les Corbière et les Ravenel du Boisteilleul.

83

Ibid., p. 142. 84

LE YONCOURT Tiphaine, Le préfet et ses notables en Ille-et-Vilaine au XIXe siècle (1814-1914), Paris, L.G.D.J.,

2001, p. 16-26. 85

ADIV, 2M 85. Nomination des maires et adjoints, arrondissement de Rennes, 1830-1846. 86

CHABIRAND, Raymond, Amanlis…,op. cit., p. 159.

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Les marchands de toiles : une élite politique locale

Illustration n°19 : Bancs d’honneur dans la chapelle sud de l’église paroissiale

(cliché Thomas Perrono)

Désiré Arondel, le fils aîné de Pierre-Antoine, marchand de toiles et propriétaire au

Talus, a suivi une carrière politique radicalement différente de celle de son père. Tout en

participant à la vie politique locale, il n’a jamais occupé le devant de la scène municipale.

Désiré devient conseiller municipal à l’âge de 36 ans en 1843 en étant déjà la personne la

mieux élue, devant René Jouzel maire en exercice et les châtelains, Paul de Ravenel,

propriétaire du château du Boisteilleul, Ernest de Corbière, qui réside au bourg et François

Garnier-Duplessix du château de Laval. A nouveau réélu en tête aux élections municipales de

1848, il devient deuxième adjoint du maire René Jouzel. Il faut noter que ces élections de

1848 sont les seules, avant 1871, durant lesquelles le maire et les adjoints sont élus par les

membres du conseil municipal et non nommés par le préfet. Après la démission de René

Jouzel en août 1851 et l’élection de Louis Louis, Désiré devient premier adjoint.87

Au final, sa

carrière politique demeure comme secondaire, avec deux postes d’adjoint au maire. Toutefois

il semble que son influence politique fut bien supérieure. Il est possible même qu’il était

l’homme le plus influent de la commune.

Le troisième personnage public de la famille est Désiré Arondel, fils et petit-fils des

deux précédents. Il est cultivateur et marchand de toiles aux Grandes-Ouches. Il commence sa

carrière politique jeune puisqu’il a 30 ans lorsqu’il est nommé maire le 9 septembre 1870,

87

Ibid., p. 188-189.

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Les marchands de toiles : une élite politique locale

alors que la Troisième République vient d’être proclamée cinq jours auparavant. Désiré

Arondel père, toujours conseiller à cette époque, se retire alors définitivement de la vie

politique amanlisienne.88

Le mandat municipal de Désiré fils est notamment marqué par la

construction de la mairie-école, en bordure de la route de Corps-Nuds.89

(cf. illustration

n°20) Il démissionne de son poste à la fin de l’année 1880, après dix ans de mandats,

puisqu’il quitte Amanlis au début de l’année 1881 pour s’installer à Janzé. Toutefois la

carrière politique de Désiré Arondel ne s’arrête pas au mandat de maire, puisqu’il a exercé la

fonction de conseiller d’arrondissement pour le canton de Janzé de 1875 jusqu’à sa mort en

1906. Il est élu pour la première fois le 25 avril 1875, en remplacement de Benjamin Gilbert

décédé 19 février de la même année. Arondel recueille 1 602 voix sur 2 572 votants pour

3 499 électeurs inscrits, face à Prosper Ménard, de Janzé.90

Il est élu, par la suite, cinq fois

d’affilée : en 188091

, 188692

, 189293

, 189894

et 190495

. Cette fonction de conseiller

d’arrondissement occupée par le petit-fils d’Antoine-Pierre Arondel révèle que les

descendants des marchands de toiles ont pu atteindre parfois un certain niveau de notabilité

locale supérieure au seul cadre de leur commune d’origine.

88

Ibid., p. 195. 89

Ibid., p. 203. 90

ADIV, 3M 390. Election d’un membre du conseil d’arrondissement du canton de Janzé, 1875. 91

ADIV, 3M 394. Election d’un membre du conseil d’arrondissement du canton de Janzé, 1880. 92

ADIV, 3M 397. Election d’un membre du conseil d’arrondissement du canton de Janzé, 1886. 93

ADIV, 3M 401. Election d’un membre du conseil d’arrondissement du canton de Janzé, 1892. 94

ADIV, 3M 406. Election d’un membre du conseil d’arrondissement du canton de Janzé, 1898. 95

ADIV, 3M 408. Election d’un membre du conseil d’arrondissement du canton de Janzé, 1904.

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Les marchands de toiles : une élite politique locale

Illustration n°20 : La mairie-école d’Amanlis construite dans les années 1870

(carte postale datant du début XXe siècle)

Au-delà de l’étude de la seule famille Arondel, il faut voir dans cet exemple celui d’un

parcours politique d’une famille de notables-marchands dans une petite commune rurale des

environs de Rennes. Cette famille a exercé les fonctions locales les plus importantes : adjoint

et maire. Leur influence politique locale semble avoir été majeure tout au long du XIXe siècle,

sans doute même supérieure à celle des représentants de la noblesse d’Ancien Régime à

Amanlis. L’un d’entre eux eut même un poste de conseiller d’arrondissement du canton de

Janzé dans le dernier quart du siècle. Cependant il faut regarder cette élite politique pour ce

quelle est réellement : une petite élite à l’influence locale. Jamais ils ne sont en mesure de se

faire élire à des postes plus importants ; alors que dans le Léon par exemple, L. Elégoët a

recensé de nombreux Juloded « élus conseillers généraux de leur canton »96

, voire même

quelques-uns élus députés ou sénateurs.97

96

ELEGOËT Louis, Les Juloded, op. cit., p. 190. 97

L. Elégoët a repéré cinq Juloded élus députés ou sénateurs entre 1800 et 1945. Ibid., p. 190.

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Les marchands de toiles : une élite politique locale

Conclusion :

En conclusion, le groupe social des marchands de toiles est bel est bien ce que l’on

peut appeler « une élite politique rurale ». Ce groupe compte en son sein une grande partie des

notables de la paroisse sous l’Ancien Régime. Ceux-ci ont largement occupé les charges les

plus importantes du général de paroisse. La Révolution française n’a changé en rien leur

domination. Ils ont été actifs lors de la mise en place de la municipalité et pris en main la

garde nationale d’Amanlis et en 1790. Le XIXe siècle, avec le recul progressif et inéluctable de

la manufacture des toiles à voiles, aurait pu être l’occasion d’une mise à l’écart des marchands

de toiles du pouvoir municipal. Mais nous ne pouvons que constater la forte emprise du

groupe social sur le conseil municipal, accédant même plusieurs fois aux fonctions de maire.

En fait, la position de notable acquise par plusieurs familles marchandes depuis le XVIIIe siècle

leur aurait permis de maintenir leur domination sur la chose publique à Amanlis, même après

la fin de la manufacture des toiles rurales. Cette élite politique se cantonne cependant très

largement au niveau local, paroisse puis commune. Nous n’avons recensé, ainsi, aucun

marchand de toiles d’Amanlis à des postes de niveau départemental (conseiller général par

exemple) et encore moins au niveau national (député ou sénateur).

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Les marchands et le patrimoine religieux

C H A P I T R E 6

Les marchands et le patrimoine religieux

Le lien entre prospérité toilière et création artistique et architecturale dans le domaine

religieux a été attesté pour les manufactures linières des « crées » dans le Léon et des

« bretagnes » en Bretagne centrale, tant par les études de J. Tanguy et L. Elegoët sur le Léon

et ses enclos paroissiaux, que par celles de J. Martin et surtout A. Guillemot pour la région de

Quintin-Loudéac.1 Toutefois, qu’en est-il de la manufacture rurale des toiles à voile ? La

prospérité du commerce des toiles de chanvre noyales a-t-elle permis l’éclosion d’un art

religieux dans ces paroisses rurales du triangle Rennes-Vitré-La Guerche ? A défaut de

flamboyants enclos paroissiaux, emblématiques du Léon toilier, les retables lavallois peuvent-

ils représenter à eux-seuls « l’âge d’or » de l’art religieux de la manufacture des toiles à

voiles ? Les marchands de toiles ont-ils eu une influence sur les chantiers paroissiaux ? Cette

dernière question conduisant à se demander s’il existe un lien entre prospérité toilière et

investissement religieux. Et au final, la manufacture des toiles à voiles présente-t-elle un

modèle d’investissement spécifique ?

Pour mener à bien cette réflexion, il aurait fallu dépouiller l’ensemble des comptes de

fabriques d’un grand nombre de paroisses de l’intérieur – aussi bien que de l’extérieur – de la

manufacture des toiles à voile, et ceci sur le temps long des XVIIe et XVIII

e siècles au moins. Ce

travail a notamment été effectué par A. Guillemot à l’échelle de la manufacture des toiles

« bretagnes », pour établir un lien entre la prospérité des toiles de lin et l’émergence des

chantiers paroissiaux entre 1650 et 1830. Cependant, ces livres de comptes ne sont plus

présents en ce qui concerne Amanlis – cœur de notre étude –, mis à part un rapport sur les

1 TANGUY Jean, Quand la toile va. L’industrie toilière bretonne du 16e au 18e siècle, Rennes, éd. Apogée, 1994,

p. 91-99 ; ELEGOËT Louis, Les Juloded. Grandeur et décadence d’une caste paysanne en Basse-Bretagne,

Rennes, PUR, 1996, p. 168-172 ; MARTIN Jean, Toiles de Bretagne : la manufacture de Quintin, Uzel et

Loudéac, 1670-1830, Rennes, PUR, 1998, p. 251-252 ; GUILLEMOT Anthony, Prospérité toilière et chantiers

paroissiaux dans les paroisses rurales de la manufacture des toiles « Bretagnes » (1650-1830), Mémoire de

master 2, dact., Rennes 2, 2007.

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Chapitre 6 | 163

Les marchands et le patrimoine religieux

comptes de la fabrique datant de 1759.2 Au demeurant, une entreprise d’une telle ampleur

aurait été trop importante dans le cadre d’un master qui n’est pas consacré uniquement à ces

questions de patrimoine religieux. Par conséquent, nous avons décidé d’analyser ce lien entre

prospérité toilière et développement de l’art religieux en utilisant les réflexions et conclusions

tirées pour les autres manufactures toilières, tout en essayant d’obtenir l’inventaire le plus

complet du patrimoine religieux de la manufacture des toiles à voile, à partir des études déjà

réalisées, notamment pour les retables lavallois.3

Nous étudierons dans un premier temps le patrimoine religieux encore visible à Amanlis,

notamment l’église Saint-Martin et ses trois retables lavallois, ainsi que le presbytère. Puis,

dans un deuxième temps, nous analyserons l’influence directe et indirecte des marchands de

toiles d’Amanlis sur les chantiers paroissiaux. Enfin, dans un troisième temps, nous verrons si

lien entre prospérité toilière et l’investissement religieux, qui a été démontré dans le Léon et

en Centre-Bretagne, est également valable pour la manufacture des toiles à voiles, ou bien si

elle présente un modèle spécifique d’investissement artistique.

2 ADIV, 2G2/5. Finances de la paroisse d’Amanlis. Rapport sur les comptes de la fabrique (1759).

3 RESTIF Bruno, La révolution des paroisses. Culture paroissiale et Réforme catholique en Haute-Bretagne aux

XVIe

et XVIIe

siècles, Rennes, PUR, 2006 ; Le patrimoine des communes d'Ille-et-Vilaine, Paris, Flohic, 2000, 2

vol. ; GUILLOTON DE CORSON Amédée, Pouillé historique de l'archevêché de Rennes, Mayenne, éd. régionales

de l'Ouest, 1997, 6 vol. ; BANEAT Paul, Le Département d'Ille-et-Vilaine, Rennes, Larcher, 1927-1929, 4 vol.

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Chapitre 6 | 164

Les marchands et le patrimoine religieux

1. Le patrimoine religieux d’Amanlis

1.1. Les grandes phases de constructions religieuses et d’embellissement artistique à

Amanlis

1.1.1. L’église Saint-Martin d’Amanlis : quatre siècles de chantiers paroissiaux

L’église paroissiale d’Amanlis, placée sous le vocable de Saint-Martin, se situe en

bord de Seiche sur une motte rocheuse, probable ancienne motte castrale (cf. illustration

n°21).4 Tout d’abord construite en schiste à partir du XI

e siècle, il ne subsiste que peu

d’éléments de cette église primitive de style roman avec un plan en croix latine. Par la suite,

l’église est reconstruite « probablement dans le dernier tiers du XVIe siècle ».

5 Elle subit de

nombreuses modifications au cours des trois siècles suivants. Nous avons établi une

chronologie la plus précise possible des différents chantiers relatifs à l’église paroissiale, ainsi

qu’au presbytère (cf. schéma n°2). La construction de l’église semble avoir pris fin en 1625,

année de l’achèvement de la chapelle sud, comme nous le prouve la date placée sur une des

arcades entre le chœur et la chapelle (cf. illustration n°22).

Schéma n°2 : Chronologie des chantiers relatifs à l’église paroissiale d’Amanlis

(1570-1900)

1- Dernier tiers du XVIe siècle : reconstruction de

l’église

2- 1625 : construction de la chapelle sud

3- 1630-1640 : construction de 3 retables lavallois

4- 1708 : construction de la chaire

5- 1715 : inauguration de 3 nouvelles cloches

6- 1741 : restauration des fonts baptismaux et

incendie de la grande sacristie

7- 1779 : construction du nouveau presbytère

8- Fin XVIIIe siècle : reconstruction de la sacristie

9- 1830 : construction d’une nouvelle tour

10- 1882-1890 : pose de nouveaux vitraux

4 L’église Saint-Martin d’Amanlis est classée aux Monuments historiques depuis le 21 février 1974.

5 CHABIRAND, Raymond, Amanlis. Histoire d’une paroisse rurale, Rennes, Imprimerie « Les Nouvelles », 1968,

p. 14.

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Chapitre 6 | 165

Les marchands et le patrimoine religieux

Illustration n°21 : La situation de l’église paroissiale dans le bourg d’Amanlis

au XIXe siècle

(ADIV, 4J 2)

Illustration n°22 : Date inscrite sur l’une des arcades de la chapelle sud

(cliché Thomas Perrono)

Trois retables lavallois viennent ensuite embellir, dans les années 1630-1640, le chœur

et les deux chapelles de l’église. Nous détaillerons ces trois éléments d’art religieux dans le

point suivant. Par la suite, il faut attendre 1708 pour voir de nouveaux travaux dans l’église.

Le général de la paroisse décide, conjointement avec le recteur Pierre Le Roy, de faire

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Chapitre 6 | 166

Les marchands et le patrimoine religieux

construire une chaire à prêcher (cf. illustration n°23).6 Le maître ébéniste, Mathurin

Gambier7, originaire de Chantepie, travaille sur place et reçoit 330 livres pour sa réalisation,

le bois étant fourni par la paroisse et la pension des ouvriers reversée par le recteur. Cette

chaire, ayant pour thème les quatre évangélistes, est considérée comme remarquable dans le

diocèse et est, par ailleurs, classée monument historique.8

Illustration n°23 : La chaire à prêcher

(cliché Thomas Perrono)

Quelques années plus tard, en octobre 1715, trois nouvelles cloches sont mises en

service. Selon R. Chabirand, « deux furent bénites le samedi 19 octobre par le supérieur du

séminaire de Rennes, la troisième le jeudi suivant par le recteur [Pierre Le Roy, recteur

d’Amanlis de 1685 à 1723]. »9 En 1735, le général de la paroisse prend la décision de raser la

tour de l’église, car elle menace de tomber en ruines. Une nouvelle est rebâtie un siècle plus

tard, en 1830, d’après les plans de l’architecte Louis Richelot.

6 Pierre Le Roy a été recteur d’Amanlis de 1685 à 1723, d’après CHABIRAND, Raymond, Amanlis…,op. cit., p.

239. 7 Mathurin Gambier, le sculpteur de la chaire, choisit l’église d’Amanlis pour se marier, en 1717, avec Jeanne

Gilet, demoiselle de la Trincandière, et originaire de la paroisse. 8 CHABIRAND, Raymond, Amanlis…,op. cit., p. 20.

9 Ibid., p.20.

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Les marchands et le patrimoine religieux

L’année 1741 est marquée par deux événements au cœur de l’église. Tout d’abord, par

la restauration des fonts baptismaux (cf. illustration n°24). Mais surtout, par la nuit du 13 au

14 novembre qui est le théâtre de l’incendie de la sacristie, située au nord, derrière l’autel du

Rosaire. L’incendie toucha également le chœur et la chapelle de la confrérie du Rosaire. Le

procès-verbal de l’architecte, le 20 novembre, établit un premier devis estimatif qui se monte

à 4 526 livres de réparations.10

Nous avons même le plan de la sacristie qui fut reconstruite à

la fin du XVIIIe siècle, sans que nous en sachions la date précise (cf. illustration n°25).

Cependant, d’après R. Chabirand, « la sacristie du clergé sera la salle située derrière le maître

autel (elle-même très endommagée, fut refaite en 1758). »11

L’accès à celle-ci continue tout

de même à se faire par la porte du nord (côté gauche du chœur), dissimulée dans la boiserie

posée en 1849.

Illustration n°24 : Les fonts baptismaux de l’église paroissiale d’Amanlis,

restaurés en 1741

(cliché Thomas Perrono)

10

ADIV, 2G2/3. Travaux et inventaires de l’église d’Amanlis (1672-1741). Incendie dans l’église, 13 et 14

novembre 1741. 11

CHABIRAND, Raymond, Amanlis…,op. cit., p. 64.

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Les marchands et le patrimoine religieux

Illustration n°25 : Plan de la sacristie reconstruite fin du XVIIIe siècle

(source ADIV, 2G 2/3)

1.1.2. « L’affaire du presbytère » : le clergé à l’initiative d’un chantier paroissial

Nous avons évoqué, à propos de la construction de la chaire à prêcher notamment, le

fait que le recteur s’implique aux côtés du général de la paroisse, en ce qui concerne les

chantiers paroissiaux. L’exemple du nouveau presbytère, dans les années 1770, montre même

que le recteur peut se trouver à l’initiative d’une construction religieuse.

Le nouveau presbytère est construit en 1779, à la demande de Laurent Geffray, recteur

d’Amanlis de mars 1774 à novembre 1783. Celui-ci avait refusé d’habiter le vieux presbytère

jugé « inhabitable » lorsqu’il prit possession de sa cure et opta – pour lui et ses vicaires – pour

une maison du bourg. Il demande au général de la paroisse de faire les réparations nécessaires,

mais le devis des travaux s’élève à la somme exorbitante de 6 000 livres. Après un imbroglio

entre le général, le nouveau recteur et les héritiers de l’ancien recteur Jollivet – ces derniers

s’étant engagés devant un notaire le 13 février 1773 à effectuer les réparations du presbytère –

la décision fut prise, en février 1775, de faire construire un nouveau presbytère. Le recteur

s’engage à payer la totalité des travaux, une dépense compensée par une indemnité de 5 700

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Les marchands et le patrimoine religieux

livres versée par les héritiers plus 300 livres par le général. Mais ce dernier, qui tient à voir les

plans et le devis, refuse cet arrangement le 12 mars 1775. Ce litige se poursuit jusqu’en 1778.

Le 1er mars 1778, la transaction est acceptée, les héritiers donnant une indemnité de 6 600

livres. L’assemblée des paroissiens donne son accord pour le devis du presbytère et les

travaux débutent sous les ordres du sieur Roger, entrepreneur, avec une architecture typique

du XVIIIe siècle. Le nouveau presbytère est terminé à la Toussaint 1779.

12 Le bâtiment, qui fait

64 pieds de long, 29 de large et 25 de hauteur13

, comporte un étage et une couverture à quatre

pans percée de trois lucarnes couronnant les trois travées centrales. Les ouvertures sont

disposées de manière symétrique entre les façades avant et arrière du presbytère, ce qui

constitue une nouveauté architecturale (cf. illustration n°26). A l’intérieur, on trouve au rez-

de-chaussée un vestibule, une cuisine, un salon et une salle ; le premier étage que l’on rejoint

par un escalier monumental, comporte trois chambres et deux cabinets ; enfin, le second étage

comprenait un grenier et un cabinet pour un domestique. Toutes les pièces étaient pavées et

les murs blanchis. Le recteur fait construire par la suite – à ses frais – des dépendances au

presbytère : grange, écurie, four, boulangerie.14

12

Ibid., p. 79-80. 13

Ce qui équivaut aux mesures actuelles : longueur 20,8 m ; largeur 9,4 m ; 8,1 m. 14

CHABIRAND, Raymond, Amanlis…,op. cit., p. 80.

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Les marchands et le patrimoine religieux

Illustration n°26 : Le nouveau presbytère d’Amanlis, construit en 1779

(cliché Thomas Perrono)

Façade avant

Façade arrière

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Chapitre 6 | 171

Les marchands et le patrimoine religieux

Cette « affaire du presbytère », qui a lieu entre le nouveau recteur de la paroisse, les

héritiers de son prédécesseur et enfin le général de la paroisse, montre l’implication du clergé

paroissial dans les chantiers de construction architecturale ou d’embellissement artistique du

patrimoine religieux d’Amanlis. Nous avons pu voir également que les chantiers paroissiaux

ont été très diffus au cours des XVIIe, XVIII

e et XIX

e siècles dans la paroisse d’Amanlis.

L’apogée de cet embellissement artistique pourrait correspondre à la construction des retables

lavallois au cœur de l’église paroissiale.

1.2. Les retables lavallois d’Amanlis : apogée de l’embellissement artistique de la

paroisse ?

1.2.1. Description des trois retables lavallois

Dans la première partie, nous avons évoqué la construction de trois retables dans les

années 1630-1640, situés dans le chœur et les deux chapelles de l’église paroissiale.15

Issus

des ateliers de Pierre Corbineau, ils prennent certainement pour modèle le retable du maître-

autel de la paroisse voisine de Piré.

Si nous nous appuyons sur le schéma élaboré par J. Salbert dans son étude sur les

retabliers lavallois aux XVIIe et XVIII

e siècles

16, nous pouvons voir que le retable du Rosaire,

situé dans la chapelle sud, comporte de nombreux éléments caractéristiques des retables

lavallois (cf. schéma n°3). Il faut bien entendu noter que cette analyse vaut pour les deux

autres retables présents dans l’église paroissiale d’Amanlis.

15

Cf. annexe n°22. 16

SALBERT Jacques, Les ateliers des retabliers lavallois aux XVIIe et XVIII

e siècles. Etude historique et artistique,

Paris, Klincksieck, 1976, p. 392.

Page 173: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 6 | 172

Les marchands et le patrimoine religieux

Schéma n°3 : Le retable du Rosaire de la chapelle sud, un retable lavallois

DECOR

A : Pots à feux

B : Angelots et têtes ailés d’angelots

C : Sculpture ornementale naturaliste,

subordonnée à la structure

D : Coquilles

E : Applications de marbre plat

STRUCTURE

1 : Importance des frontons

2 : Structure horizontale à trois corps, séparés à

l’étage supérieur

3 : Décor corinthien

4 : Niches réservées à une statuaire qui ne

masque pas la structure

5 : Structure verticale à plusieurs étages sur

soubassement

6 : Ailes en décrochement

Page 174: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 6 | 173

Les marchands et le patrimoine religieux

De manière générale, le retable est conçu comme une structure architecturale, comme

la seconde façade de l’église. D’ailleurs, on a très souvent supprimé la maîtresse vitre qui

gênait la visibilité du maître-autel, alors que celle-ci était jusque-là – avec l’autel majeur –

« l’élément principal déterminant l’organisation spatiale de l’église », comme le rappelle B.

Restif.17

Le retable est composée une structure horizontale, sous forme de trois travées (ou

corps). La position oblique des deux ailes suggère une perspective. On retrouve également

une structure verticale, à plusieurs étages de soubassements. Le corps central du retable

s’articule autour d’un tableau représentant un moment capital d’une narration biblique ou tout

du moins religieuse. On retrouve juste en dessous le tabernacle placé dans l’axe central, et qui

fait le lien entre l’autel et l’étage principal. Le corps central est encadré de colonnes et

surmonté d’un fronton. Les niches latérales, garnies de statues, issues généralement des

dévotions paroissiales. Le registre supérieur comporte également trois corps, accueillant des

niches à statues. Tout le décor appliqué au retable (têtes ailées d’angelots, coquilles, pots à

feu, chapiteaux corinthiens, éléments végétaux) est ici au service de la recherche de

l’équilibre, de l’harmonie et surtout de la symétrie ; le décor ne doit en aucun cas masquer la

structure.18

Toutefois, ces retables sont à replacer dans le contexte plus large de la Réforme

catholique.

1.2.2. Un art de la Réforme catholique venu du Bas-Maine

Le mouvement de la Réforme catholique – issu du Concile de Trente – se met en place

à partir dès les années 1610 en Bretagne. Pour sensibiliser le public à ce renouveau spirituel,

le domaine des arts est largement mis à contribution. L’art baroque, né en Italie au tournant

des XVIe et XVII

e siècles, se répand peu à peu en Europe. Il est porteur d’une liturgie fondée

sur l’émotion et le spectaculaire. La Bretagne, qui connaît son « âge d’or »19

économique, voit

la construction d’une multitude de retables dans ses églises comme dans ses chapelles. Les

fabriques paroissiales investissent alors des sommes énormes pour renouveler la décoration

17

RESTIF Bruno, La révolution des paroisses…, op. cit., p. 199. 18

Ibid., p. 254. 19

Expression empruntée au titre de l’ouvrage d’Alain Croix, CROIX Alain, L’âge d’or de la Bretagne. 1532-

1675, Rennes, Ouest-France, 1996.

Page 175: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 6 | 174

Les marchands et le patrimoine religieux

de leurs églises : « les retables sont alors préférés aux vitraux et aux jubés », ainsi que

l’indique G. Provost.20

Les retables lavallois, originaires du Bas-Maine et de la région angevine, ont

considérablement marqué le goût nouveau pour le mobilier religieux. A partir des années

1630, les ateliers lavallois, notamment ceux de Pierre Corbineau et des Houdault, ont fabriqué

en nombre important des retables en marbre et tuffeau venant des bords de la Loire.21

Pierre

Corbineau est le plus marquant d’entre eux par l’ampleur de son travail d’architecte. Né en

1600, issu d’une grande famille d’architectes du Maine, il œuvre dans un premier temps

auprès de son père, Etienne. Après avoir travaillé pour des églises conventuelles de sa région

d’origine, notamment chez les Bénédictines de Laval, Pierre vient œuvrer en Haute-Bretagne.

Son premier chantier fut le maître-autel de l’église paroissiale de Piré, paroisse limitrophe

d’Amanlis, en 1632, lui en tant qu’architecte, un certain Biardeau, de Laval également, en tant

que sculpteur.22

Durant les années 1630-1650, Corbineau réalise de nombreux autres retables

dans les paroisses rurales de l’évêché de Rennes : dans la zone toilière – Amanlis, Brie,

Drouges – comme en dehors – Saint-Germain-sur-Ille. Par la suite, son art prend une autre

dimension. Il dirige l’achèvement du Parlement de Bretagne, à la suite de son père, de 1646 à

1655, puis la réalisation de la façade de la cathédrale de Rennes de 1654 à 1678, année de son

décès, incarnant ainsi « l’école lavalloise ».23

Au final, si nous avons dit qu’Amanlis a connu une période de constructions

religieuses tout au long des XVIIe, XVIII

e et XIX

e siècles, il est clair que les années 1630-1640

marquent une « apogée » de l’embellissement religieux de la paroisse avec la construction de

trois retables lavallois. Ce mobilier religieux issue de la Réforme catholique, originaire du

Bas-Maine, était très à la mode dans l’évêché de Rennes dans la première moitié du XVIIe

siècle. Nous pouvons nous demander si les marchands de toiles ont eu une influence dans

20

PROVOST Georges, « Retable », in CROIX Alain, CASSARD Jean-Christophe, LE QUEAU Jean-René [dir.],

Dictionnaire d’Histoire de Bretagne, Morlaix, Skol Vreizh, 2008, p. 841. 21

Les matériaux utilisés par les ateliers lavallois sont le tuffeau, pierre tendre et blanche, extrait des carrières du

Saumurois ou de la Touraine, et le marbre, noir, rouge ou jaune, provenant de Saint-Berthevin, Argentré ou

Sablé, à l’Est du bassin de Laval. 22

En 1638, Pierre Corbineau construit les deux autels latéraux de la Sainte-Vierge (comportant en son centre un

tableau du Rosaire) et de Saint-Jean-Baptiste (comportant en son centre la représentation du martyre du saint

avec les inscriptions "Donné par les confrères de S. Pierre. 1639", à gauche du tableau, et "Lagovz fecit au

Mans", plus bas). 23

RESTIF Bruno, La révolution des paroisses…, op. cit., p. 200.

Page 176: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 6 | 175

Les marchands et le patrimoine religieux

l’introduction de ces arts religieux, ainsi que sur les décisions de constructions

architecturales ?

2. Quelle influence ont eu les marchands de toiles sur l’art religieux paroissial ?

2.1. Une influence indirecte par l’intermédiaire des institutions paroissiales

Nous avons dit auparavant que les biens temporels de la paroisse sont gérés par la

fabrique et que les décisions importantes, en ce qui concerne les projets de construction et

d’entretien des chapelles et de l’église, sont prises par le général, composé de douze

délibérants plus les deux trésoriers. Dans le chapitre précédent, nous avons vu l’emprise du

groupe social des marchands de toiles sur cette assemblée paroissiale, au moins pour les plus

riches d’entre eux. Il est donc permis de faire l’hypothèse que les marchands de toiles ont

forcément pesé sur les décisions prises en matière de chantiers paroissiaux. Ont-ils eu par

contre une voix prépondérante ? Nous ne pouvons l’affirmer. Il aurait fallu pour cela,

dépouiller les registres de délibérations dans les mois précédents tous ces chantiers

paroissiaux. En revanche, il est impossible que le groupe social des marchands de toiles ait pu

peser, par l’intermédiaire des institutions paroissiales, sur les projets de constructions de

retables dans les années 1630-1640, puisque le général de la paroisse n’existe pas avant la fin

du XVIIe siècle. Est-il possible pour autant que les marchands de toiles aient participé au

financement artistique par le biais d’initiatives individuelles ?

2.2. Une influence directe limitée : l’exemple de la construction de deux vitraux

Le financement d’œuvres d’art au profit de l’église, par le biais d’initiatives

individuelles, peut permettre de montrer un impact direct, de la part du groupe social des

marchands de toiles, sur les chantiers paroissiaux. A Amanlis, nous avons repéré deux vitraux

issus de dons émanant des familles marchandes de la commune.

Ainsi, de 1882 à 1890, les anciens vitraux blancs de l’église sont remplacés. Les

nouveaux vitraux sont exécutés par les ateliers Lecomte et Colin de Rennes. D’après R.

Chabirand, « on se rendit compte qu’ils n’étaient pas des chefs-d’œuvre, ni par le dessin, ni

par la technique de fabrication », d’ailleurs « la famille qui avait promis de payer celui de

Page 177: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 6 | 176

Les marchands et le patrimoine religieux

l’Ange gardien [en 1882] se récusa quand elle vit l’ouvrage. […] Le vitrail resta donc à la

charge du recteur. […] Le moins médiocre semble être celui du Sacré-Cœur. »24

Il n’en reste pas moins que la famille « Jouzel-Arondel » offrit, en 1883, le vitrail de

Saint-François-Xavier, qui est situé dans la nef du côté nord (cf. illustration n°28). Il s’agit

en fait de François Jouzel (1812-1888), longtemps marchand de toiles et propriétaire de la

Ferronnerie, fils de François Jouzel (1781-1814), cultivateur à Néron, petit-fils de Pierre

Jouzel (1753-1830), marchand de toiles et premier propriétaire de la Ferronnerie, et mari de

Joséphine Arondel (1816-1898), elle-même fille de Pierre-Antoine Arondel (1761-1833),

marchand de toiles au Talus. François, avec son beau-frère Désiré Arondel (1807-1892),

avaient été les principaux entrepreneurs toiliers d’Amanlis lorsque la manufacture des toiles

rurales connaissait son dernier souffle au milieu du siècle. Un de ses fils, François (1858-

1935), est, par ailleurs, prêtre depuis l’année précédant l’offrande du vitrail. Faut-il y voir un

lien de cause à effet ? Ce dernier, né à la Ferronnerie, est par la suite professeur au collège

Saint-Vincent de Rennes, puis vicaire à Saint-Sauveur de Rennes, aumônier de la Visitation,

de Saint-Yves et de l’Espérance, chanoine titulaire en 1911, et enfin vicaire général entre

1916 et 1919.25

24

CHABIRAND, Raymond, Amanlis…, op. cit., p. 207. 25

Ibid., p. 244.

Page 178: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 6 | 177

Les marchands et le patrimoine religieux

Illustration n°28 : Le vitrail de Saint-François-Xavier, offert par la famille Jouzel-

Arondel en 1883

(clichés Thomas Perrono)

Le vitrail de Saint-Jean Eudes, situé dans la nef côté sud, fut offert, en 1883,

indirectement par une famille de marchands de toiles, plus précisément par des descendants

de Jean-François Chevrel (1763-1841), des Douëts de Néron (cf. illustration n°29). Il est

inscrit sur le vitrail : « HIC EST FILIUS MEUM – DILECTUS ET COR MEUM

AMANTISSIMUM – R.R. P.P. CHEVREL » ; ceci pourrait être traduit par « C’est mon fils

chéri et mon cœur affectueux, le révérend père Chevrel ». Deux fils de Jean-Baptiste Chevrel

(1800-1871), lui aussi marchand de toiles aux Douëts de Néron, et petits-fils de Jean-François

Chevrel, sont ordonnés prêtre au milieu du XIXe siècle. Il s’agit de Pierre-Marie (1838-1913),

prêtre en 1862, qui appartient à la congrégation des eudistes. Il est plus tard le supérieur du

séminaire de Valognes, dans le département de la Manche, mais revient à Amanlis à la fin de

ses jours. Son frère, Ferdinand (1843-1886), prêtre en 1868, fait partie de la même

congrégation religieuse. Cette appartenance à la congrégation de Jésus et Marie (personnages

Page 179: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 6 | 178

Les marchands et le patrimoine religieux

principaux du vitrail) fondée en 1643 par Jean Eudes, explique le thème choisit pour le vitrail.

Cette congrégation religieuse, très présente dans le diocèse de Rennes, avait pour mission de

former le clergé, notamment à travers les séminaires.

Illustration n°29 : Le vitrail de Saint-Jean-Eudes, offert par les pères Chevrel en 1883

(clichés Thomas Perrono)

Ces deux exemples de vitraux offerts par des familles de marchands de toiles à la

paroisse d’Amanlis sont les seuls dons de la même nature à notre connaissance. Ils prouvent,

bien que de façon modeste, que cette élite locale des marchands de toiles a laissé son

empreinte dans la paroisse à travers l’embellissement artistique de son église. Il faut

néanmoins garder en mémoire l’époque tardive de ces vitraux, à la fin du XIXe siècle, alors

que la manufacture des toiles à voiles a totalement disparu. Ceci pose la question de savoir s’il

existe un lien entre la prospérité toilière et les dépenses artistiques dans les paroisses rurales

de la manufacture des toiles à voile.

Page 180: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 6 | 179

Les marchands et le patrimoine religieux

3. Un lien entre prospérité toilière et chantiers paroissiaux dans les paroisses rurales

de la manufacture des toiles à voile ?

3.1. Les retables lavallois, symbole du lien entre prospérité toilière et dépenses

artistiques ?

Si les retables lavallois peuvent constituer « l’apogée » de l’embellissement artistique

dans les paroisses rurales des environs de Rennes, il faut se poser la question de savoir si ces

commandes de mobilier religieux pourraient avoir un lien avec une conjoncture économique

favorable liée au commerce des toiles. Ce lien a clairement été démontré pour les

manufactures linières des « crées » et des « bretagnes ». Qu’en est-il des paroisses rurales du

triangle Rennes-Vitré-La Guerche ? Il faut commencer par savoir si l’on remarque une

présence plus importante des retables lavallois au sein de la manufacture des toiles à voile par

rapport aux paroisses situées à la périphérie.

Pour poser les premières hypothèses sur ce lien entre prospérité toilière et les chantiers

paroissiaux, nous allons nous concentrer sur les travaux de B. Restif et notamment sur la carte

produite dans sa thèse, qui localise les retables réalisés pour des églises paroissiales au XVIIe

siècle (1620-1702) (cf. carte n°7).26

26

RESTIF Bruno, La révolution des paroisses…, op. cit., p. 253.

Page 181: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 6 | 180

Les marchands et le patrimoine religieux

Carte n°7 : Localisation des retables dans la manufacture des toiles à voile et dans la

périphérie

Zone de la manufacture des toiles à voile

1- Rennes

2- Vitré

3- La Guerche

4- Amanlis

5- Châteaugiron

6- Janzé

7- Piré

Zones périphériques à la manufacture

I- Secteur de Bain et du Sel

II- Secteur de Liffré

III- Secteur de Martigné-Ferchaud

En analysant cette carte, on remarque qu’il y a bien une présence plus forte de retables

lavallois au sein des paroisses appartenant à la manufacture des toiles à voile. Sur une

cinquantaine de paroisses situées entre Rennes, Vitré et La Guerche, environ une paroisse sur

deux possède au moins un retable lavallois dans son église paroissiale. Mais l’on trouve

également dans ces paroisses bon nombre de retables inspirés du modèle lavallois,

généralement en bois, matériau moins coûteux que le marbre et le tuffeau. Ce premier constat

n’est pas suffisant pour conclure à une corrélation entre la prospérité économique liée à la

proto-industrie des toiles à voile au XVIIe siècle et la forte présence des retables lavallois au

sein de ces paroisses, il incite même à poursuivre l’enquête.

Page 182: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 6 | 181

Les marchands et le patrimoine religieux

Pour cela, il est nécessaire d’analyser la densité de retables lavallois hors de la

manufacture des toiles à voile, en nous concentrant sur les paroisses rurales, à proximité de la

manufacture des toiles à voile, dans les secteurs de Bain, du Sel (zone I), de Liffré (zone II) et

de Martigné-Ferchaud (zone III). En ce qui concerne les secteurs I et II, le constat est simple :

alors que l’on se situe juste à la périphérie de la manufacture des toiles à voile, on ne

dénombre aucun retable lavallois et très peu de retables calqués sur ce style, puisqu’on n’en

retrouve qu’à Chasné-sur-Illet ou Lalleu. L’absence d’essor économique important, au XVIIe

siècle, pour ces paroisses rurales, aurait ainsi pu les empêcher de suivre le mouvement de

renouvellement du mobilier religieux paroissial. En revanche pour le secteur de Martigné-

Ferchaud (zone III), le constat est moins clair, puisque l’on y trouve la même densité de

retables lavallois que dans la manufacture. Toutefois une explication peut être avancée à ce

phénomène. Martigné-Ferchaud a connu une certaine expansion économique aux XVIIe et

XVIIIe siècle grâce au travail du fer et le commerce des clous notamment.

27 Cette zone rurale

enrichie par une autre activité proto-industrielle aurait ainsi pu chercher à imiter les paroisses

rurales de la manufacture toilière, en investissant l’argent paroissial dans la construction de

retables lavallois.

Si l’étude du patrimoine religieux du XVIIe et du début du XVIII

e siècle n’est pas

suffisant pour conclure sur un lien entre prospérité toilière et investissement artistique

religieux, l’analyse du mouvement de reconstruction des églises paroissiales au XIXe siècle

pourrait apporter de nouvelles hypothèses à ce sujet.

3.2. Conserver ou reconstruire l’église paroissiale au XIXe siècle : un choix artistique ou

un choix économique ?

Au printemps 2011, les Archives départementales d’Ille-et-Vilaine consacrent une

exposition à Arthur Regnault (1839-1932), l’architecte qui a sûrement le plus marqué le

paysage religieux de l’Ille-et-Vilaine au XIXe siècle. Il a ainsi largement participé au

mouvement de construction ou de reconstruction des églises que l’on voit apparaître dans le

département tout au long du XIXe siècle. Il serait alors intéressant de voir quel impact a eu ce

mouvement à l’intérieur de la manufacture des toiles à voile et à sa périphérie (cf. carte n°8).

27

Le toponyme de « Ferchaud » serait d’ailleurs issu de la forme francisé du latin « ferri caldi », signifiant « fer

chaud ».

Page 183: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 6 | 182

Les marchands et le patrimoine religieux

Peut-on parler ici, comme pour les retables lavallois, d’une originalité en matière de

constructions religieuses pour les communes rurales du triangle Rennes-Vitré-La Guerche ?

Carte n°8 : Constructions et reconstructions d’églises, au XIXe siècle, dans la zone de

production des toiles à voile et à sa périphérie

A partir de cette carte, le constat est simple en ce qui concerne ce mouvement de

construction d’églises : il est beaucoup plus important pour les communes situées à la

périphérie de la manufacture des toiles à voile. Ainsi, 63% des communes (22/35) situées

dans les environs de Martigné-Ferchaud, de Bain, du Sel et de Liffré ont connu des

constructions d’édifices religieux au cours du XIXe siècle. Ce qui est le cas notamment à

Martigné-Ferchaud, Tresboeuf, Bain, Le Sel, Saulnières, Liffré, La Bouexière, Thorigné-

Fouillard, etc. Alors, que dans le même temps, ces constructions n’ont eu lieu que dans un

quart des communes (12/47) de la manufacture des toiles à voile, comme à Janzé,

Page 184: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 6 | 183

Les marchands et le patrimoine religieux

Châteaugiron, ou Noyal-sur-Vilaine. Cette dissemblance entre les communes à l’intérieur de

la manufacture chanvrière et celles situées à la périphérie nous conduit à poser plusieurs

hypothèses.

D’un côté, cette singularité pourrait relever d’un choix artistique. Ainsi, le jugement,

de la part des constructeurs d’églises du XIXe siècle, d’une absence de patrimoine

« d’exception » dans les communes extérieures à la manufacture des toiles à voile, les

auraient poussé à construire de nouvelles églises, le plus souvent dans le style néo-gothique.

Tandis que l’on aurait souhaité dans les communes au passé toilier, préserver les anciennes

églises et leurs retables lavallois, témoins d’une splendeur économique et paroissiale

désormais révolue.

D’un autre côté, cette non-participation au mouvement de construction de nouvelles

églises pourrait révéler un choix économique. L’effondrement de la proto-industrie textile,

dans les mêmes années, aurait pu empêcher les communes rurales de la manufacture des toiles

à voile d’investir dans un nouveau patrimoine religieux. En outre, cette hypothèse peut être

appuyée par le fait que parmi les seules communes de la manufacture à construire des

nouvelles églises, on retrouve des centres ruraux de commerce comme Janzé, Châteaugiron et

Noyal-sur-Vilaine. Dans ces cas, les nouvelles constructions pour s’expliquer par le maintien

d’une conjoncture économique moins mauvaise que dans les communes rurales voisines, et

parfois, par la nécessité d’agrandir les églises, due à l’accueil de nouveaux habitants ayant

quitté les campagnes proches.

Ces deux hypothèses ne sont pas forcément antinomiques. A Amanlis, par exemple, on

peut très bien imaginer que l’on ait souhaité conserver l’église paroissiale par soucis

d’héritage patrimonial, tout en améliorant certains éléments – grâce à des initiatives privées –,

comme les vitraux dont nous avons parlé plus haut. De plus, l’économie locale n’étant plus

aussi florissante que par le passé, le conseil municipal aurait préféré investir dans une mairie-

école dans les années 1870, plutôt que de faire construire une nouvelle église.

Au final, il semble bien que les paroisses rurales de la manufacture des toiles à voile

présentent une spécificité artistique religieuse. Nous dénombrons, parmi elles, une quantité

largement supérieure de retables lavallois, par rapport aux autres paroisses rurales situées à la

périphérie de la manufacture. Le retable lavallois, par la cherté de ses matériaux (tuffeau et

Page 185: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 6 | 184

Les marchands et le patrimoine religieux

marbre), la renommée des ateliers lavallois et les modifications architecturales induites sur

l’église (suppression de la maîtresse-vitre notamment), coûtait un prix très élevé aux fabriques

paroissiales qui sont à l’origine de ces chantiers. En outre, au XIXe siècle, on retrouve le même

phénomène de spécificité mais inversée, avec le mouvement de construction d’églises. On

trouve ainsi beaucoup moins de nouvelles églises parmi les communes de la manufacture des

toiles à voile, par rapport à sa périphérie.

Malgré tout, il reste difficile de conclure de façon définitive sur la question de savoir

s’il y a véritablement un lien entre prospérité toilière et dépenses artistiques, au sein de la

manufacture des toiles à voiles. En fait, la manufacture des toiles à voile n’aurait-elle pas

produit un modèle spécifique d’investissement artistique ?

3.3. La manufacture des toiles à voile : un modèle spécifique d’investissement artistique ?

A travers l’étude des deux exemples des retables lavallois au XVIIe et début XVIII

e

siècle, ainsi que du mouvement de reconstruction des églises paroissiales au XIXe siècle, nous

avons poser l’hypothèse d’un modèle d’investissement dans l’art religieux spécifique à la

manufacture des toiles à voiles, notamment en comparaison avec ce qui a été démontré pour

les enclos paroissiaux du Léon ou dans la manufacture des « bretagnes ».

Comme le suggéraient dans leur article Y. Lagadec et D. Pointeau, nous nous sommes

donc intéressé aux « autres éléments du décor des églises mais aussi, de manière plus globale,

à la conjoncture des constructions et transformations de ces édifices ».28

A partir de là, nous

avons tenté de trouver un critère suffisamment intéressant pour différencier les paroisses de la

manufacture et les paroisses extérieures en terme d’investissement artistique. Après réflexion,

nous avons opté pour le mouvement de construction ou de reconstruction des clochers. Ce

choix s’explique par le fait que ces constructions ne sont pas soumises à des impératifs

religieux, comme peuvent l’être les constructions de sacristie avec la Réforme catholique,

mais elles sont les seuls effets de finances paroissiales florissantes. Cependant les

informations que nous avons pu collecter ne sont pas suffisantes pour en retirer des

conclusions. Au final, seule l’étude complète des comptes de fabriques d’un grand nombre de

paroisses situées à l’intérieur et à l’extérieur de la manufacture, sur une période assez large,

pour voir si des revenus extraordinaires provenant des marchands de toiles pourraient

28

LAGADEC Yann, POINTEAU Delphine, « La protoindustrie textile dans les campagnes des environs de Vitré

(XVIe-XIX

e siècles) : un modèle spécifique de production ? », MSHAB, 2006, p. 194.

Page 186: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 6 | 185

Les marchands et le patrimoine religieux

correspondre à des investissements artistiques religieux, permettrait de conclure sur le lien

entre prospérité toilière et investissement artistique et donc sur l’originalité supposée de la

manufacture des toiles à voiles.

Néanmoins plusieurs éléments nous poussent à penser que l’hypothèse d’un modèle

d’investissement artistique religieux spécifique à la manufacture des toiles à voiles, est la

seule valable. Ainsi, l’investissement semble avoir été diffus tout au long des XVIIe, XVIII

e et

XIXe siècles. De plus, les chantiers paroissiaux n’ont pas l’envergure de ceux du Léon et de

ses enclos paroissiaux. Une église comme celle d’Amanlis a été peu à peu améliorée au fil des

siècles. Aucun élément ne nous permettrait, également, de démontrer que des marchands de

toiles d’Amanlis auraient eu la volonté d’affirmer leur richesse acquise par le commerce des

toiles à voiles en investissant dans l’art religieux. En outre, la richesse issue du commerce des

toiles à voiles a certainement contribué à enrichir artistiquement les églises paroissiales, mais

cela ne peut pas être la source unique de cet investissement. D’ailleurs, Y. Lagadec se

demande si dans le cas de Louvigné-de-Bais, la prospérité céréalière de la paroisse ne serait

pas plus importante que la prospérité toilière pour expliquer « la construction d’une nouvelle

église au XVIe siècle, l’édification de trois retables lavallois dans les années 1653-1671, la

construction ou la reconstruction d’une sacristie, d’un clocher, d’un nouveau maître-autel ou

encore l’agrandissement de l’église au XVIIIe siècle. »

29 En fait, il ne faut chercher à

transposer, pour la manufacture des toiles à voiles, les analyses de l’investissement artistique

religieux étudié pour les manufactures des « crées » et des « bretagnes ».

Conclusion :

Au final, tout comme la manufacture des toiles à voiles nous est apparu singulière, par

rapport aux deux autres manufactures du Léon et du Centre-Bretagne, dans son

fonctionnement économique, il semble en être de même en ce qui concerne son patrimoine

religieux. Dans les campagnes situées dans le triangle Rennes/Vitré/La Guerche, à Amanlis a

fortiori, les marchands de toiles n’ont pas ou très peu influencé, de façon directe, les dépenses

artistiques engagées lors des chantiers paroissiaux. De plus, la seule existence des chefs-

d’œuvre de la Réforme catholique que sont les retables lavallois ne peut pas conduire à

29

Ibid., p. 195.

Page 187: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 6 | 186

Les marchands et le patrimoine religieux

conclure qu’ils sont forcément issus d’une prospérité toilière, comme si l’on cherchait à faire

rentrer ce type d’investissement artistique dans un cadre construit pour le Léon et ses enclos

paroissiaux.

Page 188: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 7 | 187

Le destin d’une activité « fragile »

C H A P I T R E 7

Le destin d’une activité « fragile » :

vers la disparition des toiles à voiles dans les années 1860

Deux grandes causes ont généralement été invoquées pour expliquer la faillite de la

production des toiles à voiles dans les campagnes rennaises au XIXe siècle : la forte

concurrence des toiles fabriquées dans les manufactures mécaniques du Nord et de l’Est de la

France, ainsi que l’abandon de la marine à voile, au profit de la marine à vapeur.1 Nous

pensons qu’il faut chercher des causes plus profondes à la responsabilité de l’arrêt définitif de

la manufacture au milieu du XIXe siècle. Cette production « fragile » des toiles à voiles est

minée depuis longtemps par une série de causes structurelles.

Nous analyserons, dans un premier temps, les causes structurelles responsables d’une

dégradation lente et durable du commerce des toiles, qu’il s’agisse de l’endettement chronique

des marchands ou des fraudes et malfaçons qui altèrent la qualité de la marchandise. Dans un

second temps, nous étudierons la concurrence nouvelle des toiles « mécaniques » apparue dès

la fin du XVIIIe siècle à Rennes, ainsi que la tentative de réponse apportée par les producteurs

ruraux de toiles à voiles.

1 LE CHARLES Monique, « Au temps des noyales », in MARTIN Jean, PELLERIN Yvon (dir.), Du lin à la toile : la

proto-industrie textile en Bretagne, Rennes, PUR, 2008, p. 187.

Page 189: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 7 | 188

Le destin d’une activité « fragile »

1. Les causes structurelles

Depuis le XVIIIe siècle la production et le commerce des toiles à voiles sont gangrénés

par l’endettement important des marchands de toiles, ce qui entraîne la faillite de plusieurs

d’entre eux, les malfaçons et les fraudes sur la marchandise nuisant à la qualité des toiles.

1.1. L’endettement responsable de faillites de marchands

Nous avons déjà évoqué dans les chapitres précédents l’administration consulaire

chargée de juger les litiges liés aux pratiques commerciales et faillites. Nous avons trouvé

plusieurs dossiers concernant des marchands de toiles d’Amanlis et des environs, au sein des

archives du Consulat de Rennes. Pour la période 1726-1790 – année de la suppression du

Consulat sous la Révolution –, nous disposons d’un corpus de neuf dossiers de faillites

commerciales. Nous avons cherché à étendre cette étude au XIXe siècle. Toutefois nous

n’avons trouvé aucun dossier de ce type dans les archives du Tribunal de commerce de

Rennes.2

Concernant les faillites de marchands de toiles, nous aborderons les différents types

d’endettements, les motivations de leurs emprunts, ainsi que la localisation géographique des

créanciers.

1.1.1. Quels types d’endettement ?

Les neuf dossiers de faillites présentent des situations bien différentes, à l’exemple de

Jean Pelhâtre, marchand de fils à Janzé, et Jacquette Hamelin, veuve de François Marchand,

de Châteaugiron.3 Ils présentent respectivement une dette de 1 169 L. et 31 959 L. Le cas de

la marchande de toiles est exceptionnel puisque la moyenne des dettes des autres marchands

s’élève à environ 3 000 L. (cf. tableau n°21).

2 ADIV, 6U 1 1031, 6U 1 1032, 6U 1 1033, 6U 1 1034. Archives du Tribunal de commerce de Rennes, dossiers

de faillites (an VIII-1867). 3 ADIV, 10B 138 – n° 441. Dossier de faillite de Jean Pelhâtre, marchand de fil aux Fourches à Janzé, en date du

9 juin 1789. ADIV, 10B 141 – n° 456. Dossier de faillite de Jacquette Hamelin, veuve de François Marchand,

marchande à Châteaugiron, en date du 3 février 1790. Cf. annexe n°23.

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Chapitre 7 | 189

Le destin d’une activité « fragile »

Tableau n°21 : Les marchands de toiles en faillite entre 1726 et 1790 Date Nom Paroisse Total dettes passives Total des actifs

4

1726 Pierre Guihery Châteaugiron 3 931 lt 8 626 lt

1753 Jacques Gérard Piré 3 301 lt 1 325 lt

1766 Olivier Bienassis Châteaugiron 1 355 lt 4 132 lt

1777 J.-F. Leremeneux Châteaugiron 7 986 lt 5 132 lt

1783 René Albert Amanlis 5 272 lt 1 828 lt

1783 Gabriel Hervouin Châteaugiron 1 788 lt 547 lt

1784 René Divet Châteaugiron 1 532 lt 519 lt

1789 Jean Pelhâtre Janzé 1 169 lt 3 157 lt

1790 Jacquette Hamelin Châteaugiron 31 959 lt 13 200 lt

A côté de ces dettes passives, cinq marchands possèdent également des dettes actives.

Les marchands peuvent être débiteur et créancier. Lorsque l’on analyse plus en détail ces

dettes actives, il apparaît que bon nombre d’entre elles sont en fait de « mauvaises dettes » :

les dettes actives des marchands n’ont aucune chance d’être remboursées. Par exemple,

« Julienne Bienassis sœur du dit Ollivier Bienassis lui doit par une part 78 lt d’une autre 33 lt

et d’une troisième 46 lt 13 s, lesquelles trois sommes font ensemble celle de 157 lt 13 s. Dont

il ne poura jamais avoir païement attendu l’insolvabilité de sa sœur. »5 L’argent dû au

marchand de toiles de Châteaugiron par sa sœur relève des dettes actives, mais le Consulat

estime que le marchand ne peut pas compter sur cet argent pour rembourser ses propres dettes

passives, c’est donc une « mauvaise dette ». Ces dettes actives aux côtés des dettes passives

montrent une circulation facile de l’argent et une pratique ordinaire du paiement à crédit.

Cette souplesse peut toutefois devenir un piège lorsque l’on ne peut plus se faire rembourser

l’argent ou les marchandises avancés. Un cercle vicieux s’installe. La situation du marchand

devient critique : ne pouvant plus honorer ses créanciers, la faillite devient un risque tangible.

En cas de faillite d’un débiteur, le créancier peut être classé selon plusieurs catégories.

Ce cas s’observe chez René Albert, marchand de toiles à Amanlis. On trouve parmi ses

créanciers, des créanciers préférables, « hipotéquaires », ou chirographaires.6 C'est-à-dire,

4 Le total des actifs représente la somme des dettes actives, des biens mobiliers prisés dans l’inventaire, des biens

immobiliers et propriétés foncières. 5 ADIV, 10B 93 – n° 148. Dossier de faillite d’Olivier Bienassis, marchand de toiles à Châteaugiron, en date du

5 février 1766. 6 ADIV, 10B 117 – n° 336. Dossier de faillite de René Albert, marchand de toiles à la Hantelle en Amanlis, en

date du 19 septembre 1783. Cf. annexe n°24.

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Chapitre 7 | 190

Le destin d’une activité « fragile »

lorsque plusieurs créanciers doivent se partager le produit de la vente des biens ayant

appartenu à leur débiteur commun et que cette somme n'est pas d'un montant suffisant pour

les désintéresser tous, il s'ouvre une procédure dite « de distribution » qui a lieu à l'initiative

du greffier en chef de la juridiction – ici la juridiction consulaire de Rennes. Les créanciers

qui disposent d'un privilège ou d'une sûreté – par exemple, le Trésor pour le paiement des

impôts restés impayés ou les employés pour leurs salaires et leurs avantages salariaux ou

encore le bailleur pour les loyers – sont dits « créanciers privilégiés ». Ils sont remboursés

avant les autres et dans l'ordre fixé par la loi. Les autres créanciers n’ayant pas de privilège

légal sont dits « chirographaires ». S’il reste un reliquat après règlement des créances

privilégiées, ils sont payés « au marc-le-franc », ce qui signifie qu'ils reçoivent un

« dividende » calculé en faisant le rapport entre le montant de la créance de chacun d'eux et le

montant global de la somme restant à distribuer.

A côté du montant de la dette et du nom du créancier, il est régulièrement mentionné la

raison pour laquelle celle-ci a été contractée.7 Il est intéressant de voir que dans la majorité

des cas, les raisons invoquées ont un lien avec le commerce toilier : « toiles », « fourniture de

marchandises », « fil écru », « restant de métier à toiles », « loyer d’un étal », « ferrures de

chevaux ». D’autres sont en rapport avec la propriété foncière et agricole, comme la

« jouissance de biens immeubles » ou « la ferme d’un verger ». Enfin, la vie quotidienne est

également source d’endettement, lorsque l’on se trouve confronté, par exemple, à un accident,

ou à la maladie comme René Divet, de Châteaugiron, qui doit 90 lt au sieur Jan Fugne, « pour

une maladie aux jambes brulées qui ont été pensées de trois mois, avant de guerir,

simplement à 1 lt 10 s par jour. »8

Après avoir analysé les mécanismes de l’endettement des marchands de toiles, nous

pouvons nous demander si celui-ci se construit seulement à un niveau local?

1.1.2. L’origine géographique des créanciers

Nous avons pu établir une cartographie de l’origine géographique des créanciers et des

débiteurs des marchands de toiles, grâce aux informations fournies lors de la déclaration des

dettes passives (cf. carte n°9).

7 ADIV, 10B 141 – n° 456. Dossier de faillite de Jacquette Hamelin, veuve de François Marchand, marchande à

Châteaugiron, en date du 3 février 1790. Cf. annexe n°23. 8 ADIV, 10B 118 – n° 348. Dossier de faillite de René Divet, marchand de toiles à Châteaugiron, en date du 12

mai 1784.

Page 192: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 7 | 191

Le destin d’une activité « fragile »

Carte n°9 : L’origine géographique des créanciers et des débiteurs des marchands de

toiles en faillite au XVIIIe siècle (1726-1790)

Nous pouvons remarquer que la quasi-totalité des créanciers et débiteurs des

marchands de toiles sont originaires des paroisses rurales situées dans le triangle

Rennes/Vitré/La Guerche, voire même au sein des paroisses d’Amanlis, de Châteaugiron, de

Piré et de Janzé. Les dettes contractées et les prêts se font donc au niveau local, pour des

sommes généralement modiques, entre des personnes qui se connaissent. Par exemple dans le

dossier de René Albert, de la Hantelle à Amanlis, on retrouve un nombre important de noms

de famille de la paroisse : Chevrel, Garnier, Debroise, Croyal, Bigot, Paris, Tortellier… Le

marchand de toiles en faillite s’est donc endetté en grande partie auprès de ses voisins et

même auprès du recteur. 9

Cela prouve une nouvelle fois que les marchands ruraux n’ont

d’autre horizon que celui de leur paroisse et des paroisses voisines, tout au plus pour les plus

riches d’entre eux celui de la ville de Rennes où ils viennent vendre leur marchandise.

Ce fonctionnement « local » de l’endettement ne va pas forcément de soi dans les

milieux commerciaux. Pour le montrer, nous pouvons nous appuyer sur les dossiers de trois

9 ADIV, 10B 117 – n° 336. Dossier de faillite de René Albert, marchand de toiles à la Hantelle en Amanlis, en

date du 19 septembre 1783. Cf. annexe n°24.

Page 193: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 7 | 192

Le destin d’une activité « fragile »

marchands d’étoffes ou de draps et non plus de toiles, originaires de Châteaugiron et de

Janzé.10

Si l’on établit une cartographie de l’origine géographique de leurs créanciers, la carte

prend une autre dimension (cf. carte n°10).

Carte n°10 : L’origine géographique des créanciers des marchands d’étoffes et de draps

en faillite au XVIIIe siècle

C’est à l’échelle du royaume de France que l’on répertorie les créanciers des

marchands d’étoffes et de draps, et non plus à la seule échelle des campagnes rennaises

comme pour les toiles à voiles. Ceci permet de démontrer que les marchands s’endettent ou

prêtent de l’argent à leurs relations commerciales : au niveau local pour les toiles à voiles, à

l’échelle du pays pour les étoffes.

10

ADIV, 10B 129 – n° 395. Dossier de faillite de P.G. Morel, marchand à Janzé, en date du 29 janvier 1787.

ADIV, 10B 134 – n° 407. Dossier de faillite d’André Frogé, marchand de draps et soie à Châteaugiron, en date

du 31 juillet 1787. ADIV, 10B 144 – n° 479. Dossier de faillite de sieur Thomas Limousin, marchand d’étoffes à

Châteaugiron, en date du 28 décembre 1790.

Page 194: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 7 | 193

Le destin d’une activité « fragile »

1.2. Un commerce affaiblit par les fraudes et les malfaçons

Avec la mise en place de la politique mercantiliste de Colbert dans les années 1670 le

contrôle de la qualité des toiles devient une priorité. C’est ainsi que l’on voit apparaître un

règlement royal du 4 décembre 1745, qui définit précisément les types de voiles qui peuvent

être fabriquées avec les données de fabrication, dans la manufacture des toiles à voiles. Pour

contrôler cette fabrication, « fleurissent alors, pour l’essentiel à compter du second tiers du

XVIIIe siècle, des bureaux de contrôle et de marques de toiles installés dans les villes, […] ou

les gros bourgs des différentes zones de production. »11

Vers 1750, on retrouve des bureaux

de contrôle à Rennes, Vitré et La Guerche, au sein de la manufacture des toiles à voiles.

Il est régulier de voir des malfaçons dans les toiles. Dans son rapport de 1751, Coisy

constate qu’elles sont parfois les conséquences de tentatives de fraudes lorsque les toiles sont

présentées au bureau de contrôle et de marque. 12

Cette mauvaise qualité des toiles serait à

l’origine de la perte de vitesse concurrentielle des toiles à voiles sur les marchés

internationaux au XVIIIe siècle. Coisy rend compte de la déficience des contrôles dans les

différents bureaux où « les visites étoient mal faites, la police mal suivie dans les bureaux »,

ce qui favorise la production de mauvaises toiles. Ainsi « le fabriquant faisoit des toiles dans

des largeurs au-dessous de celles prescrites et dans des nombres de fils dans les chaînes

beaucoup inférieures à ce qu’il étoit ordonné »13

. Coisy signale aussi la vente d’une toile à la

place d’une autre de meilleure qualité, « on vendoit des quatre fils communs pour des quatre

fils de brin et on les envoyoit au consommateur qui étoit trompé. »14

On peut également

constater des vices dans la fabrication des toiles comme le « soufflage d’eau dans les toiles »,

opération qui consiste à mouiller la toile pour qu’elle soit plus lourde lors de la vente, et ainsi

plus chère, mais cela détériore la toile qui pourrit et se « déchire au premier coup de vent ».

Un rapport daté de 1771, faisant des « observations sur la fabrique des toiles à voiles de

la province de Bretagne »15

, est encore plus alarmant puisqu’il évoque la menace « d’une

destruction prochaine » des manufactures de l’Evêché de Rennes et de Locronan en raison de

11

LAGADEC Yann, « L’horizon planétaire des ruraux bretons. Toile et ouverture des campagnes dans la Bretagne

des XVIe, XVII

e et XVIII

e siècles, in MARTIN Jean, PELLERIN Yvon (dir.), Du lin à la toile : la proto-industrie

textile en Bretagne, Rennes, PUR, 2008, p. 312. 12

ADIV, C 3929, Mémoire concernant les fabriques des toiles à voiles qui se fabriquent en Bretagne, 1751. 13

LAGADEC Yann, « La production des toiles à voiles en Bretagne au milieu du XVIIIe siècle d'après un rapport

de l'Inspection des manufactures », BMSAHIV, 2006, p. 161. 14

Ibid., p. 162. 15

Cf. annexe n°25.

Page 195: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 7 | 194

Le destin d’une activité « fragile »

la mauvaise qualité des toiles. Le rapport vise surtout la mauvaise qualité des toiles « 4 fils et

6 fils brin sur brin, premieres qualités de ces toiles ». Il dénombre trois causes à ces vices :

1° « La mauvaise filature. On ne trouve plus de fils pour trame qui ne soyent au moins de

moitié trop fins et trop torts, et ce sont les fabriquans qui les demandent ainsy aux fileuses,

parce que plus la trame est fine plus elle couvre de la chaîne et moins on en consomme. »

Cela produit des voiles trop « lâches » qui ne peuvent retenir le vent.

2° « Le mauvais lescivage des fils de chaine et de trame » laissant des impuretés, ce qui

empêche de faire un tissage de bonne qualité.

3° « Le mélange des matieres. » Les fabricants sont accusés de mêler différents types de

qualité de fils dans leurs toiles, pour obtenir des coûts de production plus faibles, entraînant

une perte de qualité de la toile.

Le rapport du Sieur Picot en 1775, mentionne la suppression des bureaux de la Guerche et

de Vitré en 1769, « à cause de leur mauvaise administration, a laquelle on ne pouvoit

remedier vu la mediocrité de leur produit. »16

50 ou 60 ans plus tard, on voit même directement des marchands de fils de Janzé et

Châteaugiron se plaindre au préfet de la mauvaise qualité des toiles fabriquées dans leurs

cantons :

« vous priant de faire cesser un abus bien grave qui se commet sur nos marchés de fils de Janzé et

de Chateaugiron seulement, car dans les autres localités comme Vitré et La Guerche la Police

veille a ce que la bonne foi de l’acheteur ne soit pas trompée, et que par suite de fraudes

coupables la marchandise ne soit pas détériorée, mais dans notre cantons les fils sont la majeure

partie mouillés, de telle sorte que les faisant sécher il y a reduction de poids, de huit et dix pour

cent, ces fils par suite de leur humidité se déteriorent, et il s’en suit qu’ils nous sont réfusés dans

les fabriques de Rennes, parcequ’une fois léssivés, ils n’ont plus aucune force, et ne peuvent faire

que de mauvaises toiles, cela nous fait un tort considerable. »17

Ces différents rapports, mémoires, correspondances font le constat de la mauvaise qualité

des toiles à voiles. De plus, cette production rurale doit désormais faire face à une nouvelle

16

Cf. annexe n°26. 17

ADIV, 9M 15, lettre des marchands de fils de Janzé et Châteaugiron au préfet d’Ille-et-Vilaine, datant de la

première moitié du XIXe siècle.

Page 196: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 7 | 195

Le destin d’une activité « fragile »

concurrence apparue à Rennes dans la seconde moitié du XVIIIe

siècle : les toiles fabriquées

mécaniquement.

2. La concurrence nouvelle des toiles « mécaniques »18

Aux XVIe et XVII

e siècles, la concurrence pour les noyales en chanvre venait d’autres toiles

rurales dites olonnes de Locronan – produites dans l’actuel Finistère sud –, mais leur déclin

définitif au cours du XVIIIe siècle avait permis aux toiles des campagnes rennaises de connaître

une embellie. Au même moment, les prémices d’une nouvelle concurrence – locale cette fois-

ci – se mettent en place. Il s’agit des toiles dites mécaniques ou régulières, fabriquées dans les

manufactures urbaines de Rennes.19

Nous étudierons, tout d’abord, la lente structuration de ce

nouveau type de production toilière. Puis, nous analyserons les tentatives d’adaptation du

monde rural, et d’Amanlis en particulier, face à cette concurrence locale.

2.1. La lente structuration d’une nouvelle concurrence : les toiles mécaniques des

industries urbaines

Nous marquerons trois temps dans cette structuration des manufactures des toiles

« mécaniques » : un premier autour des débuts des manufactures toilières rennaises au XVIIIe

siècle, puis dans un deuxième temps, nous étudierons leur développement au cours du XIXe

siècle, enfin dans une troisième partie, nous nous recentrerons sur l’exemple plus local de la

manufacture Des Bouillons de Châteaugiron.

2.1.1. La manufacture de la Piletière : les débuts d’une production mécanisée des toiles à

voile à Rennes

Si la première manufacture royale de toiles à voile mécaniques de la Piletière est

fondée à Rennes en 1748 par le Sieur Le Boucher, il est probable qu’une autre manufacture –

de cotonnades cette fois-ci – lui ait servi de modèle. C’est en effet en 1742, que Julien-Joseph

18

Cette partie s’appuie sur une communication effectuée au colloque « Industrie et monde rural en France de

l’Antiquité à nos jours », qui s’est tenu du 30 septembre au 2 octobre 2010 à Limoges, ainsi que sur l’article qui

paraîtra dans les actes du colloque au cours des prochains mois. 19

L’un des premiers rapports à faire mention de cette distinction entre toiles fabriquées en atelier urbain (toiles

« mécaniques ») et toiles fabriquées dans les campagnes rennaises (toiles « noyales » devenues toiles « rurales »)

est celui rédigé en 1853 à la demande du préfet d’Ille-et-Vilaine par la Commission consultative et de

surveillance pour les toiles rurales, intitulé « Enquête sur la culture du chanvre et du lin, le filage et la

fabrication des toiles ».

Page 197: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 7 | 196

Le destin d’une activité « fragile »

Pinczon du Sel des Monts a établi à Rennes sa manufacture.20

Elle compte, en 1754, une

centaine de métiers à tisser et emploie 900 ouvriers. L’originalité de cette structure réside

dans le recrutement de sa main d’œuvre, qui vise, selon Pinczon du Sel, à « procurer de

l’occupation à un nombre considérable d’habitants qui en manquait », principalement des

vieillards et des enfants.21

Ce modèle d’atelier urbain et d’emploi des plus démunis est repris par Le Boucher

pour sa manufacture de toiles à voile mécaniques. Il souhaite en ce domaine tirer profit du

savoir-faire des tisserands des paroisses rurales des environs, tout en mécanisant la

production, « à la manière de Hollande ». Assez rapidement, cet atelier jouit d’une solide

renommée auprès des négociants rennais et malouins, notamment en raison de la qualité de sa

production.

La manufacture de la Piletière emploie jusqu’à 200 tisserands sans compter les ateliers

pour les peigneurs de chanvre et pour les fileuses. Ceci représente environ 20 % des capacités

productives de la région, puisque que l’on dénombre 800 tisserands dans la campagne

rennaise. Malgré cette sérieuse concurrence, l’entreprise reste fragile. Après la guerre

d’Indépendance américaine (1775-1783), le nombre d’employés chute. Elle est d’ailleurs

reprise en 1789 par l’abbé Carron, recteur d’une des paroisses de la ville, qui en fait un atelier

de charité qui occupe jusqu’à 2 000 pauvres – toujours vieillards et enfants – au plus fort de

son activité dans les premières années de la Révolution avant de péricliter suite à l’émigration

de son promoteur.22

Il faut en fait attendre les premières années du XIXe siècle pour que les manufactures

toilières de Rennes se développent réellement.

2.1.2. Le développement des manufactures toilières urbaines au XIXe siècle

Le XIXe siècle voit la structuration des manufactures toilières mécanisées à Rennes.

Avant la Révolution, seule la manufacture de la Piletière, dirigée par l’abbé Carron, est

établie. Une autre apparait au début de la République. Trois manufactures sont dénombrées en

20

BOURDAIS F., « Un gentilhomme manufacturier à Rennes au XVIIIe siècle, Julien-Joseph Pinczon du Sel des

Monts (1712-1781) », Revue de la Bretagne, de Vendée et d’Anjou, 1909, p. 9. 21

Ibid., p. 13. 22

QUENIART Jean, La Bretagne au XVIIIe siècle (1675-1789), Rennes, Editions Ouest-France Université, 2004, p.

344.

Page 198: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 7 | 197

Le destin d’une activité « fragile »

1820 : celle de la veuve Brossais-Saint-Marc, celle de Le Boucher-Villegaudin et celle de la

Piletière. Enfin dans les années 1840, cinq manufactures sont recensées. 23

La concurrence entre toiles « rurales » et toiles « mécaniques » est à son paroxysme

dans les années 1840-1850. Les principaux négociants et manufacturiers rennais – surnommés

la « bande noire » 24

– s’entendent contre les intérêts des toiles rurales. S’appuyant notamment

sur le député François Le Harivel, lui-même négociant, ces quelques entrepreneurs rennais

parviennent à imposer leurs vues à l’Administration. Outre le fait que cela traduise le

progressif recentrage, au cours du XIXe siècle, du pouvoir de décision économique sur la

principale ville du département, ces pratiques révèlent la concentration en vigueur dont

pâtissent pour l’essentiel les communes rurales des environs.

Parmi les acteurs de la « bande noire », figure Hyacinthe Porteu, qui a repris la

manufacture de la Piletière aux débuts des années 1820. Ce personnage est d’autant plus

intéressant qu’au-delà d’une certaine réussite dans les affaires, il incarne le glissement des

héritiers de certains marchands ruraux vers la ville et les nouveaux horizons qu’elle offre : son

père était en effet notaire à Louvigné-de-Bais et marchand de toiles à ses heures.25

Certains de ces marchands ruraux ont cependant préféré investir localement.

2.1.3. De rares initiatives locales : Des Bouillons à Châteaugiron

Au cours du XIXe siècle, de très rares initiatives se développent au sein même des

communes rurales. C’est le cas notamment de celle du Sieur Des Bouillons qui achète le

prieuré de Sainte-Croix dans les faubourgs de Châteaugiron, vendu à la Révolution comme

bien national (cf. illustration n°30). Il y installe, en 1824, une manufacture de deux ateliers

comportant 76 métiers à tisser dont plus des trois quarts étaient en activité dans les années

1830. Le chanvre utilisé à la confection des toiles « mécaniques » provient du marché de

Châteaugiron, acheté aux marchands ruraux des communes voisines. Cette manufacture

emploie 200 personnes, généralement originaires des communes de la manufacture rurale des

toiles à voile. Mais cette tentative se révèle rapidement être un échec. Les locaux de la

23

LAGADEC Yann, POINTEAU Delphine, « La protoindustrie textile dans les campagnes des environs de Vitré

(XVIe-XIX

e siècles) : un modèle spécifique de production ? », MSHAB, 2006, p. 186.

24 Les Porteu, de Freslon, Chemillez et Gautier sont les principaux négociants et manufacturiers rennais formant

la « bande noire ». Ibid., p. 191 et CUCARULL Jérôme, « Le monde rural face aux mutations économiques :

l’évolution de l’industrie textile en Ille-et-Vilaine dans la seconde moitié du XIXe

siècle », Revue Historique,

1995, n° 595, p. 65-66. 25

LAGADEC Yann, Pouvoir et politique en Haute-Bretagne rurale. L'exemple de Louvigné-de-Bais (XVIe-XIX

e

siècles), thèse de doctorat, dact., université Rennes 2, 2003, p. 384-385. Ainsi que, BLAVIER Yves, La Société

linière du Finistère. Ouvriers et entrepreneurs à Landerneau au XIXe siècle, Rennes, PUR, 1999, p. 176.

Page 199: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 7 | 198

Le destin d’une activité « fragile »

fabrique Des Bouillons sont cédés dès 1853 aux Ursulines et retrouvent alors leur fonction

religieuse première.

Illustration n°30 : Plan cadastral de la fabrique Des Bouillons à Châteaugiron en 1849

Malgré cette concurrence des manufactures urbaines, de plus en plus forte au cours du

XIXe siècle, les marchands ruraux cherchent les moyens de sortir leur manufacture d’un déclin

qui apparaît comme inéluctable.

2.2. Des toiles « noyales » aux toiles « rurales » : les marchands ruraux face au déclin de

la manufacture

Comme nous l’avons vu auparavant, au tournant des XVIIIe et XIX

e siècles, la faiblesse

des toiles à voile rurale réside dans le caractère fluctuant de leur qualité, ainsi que le

Page 200: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 7 | 199

Le destin d’une activité « fragile »

dénoncent les inspecteurs des manufactures.26

Les ateliers mécanisés urbains, en garantissant

pour leur part une qualité homogène de leurs produits, réussissent à s’imposer sur les

marchés, notamment ceux de la Marine. Face à cette situation inédite, quelques marchands

ruraux tentent de sauver la proto-industrie rurale des toiles à voile en tentant d’adapter ce type

de production.

2.2.1. Les toiles rurales : vers une amélioration qualitative de la production

Malgré les règlements royaux qui, à compter de 1745, définissent très précisément les

normes de fabrication des toiles à voiles, les inspecteurs des manufacture dénoncent au cours

de la seconde moitié du XVIIIe siècle des problèmes récurrents de malfaçons, problèmes

amplifiés sans doute pendant la Révolution avec la suppression des bureaux de contrôle et de

marque.27

Le commerce des toiles en pâtit, poussant les marchands ruraux à chercher les

solutions nécessaires à une meilleure production. Les nombreuses lettres adressées dès le

début du XIXe siècle au préfet par les marchands de fils et toiles des environs de Châteaugiron

et de Janzé montrent en effet qu’ils ne sont pas absents de ce débat.28

Ils se plaignent

notamment des abus commis sur les marchés par les paysans qui vendent encore des fils de

mauvaises qualités, principale cause selon eux de la baisse de la qualité dans la fabrication des

toiles.

La volonté des autorités comme des marchands ruraux, dans le dernier quart du XVIIIe

et plus encore au XIXe siècle, est d’arriver à recentrer la production de fils et de toiles vers des

produits de meilleure qualité, tout en ayant le soucis que leur offre réponde à la demande des

négociants et donc des clients, au premier rang desquels figure la Marine. Ainsi, d’une

quinzaine de types des toiles à voile – bien souvent nommées « noyales » – produites dans les

années 1750, il n’en reste plus qu’une dizaine dans les années 1850, désormais qualifiées de

26

LAGADEC Yann, « La production des toiles à voiles… », art. cit., p. 149 et 162-163. 27

C’est le cas notamment dans le rapport de l’inspecteur général des manufactures Antoine de Coisy, en 1751. Il

rend compte de la déficience des contrôles dans les différents bureaux : « Les visites étoient mal faites, la police

mal suivie dans les bureaux », ce qui favorise la production de mauvaises toiles, ainsi « le fabriquant faisoit des

toiles dans des largeurs au-dessous de celles prescrites et dans des nombres de fils dans les chaînes beaucoup

inférieures à ce qu’il étoit ordonné », mais aussi la vente d’une toile à la place d’une autre de meilleure qualité,

« on vendoit des quatre fils communs pour des quatre fils de brin et on les envoyoit au consommateur qui étoit

trompé. » On peut également constater des vices dans la fabrication des toiles comme le « soufflage d’eau dans

les toiles », opération qui consiste à mouiller la toile pour qu’elle soit plus lourde lors de la vente, et ainsi plus

chère, mais cela détériore la toile qui pourrit et se « déchire au premier coup de vent ». Voir LAGADEC Yann, «

La production des toiles à voiles… », art. cit., p. 161-162. 28

ADIV, 9M15. Lettre des marchands de fils des cantons de Janzé et de Châteaugiron, à Monsieur le Préfet

d’Ille-et-Vilaine, datant de la première moitié du XIXe siècle.

Page 201: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 7 | 200

Le destin d’une activité « fragile »

toiles « rurales », par opposition aux toiles « mécaniques » ou « régulières », largement

urbaines nous l’avons vu (cf. tableau n°3).

Ce recentrage du marché des toiles a pour conséquence une forte diminution du

nombre de marchands ruraux : seuls les plus riches d’entre eux subsistent.

2.2.2. Les tentatives d’adaptation de quelques marchands ruraux

La crise de la fin du XVIIIe et du début du XIX

e siècle conduit à une réorganisation

profonde de la structure de la manufacture rurale. Ainsi, à Amanlis, alors que le nombre de

tisserands reste stable autour de 130 dans la première partie du XIXe siècle, le nombre des

marchands de toiles et/ou de fils est passé de 62 en 1791 à 9 seulement en 1861, signe d’une

concentration du commerce des toiles dans les mains de quelques riches ruraux, héritiers pour

la plupart des familles marchandes les plus en vue avant la Révolution.

Cette évolution n’entraîne pas pour autant la disparition de la pluriactivité : les

marchands ruraux restent notamment pour la plupart des cultivateurs, plus riches cependant

que la moyenne des paysans. Alors qu’au XVIIIe siècle, les marchands pluriactifs étaient les

moins riches d’entre eux, désormais, l’agriculture et le commerce des toiles assurent à ces

hommes une position de premier plan localement : c’est l’exemple de la famille Arondel, avec

les deux personnages du grand-père Pierre-Antoine et du petit-fils Désiré, que nous avons

développé dans le chapitre 5.

Vers le milieu du XIXe siècle, quelques marchands deviennent de véritables

marchands-fabricants. S’inspirant du modèle des manufactures rennaises, certains tentent un

tardif passage au Verlargsystem afin de contrôler la production toilière depuis la culture du

chanvre jusqu’à la commercialisation des toiles aux halles de Châteaugiron, de Janzé ou de

Rennes. C’est le cas, entre autres, des familles Arondel et Jouzel qui, dès le début du XIXe

siècle, tentent de créer au sein de leurs exploitations agricoles d’Amanlis de petits ateliers de

filage et de tissage. L’un d’entre eux, Jean-Baptiste Jouzel, aurait même pu employer jusqu’à

une trentaine d’ouvriers dans sa ferme de la Ferronnerie selon des sources locales. D’ailleurs,

c’est probablement lui qui reçoit en 1850 une mention honorable lors de l’exposition nationale

Page 202: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 7 | 201

Le destin d’une activité « fragile »

des produits de l’industrie, qui récompense les perfectionnements apportés par la famille

Jouzel-Arondel à l’industrie des toiles à voiles.29

Ces quelques tentatives d’adaptation de la production des toiles rurales portent leurs

fruits notamment dans les années 1840-1860, lorsque la manufacture connaît un dernier

sursaut.

2.2.3. 1840-1860 : un dernier sursaut pour les toiles rurales grâce au soutien de l’Etat

Alors que la manufacture des toiles à voile s’essouffle petit à petit depuis le début du

siècle, notamment pour l’activité de filage – on passe ainsi de 383 fileuses à Amanlis en 1841,

à 114 seulement en 1846 –, l’activité de tissage quant à elle semble reprendre une vigueur

inattendue dans ces mêmes années 1840. Entre le début du siècle et les années 1860, on

remarque une hausse de la proportion des inventaires après décès – jusqu’à un rapport de 1 à 3

– mentionnant un métier à tisser dans les communes rurales de la manufacture.

Le soutien aux toiles rurales vient pour une part des élus et préfets, au nom d’une

volonté de garder une production française de toiles, dans un moment où la concurrence

venue d’Angleterre et de Hollande est rude. Alors que l’exode rural a débuté dès les années

1830, leur but est aussi de retenir les populations rurales dans leurs communes d’origine.

Enfin, cette embellie des toiles rurales dans les années 1840-1860 peut s’expliquer par

le contexte international. L’Etat accroit ses commandes de toiles pour la Marine lorsque la

situation l’exige dans les années 1840 et, plus encore, lors de la guerre de Crimée entre 1853

et 1856.30

Toutefois, ce soutien ponctuel ne relance l’activité toilière que pour une courte

durée et les efforts de modernisation de quelques marchands ruraux ne suffisent pas. En 1864,

le ministère de la Marine informe le préfet d’Ille-et-Vilaine qu’il entend mettre fin au

monopole accordé de facto aux toiles rurales de Haute-Bretagne dans ses approvisionnements.

Les marchands ruraux et leurs fils sont alors obligés de se reconvertir. Certains vivent

en rentiers des modestes fortunes patiemment accumulées. D’autres changent de secteur

d’activité, plusieurs se réorientant vers le commerce du bois par exemple. Les filles des

marchands participent également de cette reconversion, en contractant des unions hors du

petit milieu homogame des marchands de toiles : par exemple, Rosalie Arondel, fille de

29

CUCARULL Jérôme, « Le monde rural face aux mutations économiques… », art. cit., p. 69. 30

LAGADEC Yann et POINTEAU Delphine, « La protoindustrie textile… », art. cit., p. 186-187.

Page 203: Les marchands de toiles d'Amanlis

Chapitre 7 | 202

Le destin d’une activité « fragile »

l’ancien conseiller d’arrondissement Désiré Jean Marie, épouse le notaire Eugène Pamprain, à

l’instar de l’une de ses cousines, tandis qu’une autre se marie avec un médecin. Un nombre

important des fils de marchands ruraux a quitté leur commune d’origine, l’ascension sociale

passant à la fois par le changement d’activité et le départ pour la ville, les bourgs ruraux des

environs comme Janzé et, plus encore, Rennes ou Nantes.

Reconverties dans un nouveau commerce, concentrées sur leurs exploitations

agricoles, intégrées à de nouvelles notabilités, parties vers de nouveaux horizons urbains, les

familles de marchands de toiles ont donc, dans les années 1870, définitivement tourné la page

de la manufacture rurale des toiles à voile.

Conclusion :

Au final, nous avons vu que la disparition de la manufacture rurale des toiles à voiles

n’est pas simplement due à l’apparition de la marine à vapeur, au milieu du XIXe siècle. Ceci

n’est que l’acte final d’un long processus de déclin entamé un siècle plus tôt.

Cette fabrication toilière dans les campagnes rennaises est structurellement affaiblie

par deux causes. En premier lieu, les fraudes et les malfaçons qui détériorent la qualité des

toiles à voiles, et les rendent de moins en moins concurrentielles. En second lieu,

l’endettement élevé des marchands-fabricants augmente leurs risques de faillites et empêchent

les investissements qui auraient permis de passer du domestic-system au Verlagsystem.

Ces investissements auraient été d’autant plus nécessaires face à l’arrivée, dès le

milieu du XVIIIe siècle, de manufactures mécanisées à Rennes ou Châteaugiron rendant encore

moins compétitives, au niveau local, les toiles « rurales ». On trouve certainement ici les

principales raisons de l’échec du passage d’une proto-industrie rurale à une véritable industrie

toilière mécanisée. Malgré tout, cette évolution profite peu aux manufactures rennaises, qui

n’ont jamais été en position de concurrencer les autres manufactures mécaniques qui se sont

développées dans le même temps dans le nord de la France. Elles disparaissent ainsi à leur

tour dans les années 1870-1890.31

31

CUCARULL Jérôme, « Le monde rural face aux mutations économiques… », art. cit., p. 79-83 et BLAVIER

Yves, La Société linière du Finistère, op. cit., p. 211-212.

Page 204: Les marchands de toiles d'Amanlis

Conclusion | 203

C O N C L U S I O N G E N E R A L E

Au moment de conclure notre étude sur les marchands ruraux de la manufacture des

toiles à voiles, nous voyons qu’il reste un champ de recherche immense à explorer. Si

certaines questions demeurent – pour l’instant – encore en suspens, nous avons déjà pu

apporter un certain nombre de réponses.

A propos du fonctionnement de la manufacture toilière, nous avons pu remarquer

l’implication quasi-totale de la population rurale d’Amanlis dans la fabrication des toiles à

voiles : des semis du chanvre au printemps, à la récolte à la fin de l’été, jusqu’au filage durant

l’hiver. Ces paysans trouvent une source de revenus complémentaires dans cette production

textile destinée aux marchés internationaux. Nous nous trouvons bien ici dans le concept de la

proto-industrie, tel qu’il a été défini par F. Mendels.

Un véritable circuit de commercialisation des toiles s’est mis en place entre le lieu de

production, Amanlis, et le lieu de la commercialisation, Saint-Malo. Au cœur de ce système

productif, on retrouve les marchands de toiles ruraux. Ces derniers, en plus de cultiver leur

propre chanvre et de produire leurs toiles, sont chargés d’alimenter les tisserands de leur

paroisse/commune avec les fils achetés sur les marchés des alentours. Par la suite, ils

acheminent la production locale de toiles à voiles vers les marchés urbains – Châteaugiron,

voire Rennes –, où elle est achetée par les négociants rennais et surtout malouins. Les

marchands ruraux sont donc le rouage essentiel qui relie les paysans-tisserands avec les

négociants urbains.

Ces marchands de toiles d’Amanlis forment un groupe social très hétérogène au XVIIIe

siècle : d’un point de vue professionnel d’abord, puisque la quasi-totalité d’entre eux sont

pluri-actifs – paysan-marchand, artisan-marchand, commerçant-marchand –, d’un point de

vue social et financier ensuite, avec de très fortes disparités de richesses entre les différents

individus. Globalement, si les marchands apparaissent comme plus riches que la moyenne des

paysans d’Amanlis, très peu d’entre eux font réellement partie des plus riches de la paroisse.

Toutefois les crises économiques et politiques de la fin du XVIIIe siècle ont entraîné l’abandon

Page 205: Les marchands de toiles d'Amanlis

Conclusion | 204

du commerce toilier par un grand nombre de marchands. On est ainsi passé d’une soixantaine

de marchands à Amanlis en 1791, à moins de 10 dans les années 1840. Cela a eu pour

conséquence une concentration du groupe social autour d’un noyau de petits propriétaires

fonciers, qui possèdent plusieurs biens immobiliers, qui emploient souvent un ou plusieurs

domestiques pour les aider dans la production toilière ou les travaux des champs. Cette

homogénéisation se fait également par la forte endogamie sociale et professionnelle, qui est

concrétisée par de nombreuses alliances matrimoniales entre les principales familles

marchandes. Au XVIIIe siècle, comme au XIX

e siècle, les plus importantes d’entre elles font

partie de la notabilité paroissiale, puis communale. Cette notabilité se concrétise surtout par la

forte participation, voire la domination, des marchands sur les institutions politiques locales :

général de paroisse sous l’Ancien Régime, conseil municipal après la Révolution. En

revanche, si de ce point de vue les marchands peuvent être qualifiés de petite élite politique

rurale, ce n’est pas du tout le cas d’un point de vue patrimonial. Bien qu’ils possèdent plus de

biens fonciers et immobiliers que la moyenne des Amanlisiens, leurs maisons ne sont pas

porteuses d’une architecture originale et leurs biens mobiliers sont avant tout utilitaires et ne

montrent pas d’accès au luxe très peu d’objets en argent, peu de vaisselle en faïence ou en

porcelaine, ni à un certain niveau de culture aucun livre et aucun tableau recensé. En outre, les

marchands de toiles n’ont eu qu’une faible influence sur le patrimoine religieux d’Amanlis.

On trouve de rares initiatives d’investissement personnel, pour des vitraux par exemple. Il

n’existe pas de système d’investissement massif dans les chantiers paroissiaux, comme cela a

pu exister dans le Léon avec les enclos paroissiaux. Toujours en comparaison avec la

manufacture des « crées », nous pouvons affirmer qu’il n’existe pas de marchands de toiles

ruraux équivalents aux Juloded léonards. Même les marchands d’Amanlis les plus importants

de la première moitié du XIXe siècle demeurent des paysans-marchands pluri-actifs. Il n’y a

pas, dans les campagnes rennaises, de véritables entrepreneurs toiliers.

La manufacture des toiles à voiles connaît un affaiblissement de son système productif

depuis le XVIIIe siècle. En premier lieu, par de graves problèmes de fraudes et surtout de

malfaçons dans les toiles, ce qui est régulièrement dénoncé dans des rapports administratifs.

Ces toiles de chanvre qui étaient reconnues pour leur qualité au siècle précédent, connaissent

désormais un déficit d’image, ce qui en fragilise le commerce. En second lieu, par

l’endettement important des marchands, précarisant ainsi leur situation économique.

D’ailleurs, nous avons dit que bon nombre d’entre eux abandonnent le commerce toilier au

Page 206: Les marchands de toiles d'Amanlis

Conclusion | 205

tournant des XVIIIe et XIX

e siècles. Cette trésorerie défaillante les empêche également

d’investir dans un nouveau modèle de production plus mécanisé.

En fait, cette manufacture rurale ne doit sa survie qu’à un soutien massif de la part de

l’Etat, qui a continué à fournir sa Marine avec des toiles à voiles de fabrication rurale, quand

les marchés étrangers se sont tournés vers les produits issus des manufactures mécanisées. Ce

type de production n’est par ailleurs pas absent de notre région, puisqu’à la fin du XVIIIe et

surtout au début du XIXe siècle, des manufactures de ce type se sont implantées à Rennes,

mais aussi à Châteaugiron. Ces dernières, produisant des toiles « régulières » ont contribué à

affaiblir localement les débouchés des toiles « rurales », ce qui se double par une pression de

ces entrepreneurs textiles urbains – la « bande noire » – sur les pouvoirs politiques, afin qu’ils

arrêtent de soutenir la production rurale de toiles à voiles. Malgré tout, les marchands des

campagnes rennaises ont cherché des solutions à ces problèmes : amélioration de la qualité

des toiles grâce à des efforts de pédagogie auprès des paysans pour qu’ils produisent des toiles

sans défauts, adaptation de leur production à la demande du marché, voire tentative, pour une

infime minorité, d’un passage vers un système productif abandonnant le Kaufsytem au profit

du Verlagssystem. Cependant, l’abandon définitif des commandes étatiques dans les années

1860, après une dizaine d’années florissantes, sonne la fin de la production des toiles à voiles

de fabrication rurale.

A partir de l’ensemble de ces éléments, nous pouvons résumer ce qui différencie la

manufacture des toiles à voiles, et celles des « créées » et des « bretagnes » : tout d’abord, le

système productif de la manufacture des toiles à voiles s’apparente au Kaufsystem et s’appuie

largement sur la pluri-activité de ses paysans. Ensuite, les marchands de toiles ruraux sont

également des marchands-paysans pluri-actifs. Ils ne forment donc pas une caste

d’entrepreneurs toiliers à l’image des Juloded du Léon. De plus, leur rôle de marchands toiles

ruraux s’arrête aux marchés urbains des environs. Ils ne vont pas amener leur marchandise

jusqu’à Saint-Malo, comme c’est le cas pour les marchands de la manufacture des

« bretagnes ». De surcroît, la proto-industrie des toiles à voiles n’a dû sa survie, jusqu’au

milieu du XIXe siècle, que grâce à un soutien actif de l’Etat. Enfin, on ne trouve pas de style

architectural spécifique aux marchands de toiles à Amanlis et les communes alentours, à

l’instar de ce que l’on peut voir à Locronan ou dans les campagnes proches de Loudéac et

Quintin. Ceux-ci n’ont, par ailleurs, pas investi directement dans l’embellissement du

patrimoine religieux paroissial, à la différence des marchands léonards avec les enclos

paroissiaux.

Page 207: Les marchands de toiles d'Amanlis

Conclusion | 206

Au final, nous pouvons tout de même considérer les marchands de toiles à voiles

d’Amanlis comme une petite élite rurale économique grâce à leur richesse supérieure aux

autres paysans, comme une petite élite sociale par leurs stratégies d’alliances matrimoniales et

les mariages avec d’autres notables ruraux – notaires et médecins, par exemple – et comme

une petite élite politique par leur domination sur les institutions politiques paroissiales puis

communales aux XVIIIe

et XIXe siècles. Cependant, cette petite élite rurale ne peut se

comprendre qu’à une échelle locale : au niveau de la paroisse, sous l’Ancien Régime, puis de

la commune, après la Révolution. Dès que l’on dépasse l’échelon du canton, du district, et

plus encore du département, les marchands de toiles d’Amanlis n’appartiennent plus aux élites

rurales.

Au terme de cette étude, il convient de reconnaître qu’il reste de nombreuses études à

mener sur la manufacture des toiles à voiles et ses marchands. Ceci passe très certainement

par une meilleure compréhension du monde des négociants rennais, ainsi que des

manufactures textiles rennaises, afin de mieux comprendre les interactions entre ceux-ci et le

monde rural des marchands de toiles à voiles. Il faudrait également poursuivre l’étude à une

échelle plus grande que celle de la seule paroisse/commune d’Amanlis. Nous ne prétendons

donc pas avoir construit une histoire définitive de la manufacture des toiles à voiles, mais

nous avons commencé à répondre aux interrogations et hypothèses posées par Y. Lagadec et

D. Pointeau dans leur article qui proposait, il y a cinq ans, de renouveler cette historiographie

textile de l’est breton.

Page 208: Les marchands de toiles d'Amanlis
Page 209: Les marchands de toiles d'Amanlis

Sources | 208

S O U R C E S

Sources manuscrites

Archives Départementales d’Ille-et-Vilaine

Série 4B : Archives des juridictions seigneuriales

4B 30 : archives de la juridiction de Beauchesne.

4B 2688/3 : archives de la juridiction de Teillay Launay.

Série 10B : Archives du Consulat

10B 81 – n° 31 : Dossier de faillite de Pierre Guihery (et Gabrielle Geslin sa femme),

marchands à Châteaugiron, en date du 11 juin 1726.

10B 87 – n° 103 : Dossier de faillite de Jacques Gérard, marchand de toiles et sardines à Piré,

en date du 2 août 1753.

10B 93 – n° 148 : Dossier de faillite d’Olivier Bienassis, marchand de toiles à Châteaugiron,

en date du 5 février 1766.

10B 104 – n° 252 : Dossier de faillite de Jean François Leremeneux, marchand de toiles à

Châteaugiron, en date du 31 juillet 1777.

10B 117 – n° 336 : Dossier de faillite de René Albert, marchand de toiles à la Hantelle en

Amanlis, en date du 19 septembre 1783.

10B 117 – n° 338 : Dossier de faillite de Gabriel Hervouin, fabricant de toile à Châteaugiron,

en date du 11 octobre 1783.

10B 118 – n° 348 : Dossier de faillite de René Divet, marchand de toiles à Châteaugiron, en

date du 12 mai 1784.

10B 129 – n° 395 : Dossier de faillite de P.G. Morel, marchand à Janzé, en date du 29 janvier

1787.

Page 210: Les marchands de toiles d'Amanlis

Sources | 209

10B 134 – n° 407 : Dossier de faillite d’André Frogé, marchand de draps et soie à

Châteaugiron, en date du 31 juillet 1787.

10B 138 – n° 441 : Dossier de faillite de Jean Pelhâtre, marchand de fil aux Fourches à Janzé,

en date du 9 juin 1789.

10B 141 – n° 456 : Dossier de faillite de Jacquette Hamelin, veuve de François Marchand,

marchande à Châteaugiron, en date du 3 février 1790.

10B 144 – n° 479 : Dossier de faillite de sieur Thomas Limousin, marchand d’étoffes à

Châteaugiron, en date du 28 décembre 1790.

Série C : Administrations provinciales avant 1790, archives de l’Intendance de Bretagne

-Rapports et correspondances à propos des toiles à voiles, fond de l’intendance :

C 1531-1553 : Industrie et commerce, toiles à voiles, toiles de Bretagne, depuis 1676

(fabrication, commerce et marque).

-Registres de capitation, fond de la commission intermédiaire :

C 4002 : rôle de 1751 .

C 4005 : rôle de 1753.

C 4008 : rôle de 1754.

C 4011 : rôle de 1755.

C 4014 : rôle de 1756.

C 4017 : rôle de 1757.

C 4020 : rôle de 1760.

C 4023 : rôle de 1761.

C 4027 : rôle de 1766.

C 4030 : rôle de 1767.

C 4033 : rôle de 1769.

C 4040 : rôle de 1775.

C 4042 : rôle de 1776.

C 4044 : rôle de 1777.

C 4046 : rôle de 1779.

C 4053 : rôle de 1783.

C 4066 : rôle de 1790.

Page 211: Les marchands de toiles d'Amanlis

Sources | 210

Série 4E : Archives notariales

-Archives de l’étude Bergère de Janzé :

Georges Brizé (notaire à Amanlis) : 4E 4164 (1757-1768), 4E 4165 (1769-1775), 4E 4166

(1776-1785), 4E 4167 (1786-an VI), 4E 4631 répertoire (1757-1758 ; 1760-an VI).

Joseph Camu (notaire à Janzé) : 4E 4179, 4E 4180, 4E 4181, 4E 4182, 4E 4183, 4E 4184, 4E

4185, 4E 4186 (1773-1775).

Jean-Baptiste Camu (notaire à Janzé) : 4E 4187 (1787-1793).

René Camu (notaire à Janzé) : 4E 4188, 4E 4189, 4E 4190 (1790-an X).

François Couasnon (notaire à Janzé) : (1753-1779) 4E 4191, 4E 4192, 4E 4193, 4E 4194, 4E

4195, 4E 4196, 4E 4197, 4E 4198, 4E 4199, 4E 4200, 4E 4201, 4E 4202.

Benjamin Favrot (notaire à Janzé) : 4E 4203 (1777-1784).

Jean-Baptiste Gaultier : (1765-1771 ; 1773-1778 ; 1780-1790 ; an II-an III) 4E 4204, 4E 4205,

4E 4203, 4E 4204, 4E 4205, 4E 4206, 4E 4207, 4E 4208, 4E 4209, 4E 4210, 4E 4211, 4E

4212, 4E 4213, 4E 4214, 4E 4215, 4E 4216.

Pierre Jouaud (notaire à Janzé) : 4E 4217 (1784-1792).

Joseph Marie Martin (notaire à Janzé) : (1765-1774) 4E 4218, 4E 4219.

Félix Clair Julien Trévet (notaire à Janzé) : (juin 1765 ; 1766-1784) 4E 4242, 4E 4243, 4E

4244, 4E 4245, 4E 4246, 4E 4247, 4E 4248.

-Archives de l’étude Couëdro de Châteaugiron : 4E 41.

Série E dépôt administratif : Archives administratives de la paroisse

E dépôt administratif Amanlis 4 : cahier de notes diverses du secrétariat de la municipalité

d’Amanlis entre 1791 et 1794.

Page 212: Les marchands de toiles d'Amanlis

Sources | 211

Série 2G : Fonds paroissiaux d’Ancien Régime

2G 2 / 2 : registres de délibérations du général de la paroisse d’Amanlis : 8 juillet 1753 – 5

août 1759, 23 septembre 1759 – 19 octobre 1766, 26 février 1767 – 25 septembre 1785, 29

janvier 1786 – 8 décembre 1789.

2G2 / 3 : construction d’une sacristie 1755, réparation de l’église.

Série 2M : Nomination du personnel administratif

2M 31 : nomination, conseillers municipaux, Amanlis, an X – 1815.

2M 39 : nomination, maires et adjoints, Amanlis, an VIII – 1813.

2M 53 : nomination, conseillers municipaux, Amanlis, 1821 – 1824.

2M 67 : nomination, maires et adjoints, Amanlis, 1815 – 1830.

2M 82 : nomination, conseillers municipaux, Amanlis, 1830.

2M 85 : nomination, maires et adjoints, arrondissement de Rennes, 1830 – 1846.

2M 116 : nomination, maires et adjoints, Amanlis, 1852 – 1869.

Série 3M : Elections

3M 3 : Notabilité communale. Opérations préliminaires, correspondance. Arrondissement de

Rennes : fonctionnaires publics et notables élus absents, élus présents, listes arrêtées. (an IX)

3M 5 : Notabilité départementale : liste d’éligibilité départementale d’arrondissement de

Rennes et états nominatifs et numériques des notables du département. (an IX)

3M 7 : Membre du collège électorale d’Ille-et-Vilaine ; liste des plus imposés du département

; état des plus imposés non membres du collège électoral ; candidatures (an X – an XI)

3M 9 : Liste des 600 les plus imposés du département (an XII – an XIII) ; dossiers de quelques

intéressés ; liste des plus imposés : arrondissement de Rennes (an XII – an XIII).

3M 10 : Liste des membres qui composent le collège électoral du département d’Ille-et-

Vilaine (classement alphabétique) (an XII).

Page 213: Les marchands de toiles d'Amanlis

Sources | 212

3M 12 : Registres civiques. Arrondissement de Rennes : canton de Janzé (Amanlis, Brie,

Janzé) (1806)

3M 14 : Liste des plus imposés, liste du collège départemental. (1810)

3M 15 : Liste des membres des collèges d’arrondissement. (1810)

3M 32 : Collèges électoraux : département. Liste des membres par arrondissement. (1815)

3M 35 : Collèges électoraux. Listes des membres. (1820)

3M 36 : Collèges électoraux. Listes des membres. (1822-1824)

3M 37 : Département et arrondissement, listes générales. (1827-1828)

3M 38 : Département et arrondissement, liste des membres. (1829)

3M 40 : Législatives, listes des électeurs. (1817)

3M 41 : Législatives, listes des électeurs. (1820)

3M 45 : Législatives, listes des électeurs. (1827)

3M 50 : Conseil général. Elections départementales. Liste des électeurs départementaux tous

arrondissement et par canton. (1833)

3M 58 : Conseil général. Elections départementales. Listes générales du jury et électeurs

départementaux par arrondissement. (1838)

3M 104 : conseils municipaux, liste des électeurs et des plus forts contribuables. (1831-1846)

Série 6M : Statistiques et démographie

6M 50 : Listes nominatives de recensement, 1836, 1841, 1846, 1851, 1856, 1861.

Série 7M : Comices agricoles

7M 64 : comice du canton de Châteaugiron.

7M 69 : comice du canton de Janzé.

Page 214: Les marchands de toiles d'Amanlis

Sources | 213

Série 5Mi : Registres paroissiaux et d’Etat civil

5Mi 1002, registres paroissiaux :

5Mi 1002 R 5: BMS355 (1670-1671), BMS (1696), BMS (1717-1718), BMS (1721-1733), BMS

(1734-1745).

5Mi 1002 R 6: BMS (1746-1758), BMS (1758-1764), BM (1765-1769), S (1765-26 octobre

1770), BM (janvier 1770-24 octobre 1770), BMS (27 octobre 1770-1779), BM (1780-1784),

BM (1785-1792), S (1780-1792), N356 (1793-an VIII).

5Mi 1002 R 7: M (1793-an X), D357 (1793-an X), N (an XI-1812), M (an XI-1812), D (an XI-

1812).

5Mi 1002 R 8: NMD (1813-1822), NMD (1823-1832), N (1833-1842).

5Mi 1002 R 9: MD (1833-1842), NMD (1843-1853), NMD (1854-1861), NMD (1862-1869).

5Mi 2, registres du greffe, complément aux registres paroissiaux :

5 Mi 2 R 1078 : BMS (1723-1775).

5Mi R 1079 : BMS (1776-1792), M (1793-an X).

5Mi 2002 R 982 : tables décennales d’Etat civil (1793-1892).

Série 2O : Administration communale

2O 2/57 : Plan du bourg d’Amanlis d’après le cadastre.

2O 70/14 : Dossier à propos de la construction d’un nouvelle halle à Châteaugiron.

2O 137/17 : Dossier à propos de la construction d’un nouvelle halle à Janzé.

Série 3P : Cadastre

3P 96 : matrice cadastrale d’Amanlis, tableau indicatif des propriétés foncières, 1837 (avec

P.V. de délimitation de la commune, 1830).

3P 644 : matrice cadastrale de Châteaugiron, 1849.

3P 5235 : plan cadastral d’Amanlis, 1837.

355

B : Baptême ; M : Mariage ; S : Sépulture 356

N : Naissance 357

D : Décès

Page 215: Les marchands de toiles d'Amanlis

Sources | 214

3P 5300 : plan cadastral de Châteaugiron, 1849.

Série 3Q : Bureau de l'enregistrement de Janzé, déclarations et mutations par décès:

3Q 18/283 : 12 mars 1793-6 messidor an IV.

3Q 18/284 : 6 messidor an IV-20 brumaire an VII.

3Q 18/285 : 1 frimaire an VII-30 germinal an VII.

3Q 18/286 : 1 floréal an VII-30 vendémiaire an VIII.

3Q 18/287 : 1 brumaire an VIII-10 frimaire an IX.

3Q 18/288 : 11 frimaire an IX-5 brumaire an X.

3Q 18/289 : 5 brumaire an X-22 thermidor an XI.

3Q 18/290 : 22 thermidor an XI-2 pluviose an XIII.

3Q 18/291 : 2 pluviose an XIII-20 frimaire an XIV.

3Q 18/292 : 20 frimaire an XIV-6 janvier 1807.

3Q 18/293 : 7 janvier 1807-26 août 1807.

3Q 18/294 : 26 août 1807-9 février 1809.

3Q 18/295 : 10 février 1809-31 décembre 1810.

3Q 18/297 : 10 juin 1815-8 janvier 1819.

3Q 18/298 : 8 janvier 1819-30 septembre 1822.

3Q 18/299 : 3 octobre 1822-20 août 1825.

3Q 18/300 : 22 août 1825-13 février 1828.

3Q 18/301 : 13 février 1828-25 février 1829.

3Q 18/302 : 25 février 1829-28 avril 1830.

3Q 18/303 : 28 avril 1830-16 juin 1831.

3Q 18/304 : 17 juin 1831-29 août 1832.

3Q 18/305 : 29 août 1832-11 décembre 1833.

3Q 18/306 : 11 décembre 1833-16 février 1836.

3Q 18/307 : 17 février 1836-18 juillet 1837.

Page 216: Les marchands de toiles d'Amanlis

Sources | 215

3Q 18/308 : 19 juillet 1837-14 novembre 1838.

3Q 18/309 : 14 novembre 1838-10 juin 1840.

3Q 18/310 : 10 juin 1840-3 février 1842.

3Q 18/311 : 3 février 1842-5 septembre 1843.

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Page 227: Les marchands de toiles d'Amanlis

Tables | 226

T A B L E D E S G R A P H I Q U E S

Graphique n°1 : Evolution de la population impliquée dans la production toilière à

Amanlis……………………………………………………………………………………

19

Graphique n°2 : Evolution de la population d'Amanlis entre 1780 et 1861…………….... 20

Graphique n°3 : Pièces de toiles marquées à Rennes (1748-1789)………………………. 33

Graphique n°4 : Pièces de toiles vendues à la halle de Rennes (1826-1855)…………….. 34

Graphique n°5 : Evolution du nombre des communes possédant des foires et marchés

dans la manufacture des toiles à voiles (1800-1885)……………………………………...

38

Graphique n°6 : La répartition des situations professionnelles des marchands de toiles

d'Amanlis en 1791………………………………………………………………………...

60

Graphique n°7 : Capitation des marchands de toiles par rapport aux autres en 1790……. 62

Graphique n°8 : L'âge des domestiques employés par les marchands en 1846………….. 65

Graphique n°9 : Montant du capital foncier des marchands de toiles d'Amanlis à leur

décès (an III-1842)………………………………………………………………………..

67

Graphique n°10 : Endogamie géographique - Origine paroissiale ou communale du ou

de la marié(e)……………………………………………………………………………...

75

Graphique n°11 : Endogamie socio-professionnelle - La profession du marié ou du père

de la mariée lors des mariages dans les familles Arondel, Chevrel et Jouzel……….........

78

Graphique n°12 : Généalogie simplifiée de la famille Chevrel, du Gros-Chêne……........ 80

Graphique n°13 : Alliances matrimoniales entre les familles Arondel et Jouzel………… 82

Graphique n°14 : Comparaison du montant du capital foncier des marchands de toiles

d'Amanlis (an III-1842) par rapport aux personnes ayant fait une déclaration de

mutations après décès au cours de l'année 1819 dans l'ensemble du bureau de Janzé…....

87

Graphique n°15 : Répartition des propriétés foncières des marchands de toiles selon les

différents types de parcelles dans la première moitié du XIXe siècle à Amanlis, d’après

les matrices cadastrales………………………………………………………………........

92

Graphique n°16 : Répartition sociale des marchands et non marchands, à Amanlis, à

partir des sommes d'inventaires après décès (1756-1853)……………………………......

116

Page 228: Les marchands de toiles d'Amanlis

Tables | 227

Graphique n°17 : Les marchands de toiles au sein du général de paroisse d'Amanlis

(1780-1789)……………………………………………………………………………….

130

Graphique n°18 : Les délibérants issus de familles marchandes (1780-1789)………........ 131

Graphique n°19 : La qualité des signatures dans les délibérations du général de paroisse

à Amanlis (1750-1789)………………………………………………………………........

139

Graphique n°20: Répartition sociale des électeurs d'Amanlis lors des élections

municipales de 1834………………………………………………………………............

149

Graphique n°21 : Répartition sociale du conseil municipal d'Amanlis lors des élections

municipales de 1834………………………………………………………………………

150

Graphique n°22 : Imposition des marchands de toiles par rapport aux autres électeurs en

1834……………………………………………………………………………………….

151

Graphique n°23 : Imposition des marchands de toiles par rapport aux autres membres

du conseil municipal de 1834…………………………………………………………......

152

Graphique n°24 : La vie politique de la famille Arondel au XIXe siècle à Amanlis…........ 155

T A B L E D E S T A B L E A U X

Tableau n°1 : L’impact de la culture chanvrière dans les inventaires après décès….......... 17

Tableau n°2 : Toiles à voiles fabriquées en 1751………………………………………… 26

Tableau n°3 : Toiles « rurales » fabriquées en 1853…………………………………....... 27

Tableau n°4 : Calendrier des foires dans les communes limitrophes d’Amanlis dans les

années 1840-1850…………………………………………………………………………

39

Tableau n°5 : La diversité des situations professionnelles des marchands de toiles

d’Amanlis en 1791……………………………………………………………………......

59

Tableau n°6 : Un emploi inégal des domestiques par les marchands de toiles en 1790 et

en 1846……………………………………………………………………………………

62

Tableau n°7 : Une typologie des domestiques employés par les marchands de toiles en

1790 et en 1846…………………………………………………………………………...

63

Page 229: Les marchands de toiles d'Amanlis

Tables | 228

Tableau n°8 : Nombre de membres du collège électoral de 1833 pour 1 000 habitants

selon le type de cantons……………………………………………………………….......

72

Tableau n°9 : Le paysage d’Amanlis d’après le relevé cadastral de 1837……………….. 89

Tableau n°10 : Les propriétés foncières des marchands de toiles à Amanlis…………….. 91

Tableau n°11 : Les propriétés foncières des marchands et l’accès à l’eau………….......... 94

Tableau n°12 : L’habitat à Amanlis en 1837…………………………………………....... 98

Tableau n°13 : Le classement des maisons d’habitation des marchands de toiles en

1837……………………………………………………………………………………….

99

Tableau n°14 : La ferme de Jean-François Chevrel……………………………………… 100

Tableau n°15 : Les carrières paroissiales de Jean-Baptiste Chevrel et de Jean-Baptiste

Boué……………………………………………………………………………………….

135

Tableau n°16 : Les signatures des membres du général de paroisse d’Amanlis (1750-

1789)……………………………………………………………………………………....

138

Tableau n°17 : Les signatures de marchands de toiles…………………………………… 140

Tableau n°18 : La garde nationale d'Amanlis (mai 1790)……………………………..…. 144

Tableau n°19 : Le conseil municipal d'Amanlis en 1834………………………………… 150

Tableau n°20 : Les maires d'Amanlis (1790-1880)………………………………………. 153

Tableau n°21 : Les marchands de toiles en faillite entre 1726 et 1790…………………... 189

T A B L E D E S S C H E M A S

Schéma n°1 : Le commerce des toiles à voiles, d’Amanlis à Saint-Malo du XVIIIe siècle

aux années 1850………………………………………………………………………......

54

Schéma n°2 : Chronologie des chantiers relatifs à l’église paroissiale d’Amanlis (1570-

1900)………………………………………………………………………………………

164

Schéma n°3 : Le retable du Rosaire de la chapelle sud, un retable lavallois…………..… 172

Page 230: Les marchands de toiles d'Amanlis

Tables | 229

T A B L E D E S C A R T E S

Carte n°1 : La manufacture des toiles à voiles « noyales » au XVIIIe siècle…………........ 15

Carte n°2 : Les foires et marchés de la manufacture des toiles à voiles au XIXe siècle…... 35

Carte n°3 : La répartition des membres du collège électoral de 1833 par canton……… 71

Carte n°4 : L’endogamie géographique des marchands de toiles et de leurs descendants :

étude des familles Arondel, Chevrel et Jouzel……………………………………………

76

Carte n°5 : La diffusion des confréries du Rosaire dans les paroisses rurales du diocèse

de Rennes, de 1604 à 1709……………………………………………………………......

125

Carte n°6 : Les confréries de dévotion (hors confréries du Rosaire) érigées dans les

paroisses rurales du diocèse de Rennes au XVIIe siècle……………………………….......

127

Carte n°7 : Localisation des retables dans la manufacture des toiles à voile et dans la

périphérie………………………………………………………………………………….

180

Carte n°8 : Constructions et reconstructions d’églises, au XIXe siècle, dans la zone de

production des toiles à voile et à sa périphérie………………………………………........

182

Carte n°9 : L’origine géographique des créanciers et des débiteurs des marchands de

toiles en faillite au XVIIIe siècle (1726-1790)……………………………………………..

191

Carte n°10 : L’origine géographique des créanciers des marchands d’étoffes et de draps

en faillite au XVIIIe siècle………………………………………………………………….

192

T A B L E D E S I L L U S T R A T I O N S

Illustration n°1 : Doués ou routoirs au lieu-dit Les Douëts-de-Néron à Amanlis………... 22

Illustration n°2 : Braie à broyer le chanvre………………………………………………. 23

Illustration n°3 : Rouet et travouil………………………………………………………... 24

Page 231: Les marchands de toiles d'Amanlis

Tables | 230

Illustration n°4 : Les anciennes halles de Janzé………………………………………….. 42

Illustration n°5 : Les anciennes halles de Châteaugiron dans la ville………………......... 43

Illustration n°6 : Plan de la halle de Châteaugiron, à l’état de projet……………….......... 45

Illustration n°7 : Photos de la halle de Châteaugiron…………………………………….. 46

Illustration n°8 : Plans du 2nd

projet de halle de Janzé………………………………….... 49

Illustration n°9 : Carte postale de la halle de Janzé……………………………………..... 51

Illustration n°10 : Les routoirs dans les propriétés foncières des marchands de toiles…... 96

Illustration n°11 : La ferme de Jean-François Chevrel aux Douëts-de-Néron sur le

cadastre d’Amanlis en 1837………………………………………………………………

101

Illustration n°12 : La « maison neuve » de Jean-François Chevrel aux Douëts-de-Néron. 102

Illustration n°13 : Le manoir du Gros-Chêne sur le cadastre d’Amanlis en 1837….......... 103

Illustration n°14 : Plan schématique possible du manoir du Gros-Chêne………………... 104

Illustration n°15 : Les caractéristiques architecturales de la maison de Pierre Jouzel, à la

Rivière…………………………………………………………………………………….

107

Illustration n°16 : La maison Boscher-Delangle dans le bourg de Saint-Thélo, vue de la

façade sud…………………………………………………………………………………

109

Illustration n°17 : Une maison de marchand de toiles dans la Grand Rue de

Châteaugiron………………………………………………………………………………

111

Illustration n°18 : Les hôtels particuliers des marchands de toiles quintinais……………. 113

Illustration n°19 : Bancs d’honneur dans la chapelle sud de l’église paroissiale………… 158

Illustration n°20 : La mairie-école d’Amanlis construite dans les années 1870……..…... 160

Illustration n°21 : La situation de l’église paroissiale dans le bourg d’Amanlis au XIXe

siècle………………………………………………………………………………………

165

Illustration n°22 : Date inscrite sur l’une des arcades de la chapelle sud………………… 165

Illustration n°23 : La chaire à prêcher……………………………………………………. 166

Illustration n°24 : Les fonts baptismaux de l’église paroissiale d’Amanlis, restaurés en

1741……………………………………………………………………………………….

167

Illustration n°25 : Plan de la sacristie reconstruite fin du XVIIIe siècle………………........ 168

Illustration n°26 : Le nouveau presbytère d’Amanlis, construit en 1779………………… 170

Illustration n°27 : Les retables de l’église paroissiale d’Amanlis, construits dans les

années 1630-1640…………………………………………………………………………

172

Page 232: Les marchands de toiles d'Amanlis

Tables | 231

Illustration n°28 : Le vitrail de Saint-François-Xavier, offert par la famille Jouzel-

Arondel en 1883……………………………………………………………………..……

177

Illustration n°29 : Le vitrail de Saint-Jean-Eudes, offert par les pères Chevrel en 1883… 178

Illustration n°30 : Plan cadastral de la fabrique Des Bouillons à Châteaugiron en 1849… 198

Page 233: Les marchands de toiles d'Amanlis

Table des matières | 232

T A B L E D E S M A T I E R E S

Remerciements………………………………………………………………….. 3

Avertissements …………………………………………………………………. 4

Introduction ..…………………………………………………………………… 5

Chapitre 1 – La production des toiles à voiles à Amanlis …………………. 13

3. L’IMPORTANCE DE L’ACTIVITE TEXTILE A AMANLIS ……………………………………...14

3.1. Amanlis, une paroisse au cœur de la manufacture des toiles à voiles……………...... 14

3.2. Une population paysanne entièrement impliquée dans la production des toiles…… 15

3.2.1. A travers l’étude des inventaires après décès ……………………………………… 15

3.2.2. A travers l’étude des registres de recensement …………………………………….. 18

4. LA PRODUCTION DES TOILES A VOILES …………………………………………………... 21

4.1. Du chanvre à la toile à voile ………………………………………………………………. 21

4.2. Les différentes toiles fabriquées dans les campagnes du triangle Rennes-Vitré-La

Guerche …………………………………………………………………………………….... 25

Chapitre 2 – D’Amanlis à Saint-Malo : le commerce des toiles à voiles .… 28

1. UN NOMBRE DE MARCHANDS IMPORTANT POUR UNE PRODUCTION TOILIERE MAJEURE ….. 29

1.1. Amanlis, vivier de marchands de toiles ………………………………………………….. 29

1.2. L’évaluation des ventes de toiles au fil des années …………………………………….. 31

2. LIEUX ET MOMENTS DE RENCONTRE DES MARCHANDS DE TOILES ………………………. 34

2.1. Foires et marchés : moments de rencontre des marchands……………………………. 34

2.2. Les halles : principaux lieux de rencontre des marchands ……………………………. 40

2.2.1. Des anciennes halles seigneuriales ………………………………………………… 40

2.2.2. Vers la construction de halles modernes dans les années 1850 …………………..... 44

Page 234: Les marchands de toiles d'Amanlis

Table des matières | 233

3. UN CIRCUIT DES TOILES : D’AMANLIS A SAINT-MALO ………………………………….. 52

Chapitre 3 – Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ? .. 57

1. Un groupe social professionnellement et financièrement très hétérogène ……………… 58

1.1. « Marchands de toiles » : une seule profession, mais des situations diverses ……... 58

1.2. Les marchands de toiles face à une richesse inégale ………………………………….. 61

1.2.1. Une inégalité face à la capitation …………………………………………………. 61

1.2.2. Un emploi inégal de domestiques par les marchands de toiles …………………… 62

1.3. … jusqu’à leur mort ………………………………………………………………………… 65

2. UN GROUPE SOCIAL A L’ECART DES ELITES DEPARTEMENTALES ………………………… 68

2.1. Les marchands de toiles d’Amanlis : une élite seulement locale à l’échelle de

l’Ille-et-Vilaine ……………………………………………………………………………... 68

2.2. Un monde rural globalement en marge des élites départementales………………….. 69

3. « SE MARIER ENTRE SOI » : UN MOYEN DE CONFORTER SA POSITION SOCIALE ET DE

CONSTRUIRE DES RESEAUX ……………………………………………………………..... 73

3.1. Amanlis, une société rurale endogame …………………………………………………... 74

3.1.1. L’endogamie géographique ……………………………………………………..… 74

3.1.2. L’endogamie sociale et professionnelle …………………………………………... 78

3.2. Alliances matrimoniales et mariages « en familles » ………………………………… 79

Chapitre 4 – Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands

de toiles ……………………………………………………………………… 85

1. UNE PETITE ELITE ECONOMIQUE LOCALE BASEE SUR LA PROPRIETE FONCIERE ? ……….. 86

1.1. Un patrimoine foncier plus important que la moyenne ……………………………… 86

1.2. Des propriétés foncières intégrées dans un paysage de bocage …………………… 88

1.3. Les propriétés foncières de quelques marchands de toiles ………………………….. 90

1.3.1. Des propriétés foncières de tailles variables ……………………………………… 90

1.3.2. Disposer d’un accès à l’eau grâce à la localisation des propriétés foncières ……... 92

1.3.3. Disposer d’un accès à l’eau grâce à la localisation des propriétés foncières ……. 94

2. LE PATRIMOINE IMMOBILIER DES MARCHANDS DE TOILES …………………………….... 97

Page 235: Les marchands de toiles d'Amanlis

Table des matières | 234

2.1. Des maisons de marchands entre simples exploitations agricoles et maisons de

bourgeois ruraux ………………………………………………………………………….. 97

2.1.1. Quelles types de propriétés immobilières possèdent les marchands ? ………. 97

2.1.2. L’exploitation agricole de Jean-François Chevrel ……………………….….. 100

2.1.3. La maison bourgeoise de Jean-Baptiste Chevrel ………………………….…. 103

2.2. Existe t-il un patrimoine toilier original à la manufacture des toiles à voiles ?.... 106

2.2.1. Un style « marchand de toiles » à Amanlis ? …………………………………. 106

2.2.2. Maisons marchandes à pan-de-bois de Châteaugiron vs. hôtels marchands en

pierre de Quintin ……………………………………………………………....... 110

3. LE PATRIMOINE MOBILIER DES MARCHANDS DE LA MANUFACTURE DES TOILES A

VOILES ………………………………………………………………………………… 114

3.1. Un patrimoine mobilier plus important que la moyenne ……………………………. 115

3.2. Des inventaires après décès révélateurs d’une certaine notabilité rurale ?.......... 117

Chapitre 5 – Les marchands de toiles : une élite politique locale ………. 120

1. LES MARCHANDS DE TOILES AUX COMMANDES DE LA PAROISSE ………………………. 121

1.1. La paroisse : cadre politique et religieux de la société amanlisienne …………..…. 121

1.1.1. Le cadre politique de la paroisse : général, fabrique et missions fiscales …… 121

1.1.2. Le cadre religieux : les confréries de dévotion ………………………………… 123

1.2. Les marchands de toiles et le contrôle de la paroisse ……………………………….. 129

1.2.1. Le contrôle des institutions politiques …………………………………………. 129

1.2.2. Le contrôle des confréries ……………………………………………………… 132

1.2.3. Les carrières paroissiales de Jean-Baptiste Chevrel et de Jean-Baptiste Boué,

dans les dernières décennies de l’Ancien Régime ……………………………... 133

1.3. Les marchands de toiles face à l’écrit…………………………………………………... 136

1.3.1. L’étude des signatures …………………………………………………………. 137

1.3.2. Quelle instruction pour les marchands de toiles? ……………………………… 140

2. LES MARCHANDS DE TOILES FACE A LA REVOLUTION FRANÇAISE ……………………… 143

2.1. La garde nationale, pré carré des marchands de toiles ……………………………… 143

2.2. Tensions idéologiques autour du pouvoir municipal ………………………………… 145

Page 236: Les marchands de toiles d'Amanlis

Table des matières | 235

2.3. Des marchands de toiles peu présents dans l’administration du district

de La Guerche et du canton de Janzé…………………………………………………… 146

2.3.1. Le conseil et le directoire du district de La Guerche …………………………... 146

2.3.2. La municipalité du canton de Janzé …………………………………………... 147

3. L’EMPRISE DES MARCHANDS DE TOILES SUR LA VIE MUNICIPALE AU COURS DU

PREMIER XIXE SIECLE …………………………………………………………………. 148

3.1. La domination d’un groupe social sur la vie municipale ………………………...….. 148

3.2. Des marchands à la tête de la municipalité …………………………………………… 153

3.2.1. Des maires puissants et influents localement …………………………………. 153

3.2.2. L’omniprésence de la famille Arondel du Talus dans la vie municipale …….. 154

Chapitre 6 – Les marchands et le patrimoine religieux …………………. 162

1. LE PATRIMOINE RELIGIEUX D’AMANLIS ……………………………………………...… 164

1.1. Les grandes phases de constructions religieuses et d’embellissement

artistique à Amanlis……………………………………………………………………….. 164

1.1.1. L’église Saint-Martin d’Amanlis : quatre siècles de chantiers paroissiaux …... 164

1.1.2. « L’affaire du presbytère » : le clergé à l’initiative d’un chantier paroissial …. 168

1.2. Les retables lavallois d’Amanlis : apogée de l’embellissement artistique

de la paroisse ?........................................................................................................ 171

1.2.1. Description des trois retables lavallois …………………………………………. 171

1.2.2. Un art de la Réforme catholique venu du Bas-Maine ………………………... 173

2. QUELLES INFLUENCES ONT EU LES MARCHANDS DE TOILES SUR L’ART

RELIGIEUX PAROISSIAL ? ………………………………………………………….…... 175

2.1. Une influence indirecte par l’intermédiaire des institutions paroissiales …..….… 175

2.2. Une influence directe limitée : l’exemple de la construction de deux vitraux.…..... 175

3. UN LIEN ENTRE PROSPERITE TOILIERE ET CHANTIERS PAROISSIAUX DANS LES

PAROISSES RURALES DE LA MANUFACTURE DES TOILES A VOILE ? ………………….… 179

3.1. Les retables lavallois, symbole du lien entre prospérité toilière et

dépenses artistiques ?............................................................................................... 179

3.2. Conserver ou reconstruire l’église paroissiale au XIXe siècle : un choix

artistique ou un choix économique ?........................................................................ 181

Page 237: Les marchands de toiles d'Amanlis

Table des matières | 236

3.3. La manufacture des toiles à voile : un modèle spécifique d’investissement

artistique ?................................................................................................................. 184

Chapitre 7 – Le destin d’une activité « fragile » : vers la disparition des

toiles à voiles dans les années 1860 ………………………………………… 187

1. LES CAUSES STRUCTURELLES …………………………………………………………. 188

1.1. L’endettement responsable de faillites de marchands………………………………… 188

1.1.1. Quels types d’endettement ? ………………………………………………….... 188

1.1.2. L’origine géographique des créanciers ………………………………………… 190

1.2. Un commerce affaiblit par les fraudes et les malfaçons …………….……………….. 193

2. LA CONCURRENCE NOUVELLE DES TOILES « MECANIQUES » ……………….…………. 195

2.1. La lente structuration d’une nouvelle concurrence : les toiles

mécaniques des industries urbaines …………………………………………………….. 195

2.1.1. La manufacture de la Piletière : les débuts d’une production mécanisée des

toiles à voile à Rennes …………………………………………………………. 195

2.1.2. Le développement des manufactures toilières urbaines au XIXe siècle ………. 196

2.1.3. De rares initiatives locales : Des Bouillons à Châteaugiron …………………... 197

2.2. Des toiles « noyales » aux toiles « rurales » : les marchands ruraux face au

déclin de la manufacture …………………………………………………………………. 198

2.2.1. Les toiles rurales : vers une amélioration qualitative de la production ………. 199

2.2.2. Les tentatives d’adaptation de quelques marchands ruraux ……………..…… 200

2.2.3. 1840-1860 : un dernier sursaut pour les toiles rurales grâce au soutien de l’Etat… 201

Conclusion générale …………………………………………………………. 203

Sources ………………………………………………………………………. 208

Bibliographie ………………………………………………………………… 216

Tables ………………………………………………………………………... 226

Table des matières …………………………………………………………… 232

Page 238: Les marchands de toiles d'Amanlis
Page 239: Les marchands de toiles d'Amanlis

Résumé :

Les XVIe et XVII

e siècles ont vu émerger, dans les campagnes du sud-est de Rennes,

une zone de production toilière particulièrement dynamique. Centrée sur les paroisses de

Noyal-sur-Vilaine, Châteaugiron, Amanlis, Janzé et Piré-sur-Seiche, la manufacture des

« noyales » est destinée à la fabrication et au commerce de toiles à voiles.

C’est à l’étude des mécanismes économiques, sociaux et commerciaux de cette

manufacture toilière, moins bien connue que les deux manufactures linières des « crées » dans

le Léon et des « bretagnes » dans le Centre-Bretagne, que ce travail est consacré. De plus,

cette recherche entend se concentrer sur les acteurs majeurs de cette production toilière : les

marchands ruraux de toiles à voiles. L’analyse de ce groupe social, mal identifié, tourne

autour d’une question centrale : forment-ils une petite élite rurale économique, sociale et

politique à l’échelle de leur paroisse au XVIIIe siècle, puis de leur commune au XIX

e siècle,

voire au-delà ?

Mots-clés :

Amanlis, marchands de toiles, élite rurale, proto-industrie textile, toiles à voiles, chanvre

Page 240: Les marchands de toiles d'Amanlis

Université Rennes 2 – Haute Bretagne

Centre de recherches historiques de l’Ouest – CERHIO

Thomas PERRONO

Les marchands de toiles d’Amanlis

Une petite élite rurale au cœur de la manufacture des toiles à voiles

1750 – v. 1900

Sous la direction de M. Yann LAGADEC

Master 2 Histoire, sociétés et cultures

Septembre 2011

Page 241: Les marchands de toiles d'Amanlis

Université Rennes 2 – Haute Bretagne

Centre de recherches historiques de l’Ouest – CERHIO

Thomas PERRONO

Les marchands de toiles d’Amanlis

Une petite élite rurale au cœur de la manufacture des toiles à voiles

1750- v. 1900

Tome 2

Sous la direction de M. Yann LAGADEC

Master 2 Histoire, sociétés et cultures

Septembre 2011

Page 242: Les marchands de toiles d'Amanlis

En couverture : Carte postale de la halle de Janzé, début du XXe siècle, éd. Mary-Rousselière, Rennes.

Page 243: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°1 | 3

A N N E X E N °1

La production des toiles en Bretagne du XVIe au XVIII

e siècle

Source: TANGUY Jean, Quand la toile va. L’industrie toilière bretonne du 16e au 18e siècle, Rennes, éd. Apogée, 1994, p. 12.

Page 244: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°2 | 4

A N N E X E N °2

Liste des marchands de toiles d’Amanlis en 1791

(ADIV, E dépôt administratif Amanlis 4)

Nom Prénom Lieu d’habitation Professions mentionnées

Albert Jean Séran marchand de fils et toiles et tisserand

Albert François Séran marchand de fils et toiles

Barbier Jean Les Tais marchand de fils et toiles

Barbier René Les Musses marchand de fils et toiles

Belloir Louis La Haute Touche de Nairon marchand de toiles fils et autres denrées

Benard Toussaint Laval cabaretier / marchand de fils et toiles

Berthiau Charles Les Tais marchand de fils et toiles

Bigot Pierre Le Cormier marchand de fils et toiles

Bigot Jean Les Ouches marchand de fils et toiles

Boüe Jean Le Cotterel marchand de fils et toiles

Boüe Emmanuel Séran charron et marchand de fils et bois

Boüe Jean-Baptiste Bourg menuissier et marchand de fils et bois

Brizé Antoine La Piardière marchand de fils et toiles

Brizé Georges Le Jarrot marchand de fils / notaire

Brizé Georges La Piardière marchand de fils et toiles

Brossault Jean Villarcel marchand de fils et toiles

Brossault Jullien Haut Jussé marchand de fils et toiles

Bustault Théodore Le Gripail marchand de fils et toiles

Chailleux Paul Laval marchand de fils et toiles

Châtellier Félicien Séran marchand de fils et toiles

Chevrel Jean-Baptiste Le Gros-Chêne marchand de fils et toiles

Chevrel Jean-François Nairon marchand de fils

Chevrel Joseph La Piardière marchand de fils et toiles

Croyal Jean père Le Gripail marchand de fils et toiles

Debroize Joseph Bourg marchand de fils et toiles / menuisier

Desiles Jean Laval marchand de fils et toiles et tisserand

Faucheux Jean Laval marchand de fils et toiles et menier

Garnier Jean Le Bois-Robert marchand de fils et toiles

Garnier René Nairon marchand de fils

Garnier Charles Laval marchand de toiles et fils

Gilbert Jean-Baptiste Vasselot marchand de fils et toiles

Grée Pierre Bourg marchand de fils et toiles / cordonnier

Guibour Joseph Séran marchand de fils et toiles

Guyené Charles Nairon marchand de fil

Haslé René Lessart marchand de fils et toiles

Page 245: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°2 | 5

Hazard Paul La Pucelais marchand de fils et toiles

Herrault Georges Laval marchand de toiles et fils et tisserand

Jamier Jean Laval marchand de toiles et fils et tisserand

Jamier Georges Laval marchand de fils et toiles et tisserand

Jamois Georges Le Pré du Verger marchand de fils et toiles

Jouzel Pierre Nairon marchand de fils

Loüis Jullien Nairon marchand tanneur et marchand de toiles

et fils et autres denrées

Loüis Georges Bellemotte marchand de fils et toiles et tisserand

Lussot Nicolas Les Basses Landes marchand de fils et toiles

Maleuvre Pierre Les Musses marchand de fils et toiles

Martin Charles Les Cours Ravoües marchand de fils et toiles

Menard Jacques Cahan marchand de fils et toiles

Meslet Jean Laval tisserand et marchand de toiles

Micault Jean Le Paty Loyer marchand de fils et toiles et tisserand

Morin François Touche-Ronde marchand de toiles et fils

Paris Jean père Chaufour marchand de fils et toiles

Paris Pierre Chaufour marchand de fils et toiles et tisserand

Perrichon Alexis Séran marchand de fils et toiles

Ricard Jullien Le Talut marchand de fils et toiles

Robert René Le Bois Tilleul marchand de fils et toiles

Robert Joseph La Rivière de Nairon marchand de fils et toiles

Robert Georges La Trincandière marchand de fils et toiles

Tortellier François Le Vinoux marchand de fils et toiles

Vallée Jacques Le Jarrot marchand de fils et toiles

Veillaux Joseph Villarcel marchand de fils et toiles

Veilleaux Jean Lessart marchand de fils et toiles

Viel René L’Ombrière marchand de fil

Page 246: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°3 | 6

A N N E X E N °3

Liste des marchands de toiles d’Amanlis au XIXe siècle

(ADIV, 6M 50)

Recensement de 1841 :

Nom Prénom Lieu d’habitation Professions mentionnées

Belloir Célestin (père) Villarcel Marchand

Belloir Célestin (fils) Villarcel Marchand

Belloir Jean-Marie Villarcel Marchand

Belloir Jeanne-Marie Villarcel Marchande

Belloir Rose Villarcel Marchande

Rezé Joseph Les Ouches Marchand

Viel Joseph Bourg Marchand

Recensement de 1846 :

Nom Prénom Lieu d’habitation Professions mentionnées

Arondel Désiré Le Talus Marchand

Belloir Jean-Marie Villarcel Marchand

Bouthemy François Bourg Marchand de fil

Croyal Jean-Baptiste Le Coterel Marchand de toiles

Dufil Julien Bourg Marchand - tailleur

Garnier Benjamin Bourg Marchand

Jouzel René Néron Propriétaire et marchand

Louis Joseph Bourg Marchand

Viel Joseph Bourg Marchand

Recensement de 1851 :

Nom Prénom Lieu d’habitation Professions mentionnées

Belloir Jean-Marie Villarcel Marchand

Bouthemy François Bourg Marchand de fil

Bouyaux Ambroize Piolaine Cultivateur marchand

Chauvigné Jeanne Bourg Marchande et buraliste

Dufil Julien Bourg Marchand et buraliste

Page 247: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°3 | 7

Recensement de 1856 :

Nom Prénom Lieu d’habitation Professions mentionnées

Albert Jean Bourg Marchand

Arondel Désiré Le Talus Marchand et agriculteur

Belloir Marie La Touche de Néron Marchand

Bouthemy François Bourg Marchand de fil

Chevrel Jean-Marie Néron Marchand

Chevrel Adolphe Belle Motte Marchand

Domaigné Pierre Gros-Chêne Marchand et propriétaire

Dufil Ferdinand Bourg Marchand

Jouzel François Néron Marchand et cultivateur

Lebeau Jean-Baptiste Laval Marchand

Renault Joseph Bourg Marchand

Viel Joseph Bourg Marchand

Recensement de 1861 :

Nom Prénom Lieu d’habitation Professions mentionnées

Arondel Désiré Le Talus Agriculteur marchand

Belloir Jean-Marie Bel-Air Marchand

Boulet Louis Néron Marchand

Chevrel Jean-Marie Néron Marchand

Desbois Jacques Bourg Marchand

Dufil Ferdinand Bourg Marchand

Jouzel François Néron Fabricant

Renault Joseph Bourg Marchand

Viel Joseph Bourg Marchand

Page 248: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°4 | 8

A N N E X E N °4

La localisation des marchands d’Amanlis en 1791 et 1856

Légende :

Page 249: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°5 | 9

A N N E X E N °5

Rôles de capitation de 1783 et 1790

(ADIV, C 4053 et C 4066)

Noms des contribuables Sommes de la capitation

1783 1790 TRAIT DU BOURG

René Garnier

Une servante

5L. 6L.

1L.

Baptiste Boué (trait de Teillay en 1783) 3L. 5L.

Louis Beloir

Une servante

6L.

1L. 10s.

Pierre Grées (trait de Toucheronde en 1783) 3L. 3L.

Charles Martin 1L. 10s. 5L.

Pierre Bigot (trait de Teillay en 1783) 11L. 9L.

Jean Bigot 3L.

Jean-Baptiste Chevrel

Un domestique

Un autre domestique

Un tisserand

Une servante

29L.

2L. 10s.

1L. 10s.

3L.

2L.

La veuve Chevrel :

25L.

2L.

1L.

2L. 10s.

1L. 10s.

Joseph Guibourd

Un tisserand

Un domestique

Une servante

Un valet

10L.

2L.

1L.

1L.

9L.

2L.

1L. 10s.

René Desisles

Un tisserant

Une servante

7L.

2L.

2L.

6L.

2L.

Alexis Pesruchon 2L.

Emanuel Boüe 2L. 2L.

François Albert

Une servante

3L. 10s.

1L. 10s.

Jean Paris

Un valet

Un tisserand

18L.

2L.

3L.

13L.

1L. 10s.

Paul Hasard

Un tisserant

Une servante

9L. 8L.

2L.

1L. 10s.

René Robert

Un tisserand

Deux domestiques

Un valet

Un autre valet

Une servante

9L.

3L.

4L.

9L.

2L.

1L.

1L. 10s.

Jean Brosseau femme et ses deux fils 2L. 4L.

Page 250: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°5 | 10

TRAIT DE NERON

Jean Desisles

Une servante

3L. 10s.

1L.

1L. 10s.

Julien Louis

Un valet

Un domestique

Une servante

17L.

2L.

12L.

2L.

1L.

René Garnier (trait de la Rivière en 1783 –

Gripail)

Une servante

15L. 10s.

2L.

5L.

François Chevrel

Une servante

12L.

1L.

6L.

Pierre Jozel 7L. 10s. 6L.

Joseph Robert

Un tisserand

Un valet

Un domestique

Une servante

12L.

3L.

1L.

1L. 10s.

10L.

2L.

1L.

TRAIT DE TEILLAIS

Charles Bertiaud

Une servante

3L.

1L. 10s.

Jean Barbier

Une servante

7L.

2L.

6L. 10s.

1L. 10.s

Les mineurs de Charles Bertiaud 2L. 10s. 3L.

René Haslé

Une servante

8L. 4L.

1L. 10s.

Jean Boué

Une grande servante

Une servante

7L. 15s.

2L.

1L.

8L.

1L. 10s.

Pierre Maleuvre 3L.

TRAIT DE TOUCHERONDE

Jean Boué du Coterel

Un domestique

Une servante

2L. 5L.

2L.

1L. 10s.

François Morin

Deux servantes

Un tisserant

Un valet

17L. 10s.

4L.

2L. 10s.

2L.

18L.

3L.

2L.

Léonard Ruffeaut (Lussot)

Un valet

Un tisserant

Un domestique

Une servante

Une autre servante

7L.

2L.

2L.

1L. 10s.

5L.

2L.

2L.

1L. 10s.

François Tortelier

Une servante

7L.

2L.

7L.

1L. 10s.

Julien Louis son fils 2L. 2L.

Julien Brosseau

Une servante

Un valet

15L.

1L. 10s.

1L.

13L.

1L. 10s.

Page 251: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°5 | 11

Nicolas Luçsau 9L. 7L.

Martin Morin

Un valet

Un tisserant

Une servante

15L. 10s.

1L. 10s.

12L.

1L. 10s.

1L.

Georges Louis

Un tisserand

6L.

1L. 10s.

5L.

Jean Micault 1L. 10s.

Julien Ricard

Une servante

Un domestique

Deux servantes

9L.

1L. 10s.

10L.

2L.

3L.

René Viel 2L.

TRAIT DE LA RIVIERE

Georges Robert

Un tisserand

Un valet

Deux domestiques

Une servante

9L. 10s.

3L.

1L.

2L.

9L.

4L.

1L. 10s.

Teodore Buteau 3L.

Jean Croyal père

Un valet

16L.

1L.

6L.

Jean Croyal fils

Deux servantes

6L.

3L.

Jean Meslet

Une servante

7L.

2L.

La veuve Jean Meslet : 4L.

Jacques Menard 11L. 10s. 10L.

Jacques Vallée 1L. 2L.

Joseph Chevrel (trait de Teillay en 1783 ?) 9L.

1L. 10s.

3L.

Antoine Brizé

Un domestique

7L. 5L.

2L.

Georges Brizé

Une servante

9L. 5L.

1L. 10s.

La veuve Joseph Chevrel 2L.

Georges Jamois (trait du bourg en 1783)

Une servante

3L.

1L. 10s.

2L.

Jean Garnier 7L. La veuve Jean Garnier :

4L.

TRAIT DE LAVAL

Toussaint Besnard

Une servante

15L.

2L.

18L.

Jean Desisles 6L. 10s. 3L. 10s.

Jean Faucheux

Un farinier

8L.

3L.

Georges Herault 1L. 10s.

Georges Jamier 1L. 1L.

Jean Louis Jamier 2L. 10s. 3L.

Charles Garnier 3L.

Page 252: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°6 | 12

A N N E X E N °6

La répartition des marchands selon leur capital foncier, d’après les

registres de mutations après décès

(ADIV, 3Q 18/283 à 3Q 18/311)

Date de la déclaration Nom du décédé Somme (fr.)

4 thermidor an 3 Jan Desilles 1308,4

12 frimaire an 5 Antoine Brizé 6025

23 messidor an 6 Georges Loüis 0

21 thermidor an 6 Jan Paris 5500

9 fructidor an 6 François Morin 14425

6 nivôse an 7 René Hallé 1232

16 pluviôse an 7 Julien Louis 4573

3 germinal an 8 Toussaint Benard 11898

2 vendémiaire an 9 Jan Croyal père 8470

6 brumaire an 10 Jean Bigot 0

24 brumaire an 10 Pierre Bigot 3000

25 prairial an 10 Jean Veillaut 2232

27 fructidor an 10 Georges Robert 2908

8 pluviôse an 11 Jean Baptiste Boué 14400

21 fructidor an 12 Joseph Veillaut 300

9 floréal an 13 Georges Jamier 0

27 messidor an 13 Jacques Vallée 0

27 mai 1807 René Robert 400

6 juillet 1807 Joseph Robert 3420

25 novembre 1807 Alexis Perrichon 1200

19 avril 1809 Joseph Debroise 6650

24 octobre 1810 Jullien Ricard 6040

4 novembre 1816 Jean Micault 5135

25 mars 1818 Emmanuel Boué 0

22 avril 1818 Georges Brizé 2594

23 juin 1819 Jean Garnier 1800

18 janvier 1820 François Tortellier 2640

12 juillet 1820 Nicolas Lussot 2840

3 août 1820 François Albert 5040

15 janvier 1823 Charles Berthiau 11990

11 avril 1823 Jean Boué 2760

22 octobre 1828 Jean Albert 3501,2

4 novembre 1829 Paul Hazard 5400

25 mai 1831 Pierre Jouzel 11000

Page 253: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°6 | 13

22 février 1832 Georges Brizé 2566,65

5 décembre 1832 Georges Jamois 780

26 décembre 1833 Joseph Chevrel 1200

10 février 1834 Pierre Antoine Arondel 3230

24 juin 1836 Jean-Baptiste Chevrel 7110

28 juin 1837 Louis Belloir 0

5 avril 1842 Jean-François Chevrel 23209,6

Page 254: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°7 | 14

A N N E X E N °7

Généalogie de la famille Chevrel du Gros-Chêne

Page 255: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°7 | 15

Page 256: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°7 | 16

Page 257: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°7 | 17

Page 258: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°7 | 18

Page 259: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°8 | 19

A N N E X E N °8

Généalogie de la famille Jouzel

Page 260: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°8 | 20

Page 261: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°8 | 21

Page 262: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°8 | 22

Page 263: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°9 | 23

A N N E X E N °9

Généalogie de la famille Arondel

Page 264: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°9 | 24

Page 265: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°10 | 25

A N N E X E N °1 0

Propriétés foncières de Jean-Baptiste Chevrel

(ADIV, 3P 96 et 3P 5235)

Carte : Thomas Perrono

Page 266: Les marchands de toiles d'Amanlis
Page 267: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°12 | 27

A N N E X E N °1 2

Propriétés foncières de Pierre-Antoine Arondel

(ADIV, 3P 96 et 3P 5235)

Carte : Thomas Perrono

Page 268: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°13 | 28

A N N E X E N °1 3

Répartition du parcellaire des propriétés foncières

des marchands de toiles

(ADIV, 3P 96)

Page 269: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°14 | 29

A N N E X E N °1 4

Inventaire après décès de Jean-François Chevrel

Transcription de l’inventaire après décès des biens de Jean-François Chevrel, en

date des 5-6 novembre 1841

ADIV, 4E 4316, 12 folios

L’inventaire après décès a été transcrit dans son intégralité.

La mise en forme se veut la plus fidèle possible à la source.

Règles de transcription :

- Maitre : les abréviations ont été développées, elles sont signalées par un texte en

italique.

- Amanlis : les majuscules ont pu être ajoutées aux noms propres, elles sont

signalées par un caractère gras.

- [correction apportée en marge du texte: François] : des corrections apportées par le

notaire en marge ou des commentaires permettant de comprendre le texte ont été

insérés entre crochets.

- Nous avons choisi de transcrire les mots rayés par le notaire. De la même façon, ils

ont été rayés dans la transcription.

[folio 1]

Le 6 novembre 1841

L’an mil huit cent quarante & un, le

cinq novembre.

A la requête :

1° Du sieur Jean-Baptiste Chevrel, cultivateur,

Page 270: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°14 | 30

demeurant aux Douets de Nairon, commune d’Amanlis,

2° De Jeanne-Marie Chevrel, veuve du sieur

Francois Jouzel, cultivatrice, demeurant à la Ferronnerie,

commune d’Amanlis.

3° Du sieur Augustin Garnier, proprietaire

demeurant à Janzé, enfant né du mariage de feux

Elisabeth Chevrel & Augustin Garnier.

Les dits Jean-Baptiste, Jeanne-Marie

et Elisabeth Chevrel frère & sœurs germains

nés du premier mariage de feux Jean-Francois

Chevrel avec Anne Cosnard.

4° Du sieur Pierre Chevrel & Jean Chevrel,

cultivateurs, demeurant au dit lieu des Douets

de Nairon, commune d’Amanlis

Et 6° Du sieur marie [correction apportée en marge du texte: François] Chevrel, cultivateur,

demeurant au dit lieu des Douets de Nairon, mineur

émancipé de justice, assisté & autorisé de M. Prosper

Menard prelembert propriétaire, demeurant aux

Ormeaux midi commune de Janzé, son curateur, les dits

François Pierre & Jean & Marie Chevrel

frères germains nés du second mariage du dit

feu Jean François Chevrel avec Marie Monnier,

Les dits Jean –Baptiste, Jeanne-Marie,

Elisabeth Pierre, Jean & Marie Chevrel,

habiles à se dire & porter héritiers conjointement

avec le dit Augustin Garnier, représentant

Elisabeth Garnier Chevrel, sa mère, pour

Page 271: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°14 | 31

un sixième chacun dans la succession du dit

feu Jean-François Chevrel, leur père commun.

A la conservation des droits et intérêts des parties

et de tous autres qu’il appartiendra, il va être par

Maitre Joseph-Julien Chapon, notaire à Janzé (Ille

-&-Vilaine) soussigné, procédé au dit lieu des

Douets de Nairon, commune d’Amanlis, à l’inventaire

fidèle & description exacte des meubles et effets

mobiliers, titres & renseignements dépendant de la

[folio 2]

communauté qui a eu cours entre le dit Jean-François

Chevrel & Marie Monnier sa dernière épouse : tous les

deux décédés.

Et sur la représentation de ces meubles et

effets mobiliers, qui va être faite par les dits Pierre

Jean et Marie Chevrel, qui ont eu depuis le déces

de leur père, la garde verbale des dits meubles, lesquels

ont promis tout montrer, indiquer & déclarer,

La prisée des choses [note en marge : sujettes à l’estimation] va être faite par le notaire

soussigné, concurremment avec M. Jean-Francois

Bonyaux, expert, demeurant à la Herverie, commune

de Piré, choisis par les enfans du second lit, et

avec M. Paul-Jean-François Hervouin, greffier

de la justice de paix du canton de Janzé, expert

convenu & choisi par les enfans du premier lit ;

lesquels ont promis estimer les objets à leur juste

Page 272: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°14 | 32

valeur, en suivant le cours du tems actuel

Dans la maison de demeure

une cremaillère réscurér trois francs & demi 3.50

un gril des pinces un francs & demi 1.50

une pierre à galette, trépied, tournette

1 &

galettier, huit francs 8.

une casserole, une écumoire, deux

francs & demi 2.50

la grande marmite & couvert deux

francs & demi 2.50

la petite et son couvert, deux francs

et demi 2.50

la choiné [chaine ou chenêt] des chaudrons d’airain noirici

quatre francs 4.

le second idem, deux francs & demi 2.50

un pöelon & un clou un franc 1.

un poële à frire, deux francs & demi 2.50

un chaudron d’airain jaune, la choiné [chaine ou chenêt]

cinq francs 5.

La deuxième choiné [chaine ou chenêt] idem quatre francs

et demi 4.5

une vieille grande poêle chaudrière,

trente francs 30.

un soufflet, une […] en bois & un panier

à reporter a 70.00

1 Un dévidoir sert à dévider du fil, de la laine, du coton. C’est un instrument en bois tournant sur des pivots.

LITTRE Emile, Dictionnaire de la langue française, 1863-1872.

Page 273: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°14 | 33

[folio 3]

Report a 70

de provision, deux francs 2.

Un bois de bit au nord, paillasse, ballière,

traversin en balle, deux oreillers de plume,

couverture de laine, carrée vergette, plafond

tour & rirdeaux de ras vert, vingt-quatre

francs 24.

Bois de lit à l’ouest, paillasse, ballière,

couette de plume, couverture de laine, un traversin,

& deux oreillers de plume carrée, vergettes, pentes

en coton plummé & rideaux en ras vert, quatre-vingt

dix francs 90.

La meilleure demi-armoire, vingt-sept

francs 27.

La moindre idem, cinq francs 5.

Une grande armoire sculptée, douze francs 12.

Une horloge & sa boite vingt francs 20.

Une longue table, un franc cinquante centimes 1.50

Douze chaises, six francs 6.

Dans la maison neuve.

Un bois de lit au nord, paillasse, ballière,

couette de plume, quatre oreillers de plume, couverture

de laine verte, carrée, vergette, pentes & rideaux de

coton flammé, cent trente-quatre francs 134.

Bois de lit au midi, paillasse, ballière,

couette de plume, couverture de laine, un traversin

Page 274: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°14 | 34

& deux oreillers de plume, carrée vergettes, pentes

& rideaux de coton flammé, centre trente-cinq francs 135.

Un bois de lit à l’ouest, paillasse, ballière,

couette de plume, couverture de laine, quatre oreillers

de plume, carrée, vergette, pentes & rideaux de

coton flammé, soixante-cinq francs 65.

La demie-armoire, vingt francs 20.

Une hache à lait, douze francs 12.

Une grande armoire à fiche de longueur,

cent cinq francs 105.

Une autre grande armoire, trente-huit

francs 38.

Une longue table & son banc, dix francs 10.

Une petite table, cinq francs 5.

Un rouet à dévider, étagère et piron, cinq

francs 5.

à reporter a 786.50

[folio 4]

report a 786.50

Douze chaises, dix francs 10.

Des balances, fléaux, crochets cordages &

poids, seize francs 16.

Tout le fil écru, cent quarante-cinq

francs cinquante centimes 145.50

Trois toiles chez René Jouzel, quatre

cent trente francs. 430.

Page 275: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°14 | 35

Deux idem chez Davignon, deux cent

soixante-&-un francs 261.

Une idem chez Prioult-Hairault, soixante

seize francs vingt-cinq centimes 76.25

Une idem chez Vaurais cente trente-

&-un francs 131

Le fil destiné pour faire une toile,

cent trente-&-un francs 131

Centre trente six kilogramme de chanvre

en poupée (compris celui au fillage) cent

quarante-neuf francs soixante centimes 149.60

Dans la buanderie.

La meilleure faux & les moindre battment,

quatre francs 4.

La moindre idem & la meilleurs battemens

quatre francs 4.

La meilleur tranche, deux francs 2.

La seconde idem, un franc quatre-vingt

dix centimes 1.90

La hache/huche à terre, un franc & demi 1.50

La huche à poing un franc & quart 1.25

Un faucillon, un franc 1

Un croc, soixante-quinze centimes .75

Une fourche de fer un franc soixante

quinze centimes 1.75

Autre idem un franc & quart 1.25

La meilleur houe, deux francs 2.

Page 276: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°14 | 36

Les deux moindres, deux francs et demi 2.50

Le meilleur rateau cinquante centimes .50

Une pelle dont le manche est cassé, deux

francs 2.

Quatre faucilles deux francs 2.

à reporter a 2165.65

[folio 5]

report a 2165.65

Une bombe de vitriole, vingt huit francs 28.

Un vaissellier, deux francs cinquante

centimes 2.50

Une barate, plat à beurre et cuiller, sept francs 7.

Un charnier à bœuf, six francs 6

Le charnier à lard & la viande qu’il contient,

cinquante dans le cellier francs 50.

Un tonneau numéro un, huit francs 8.

Dans le cellier.

Tonneau numéro deux, huict francs 8

Tonneau numéro trois, neuf francs 9

Tonneau numéro quatre, neuf francs 9.

Tonneau numéro cinq, sept francs 7.

Tonneau numéro six, quinze francs 15.

Tonneau numéro sept francs 7

Un tonneau plein de cidre numéro un,

vingt-quatre francs 24

idem numéro deux, vingt francs 20.

Page 277: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°14 | 37

Idem numéro trois, vingt-cinq francs 25.

Idem numéro quatre, trente-cinq francs 35.

Une pelle de fer, quatre francs 4.

Dans l’écurie

Un petit bois de lit, paillasse, ballière,

deux oreillers & une couverture de fil, douze

francs 12

Autre bois de lit, paillasse, ballière, un

traversin & deux oreillers de plume & couvertures

de fil, quatorze francs 14.

Un coffre en forme de maie, trois francs 3.

Une vieille armoire sculptée, un franc 1.

Maie à pétrir, binettes, sas2, grilles, et

tambour à farine, huit francs 8.

Le meilleur bar à cheval, quinze francs 15.

Le moindre, douze francs 12.

Une selle de limon3, sourdeux & accessoires,

dix-huit francs 18.

Le colier avec les traits, treize francs 13.

Le second idem, douze francs 12.

Le troisieme, huit francs 8

Deux broies, cinq francs, 5.

à reporter a 2551.15

[folio 6]

2 Un sas est un tamis en tissu dans un cercle de bois servant à passer la farine. LITTRE Emile, Dictionnaire,

op.cit. 3 Une selle de limon sert à faire porter au cheval, dit limonier, les limons de la voiture. BIXIO Alexandre, Maison

rustique du XIXe siècle: encyclopédie d'agriculture pratique, volume 2, Librairie agricole, Paris, 1837, p.482

Page 278: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°14 | 38

reporter a 2551.15

Dans la cour

Une charrette et armure, deux cent

cinquante francs 50

Un des roues de charrettes & ridelles

soixante quinze francs 75.

Un tombereau4 & accessoires, dix

francs 10.

Dans la maison dite la subite

Un metier à toile vingt-cinq francs 25.

Un pressoir, vingt-&-un francs 21.

Dans les greniers

Un grand van, trente six francs 36.

Un van d’osier six francs 6.

Un boisseau trois francs et demi 3.50

Toutes les douves5 & fonds de pome,

quinze francs 15.

Un bar à cheval, trois francs 3.

Tout le froment ou méléard6, mille

francs 1000.

Toute l’avoine, trois cents francs 300.

Toute l’orge, quarante-cinq francs 45.

Toute la graine de chanvre, trente-

six francs 36

4 Un tombereau est une charrette entourée de planches servant à porter du sable, des pierres, etc. LITTRE, Emile,

Dictionnaire, op.cit. 5 Les douves sont les planches formant le corps d’un tonneau et tenues ensemble avec des cercles. Ibid.

6 Le méteil ou méléard est un mélange de froment et de seigle, d’avoine et froment ou seigle. Cette culture était

présente dans la subdélégation de Rennes à la fin de l’Ancien Régime. SEE Henri, « Les classes rurales en

Bretagne du XVIe à la Révolution », Annales de Bretagne, 1908, vol.24, n°1, p.54.

Page 279: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°14 | 39

Tout le blé noir, deux cent dix

francs 210

Deux charrues, soc, curette, chaine,

& accessoire, vingt franc 20.

Dans l’étable.

La vache Moizy, soixante douze francs 72.

La vache Mignonne, cinquante-cinq

francs 55

Vache d’engrais, soixante-six francs 66

La vache tête blanche, cent francs 100

La vache jolie, cent huit francs 108

La vache étoile, cent francs 100

La vache gaillarde, soixante francs 60

La vache pieds-fins, quatre vingt

cinq francs 85

La vache petite, soixante-dix-huit

francs 78.

à reporter a 5330.65

[folio 7]

report a 5330.65

La chèvre, huit francs 8.

Dans le refuge à porcs

Un cochon, quarante-deux francs 42.

Près le douet

Deux cuves, un cuvot et un cacot avec

un trou, trente francs 30.

Page 280: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°14 | 40

Ce qu’il y a de pommes de terre, soixante

quinze francs 75

Tout le chanvre broyé, deux

cent en loyons et évaillé, deux cents francs 200

Dans l’écurie

Le cheval bleu, et ses équipages de

charruages, cent quarante francs c’est deux cent quarante 240 [le chiffre 2 a été retouché]

Le cheval bijou & ses équipages de

charruage cent francs 100

Une sie de travers deux rangeots & un

seau à eau, cinq francs 5.

Etant cinq heures du soir, il a été

renvoyé pour continuer le présent inventaire

à demain six novembre courrant aux neuf

heures du matin. Il a été vaqué au présent

depuis dix heures du matin aux

cinq heures du soir (deux vacations).

En présence des témoins ci-après

nommés. 6030.65

Et ont les parties signé avec le notaire

& les experts & témoins après lecture

[Signatures]

J.M Chevrel J.Chevrel

Baptiste Chevrel Garnier P.Chevrel

Prosper J.B.P Cheverel Hervouin

Menard Bonyaux

Page 281: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°14 | 41

Chocquené Cordier

Chapon

[folio 8]

report a 6030.65

Et le six novembre mil huit cent quarante-&-un,

et en vertu du renvoi d’autre part. Mr Chapon notaire

soussigné à aux mêmes requêtes & présence et toujours sous

l’expertise des sieurs Hervouin & Bonyaux

procédé à la continuation du présent procès verbal

d’inventaire, ainsi qu’il suit :

Dans la maison neuve.

Vingt-quatre taies d’oreiller, cinquante trois draps de lits,

quatorze napes, vingt torchons, cent quatre-cingt-quinze

francs 195

Les hardes & chemises du défunt, soixante

francs 60

Un fer à dresser, deux francs 2

Deux grandes cuillers à soupe, vingt-huit à

bouches, deux à café : toutes en étain & seize fourchettes en

fer, six francs 6

Un jeu de cannelles7, deux francs et demi 2.50

Du suif en pain, quatre francs quatre-vingts centimes 4.80

Cinq plats & une écuelle & neuf cuillers en étain

et une fourchette, dix francs 10

Tous les pots à lait, vaisselles porterie, neuf francs 9.

7 Une cannelle est un robinet formé d’un morceau de bois ou de métal pour tirer le vin d’une cuve, d’un pressoir

ou d’un tonneau. Ibid.

Page 282: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°14 | 42

Un pot & le beurre qu’il contient, quatorze

francs 14.

Un pot & la graisse qu’il contient, quatorze francs 14.

Sept verres, trois sallières et une bouteille de

verre, un franc cinquante centimes 1.50

Une mauvaise couverture de fil & six sacs de toile

six francs 6.

Dans la cour

Ce qu’il y a de paille de froment, méléard,

avoine deux cent soixante quinze francs 275

Ce qu’il y a de gros bois & fagot quatre-vingt francs 80

Cent fagots environ dans le champ

Juguené, dix francs 10.

Le carreau en planche, quinze francs 15.

Ce qu’il y a de foin dans les greniers cent francs 100.

La paille d’écot et celle de blé noir, soixante

francs 60

Déclaration concernant l’actif

à raporter a 6895.45

Page 283: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°14 | 43

[folio 9]

report a 6895.45

Il existe en numéraire comptant, neuf

cent quatre vingt six francs quarante

centimes 986.40

Il est dû à la communauté :

Par les fermiers, savoir :

Vaurais (Julien) cent dix neuf francs 119.

Francois Picoult quarante huit francs 48.

Jean Chevalier soixante francs échu pour

jouissances échues au vingt neuf du mois dernier

et environ vingt francs de vieux, sauf à régler 80

Pierre Bonyaux quarante deux francs 42.

Jean Ledoux, quarante deux francs 42

Et Lavissault, trente-sept francs 37

Pour fournitures de fils

Par M. Lanfray, cent quatre mille

cent quatre vingt quinze francs, sauf à

régler, 4195

Par M. Desbouillons, deux mille

trois cent cinquante sept francs sauf à régler 2357.

Par les demoiselles Sanson treize cent

soixante quatorze francs, sauf à régler 1374

Par M. Cordelier, cinquante trois

francs, sauf à régler 53.

Qu’il y a de plus en numéraire,

quatre vingt seize francs quatre vingt

Page 284: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°14 | 44

centimes, provenus de fil venu à Pierre

Jouzel 96.80

Total de l’actif du présent inventaire

seize mille trois cent vingt cinq

francs soixante cinq centimes

Déclarations passives 16325.65

La communauté doit à Jean Monnier pour

jouissance soixante francs 60.

A Alexis Perruchon de Serran [commune d’Amanlis], cinqu-

ante-quatre francs 54

A Hurel de Janzé six francs 6

Il est dû à Augustin Garnier l’un des

héritiers pour prês, trois cent trente francs 330

Et pour jouissance échue à la Saint

Michel dernière, à raison de quatre vingt

à reporter a 450

[folio 10]

report a 450

sept francs par an, quatre vingt dix

francs 90

A Dufeil d’Amanlis

pour harder, cent francs 100

A Pierre, Jean-Marie & Francois

Chevrel héritier, leur compte d’inventaire

& de jouissance de biens, leurs provenant

du chef de leur mère, le tout pour ci – mémoire

Page 285: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°14 | 45

A Jeanne-Marie & Jean-Baptiste

Chevrel & Augustin Garnier, un compte pour succession et

la jouissance des biens qui leur sont échus

des successions de Anne & Jean-Francois Chevrel

leur frère & sœur oncle & tante, que ce même

compte s’applique aux trois autres enfans

chevrel- mémoire

Au bureau de l’enregistrement le droit

de mutation de la succession de René Chevrel,

pour lequel il y aura laquelle succession

il y aura un compte à établir mémoire

Total de l’actif passif connu, six

cent quarante francs 640.

Inventaire des papiers

Cote unique - dix pièces

La première est l’expédition de l’inventaire qui fut

rapporté après le décès de feu Marie Monnier, le premier

juin mil huit cent trente, recu de Maitre Morel, notaire

à Janzé, la deuxième six autres pièces concernant les

acquisitions faites pendant le mariage du sieur

Chevrel avec Marie Monnier, savoir : l’une du

treize mai mil huit cent onze, de la pièce de

Champfroment; une autre du trente décembre même

année, de la pièce des Corryettes, une autre du

vingt six février mil huit cent douze de la pièce

des Champs-Loyer, une autre du trois décembre mil

huit cent treize, d’un jardin à chanvre ; une

Page 286: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°14 | 46

autre du vingt trois juillet avril huit cent

quinze de la pièce des Ouinières : ces cinq dernières

au rapport de Maitre Pouessel, notaire à Janzé,

une autre du cinq septembre mil huit cent

vingt sept recu du dit Maitre Morel, d’une étable

quantité de jardin & de la pièce des chênes ; autre

[folio 11]

du trente juin mil huit cent trente quatre de la

pièce des Vallées Longues ; une autre du vingt-&-un

mai mil huit cent trente neuf des trois pièces de

Choisel : ces deux actes au rapport du notaire soussigné ;

et la dernière, du dix juin mil huit cent quarante recu

de Tourneux, notaire à Janzé, la maison & jardin à

Nairon en Amanlis, toutes lesquelles pièces ont

été cotées & inventoriées à la cote unique ci – 10 pièces

Il a été ajouté que la succession doit encore

une somme de six cents francs, au sieur Julien-Pierre

Letru et aux domaigues [dommages] le prorata des années à gages. 600.

Que par le testament du défunt, du trente

septembre mil huit cent trente neuf, recu du

notaire soussigné, il a légué a Jean-Marie, Pierre &

Francois Chevrel, ses trois enfans nés de son second

mariage avec Marie Monnier, par préciput et

hors part, la moitié de tous les biens immeubles

qu’il a acquis depuis le décès de leur mère ; à Pierre

& Jean Marie Chevrel, le prix de leur remplacement

Page 287: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°14 | 47

à l’armée ; et à Francois Chevrel, s’il est appelé au

service, aussi le prix d’un remplacement.

Et n’ayant plus rien à comprendre ici

d’écrire au présent inventaire les dits Pierre Jean

Marie & Francois Chevrel ont juré & affirmé qui

avaient la garde des objets, ont juré & affirmé

par serment que tous les meubles qui dépendent

de la dite communauté sont inventoriés, qu’il n’en

existent pas d’autres et qu’ils n’ont pas a m.aistance

qu’il en ait été détourné aucun directement ou

indirectement.

Il a été vaqué à la présente journée depuis

dix heures du matin aux cinq heures du soir (deux

vacations).

Tous les objets inventoriés sont restés aux

possessions des dits Pierre Jean-Marie & Francois

Chevrel qui devront les représenter lorsqu’ils en

seront requis.

Fait & passé au lieu des Douets en

Amanlis, les jour, mois & en d’autres part

En présence de M.M. Pierre Cordier

[folio 12]

& Louis Chocquené propriétaire demeurant a

Janzé, temoins requis

Et ont les parties signés avec les experts

les témoins & le notaire après lecture.

Page 288: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°14 | 48

[Signatures]

JM Chevrel Baptiste Chevrel

P. Chevrel

J.Chevrel

Garnier Prosper Menard

F Chevrel

Bonyaux Hervouin

Chocquené Cordier

Chapon

Page 289: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°15 | 49

A N N E X E N °1 5

Inventaire après décès de Jean-Baptiste Chevrel

Transcription de l’inventaire après décès des biens de Jean-Baptiste Chevrel, en date

du 15 janvier 1836

ADIV, 4E 4305, 12 folios

L’inventaire après décès a été transcrit dans son intégralité.

La mise en forme se veut la plus fidèle possible à la source.

Règles de transcription :

- Maitre : les abréviations ont été développées, elles sont signalées par un texte en

italique.

- Amanlis : les majuscules ont pu être ajoutées aux noms propres, elles sont

signalées par un caractère gras.

- [correction apportée en marge du texte: François] : des corrections apportées par le

notaire en marge ou des commentaires permettant de comprendre le texte ont été

insérés entre crochets.

[…….] : les points correspondent aux nombres de lettres ou aux mots qui n’ont pu

être transcris.

- Nous avons choisi de transcrire les mots rayés par le notaire. De la même façon, ils

ont été rayés dans la transcription.

[Folio 1]

15 janvier 1836

L’an mil huit cent trente six le quinze janvier neuf heures

du matin

A la requête 1° du Sieur Jean Baptiste Chevrel, cultivateur,

Page 290: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°15 | 50

demeurant à la placette commune de Janzé en privé nom comme subrogé tuteur [en marge : de

Judilth Chevrel sa sœur]

2° du Sieur Jean Marie Chevrel, marchand boulanger, demeurant

ville & commune de Janzé ;

3° du Sieur Joseph Louis, époux d’Angélique Chevrel, cultivateur,

demeurant au bourg d’Amanlis,

4° Dame Aimée Chevrel, connue en religion sous le nom de

sœur Marie de Sainte Ambroise, religieuse du monastère de

Notre Dame de Charité, demeurant à la maison de Saint Cyr

à Rennes, représentée par M. Louis Chocquené son cousin germain

propriétaire demeurant à Janzé ; aux fin d’acte recu devant Maitre

Jolys & son collegue notaire à Rennes, le neuf janvier mil

huit cent trente six, et dont le brevet original dûment enregistré

& legat a été chiffré pour acceptation par le mandataire & est

demeuré annéxé aux présentes

5° du Sieur Amand Chedmail epoux de Rosalie Chevrel,

cultivateur, demeurant à la Haslerie commune de Janzé ;

6° du Sieur Adolphe Chedmail, Chevrel, cultivateur,

demeurant au gros chêne commune d’Amanlis ;

7° Marie Chevrel cultivatrice ;

8° Adhelaïde Chevrel aussi cultivatrice,

les deux demeurant au dit lieu du Gros Chêne en Amanlis,

9° Clémentine Chevrel, cultivatrice, demeurant au dit lieu,

10° Prosper Chevrel, ferblantier, demeurant à Janzé ;

ces deux derniers mineurs émancipés de justice, procédant

sous l’autorité de leur curateur ci après nommé ;

& 11° M. Louis Tortelier propriétaire, demeurant à Coesme

Page 291: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°15 | 51

agissant tant en qualité de tuteur datif de Judilth Chevrel

mineure, que comme curateur des dits Clémentine &

Prosper Chevrel mineur emancipé

Les dits Jean Baptiste, Jean marie, Angélique, Aimée, Rosalie

Adolphe, Marie, Adhelaïde, Clémentine, Prosper & Judilth

Chevrel, frère & sœur germains, habiles à se porter héritiers pour

un onzième chacun dans les successions de feux Jean-Baptiste

Chevrel & Dame Angélique Tortelier, leur père & mère.

A la conservation des droits des parties, & de tout autre

qu’il appartiendra, il va être par Maitre Joseph Julien

Chapon, notaire royal à la résidence de Janzé, chef lieu

de canton, arrondissement de Rennes, département d’Ille-

&-Vilaine, & son collègue, soussignés, procédé à l’inventaire

fidèle & description exacte de tous les meubles & effets

mobiliers, deniers comptants, titres, papiers & renseignements

dépendant de dite successsion, ce qui seront trouvés dans

les lieux ci-après indiqués, faisant partis d’une maison et

demeure size au lieu de Gros Chêne en Amanlis, ou les

époux Chevrel sont décédés, & où les notaires se sont transportés.

[Folio 2]

Sur la représentation qui sera faite de ces objets par Adolphe,

Marie & Adhelaïde Chevrel qui ont eu la possession du

mobilier des dites successions, lesquels ont promis de tout

montrer & indiquer sans en rien cacher ni détourner, et ce

sont les peines de droit qui leur ont été expliquées & qu’ils

ont dit bien comprendre.

Page 292: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°15 | 52

La prisée des choses qui y sont sujettes, sera faite par le

Sieur Joseph Bourdais, cultivateur, demeurant aux Ouches

commune d’Amanlis, seul expert choisi par le subrogé tuteur

& le curateur des messieurs Chevrel & agréé par les autres

parties, lequel expert a fait le serment devant M. Le

Juge de paix du canton de Janzé, qui l’a constaté par le

procès verbal de levée de scellé, de se fidèlement comporter.

Cet inventaire va être fait au fur & mesure que les scellés

apposés par M. Le Suppléant du Juge de paix du canton de

Janzé, en date du deux de ce mois, enregistré à Janzé le

neuf, auront été par M. le Juge de paix a a présent,

reconnu sain & entier, levés & otés.

Il a été procédé comme suit :

1° Dans une maison servant de cuisine, ayant veu ci

Une cremaillère, une pierre à galette, trepied, chevrette, une

grille en fer, un huvet, une pelle à feu, une paire de pinces, un

chandellier à resins en fer, le tout prisé dix sept francs 17.

Deux chandeliers en cuivre et un fer à dresser, cinq francs 5.

Un lit à lange, carrée, vergettes de fer, ciel en indienne

pentes & rideaux en coton flamé, paillasse, balière, couette de

plume, trois oreillers de plumes dont deux avec taye,

un traversin en balle et une couverture de berne, le tout

prisé cinquante huit francs 58.

Deux marmites & couvercles en cuivre, deux cuilleres

en bois & une ecumette en cuivre seize francs 16.

Deux casseroles en cuivre, deux francs 2.

un saulnier, deux seaux à eau, deux francs 2.

Page 293: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°15 | 53

Un dressoir à planche trois francs 3.

Une huche à lait un en cerisier seize francs 16.

Un petit lit d’enfant, baliere, deux, dits draps,

Une couverture de coton & un oreiller de plume et sa

taye huit francs. 8

Un prie dieu quinze francs 15

Une vieille armoire à deux batan seize francs 16

Une autre vieille armoire plus grande vingt un francs 21

Un bois de lit au nord de la cheminée, carrée,

plafond en indienne, pente & rideaux en coton flamé,

paillasse, balière, couette de plume, trois oreillers dont

Deux avec tayes, couvertures de laine verte, prisée

cinquante sept francs 57.

[Total] 236

[Folio 3]

Une grande table & ses bancs prisés neuf francs 9.

Une petite table près la fenêtre deux francs 2.

Une échelle double trois francs 3.

Deux chaudrons jaunes onze francs 11.

Un plat & une assiette d’étain deux francs 2.

2° Dans le corridor

Trois chaudrons d’airain noir, vingt quatre francs 24.

Une timbale & un couloir1 en fer blanc trois francs

cinquante centimes 3.50

Une perche à pain et un couteau à pomme de terre 1 Un couloir est un récipient servant à épurer le lait. Le liquide est versé sur le fond en toile. LITTRE Emile,

Dictionnaire de la langue française, 1863-1872.

Page 294: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°15 | 54

quatre francs cinquante centimes 4 .50

Deux clavreuils, une gouge, un marteau, un virolet

& trois mèches six francs cinquante centimes 6.50

Quinze pots à lait, vingt cinq assiettes de fayence,

quatre plats dont un en porcelaine & trois en fayance,

deux soupieres idem, deux huiliers avec soucoupes,

une bouteille de terre d’Angers et autres poteries, verre,

fayance et bouteilles, & une dousaine de fouchettes en

fer & vingt quatre cuilleres en étain grande et petite

le tout prisé dix sept francs 17

Vingt quatre kylogrammes de brin, vingt trois

kylogrammes & demi de grand brin, quatre vingt

cinq francs trente centimes 85.30

Deux panniers de p[r]ovision soixante centimes .60

3° Dans la salle, une petite table un franc 1.

Une cuisiniere en fer blanc avec sa bouche, une casse,

Une broche & […….] sept francs 7.

Une garde manger , quatre francs 4.

Un chandelier et resine & au soufflet un franc cinquante

centimes 1.50

Un lit à lange au midi de la cheminée, composé

de sa carrée, vergette de fer, plafond en indienne à

fleur, & rideaux de coton blanc, paillasse, matelat,

couette de plume, deux oreilles de plume, un traversin de

balle & une couverture de laine blanche, cinquante trois

francs. 53

Un lit à lange au nord de la cheminée, carrée,

Page 295: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°15 | 55

vergettes de fer, ciel, pentes & rideaux en indienne à

fleur rouge, paillasse, couette, traversin et deux oreilles

en plumes & une couverture de laine verte, prisés

soixante cinq francs. 65

L’armoire en cerisier où est le scellé soixante six

francs 66

Une horloge & sa bouette trente deux francs 32

Une autre vieille armoire vingt francs 20

[Total] 417.90

[Folio 4]

Un bois de lit dans l’angle nord ouest, carrée, vergettes de fer, plafond

& pentes en indiennes rouge, rideaux de coton flammé, paillasse, couette

de plume, traversin en balle, deux oreilles de plume & une couverture

de laine blanche, prisé cinquante sept francs 57

Une grande armoire en chêne, quarante francs 40

Un buffet en cerisier, cinquante francs 50.

Quatorze chaises dont deux mauvaises huit francs cinquante

centimes 8.50

Une table à pliand sept francs 7.

Seize tayes d’oreiller, trois traversins, douze napes,

le tout prisé vingt francs soixante quinze centimes 20.75

Dix huit draps de lit, trente trois francs cinquante

centimes 33.50

Trente serviette dix sept francs 17.

Quinze torchons & quatre drap de lit neuf francs 9

4° Sous l’escalier. un charnier & le lard qu’il contient

Page 296: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°15 | 56

& un autre charnier, prisés quarante francs 40.

5° Dans la boulangerie une maithe et quinze biniaux

en paille et quatre sacs en toile seize francs 16

Une vaille & une marmite à cendre deux francs 2.

Une chaudiere & un crochet & une grande p[….]&

son support soixante francs 60.

Le cheval paichard avec son équipage de l[..]ion & de

harnais soixante dix francs 70

Le cheval pigeon & ses equipages cent quarante francs 840

Une table ses treteaux & trois planches quatre francs 4

Un tambour passe farine, deux grilles, un sas,

Une sci à main deux francs vingt cent centimes 2.25

Une selle de cavalier & sa bride neuf francs 9.

6° Dans le celier

quatre tonneaux & une barique vide vingt neuf francs 29

Trois futs de vieux, cidre & le cidre qu’il contiennent

evalués à quatorze hectolitre prisés cinquante francs 50.

Un autre fut de cidre nouveau de la contenance

de sept hectolitre quarante huit francs 48

Une petite poêle chaudière & un bassin d’airain

prisée vingt deux francs 22

Un grand trépied six francs 6

Deux rouets à devider, étayère & peron quatre francs 4

Une baratte en bois & ustenciles & une petite cuve, un

franc cinquante centime 1.50

Deux charues et rouoles dix huit francs 18.

7° Dans la chambre sur la cuisine

Page 297: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°15 | 57

Un lit à tombeaux rideaux de coton flamés paillasse,

balière & couverture de berne, un traversin en balle et deux

oreilles de plume avec taye prisés seize francs 16.

[Total] 880.50

[Folio 5]

Un lot de cordage & deux vieilles marmites deux francs 2.

Un coffre & le dessus, deux francs cinquante centimes 2.50

Une ancienne armoire trois francs cinquante centimes 3.50

Un lit de sangle, un franc cinquante centimes 1.50

Une huche à lait cinq francs 5.

Une couchette et carreaux deux francs cinquante centimes 2.50

Une autre huche à lait un franc cinquante centimes 1.50

Un tour à ourdir, un jeu de quenelle et le fil dessus,

Une herse & verrins vingt un francs 21.

8° Dans le cabinet

Une petite table quatre francs 4.

Un lit baldaquin, carrée, vergette de fer, tout en

indienne, rideaux de balles, deux oreilles de plume avec

leur taye et une couverture de berne quarante neuf francs 49.

Une demie armoire en cerisier trente francs 30

9° Dans la chambre sur la salle

Quatre hectolitre de graines de chanvre quatre vingt francs 80

Sept hectolitre & demi de méleard soixante quinze francs 75

même quantité de froment quatre vingt dix francs 90.

Ce qu’il y a de carreaux & une corde à érailler le

linge deux francs cinquante centiles 2.50

Page 298: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°15 | 58

10° Dans le grenier sur les chambres

Quinze hectolitres de bled noir cent vingt francs 120

Deux vans2 à bras, deux futs de bouesseaux et

une pelle de grenier six francs 6

Sept hectolitre d’avoine quarante deux francs 42

La moitié indivise d’un grand van douze francs 12.

11° Dans le grenier sur la boulangerie & le

celier une barique à vinaigre, un fauteuil, de

vieux coliers, de vieilles baratte, des fourches &

treteaux de bois, deux petits chenets, un lot de

bouteille de terre, une vieille barique, cinquante loyox

de chanvre femelle trente huit francs 38

Un harpon, un chaudron de potin3 & des ferrailles

huit francs cinquante centimes 8.50

12° Dans la petite maison

Le chanvre mâle en loyox cinquante francs 50.

Une meule à éguiser deux francs 2

Une hache à terre, deux francs vingt cinq centimes 2.25

Trois pelles de fer & un pali le huit francs cinquante centimes 8.50

Deux tranches, une tranche pic, et un pic six francs

cinquante centimes 6.50

Trois houes, trois fourches de fer et deux paires

de batement neuf francs cinquante centimes 9.50

Deux faucillons & une hache a main trois francs

[Total] 675.25

2 Un van est un outil en osier permettant de séparer la paille du grain. Ibid.

3 Le potin jaune est un mélange de cuivre jaune et de cuivre rouge. Le potin gris est un cuivre résultant d’un

mélange de laiton, de plomb et d’étain. Ibid.

Page 299: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°15 | 59

[Folio 6]

cinquante centimes 3.50

Un orocq, deux quatre deuls et deux rateaux

Deux francs soixante quinze centimes 2.75

Deux faux & un Rifflard, trois francs 3.

Cinq broyes à broyer sept francs 7

Deux liûres4 des char[e]tes un franc cinquante

centimes 1.50

Un metier à toile & ustensilles quinze francs 15

Une meule en pierre quinze francs 15.

Un cochon trente deux francs 32

13° Dans l’écurie cinq chevaux

Bride & licols5, deux bas & sangle trente

deux francs 32

La charte & ustensiles soixante dix francs 70

Un tombereau vingt deux francs 22

Un nichier de lattes douze francs 12

14° Dans l’écurie aux vaches

La vache rouge vingt un francs 21

La collet d’or soixante douze francs 72

La mouchetée soixante trois francs 63

La jolie & son veau quatre vingt treize francs 93

La micarde & son veau soixante quinze francs

15° Dans le jardin une ruches d’abeilles

six francs 6

4 Une liûre est un câble d'une charrette qui sert à attacher les charges. Ibid.

5 Un licol ou licou est un Harnais de tête, en cuir ou en corde, servant à attacher les chevaux des à la mangeoire,

au poteau, ou à les assujettir. Ibid

Page 300: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°15 | 60

Les semances & faisceaux de froment,

meleard & araire estimés quatre vingt

onze francs 91

[Total] 636.75

N’ayant pas d’autre objet mobilier à inventorier

il a été fait mention qu’il est du aux successions

pour prorata de jouissemens coura du vingt neuf septembre

dernier, au jour du décès, cent soixante francs cinquante

centimes, d’impôt de bien de Janzé à déduire 160.50

Que les successions doivent à 1° M. Daussy de Janzé

pour prêt quatre mille six cents francs plus le cout des

actes & intérêt 4.600

2° au Sieur Julien Masson de Serrand6 pour prêt

six cent francs 600

3° au sieur Louis Marchand à Amanlis

deux cents francs 200

4° à Jean Baptiste Chevrel l’un des héritiers

dix francs trente centimes 10.30

5° à François Chevrel de Châteaugiron

pour jouissance soixante deux francs 62

6° à Jean Marc Desile bourrelier, à Amanlis

[Total] 5472.30

[Folio 7]

report 5472.30

la somme de huit francs

6 Serrand ou Séran selon la toponymie actuelle, commune d’Amanlis,

Page 301: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°15 | 61

7° au sieur Maugère maréchal, la somme

de trente trois francs 33

8° au sieur Dufil marchand à Amanlis

pour facon de harder & marchandises tente un

francs quatre vingt dix centimes 31.90

9° de plus, il est redu au sieur Louis Marchand

à Amanlis, une somme de quarante francs 40.

Total du passif cinq mille cinq cent quatre vingt cinq francs vingt centimes 5585.20

Le Sieur Jean Baptiste Chevrel fils ainé, a déclaré

avoir recu de son père en avancement successif, une

somme de quatre cents francs

Le sieur Louis époux d’Angélique Chevrel a declaré

avoir recu pour même objet, une pareille somme

de quatre cents francs

Le sieur Jean Marie Chevrel a declaré avoir recu

une pareille somme

Le Sieur Chedemail époux de Rosalie Chevrel cela

de cent quatre vingt douze francs

Le Sieur Adolphe Chevrel a declaré avoir recu

une somme de quatre cent francs.

Les Sieurs Jean Baptiste Chevrel, le Sieur Louis & le

Sieur Jean Marie Chevrel, ont reconnu avoir percu

chacun quatre années de jouissance des biens de leur

mère & belle-mère

Les comparans déclarent aussi que leur sœur &

belle sœur religieuse, a recu diverses sommes et

effets mobiliers, lorsqu’elle fut reçu à la communauté

Page 302: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°15 | 62

et depuis, qu’elle a aussi reçu pendant quatre années

les fermages de ses biens propres, biens de sa mère.

M.Choquené son mandataire n’a pu avouer ni

contester cette déclaration.

Vérification faite des papiers, il ne s’est trouvé

susceptible d’être inventorié que l’expédition du proces

verbal d’inventaire rapporté après le décès de la dame

Angelique Tortilier femme Chevrel, en date des onze

& douze février mil huit cent vingt deux, vue devant

Maitre Morel notaire à Janzé, coté, chiffré & inventorié

comme pièce unique une pièce

& sur le requisitoire que Maitre Chapon l’un des

notaires soussigné, à fait à M. Tortilier, de déclarer

s’il lui est du quelque chose par les missieurs dont

il est tuteur et curateur, il a déclaré qu’il ne lui

était rien du & que les dits mineurs ne devaient rien

aux dites successions.

Les dits Adolphe, Marie & Adhelaïde Chevrel

qui ont eu la possession du mobilier, interpellés de

[Folio 8]

jurer & affirmer par serment s’ils n’ont rien

détourné directement ni indirectement, ont

séparément juré négativement.

Tous les objets ci-dessus, ont été laissés aux

dits Adolphe, Marie & Adhelaïde Chevrel, qui s’en

sont chargés comme dépositaires, pour les

Page 303: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°15 | 63

représenter quant & a qui il appartiendra

Le présent inventaire, monte en meubles inventaires

à la somme de trois mille six francs quatre vingt

dix centimes 3 006.90

Fait & passé au dit lieu du Gros Chêne, après

avoir été occupé au présent deux vacation de

trois heures, aller & retour non compris

Les parties & l’expert ont signé avec les

notaires, après lectures, aux trois heures de l’après

midi.

[Signatures]

Chocquené L.Tortelier Chevrel J.B

A.Biart JM Chevrel

[………..] Louis Joseph

Hervouin Chedemail Chevrel Adolphe

greffier Marie chevrel P.Chevrel

Adhelaide chevrel

Clémentine chevrel J. Le Bourday

[………………] Chapon

Page 304: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°15 | 64

Pièce jointe :

[Folio 1 de la pièce jointe]

9 janvier 1896

[Dans la marge] procuration

Par devant Maitre Jolys et son collégue

notaire à Rennes soussignés

Fut présente Dame Aimée Chévrel, dite en religion

sœur Marie de Saint Ambroise, religieuse au monastère de Notre

Dame de Charité, demeurant à la maison de Saint

Cyr à Rennes

Laquelle est par ces présentes fait et constitué

son mandataire général et spécial Monsieur Louis Chocquené

Page 305: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°15 | 65

son coussin germain propriétaire, demeurant à Janzé

auquel elle donner pouvoir de pour elle et en son nom,

recueillir les successions de Jean Baptiste Chevrel, son père

décédé en Amanlis le trente et un décembre dernier et d’Angélique

Tortelier, sa mère, décédée en Amanlis le huit septembre mil huit

cent vingt un, dans lesquelles successions la constituante est fondée

pour un onzieme, faire procéder à la levée des scellés apposés sur

les mobiliers des dites successions, à l’inventaire et à la vente du

mobilier, faire tout dires, réquisitions, réserves et protestations,

nommer touts officiers, gardiens et dépositaires, entendre, débattre

clôre et arrêter tous comptes, notamment celui de l’officier public

qui aura fait la vente du mobilier, exiger et recevoir toutes les

sommes qui dépendant ou dépendront des dites successions, tout

en capitaux qu’intérêts, arréages, fermages, loyers échuent à

échoir, donner toutes quittance et décharges, consenties toutes

mentions et subrogations donner mainlevées et consentir la

radiation de toutes inscriptions hypothécaires, retirer tous

dépôts, passer et accepter tous titres nouvels, faire faire

toutes notifications, offres et consignations, faire ou accepter

tous transports, cessions, délégations et subrogations, payer

et acquitter toutes dettes et charges, frais, droits de muta-

tion et autres, faire toutes déclarations de successions et

autres[. P]roceder à tout partages et liquidations, composer

les masses, laisser tous objets en commun, former les lots,

les tirs au sort, accepter celui ou ceux qui echerront à

la constituante, payer ou recevoir toutes soultes, donner

pouvoir de suivre le recouvrement des créances laissées en

Page 306: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°15 | 66

commun, poursuivre toutes licitations et tous partages judi-

ciaires ou y défendre[. R]endre tous immeubles, soit à

l’amiable, soit en justice, par la voie et aux prix, charges,

clauses et conditions que le mandataire jugera convenables,

et recevoir le prix et en donner quittances [.]

[Folio 2 de la pièce jointe]

[A] défaut de paiement ou en cas de contestation et

au sujet des affaires des dites successions, citer et comparaitre

tout en demandant qu’en défendant devant tous juges, tribu-

naux, bureaux de paix et de conciliation, de concilier et faire

se peut, sinon plaider, s’opposer, apporter, se pourvoir en

cassation, ou par requête civile, former toutes demandes, obtenir

tous jugements, les faire mettre à exécution, exercer toutes

poursuites, contraintes et diligences nécessaires, former toutes

oppositions, faire toutes saisies, prendre inscriptions, pours-

uivre toutes expropriations forcées, provoquer tous ordres et distri-

butions de deniers, retirer tous bordereaux de collocation, en recevoir

le montant, élire domicile, passer et signer tous actes [. N]ommer

et constituer tous avoués et avocats, arbitres experts et les

substituer, révoquer, transiger, signer tous compromis

et généralement faire tout ce qui sera utile et nécessaire

pour liquider et recueillir les dites successions

Dont acte fait et passé à Rennes à la maison de

Saint Cyr le neuf janvier mil huit cent trente six et

après lecture la dite dame constituante a signé avec

les notaires

Page 307: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°15 | 67

[Signatures] Aimee cheverlle

Voiron Jolys

Page 308: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°16 | 68

A N N E X E N °1 6

Les maisons de marchands de toiles d’Amanlis

Le manoir du Talus de Pierre-Antoine Arondel

Maisons de Jean-Baptiste Jouzel et René Jouzel à Néron (cliché T. Perrono)

Page 309: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°16 | 69

Maison de Jean-Baptiste Jouzel à la Nasse-Touche de Néron (cliché T. Perrono)

Maison de Pierre Jouzel à la Rivière (1

e partie) (cliché T. Perrono)

Maison de Pierre Jouzel à la Rivière (2

e partie) (cliché T. Perrono)

Page 310: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°16 | 70

Maison et bâtiment de Jean-François Chevrel aux Douëts-de-Néron (cliché T. Perrono)

Maison neuve de Jean-François Chevrel aux Douëts-de-Néron (cliché T. Perrono)

Page 311: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°17 | 71

A N N E X E N °1 7

L’organisation du pouvoir paroissial à Amanlis sous l’Ancien Régime

Page 312: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°18 | 72

A N N E X E N °1 8

Les délibérations du général de paroisse

(ADIV, 2G 2/2)

Composition du Général de paroisse pour l’année 1775 :

Du dimanche dix huit septembre mil sept cent soixante quatorze. En la sacristie d’Amanlix, le

general assemble suivant l’indication de dimanche dernier et repettée ce jour, dans les

personnes de Pierre Louis, Jacques Menard, le Sieur des Ponts Baulieu, Francois Monnier au

lieu de René Monnier, Francois Morin, le Sieur des Cormiers Boué au lieu et place de

Barnabe Louis, Pierre Menard, René Maloeuvre, Pierre Bigot, Georges Brizé, Mr de la

Touche Bourdon et Jan Croyal, present Mr le Senechal et procureur de la Baronnie de

Chateaugiron deliberant sur l’election de deux trezollier pour servier pendant l’an née 1775 et

autres officiers on declarer nommer pour trezollier Georges Brize du Jarot et Jan Garnier de

Nairon ; pour provost des deffunts [plus certainement nommé procureur] Martin Morin ; pour

provost du Rozaire Pierre Bigot ; pour provost de St Sebastien Charles Hasle ; pour les

deffunts Pierre Menard ; pour provost des peauvres René Maloeuvre ; pour notables Jan

Baptiste Bouë et Jan Croyal ; pour egailleur au trait du Bour le Sieur des ponts Baulieu, au

trait de Nairon Pierre Louis du Douetel, du trait de Teillée François Louis de Sevin, du trait de

Toucheronde Francois Tortellier, du trait de la Rivierres Joseph Benard et du trait de Laval

Guillaume Bouyaux ; pour collecteurs des vingtiesme Louis Brizé, René Guyné, Nicolas

Bouë, Pierre Jouzel ; pour collecteurs de la capitation Georges Louis des dehardieres, Rene

Dufil de la Hayais, Augustin Garnier et Pierre Dezilles ; pour porter le dais les officiers en

charge ; pour porteur des flambaux Francois Monnier, Jacques Menard, Jan Croyal, et Mr de

la Tousche Bourdon ; pour deliberants Jullien Louis de la Tousche au lieu et place de Pierre

Louis, Jan Crocq du Bois duteil au lieu et place de Jacques Menard, les autres continnües ;

pour subsidiaires Jacques Menard et Pierre Louis ; pour procureur terriain François Monnier

continnüe ; pour econnomme Francois Monnier fils. […]

Page 313: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°18 | 73

J. Menard ; F. Morin ; François Monnier ; Pierre Bigot ; Brizé ; Pierre Louis ; Latouche

Bourdon ; Jean Croyal ; René Maleuvre ; Pierre Menard ; Jan Baptiste Bouë ; Bertin.

Composition du Général de paroisse pour l’année 1787 :

Du dimanche trois septembre mil sept cent quatre-vingt six. Le general de cette paroisse

assemblé en l’issüe de la messe paroissiale dans les personnes des Sieurs Latouche Bourdon,

Maître Georges Brizé, François Morin, Jan Berthiau, Charles Halé, Joachim Garnier, Jan

Crocq, Jan-Baptiste Bourdays, François Monnier fils, Joseph Robert, Guillaume Bouyaux et

Alexis Garnier, aux fins de l’indication faite dimanche dernier et repetée ce jour et deliberants

pour la nomination. [Ils] Ont nommés pour Trésoriers Jan Veillault et Georges Huet ; pour

procureur de fabrique Thomas Monnier ; pour Provost du Rosaire René Garnier du Gripail ;

pour Provost des defunts Pierre Louis du Douetel ; pour Provost des pauvres Louis Hairault ;

pour Provost de St Sébastien Alexis Garnier ; pour économe Julien Bouyaux ; pour Collecteur

à la capitation Jan Garnier des Ponts, Joseph Micault du Bouchée, René Morel et Louis

Lussot ; pour Collecteur du vingtieme Charles Berthiau, Julien Ricard, Joseph Guybourg et

Alexis Rozé ; pour egailleur des fouages et capitation au trait du bourg Luc Jamet, au trait de

Neron Joachim Barbier, au trait de Teillay Pierre Guyné, au trait de Toucheronde Pierre

Blanchard, au trait de la Rivière Louis Berthiau et au trait de Laval Jan Meslet ; pour notables

François Morin et Julien Louis de la Touche ; pour deliberants les Sieurs Latouche Bourdon,

François Morin, Charles Haslé, Jan-Baptiste Bourdays, François Monnier fils, Joseph Robert,

Guillaume Bouyaux, Alexis Garnier, Jan Croyal, Jan Boué, François Tortellier et Georges

Butault et pour deliberants subsidiaires les Sieurs Francois Monnier père et Laubourgere

Salmon. Delibere les dits jours et au fin le general a nommé pour depute au lieu et place de

Jan-Baptiste Cosnard qui sort de cette paroisse Pierre Louis du Douetel. Les mots Luc Jamet

retouchés, quatre mots rayés nuls.

Latouche Bourdon ; Brizé ; Joachim Garnier ; Jan Berthiau ; Joseph Robert ; F. Morin ;

Charle Haslé ; Alexis Garnier ; François Monnier fils ; Jean Baptiste Bourdays ; G.

Bouyeaux ; François Tortellier pour Jan Croq ; Leguay senechal de Chateaugiron.

Page 314: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°18 | 74

Composition du Général de paroisse pour l’année 1788 :

Du dimanche douze aout mil sept cent quatre vingt sept. Le general assemblé dans les

personnes du Sieur de la Touche Bourdon, François Morin, Joseph Robert, François Monnier

fils, Jan Boué, Jan Croyal, Charles Haslé, Jan Batiste Bourdais, Alexis Garnier, Guillaume

Bouyaux, François Tortellier et Georges Butault deliberants, M. le procureur fiscal present.

Procedant à la nomination des officiers de la paroisse pour l’année 1788, a nommé pour

tresoriers Georges Robert et Jan Batiste Boué de Launais ; pour procureur de fabrique M. de

la Touche Bourdon ; pour prevôt du Rosaire Julien Bourdon ; pour prevôt des defunts M. de

Laubourgere ; pour prevôt des pauvres Julien Louis de la Touche ; pour prevôt de St

Sebastien Alexis Garnier ; pour econôme Jan Bigot. Pour collecteurs de la capitation René

Gautier, Julien Guillot ( ?), Nicolas Lussot et Pierre Mahé ; pour collecteur du vingtieme Jean

Bigot, Julien Lusot des Basses Landes, Pierre Housel et Alexis Halé ; pour egailleur des

foiges et capitation, pour le trait du Bourg Jean Albert, au trait de Neron François Chevrel, au

trait de Teillai Pierre Veilleaux, au trait de Toucheronde Louis Boüé, au trait de la Riviere

René Bourdon et au trait de L’aval Louis Bouyeau ; pour notable François Tortellier et

Thomas Monnier.

Pour deliberants Mr des Cormier Boüé en place du Sieur Latouche Bourdon, René Louis

Sevin en la place de Jan Baptiste Bourdais, Jean Veilleau en la place de Charle Halé et

Georges Huet en la place de François Morin, les autres continües et pour subsidiaires Luc

Jamet et Martin Morin.

Au même endroit Jean Veillau tresorier a representé une assignation luy donné afin d’aveu

par le Sieur procureur fiscal de la juridiction de la Bauvais. En consequance le general a remis

à Thomas Monnier procureur de fabrique un aveu du 23 juin 1701 X Bauvais rendu par

Gatien Bourdais procureur de fabrique pour servir d’instruction pour rendre le dit aveu au

meme endroit Jacque Menard prevot du Rosaire en l’année 1785 a remis dans la bource de la

ditte confrerie la somme de cent quarante sept livres neuf sols neuf deniers pour le relicat de

son compte.

Aresté sous les Sings des deliberants les dits jours et au deux mots raiés nul.

Page 315: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°18 | 75

De Latouche Bourdon ; Joseph Robert ; François Monnier fils ; Charles Hasle ; G. Bouyeaux ;

François Tortellier ; Georges Butault ; Jan Boüé ; F. Morin ; Alexis Garnier ; Jean Baptiste

Bourdays ; Jean Croyal.

Composition du Général de paroisse pour l’année 1789 :

Du dimanche sept septembre mil sept cent quatre vingt huit. Le général assemblé dans les

personnes du Sieur des Cormiers Boué, René Louis, Jan Veillaut, Georges Huet, Joseph

Robert, François Monnier fils, Jan Boué, Jan Croyal, Alexis Garnier, Guillaume Bouyaux,

François Tortellier et Georges Butault.

Procedant à la nomination des officiers de la paroisse pour l’année mil sept cent quatre vingt

neuf, à nommé pour trésorier Charles Bertheau des Tais et Louis Bouyaux ; pour procureur de

fabrique le Sieur Monnier fils ; Alexis Boué de la Caremaie pour prevot du Rosaire ; pour

prevot des defunts Jan Crocq de la Lande d’Amanlis ; pour prevôt des pauvres Joachim

Garnier fils de la Touche ; pour prevôt de Saint Sebastien Alexis Garnier ; pour econôme Jan

Bigot ; pour collecteurs de la capitation Jan Rousselin, René Jamois de Paulievre, Jan

Bertheau de la Rehorie et Paul Chaillou de Laval ; pour collecteurs des vingtiemes Sieur Jan

Monnier fils, François et Jan Morin de Toucheronde ; Jan Croyal fils, Jan et Pierre Boulet ;

pour egailleurs des fouages et capitation pour le trait du Bourg René Robert du Bois faroye,

au trait de Neron Luc Monnier, au trait de Teillay Jan Barbier, au trait de Toucheronde Pierre

Laloi, au trait de la Riviere Jan Croyal et au trait de Laval Guillaume Bouyaux ; pour notables

le Sieur François Monnier père et Jan Morin du Cotrel ; pour deliberants le dit Sieur François

Monnier au lieu et place du Sieur François Monnier son fils, François Chevrel au lieu et place

de Joseph Robert, Charles Georges Robert au lieu et place de Guillaume Bouyaux et Baptiste

Boué au lieu et place d’Alexis Garnier, les autres continues.

A l’endroit Monsieur le Recteur à presenté au général un calise qu’il s’était chargé de faire

faire, lequel, le général à accepté.

Arrêté sous les Seings des deliberants les dits jours et an.

Alexis Garnier ; Joseph Robert ; François Tortellier ; Georges Robert pour Georges Huet ;

Georges Butault ; René Loüis ; Jan Veillauxt ; Jan Boué ; Jean Croyal ; Jan Baptiste Boué ;

François Monnier fils ; G. Bouyeaux ; Daën Du Cosquer recteur d’Amanlix.

Page 316: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°18 | 76

le 8 décembre 1788, Jan Baptiste Boué sieur des Cormiers est nommé prevot des pauvres à

la place de Joachim Garnier fils, nommé le 7 septembre 1788, vu qu’il est allé demeurer en

Trébeuf.

Composition du Général de paroisse pour l’année 1790 :

Du dimanche six septembre mil sept cent quatre vingt neuf. Le général de cette paroisse

assemblé dans les personnes des Sieurs François Monnier pere, François Tortellier, Jan-

Baptiste Boué des Cormiers, François Chevrel, Jan Croyal, Jan Boué, René Louis, Jan-

Baptiste Boué, Georges Huet, Georges Butault, Georges Robert et Jan Veillaut, present

Monsieur le Recteur.

Procedant à la nomination des officiers de la paroisse pour l’année mil sept cent quatre vingt

dix, à nommé pour trésoriers Pierre Jozel et René Robert ; pour procureur de fabrique

Monsieur de Laubourgere Salmon ; pour Prevôt du Rozaire Joseph Robert ; pour prevôt des

defunts Jan Veillaut ; pour Prevôt des Pauvres Guillaume Bouyaux, pour prevôt de Saint

Sebastien Alexis Garnier ; pour econome Jan Bigot ; pour collecteurs de la capitation Pierre

Chedmail du Bourg, Pierre Guiné de Lessard, Gatien Morin du Coterel et Julien Quelain ;

pour collecteurs des vingtiemes Jan François Boué sous l’autorité de son pere present lequel a

souscrit pour approbation Louis Boué du Mars, François Haslé de la Tionnais et Jan Menard

de la Piardiere ; pour egailleurs des fouages et capitation pour le trait du Bourg Georges

Butault, pour le trait de Néron Jan-François Chevrel, pour celui de Teillay Jan Baptiste Boué,

pour celui de Toucheronde Guillaume Laitu, pour celui de la Riviere Georges Robert et pour

celui de Laval Georges Louis ; pour notables Monsieur de la Lande Moulin et Martin Morin.

Pour déliberants Jacques Menard au lieu et place de Jan Croyal, Martin Morin au lieu et place

de Jan Boué, Charles Berthiau et Louis Bouyaux aux lieux et places de François Tortellier et

Georges Butault, les autres continues. Monsieur de la Lande accepte par continuation pour

l’année prochaine la recette des honoraires de la fabrique et à signé pour acceptation.

Arrêté sous les Seings des dits deliberants après lecture les dits jours et an. Deux mots rayés

nuls.

François Monnier fils ; François Chevrel ; René Louis ; Jan Boué ; Jean Croyal ; J. B. Boué ;

Georges Butault ; François Tortellier ; Jan Baptiste Boué, Jan Veillauxt, p. Alexis X ; Louis

Bouyaux ; Moulin de la Lande ; Georges Robert ; Daën Du Cosquer recteur d’Amanlix.

Page 317: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°19 | 77

A N N E X E N °1 9

Les marchands de toiles délibérants du général de paroisse

dans les années 1780

(ADIV, 2G 2/2)

Années Les 12 délibérants du général de la paroisse

(les marchands de toiles sont indiqués en gras et les probables marchands en italique)

1780

Joseph Robert, Francois Lussot, Francois Monnier fils, Jan Bouë, Mr de la

Lande Moulin, Toussaint Benard, Francois Menard, Francois Bustault, René

Menard, Charles Haslé, Joseph Robert, Jean Baptiste Bouë sieur des Cormiers

1781

Pierre Louis (de la Tranchardrie), Joseph Robert, Toussaint Benard, René

Menard, Thomas Monnier, le Sieur de la Lande Moulin, le Sieur Salmon,

Georges Brizé, Francois Bustault, Francois Menard, Jullien Bourdon, le Sieur

Baulieu des Ponts

1782

Toussaint Benard, René Menard, Pierre Louis (du Douetel), Allexis Bouë, Jan

Baptiste Chevrel, Pierre Menard (de la Bastrie), le Sieur Laubourgere Salmon,

Georges Brizé, Francois Bustault, Francois Menard, Jullien Bourdon, Mr des

Ponts Baulieu

1783

Toussaint Benard, René Bourdon, Louis Hairault, Jullien Louis, Jan Berthiau,

Pierre Louis (du Douetel), Allexis Boué, Jan Baptiste Chevrel, Me Georges

Brizé, le Sieur Salmon Laubourgere, le Sieur Baulieu des Ponts, Pierre Menard

1784

Jan Baptiste Chevrel, René Bourdon, Jan Berteau, Georges Brizé (du Jarrot),

le Sieur de la Touche Bourdon, Allexis Boué, Toussaint Benard, Pierre Louis

(du Douetel), Jullien Louis (de la Touche), Jean Crocq, Jouachim Garnier fils,

Louis Hairault

1785

François Morin, Jullien Louis, Baptiste Chevrel, Jan Bertiau, Mr de la Touche

Bourdon, Me Georges Brizé, René Bourdon, Louis Hairrault, Jouachim Garnier

fils, Jan Crocq, Jan Baptiste Bourdais, Joseph Benard

1786

Sieur de la Touche Bourdon, François Morin, Jean Berthiaux, Me Georges

Brizé, Charles Haslé, Jouachim Garnier, Jean Crocq, Jean-Baptiste Bourdais,

Francois Monnier fils, Joseph Robert, Guillaume Bouyaux, Allexis Garnier

1787

Sieur de Latouche Bourdon, François Morin, Charles Haslé, Jan-Baptiste

Bourdays, François Monnier fils, Joseph Robert, Guillaume Bouyaux, Alexis

Garnier, Jan Croyal, Jan Boué, François Tortellier, Georges Butault

1788

le Sieur des Cormiers Boué, René Louis, Jan Veillaut, Georges Huet, Joseph

Robert, Francois Monnier fils, Jan Boué, Jan Croyal, Alexis Garnier, Guillaume

Bouyaux, Francois Tortellier, Georges Butault

1789

le Sieur Francois Monnier père, Francois Tortellier, Jean Baptiste Boué des

Cormiers, Francois Chevrel, Jan Croyal, Jan Boué, René Louis, Jan Baptiste

Boué, Georges Huet, Georges Butault, Georges Robert, Jan Veillaut

Page 318: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°20 | 78

A N N E X E N °2 0

Le livre de compte de René Albert

(ADIV, 10B 177 – n° 336)

Nous présentons ici les premières pages du livre de compte de René Albert.

Page 319: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°20 | 79

Page 320: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°21 | 80

A N N E X E N °2 1

Le district de La Guerche

Cantons Communes Population en 1793

Domalain

Bais 3 127

Domalain 2 655

Moutiers 1 216

Gennes

Availles 850

Brielles 1 064

Gennes 2 076

Saint-Germain-du-Pinel 961

La Guerche

Chelun 933

Drouges 1 000

La Guerche 4 150

Moussé 286

Selle-Guerchaise 330

Janzé

Amanlis 2 413

Brie 942

Janzé 3 293

Marcillé-Robert

Marcillé-Robert 1 363

Moulins 1 102

Visseiche 1 303

Martigné-Ferchaud

Eancé 1 178

Forges 602

Martigné-Ferchaud 3 550

Piré

Boistrudan 1 054

Chancé 480

Piré 3 048

Retiers

Arbressec 363

Couësmes 1 406

Retiers 3 047

Le Theil

Essé 1 551

Sainte-Colombe 450

Le Theil 1 396

Thourie 1 060

Page 321: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°22 | 81

A N N E X E N °2 2

Les retables de l’église paroissiale d’Amanlis, construits dans les

années 1630-1640

Retable du maître-autel (cliché T. Perrono)

Page 322: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°22 | 82

Retable de la chapelle nord (cliché T. Perrono)

Page 323: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°22 | 83

Retable de la chapelle sud (cliché T. Perrono)

Page 324: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°23 | 84

A N N E X E N °2 3

Le dossier de faillite de Jacquette Hamelin, marchande à

Châteaugiron, en date du 3 février 1790

(ADIV, 10B 141 – n° 456)

3 février 1790 : Etat et bilan

Actif Somme

Pour la moitié des acquêts faits pendant la

communauté avec François Marchand 4 000L.

L’inventaire fait en 1788 de la communauté

avec François Marchand se monte à dix sept

cens soixante trois livres trois sous. Il est

depuis survenu une diminution de 763L.

500L.

Total 4 500L.

Dettes actives Raison Somme

Pierre Royer Aux fins de billet 33L.

Jan Vessisse Aux fins de billet 24L.

Différents particuliers de

Chateaugiron

Vente de cuir et autres

marchandises 20L.

Monsieur Barbier négotiant à

Rennes

Vente et livraison de toilles 300L.

Total 377L.

Total de l’avoir de la deposante sur lequel on peut compter : 5 183L. 11s.

Mauvais dettes Raison Somme

François Niolin Aux fins de billet 54L.

Jan Brais Aux fins de billet 13L. 10s.

François Porrée 56L.

MM Elian et Compagnie Vente et fourniture de toilles 1 500L.

Total 1 623L. 10s.

Total général de l’actif tant en meubles, marchandises, effets, qu’en bons et mauvais

crédits : 6 807L. 1s. 3d.

Dettes passives Lieux Raison Somme

Garnier Gripail [Amanlis] 407L.

Gendron Domagné 180L.

Page 325: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°23 | 85

Butault La Salmondiere en Cesson 104L.

Oriere Le Boisorcan Toille et labourage 103L.

Graslant Rocomps 27L.

Mahé Rue au provost 57L.

Guillen Vennelle 33L.

Drouin Epron 198L.

Barbier Beauvais 37L.

Picquel Lhommelet 48L.

Le Mesle La Lande daufri 62L.

René Menard La Piardiere [Amanlis] 76L.

Antoine Brozé [Brizé] La Piardiere [Amanlis] 82L.

Simon Essé 210L.

Beaugeard 46L.

De la pimoraye Lambert 1 200L.

Chevrel Néron [Amanlis] 20L.

Julien Lausane Saint Aubin 18L.

Pierre Guillen 36L.

Dubourg desmon 100L.

Chalet Essé 48L.

Herpin De la Croix 500L.

Roblot 1 600L.

Tessier Rennes 42L. 13s.

Beauchef 100L.

La Marche menuisier 45L.

Choquéné Corpnud 93L.

Trehire domestique Quatre années de

gages 288L.

1Demoiselle du Poyrier 400L.

La veuve Drouet 200L.

Sieur Duhoux 140L.

Mr Lemof 220L.

Desaunais Morel 171L.

Toubon Vissaiche 30L.

Layet Dommagné 20L.

Sinllaud Bais 157L.

Vardon boulanger 17L.

Le Garreau boulangere Rennes 30L.

René Le Coq Bais 101L.

Jugné Piré 152L.

Bertiau La Telais [Amanlis] 78L.

Debroise 88L.

Chevrel La Puardiere [Amanlis] 13L. 10s.

Edelaine Vissaiche 9L.

Georges Haslé La Piere Longue 38L.

Garnier La Foucaudiere 38L.

Pelhastre Janzé 20L.

Chevalier Saint Aubin 51L.

Guerin La Foucaudiere 56L.

Page 326: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°23 | 86

René Dugast 6L.

Monsieur de la Rabinais 78L.

Jan Le Ray Chateaugiron 40L.

Au diger 20L.

Mr Faget 100L.

Prunel Amanlis 10L.

La Loy De ??? 45L.

Morel 9L.

Jan Crocq 15L.

Mr Guerin 2603L.

Mr Guibourg Besgcotrye 420L.

François Marchand 376L.

La veuve Sanson 24L.

A la femme de HairauL. 1 300L.

Guillon marchand Rennes 5 300L.

Guillon marchand Rennes Plusieurs billets 6 092L.

Total 23 928L. 3s.

Pertes ellargis par la deposante Somme

Entreprise du presbitere de Chantepie 2 500L.

Entreprise du presbitere de Chaumeré 260L.

Entreprise de celui d’Amanlix 300L.

Entreprise de celui de Brie 300L.

Entreprise de celui de Nouvoitou 140L.

Un cheval 153L.

Une vache 102L.

Vol par le domestique nommé la Bretagne 600L.

Vol à la foire du Bourgbarré 72L.

Trois jours de Blaterie à refaire 300L.

Deux futs de cidre 190L.

Huit pieces de toille perdüe dans le celier 600L.

Dettes acquittan de la succession de la femme Caillard 600L.

Frais d’instance criminelle contre son fils 600L.

Quatre maladies de François Marchand on couté 600L.

Celle considerable de la deposante 400L.

Dans la faillite Champion 104L.

Dans celle Le Remeneux 90L.

Bois vendu à Le Compte 120L.

Total 8 031L.

Le total du passif s’elleve en total à la somme de : 31 959L. 3s.

Partante la deposante au dessous de ses affaires de : 18 744L. 11s. 9d.

Remise de trois-quarts et trois années pour payer le quart restant

Page 327: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°23 | 87

18, 19, 20, 21 février 1790 : verification des meubles et effets de la veuve Marchand à

Chateaugiron

Demeurant grande rue de la dite ville de Chateaugiron [nous n’avons transcrit que les biens

les plus intéressants]

Inventaire Somme

Dans la cuisine

Une petite armoire à quatre battants 2L.

Plusieurs echevaux de fil poil de cheval 1L. 4s.

Une grande armoire à deux battants avec clef et serrure 24L.

Un lit à lange avec son plafond, dossier de serge verte gallonné en ruban,

deux rideaux aussi de serge verte 20L.

Une couette de plumme mellée 10L.

Un traversin en toille et deux oreillers avec leur taye 3L.

Une couverture de laine 4L.

Deux draps dans le dit lit 2L. 10s

Huit chaises 3L.

Une salle sur le derrierre

Six assiettes de porcelaine 1L. 4s

Un bas d’armoire avec un dessert en planche 4L.

Quatres pots, six pintes, demie chopine, deux demions, seize plats et dix

neuf assiette et deux cuillers à potage le tout d’étain pezant ensemble

quatre vingt quatre livres à raison de dix sous la livre

42L.

Un bois de lit à tombeau avec de mauvais rideaux de toille 2L.

Une mauvaise couette de plume de volaille 2L. 10s

Deux mauvais oreillers de plumme 1L. 10s

Une couverture de laine 2L. 10s

Une grande armoire à parquet avec deux tiroirs dont un fermant de clef

ferrure d’espagnollette avec clef et serrure 45L.

Douze paquets de chanvre broyé 6L.

Onze draps de lit y compris un drap de tente pour le soire 19L. 15s

Une autre armoire de bois de cerisier à la romaine 60L.

Un bois de lit à lange avec sa paillasse plafond rouge et son dossier et ses

rideaux de raz bleu, pentes et vergettes 40L.

Une couette de plumme mellée avec un bon couetil 48L.

Deux draps de lit 3L. 10s

Deux orillers avec leurs tayes 6L.

Une couverture de laine blanche 15L.

Un petit lit à enfant avec une mauvaise paillasse et de mauvais rideaux 3L.

Une armoire avec deux tiroirs 15L.

Quatre chaises 1L. 12s

Descendus dans la cave

Dans un petit cellier à coté de la cour

Trois devidoirs à dévider du fil 18s

Page 328: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°23 | 88

Un rouet à filer avec sa quenouille 1L. 10s

Dans une chambre au dessus de la cuisine

Un cable de chanvre avec son fer 3L.

Un travoüil 12s

Deux chaises 10s

Dans un petit cabinet noir à coté

Une mauvaise couchette, une mauvaise couette de toille, une mauvaise

couverture de Berne, un mauvais oreiller 6L.

Un mauvais bas d’amoire 6s.

Un autre bois de lit et une mauvaise quarrée en forme de lit tombeau, deux

draps, un oreiller, une mauvaise couette, une paillasse, et un gros drap

servant de couverture

8L.

Dans une chambre à coté

Deux mauvaises chaises 6s.

Dans une écurie

Un cheval en poil brun avec sa bride, son licol et une longue sangle 50L.

Une mere vache sous poil garre brun 40L.

Une autre mere vache en poil brun 36L.

Une autre mere vache vieille sous poil rouge muzeau blanc 36L.

Deux chevres 8L.

Total 1 442L. 2s. 6d.

Page 329: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°24 | 89

A N N E X E N °2 4

Le dossier de faillite de René Albert, marchand à Amanlis, en date du

19 septembre 1783

(ADIV, 10B 117 – n° 336)

Chapitre 1 : Créanciers préférables

Créancier Raison Somme

Joachim Garnier Cinq années de jouissance de

la ferme de la Hantelle située

paroisse d’Amanlis qui

échoiront à Noël prochain

600L.

La veuve de René Garnier Jouissance d’une pièce de

terre nommée Champ

froment située même

paroisse laquelle échoira à la

Saint Michel 1789

28L.

Mr Domainier de la Pugerais Jouissance d’une pièce de

terre nommée la Grande

piece et située même paroisse

45L.

Anne Marie Poirier Jouissance de la piece

nommée les Vaux même

paroisse

33L.

Joachim Debroise Année de jouissance de la

piece de terre nommée les

Champs blancs

38L.

Jean Croyal Une quantité de terre

nommée la prise 12L.

Total 756L.

Chapitre 2: Créanciers hipotéquaires

Créancier Raison Somme

Jean Croyal Pour fourniture de

marchandises 300L.

Jean Perrichon Pour fourniture de

marchandises 94L. 17s

Jean Rozé Pour fourniture de

marchandises 375L.

René Lesage 72L.

Maitre Pierre Locillet 69L. 9s. 6d.

Pierre Bigot 81L.

Page 330: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°24 | 90

Aux mineurs de Jean Guiné

dont Goubet est tuteur

210L.

Bauchef Maréchal 34L.

Total 1 236L. 6s 6d

Chapitre 3: Créanciers chirographaires

Créancier Raison Somme

René Machéfal Pour fournitures de

marchandises 119L. 12s.

Pierre Albert et femme Pour fournitures de

marchandises 225L.

Pierre André Pour fournitures de

marchandises 42L.

Pierre Boyaux Pour fournitures de

marchandises 57L.

Jean Albert Pour fournitures de

marchandises 72L.

Joseph Louvel Pour fournitures de

marchandises 26L. 18s.

Jean Paris Pour fournitures de

marchandises 247L. 1s.

François Tortellier Pour fournitures de

marchandises 14L.

Jean Turpin Pour fournitures de

marchandises 82L. 16s.

Louis Chevrel Pour fournitures de

marchandises 81L.

Pierre Veron Pour fournitures de

marchandises 51L.

Julien Delourmel Pour fournitures de

marchandises 101L.

Jean Toubon Pour fournitures de

marchandises 120L. 4s. 6d.

Jean Debroise Pour fournitures de

marchandises 25L. 14s.

François Boué Pour fournitures de

marchandises 189L. 4s.

Pierre Chevrel Pour fournitures de

marchandises 36L.

René Grosdoy Pour fournitures de

marchandises 36L.

M. le Senechal de Piré Pour fournitures de

marchandises 100L.

Laurent Masson Pour fournitures de

marchandises 114L. 15s.

Bourgine Dupas Pour fournitures de

marchandises 220L. 1s.

Nicolas Bourgine Pour fournitures de 54L.

Page 331: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°24 | 91

marchandises

Pierre Jamelot Pour fournitures de

marchandises 120L.

Michel Guerin Pour fournitures de

marchandises 70L.

René Lussot Pour fournitures de

marchandises 68L.

Gilles Hamel Pour fournitures de

marchandises 51L. 10s.

François Le Page Pour fournitures de

marchandises 70L. 15s.

Georges Desvaux Pour fournitures de

marchandises 30L.

Jean Boué des Trelles Pour fournitures de

marchandises 24L. 17s.

Pierre Collet Pour fournitures de

marchandises 57L. 3s. 9d.

Jean Bouget de la Rue Scilon Pour fournitures de

marchandises 33L.

Pierre Gendron Pour fournitures de

marchandises 63L.

Pierre Blaret Pour fournitures de

marchandises 59L. 18s.

Michel Pernon Pour fournitures de

marchandises 38L. 10s.

Joseph Guibourg Pour fournitures de

marchandises 52L.

René Desilles Pour fournitures de

marchandises 40L.

Louis Berthiau Pour fournitures de

marchandises 22L. 10s. 9d.

Mr le Recteur d’Amanlis Pour fournitures de

marchandises 8L. 8s.

Joseph Chevrel Pour fournitures de

marchandises 15L.

Jean Beaugeais Pour fournitures de

marchandises 147L. 18s.

Sieur Jean Morel Pour fournitures de

marchandises

Environ 160L. sauf

procompte

Jean Coupart Pour fournitures de

marchandises 29L.

Georges Viel Pour fournitures de

marchandises 31L. 8s

François Noel Pour fournitures de

marchandises 72L. 3s. 9d.

Total 3 280L. 7s. 9d.

Page 332: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°24 | 92

Etat de ce que possède René Albert [nous n’avons transcrit que les biens les plus

intéressants]

Bien meuble Somme

Un lit garni de ses pentes de serge verte, d’une couette de plueme, de deux

oreillers, de deux couvertures, l’une de laine, l’autre de fil, et d’une paillasse 60L.

Un lit de domestique avec baliere, paillasse, deux oreillers, et une couverture

de fil 12L.

Une armoire à deux battants et deux tiroirs 36L.

Une table avec ses bancs 18L.

Une pendule avec sa boite 12L.

Un métier à toile avec son aramissement 42L.

Une grande charrette garnie de deux roües avec sa selle de limon et sa

peronne 72L.

Quatre tonneaux et deux barriques 56L.

Du chanvre à broyer 72L.

Un poële chaudiere 48L.

Trois bonnes assiettes d’etain et une mauvaise avec deux assiettes de fayance 3L. 10s.

Quatre meres vaches 200L.

Deux chevaux avec leurs equipages 300L.

Les pommes 80L.

Les chataignes 30L.

Du chanvre mâle avec sa graine existant dans trois jardins 180L.

Un ourdissoir 12L.

Total 1 828L.

Recapitulation

Dettes

Chapitre 1er Dettes privilégiées 756L.

Chapitre 2 Dettes hipotequaires 1 266L. 6s.

6d.

Chapitre 3 Dettes chirographaires 3 280L. 7s.

9d.

Sous total 5 272L. 14s.

3d.

Avoir

Meubles, effets 1 828L.

Reste du 3 444L. 14s.

3d.

[…]

Réné Albert n’a rien épargné pour remplir ses engagements et il voit avec douleur qu’il ne

peut y faire face : des pertes réiterées, des maladies très frequentes ont ruiné son commerce.

Page 333: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°24 | 93

La perte surtout qu’il a fait, il y a environ deux ans, de trois petits livres semblables à ceux

qu’il joint à son état, n’a pas peu contribué à la démarche qu’il est obligé de faire aujourd’hui.

Ces livres ou les marchands avec qui il commençoit à Rennes portoient les fournitures de toile

qu’il leur faisoit, formoient au moins ensemble une créance de mil ou douze cent livres sur les

Sieurs Picot, Marion, de la Villegaudin le Boucher, Barbier, autres qui, sur le défaut de

représentation de ces livres ont refusés de faire son compte, de sorte que, malgré la meilleure

volonté de satisfaire, il se verroit dans la dure necessité de faire cession si le père de son

epouse quoique créancier préférable d’une somme de six cent livres ne venoit lui tendre une

main secourable de son infortune.

Persuadé que le derangement des affaires de son gendre ne provient point d’inconduite, aide

défaut d’administration, Joachim Garnier consent de se rendre garant de l’arrangement que

René Albert propose à Messieurs ses créanciers et qui tend à avoir remise de moitié de ce

qu’il doit, en payant l’autre moitié dans un an sans interêts ni frais à compter du jour de

l’homologation du traité qu’ils voudront bien souscrire : en imitant un sacrifice aussi

généreux, ils n’auront pas à craindre de ne pas être remplis de la moitié de leur créance dans

le délai leur proposé, sa fortune qui se monte à neuf cent livres de revenu annuel ou environ

repondra de l’exécution de ce traité et ils auront la satisfaction, si douce pour des âmes

sensibles, d’avoir obligé essentiellement un debiteur de bonne foi qui été plus malheureux que

coupable.

Certifié veritable à Rennes ce 19 septembre 1783 René Albert

Baymé

Le 25 septembre 1783 Veriffication des bilans de René Albert

Les 26, 27, 28, 29, 30 octobre 1783 Vente de René Albert

Vente publique des biens meubles, grains, bestiaux et autres effets dependants de la cession

de René Albert cessionnaire au profit de ses créanciers, faite à la porte de son domicile […]

Vente Acquéreur Somme

Un tour à ourdir des toiles Joseph Guibourg dmt à Serant 4L. 15s.

Douze poupées de filasse Pierre Pouplon ? dmt à la Hantelle 1L. 13s.

Un coupon de toile Toussaint Martin dmt au Cours Hauvi 5L. 12s.

Deux brayes Julien Rouainé dmt à la Hantelle 4L. 9s.

Une armoire à deux battants avec

deux tiroirs

Joseph Robert dmt à la Rivière 76L. 10s.

Un fut de pipe Jean Bouée dmt à la Pucelais 5L. 7s.

Un fut de pipe Jullien Lussot dmt à la Grand Noe 9L. 5s.

Un fut de pipe Jullien Lussot dmt à la Grand Noe 10L. 5s.

Un fut de pipe Baptiste Chevrel dmt au Gros Chêne 9L. 5s.

Un metier à toile avec tous ses Le Mêle 26L.

Page 334: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°24 | 94

ustancilles

Trois gros echeveaux de fil,

provenant d’un lot de filasse, porté

en la verification

Sieur Piton dmt au bourg de Piré

1L. 17s.

Deux napes et deux mauvais

echeveaux de fil

Sieur Piton 17L.

Ce qu’il y a de pommes Baptiste Chevrel 65L.

La pendulle avec ses poids François Sorel 9L.

Un cheval en poil noir avec son

equipage

Baptiste Chevrel 75L.

Un bousseau de graine de chanvre

pour fils et trouvé trois boisseaux

et demy

Jacques Portier

12L. 12s.

Un lot de chanvre Barnabé Garnier du bourg de Neron 2L. 15s.

Un lot de chanvre René Garnier de Nerron 4L.

Un lot de chanvre Jacques Pannetier 5L. 9s.

Un lot de chanvre Pierre Brosseaux dmt à Serrant 4L. 7s.

Un lot de chanvre au dit Martin 3L. 18s.

Un lot de chanvre Au dit Derouainé 11L. 8s.

Un lot de chanvre Au dit Rouainé 9L. 16s.

Total 1 252L. 18s.

3d.

Page 335: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°25 | 95

A N N E X E N °2 5

Rapport sur les toiles à voiles daté de 1771

(ADIV, 9M 15)

Rennes 7461

février 1771

Observations sur la fabrique des toiles a voiles de la province de Bretagne.

Les 2 fabriques de toiles a voiles establies en Bretagne, l’une dans les environs de Rennes,

l’autre a Locronan et environs dans l’Evesché de Quimper sont menacées d’une destruction

prochaine ; elles produisirent en 1768 19429 pièces, en 1769 elles ont tombé a 17209 et en

1770 a 14946, ce qui fait 4477 pièces ou près d’un quart de diminution pour les 2 années.

Il est a remarquer que cette diminution porte en général sur les 4 fils et 6 fils brin sur brin,

premieres qualités de ces toiles ; les 4 fils communs et les toiles simples se debouchent assés

bien.

Plusieurs vices concourent a décréditer les 2 premieres qualités.

1° La mauvaise filature. On ne trouve plus de fils pour trame qui ne soyent au moins de

moitié trop fins et trop torts, et ce sont les fabriquans qui les demandent ainsy aux fileuses,

parce que plus la trame est fine plus elle couvre de la chaîne et moins on en consomme ; mais

aussy ne trouvant pas proportionnée, elle ne remplit pas, et ne fait qu’une toile creuse et lâche

sur laqu’elle l’ouvrier se garde bien de traper, et de tenir du pied, parcequ’il faut luy conserver

sa laize, or une toile a voiles ainsy fabriquée n’estant plus propre a retenir le vent n’est bonne

a rien.

2° Le mauvais lescivage des fils de chaine et de trame. Les fabriquans se contestent de donner

a leurs fils une legere lescive, ils restent durs, pleins d’aigrettes, et de chenevottes, dans cet

état on ne peut les tisser, ils se rompent souvent et facilement, et ne forment qu’un toile mal

tissüe pleine de nœuds, de lachare, et de clairieres.

Page 336: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°25 | 96

3° Le mélange des matieres. La chaine et la trame des toiles de la premiere qualité doivent

estre composées du 1er

brin du chanvre ; le 2e brin et les réparons servent aux juterieures,

parcequ’ils y trouvent un benefice, ils fardent cette malversation de sorte qu’on ne l’aperçoit

pas au premier coup d’œil, mais avec un peu d’attention et une mediocre connaissance des

matieres on la voit. Or il est prouvé par les experiences aprouvées par M. Duhamel du

Monçeau dans son traité de l’art du Cordier chapitre 5 que le 2e brin du chanvre n’a

qu’environ la moitié de la force du premier : par consequent une toile ainsy meslée ne durera

que la moitié d’une toute composée du 1e brin, et en se dechirant dans un coup de vent, auquel

une toile toute de bonne matiere ont resisté, occasionera de terribles accidens.

Pour remédier à la mauvaise filature j’avois proposé que quelques un des membres de la

Société d’Agriculture, du Commerce, et des Arts du bureau de Rennes s’engages les Etats a

tirer des echantillons des fils de trame qu’on emploïe pour les premieres qualités dans les

manufactures de Brest, Anger, et Saumur de les déposer dans pour modêle dans les paroisses

ou on file pour nos toiles, de charges Mrs les Recteurs et trésoriers de ces paroisses, et les

gentils hommes qui y resident de veiller a ce que les fileuses s’y conforment, et de faire

récompenser celles qui reussiroint le mieux ; quelques uns avoint adoptés ce sentiment, j’ay

su qu’ils en avoint été détournés par des gens dont l’interest personnel s’opposera a ce qu’on

file mieux.

Comme cet objet me paroit important pour conserver aux paroisses ou ces 2 fabriques sont

establies le seul moyen qu’elles aïent de se procurer de l’aisance, j’estime qu’il seroit utile

d’avoir ces modèles, de les faire parvenir avec une lettre de M. l’Intendant a chaque Recteur

et trésorier. Je me chargeré, volontiers de les faire parvenir, et le prix qui ne peut estre qu’une

bagatelle se prendra sur l’excedent du produit des bureaux. M. l’Intendant comettroit

egalement ses subdelégués pour exhorter les fileuses, et en tenant un peu rigueur aux

fabriquans dans les bureaux on viendroit a bout, avec du tems, de remettre la filature sur un

meilleur pied. Sans cette réforme nous n’aurons jamais de bonnes toiles, quoique que nous

ayons la meilleure matiere, et a beaucoup meilleur marché que dans les autres fabriques.

Le mauvais lessivage des fils, et le melange des matieres pouroint et devroint se corriger

facilement dans les bureaux de visite, ils sont deffendus par les art. 14 et 15 de l’arrest du

Conseil du 22 may 1742 portant reglement pour les toiles a voile de l’Evesché de Quimper, et

par les art. 18 et 19 de celuy du 4 xbre 1745 pour celles de l’Evesché de Rennes ; il ne

Page 337: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°25 | 97

faudroit pour cela qu’un peu plus de severité de la part des Inspecteurs marchands dans le

bureau de Rennes et plus de protection au comis a la visite dans celuy de Locronan.

Dans le bureau de Rennes nous ne voyons pas les fabriqueurs ; ils vendent leurs toiles a

Chateaugiron, Amanlis, Piré, Janzay et autres a des marchands de ces endroits, ou ils les leur

contient pour les vendre a Rennes pour leur compte ceux ci les vendent aux marchands de la

ville qui sont Inspecteurs marchands chacuns a leur tour. Ils les achetent dans le bureau,

même avant la visite, et a credit ; au moyen les toiles sont souvent a eux lorsqu’ils les visitent,

ou si elles n’y sont pas, ils n’osent sévir contre les proprietaires parceque, ou ils leurs doivent

pour des achats anterieur, ou ils esperent par leur complaisance les engager a leur vendre.

Aussy ne manquent-ils dès que je détourne les yeux, et surtout dans mes absences de faire

marquer sans autre examen que celuy de la laize, de la les plaintes des ports maritimes ; si je

m’aperçois de quelque d’effectuosité, ils servent d’avocats et d’intercesseurs, et cherchent des

excuses, ceux de bonne foy conviennent du tort de leur conduite fait a cette fabrique, mais ils

ne croyent pouvoir agir autrement par raport au credit qui les met dans la dépendance de leurs

vendeurs, ce qui n’est dans aucune autres fabriques de la province ou les achats se font tous

argent comptant.

J’estime que le remede a un abus aussy destructif seroit de deffendre aux marchands de

Rennes d’acheter avant la visite finie, et que M. le Controlleur général voulut bien faire écrire

aux Inspecteurs pour leur ordonner de faire executer le reglement de 1745 lequel ordre leur

sera lu et remis dans une assemblée par M. l’Intendant ou un de ses subdelegués.

A Locronan le comis visite seul, parcequ’il n’y a point de marchands dans l’endroit.

L’insubordination des fabriquans y est marqué, le 10 juin 1768 un tisserand [illisible] au

comis sa toile dans laqu’elle il avoit reconnu qu’il manquoit 60 fils, le 9 novembre de la

même année un autre en fit autant, depuis ce tems ils l’ont souvent outragé de paroles et

menacé, enfin ils l’ont intimidé de façon qu’il n’ose plus rien leur dire ; ce comis a néanmoins

du talent et de la douceur ; mais l’impunité de ces 2 fabriquans fait croire a tous les autres que

le conseil approuve les representations que le corps politique de cette paroisse a dû adresser a

M. le Controlleur général en vertu d’une deliberation prise le 23 aoust 1767. Je n’ay pu voir

ces representations qui ont été effectivement envoyées. J’ay par ordre de M. de Montasan du 5

juillet dernier sollicité une copie de la deliberation, je l’ay obtenüe depuis peu de jours, et il a

fallu pour cela que j’aïe eu recours a l’autorité de M. l’Intendant.

Page 338: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°25 | 98

Il paroit néanmoins necessaire de rétablir l’ordre dans ce bureau, et de mettre le comis en état

de remplir ses fonctions sans danger ; pour y parvenir j’estime qu’il faudroit que par une

ordonnance de M. l’Intendant les nommés Pierre Ligaran, et Jean Balancé qui ont agi de vive

force dans le bureau fussent condamnés a garder prison pendant 15 jours, qu’il fut fait

deffenses a aucun de tomber en pareil cas sous peine de 300£ d’amende et d’un mois de

prison, ainsy que d’outrager ou menacer le comis même hors du bureau sous pareille peine ;

sauf a eux a faire telles representations qu’ils jugeront devoir faire, et qu’ils continueront

d’executer tous les articles du reglement jusqu'à ce qu’il en ait eté autrement ordonné,

laqu’elle ordonnance sera lüe et publié au prône, et a l’audience, et affichée, avec ordre au

juge des manufactures d’y tenir la main.

___________________________________________________________________________

Rennes

May 1771

Réponse a la lettre du 16 avril de M. le Controlleur général a M. l’Intendant au sujet des toiles

a voiles.

Sur le compte que je me suis fait rendre du mémoire de l’Inspecteur de Rennes et des lettres et

procès verbaux du comis de la marque a Locronan. Je suis convaincu du déperissement des 2

fabriques de toiles a voiles établies en Bretagne ; une diminution du ¼ de fabrication dans 2

années demontre suffisament leur discrédit ; il provient principalement du système

d’independance que les marchands et fabriquans ont adopté depuis quelques années ; ils ont

par une avidité mal entendüe déteriorés la qualité des toiles de la 1ère

sorte au point qu’on n’en

veut plus dans aucun de nos ports.

Il est a remarquer qu’il n’en est pas des toiles a voiles comme des autres : une toile pour linge

ou pour [illisible], si elle est mal fabriquée tombe de 1 ou 2 degré, et de valeur en proportion,

mais elle trouve son employ. Son[illisible] prévoit même souvent un moyen de débouché, au

lieu qu’une toile a voile si elle n’est pas bonne pour voile n’est bonne a rien.

Je pense donc qu’il est d’autant plus important de soutenir ces 2 fabriques en y retablissant la

regle, qu’elles sont la principale ressource des 2 plus pauvres cantons de la province, et que

pour y parvenir il convient d’ordonner

Page 339: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°25 | 99

1° aux fileuses qui filent le 1er

brin du chanvre destiné a composer les chaines et les trames

des toiles de 1ère

qualité de filer beaucoup plus gros qu’elles ne font, et de tourner leur fil le

moins qu’elles pourront. Pour pieces de comparaison on envoyera dans chaque paroisse ou on

s’occupe de la filature un petit écheveau de fil filé convenablement, on l’adressera a Mrs les

Recteurs qui seront priés d’en donner connoissance aux fileuses, et de les exhorter a s’y

conformer, elles y trouveron de la qualité et de l’économie, et comprendront aisément que

c’est le seul moyen de se conserver cet objet intéressant d’occupation et de benefice.

2° d’ordonner aux marchands de fils d’en exposer dans les marchés du fil du 1er

brin du

chanvre qu’a peu près de la grosseur du modèle, d’assortir leurs môches ou paquets de fils de

sorte qu’ils soïent d’une même grosseur, egallement filés, et tous composés du 1er

brin du

chanvre sous peine de confiscation des fils, et de 10£ d’amendes pour chaque moche ou

paquet.

3° d’ordonner aux Inspecteurs et comis des manufactures, et aux inspecteurs marchands du

bureau de Rennes de descendre le plus souvent dans les marchés des fils a Rennes et aux

environs, et d’y tenir la main a l’execution des arrests du conseil servant de reglement pour ce

commerce.

4° d’ordonner aux fabriquans de n’employer dans leurs toiles dites 4 et 6 fils brin sur brin que

des fils conforment aux modèles sous peine de confiscation des toiles et de 10£ d’amende par

chaque piece ; de lesciver assés leurs fils pour qu’il soient moëleux, souples, et faciles a tisser,

come de les purger de bois, chevenottes, cendres, et de tous corps étrangers, leur enjoindre de

traper leurs toiles jusqu'à ce qu’elles soïent assés serrées pour retenir le vent, car si elles n’ont

pas cette qualité elles ne sont pas toiles a voiles ; le tout sous les peines portées par les articles

14 et 15 du reglement du 13 mars 1742 pour les toiles de Locronan, et les articles 8 et 19 de

celuy du 4 décembre 1745 pour celles de l’Evesché de Rennes.

5° d’ordonner aux marchands de paroisses voisinnes de Rennes qui achetent les toiles dans les

campagnes, ou qui les apportent au marché de Rennes pour le compte des fabriquans de ne

point acheter, ni se charger aucune toile deffectueuse sous peine d’estre personnellement

condamnés en 30£ d’amende par chaque piece sans diminution des condamnations portées

contre les fabriquans.

6° de deffendre aux fabriquans de mesler le 2ème

brin du chanvre avec le 1er

dans les toiles qui

seront marquées brin sur brin sous les peines portées par les dits articles 14 et 15 8 et 19 des 2

Page 340: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°25 | 100

reglemens cités cy dessus, et de 50£ d’amende par chaque piece contre les marchands qui

auront mis la marque brin sur brin et leurs noms sur une toile meslée.

7° deffendre aux negocians et marchands de Rennes d’en arrher ni acheter aucune toile avant

la visite et la marque, ordonner aux Inspecteurs marchands de faire la visite avec attention,

d’arreter les toiles qui seront en contravention a quelques uns des articles du reglement de

1745 de commencer la visite en tout tems a 8 heures, les jours indiqués, et de continuer sans

interruption tant qu’il y aura des toiles a visiter, pour que les marchands et fabriquans puissent

disposer de leurs toiles a mesure qu’elles seront marquées, et les porter a vendre chés les

marchands et négocians de la ville, faire deffenses a ceux-cy d’acheter dans le bureau de la

ville avant 10 heures sous peine de 10£ d’amende par chaque piece contre le vendeur et

l’acheteur.

Et comme dans la manufacture de Locronan les fabriquans ont manifesté leur insubordination

par des [illisible] (a tes) violeurs, qu’ils ont menacés et outragés le comis en diverses

occasions, que le 10 juin 1768 Pierre Ligavan tisserand luy arracha des mains et enleva sa

toile de la chaine de laqu’elle il avoit reconnu qu’il manquoit 60 fils, que Jean Balancé en fit

autant, et par le même motif, le 9 novembre de la même année, que l’impunité de ces 2

fabriquans a enhardi les autres a intimider le comis au point qu’il n’ose plus arreter les toiles

deffectueuses, que tous ces actes derive de la deliberation tumultueuse du corps politique de la

paroisse de Locronan amentée le 23 aoust 1769 par Yves Ligavan tisserand et sindic de la dite

paroisse, par laquelle il fut arreté de faire des representations au conseil sur le reglement du 13

mars 1742. Le conseil n’y a eu aucun egard, et neanmoins les fabriquans de Locronan ont

arretés de croire qu’elles suspendoint provisoirement l’effet du reglement. Toute la conduit

des fabriquans me paroit temeraire et d’un dangereux exemple pourquoy j’estime qu’il

convient d’ordonner que les dits Pierre Ligavan et Jean Balancé [illisible] prison pendant 15

jours, qu’il soit fait deffenses aux fabriquans et a tous autres de s’opposer a ce que le comis

saisisse dans le bureau les toiles deffectueuses, sauf a ceux qui se croiront lezés de se pourvoir

devant le juge des manufactures, lors du jugement ; qu’il leur soit aussy fait deffenses de le

menacer ni outrager de parolles dans ni hors le bureau, le tout sous peine de 300£ d’amende,

et d’un mois de prison, meme de plus grande peine en cas de recidive.

Ordonner que la piece de toile dite Locornan a 2 fils, saisie le 21 septembre 1767 sur

Catherine Ligavan femme de Jean Ligavan, pour manque de 60 fils dans la chaine, sera

Page 341: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°25 | 101

confisquée, et le dit Jean Ligavan condamné en 10£ d’amende conformément a l’art. 1 du

reglement du 13 mars 1742.

Ordonner aux fabriquans de fabriquer leurs toiles conformément a tous les articles du susdit

reglement, au comis d’arreter celles qui y seront en contravention, au juge d’y conformer ses

jugemens, et de donner protection et mainforte au comis dans tous les cas raisonnables, sauf

aux tisserands a presenter au conseil telles representations qu’ils croiront devoir contribuer au

bien de leur fabrique, mais qui ne pouront avoir d’execution, qu’après les ordres du conseil.

Page 342: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°26 | 102

A N N E X E N °2 6

Mémoire sur les toiles à voiles du Sieur Picot daté de 1775

(ADIV, 9M 15)

4 avril 1775

Observation sur un mémoire du Sieur Picot

Il n’existe en Bretagne qu’un seul privilège pour la fabrication des toiles à voiles, c’est celui

en vertu duquel M. Le Boucher a établi une manufacture de ces toiles dans un des fauxbourgs

de Rennes. Il ne parait pas qu’elle puisse faire aucun tort à la fabrique des environs, elle est

obligée de vendre ses toiles de 12 à 15 p% plus chers que celleci, ainsy elle a peu de

débouché.

La fabrique des toiles à voiles de l’Evéché de Rennes est toute dans les campagnes à 2, 3, 4

jusqu’à 8 lieues de la capitale. Les fabricans sont tous colons, ils sèment le chanvre, le

récoltent, le préparent, les font filer, et font fabriquer les toiles, ou chez eux par des tisserands

domestiques, ou par leurs voisins dans les moments que leur laissent la culture des terres ; la

fabrication et le commerce de ces toiles est une des principales ressources des habitants

d’environ 20 ou 30 paroisses de ces cantons et de plusieurs négociants de la ville.

Les puissances maritimes ont un interée particulier à se procurer de bonnes toiles à voiles, de

leur perfection dépend la sûreté des expéditions de mer et la vie de plusieurs citoiens utiles.

Les armateurs cherchent aussi à se procurer les meilleures, mais à un prix relatif à

l’importance de leurs armemens, à la grandeur de leurs vaisseaux, et à la longueur des

voyages qu’ils entreprennent, ainsi il en faut de plus ou moins fortes et par conséquence plus

ou moins chères.

Ce sont surtout les toiles de premières qualités convenables pour les grands vaisseaux, et pour

les voiages de long cours que l’on tire de Russie et d’Hollande, parce que celles que nous

fabriquons dans …, sont composées de fils trop fins, surtout pour les tramer, ainsi elles ne

peuvent avoir, ni le corps, ni la force necessaires pour resister aussi longtems que ces toiles

Page 343: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°26 | 103

etrangeres. Le principal défouct de ces toiles à voiles vient donc de la filature, le moïen

qu’indique le S. Picot pour la reformer n’est aucunement à charge aux fileuses et sera efficace

si MM. les Recteurs ou Curés des paroisses de la fabrique veulent bien se prêter à

communiquer facilement aux fileuses les echantillons qu’on deposera chez eux et à les

exhorter à s’y conformer, c'est-à-dire de filer plus gros et à moins tordre les fils destinés pour

traine ; ou a d’autant plus lieu d’esperer qu’ils ne regarderont pas ces details au dessous de

leur ministere que ce sera assurer un moien d’occupation et de subsistance aux plus pauvres

de leurs paroissiennes.

Si ce moien est adopté, il sera facile de se procurer des échantillons convenables. On tirera

des manufactures royales de Brest, d’Angers, ou de Beaufort en Anjou, des échantillons des

trames qu’on y fait entrer dans la composition des toiles de la premiere qualité, ou sera filer a

Rennes ou dans les environs la quantité nécessaire pour en déposer 1,2 ou 3 echevaux dans

chaque paroisse suivant son étendüe. 20 ou 30 £ de trames suffiront pour cela, et la dépense

n’excedera pas 40 a 50 £ qu’on prendra sur les excedens de produits du…oît demarque dont

on compte tous les ans à M. l’Intendant, cette somme sera deboursée par l’Inspecteur de

Rennes qui la passera en depense dans son prochain compte.

Il paroit qu’il sera egalement necessaire d’exhorter les fabricans à se servir des trames filées

conformément aux échantillons pour la tissure des toiles à voiles dites 6 fils en 30 et 36

portées, ainsi que pour celle des 4 fils en 25 et 30 portées, en leur laissant la liberté d’emploier

les trames plus fines dans les toiles de qualités inferieures.

Les bureaux de la Guerche et de Vitré furent suprimés en 1769 à cause de leur mauvaise

administration, a laquelle on ne pouvoit remedier vu la mediocrité de leur produit, mais on ne

croit qu’on le fut porté a la supression de ces bureaux qui enfin étoient commodes pour les

fabricans qui en étoient voisins, s’il n’avoit été prié d’emmener permis, par un arrêt du 7 fev.

1757 à tous les fabricans de l’Eveché de Rennes, de faire marquer leurs toiles dans tous les

bureaux de contrôle établis dans la Province ; motif de cet arrêt fut l’éloignement de quelques

fabricans qui se trouvent a 8 lieuës de Rennes et qui n’en ont que 12 ou 15 pour se rendre à

Nantes ou se consomme la majeure partie des toiles à voiles de cette fabrique, on croit donc

qu’il est utile de laisser subsister cette liberté.

Mais s’il est constaté que l’Inspecteur et le Comis des manufactures marquent sans examen

toutes les toiles qu’on aporte au bureau de cette ville, il est tout simple d’assujetir les

marchands de toiles de cette ville à remplir les fonctions d’Inspecteurs marchands de le

Page 344: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°26 | 104

bureau. Ils ont un interêt personnel à ce qu’on ne marque aucunes mauvaises toiles, ils les

rebuteront, ils sont en grand nombre, ainsi ils ne seront pas grevés par ces assujetissement et

on ne sou… pas sur quels motifs ils s’y sont soustraits jusqu’icy, il ne s’agit pour cela que de

former un tableau de tous ceux qui doivent y etre compris sur lequel M. l’Intendant ordonnera

qu’ils serviront deux par trimestre conformément a tous les reglemens et qu’ils visiteront non

seulement les toiles à voiles, mais les courtils, les toiles Nantoises, les toiles peintes, et les

toiles Bretagnes. Alors la visite y sera à l’instar du bureau de Rennes, et les fabricans seront

obligés de n’y présenter que des toiles loyalles et marchandes.

___________________________________________________________________________

M. de Trudaine

Paris le 20 janvier 1776

M.

J’ai l’honneur de vous envoyer un mémoire qui m’a été adressé par le Sieur Picot, négociant

de la ville de Rennes, au sujet de la défectuosité des toiles à voile qui se fabriquent en

Bretagne et sur la nécessité qu’il y auroit, pour l’avantage de cette branche de commerce, d’en

perfectionner la fabrication.

Ce mémoir, M., me paroit très-intéressant. Vous y verrez qu’en général, toutes les toiles qui

se fabriquent en Bretagne, sont […] des fils trop fins et n’ont par conséquence ni le corps ni la

force nécessaire d’un bon usage* (*et pour servir de voile aux grands vaisseaux destinés aux

voyages de long cours ;) de sorte que les Armateurs donnent la préférence aux toiles

étrangères et sur-tout à celles de Russie et de Hollande, parcequ’étant tramées avec des fils

plus gros et plus forts que celles de Bretagne, elles ont beaucoup plus de consistance et de

force et résistent bien plus long-temps.

Page 345: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°26 | 105

Ce négociant ajoute et il est en effet sensible que la défectuosité de nos toiles, ne provient que

de la filature ; en conséquence, il propose pour remédier à ce défaut, d’envoyer à tous les

Recteurs des Paroisses où on fabrique des toiles, des échantillons de gros fil, pour servir de

modèle aux fileuses, et d’exhorter les fabricans à se servir de trames filées conformément à

ces échantillons, même de les y obliger en quelque sorte, par l’attention qu’on auroit de ne

marquer que les toiles de bonne qualité.

J’ai communiqué, M., ce mémoire à l’Inspecteur général des manufactures de mon

Département et j’ai l’honneur de vous envoyer ci-joint, les observations qu’il m’a remises à ce

sujet : elles ne laissent aucun doute sur l’utilité du projet du S. Picot.

Je pense en effet qu’il n’en peut résulter qu’un tres-grand bien pour le commerce de toiles à

voile de Bretagne et que les fabricans seront les premiers à en ressentir les avantages ;

parceque leurs toiles, étant tramées sur le modèle de celles de Russie et de Hollande, en feront

nécessairement tomber le débit ; elles seront d’ailleurs fabriquées avec de plus beaux chanvres

et se trouveront par ce moyen, supérieures en qualité : ainsi les Armateurs cesseront d’être

dans la nécessité de se pourvoir à l’étranger et les fabriques de la Bretagne qui sont déjà d’une

grande ressource pour les habitans, principalement dans l’Evéché de Rennes et que les

marchands* (*de toiles de cette ville) sont particulièrement intéressés à faire mettre au rebut

toutes celles qui sont défectueuses, il me paroit qu’il convient de les obliger, en conformité

des réglements, à remplir eux-mêmes, tour à tour, les fonctions d’Inspecteur au Bureau de la

marque.

J’ai cru, Monsieur, devoir vous communiquer ces différentes propositions ; et je donnerai à

cet égard, les ordres nécessaires, d’après ce que vous aurez bien voulu me marquer.

Je suis

Page 346: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°27 | 106

A N N E X E N °2 7

Mémoire sur les toiles à voiles daté de 1778

(ADIV, 9M 15)

Rennes – 10 février 1778

Au dossier

MEMOIRE

Quelques fabricants de Châteaugiron seront chargés de fournir à un négociant de Rennes des

toiles à voile de la première qualité, des 6 fils en 3 b. et des 4 fils en 30 portées. Les toiles sont

divisées en petites pièces de 40 à 50 aunes de Paris, et pliées à la même aune. Ce pliage est

contraire à l’article 24 du règlement du 4 novembre 1745 qui ordonne que toutes les toiles y

dénommées seront pliées par feuilles d’une aune ou verge de 50 pouces, parcequ’à Rennes

elles se vendent à cette mesure. Quoique les formes admises par ces fabricants, ou demandées

par leur comettant soyent irrégulières, et qu’il semble qu’ils laissent de se faire authoriser

avant de les adopter. Je ne crois pas qu’on doive leur en faire un crime, parcequ’elles ne

s’opposent en rien à la bonté de la toile, et qu’au contraire la réduction des pièces à un

moindre aunage ne peut que faciliter la bonne fabrication ; mais contre toute raison, et au

mépris des règles établies, ils s’efforcent de les soustraire a toute visite et marque, ce qui est

d’un très dangereux exemple, et ne peut manquer d’estre aussy préjudiciable a la fabrique

qu’aux produits des bureaux des manufactures ; cette fabrication, commencée depuis environ

4 mois, s’augmente journellement, et peut s’estiment actuellement a environ 20 pièces par

semaine.

Les négocians de Rennes ont été le premiers a m’informer de cette fabrique clandestine ; j’ay

avertis les fabriquans, qu’on m’a désignés, de présenter ces toiles a la visite, comme les

autres, faute de quoy j’en ferois a recherche, et que les délinquans seroient punis suivant les

rigueurs des réglements.

Page 347: Les marchands de toiles d'Amanlis

Annexe n°27 | 107

Le jour de visite suivant 3 fabriquans présentèrent 8 pièces, on n’eut qu’a les livrer sur la

pureté et la préparation des matières, ainsi que sur la bonne fabrication, on les exhorta a

continuer, et a les présenter à la visite pour exciter l’émulation des autres fabriquans ; on les

leur marqua quoiqu’ils eussent négligés d’y appliquer l’empreinte de leur nom, et de celuy de

leurs demeures, on les avertit de ne plus obmettre cette précaution ordonnée par l’article 31 du

susdit règlement ; le jour de visite suivant on en présenta 3 autres pièces, les noms des

fabriquans n’y étoient pas mis, on les marqua néanmoins en leur réitèrent la nécessité d’y

mettre les noms ; depuis on n’en a pas présenté a la visite. On a été informé qu’on continuoit

d’en fabriquer, qu’on les aportoit a Rennes et qu’on les entreposoit dans les magasins que ces

fabriquans ont dans le voisinage du bureau.

Le samedy 7 du mois je fus avertis que Pierre Gaulay de Chateaugiron en avoit fait

entreposer, la veille quelques pièces dans son magasin, et qu’elles n’y étoient plus, j’y

descendis sur le champ et luy demandai les petites pièces qu’il avoit fais apporter la veille a la

connaissance de tous ceux qui fréquentent le bureau ; il s’y en trouva deux, qu’il fit porter au

bureau, et me dit qu’il alloit y faire aporter les 3 autres. Je les luy demandai plusieurs fois, en

présence de l’inspecteur marchand en exercice, et des marchands et fabriquans, en l’assurant

qu’on les marqueroit dès qu’il y auroit appliqué l’empreinte de son nom, et que s’il ne les

présentoit pas, je prendrois les ordres de M. l’intendant sur la contravention, il promit

toujours, et la visite finit, sans que les 3 pièces parurent, les 2 autres sont restés dans le

bureau.

Je crois qu’il seroit très dangereux de laisser ce fabriquant le maitre de représenter, ou non,

ces 3 pièces ; qu’il seroit convenable pour faire un exemple, et rétablir la subordinnation, et la

bonne police dans ce bureau de l’obliger de les représenter demain mercredy, et faute a luy de

le faire d’en dresser un procès verbal sur lequel il soit condamné a en payer la valeur estimée

a 50 francs par pièce, et a 20 francs d’amende par chaque pièce conformément au susdit

article 31.

Ce fabriquant voudra peut être s’authoriser d’un arrest du conseil du 7 février 1757 qui permet

aux fabriquans de toiles dans tous les bureaux de visite et de contrôle établis pour la visite et

marque desdites toiles ; mais cet arrest n’a dérogé a l’article 34 du susdit règlement qu’en

faveur des fabriquans qui par l’éloignement ou ils se trouvent de la ville de Rennes,

éprouveroient des frais inutiles, comme ceux des environs de la Guerche qui sont

presqu’aussy près de Nantes que de Rennes, et obligés d’y passer, surtout si leurs toiles sont

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Annexe n°27 | 108

destinées pour St Malo comme celles du (marchand ?) Gaulay, or il seroit facile de prouver

qu’il se s’est jamais marqué de toiles a voiles au bureau de St Malo, s’il y en va c’est en

fraude au surplus il est certain que Gaulay et ses confrères livrent ces toiles a Rennes, et

qu’ainsi ils les vendent sans aucunes marques, ce qui est contraire aux dispositions de cet

arrest.

Le négociant qui les reçoit a Rennes est encore dans un cas moins favorable, il ne peut les

faire transporter sans marques, encore moins s’apposer a ce que le fabriquant y applique

l’empreinte de son nom ; il ne peut y avoir d’autre interest que de cacher l’endroit d’ou il tire

ces toiles pour s’en procurer un commerce exclusif sous des noms, et peut-être des marques

déposées, trouver ainsy le consommateur, et frustrer le fabriquant de l’Evesché de Rennes

d’une exportation plus considérable que luy procureroit nécessairement la connaissance d’une

fabrication améliorée dont le bénéfice se répartiroit sur tous les fabriquans et négocians, ou

bien de se trouver concentré entre 4 ou 5 fabriquans et un seul négociant.

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Table des annexes | 110

T A B L E D E S A N N E X E S

Annexe n°1 : La production des toiles en Bretagne du XVIe au XVIII

e siècle……….……. 3

Annexe n°2 : Liste des marchands de toiles d’Amanlis en 1791………………………... 4

Annexe n°3 : Liste des marchands de toiles d’Amanlis au XIXe siècle………………….. 6

Annexe n°4 : La localisation des marchands d’Amanlis en 1791 et 1856………………. 8

Annexe n°5 : Rôles de capitation de 1783 et 1790………………………………………. 9

Annexe n°6 : La répartition des marchands selon leur capital foncier, d’après les

registres de mutations après décès………………………………………………………..

12

Annexe n°7 : Généalogie de la famille Chevrel du Gros-Chêne……………………….... 14

Annexe n°8 : Généalogie de la famille Jouzel………………………………………….... 19

Annexe n°9 : Généalogie de Pierre-Antoine Arondel………………………………….... 23

Annexe n°10 : Propriétés foncières de Jean-Baptiste Chevrel…………………………... 25

Annexe n°11 : Propriétés foncières des frères Jouzel…………………………………… 26

Annexe n°12 : Propriétés foncières de Pierre-Antoine Arondel………………………… 27

Annexe n°13 : Répartition du parcellaire des propriétés foncières des marchands de

toiles………………………………………………………………………………………

28

Annexe n°14 : Inventaire après décès de Jean-François Chevrel………………………... 29

Annexe n°15 : Inventaire après décès de Jean-Baptiste Chevrel………………………... 49

Annexe n°16 : Les maisons de marchands de toiles d’Amanlis…………………………. 68

Annexe n°17 : L’organisation du pouvoir paroissial à Amanlis sous l’Ancien Régime… 71

Annexe n°18 : Les délibérations du général de paroisse………………………………… 72

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Table des annexes | 111

Annexe n°19 : Les marchands de toiles délibérants du général de paroisse dans les

années 1780………………………………………………………………………………

77

Annexe n°20 : Le livre de compte de René Albert………………………………………. 78

Annexe n°21 : Le district de La Guerche……………………………………………… 80

Annexe n°22 : Les retables de l’église paroissiale d’Amanlis, construits dans les années

1630-1640………………………………………………………………………………...

81

Annexe n°23 : Le dossier de faillite de Jacquette Hamelin, marchande à Châteaugiron,

en date du 3 février 1790…………………………………………………………………

84

Annexe n°24 : Le dossier de faillite de René Albert, marchand à Amanlis, en date du 19

septembre 1783…………………………………………………………………………...

89

Annexe n°25 : Rapport sur les toiles à voiles daté de 1771……………………………... 95

Annexe n°26 : Mémoire sur les toiles à voiles du Sieur Picot daté de 1775…………….. 102

Annexe n°27 : Mémoire sur les toiles à voiles daté de 1778…………………….............. 106

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Résumé :

Les XVIe et XVII

e siècles ont vu émerger, dans les campagnes du sud-est de Rennes,

une zone de production toilière particulièrement dynamique. Centrée sur les paroisses de

Noyal-sur-Vilaine, Châteaugiron, Amanlis, Janzé et Piré-sur-Seiche, la manufacture des

« noyales » est destinée à la fabrication et au commerce de toiles à voiles.

C’est à l’étude des mécanismes économiques, sociaux et commerciaux de cette

manufacture toilière, moins bien connue que les deux manufactures linières des « crées » dans

le Léon et des « bretagnes » dans le Centre-Bretagne, que ce travail est consacré. De plus,

cette recherche entend se concentrer sur les acteurs majeurs de cette production toilière : les

marchands ruraux de toiles à voiles. L’analyse de ce groupe social, mal identifié, tourne

autour d’une question centrale : forment-ils une petite élite rurale économique, sociale et

politique à l’échelle de leur paroisse au XVIIIe siècle, puis de leur commune au XIX

e siècle,

voire au-delà ?

Mots-clés :

Amanlis, marchands de toiles, élite rurale, proto-industrie textile, toiles à voiles, chanvre