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6 actualités Actualités pharmaceutiques n° 477 Septembre 2008 Les médicaments non utilisés, que certains patients remettent à leurs officines, sont parfois acheminés dans des pays en développement. Mais ces dons se révèlent parfois plus embarrassants que salutaires. L es médicaments non utilisés (MNU) sont sou- vent inutilisables dans les pays qui les reçoivent. Ils ne correspondent en effet pas aux pathologies les plus fréquentes, peuvent être périmés ou altérés ou encore ne sont pas accom- pagnés de notice explicative rédigée dans la langue du pays receveur. Ces cadeaux “empoi- sonnés”, non contents de ne pouvoir soulager des popula- tions affaiblies, représentent un risque important : les MNU ali- mentent les trafics locaux quand ils ne se révèlent pas difficiles à détruire en toute sécurité. La fin d’un système Après les appels de plusieurs instances internationales à renoncer aux MNU dans un cadre humanitaire dont l’Orga- nisation mondiale de la santé (OMS), la France s’est résolue à mettre fin à ce système, d’autant plus que les failles du réseau Cyclamed ne concernaient pas que le volet humanitaire. À partir du 31 décembre 2008, elle n’en- verra plus de MNU dans les pays en voie de développement. Promesses sans engagements Si la fin de l’envoi des MNU dans les pays pauvres ou touchés par une catastrophe humanitaire a été saluée par de nombreuses organisations, il n’en reste pas moins que certaines organisa- tions non gouvernementales (ONG) redoutent d’être privées, à terme, d’une source importante de médicaments. Les craintes sont attisées par le fait que le gouvernement ne semble guère enclin à mettre en place une solution de rechange. Il a dans un premier temps tenté de s’en remettre à la bonne volonté de l’industrie pharmaceutique, qui a cependant fait savoir qu’elle contribuait déjà à l’achemine- ment de médicaments dans les pays pauvres par l’entremise de son dispositif Tulipe. Pressé d’agir par plusieurs associa- tions, le ministère réaffirme sa volonté « d’accompagner les associations », mais sans donner d’assurance quant à une action précise et concrète. Aurélie Haroche © jim.fr Le surdosage en paracétamol est la cause la plus fréquente d’insuffisance hépatocellulaire aiguë aux États-Unis et dans la plupart des autres pays occidentaux. Les surdosages accidentels, l’abus d’alcool et des maladies hépatiques sous-jacentes peuvent majorer le risque d’hépatotoxicité. U ne étude 1 a évalué le devenir des intoxications au paracétamol, en por- tant une attention particulière sur le rôle des facteurs de risques, à partir d’une base de données en population. Les patients hospitali- sés pour surdosage au paracéta- mol ont été identifiés de manière rétrospective, sur la période 1995-2004, en utilisant les codes diagnostiques ICD10 pour isoler les comorbidités, les tentatives de suicide et l’hépatotoxicité. Abus d’alcool, maladie hépatique et tête en l’air Durant cette période de 10 ans, 1 543 patients ont été hospita- lisés pour une intoxication au paracétamol, parmi lesquels 34 % étaient alcooliques, 3 % avaient une maladie de foie et 13 % avaient fait un surdosage accidentel. Dix-sept patients (4,5 %) ont présenté une hépato- toxicité du paracétamol. Le surdosage accidentel (odds ratio [OR]=5,18 ; intervalle de confiance à 95 % [IC95] de 3,00 à 8,95), l’abus d’al- cool (OR=2,21 ; IC95 de 1,30 à 3,76), une maladie hépati- que sous-jacente (OR=3,50 ; IC95 de 1,57 à 7,77), et le traitement par N-acetylcys- téine (OR=6,75 ; IC95 de 2,78 à 16,39) étaient des facteurs associés de façon indépen- dante à l’hépatotoxicité. Un mauvais pronostic sur le long terme Quinze patients (1 %) sont décédés pendant l’hospitalisa- tion avec comme facteurs de risque, l’âge plus élevé, le sur- dosage accidentel, l’abus d’al- cool, les comorbidités incluant les maladies hépatiques et la survenue d’une hépatotoxicité (14 vs 0,3 % ; p< 0,0005). Lors d’un suivi moyen de 5,2 années (intervalle 1 jour à 11 ans), 79 patients (5,1 %) sont décédés ; près de la moi- tié de ces décès était due à un suicide, une intoxication ou un traumatisme. Dans cette étude, le surdosage au paracétamol semble avoir un pronostic à court terme assez bénin, mais est associé à une mortalité à long terme assez substantielle en rapport avec des causes souvent évitables. La toxicité du paracétamol sem- ble être plus fréquente chez les patients alcooliques, chez ceux ayant une maladie hépatique associée et en cas de surdosage accidentel. Marc Bardou © jim.fr 1. Myers RP et coll. Impact of liver disease, alcohol abuse, and uninten- tional ingestions on the outcomes of acetaminophen overdose. Clin Gas- troenterol Hepatol 2008; 6: 918-25. MNU Les médicaments non utilisés ne seront plus... utilisés Prévention Intoxication au paracétamol © BSIP/Chassenet © BSIP/Ablestock

Les médicaments non utilisés ne seront plus… utilisés

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6actualités

Actualités pharmaceutiques n° 477 Septembre 2008

Les médicaments non

utilisés, que certains

patients remettent

à leurs officines,

sont parfois

acheminés

dans des pays

en développement.

Mais ces dons

se révèlent parfois

plus embarrassants

que salutaires.

Les médicaments non utilisés (MNU) sont sou-vent inutilisables dans

les pays qui les reçoivent. Ils ne correspondent en effet pas aux

pathologies les plus fréquentes, peuvent être périmés ou altérés ou encore ne sont pas accom-pagnés de notice explicative rédigée dans la langue du pays receveur. Ces cadeaux “empoi-sonnés”, non contents de ne pouvoir soulager des popula-tions affaiblies, représentent un risque important : les MNU ali-mentent les trafics locaux quand ils ne se révèlent pas difficiles à détruire en toute sécurité.

La fin d’un systèmeAprès les appels de plusieurs instances internationales à renoncer aux MNU dans un cadre humanitaire dont l’Orga-nisation mondiale de la santé (OMS), la France s’est résolue à mettre fin à ce système, d’autant

plus que les failles du réseau Cyclamed ne concernaient pas que le volet humanitaire. À partir du 31 décembre 2008, elle n’en-verra plus de MNU dans les pays en voie de développement.

Promesses sans engagementsSi la fin de l’envoi des MNU dans les pays pauvres ou touchés par une catastrophe humanitaire a été saluée par de nombreuses organisations, il n’en reste pas moins que certaines organisa-tions non gouvernementales (ONG) redoutent d’être privées, à terme, d’une source importante de médicaments. Les craintes sont attisées par le fait que le gouvernement ne semble guère enclin à mettre en place une

solution de rechange. Il a dans un premier temps tenté de s’en remettre à la bonne volonté de l’industrie pharmaceutique, qui a cependant fait savoir qu’elle contribuait déjà à l’achemine-ment de médicaments dans les pays pauvres par l’entremise de son dispositif Tulipe. Pressé d’agir par plusieurs associa-tions, le ministère réaffirme sa volonté « d’accompagner les associations », mais sans donner d’assurance quant à une action précise et concrète. �

Aurélie Haroche

© jim.fr

Le surdosage

en paracétamol est la

cause la plus fréquente

d’insuffisance

hépatocellulaire aiguë

aux États-Unis et dans

la plupart des autres

pays occidentaux.

Les surdosages

accidentels, l’abus

d’alcool et des

maladies hépatiques

sous-jacentes peuvent

majorer le risque

d’hépatotoxicité.

Une étude1 a évalué le devenir des intoxications au paracétamol, en por-

tant une attention particulière sur le rôle des facteurs de risques, à

partir d’une base de données en population. Les patients hospitali-sés pour surdosage au paracéta-mol ont été identifiés de manière rétrospective, sur la période 1995-2004, en utilisant les codes diagnostiques ICD10 pour isoler les comorbidités, les tentatives de suicide et l’hépatotoxicité.

Abus d’alcool, maladie hépatique et tête en l’airDurant cette période de 10 ans, 1 543 patients ont été hospita-lisés pour une intoxication au paracétamol, parmi lesquels 34 % étaient alcooliques, 3 % avaient une maladie de foie et 13 % avaient fait un surdosage accidentel. Dix-sept patients (4,5 %) ont présenté une hépato-toxicité du paracétamol.Le surdosage accidentel (odds ratio [OR]=5,18 ; intervalle

de confiance à 95 % [IC95] de 3,00 à 8,95), l’abus d’al-cool (OR=2,21 ; IC95 de 1,30 à 3,76), une maladie hépati-que sous-jacente (OR=3,50 ; IC95 de 1,57 à 7,77), et le traitement par N-acetylcys-téine (OR=6,75 ; IC95 de 2,78 à 16,39) étaient des facteurs associés de façon indépen-dante à l’hépatotoxicité.

Un mauvais pronostic sur le long termeQuinze patients (1 %) sont décédés pendant l’hospitalisa-tion avec comme facteurs de risque, l’âge plus élevé, le sur-dosage accidentel, l’abus d’al-cool, les comorbidités incluant les maladies hépatiques et la survenue d’une hépatotoxicité (14 vs 0,3 % ; p< 0,0005).Lors d’un suivi moyen de 5,2 années (intervalle 1 jour à

11 ans), 79 patients (5,1 %) sont décédés ; près de la moi-tié de ces décès était due à un suicide, une intoxication ou un traumatisme.Dans cette étude, le surdosage au paracétamol semble avoir un pronostic à court terme assez bénin, mais est associé à une mortalité à long terme assez substantielle en rapport avec des causes souvent évitables.La toxicité du paracétamol sem-ble être plus fréquente chez les patients alcooliques, chez ceux ayant une maladie hépatique associée et en cas de surdosage accidentel. �

Marc Bardou

© jim.fr

1. Myers RP et coll. Impact of liver disease, alcohol abuse, and uninten-tional ingestions on the outcomes of acetaminophen overdose. Clin Gas-troenterol Hepatol 2008; 6: 918-25.

MNU

Les médicaments non utilisés ne seront plus... utilisés

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Intoxication au paracétamol

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