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135 chapitre 1 chapitre 1 Chapitre 6 Les mesures de performance ajustée au risque Les mesures de performance traditionnelles développées au chapitre 5 offrent l’avantage d’être simples d’utilisation et d’interprétation. Pour cette raison, leur usage professionnel s’est très vite répandu. En dehors des limites déjà mises en évidence, elles ne sont pas adap- tées aux besoins des investisseurs et des gestionnaires, notamment lorsqu’ils pratiquent des gestions actives faisant appel, entre autres, à la définition d’un portefeuille de référence spécifique ou à des mesures de risque différentes de la variance des rendements. Dans ce chapitre, nous suivons la logique de la typologie présentée au chapitre 4. Nous nous situons dans le même cadre d’analyse que les mesures de Sharpe, Jensen et Treynor. Autrement dit, l’objectif poursuivi est de mesurer l’habileté du gestionnaire dans le cadre de la sélection d’actifs, et ce, à l’aide de mesures standardisées. Nous distinguerons les mesures en fonction du type de risque auxquelles elles font princi- palement référence : le risque total, systématique ou spécifique. Le découpage du chapitre sera organisé en fonction de ces trois catégories de risque, dont chacune fera l’objet d’une section distincte. Dans un premier temps, nous étudierons les mesures fondées sur le risque total, dont le ratio de Sharpe est la racine principale. La deuxième section sera consacrée à l’estimation de la performance ajustée au risque systématique, à l’instar du ratio de Treynor et de l’alpha de Jensen. Dans la troisième section, nous développerons les mesures axées sur le risque spécifique du portefeuille, dont le ratio d’information est le représentant le plus connu. Enfin, la dernière section fournira les clés permettant de déterminer le contexte dans © 2010 Pearson Education France – Performance de portefeuille, 2e éd. Laurent Bodson, Pascal Grandin, Georges Hübner, Marie Lambert

Les mesures de performance ajustée au risque - … · Performance de portefeuille 136 lequel l’utilisation de l’une ou l’autre mesure de risque s’avère adéquate1. Au sein

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chapitre 1chapitre 1Chapitre 6

Les mesures de performance ajustée au risque

Les mesures de performance traditionnelles développées au chapitre 5 offrent l’avantage

d’être simples d’utilisation et d’interprétation. Pour cette raison, leur usage professionnel

s’est très vite répandu. En dehors des limites déjà mises en évidence, elles ne sont pas adap-

tées aux besoins des investisseurs et des gestionnaires, notamment lorsqu’ils pratiquent

des gestions actives faisant appel, entre autres, à la défi nition d’un portefeuille de référence

spécifi que ou à des mesures de risque différentes de la variance des rendements.

Dans ce chapitre, nous suivons la logique de la typologie présentée au chapitre 4. Nous

nous situons dans le même cadre d’analyse que les mesures de Sharpe, Jensen et Treynor.

Autrement dit, l’objectif poursuivi est de mesurer l’habileté du gestionnaire dans le cadre de

la sélection d’actifs, et ce, à l’aide de mesures standardisées.

Nous distinguerons les mesures en fonction du type de risque auxquelles elles font princi-

palement référence : le risque total, systématique ou spécifi que. Le découpage du chapitre

sera organisé en fonction de ces trois catégories de risque, dont chacune fera l’objet d’une

section distincte. Dans un premier temps, nous étudierons les mesures fondées sur le risque

total, dont le ratio de Sharpe est la racine principale. La deuxième section sera consacrée à

l’estimation de la performance ajustée au risque systématique, à l’instar du ratio de Treynor

et de l’alpha de Jensen. Dans la troisième section, nous développerons les mesures axées sur

le risque spécifi que du portefeuille, dont le ratio d’information est le représentant le plus

connu. Enfi n, la dernière section fournira les clés permettant de déterminer le contexte dans

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lequel l’utilisation de l’une ou l’autre mesure de risque s’avère adéquate1.

Au sein de chacune des trois premières sections, nous organiserons l’analyse des mesures

suivant qu’elles présentent un rapport entre le rendement et le risque, de la forme générique

Performance =Rendement excédentaire

Risque, ou bien qu’elles délivrent une différence entre une

mesure de rendement et une pénalité pour le risque, qui emprunte plutôt la forme suivante :

Performance = Rendement excédentaire − Pénalité pour le risque .

1. Les mesures fondées sur le risque total

Parmi les trois mesures traditionnelles développées dans la foulée du CAPM et présen-tées au chapitre précédent, le ratio de Sharpe est la seule qui fait référence à la droite de marché des capitaux, la CML , et utilise donc une mesure de risque total au dénomina-teur. Pour rappel, le ratio de Sharpe s’écrit :

S =Rp − Rf

σ p

.

Ce ratio s’applique donc en principe à un portefeuille censé être parfaitement diversifié, au point de prétendre à remplacer le portefeuille de marché pour l’investisseur actif.

1.1. La performance basée sur un rapport entre le rendement et une mesure du risque total

Si l’on examine attentivement les composantes du ratio de Sharpe, il présente deux caractéristiques majeures :

• Le numérateur. Le ratio de Sharpe suppose que la mesure adéquate de revenu pour l’investisseur est l’excédent du portefeuille par rapport à l’actif sans risque.

• Le dénominateur. Comme nous sommes dans le contexte spécifique du CAPM, la mesure du risque employée par tous les agents économiques est l’écart type (ou, de manière équivalente, la variance) des rendements des portefeuilles.

Si nous ne tenons pas compte de ces deux hypothèses, nous pouvons néanmoins encore estimer la performance d’un portefeuille.

1. Ce chapitre n’a pas la prétention de dresser un catalogue exhaustif des mesures de performance proposées dans la littérature et évoquées dans le cadre du chapitre 4. Pour un inventaire (en principe) à jour au moment de la parution de cet ouvrage, le lecteur pourra se reporter aux articles de Cogneau et Hübner (2009a, 2009b) qui affi -chent cet objectif. Nous examinons donc ici les mesures les plus populaires et/ou les plus aisées à mettre en úuvre. Certaines mesures plus complexes, très peu usitées en pratique et/ou dont la valeur ajoutée n’est pas remarquable, ne seront pas traitées dans cet ouvrage.

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1.1.1. Le numérateur : le rendement excédentaire n’est pas la mesure de richesseL’investisseur peut légitimement considérer que le rendement excédentaire d’un porte-feuille activement géré n’est pas convenablement exprimé par la différence entre le ren-dement total du fonds et le taux d’intérêt sans risque, comme défini dans le ratio de Sharpe. En effet, le taux sans risque R

f représente le taux de rendement « de réserve » de

l’investisseur, c’est-à-dire le rendement au-delà duquel il considère que le portefeuille aura obtenu une prime justifiée par le risque encouru. Rien n’empêche de définir une autre valeur de référence : dans ce cas, on généralise le ratio de Sharpe par la mesure de Roy . Cette mesure considère un rendement de réserve de l’investisseur R

L, sur lequel

celui-ci va déterminer le niveau de rendement excédentaire de portefeuille :

Roy =Rp − RL

σ p

.

Dans le cas extrême où l’investisseur a une valeur de réserve nulle (RL = 0), le rendement

excédentaire du portefeuille sera simplement son rendement brut. Plus vraisemblable-ment, l’investisseur présentant de l’aversion au risque spécifiera une valeur de réserve au moins égale au taux sans risque, ce qui signifie que R

L – R

f .

Cette mesure peut aboutir à modifier des classements opérés suivant le ratio de Sharpe. Ainsi, prenons l’exemple suivant. Le portefeuille A a un écart type de 10 % et un rende-ment espéré de 9 %, tandis que le portefeuille B a un écart type de 20 % et un rendement espéré de 11 %. Si le taux sans risque R

f est de 5 %, le ratio de Sharpe de A sera de

(9 % – 5 %)/10 % = 0,4, tandis que celui de B sera de (11 % – 5 %)/20 % = 0,3. Si nous spécifions à présent un rendement de réserve supérieur au taux sans risque, à savoir R

L = 8 %, nous aurons une mesure de Roy pour A égale à (9 % – 8 %)/10 % = 0,1, tandis

que B verra sa performance égale à (11 % – 8 %)/20 % = 0,15. La figure 6.1 illustre ce phénomène. En pointillés, les demi-droites correspondent au ratio de Sharpe, et en continu, elles correspondent à la mesure de Roy.

Figure 6.1

Comparaison graphique des mesures de Sharpe et de Roy.

RL = 8 %

Rf = 5 %

B : (11 %, 20 %)

A : (9 %, 10 %)

σp

Rp

En général, plus la valeur de réserve sera élevée, plus les portefeuilles assurant un rende-ment important seront avantagés. C’est le cas du portefeuille B dans notre exemple.

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1.1.2. Le dénominateur : la variance n’est pas la mesure de risqueQue se passe-t-il si le postulat selon lequel la variance est la mesure de risque accepté par tous les investisseurs n’est pas respecté ? Dans ce cas, il suffirait « simplement » de remplacer le dénominateur du ratio de Sharpe par la valeur prise par le risque total du portefeuille.

Le choix de la variance s’explique si les rendements proviennent d’une distribution nor-male. Dans ce cas, la variance ne détermine le risque que dans la mesure où elle aug-mente de façon monotone avec le risque de perte sur un investissement. Puisque toute variation positive par rapport à la moyenne est exactement compensée par une variation négative avec la même probabilité, une mesure de variabilité rend adéquatement compte du risque de perte. Par contre, si la distribution des rendements n’est pas uniquement caractérisée par son espérance et sa variance – ce qui est le cas en pratique – il devient ardu de justifier le choix de cette mesure de risque. Si deux distributions avec la même variance ne présentent pas les mêmes profils de perte, alors elles doivent nécessairement présenter un risque différent.

Les modifications du dénominateur du ratio de Sharpe visent donc à identifier spécifi-quement une mesure de risque de perte. Deux directions ont été prises dans ce contexte : les moments partiels inférieurs et la valeur-au-risque.

• Moments partiels inférieurs . Pour une distribution de rendements donnée, le moment partiel inférieur (MPI) d’ordre k autour de la valeur de réserve R

L est sim-

plement égal à l’espérance de la différence positive entre la valeur critique et le ren-dement à la puissance k. Cela s’écrit :

MPI(k,RL )= (RL − R)k dF(R)

−∞

RL

∫= E max(RL − R,0)( )k

.

La semi-variance par rapport au taux sans risque est un cas particulier intéressant du MPI pour k = 2 et R

L = R

f, puisque l’on cherche alors la variance des rendements

excédentaires du portefeuille par rapport au taux sans risque à condition que ce ren-dement excédentaire soit négatif, c’est-à-dire qu’il représente la matérialisation du risque pour l’investisseur. Dans ce cas, on a :

SV (Rf ) ≡MPI(2,Rf )= E max(Rf − R,0)( )2

.

En remplaçant le risque par son expression du MPI, on obtient un ratio de Sharpe modifié pour ne tenir compte que du risque de perte.

• Valeur-au-risque. Dans ce cas, la perspective empruntée est celle de l’investisseur qui se soucie uniquement du risque de catastrophe, à savoir l’événement grave qui se produit rarement. S’il fixe une probabilité α de survenance de cet événement, la

valeur-au-risque correspondante sur un horizon donné, notée VaRα , se définit par la

perte maximale par rapport à la valeur de réserve telle qu’il y a une probabilité α que la perte observée soit plus élevée2 :

2. Généralement, la VaR est exprimée en unité monétaire, et non en pourcentage de rendement, comme c’est le cas ici. En outre, la défi nition usuelle de la VaR se réfère à la perte absolue (c’est-à-dire par rapport à un rendement

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Pr RL − R ≤VaRα⎡⎣ ⎤⎦ =1− α .

Par exemple, dans le cas d’une distribution normale des rendements, la VaR à 5 %, qui correspond à la perte maximale observée dans 5 % des cas, est égale à :

VaR5% = RL − E(R)+1,645σ(R) , la valeur de 1,645 correspondant au 95e percentile de

la distribution normale standard (noté Z95% ).

Le cas de la distribution normale présente un intérêt limité étant donné que la VaR est une fonction monotone croissante de la variance des rendements. Par contre, cette approche peut s’avérer intéressante lorsque les rendements ne suivent pas une distribution normale, par exemple une distribution asymétrique ou avec des queues épaisses.

Traditionnellement, le degré d’asymétrie de la distribution est mesuré par le troi-sième moment centré de celle-ci, tandis que l’épaisseur des queues de la distribution des rendements – c’est-à-dire le poids relatif des valeurs extrêmes – est mesurée par le quatrième moment centré :

μ3 = E R − E(R)( )3

μ 4 = E R − E(R)( )4.

On standardise généralement ces valeurs pour définir le coefficient d’asymétrie

(skewness), qui est égal à S(R)= μ3

σ3(R), et le coefficient d’aplatissement (kurtosis)

égal à K (R)= μ 4

σ4(R)− 3 . Il est ainsi possible de les comparer à ceux d’une loi nor-

male, tous deux égaux à 0.

Si l’on veut réaliser une approximation de la VaR à l’aide des quatre premiers moments de la distribution des rendements, on peut alors utiliser l’approximation de Cornish-Fisher , qui définit la valeur-au-risque modifiée (MVaR) par la formule suivante :

MVaRα = RL − E(R)+ z1−ασ(R)

z1−α = Z1−α −1

6Z1−α

2 −1( )S(R)+1

24Z1−α

3 − 3Z1−α( )K (R)−1

362Z1−α

3 − 5Z1−α( ) S(R)( )2.

Il faut noter que la VaR présente plusieurs défauts majeurs en tant que mesure du risque, car elle n’est pas « cohérente »3. Pour corriger ce défaut, on recourt alors à la valeur-au-risque conditionnelle (CVaR) , également connue sous le nom de « pénurie attendue » (par rapport à la VaR), qui se définit par la perte espérée conditionnelle-ment à ce qu’elle soit supérieure à la VaR :

CVaRα = E RL − R RL − R > VaRα( ) .

de 0), et non par rapport à une valeur de réserve, comme c’est le cas ici. Enfi n, par convention, la VaR représente une perte, et donc est un nombre positif.3. Par exemple, la VaR n’est pas subadditive, c’est-à-dire que la VaR d’un portefeuille n’est pas nécessairement inférieure ou égale à la moyenne pondérée des VaR de ses composantes, alors qu’elle devrait l’être grâce à l’impact de la diversifi cation.

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En d’autres termes, il est question ici d’évaluer l’ampleur de la perte anticipée en cas de catastrophe, et non d’estimer le seuil au-delà duquel on parle de catastrophe, ce que représente la VaR.

Dans tous les cas, le ratio de Sharpe modifié reprend la mesure de risque correspon-dant (VaR, MVaR ou CVaR) au dénominateur de la formule originale.

1.1.3. Les deux arguments simultanément : le numérateur et le dénominateurComme nous venons de le voir, la modification du numérateur et du dénominateur du ratio de Sharpe introduit une valeur de réserve du rendement, R

L. Certains auteurs ont

donc proposé des mesures qui utilisent de manière cohérente cette valeur de réserve, de part et d’autre de la barre de fraction. Le plus connu est le ratio de Sortino , proposé en 1991 par Sortino et van der Meer, qui associe le numérateur de la mesure de Roy et la racine carrée de la semi-variance (le « semi-écart type ») au dénominateur :

Sortino =Rp − RL

SV (RL ).

Dans l’exemple développé précédemment, nous pourrions considérer que le fonds A présente un semi-écart type de 8 % tandis que le fonds B a un semi-écart type de 30 %. Avec le même rendement de réserve de 8 %, le ratio de Sortino de A est de (9 % – 8 %)/8 % = 0,125, tandis que celui de B est de (11 % – 8 %)/30 % = 0,1. L’asymétrie vers la gauche des rendements de B pénalise sa mesure de risque, ce qui réduit sa performance.

Kaplan et Knowles (2004) ont proposé une version générique de la performance fondée sur le numérateur de la mesure de Roy et de l’utilisation des moments partiels inférieurs (MPI) au dénominateur, sous la forme du coefficient kappa d’ordre k :

κ k =Rp − RL

MPI(k,RL )k.

Ainsi, le ratio de Sortino est égal à κ 2 . Reste la mesure permettant de tenir compte de

l’asymétrie de la distribution par le truchement du kappa d’ordre 3 :

κ k =Rp − RL

1

Tmax Rpt − Rf ,0( )3

t=1

T

∑3

.

Il est évident que ce ratio a un caractère supplétif par rapport au ratio de Sortino ou à d’autres mesures que nous verrons au chapitre suivant, tel que l’oméga.

1.2. La performance fondée sur une différence entre le rende-ment et une pénalité pour le risque total

Comme nous l’avons vu au chapitre précédent, l’alpha de Jensen, en dépit de ses défauts, présente un avantage majeur sur les ratios de Sharpe et de Treynor : il s’exprime sous forme de rendement (en pourcents), et peut donc être facilement interprété et expliqué

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sans connaissances particulières en finance. Il est alors naturel de constater qu’un cer-tain nombre d’efforts ont été déployés afin de présenter la performance dans une forme similaire. Cela signifie que la pénalité pour le risque du portefeuille n’est plus exprimée sous forme multiplicative, mais bien sous forme soustractive. La surperformance d’un gestionnaire se représente dès lors par le niveau de la différence entre la mesure de richesse produite (le rendement) et la déduction de cette richesse pour compenser le risque pris.

1.2.1. L’indice M² Le ratio de Sharpe, très utilisé par les sociétés de mesure de performance, nécessite un effort de compréhension de la part des investisseurs, qui ne maîtrisent pas les concepts de la théorie financière. Modigliani et Modigliani (1997) ont proposé une nouvelle mesure appelée M2, qui permet de savoir si le rendement d’un portefeuille est suffisam-ment élevé compte tenu de son risque. L’idée consiste à utiliser la possibilité de prêter et d’emprunter au taux sans risque pour ajuster le risque du portefeuille à celui du marché, mesuré par un indice par exemple, et à calculer ensuite le rendement de ce portefeuille pour le confronter à celui du marché. L’avantage de cette méthode est qu’elle permet de comparer directement des niveaux de rendement et qu’elle est compréhensible par n’im-porte quel investisseur.

Formellement, si σP est l’écart type des rendements du portefeuille P, en empruntant ou

prêtant un montant d au taux sans risque, il est possible de construire un nouveau por-tefeuille de risque identique à celui du marché σ

m :

σ(P)= 1+ d( )σ p = σm ,

où σ(P) est le risque du nouveau portefeuille.

Le montant d à prêter ou à emprunter est donc égal à :

d =σm

σ p

−1 .

Si l’on tient compte des intérêts à payer ou à recevoir sur la somme empruntée ou prêtée, la rentabilité du nouveau portefeuille est :

R(P)= 1+ d( )Rp − dRf ,

où Rp est la rentabilité du portefeuille initial.

Si l’on remplace d par sa valeur, on obtient :

R(P)=σm

σ p

⎝⎜

⎠⎟ Rp − 1−

σm

σ p

⎝⎜

⎠⎟

⎣⎢⎢

⎦⎥⎥

Rf =σm

σ p

⎝⎜

⎠⎟ Rp − Rf( )+ Rf .

Soit E(P) le rendement du portefeuille de risque identique au portefeuille de marché en excès du taux sans risque (R(P) – R

f), et r

p le rendement du portefeuille initial P en excès

du taux sans risque (Rp – R

f). Le rendement du portefeuille peut s’exprimer en termes de

rendement excédentaire :

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R(P)=σm

σ p

⎝⎜

⎠⎟ rp + Rf = E(P)+ Rf ,

avec

E(P)=σm

σ p

⎝⎜

⎠⎟ rp .

Il revient au même de comparer la rentabilité des portefeuilles directement sur la base de E(P) ou de E(P) + R

f, puisque ces deux mesures ne différent que par la constante que

représente le taux sans risque.

Si l’on change la place des parenthèses de la dernière équation, le ratio de Sharpe appa-raît explicitement :

E(P)=rp

σ p

⎝⎜

⎠⎟ σm .

Classer des fonds sur la base de l’indice M2 ou du ratio de Sharpe est donc indifférent.

Nous pouvons illustrer l’indice M2 en prenant deux portefeuilles de risques et de rende-ments différents représentés à la figure 6.2. Le rendement du portefeuille 2 est plus élevé que celui du portefeuille 1 avec, en contrepartie, un risque aussi plus élevé. La pente de la droite, correspondant au ratio de Sharpe et passant par le taux sans risque et le porte-feuille 1, est plus élevée que celle passant par le portefeuille 2. Le portefeuille 1 est donc mieux classé selon ce critère que le portefeuille 2, qui ne dégage pas suffisamment de rendement pour compenser son risque. L’approche de Modigliani et Modigliani consiste à construire deux portefeuilles P’1 et P’2 de risque identique au risque du portefeuille de marché, en recourant à l’emprunt ou au prêt de façon à lire l’écart de rendement par rapport à ce portefeuille et à faire apparaître beaucoup plus clairement l’excès ou le défi-cit de rendement de P’1 et P’2.

Figure 6.2

La mesure de Modigliani et Modigliani.

R

R2 P2

R1

Rf

Rm

P’1

P’2

PM

CML

σpσ2σmσ1

P1

1.2.2. Les mesures de Graham et Harvey Dans la foulée de la mesure M², Graham et Harvey (1996) proposent deux extensions qui vont dans le sens d’une meilleure prise en compte du risque inhérent au marché monétaire. Ils relaxent l’hypothèse d’un taux sans risque totalement fixe et détermi-

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niste, et prennent explicitement en compte la corrélation entre ce taux et le portefeuille de marché. Par conséquent, si l’on demeure dans le contexte du CAPM, la Capital Market Line n’est plus linéaire mais concave.

Graham et Harvey proposent deux mesures, dénommées depuis lors les mesures GH1

et GH2. La première délivre le rendement du portefeuille en excédent d’une combinai-

son entre le portefeuille de marché et l’actif monétaire qui octroie le même niveau de risque que ce portefeuille. La seconde fournit la différence entre, d’une part, le rende-ment d’une combinaison du portefeuille activement géré et l’actif monétaire et, d’autre part, le rendement du portefeuille de marché, sachant que ces deux positions présentent exactement le même risque. Mathématiquement, les expressions correspondantes s’écri-vent comme suit :

GH1 = Rp − R wm+(1−w)Mon{ }

où σ p = w 2σm2 +(1− w)2 σMon

2 + 2w(1− w)ρm,MonσmσMon ,

GH 2 = R wp+(1−w)Mon{ } − Rm

où σm = w 2σ p2 +(1− w)2 σMon

2 + 2w(1− w)ρp,Monσ pσMon ,

où l’indice Mon indique qu’il s’agit de l’actif monétaire.

En réalité, la mesure GH2 ne fait qu’apporter la possibilité d’un actif monétaire stochas-

tique par rapport à la mesure M² ; elle ne présente donc qu’une value ajoutée limitée. Par contre, la mesure GH

1 livre un éclairage différent. En normalisant le risque du porte-

feuille passif, cette mesure ramène la comparaison au niveau du risque du portefeuille activement géré. L’interprétation de la différence entre

Rp et

R wm+(1−w)Mon{ } se rapproche

donc de celle de l’alpha de Jensen, si ce n’est que l’on se situe dans un monde de risque total (mesuré par l’écart type des rendements) et non de risque systématique, comme le fait l’alpha. La figure 6.3 illustre l’interprétation graphique de la mesure GH

1.

Figure 6.3

La mesure GH1.

Mon.

Portefeuille A

Portefeuille A

m

GH1A < 0

GH1B > 0

R

1.2.3. L’indice d’Aftalion et Poncet La mesure de performance d’Aftalion et Poncet (1991), que nous appellerons indice AP, s’appuie aussi sur la définition d’un benchmark de référence. L’idée est de mesurer l’écart de rendement dégagé par un gestionnaire par rapport à un benchmark, mais en tenant compte de la différence de risque pris. Le benchmark de référence doit être le plus

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représentatif possible de l’univers de gestion du portefeuille pour que l’indice ait un sens. Formellement, l’indice s’écrit :

AP = Rp − Rb

⎡⎣

⎤⎦ − PR σ p − σb

⎡⎣

⎤⎦ .

Le premier terme entre crochets mesure l’écart entre le rendement du portefeuille et celui du benchmark. Le second terme mesure l’écart entre le risque total du portefeuille et celui du benchmark. Pour rendre les deux grandeurs comparables, et pouvoir sous-traire le second terme du premier, on le multiplie par le prix du risque PR, qui est un rapport de rentabilité et de risque et qui doit être estimé.

L’interprétation de l’indice AP est relativement intuitive. Plus le rendement du porte-feuille est élevé par rapport au benchmark, plus l’indice est élevé. Cependant, le gestion-naire est pénalisé lorsque le risque du portefeuille s’écarte de celui du benchmark. La seule difficulté est l’estimation du prix du risque. Il exprime le supplément de rende-ment exigé par un investisseur pour prendre 1 % de risque supplémentaire. Selon les auteurs, il serait compris entre 0,20 et 0,40 pour la France. Autrement dit, pour un risque supplémentaire de 5 %, les investisseurs exigent entre 1 % et 2 % de rendement annuel en plus.

La valeur du coefficient de détermination du modèle apporte de l’information sur la régularité de la performance. Lorsqu’elle s’approche de 1, la gestion a répondu aux objec-tifs fixés ; en revanche, lorsqu’elle s’approche de 0 et que l’indice est positif, cela signifie que le gestionnaire a eu de la chance sur la période.

2. Les mesures fondées sur le risque systématique

Les mesures classiques de performance issues de la théorie moderne de portefeuille reposent sur des hypothèses contraignantes, qui ne sont pas respectées dans la réalité. En particulier, la plupart des gestionnaires de portefeuille utilisent un portefeuille-éta-lon (« benchmark ») afin de mesurer leur performance relative, et ainsi de se positionner par rapport à leurs pairs. Dans ce cadre, le portefeuille de marché, inobservable dans la réalité, est alors remplacé par ce benchmark .

Il existe deux moyens de définir ce benchmark : une méthode analytique et une méthode par comparaison. Dans la première optique, le rendement du benchmark est assimilé au rendement requis sur un portefeuille fictif qui réplique l’exposition aux sources de risque systématique du portefeuille. On utilise donc un modèle multifacteur tel que décrit au chapitre 1. La méthode par comparaison consiste à reprendre ou créer un por-tefeuille en pondérant des actifs existants. Il peut s’agir d’un ou de plusieurs indices boursiers, d’un portefeuille de référence spécifique ou encore de la moyenne des rende-ments des OPCVM de la même famille de gestion.

En général, les mesures fondées sur une mesure de risque systématique reposent sur la méthode analytique. Dans la sous-section suivante, nous verrons que la mesure la plus populaire qui s’appuie sur le risque spécifique, le ratio d’information, est très souvent définie sur base de la méthode par comparaison.

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2.1. La performance fondée sur un rapport entre le rendement et une mesure du risque systématique

Le point de départ des mesures fondées sur le risque systématique est le ratio de Treynor , qui est le pendant de celui de Sharpe : il fait référence à la SML plutôt qu’à la CML. Pour rappel, il se définit par :

T =Rp − Rf

β p

,

où βp est le bêta du portefeuille, qui mesure son exposition au risque systématique par

rapport à celui du marché. Dans la même optique, nous avons vu que le ratio de Black-Treynor d’un portefeuille est égal à son alpha divisé par son bêta :

T̂ =Rp − Rf − β p(Rm − Rf )

β p

=α p

β p

.

L’adaptation du ratio de Treynor au contexte de modèles multifacteurs, tels que ceux décrits au chapitre 1, présente des difficultés liées au caractère multidimensionnel de l’exposition au risque. Considérons la spécification générique suivante :

Rpt − Rf = α p + β pkλktk=1

K

∑ + ε pt .

Comment définit-on le risque systématique dans de telles conditions ? Pour ce faire, il faut connaître le portefeuille de référence pour le fonds activement géré. Supposons qu’il soit dénommé b. Dans ce cas, le même modèle multifacteur appliqué à cet étalon donne :

Rbt − Rf = βbkλktk=1

K

∑ + εbt .

Nous avons posé que αb = 0 puisque nous considérons que le portefeuille de référence

est passif et ne doit donc pas offrir de rendement anormal.

Dans ce cas, la généralisation du ratio de Black-Treynor est fournie par la formule sui-vante (Hübner, 2005) :

T̂g =α p

βpkλkk=1

K

∑βbkλk

k=1

K

.

Il s’agit de l’alpha du portefeuille divisé par une somme pondérée de ses bêtas. Ce ratio présente bien la même interprétation originale que le ratio de Black-Treynor dans le contexte du CAPM, à savoir la performance anormale (alpha) par unité de risque systé-matique encouru (le bêta dans le CAPM).

Notons que si l’on utilise la méthode par comparaison pour définir le benchmark du portefeuille, dont l’alpha pourrait être positif étant donné qu’il ne s’agit pas nécessaire-

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ment d’un portefeuille passif, le ratio de Treynor généralisé se simplifiera à travers l’ex-pression suivante :

T̂g =α p(Rb − αb )

(Rp − α p)− αb ,

où b est l’alpha du benchmark (en principe égal à 0).

Il existe par ailleurs une mesure associée au ratio de Treynor basée sur les moments partiels inférieurs, mais cette mesure, proposée en 1994, n’a jamais trouvé d’écho ni au niveau scientifique, ni au niveau pratique.

On peut considérer que les possibilités d’extension des mesures de performance reliant le rendement au risque systématique sont assez limitées. Ce domaine n’a pas fait l’objet de recherches spécifiques au-delà des mesures présentées ci-dessus.

2.2. La performance fondée sur une différence entre le rende-ment et une pénalité pour le risque systématique

La mesure de référence dans un contexte où le risque systématique est utilisé pour défi-nir la pénalité à imposer au rendement est l’alpha de Jensen , défini comme

α p = Rp − Rf − β p(Rm − Rf ) . A priori, sa généralisation est immédiate dans un contexte

multifactoriel : il suffit de prendre l’ordonnée à l’origine de la régression linéaire pour obtenir la mesure de performance. La plupart des études empiriques réalisées à partir de modèles à plusieurs facteurs de risque utilisent d’ailleurs cette mesure.

Il existe cependant deux avatars de l’alpha de Jensen dans un contexte multifactoriel, qui présentent un intérêt particulier : l’alpha conditionnel et l’alpha standardisé.

2.2.1. L’alpha conditionnel Parmi la myriade de modèles visant à expliquer les rendements de titres financiers à l’aide de combinaisons linéaires de facteurs de risque, les modèles conditionnels occu-pent une place à part. En effet, ils postulent qu’une partie des primes de risque observées à l’instant t peuvent être prédites grâce à des variables, appelées « instruments » , obser-vées en t –1. D’après les tenants de cette approche, il ne s’agit pas à proprement parler d’une rupture de l’hypothèse d’efficience des marchés car le processus générateur de rendements aboutit à multiplier les valeurs des instruments observées en t –1 par les facteurs observés en t.

Comme nous l’avons vu au chapitre 1, les modèles conditionnels avec J instruments se présentent sous la forme suivante :

Rpt − Rf = α p + α pjtj=1

J

∑ + β pk + β pjktj=1

J

∑⎛

⎝⎜⎜

⎠⎟⎟

λktk=1

K

∑ + ε pt ,

où les α pjt = α pj z jt−1 et les

β pjkt = β pjkz jt−1 sont interprétés, respectivement, comme les

alphas et bêtas conditionnels de la régression, tandis que les z jt−1 sont les valeurs prises

par les variables instrumentales aux périodes précédentes.

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Dans ce contexte, un gestionnaire capable d’anticiper efficacement le marché (market timer) peut observer les valeurs des instruments en t –1 et prédire ainsi les éventuelles réalisations des variables croisées à l’instant t. Les valeurs de α pj déterminent l’habileté

du manager à prévoir les mouvements des primes de risque postérieurement à l’observa-tion des instruments.

2.2.2. L’alpha standardiséPour tenir compte du degré de confiance que l’on a dans l’estimation du modèle, il est devenu courant de considérer directement l’alpha standardisé (aussi appelé t

, p) comme

mesure de performance :

tα,p =α p

σ α p( ) .

Considérons un modèle à deux facteurs, par exemple. Les fonds X et Y présentent cha-cun un alpha de 1 %. Cependant, l’estimation des paramètres des deux modèles a été opérée dans des conditions différentes : pour le premier fonds, le modèle est de bonne qualité et les paramètres ont été estimés avec précision ; pour le second fonds par contre, il existe une forte imprécision dans la valeur des coefficients de la régression.

Dans notre exemple, le fonds X a un alpha standardisé de 1 %/0,25 % = 4, ce qui est généralement considéré comme significativement différent de 0. Par contre, l’alpha standardisé du fonds Y est de 1 %/0,8 % = 1,25, ce qui est généralement considéré comme non significatif4.

3. Les mesures fondées sur le risque spécifique

Généralement, les mesures fondées sur une mesure de risque spécifique utilisée par les praticiens reposent sur une approche par comparaison. Le benchmark est dans ce cas un portefeuille existant ou qui peut être constitué sur base d’actifs existants.

3.1. La performance fondée sur un rapport entre le rendement et une mesure du risque spécifique

3.1.1. Le ratio d’information (ou « appraisal ratio »)Le ratio d’information est le rapport du rendement d’un portefeuille en excès du bench-mark sur l’écart type de ces écarts. La formule est la suivante :

RI p = ER p σ(ERp) ,

4. Les valeurs critiques utilisées pour ce genre de test sont généralement proches de 1,65, 1,96 et 2,32 pour des niveaux de confi ance de 10 %, 5 % et 1 %, respectivement.

Lr

3.

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ER p =1

TRpt − Rbt( )

t=1

T

∑ ,

et

σ(ERp)=1

T −1ERpt − ER p( )2

t=1

T

∑ .

Ce dernier terme, appelé « tracking error », mesure le degré de régularité du gestion-naire dans son dépassement du benchmark.

Intuitivement, le ratio d’information peut s’interpréter comme un rapport bénéfice/coût. La tracking error est en effet le coût que doit supporter le gestionnaire qui pratique une gestion active. Celui-ci peut réduire ce coût en « collant » au benchmark, mais dans ce cas, le rendement du portefeuille va aussi rejoindre celui du benchmark. S’il veut battre son objectif, il ne peut le faire qu’en contrepartie d’une prise de risque. Le ratio d’information est nul dans le cas d’une gestion passive puisque les écarts attendus entre le rendement du portefeuille et celui du benchmark sont nuls.

Un bon gestionnaire de portefeuille a un ratio d’information aux alentours de 0,5, et il est rare d’observer des niveaux supérieurs d’après les études empiriques menées sur le sujet. Lorsque le ratio est identique pour deux portefeuilles, il est important de compa-rer ensuite leur niveau de tracking error. Le niveau le plus faible est préférable. Selon toute probabilité, un gestionnaire sera capable de répéter une bonne performance si son niveau de tracking error est faible.

La figure 6.4 présente l’évolution de l’indice CAC 40 pendant l’année 2009 ainsi que la progression de deux portefeuilles dont l’objectif est de faire mieux que l’indice. Le ges-tionnaire du premier portefeuille a atteint son objectif. Il a suivi le marché avec beau-coup de régularité, qui n’a pratiquement pas évolué au-dessous de l’indice. Le gestionnaire du portefeuille 2 a aussi atteint l’objectif et a réussi à s’éloigner de façon plus marquée de l’indice à la hausse, mais aussi à la baisse pendant les premiers mois. Exprimé sur base annuelle, le ratio d’information du premier gestionnaire s’élève à 1,24, et celui du second à 1,10. Il est donc plus élevé pour le gestionnaire qui a suivi de plus près l’indice. Les numérateurs, mesurant la déviation moyenne par rapport au bench-mark, sont respectivement de 131 et 320 pour les portefeuilles 1 et 2, tandis que les trac-king errors s’élèvent respectivement à 106 et 292. Ainsi, en moyenne, le gestionnaire du second portefeuille bat plus souvent le benchmark que le premier, mais en prenant presque trois fois plus de risque sur la base du critère utilisé. Son ratio d’information est donc plus faible, même s’il reste très élevé selon les standards professionnels. Son manque de régularité le pénalise relativement au gestionnaire du premier portefeuille, qui génère un résultat moins impressionnant mais plus linéairement.

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Figure 6.4

Évolution de deux portefeuilles par rapport à leur benchmark en 2009.

2500

2700

2900

3100

3300

3500

3700

3900

4100

01/0

1/09

22/0

1/09

12/0

2/09

05/0

3/09

26/0

3/09

16/0

4/09

07/0

5/09

28/0

5/09

18/0

6/09

09/0

7/09

30/0

7/09

20/0

8/09

10/0

9/09

01/1

0/09

22/1

0/09

12/11

/09

03/1

2/09

24/1

2/09

CAC40

Portefeuille 1

Portefeuille 2

Le ratio d’information d’un portefeuille adossé à un benchmark est identique à l’alpha de Jensen divisé par l’écart type des résidus de l’équation dont il est issu. Nous pouvons le montrer simplement en reprenant l’équation qui permet de calculer l’alpha avec le rendement du marché mesuré par un benchmark correspondant à l’univers de gestion du portefeuille :

Rpt − Rf = α p + β p(Rbt − Rf )+ ε pt .

Le bêta est égal à 1 si le gestionnaire choisit de suivre son benchmark. L’équation peut alors se récrire :

Rpt − Rb = α p + ε pt ,

ou encore :

ERpt = α p + ε pt .

En calculant l’espérance et l’écart type des termes de cette équation et en faisant le rap-port, on obtient l’égalité suivante :

ER p

σ(ERp)=

α p

σ(ε p).

Si le portefeuille est bien diversifié, alors le risque non systématique est nul et le ratio ne peut pas être défini.

Lorsque le taux sans risque remplace le benchmark, le ratio d’information est identique au ratio de Sharpe. Ce choix présente toutefois l’inconvénient que le ratio n’est pas nul pour un gérant passif puisque la référence de calcul ne correspond pas alors à son benchmark.

Deux gestionnaires disposant d’un niveau d’information différent peuvent avoir des ratios d’information identiques. La seule connaissance du ratio ne permet pas d’inférer la qualité des anticipations du gestionnaire. Toutefois, en s’appuyant sur la loi fonda-

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mentale de la gestion active de Grinold et Kahn (1999), il est possible de faire le lien entre le ratio et le coefficient d’information :

PI p = IC p Lp ,

où ICp est le coefficient d’information du gestionnaire du portefeuille P mesuré par la

corrélation moyenne entre ses prévisions et les réalisations de rendements, et Lp est le

nombre de prévisions effectuées durant la période de référence conduisant à autant de décisions. Une amélioration du ratio d’information provient donc d’une amélioration des prévisions ou alors d’une augmentation de celles-ci. L’amélioration des prévisions est le résultat soit d’une meilleure information, soit de l’habileté d’analyse et de formu-lation des prévisions du gestionnaire.

3.1.2. L’interprétation statistique du ratio d’informationLa formule du ratio d’information telle que présentée dans la dernière équation est proche de celle de la t-statistique , qui mesure la significativité de la rentabilité excéden-taire. Elle est le rapport entre l’alpha et son écart type5. La seule différence est que le ratio d’information est calculé avec des valeurs annualisées. Le ratio d’information d’un por-tefeuille peut être réécrit de la façon suivante :

RI p =

tα,p

T,

où T est la période d’estimation du ratio.

Pour un niveau du ratio d’information, il est alors possible de calculer le nombre d’an-nées d’observation nécessaires pour juger des qualités d’un gestionnaire pour un inter-valle de confiance donné. Il suffit d’effectuer le calcul suivant :

T =tα , p

RIp

⎝⎜

⎠⎟

2

.

Pour être sûr à 90 % (correspondant à une t-statistique de 1,645) que le ratio d’informa-tion de 0,5 d’un gestionnaire soit significatif, il faut un historique de 10,9 années :

T =

1,645

0,5

⎛⎝⎜

⎞⎠⎟

2

=10,89 .

Le tableau 6.1 présente le nombre d’années nécessaires pour trois intervalles de confiance et différents niveaux du ratio d’information pour juger des qualités d’un gestionnaire.

5. Tout au moins dans le cas du CAPM ou d’un modèle à un facteur. Ce n’est plus vrai si on calcule le RI sur un modèle à plusieurs facteurs.

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Tableau 6.1 : Nombre d’années nécessaires pour juger des qualités d’un gestionnaire

Ratio d’information Intervalle de confi ance

80 % 90 % 95 %

0,4 10,2 17,0 24,0

0,5 6,6 10,8 15,5

0,6 4,6 7,5 10,7

0,7 3,4 5,5 7,8

0,8 2,6 4,2 6,0

0,9 2,0 3,3 4,7

1,0 1,6 2,7 3,8

Plus le ratio d’information est élevé, moins il est nécessaire de disposer d’un historique important pour porter un jugement. Compte tenu des niveaux habituellement observés, il faut un historique relativement long à l’échelle de la durée de vie d’un gestionnaire pour pouvoir lui attribuer les mérites d’un ratio d’information positif avec une certaine fiabilité de jugement !

3.1.3. Les autres mesures fondées sur le risque spécifiqueProlongeant la démarche de Jensen, Moses, Cheyney et Veit (1987) ont mis au point une mesure de performance relative permettant de classer les portefeuilles .

L’alpha de Jensen correspond au rendement du portefeuille qui ne peut pas s’expliquer par le CAPM :

α p = Rp − Rf − β p(Rm − Rf ) .

Le risque total du portefeuille par rapport au marché peut s’exprimer par un simple rapport :

I p =σ p

σm

.

Le bêta qui mesure le risque systématique peut s’exprimer de plusieurs façons :

β p =σ pm

σm

=ρpmσ pσm

σm2

=ρpmσ p

σm

.

Le dernier rapport a l’avantage de mettre en évidence que le bêta est forcément inférieur à I

p puisque la corrélation peut être égale au maximum à 1 dans le cas d’un portefeuille

efficient.

Le risque non systématique du portefeuille peut s’exprimer, quant à lui, comme la diffé-rence entre I

p et le bêta du portefeuille :

δ p = I p − β p =σ p

σm

−ρpmσ p

σm

=σ p

σm

1− ρpm( ) .

Si le portefeuille est efficient, le coefficient de corrélation est égal à 1 et le risque non systématique est nul. Dans tous les autres cas, il est positif.

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Le rapport

α p

δ p

mesure alors le rendement en excès du marché, par unité de risque non

systématique, qui peut être éliminé par diversification. Les gestionnaires peuvent être classés sur la base de ce ratio. Mais pour distinguer ceux qui battent le marché, il faut le diviser par la prime de risque du marché :

I MCV =α p(Rm − Rf )

δ p

.

Un gestionnaire qui bat le marché a un indice supérieur à 1.

L’avantage de cette mesure est de faire apparaître clairement l’arbitrage que fait le ges-tionnaire entre le niveau de diversification du portefeuille et sa performance par rapport au marché. Elle reste cependant peu utilisée dans la pratique.

Plus récemment, Bodson, Cavenaile et Hübner (2010) ont mis en évidence une adapta-tion du ratio d’information, afin d’identifier de manière plus évidente l’existence d’une éventuelle persistance dans les performances de gestionnaires de portefeuille. Ils partent du principe que, lorsque les hypothèses sous-jacentes à un modèle factoriel standard sont respectées, le risque total se décompose de manière additive en une partie systéma-tique et une partie spécifique sur base de l’identité suivante :

σ p2 = σ2 β pkλkt

k=1

K

∑⎛

⎝⎜

⎠⎟ + σ2 ε p( ) .

Dans ces conditions, la performance du portefeuille ajustée par rapport à son niveau de risque spécifique est équivalente au rendement du portefeuille en quelque sorte « magni-fié » par le multiplicateur du risque spécifique dans son risque total. Plus ce multiplica-teur est élevé, moins le risque spécifique intervient dans le risque total du portefeuille. Le ratio mis au point par ces auteurs est le suivant :

ratio2 = Rp

σ p2

σ2 ε p( ) .

Ce ratio n’est autre que le rendement du portefeuille multiplié par 1 plus le rapport entre le risque systématique et le risque spécifique.

3.2. La performance fondée sur une différence entre le rende-ment et une pénalité pour le risque spécifique

La littérature spécialisée, qu’elle soit scientifique ou professionnelle, n’est pas prolixe dans le développement de mesures de performance fondées sur le risque spécifique. Néanmoins, dans le cadre de la recherche d’indicateurs de persistance dans la perfor-mance (voir chapitre 9), Bodson, Cavenaile et Hübner (2010) ont mis au point deux mesures fondées sur le risque spécifique. La première, ratio

2, est plutôt assimilée à un

ratio (voir ci-dessus). La seconde peut être considérée comme représentant une diffé-rence. Elle s’exprime comme suit :

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ratio4 = Rp

σ2 β pkλktk=1

K

∑⎛

⎝⎜

⎠⎟

σ p2

= Rp 1−σ2 ε p( )

σ p2

⎝⎜⎜

⎠⎟⎟

.

Autrement dit, le rendement du portefeuille est amputé d’une fraction correspondant à la proportion du risque systématique dans son risque total. Un gestionnaire ayant eu une exposition relativement élevée au risque spécifique se verra donc pénalisé, ce qui correspond à la philosophie du ratio d’information.

Contrairement à la mesure ratio2, l’existence d’une valeur finie est garantie pour ratio

4,

étant donné que le dénominateur du quotient n’est pas nul (à condition bien sûr que le portefeuille n’ait pas eu un rendement constant).

4. Les critères de choix d’une mesure de risque par rapport à laquelle la performance est mesurée

On peut légitimement se poser la question de la raison d’être d’un aussi grand nombre de mesures de la performance de la gestion de portefeuille. Sans même avoir considéré les méthodes développées afin de tenir compte de différences dans les capacités des ges-tionnaires ou dans les profils d’investisseurs à qui les portefeuilles sont destinés (ces thèmes seront développés au chapitre suivant), il apparaît que la liste des mesures de performance ajustées au risque ne se limite pas à celles qui ont été présentées aux cha-pitres 5 et 6. Parmi ce foisonnement, il en est, certes, qui sont vraisemblablement inu-tiles, mais sans doute pas toutes. Il faut donc, à un moment donné, opérer un choix pour n’en conserver qu’une ou, au maximum, un nombre restreint.

Choisir une mesure de performance plutôt qu’une autre n’est pas anodin. Parmi les rai-sons de ce choix, il faut immédiatement considérer comme mauvaise celle qui consiste à sélectionner « à la carte », en fonction d’un intérêt d’autopromotion totalement en porte-à-faux avec l’objectif informationnel de la mesure de performance.

Il existe deux manières de considérer les critères de choix d’une mesure de performance pour un portefeuille donné : soit en fonction de l’investisseur, soit en fonction du ges-tionnaire. Si le choix est effectué en fonction de l’investisseur, le critère décisif est la manière dont le risque est mesuré. Celle-ci doit être cohérente avec le but poursuivi par l’investisseur lorsqu’il a sélectionné son portefeuille. Si, au contraire, le choix est effec-tué en fonction du gestionnaire, le critère décisif est l’adéquation avec le type de qualité dont ce gestionnaire fait (ou ne fait pas) preuve.

p

Lm

4.

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4.1. Le choix d’une mesure de performance en fonction de l’in-vestisseur

Lorsque le choix d’une mesure de performance est conditionné par l’usage que l’inves-tisseur fait de son portefeuille au sein de son patrimoine global, l’intérêt de la démarche consiste à vérifier dans quelle mesure les qualités du gestionnaire contribuent aux objec-tifs de son client. L’opération est délicate, car il est parfaitement possible de sélectionner un excellent gestionnaire, mais dont les capacités sont de piètre utilité pour son client. Pour illustrer cette situation, imaginons que l’investisseur mette « tous ses úufs dans le même panier » : il confie l’intégralité de son patrimoine mobilier à un seul gestionnaire, à charge pour ce dernier de faire fructifier son investissement de la meilleure manière possible. Il va de soi qu’un gestionnaire qui déciderait d’investir toutes les liquidités disponibles dans un seul secteur – par exemple les actions du secteur biotechnolo-gique –, même s’il dispose d’excellentes capacités de sélection, ferait supporter à l’inves-tisseur un risque spécifique qui aurait pu être diversifié, aux conséquences potentiellement très dommageables.

On le voit à travers l’exemple précédent, le critère majeur pour sélectionner la mesure idoine est celle du risque. En l’occurrence, le découpage du présent chapitre n’est pas innocent : nous avons utilisé les trois acceptions du risque en théorie moderne du por-tefeuille, à savoir le risque total, le risque systématique et le risque spécifique, pour défi-nir des familles de mesure de performance. Il doit y avoir adéquation entre la mesure de risque utilisée et la destination du portefeuille. Le raisonnement est le suivant (Bodie, Kane et Marcus, 2008) :

Le portefeuille activement géré représente l’intégralité de l’investissement dans les actifs financiers risqués. La situation est très simple : l’investisseur est soumis au risque total de ce portefeuille, car il n’en a pas diversifié la partie spécifique. Il doit utiliser une mesure de performance fondée sur le risque total du portefeuille, comme le ratio de Sharpe ou l’un de ses dérivés.

Le portefeuille activement géré représente une partie de l’investissement dans les actifs financiers risqués ; le reste, appelé le « portefeuille complément », fait l’objet d’une gestion passive (actif sans risque et portefeuille de marché). Dans ce cas-là, il faut s’intéresser à la performance totale du patrimoine de l’investisseur. Considérons que le risque total est mesuré par la volatilité, de sorte que la performance globale est adéquatement estimée à l’aide du ratio de Sharpe. Dans ce cas, nous pouvons mettre en évidence la relation suivante :

Sglobal2 = S

m2 +

α p

σ εp( )

⎝⎜⎜

⎠⎟⎟

2

= Sm2 + RI

p2

.

Plus le carré du ratio de Sharpe est élevé, meilleure est la performance – à condition que le rendement excédentaire du portefeuille soit positif. En d’autres termes, la mesure de la contribution du portefeuille activement géré à la performance globale est une fonc-tion croissante à son ratio d’information . C’est donc ce dernier, qui est une mesure fondée sur le risque spécifique, qui doit s’appliquer pour mesurer la performance du portefeuille.

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Le portefeuille activement géré représente une partie de l’investissement dans les actifs financiers risqués ; le reste, appelé le « portefeuille complément », fait l’objet d’une ges-tion active également, de sorte que le portefeuille global est bien diversifié. La diversifi-cation du portefeuille global n’est en principe assurée que si l’on combine les portefeuilles individuels, dont celui qui fait l’objet de l’examen. Conformément au raisonnement qui sous-tend la dérivation du CAPM, chaque élément individuel du portefeuille global voit son risque spécifique éliminé par la grâce de la diversification. Seule compte l’exposition de chacun des portefeuilles au risque systématique, de sorte que cette notion prévaut pour déterminer à quel risque l’investisseur doit être sensible. La mesure adéquate pour mesu-rer la performance du gestionnaire (ainsi d’ailleurs que de chaque autre gestionnaire inter-venant dans le portefeuille global) est le risque systématique ; les principaux exemples de ce type de mesures sont le ratio de Treynor et l’alpha de Jensen .

Dès lors que l’attention se porte sur le destinataire du portefeuille, c’est donc au niveau du type de risque qui lui correspond que la performance doit être mesurée. Au sein de chaque famille, la mesure adéquate ne dépend pas de la catégorie de risque, mais plutôt de la façon dont celui-ci doit être exprimé (volatilité, risques extrêmes) pour rendre compte de ce qui doit faire l’objet d’une rémunération en termes de rendement. Notons que la distinction entre les mesures fondées sur un rapport et celles fondées sur une différence est principalement liée aux objectifs de présentation, communication et explication de la performance ; elles sont les deux facettes d’une même réalité.

4.2. Le choix d’une mesure de performance en fonction du ges-tionnaire

La problématique de la mesure de performance applicable en fonction du gestionnaire est délicate, car la réponse qui sera apportée dépendra typiquement des intérêts de son auteur.

Nous pouvons toutefois dégager des principes fondamentaux lorsqu’il s’agit de sélec-tionner une mesure de performance qui doit être utilisée pour évaluer un gestionnaire parmi ses pairs (vision spatiale) ou sur une longue période (vision temporelle).

4.2.1. Les critères de choix pour localiser un gestionnaire parmi ses pairsSi la perspective empruntée est celle de localiser la performance d’un gestionnaire en fonction de ses éventuels concurrents afin soit de produire un classement, soit de le récompenser pour ses résultats, le choix de la mesure est étroitement lié à la qualité du classement qui sera effectué sur base de cette mesure.

D’après Hübner (2007), les deux critères qui doivent être adoptés dans ce cadre sont la précision et la stabilité de la mesure . La précision se définit comme la capacité d’une mesure de conserver un caractère rigide d’un classement si le modèle ou la méthode d’estimation change. Dans le cas où la mesure de risque est systématique ou spécifique, il faut un modèle d’évaluation des rendements requis sous-jacent à l’estimation du risque. Pour chaque portefeuille, il existe un seul « vrai » processus générateur des ren-dements, mais une infinité de modèles possibles pour l’approcher. Si le modèle est mal choisi, la mesure de performance ne doit pas être trop sensible à la déviation entre le vrai modèle et le modèle estimé. Autrement dit, la précision d’une mesure indique à quel point le risque de modèle influence un classement.

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La stabilité d’une mesure représente la sensibilité du classement qu’elle produit au benchmark utilisé pour estimer le rendement du portefeuille de référence. Le raisonne-ment est analogue à celui de la précision, mais on s’intéresse ici spécifiquement à la notion de performance relative. Cette problématique est particulièrement sensible pour les fonds ou les portefeuilles qui cherchent à coller à une référence précise et qui annon-cent délivrer de l’alpha ou un ratio d’information intéressant.

4.2.2. Les critères de choix pour évaluer un gestionnaire dans la duréeLorsque l’intérêt se porte sur l’évaluation des qualités du gestionnaire sur le long terme, le critère à privilégier est naturellement le caractère permanent de la performance qu’il délivre. Tout comme il est évident que « les performances passées ne constituent pas une garantie pour le futur », l’identification d’une bonne performance sur une certaine période ne signifie par que le gestionnaire responsable de cette performance parviendra à soutenir un niveau comparable par la suite. Or, lorsqu’il s’agit de sélectionner un por-tefeuille ou un fonds plutôt qu’un autre, le seul niveau d’analyse pertinent est celui de la performance attendue, et non réalisée.

L’analyse de la persistance dans la performance devient cruciale dans ce contexte. Les méthodes qui ont été mises au point dans ce cadre seront étudiées au chapitre 9, mais nous pouvons d’ores et déjà établir que le principe « the proof of the pudding is in the eating » est cardinal. Si l’on ne trouve pas de persistance dans la performance en utili-sant une mesure particulière, alors cette mesure n’a tout simplement pas de pertinence car elle ne sert à rien dans le processus de sélection d’un gestionnaire ! Bien entendu, elle peut s’avérer utile ex post, mais ce n’est pas l’objectif poursuivi pour le choix initial. En revanche, détecter de la persistance en utilisant une mesure particulière présente un intérêt certain. On sait, en effet, dans ce cas-là, que le gestionnaire est soit capable de reproduire une bonne performance, ou en est, au contraire, systématiquement inca-pable, si la persistance est mauvaise, ou même est capable de revoir complètement sa copie et d’inverser la tendance si une performance médiocre lors d’une période se trans-forme en une performance remarquable à la période suivante.

Bien sûr, la notion de persistance ouvre la porte à toutes sortes de manipulations. Il faut donc être prudent en face d’indices plus ou moins convaincants de cette persistance, puisqu’elle ne peut jamais être avérée que sur base statistique et ne représente jamais une preuve absolue.

RésuméLes mesures de performance ajustées au risque appartiennent à des catégories fondées sur le type de risque auxquelles elles se rapportent : risque total, risque systématique et risque spé-cifique. Au sein de chaque catégorie, il convient de distinguer les mesures qui présentent un

rapport entre le rendement et le risque, de forme Performance =

Rendement excédentaire

Risque, et

celles qui délivrent une différence entre le rendement et une pénalité pour le risque, de forme

Performance = Rendement excédentaire − Pénalité pour le risque .

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Cha

pitr

e 6

Les

mes

ures

de

perf

orm

ance

aju

stée

au

risq

ue

157

La mesure générique fondée sur le rapport entre le rendement et le risque total est le ratio de Sharpe. Il a fait l’objet de plusieurs modifications portant sur son numérateur et/ou son dénominateur.

Lorsque le numérateur du ratio de Sharpe est modifié, on remplace généralement le taux d’intérêt sans risque R

f par un taux de rendement de réserve R

L. Ce rendement est inter-

prété comme le seuil au-dessus duquel les investisseurs considèrent que la performance du portefeuille est positive. La mesure correspondante est celle de Roy :

Roy =Rp − RL

σ p

.

Si l’on altère le dénominateur de la mesure de Sharpe, on définit une autre mesure de risque que la variance ou l’écart type des rendements. En pratique, l’alternative la plus répandue est le recours aux moments partiels inférieurs ou à la valeur-au-risque.

Certaines mesures jouent simultanément sur le numérateur et le dénominateur du ratio de Sharpe. Le ratio de Sortino, fréquemment utilisé, est l’exemple le plus populaire :

Sortino =Rp − RL

SV (RL ).

L’indice M2 est la principale mesure fondée sur une différence entre le rendement et une pénalité pour le risque total. Il s’agit d’une transformation du ratio de Sharpe :

R(P)=σm

σ p

⎝⎜

⎠⎟ rp + Rf .

Il permet de comparer directement des niveaux de rendement. Les mesures de Graham et Harvey, appelées GH

1 et GH

2, et la mesure d’Aftalion et Poncet sont construites sur

des principes analogues.

Parmi les mesures de performance fondées sur le risque systématique, la seule qui s’ap-parente à un rapport entre le rendement et le risque est le ratio de Black-Treynor généra-lisé à des modèles multi-indices, qui conserve la même interprétation originale de performance par unité de risque systématique :

T̂g =α p

βpkλkk=1

K

∑βbkλk

k=1

K

.

Cette mesure suppose connu le benchmark b du portefeuille dont la performance est analysée.

La généralisation de l’alpha de Jensen à un modèle multifacteur est immédiate. Il suffit de prendre l’ordonnée à l’origine de la régression. Il existe également deux mesures apparentées : les alphas conditionnels et l’alpha standardisé.

Parmi les mesures fondées sur le risque spécifique, le ratio d’information est la plus populaire. Il représente le rapport du rendement d’un portefeuille en excès du bench-mark sur l’écart type de ces écarts :

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Perf

orm

ance

de

port

efeu

ille

158

RI p = ER p σ(ERp),

ER p =1

TRpt − Rbt( )

t=1

T

∑ ,

et

σ(ERp)=1

T −1ERpt − ER p( )2

t=1

T

∑ .

Le dernier terme, appelé « tracking error », mesure le degré de régularité du gestionnaire dans son dépassement du benchmark.

La loi fondamentale de la gestion active permet de faire le lien entre le ratio et le coeffi-cient d’information :

PI p = IC p Lp ,

où ICp est le coefficient d’information du gestionnaire, mesuré par la corrélation

moyenne entre ses prévisions et les réalisations de rendements, et Lp est le nombre de

prévisions effectuées durant la période de référence conduisant à autant de décisions. L’amélioration des prévisions est le résultat soit d’une meilleure information, soit de l’habileté d’analyse et de formulation des prévisions du gestionnaire.

La mesure de Moses, Cheyney et Veit et deux mesures proposées par Bodson, Cavenaile et Hübner complètent par ailleurs le ratio d’information.

Pour choisir une mesure fondée sur le risque total, systématique ou spécifique, il importe de considérer le point de vue adopté dans l’évaluation. Il peut s’agir de celui de l’inves-tisseur ou de celui du gestionnaire.

Si le point de vue est celui de l’investisseur, il faut considérer la contribution de son por-tefeuille au reste de ses investissements dans les actifs financiers risqués. Si le porte-feuille évalué est son seul actif financier, il convient d’utiliser une mesure de risque total. Si le portefeuille complément est passif, alors il faut utiliser le risque spécifique. Par contre, si le portefeuille complément est activement géré, il conviendra de privilégier une mesure de risque systématique.

Si le point de vue est celui du gestionnaire, on doit ici distinguer l’objectif de l’évaluation de la performance. Si c’est pour classer ou récompenser un gestionnaire en fonction de ses résultats, il faut rechercher la mesure la plus fiable en matière de précision (rigidité du classement en fonction du modèle d’évaluation) et de stabilité (rigidité du classement en fonction du benchmark utilisé). Si, en revanche, l’objectif est de déterminer la capa-cité du gestionnaire à reproduire une performance dans le futur, alors on s’intéressera à la persistance dans la performance qui est mise en évidence. L’absence de toute persis-tance sur base d’une mesure indique que cette mesure est inutile pour les besoins de la sélection.

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159

Problèmes et exercices

Exercice 1 : Le ratio de Sharpe modifié

Les mouvements boursiers des cinq dernières années de deux actions A et B, la pre-mière agressive et la seconde défensive, sont présentés au tableau 6.2 :

Tableau 6.2 : Rendements des actifs A et B et du marché

Temps A B M

1 0,07 0,115 0,15

2 0,19 0,185 0,25

3 0,21 0,495 0,35

4 0,13 0,195 0,17

5 0,22 0,185 0,18

Un investisseur représentatif dans ce marché a une valeur de réserve de 9 %, tandis qu’une opportunité d’investissement exempte de risque remporte un rendement de 5 %.

1. Vu ces données, quel actif a davantage de risque de perte extrême ? Réalisez une analyse ciblée de la distribution des rendements.

2. Quel actif souffrirait le plus en cas d’une perte extrême ? Imaginez la perte maxi-male qu’il soit possible d’encourir avec une probabilité de 95 %.

Solution

1. Deux indicateurs statistiques résumant la distribution des rendements permettent de juger du risque de perte extrême :

• la kurtosis, ou paramètre d’aplatissement, permet de juger de la probabilité d’oc-currence de mouvements extrêmes ;

• le coefficient d’asymétrie permet de juger de la probabilité d’occurrence des mou-vements extrêmement négatifs.

Il convient de comparer les deux actifs financiers sur la base de ces deux critères.

L’asymétrie et la kurtosis, définies respectivement comme S(R)= μ3

σ3(R) et

K (R)= μ 4

σ4(R)− 3 , dérivent des moments d’ordre 3 et 4 :

μ3 = E R − E(R)( )3

μ 4 = E R − E(R)( )4.

1 D i di

Solution

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160

Commençons par résumer les distributions respectives des rendements des deux actifs au travers de leur moyenne, de leur écart type et des moments d’ordre 3 et 4 (voir tableau 6.3).

Tableau 6.3 : Résumé statistique du profil rendement/risque des actifs A et B

A B

Rendement moyen 0,164 0,245

Volatilité 0,05643 0,13312

Moment d’ordre 3 –0,00012 0,003107

Moment d’ordre 4 1,88E–05 0,000958

Cela donne les valeurs suivantes pour l’asymétrie et la kurtosis :

– pour A : SA =

−0,00012

0,000179693= 0,6678 ; K A =

0,00000188

0,00001014− 3 = −1,1460

;

– pour B : SB =0,00311

0,0023590=1,3171; K B =

0,000958

0,0003140− 3 = 0,0506 .

Il ressort de cette analyse que l’action A possède une chance moins importante (kur-tosis < 0) que la normale de perte extrême (asymétrie < 0), tandis que l’action B semble plus favorable avec de forte probabilité (kurtosis > 0) de profit extrême (asymétrie > 0).

Même si le risque de mouvement extrême reste faible, l’actif le plus soumis à un risque de perte extrême est donc A.

2. Pour répondre à cette question, il faut recourir à la notion de valeur-au-risque (VaR), qui se soucie uniquement du risque de perte catastrophique. Afin de prendre en compte le caractère non normal de la distribution des rendements, mis en évidence à la question 1, on recourt à la valeur-au-risque modifiée, au seuil de 5 %, définie comme :

MVaRα = RL − E(R)+ z1−ασ(R)

z1−α = Z1−α −1

6Z1−α

2 −1( )S(R)+1

24Z1−α

3 − 3Z1−α( )K (R)−1

362Z1−α

3 − 5Z1−α( ) S(R)( )2.

avec une valeur de Z1 –α au seuil de 5 %, qui est de 1,645.

Soit pour A :

z1−α,A = Z1−α −1

6Z1−α

2 −1( )SA +1

24Z1−α

3 − 3Z1−α( )K A −1

362Z1−α

3 − 5Z1−α( ) SA( )2=1,470

→ MVaRα,A = RL − E(RA)+ z1−α,Aσ(RA)= 0,09 − 0,164 +1,470 × 0,05643 = 0,89 %. .

On obtient un risque de perte approximatif de 0,89 %.

Soit pour B :

z1−α,B = Z1−α −1

6Z1−α

2 −1( )SB +1

24Z1−α

3 − 3Z1−α( )K B −1

362Z1−α

3 − 5Z1−α( ) SB( )2=1,237

→ MVaRα,B = RL − E(RB )+ z1−α,Bσ(RB )= 0,09 − 0,245 +1,237 × 0,13312 = 0,96 %.

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161

On obtient un risque de perte de 0,96 %.

En conclusion, l’actif A pourrait subir une perte extrême plus conséquente que l’actif B avec la même probabilité. Cela conforte les conclusions tirées de l’analyse des distributions de la question 1.

Exercice 2 : Le ratio de Sortino

Vous êtes décidé, sur un horizon de six ans, à investir dans un fonds activement géré et entièrement dédié au secteur des nouvelles technologiques. Comme vous montrez une aversion au risque importante, vous exigez d’un tel investissement qu’il rap-porte un rendement supérieur à la rentabilité normale du secteur.

Pour cette période, les analystes financiers évaluent les flux de trésorerie pour un investissement de 100 000 euros dans l’ETF Vanguard Information Technology, ce dont rend compte le tableau 6.4 :

Tableau 6.4 : Flux de trésorerie attendus dans le secteur des nouvelles technologies (en euros)

Temps 1 2 3 4 5 6

Flux 10 000 11 000 12 000 13 500 15 000 20 000

Votre conseiller vous propose le fonds F dont les rendements historiques sur les six dernières années sont résumés au tableau 6.5 :

Tableau 6.5 : Rendements historiques du fonds F

Temps Rendement

1 –0,1846

2 0,7059

3 –0,2042

4 0,0707

5 –0,0596

6 0,5934

Sachant que le secteur de l’énergie offre en moyenne, pour cette classe d’investis-seurs (c’est-à-dire de même profil d’aversion au risque), une performance excéden-taire par unité de risque de perte de l’ordre de 15 %, le fonds F se présente-t-il comme un bon candidat à la partie risquée du portefeuille ?

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162

Solution

Pour investir dans ce fonds, l’investisseur pose une valeur de réserve égale à la rentabi-lité « normale » du secteur. C’est pourquoi, l’attractivité de ce fonds doit s’évaluer au regard du profil de gain au-delà du taux de rendement normal du secteur et ce, par unité de risque de perte en deçà du taux de rentabilité minimal.

Dans une telle situation, le ratio de Sortino se révèle être un bon indicateur de performance.

i. Détermination de la rentabilité en excès de la valeur de réserve de l’investisseur

La valeur de réserve de l’investisseur fait référence au rendement normal annuel perçu d’un investissement dans le secteur des nouvelles technologies. Ce secteur offre les flux de trésorerie définis au tableau 6.2 pour un investissement initial de 100 000 euros. On peut donc écrire le rendement offert par le secteur comme le taux k, qui permet d’égaler la somme des flux actualisés à la valeur de l’investisse-ment initial, soit :

100 000 =10 000

1+ k( ) +11000

1+ k( )2+

12 000

1+ k( )3+

13500

1+ k( )4+

15 000

1+ k( )5+

100 000 + 20 000

1+ k( )6 .

La résolution se fait à l’aide de la méthode de l’interpolation linéaire. Partant des taux k

1 et k

2 (10 % et 15 %), avec les valeurs présentes correspondant respectivement

à V1 et V

2 (V

1 = 113468,9689 euros et V

2 = 91959,06 euros), où V

1 > V

0 et V

2 < V

0, on

trouve une première valeur de k :

k = V0 −V1( ) k2 − k1

V2 −V1

+ k1 ,

équivalente à 13,1309 %, pour une valeur actuelle de 99297 euros.

Répétant la technique précitée avec ces nouvelles valeurs pour k2 et V

2, jusqu’à

atteindre une convergence à la quatrième décimale, on trouve k* = 12,96 %, ce qui définit la rentabilité minimale acceptable aux yeux de l’investisseur.

Comparant cette rentabilité minimale acceptable (rendement de réserve RL) aux

rendements observés pour cet investissement, soit 15,36 % (calculé sur la base des données historiques), on définit la rentabilité en excès de la valeur de réserve de l’in-vestisseur, soit :

Rp – R

L = 0,1536 – 0,1296 = 0,024.

ii. Détermination du profil de risque de l’investissement

Le risque est alors de faire face à un rendement inférieur à la rentabilité minimale attendue de 12,96 % :

P i ti d

Solution

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163

1

TRpt − RL( )2

t=0Rpt <RL

T

=1

6(−0,1846 − 0,1296)2 +(−0,2042 − 0,1296)2 +(0,0707 − 0,1296)2 +(−0,0596 − 0,1296)2( )

= 0,041568.

Le ratio de Sortino prend alors la valeur de 11,77 % comme illustré ci-après :

Rp − RL

1

TRpt − RL( )2

t=0Rpt <RL

T

∑=

0,024

0,20388= 0,1177.

Cela donne une rentabilité excédentaire par unité de risque de l’ordre de 11,77 %. Vu la rémunération offerte par le secteur (15 %), le fonds ne semble pas être une bonne perspective d’investissement. Bien qu’offrant un rendement supérieur aux objectifs de rentabilité que se fixe l’investisseur, le fonds présente un risque élevé. En effet, sur une période de six années, le fonds offre un rendement négatif la moitié du temps.

Exercice 3 : Le M2

Vous êtes en charge de la gestion d’un fonds dont la partie jugée « sans risque » vous rapporte un rendement de l’ordre de 3 %. Vous désirez compléter votre allocation stratégique par un investissement dans un fonds agressif afin de battre un benchmark. À cette fin, vous avez le choix entre le fonds A et le fonds B. Leurs caractéristiques de rendement-risque ainsi que celles du fonds passif sont présentées au tableau 6.6 :

Tableau 6.6 : Profil de rendement/risque des actifs financiers A, B et du benchmark

Actif Rendement Risque ( σ )

A 20,0 % 0,15

B 13,8 % 0,09

Benchmark 6,0 % 0,04

1. Quel actif offre la meilleure rémunération du risque total ?

2. Comparez le fonds à une combinaison de même risque du fonds de référence et de l’actif sans risque. Qu’en concluez-vous ?

3. Comparez cette fois le fonds directement au benchmark. Qu’en concluez-vous ?

4. Comparez ces trois indicateurs. Notez que les mesures utilisées aux questions 2 et 3 correspondent respectivement aux mesures de differential return et de M2.

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164

Solution

1. Le ratio de Sharpe, en exprimant le rendement excédentaire par unité du risque total, mesure le prix du risque (voir tableau 6.7).

Tableau 6.7 : Ratios de Sharpe des actifs A et B

Actif Sharpe S

A

0,20 − 0,03

0,151,13

B

0,138 − 0,03

0,091,2

Selon cet indicateur, le fonds B offre une rémunération supérieure au fonds A.

2. Le rendement d’un portefeuille réparti entre le portefeuille de référence et l’actif sans risque de même risque que le fonds A (respectivement B) correspond au rendement théorique d’un portefeuille de risque de 15 % (respectivement 9 %) à l’équilibre. Le fait de travailler à l’équilibre fige la valeur du coefficient de corrélation à 1. Le modèle d’évaluation des actifs financiers prend alors la forme suivante :

Rp = Rf +σ p

σb

(Rb − Rf ) .

La différence entre le rendement observé de chaque actif et son rendement théorique donne la valeur de l’indicateur dénommé differential return (voir tableau 6.8).

Tableau 6.8 : Differential return des actifs A et B

Actif Rp

Rpth

Rp − Rp

th

A 0,20 0,03+

0,06 − 0,03

0,04× 0,15 = 0,1425 0,20 – 0,1425 = 0,0575

B 0,138 0,03+

0,06 − 0,03

0,04× 0,09 = 0,0975 0,138 – 0,0975 = 0,0405

À l’équilibre, les deux fonds offrent un rendement supérieur à toute combinaison d’un fonds risqué et non risqué, de même risque total. Toutefois, la différence est plus pro-noncée pour le fonds A que pour le fonds B. Il est donc plus performant selon ce critère.

3. Afin de comparer directement le fonds au fonds passif, il convient d’emprunter ou de prêter au taux sans risque de façon à augmenter ou à diminuer l’exposition au risque du portefeuille géré et ainsi à le mettre au niveau de celui du portefeuille de référence.

On combine donc le fonds risqué A ou B à un actif sans risque afin d’obtenir un fonds risqué P* de niveau de risque de 4 %. On infère ensuite le surplus ou le déficit de rendement qui résulte de la différence entre les rendements des actifs A* et B* et celui du portefeuille de référence.

1 L ti d

Solution

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165

Les rendements des deux actifs sont présentés au tableau 6.9 :

Tableau 6.9 : Construction des portefeuilles de même risque que le portefeuille de référence

Actif Risque Proportion Rendement

A* 0,15x = 0,04 0,2667 0,2667 × 0,20 + 0,7333 × 0,03 = 0,0753

B* 0,09x = 0,04 0,4444 0,4444 × 0,138 + 0,5556 × 0,03 = 0,0780

La comparaison du rendement observé pour A* et pour B*, respectivement 7,53 % et 7,8 %, et du rendement de 6 % donne des valeurs respectives de 1,53 % et 1,8 %. Il s’agit de la performance supplémentaire que l’on obtiendrait si l’on choisissait de convertir les portefeuilles A et B en portefeuilles de même risque que le benchmark. Selon ce critère, B est plus performant que le fonds A.

4. En conclusion, les ratios de Sharpe et M2 permettent de comparer les rendements des portefeuilles par unité de risque total. Ils sont donc similaires et conduisent au même classement entre les fonds, contrairement au differential return, qui se rapproche de la mesure de Jensen et livre des résultats différents.

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166

Exercice 4 : Le ratio de Treynor généralisé

On considère deux fonds américains, l’un impliqué dans une gestion active du S&P 500, l’autre gérant de manière active un portefeuille composé d’actions de croissance et d’actifs de capitalisation moyenne, à la manière de l’indice S&P MidCap 400 Growth.

Les expositions au risque de chacun de ces fonds et de ceux de l’indice S&P MidCap 400 Growth sont représentées à la figure 6.5 :

Figure 6.5

Expositions au risque des fonds (1) et (2) et de leur benchmark.

1

00

S&P 500

S&P Mid Cap 400 Growth Index

Fonds (1)

Fonds (2)

Marché

Growth Mid Cap

1.4

1.2

0.9

0.80.7

1.3

1.4

Face à une évolution assez favorable des actifs dans lesquels ils sont investis (voir tableau 6.10), ces deux fonds ont joui d’une performance anormale de 2 % au cours de ce semestre.

Tableau 6.10 : Séries temporelles des primes de risque du marché, des primes SMB et HML

Période (semestre) Prime du marché SMB HML

1 0,0125 0,017 0,021

2 0,03 0,018 0,019

3 0,0001 0,015 0,013

4 0,011 0,013 0,01

5 0,009 0,02 0,017

6 0,013 0,011 0,018

Comment pourriez-vous les départager ?

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167

Solution

Afin de départager ces deux fonds, il faut considérer la performance anormale par unité de risque systématique encouru. On utilise en ce sens le ratio de Black-Treynor et sa généralisation au cas multifactoriel, le ratio de Treynor généralisé.

Ainsi, le fonds (1) ne subissant que les risques du marché, et ce, avec une sensibilité défi-nie à 1,4, sa performance est analysée par le ratio de Black-Treynor :

T̂ =α p

β p

=2%

1,4= 0,0143 .

On obtient une performance anormale par unité de risque systématique d’environ 1,4 %.

L’exposition du fonds (2) aux différentes primes de risque complexifie ce ratio, qui devient alors :

T̂g =α p

βpkλkk=1

K

∑βbkλk

k=1

K

.

Les βpk

représentent les sensibilités du fonds aux différentes primes de risque : 0,9 pour le marché, 1,3 pour SMB et 0,7 pour HML (voir chapitre 1).

Les λk représentent les différentes primes de risque moyennes sur la période, résultats de

l’application de

λk =1

6λkt

t=1

6

∑ , soit 1,26 % pour le marché, 1,57 % pour SMB et 1,63 % pour HML.

Les βbk

représentent les sensibilités de l’indice S&P MidCap 400 Growth aux différentes primes de risque, soit 1,2 pour le marché, 0,8 pour SMB et 1,4 pour HML.

Dès lors, on a :

β pkλkk

∑ = 0,9 × 0,0126 +1,3 × 0,0157 + 0,7 × 0,0163 ,

βbkλkk

∑ =1,2 × 0,0126 + 0,8 × 0,0157 +1,4 × 0,0163 .

Le ratio généralisé prend une valeur proche de 2,3 % :

T̂g =

0,02

0,0432 0,0505= 0,0234 .

En conclusion, le fonds (2) s’avère supérieur puisqu’il semble faire courir moins de risque systématique pour le même niveau de surperformance. En d’autres termes, il se révèle plus propice à maintenir ce niveau de performance.

Afi d dé t

Solution

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168

Exercice 5 : L’alpha conditionnel

Considérons un marché où un ensemble d’acteurs financiers tente d’exploiter des informations au temps t afin de battre le marché au temps t +1. Pour cela, nombreux sont ceux qui utilisent les mouvements touchant les bons du Trésor. L’ensemble des investissements consentis sur ce marché peut être rassemblé dans un portefeuille artificiel noté P.

Le tableau 6.11 présente les évolutions respectives du portefeuille P, du marché et des bons du Trésor sur les six dernières années :

Tableau 6.11 : Rendements de P, M et B

Temps Portefeuille P Marché Bons du Trésor

1 0,1 0,15 0,08

2 0,25 0,2 0,02

3 0,15 0,25 0,08

4 0,15 0,13 0,05

5 0,32 0,19 0,01

6 0,14 0,25 0,06

Nous ferons l’hypothèse que ce portefeuille, par sa forme agrégée, n’est soumis qu’au seul risque de marché. Le taux sans risque en vigueur est de 5 % sur l’ensemble de la période.

Si l’on considère que l’évolution du portefeuille n’est pas indépendante des mouve-ments subis par les taux d’intérêt, la place financière étudiée s’est-elle avérée effi-ciente ? Y a-t-il des opportunités de performance anormale compte tenu de l’évolution des bons du Trésor ?

Solution

Les modèles d’évaluation conditionnels s’avèrent pertinents dans ce cas de figure, vu leur capacité à traduire l’information dont on dispose en rendements boursiers attendus.

Le modèle de l’alpha conditionnel (αp) permet ainsi d’évaluer l’habilité du manager à

prévoir, mieux que le marché, les mouvements des primes de risques (λ) en fonction des valeurs prises par certains instruments (Z).

La série des instruments étant décalée d’une unité temporelle par rapport à la série des rendements excédentaires du portefeuille, on ne peut compter que sur cinq observations afin de calculer la valeur de l’alpha moyen. Le tableau 6.12 présente les séries temporelles des variables explicatives et de la variable dépendante du modèle conditionnel :

L dèl d

Solution

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Tableau 6.12 : Variables dépendante et indépendantes du modèle conditionnel

Temps Rpt − Rf

λmt zt−1

zt−1λmt

2 0,2 0,15 0,08 0,012

3 0,1 0,2 0,02 0,004

4 0,1 0,08 0,08 0,0064

5 0,27 0,14 0,05 0,007

6 0,09 0,2 0,01 0,002

Les coefficients α et β résultent de la régression des rendements du portefeuille en excès du taux sans risque, représenté par le vecteur R :

R =

0,20

0,1

0,1

0,27

0,09

⎜⎜⎜⎜⎜⎜

⎟⎟⎟⎟⎟⎟

,

sur les différentes variables explicatives, représentées par une matrice dénommée X (faite d’une constante, des primes de risque courantes et du produit de ces primes de risque par l’indicateur d’information décalé d’une période) :

X =

1

1

1

1

1

0,15

0,2

0,08

0,14

0,2

0,012

0,004

0,0064

0,007

0,002

⎜⎜⎜⎜⎜⎜

⎟⎟⎟⎟⎟⎟

.

Cela donne les paramètres suivants :

0,0405

0,1559

13,9296

⎜⎜⎜

⎟⎟⎟

.

Soit une performance anormale de l’ordre de 4 %.

Au regard de la valeur positive prise par cet alpha, on conclut à une réelle habileté du gestionnaire à prévoir les mouvements boursiers en fonction de l’information dispo-nible une période au préalable.

Ce décalage temporel suppose une trace d’inefficience au sens faible pour autant qu’elle soit considérée comme systématique.

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