103
1 Etude préparatoire No 1 pour le Livre Blanc du Think Tank de Minnovarc Les microtechniques de l’Arc jurassien franco-suisse et leur avenir : Dynamique actuelle et défis posés aux différents acteurs régionaux pour son avenir immédiat Pierre Rossel Pully, 19 décembre 2013

Les microtechniques de l’Arc jurassien franco-suisse et leur ......microtechniques, et peut-être ouve te à d’autes tâches pa la suite si nécessai e. Le Think Tank de Minnovarc

  • Upload
    others

  • View
    22

  • Download
    1

Embed Size (px)

Citation preview

  • 1

    Etude préparatoire No 1 pour le Livre Blanc du Think Tank de Minnovarc

    Les microtechniques de l’Arc jurassien franco-suisse et leur avenir :

    Dynamique actuelle et défis posés aux différents acteurs régionaux

    pour son avenir immédiat

    Pierre Rossel

    Pully, 19 décembre 2013

  • 2

    Avertissement

    Ce document analyse les travaux menés dans le cadre du Think Tank de Minnovarc entre 2009 et

    2013 et plus largement au sein du projet Minnovarc dans son ensemble (www.minnovarc.eu), c’est-

    à-dire avec les présentations, débats, contacts éclairants et liens avec de la littérature scientifique ou

    grise utiles pour la mission de son objectif : penser le futur des microtechniques dans le contexte de

    l’Arc jurassien franco-suisse. Premier d’une série de trois, ce document se veut une contribution à

    l’élaboration du Livre Blanc du Think Tank de Minnovarc, il n’engage que son auteur.

    http://www.minnovarc.eu/

  • 3

    Table des matières

    Page

    Introduction 5 1. Démarrage et premières questions 9 2. Les microtechniques, qu’est-ce que c’est ? Est-ce que ça existe ? Doit-on encore parier

    sur ce domaine ?

    11

    2.1 Quelques jalons et repères institutionnels pour nous orienter 11 2.2 Commentaires 19 2.3 Une période enchantée 21

    2.4 Les microtechniques, qu’est-ce que c’est au fond ? 22 2.5 Six signaux faibles à forts, qui indiquent que nous avons en effet un problème 27 2.6 Quel est ce problème que nous avons : terminologique, stratégique ? 31 3. Quel est ce territoire que nous pensons suffisamment commun pour réfléchir à son futur

    comme étant un même futur ? 32

    4. Les autres : i l n’y a pas que l’Arc jurassien franco-suisse à savoir faire des

    mictrotechniques, quels sont les autres et comment évaluer ce qu’ils font ou pourraient

    faire dans le futur ?

    35

    5. Diversifier en favorisant le transfert de compétences, des marchés actuels vers des

    marchés émergents : une bonne idée ou un piège ? Ou l’un et l’autre ? 38

    6. La question sensible de la formation et celle plus générale de l’attractivité de la fi l ière : y

    a-t-i l une bonne manière d’aborder ces problèmes ? 41

    7. Les modèles d’affaire, avec la sous -traitance et ses l imites, les options nouvelles,

    l ’émergence de l’économie émotionnelle au niveau global : comment s’orienter ? 44

    8. La science et les transferts de technologie comme planche de salut ? 47 8.1 Rapide inventaire 48 8.2 La collaboration et les transferts de connaissances science-industrie : vers une approche

    indirecte de la performance 49

    8.3 Débats et évolutions stratégiques en France et en Franche-Comté 51 8.4 Débats sur les forces et faiblesses suisses 62 8.5 Conclusion provisoire sur la question du rôle stimulant de la science 69 9. Les incertitudes : comment penser l’avenir des marchés actuels, comment évaluer ceux

    qui émergent ? 69

    9.1 Horlogerie et microtechniques 70 9.1.1 L’horlogerie en Suisse et en France 70

    9.1.2 Horlogerie et microtechniques 73 9.1.3 Les enjeux de l’horlogerie 76 9.1.4 Les tendances de l’horlogerie 78 9.1.5 Les futurs possibles de l’horlogerie 80

    9.1.6 La smart watch 80 9.2 La mobilité et les microtechniques 81 9.3 Les medtechs 82

    9.4 Les nanotechs 84 9.5 Les cleantechs et l ’énergie 86 10. Conclusion 89 Références 97 Annexe I Cartes issues de l’exercice KJ des sessions 1 et 2 102

  • 4

  • 5

    Introduction : Un projet Interreg, deux régions et une mission pour un Think Tank

    Minnovarc est un projet de coopération franco-suisse, déposé, accepté et financé, puis exécuté dans le cadre du programme européen Interreg IV1 (sur une période de quarante mois de 2010 à 2013), partie intégrante de l’arsenal mis en place par l’Union européenne pour soutenir les efforts des régions. Il a été porté et autofinancé par la Chambre de Commerce et d'Industrie du Doubs côté français et par l'association arcjurassien.ch côté suisse. En outre, le Conseil régional de Franche-Comté, les quatre cantons de l'Arc jurassien (Berne, Jura, Neuchâtel et Vaud), la Fondation Arc Jurassien Industrie (FAJI) et la Confédération ont participé au financement de Minnovarc.

    Il s’agissait de stimuler la capacité d’innovation en réseau des entreprises et laboratoires de l’Arc jurassien franco-suisse et de les soutenir très en amont de leurs possibilités de diversification vers des capacités technologiques et des marchés nouveaux. Trois instruments principaux avaient été envisagés pour donner corps à cette démarche : un portail web, un Think tank et des ateliers « Microtechniques et innovation ». Au fil du temps, l’importance relative de ces trois outils de travail a évolué, montrant peu à peu le rôle essentiel des ateliers. Pour se faire une idée d’ensemble sur ces attentes et accomplissements, il vaut la peine de se reporter au site web www.minnovarc.eu.

    Afficher d’emblée, pour quiconque, l’objectif de réfléchir et communiquer sur le futur des microtechniques2 dans l’Arc jurassien représentait un vrai défi. Il ne faut pas se le cacher, la complexité et l’incertitude caractérisant l’évolution des microtechniques tant au niveau local que global font qu’avec les meilleures intentions du monde, la seule volonté de coopérer et de forger les bases d’un avenir bénéfique à nos deux régions peut ne pas suffire. Le projet Minnovarc a certes constitué une étape possible vers des solutions communes, mais en même temps, aussi, une prise de conscience de la difficulté à progresser ensemble dans ce contexte multi-dimensionnel et hétérogène.

    Malgré cela, dans un monde fortement et rapidement changeant, des orientations claires doivent être proposées. Le travail de réflexion stratégique du Think Tank a donc consisté à construire tout d’abord une inter-connaissance commune, pour mieux se comprendre ; puis à développer des réflexions diverses mais en principe complémentaires en vue de constituer une vision aussi convergente que possible des pistes qui pourraient être utiles aux décideurs politiques, économiques et institutionnels. Le sujet : l’avenir des microtechniques comme un des facteur-clés de la prospérité de l’Arc jurassien franco-suisse.

    Dès le départ, le Think Tank a été pensé comme une démarche ambitieuse, devant réunir des personnes diverses mais possédant une expertise utile et indiscutable pour créer une activité prospective nouvelle dédiée, durant le temps du projet Minnovarc, à penser l’avenir des microtechniques, et peut-être ouverte à d’autres tâches par la suite si nécessaire.

    Le Think Tank de Minnovarc a réuni 28 personnes comme membres à part entière de cette structure de réflexion, moitié française et moitié suisse, et 18 intervenants venus présenter des thèmes ou

    1 Interreg est depuis 1989 une partie intégrante de l’arsenal mis en place par L’Union européenne pour soutenir les

    efforts des régions . Interreg IV a pour période exécutoire 2007-2013. Minnovarc relève du volet A, à savoir la

    coopération transfronta l ière (pour plus de déta i l s , se reporter au s i te officiel : http://ec.europa.eu/regional_policy/cooperate/cooperation/crossborder/index_en.cfm), et à l’intérieur de ce volet, à l ’axe I: « appui aux entreprises, partenariats technologiques, services d’accès à l’emploi , mobi l i té transfronta l ière,

    adaptation des qual i fications aux évolutions des métiers ». 2 Pour des raisons qui seront expliquées plus loin, nous avons adopté la terminologie en vigueur en Franche -Comté,

    « les microtechniques », plutôt que cel le uti l i sée en Suisse (« la microtechnique »), et pour des ra isons de s impl i fication, ces microtechniques sero nt parfois notées « MT ».

  • 6

    problèmes sensibles pour le futur des MT. Au total, le Think Tank aura donc mis en présence quelque 46 personnes, à peu près à parts égales entre celles appartenant à la communauté scientifique, celles opérant dans des structures institutionnelles ou de formation à composante technologique et celles actives dans le domaine industriel.

    Comme thèmes abordés, outre les questions propres à faire avancer la tâche du Think Tank, comme les rapports entre les microtechniques et les nanotechnologies, les medtechs et lors de la dernière session, l’horlogerie, le groupe de travail a été confronté à une variété d’enjeux et d’évolutions à déchiffrer, comme par exemple l’économie émotionnelle, façonnant des secteurs d’activité comme la haute horlogerie, les cleantechs ou le médical, ou les questions de formation, d’attractivité de la filière et de communication, voire le thème de l’innovation dite « ouverte » et les différents modèles relatifs à la propriété intellectuelle. A ce savoir de base, et même si les connexions entre le Think Tank et les autres volets de Minnovarc n’ont pas été aussi fécondes qu’imaginées au départ, il convient d’associer à notre réflexion les travaux des six ateliers de Minnovarc, défrichant des territoires et des actions innovantes dans la domotique, les cleantechs, la robotique, les systèmes intelligents ou encore les technologies pour la mobilité3. C’est donc bien la couverture thématique complète de ces différentes facettes de Minnovarc qu’il faut considérer pour se faire une idée du propos du présent document, même si l’action spécifique du Think Tank s’est davantage focalisée sur certains domaines d’activité « frontière ».

    Avant de voir comment le Think Tank a procédé et envisager ce qu’il a accompli, il vaut la peine de confesser des difficultés qu’il a fallu également gérer, tout au long du chemin. Mentionnons celle notamment de devoir d’abord découvrir puis s’accommoder de la différence très importante de culture entre suisses et français sur l’intérêt de mener une réflexion prospective. Alors que la France est un pays de tout premier plan dans ce domaine, la Suisse n’a que peu d’expérience en la matière et même, doit-on constater, éprouve quelque méfiance à l’égard de la démarche prospective 4. Ce problème n’est du reste pas sans rapport avec l’importance plus grande des politiques volontaristes en matière de soutien à l’innovation et des plans de politiques publiques à moyen et long terme prévalant en France, par opposition à style basé sur le laissez-faire5 et à un mode de navigation plus décentralisé et axé essentiellement sur la prolongation des acquis du passé et du présent dans le futur pour ce qui est de la Suisse.

    On peut dès lors répondre à deux questions qui nous ont été posées en cours de route sur la manière de procéder (ou plus exactement sur le pourquoi de ne pas procéder … autrement).

    1. Pourquoi faire si compliqué et ne pas simplement effectuer une analyse portérienne de la situation, c’est-à-dire portant sur les avantages compétitifs les plus évidents et les changements du contexte susceptibles de soutenir des dynamiques d’innovation?

    3 On pourra trouver une trace s timulante de ces apports à travers les quelque 70 présentations vidéo figurant sur le site

    web de Minnovarc : www.minnovarc.eu. 4 I l y a naturellement quelques exceptions, des exercices récents dans la sécurité, l’énergie, l’éducation la démographie

    et l ’agriculture, notamment et une quinzaine de micro -centres de recherche l iés à des institutions académiques, à des fondations ou à des milieux privés, sont actifs dans ce domaine en Suisse. Mais s i on compare par exemple par

    rapport à la Finlande, pays s imi la i re en ta i l le et en problématique, on doit être dans un rapport de 1 à 10. 5 Une très grosse exception à cette philosophie : le rôle plus qu’ambigu du Conseil fédéral, qui vient de fa i re press ion

    sur Swisscom, dont il est le principal actionnaire (56,77% des parts), pour que cette entreprise occupe une pos i tion dominante sur tous les marchés de télécom intérieurs, au mépris des règles de l ibre-concurrence, dont le même Conseil fédéral devrait en principe être le garant, notamment pour ce qui est de l ’équité des accès aux infrastructures

    pour les concurrents de Swisscom (notamment pour la fibre optique, si importante pour l’avenir et dont i l n’est pas question dans le message du gouvernement). http://www.letemps.ch/Page/Uuid/5d293b92-5210-11e3-8fd8-

    8f5f81f11878/Swisscom_doit_%C3%AAtre_num%C3%A9ro_un_partout_insiste_le_Conseil_f%C3%A9d%C3%A9ral#.Uo_dLeLGCno

  • 7

    2. Pourquoi réinventer la roue et ne pas contracter des consultants en prospective existant sur le marché, notamment en France (CNAM, Futuribles, Datar, French Millenium Node, etc.) ?

    La première question serait légitime si le sujet touchait à un cœur de compétences commun, compacte et facile à gérer et si seules les quelques années à venir nous importaient. Rapidement, il est apparu qu’au contraire, le concept même de microtechniques était problématique et devait donc être traité très finement et selon différents angles. En raison de l’hétérogénéité des microtechniques, il s’est avéré rapidement qu’une analyse portérienne (une approche sur laquelle nous reviendrons), par exemple, ne pouvait suffire et même était susceptible d’amener beaucoup d’approximations et de complications. C’est qu’il ne suffisait pas de jauger les concurrents pour capter des pistes d’innovation à même de faire la différence dans les trois à cinq ans. Il s’agissait de comprendre la situation et ses ressorts de manière à l’envisager dynamiquement et sur une bien plus longue période. Nous devions envisager plusieurs horizons temporels de référence, en gros le court terme de 3-5 ans, le moyen terme de 11-15 ans et le long terme de 20-30 ans6.

    La deuxième question n’a pas vraiment posé problème puisque très vite, il est apparu que le groupe de travail et ses initiateurs avaient l’intention de mettre sur pied une démarche autonome. Il a été dit aussi que les Suisses concevaient facilement des préventions à l’égard du style parisien des protagonistes les plus connus de la prospective française7. Ce problème est du reste plus général que touchant au seul domaine de la prospective et nous avons toujours veillé, dans Minnovarc, à échapper à ce malaise potentiel, privilégiant des acteurs régionaux. Le résultat de l’activité du Think Tank de Minnovarc est donc un produit du terroir !

    Avec le recul, on peut distinguer trois phases dans le travail du Think Tank, qui n’a compris que six séances officielles sur l’ensemble du projet :

    - une phase d’exploration sur des thèmes incontournables, notamment sur la nature des microtechniques et des implications de ce concept, au cours de laquelle le groupe a dû chercher ses marques ;

    - une phase d’exploration davantage axée sur des aspects de prospective ( idées de tendances, de

    scénarios, influences provenant d’autres domaines comme les nanotechs, les medtechs, l’horlogerie, qui ne sont que partiellement liés aux MT), qui a donné lieu à des débats plus nourris ;

    - une phase de mise en gerbe et de propositions (sur les tendances et les scénarios), où l’on a

    surtout cherché à contribuer à ce qu’au bout du compte, on dispose d’un document original et communicable.

    Le présent document retrace la première de ces étapes. Deux autres documents rapportent des résultats des étapes suivantes :

    6 I l vaut toutefois la peine de signaler que deux des acteurs du Think Tank ont participé, au début des années quatre -

    vingt-dix, à une analyse portérienne des capacités d’innovation suisses , notamment dans un contexte post -crise horlogère, dans le sillage de ce qu’avait fait Porter lui-même quelques années auparavant en col laboration avec l ’Institut de recherche conjoncturelle BAK, de Bâle, ainsi que des études menées par la Fondation Tissot pour la

    promotion de l ’économie au Locle : Cf. Michaud, Rossel , Tissot et Débély (1995). 7 Précisons cependant que du côté français, la personne dés ignée pour conduire le Think Tank ava i t une bonne

    expérience en matière de prospective et que du côté suisse, le responsable enseigne la prospective technologique à

    l ’EPFL. La moitié au moins des membres français du Think Tank avaient par a i l leurs déjà été impl iqués dans des activi tés de réflexion s tratégique de diverses sortes, le reste des membres, suisses comme français, se caractérisant

    par une séniorité et une expérience reconnues en matière de microtechniques . La CCI, comme porteur français du projet Minnovarc, ava i t du reste récemment commandité une étude de prospective régionale (2007).

  • 8

    1) étude des tendances impactant les microtechniques ; 2) conception et évaluation des scénarios « un rôle pour les microtechniques à l’avenir ».

    L’ensemble compose un jeu diversifié d’études préalables à l’élaboration du Livre Blanc sur l’avenir des microtechniques dans l’Arc jurassien franco-suisse, qui est, lui, un document à signature collective (les membres du Think Tank de Minnovarc).

  • 9

    1. Démarrage et premières interrogations

    Le Think Tank de Minnovarc a été initié par des personnes qui avaient un profond attachement à leur région8 et au début, tout paraissait au fond assez simple. Nous avions dans notre groupe des personnalités reconnues de part et d’autre de la frontière, aux liens avérés avec le domaine des microtechniques. Progressant sous la bannière constituée par le mot d’ordre d’Edgar Faure qui suggérait de voir les versants français et suisses de l’Arc jurassien comme des territoires formant, selon ses mots très connus, « une communauté de destins », forts d’une industrie aux talents incontestés et avançant dans le puissant sillage de l’horlogerie haut-de-gamme, nous avions comme objectif de penser le futur des microtechniques et de la région, avec l’ambition de construire une vision cohérente et motivante. Il y avait certes un léger terreau de tensions transfrontalières liées à la fuite (ou au recrutement selon d’où l’on regarde ce processus) de main d’œuvre qualifiée de la France vers la Suisse, avec parfois des ressentiments diversement exprimés ; mais ceux des acteurs qui avaient décidé de faire Minnovarc et encore bien plus son Think Tank étaient résolument tournés vers l’avenir et avec l’idée que les raisons de collaborer étaient supérieures à celles de ne pas le faire.

    C’est donc dans un état d’esprit très positif et même optimiste que le travail du Think Tank a démarré. Pourtant, dès que nous nous sommes assis pour réfléchir ensemble aux questions que nous voulions explorer, une évidence de complexité s’est faite rapidement jour dans la tête et même souvent dans les mots des protagonistes de cette aventure. Avec le recul, nous aurions pu juger les différences entre Français et Suisses apparues dans ces premières phases de Minnovarc comme autant de démentis ou tous cas de distance prise vis-à-vis de la formule d’Edgar Faure, mais il n’en a rien été. Bien plus, au terme de ce travail, nous sommes désormais convaincus que c’est en prenant la mesure véritable de ces différences bien réelles que nous pourrons donner de la consistance à la coopération entre les deux parties françaises et suisse de l’Arc jurassien et qu’au contraire de les nier ou les escamoter rendrait plus difficile la mise sur pied et la réalisation de projets communs.

    Car des différences il y en a eu (culturelles, langagières, de références en matière de politiques publiques pour l’éducation, la science, la recherche, l’industrie et l’innovation), et ceci de façon constante tout au long du projet. Pourtant, de pouvoir à l’occasion les identifier et mieux les comprendre, et donc d’apprendre à « vivre avec » a permis de progresser, de préserver une entente et un respect de la différence entre membres du Think Tank français et suisses9, et ainsi de laisser au final un espace intact pour des collaborations spécifiques.

    Dans ce contexte, très vite, au lieu de trouver des points de convergence stratégique à venir mais illusoire, les membres du Think Tank ont compris que le problème était plus ardu qu’il ne paraissait et qu’il fallait rouvrir certaines boites noires, revisiter des thèmes qui paraissaient entendus et aussi explorer de nouveaux sentiers. Le résultat de ce travail de fond s’est manifesté sous la forme de nombreuses questions. Au terme des deux premières sessions de travail, nous en avons identifiées plus d’une vingtaine (auxquelles se sont encore ajoutées quelques thématiques par la suite), que par recoupement et souci de simplification nous avons regroupées et traitées dans ce document sous la forme de huit questions-clés. Précisons tout de suite que ces huit questions sont des questions trè s ouvertes, comportant la plupart du temps des liaisons fortes à d’autres questions tout aussi ouvertes. Dans ce travail, il ne s’agit donc pas de prétendre savoir et expliquer, mais désirer trouver 8 Que soient remerciés, pour l ’impulsion qu’ils ont su donner à faire exister et avancer ce trava i l de longue haleine,

    depuis les débuts de la réflexion en 2007 jusqu’ à la clôture du projet Minnovarc durant l ’été 2013, pour la France, Jean-Michel Paris et pour la Suisse, Luc Tissot.

    9 La seule manière de tra iter les différences et de les expliciter, y compris lorsqu’il s’agit d’appréciations subjectives et cul turellement situées, consiste à présenter tour à tour le point de vue chacun sur l ’autre, en gardant à l ’espri t la

    volonté de rester dans une démarche évaluative et non pas partisane ou normative. L’e xplicitation de ce regard croisé peut en soi consti tuer une connaissance nouvel le.

  • 10

    les bonnes questions, celles qui permettent d’avancer. La division en chapitres ou sous-chapitres pour autant de questions-clés, est pourtant arbitraire, tant les relations entre les dimensions traitées sont fortes, à la fois imbriquées et « imbriquantes » ; mais il faut bien à un moment donné accoucher d’un récit linéaire, permettant la communication, le débat et au final, des décisions et aussi la progression de la connaissance.

    Enfin, il s’agit de situer le propos dans le temps. Le Think Tank a mission de penser à l’avenir d’un domaine technologique et de ce qu’il peut apporter à une région. Mais l’avenir, c’est vague. Précisons donc. Ce premier document traite de questions présentes s’appuyant sur des faits passés et documentés, formulées de manière à envisager le futur immédiat de façon informée .

    D’autres réflexions et livrables auront la mission de s’appuyer sur présent observable mais en tenant d’évaluer comment il pourrait se déployer sous des formes variées dans le futur à court et à moyen terme, ou encore d’examiner des futurs pluriels et envisagés pour différents horizons temporels. Ces trois approches forment un tout, mais ont été pensés et rédigés comme des études préparatoires autonomes et complémentaires pour la confection du Libre blanc du Think Tank, probablement utiles pour des publics peut-être un peu différents, aussi.

    La présente étude est donc consacrée à l’examen systématique de questions ouvertes et décisives pour l’avenir immédiat des microtechniques et de l’Arc jurassien franco-suisse. Nous les avons synthétisées sous la forme suivante :

    1. Les microtechniques, qu’est-ce que c’est, est-ce que ça existe, doit-on encore parier sur ce domaine ?

    2. La région Arc Jura franco-suisse : est-ce une région cohérente, un arrangement territorial prometteur ?

    3. Les autres : il n’y a pas que l’Arc jurassien franco-suisse à savoir faire des microtechniques, quels sont les autres et comment évaluer ce qu’ils font ou pourraient faire dans le futur ?

    4. Diversifier en favorisant le transfert de compétences, des marchés actuels vers des marchés émergents : une bonne idée ou un piège ? Ou l’un et l’autre ?

    5. La question sensible de la formation et celle plus générale de l’attractivité de la filière : y a-t-il une bonne manière d’aborder ces problèmes si sensibles?

    6. Les modèles d’affaire, avec la sous-traitance et ses limites, les options nouvelles, l’émergence de l’économie émotionnelle au niveau global : comment s’orienter ?

    7. La science et les transferts de technologie comme planche de salut ?

    8. Les incertitudes : comment penser l’avenir des marchés actuels, comment évaluer ceux qui émergent ?

  • 11

    2. Les microtechniques, qu’est-ce que c’est ? Est-ce que ça existe ? Doit-on encore parier sur

    ce domaine ?

    Drôle de question, n’est-ce pas ? Un Think Tank qui doit réfléchir au futur du sujet qui l’occupe et qui finit par se demander ce que signifie ce sujet, on pourrait penser que l’on coupe les cheveux en quatre. Nous sommes convaincus qu’il n’en est rien.

    Précisons tout d’abord un point-clé : nous n’avons aucun doute sur le fait que les microtechniques, ça existe bel et bien, la question n’est pas là. Elle est plutôt de savoir si c’est un concept clair, motivant, à même d’embarquer les enthousiasmes régionaux vers des lendemains forts, si c’ est la seule manière de le faire et si de le faire ainsi ne comporte pas quelque risque qu’il s’agit aussi de bien évaluer ; et enfin, si à l’avenir, il faut continuer à tout miser sur cette idée ou si elle doit être nuancée, complétée et renforcée par d’autres, tout autant porteuses, si ce n’est davantage. Nous allons nous efforcer de mener ces différents débats, sur la base de ce qui s’est dit dans les séances de travail du TT, mais aussi à la faveur d’autres interpellations, d’autres sources que nous avons croisées dans cet itinéraire un peu compliqué.

    « Les microtechniques existent » : on peut vouloir dire par là que certaines techniques ont des caractéristiques qui les qualifient pour correspondre à ce label, c’est du moins l’habitude prise dans la région Arc Jura dans son ensemble, une affirmation renforcée par le fait que différentes instances, en Suisse et en France, se sont créées à partir de ce concept. Nous verrons plus loin comment évaluer leur effet d’ensemble et la portée de du concept microtechnique, mais il nous faut d’abord procéder à un inventaire minutieux.

    2.1 Quelques jalons et repères institutionnels pour nous orienter

    Situer dans le temps et de manière complète la totalité des organisations qui se sont créées dans l’espace qui nous concerne est une tâche difficile et qui doit être confiée aux historiens. Nous n’avons pas ici cette prétention et d’autres travaux peuvent venir à tout moment pour amener, ici une précision ou une correction de date, là des filiations plus complexes que ce que les sites web où les documents contemporains laissent entendre. Pour nous, dans le cas présent, le problème n’est pas de savoir qui a été le premier mais de poser quelques jalons simples de manière à garder à l’esprit une vision d’ensemble pour les discussions qui suivront. Nous espérons que d’autres poursuivront ce travail, déjà esquissé par quelques chercheurs 10 avec un regard, des outils et une disponibilité d’historiens. Plus qu’une simple fiche chronologique de l’apparition des termes et des organisations qui les ont porté, il serait en effet intéressant de mieux connaître les débats préalables, les objectifs, les filiations et réseaux actifs d’une initiative à l’autre, pour chaque pays et aussi , pour y voir plus clair dans les influences Suisse-France ou France-Suisse, et du côté français, les interactions et évolutions conceptuelles qui ont marqué l’émergence des territoires scientifique et industriels de Grenoble d’une part et de Franche-Comté d’autre part.

    Ces informations seraient très utiles, mais leur acquisition représente une entreprise allant bien au -delà de la mission du Think Tank de Minnovarc.

    Les jalons à garder en tête pour la suite du travail sont avant tout les suivants :

    10

    Mentionnons sur cette problématique notamment les travaux de la chercheuse française Sophie Carel (2004, 2007 a , b).

  • 12

    Suisse France

    Date Création Création, labellisation

    1962 ASMT

    1969 Micronora, Besançon

    1975 Institut de microtechnique de l’Université de Neuchâtel

    1978 FSRM

    1979 Département de Microtechnique de l’EPFL

    1980 ENSMM

    1984 CSEM

    1990 Institut des microtechniques de Franche-Comté (IMFC)

    1999 Minatec (région Grenoble)

    1999 Centre de transfert des microtechniques

    2001 LEA-microtechnique 2001 LEA-microtechnique

    2001 TEMIS, Besançon11

    2003 MicroTech Industry

    2004 FEMTO-ST

    2005 Pôle des microtechniques Besançon

    2005 Minalogic (région Grenoble)

    2008 Micronarc

    2008 He-Arc/Instituts microtech (2)

    2009 Minnovarc 2009 Minnovarc

    Sur un plan plus international, mentionnons aussi :

    2008 MicroTek SüdWest

    2012 Microtechnics Alliance

    L’ensemble de toutes ces initiatives témoigne, pour la région qui nous occupe, en France comme en

    Suisse, d’une remarquable persévérance pour faire exister un domaine d’activités nouveau, à partir

    des années 1960 et plus fortement encore des années dans les années 2000.

    Il vaut toutefois la peine d’apporter quelques précisions sur les acteurs principaux de ce casting, comprenant en tout 21 institutions ou organisations. Nous verrons plus loin les 3 organisations qui

    11

    Créé en 2001, inauguré en 2005.

  • 13

    complètent celles mentionnées dans les deux tableaux ci-dessus. Ces précisions, qui ont leur importance pour la bonne compréhension des différentes discussions jalonnant ce document, sont les suivantes.

    Du côté suisse :

    L’Association suisse de microtechniques (ASMT) : elle a été créée en 1962 dans le but de mettre sur pied le département de microtechniques de l’EPFL (ce qui fut fait en 1979) et de promouvoir les microtechniques de façon générale. Elle comprend aujourd’hui 43 membres, dont 12 institutionnels et 31 entreprises. Ce n’est à l’évidence pas à travers cette organisation que se développent les microtechniques en Suisse aujourd’hui, même si l’on doit reconnaître son rôle historique. Du reste, l’ASMT est hébergée par la FSRM qui a en quelque sorte pris le relais, et aujourd’hui, l’ASMT essaye de se donner de nouvelles missions, comme la formation professionnelle (pour laquelle milite également la FSRM).

    L’Institut de microtechnique (IMT) de l’Université de Neuchâtel : il a été créé en 1975, soit avant celui de l’EPFL. Fédéralisme oblige, il n’était pas question, à cette époque, que le canton le plus horloger du pays n’ait pas son institut, qui a fonctionné à satisfaction durant 30 ans. Il a été intégré à l’EPFL en 2009 (cf. plus loin).

    La Fondation suisse de recherche en microtechnique (FSRM) : Fondation de droit privé au bénéfice du soutien des cantons, de villes, d’associations professionnelles et de 38 entreprises, la FSRM a été créée en 1978 pour promouvoir « la microtechnique » sur une large échelle, nationale, à partir d’une base neuchâteloise. Ses missions ont évolué au cours du temps, son mode de financement aussi, moins dépendant que par le passé des pouvoirs publics. Les deux grands volets d’activité actuels de la FSRM sont d’une part la gestion de plateforme s de coordination inter-technologiques (comme Micronarc notamment) et d’autre part, de mette sur pied des cours de formation continue (envisagés dans une logique supra-régionale, voire même européenne) ; ces cours ont été suivis jusqu’ici par quelque 17000 ingénieurs (dont 80 des milieux industriels) et mettent actuellement à contribution 200 spécialistes. En matière de domaine de compétence, sous la houlette de son directeur actuel, Philippe Fischer (également membre du Think Tank de Minnovarc), la FSRM a développé une compréhension très large et non dogmatique du concept de microtechnique (« il y a des microtechniques partout »).

    Le Département de microtechnique de l’EPFL : créé en 1979, le Département de microtechnique de l’EPFL a suivi le développement de cette institution. Rappelons que l’EPFL est née dans les débuts de la révolution industrielle suisse au XIXème siècle, mais qu’elle est restée associée à l’Université de Lausanne jusqu’en 1969, où elle est devenue fédérale (le sigle passant de EPUL à EPFL). Depuis ce changement, l’EPFL n’a cessé de se développer et dans ce sillage, les microtechniques ont joué leur rôle, fortement dans les années 80 et 90, un peu moins depuis les grands changements survenus au début des années 2000 avec l’arrivée du Président Patrick Aebischer (mais tout est relatif, étant donné l’expansion de l’EPFL) . Celui-ci a en effet ajouté au catalogue des objectifs et compétences de l’EPFL les volets sciences de la vie et neurosciences, qui ont connu depuis lors des développements vraiment très importants. C’est dans ce rééquilibrage vers les domaines du vivant et du cerveau qu’il faut comprendre les nouveaux rôles des microtechniques, même si les domaines « énergie » et « intelligence des systèmes d’objets », susceptibles de concerner les microtechniques, restent bien présents sur le radar « epfelien ». Dans cette évolution, il faut aussi signaler la démarche stratégique d’incarner toujours davantage une « université scientifique » plutôt que seulement une école d’ingénieurs,

  • 14

    laissant désormais aussi de la place, en soutien des activités industrielles du pays, aux universités professionnelles (ce qu’on appelle en Suisse les Hautes écoles spécialisées ou HES) 12.

    L’Université de Neuchâtel avait créé son propre Institut de microtechnique, en 1975 déjà, qui a été rattaché à l’EPFL en 2009, ce qui a permis à cette dernière institution de mettre le pied dans le canton de Neuchâtel et d’y investir des moyens importants, actuellement en voie de réalisation, pour y développer des synergies (le bâtiment MicroCity, qui deviendra actif fin 2013). L’ensemble de l’Institut IMT de l’EPFL, pour les deux sites de Lausanne et Neuchâtel, comprend désormais 16 laboratoires (mais bien d’autres laboratoires de l’EPFL sont concernés également par les microtechniques).

    Le Centre suisse d'électronique et de microtechnique (CSEM). Avec comme parrains, la FSRM mais aussi les Centre électronique horloger (CEH) et le Laboratoire Suisse de Recherches Horlogères (LSRH), le CSEM a été fondé en 1984 comme « Centre privé de recherche appliquée en microtechnique », une vocation plus récemment redéfinie en micro- et nano-technologies, ingénierie de systèmes, micro-électronique et technologies de la communication. Le CSEM est soutenu par la Confédération suisse et par plusieurs cantons dont Neuchâtel, Basel Campagne, Grisons et les cantons de Suisse centrale Obwald, Nidwald, Lucerne, Schwytz, Zoug et Uri.

    MicroTech Industry 13: Crée en 2003, MicroTech Industry est une association d’organisations et d’entreprises actives dans les microtechniques, née au bord du lac Léman et se développant à partir de la région lausannoise. Il est intéressant de constater que ce cluster procède d’une autre logique territoriale que ceux de l’Arc jurassien. Le Groupement Suisse de l'industrie mécanique (GIM-CH), la Promotion économique du canton de Vaud (SELT), ainsi que le Développement économique de la Suisse occidentale (ex-DEWS) et la société WebCreation-Industry.com ont été les initiateurs du projet, avec un rôle plus important des acteurs vaudois, légèrement au sud du périmètre clé de Minnovarc. Le Micro Tech Industry est également partenaire de Micronarc (et donc indirectement lié à la FSRM); les initiatives tendent à se recouper, avec des cartes à jouer et des territoires à chaque fois un peu différents, toutefois14.

    En 2000, les cantons de Neuchâtel, Berne et du Jura se mettent d’accord pour fédérer leur force et fondent la He-Arc, une université professionnelle (en Suisse : HES ou Haute école spécialisée), avec un campus multi-sites, et qui, en 2008, ouvre deux sections dans le domaine des microtechniques : l’institut de microtechnique industrielle et l’Institut de microtechnique appliquée.

    Micronarc est une plateforme de coordination et promotion d’activités autour d’un thème (au départ, « la microtechnique »), créée en 2008 dans le cadre d’une politique promotionnelle des 7 cantons romands (ou plus exactement des 7 cantons de Suisse occidentale : Genève, Vaud,.

    12

    Signalons ainsi qu’à côté des activités des universités suisses romandes (de Genève, Fribourg et Neuchâtel ), qui comportent des volets de recherche et d’enseignement en microtechniques (l’Université de Lausanne est exclue de cette l iste, car ses facultés de sciences « dures » ont été transférées à l’EPFL en 2003), plusieurs HES sont actives sur le

    périmètre de Minnovarc, notamment : la HEIG-VD dans le Nord-Vaudois (http://www.heig-vd.ch/), la He-Arc (présentée plus loin), et la Haute école bernoise qui a un campus dans la région de Bienne (http://www.ti.bfh.ch/fr.html). En fait, il s’agit de trois écoles d’ingénieurs multi-campus et situées à moins de 70 km de dis tance les unes des autres .

    13 http://www.swissmicrotechnology.com/?page=875f0bed183cb72&ste=17907. 14 Mais nous verrons qu’il y a encore d’autres clusters, qui ne portent pas le nom de microtechniqu es ou un équiva lent

    lexical et qui jouent pourtant un rôle fort pour ce qui concerne l ’avenir que nous cherchons à explorer ici . A ti tre

    d’exemple, mentionnons notamment le Cluster de la Précision, située dans les cantons de Berne et Jura et regroupant quelque 100 entreprises actives dans les micro-techniques (http://www.cluster-precision.ch/index.php?setLang=3).

    http://www.heig-vd.ch/http://www.ti.bfh.ch/fr.htmlhttp://www.swissmicrotechnology.com/?page=875f0bed183cb72&ste=17907

  • 15

    Valais, Fribourg, Neuchâtel, Jura, Berne) pour soutenir les efforts communs autour de certaines technologies jugées stratégique, comme dans ce cas « la microtechnique ». Rapidement toutefois, le label s’est élargi et aujourd’hui, Micronarc est la plateforme 15 de communication et de promotion de Suisse occidentale pour les micro- et les nanotechnologies, avec des accès facilités et groupés aux foires majeures du domaine sur la scène nationale ou internationale, un site web à caractère promotionnel, ainsi que l’organisation de conférences sur certaines questions frontières.

    Du côté français :

    Micronora : Créé en 1969, avec un rôle alors pionner, ce salon est devenu, en un peu plus de quarante ans, une référence dans son domaine d’activité . Il se tient tous les deux ans à Besançon et lors de sa dernière édition, ce sont quelque 900 exposants qui ont fait sa substance et plus de 14 000 visiteurs qui se sont croisés dans ses travées. Ce salon est devenu multi-technologique et se présente désormais comme le salon leader, au plan international, dans le domaine des microtechniques et de la précision, embrassant une large gamme d’activités, de la R&D à la sous-traitance jusqu’aux technologies de production.

    L’Ecole nationale supérieure de mécanique et des microtechniques de Besançon (ENSMM) : cette institution est l’école de référence pour les microtechniques s’il en est. Elle a incorporé ce label en 1980. Mais en 1961, l’école avait déjà été baptisée « Ecole nationale supérieure de chronométrie et micromécanique de Besançon », et un institut portait déjà ce label dès 1928, faisant véritablement de cette institution un des précurseurs du concept de « microtechniques ». En 1995, l'ENSMM a déménagé dans un nouveau bâtiment situé sur le site de TEMIS (voir plus bas).

    L’Institut des microtechniques de Franche-Comté (IMFC) est créé en 1990, comme une fédération de laboratoires, mais avec des locaux propres en 1998. Il a pour organisme du tutelle l’Université de Franche-Comté, associée au CNRS. Il préfigure le FEMTO-ST.

    Le Centre de transfert des microtechniques a été créé en 1999. Il s’agissait d’une institution d’intermédiation entre chercheurs et industriels, avant que différents regroupements ne surviennent, dans les années 200016 (avec la création, en remplacement du CTM, du Centre de transfert des micro- et nanotechnologies ou CTMN, puis, en 2007, avec la création de l’Institut Pierre Vernier, regroupant quatre institutions de transfert, et récemment fermé (mars 2013) 17.

    Minatec : Fondé en 1999, Minatec est un technopôle et un campus grenoblois, un lieu physique où sont domiciliées des organisations diverses ayant des activités en partie liées aux microtechniques (campus d’innovation pour les microtechnologies et les nanotechnologies) . Minatec est une émanation d’une activité de diversification du CEA (Commission pour l’Energie atomique) déjà ancienne. Tout comme comme Minalogic, pôle de compétitivité aux thèmes de travail proche et actif sur le même territoire grenoblois (cf. plus bas),

    15

    Nous aurons l ’occasion de nous pencher sur certains termes très « franco-français » (comme « fi l ière », « pôle de compétitivité » ou « labellisation », mais nous avons ici deux termes très « suisso-suisses » qui demandent à être éclaircis pour les non locuteurs : « promotion » veut dire « action systématique en faveur du développement d’un certa in domaine », et « plateforme », « s tructure de concertation, de communication et de coordination ».

    16 Cf. l ’article de Michel Frohl icher dans En Direct (No 191, janvier 2005) : http://www.univ-

    fcomte.fr/index.php?id=numero_155_13_1&art=1644). 17

    http://factuel .info/articles/microtechniques -l insti tut-pierre-vernier-ferme-ses -portes

  • 16

    Créé sur le papier en 2001 par le CNRS, en réalité démarrant en 2003, le LEA-Microtechnique a pour vocation de mettre en commun les capacités des labos français avec les labos étrangers 18, avec une grande ambition (LEA signifie Laboratoire « européen »), il s’agissait de créer un « laboratoire sans mur », et faciliter des projets transfrontaliers dans les microtechniques19. Ce concept a fonctionné jusqu’en 2006, avec quelques succès, mais sans devenir une référence 20 IL a surtout permis d’accroître les liens réseaux entre labos et entre personnes, et de faire apparaître l’évidence d’intérêts et de capacités académiques convergentes. Son but était de « renforcer la place de cette région sur la carte de la recherche européenne », et viser « l’acquisition de projets exploitant les compétences complémentaires des divers labos partenaires » (Marquis-Weible 2003), force est de reconnaître 10 ans plus tard que si plusieurs activités nées du LEA ont montré l’intérêt de cette échelle de travail, le pari n’a pas débouché sur une force de recherche transfrontalière complètement convaincante21.

    TEMIS, technopôle microtechnique et scientifique : TEMIS est un regroupement spatial de 250 hectares, d’activités convergentes de type technopôle, né en 2001 et inauguré en 2005, et comprenant notamment sur le même site La Maison des microtechnique qui abrite un incubateur et le Pôle des microtechniques de Besançon un des pôles de compétitivité de la politique industrielle française22, l’ENSEMM et le FEMTO-ST (cf. plus bas).

    FEMTO : L'institut FEMTO-ST (Franche-Comté Electronique Mécanique Thermique et Optique - Sciences et Technologies) est une Unité Mixte de Recherche associée au CNRS (et rattachée simultanément à l'Université de Franche-Comté (UFC), l'Ecole Nationale Supérieure de Mécanique et de Microtechniques (ENSMM), et l'Université de Technologie de Belfort-Montbéliard (UTBM). FEMTO-ST a été créé le premier janvier 2004 par la fusion de 5 laboratoires de Franche-Comté actifs dans les domaines de la mécanique, de l'optique et des télécommunications, de l'électronique, du temps-fréquence, de l'énergétique et de la fluidique. Il regroupe ainsi quelque 700 chercheurs.

    Le Pôle des microtechniques de Besançon : Créé en 2005, le Pôle est l’organisation qui aujourd’hui incarne cette idée de promotion et de valorisation des microtechniques. Il s’agit d’un pôle de compétitivité, donc un des quelque 71 dispositifs accrédités de la politique industrielle de la France sous ce label. En même temps, il s’agit essentiellement d’une instance de labellisation de projets23. Alors que les acteurs suisses plus ou moins équivalents diversifient leurs activités et lignes d’appartenance thématique ou industrielle (comme on l’a vu pour la FSRM et Micronarc), le Pôle reste, quant à lui, ancré sur ses principes fondateurs et se montre proactif pour tisser des liens inter-clusters avec des organismes plus ou moins semblables

    18

    Cf. pour une présentation du LEA-microtechniques au moment de son lancement, Marquis -Weible (2003), http://www.ssc.ch/d2wfi les/document/621/5076/0/LEA%20-%20Microtechnique.pdf

    19 I l y eut d’autres initiatives similaires, comme par exemple le LIMMS (Le LIMMS pour Laboratory of Integrated Micro Mechatronic Systems), laboratoire international mixte entre le CNRS et l’Université de Tokyo , qui accueille en son sein des chercheurs CNRS et des enseignant-chercheurs ; très orienté « microtechniques », avec la participation d’acteurs franc-comtois (FEMTO-ST), i l a été créé en 1995.

    20 Cf. le travail de Felli, Leresche et Gaillard (2005), tra itant au sein d’un vaste panorama d’actions transfrontalières, de

    la question du LEA, et qui poursuit une réflexion entamée par Leresche et Malatesta (1998). 21

    Fort de cette expérience, le récent projet de créer une communauté du savoir « Arc jurassien » permettra peut-être de reprendre cet enjeu et de le tra i ter de façon plus ouverte.

    22 Pour plus de déta i l s sur la Maison des microtechniques : http://www.temis .org/fr/temis -

    technopole/presentation.html / http://www.lamboleyarchi tectesoffice.com/temis -innovation-maison-des -microtechniques -besancon.html .

    23 La labellisation est un de ces termes franco-français qu’il faut à coup sûr expliquer aux Suisses, cons is tant à certi fier

    des projets dans le cadre d’une politique publique et attester qu’ils sont bons et conformes à la s tratégie généra le.

    http://www.temis.org/fr/temis-technopole/presentation.html%20/http://www.temis.org/fr/temis-technopole/presentation.html%20/

  • 17

    ailleurs. Le Pôle des microtechniques de Besançon annonce sur son site quelque 400 entreprises microtechniques (pour la Franche-Comté)24 et compte une centaine d’adhérents.

    Minalogic : Labellisé en Juillet 2005, Minalogic est un pôle de compétitivité dit « mondial » (ils ne sont que sept en France à avoir ce label), actif dans la région Grenoble-Rhône-Alpes dans les domaines des micro- et nanotechnologies et du logiciel. Il est naturellement apparenté à Minatec (cf. plus haut)25. Au moment où nous écrivons ces lignes, l’ensemble du dispositif d’innovation académique de la région est virtuellement regroupé sous le label « GIANT » (pour « Grenoble Innovation for Advanced New Technologies »), un cluster évalué à 6000 chercheurs, bientôt 10000 nous dit-on, mais qui dépasse naturellement le cadre des microtechniques (http://www.giant-grenoble.org/fr/).

    Pour les aspects plus internationaux :

    Microtek SüdWest : Microtek SüdWest n’est pas un technopôle, mais un cluster, soit un certain regroupement géographique (tout relatif) d’activités industrielles et de recherche convergentes dans le Sud-Ouest de l’Allemagne, c’est-à-dire d’acteurs désireux de se doter d’une stratégie d’ensemble. Fondé en 2008, ce cluster est actif dans l’électronique, la micro-mécanique, les micro-systèmes et les « solutions intelligentes ». Le contexte de Microtek SüdWest n’est cependant pas aussi homogène que celui des acteurs de l’Arc jurassien. Il s’agit d’une association encore jeune et évoluant dans un contexte fédéraliste, avec de multiples alliances industrielles traversant tant son territoire que son champ thématique, un peu à la manière suisse. Dans les discussions que nous avons eues avec des dirigeants de ce cluster, il y a semble-t-il, comme un peu partout, des décalages à surmonter entre la stratégie officielle de la région et du cluster, et les activités très hétérogènes des industriels qui en sont membres. N’en reste pas moins qu’il s’agit d’une association de valeur, comprenant des industriels dynamiques, travaillant dans une région riche et ambitieuse.

    MicroTek SüdWest, à moins que d’autres formes d’alliances n’apparaissent plus stratégiques et urgentes dans le futur proche dans cette région, restera dans le paysage des acteurs de l’Arc jurassien des microtechniques ; mais, sommes-nous aussitôt tentés d’ajouter, au même titre que de nombreux autres qui, eux, ne portent pas le label « microtechnique » tout en travaillant dans des domaines équivalents ou proches. L’inventaire que nous faisons ne reflète en effet pour l’instant que ceux qui arborent le label « microtechniques », mais de loin pas l’ensemble de tous ceux qui travaillent dans ce domaine. Un système de partenariats des organisations de l’Arc jurassien actives dans les microtechniques peut donc sans problème se développer avec quantités d’organismes proches par l’orientation industrielle, mais qui ne portent pas le nom de « microtechniques ». Dans ce sens-là. Microtek SüdWest n’est pas spécial, si ce n’est une certaine proximité géographique.

    24 L’expérience concrète du staff de Minnovarc, comme cela l ’a du reste été du côté suisse avec les entreprises

    annoncées comme microtechnique dans le cadre de Micronarc, est que ce chiffre doit certa inement être revu à la ba isse. Nous reviendrons plus loin sur le problè me de l ’absence de données fiables sur les microtechniques .

    25 On pourra it naturellement approfondir la relation franco-française existant entre Minatec/Minalogic d’une part et les

    activi tés en microtechniques de Franche-Comté, emmené par son propre pôle de compétitivi té. Il s ’agirait d’un travail d’historien ou de géographe économique. Nous ne retiendrons ici que la parenté entre les deux pôles et le fait que la

    Franche-Comté, bien que plus modeste dans ses chiffres, s ’est nourrie d’une véri table antériori té en la matière (microtechniques), ou plutôt d’une his toire di fférente mais origina le.

  • 18

    Microtechnics Alliance : il s’agit d’une alliance inter-clusters, dont les partenaires ont été fédérés à l’occasion de Micronora 2102 grâce au rôle-clé du Pôle des microtechniques de Besançon et de son directeur Olivier Mérigeaux26. Cette alliance comprend le Pôle franc-comtois bien sûr, mais aussi, toujours pour la France, Minalogic (un pôle de compétitivité thématiquement proche), du côté suisse, Micronarc, et du côté allemand, Microtek SüdWest. C’est aujourd’hui l’idée la plus avancée d’un « arc » microtechnique de Grenoble à la Thuringe, pour reprendre les mots de l’ARD27, mais où les activités qui lui donneront finalement sa substance restent encore à construire. Un projet européen pourrait prochainement lui donner un peu plus de poids 28.

    A cette liste, il faut ajouter quelques entreprises qui par le monde et dans différentes langues ont mis microtech ou un équivalent dans leur appellation, et dans cette logique, men tionner le Swiss Microtech Enterprise network, un groupe de 6 entreprises suisses installées dans le Jura bernois et le canton de Neuchâtel et actives en micro-mécanique, alliées principalement pour des économies d’échelles dans les achats et l’échange d’information29.

    Dans les associations ou clusters portant le « patronyme » microtechnique ou un équivalent, il faut encore mentionner trois entités associées à, ou proches du périmètre Minnovarc :

    - le TIMELAB - Fondation du laboratoire d'horlogerie et de microtechnique de Genève (LHMG), 2009 (surtout actif dans l’horlogerie)30.

    - Le salon EPHJ-EPMT, désormais établi à Genève, qui est un salon international de haute

    précision regroupant horlogerie-joaillerie, microtechnologies et medtechs ou la partie EPMT veut dire « Environnement professionnel microtechnique » (http://www.ephj.ch/wp3/2559)

    - Tout récemment créé en Suisse centrale, le Microtechnology Cluster (Mikrotechnologie

    Kompetenz für die Wirtschaft, ou « compétences microtechniques pour l’économie »)31. Ce cluster regroupe une quinzaine d’entreprises, le CSEM en fait partie.

    Faisons enfin état de quelques exceptions à l’idée qu’en dehors du périmètre large Grenoble -Besançon-Suisse romande SüdWest Deutschland, il n’y a guère de microtechniques appelées ainsi : le salon nord-américain Techconnect, qui comprend, parmi d’autres, un salon spécifique « Microtech » (mais nous verrons plus loin que les microtechs, dans cet événements, ne sont pas faciles à trouver),

    26

    Qui est membre du Think Tank de Minnovarc. Il vaut la peine de mentionner que les premiers contacts ava ient déjà été pris pour cela par le précédent directeur, Jean-Michel Paris (co-président du Think Tank de Minnovarc), dès la phase de création du cluster allemand, en 2008-09, déjà avec cette idée stratégique d’un arc Grenoble -Besançon-

    Al lemagne du Sud, comprenant sur son flanc sud-est, la partie suisse romande. En 2008, le directeur du Pôle d’a lors , identifie même une activité microtechnique au Danemark (île Fionie) et se plaît à rêver d’un croissant microtechnique de 2000 km a l lant du Sud de la France au Danemark, un des leaders mondiaux du domaine à l ’horizon 2015 :

    (http://www.dgcis.gouv.fr/files/files/archive/www.industrie.gouv.fr/biblioth/docu/kiosque/cahiers/c124p22.html). Minnovarc a du reste été un des moyens explorés par les acteurs franc-comtois des microtechniques pour

    s ’approcher de ce but, dès 2007, avec rapidement le constat de la difficulté de trouver en Suisse des organisations symétriques à celles existant en France. En d’autres ci rconstances, ce n’est pas la métaphore du croissant qui a été avancée, mais celle du triangle (« Le Triangle des microtechniques », avec un bout d’angle dans l’Arc jurassien suisse).

    On sent derrière ces tentatives, un réel effort promotionnel et le b esoin de créer des a l l iances supra -régionales . 27

    Mentionnons pour nuancer ce propos, que les documents de l ’ARD font bien état de tous les pôles s i tués dans son périmètre, mais avec une mise en évidence plus centrale des microtechniques : http://www.innover-en-franche-comte.fr/content/download/3830/36563/fi le/microtechniques__40p_francais .pdf

    28 Pour plus de déta i l s sur ce projet d’a l l iance inter-cluster :

    http://www.micronarc.ch/media/Micronarc_press_release_ALLIANCE_20120924.pdf 29 http://www.swissindustries.com/fr/entreprise/details/ateliers-mecaniques/swiss-microtech-enterprise-network/117 30

    http://www.timelab.ch/news 31 http://www.mccs .ch/en/microtechnology-cluster/

    http://www.ephj.ch/wp3/2559http://www.dgcis.gouv.fr/files/files/archive/www.industrie.gouv.fr/biblioth/docu/kiosque/cahiers/c124p22.html

  • 19

    le réseau de collaboration franco-japonais NAMIS (pour Nano Micro Systems), mais où on sent une très forte influence d’acteurs français et suisses qui nous sont désormais connus ; et enfin, et c’est la seule véritable exception de tail le, la Graduate School de Microtechnology and nanoscience du département éponyme de l’Université suédoise de Chalmers.

    2.2 Commentaires

    L’horlogerie et la mécanique fine sont pour la Franche -Comté comme pour la partie Suisse romande32 la base technologique, les métiers sur lesquels dès les années soixante au moins, des industriels et des enseignants techniques tentent, par évolutions successives, de faire émerger ce qui sera en Suisse, la microtechnique et en France, les microtechniques33. Cela ne s’est pas en une fois, les chemins voulus par certains visionnaires ont parfois dû attendre que des développements scientifiques ou technologiques arrivent à une certaine maturité, notamment dans le domaine de l’électronique et de la micro-électronique (un véritable facteur d’explosion des options et des compétences dans l’évolution du domaine microtechnique), plus tard aussi, dans les technologies de l’information et de la communication et plus récemment encore, dans les matériaux.

    La filiation est indiscutable, en revanche, le parrainage, et plus récemment le compagnonnage entre microtechniques et horlogerie ne vont pas de soi, ils restent de subtiles source de complicat ions, voire de vulnérabilités.

    1. La Suisse a peut-être vu naître le concept de microtechniques un peu plus tôt que la France 34, seuls des historiens pourront le dire avec certitude, mais force est de constater qu’avec le temps et l’installation de ce concept dans le paysage régional, de part et d’autre de la frontière , les Suisses ont eu tendance à maintenir la dimension microtechnique comme une des forces actives à développer et à défendre dans un paysage industriel pluriel, alors qu’en France, dans la région grenobloise de façon large, et surtout dans en Franche-Comté de façon très affirmée, on a progressivement fait du concept microtechnique le fer de lance principal de l’espace de la compétitivité industrielle régionale. On en veut pour preuve non seulement le rôle prédominant du Pôle des microtechniques de Besançon, avec l’idée associée à sa mission, de concentrer autour de son label les efforts de la recherche et de l’innovation industriel de toute la région, mais également les efforts extrêmement explicites d’une part de l’ARIST sur l’idée en devenir d’un rôle international à renforcer autour de cette compétence microtechnique, et d’autre part, de l’ARD, qui entend faire des microtechniques un levier de développement central, où il s’agit de prendre appui sur le passé pour organiser dans l’avenir les promesses de capacités et de marchés dont les microtechniques seraient porteuses. Nous verrons au chapitre 8, les nuances qu’il convient d’apporter à cette observation.

    32 La Suisse romande : Un concept territorial pas toujours très clair, mais qui va , sans aucun doute possible, au-delà du

    périmètre de l’Arc jurassien suisse, avec d’une part des capacités de formation et des entreprises importantes dans les cantons de Genève, de Fribourg et du Valais, et pour les cantons de Berne et Vaud qui font partie de l’association arcjurassien.ch, des territoires éloignés du cœur « jurassien » et très dynamiques économiquement, y compris en termes de spécia l i tés microtechniques .

    33 Pour une idée plus précise et détaillée de la fi l iation mécaniqu e fine- micro-mécanique – microtechnique, cf.

    notamment les travaux i ssus du colloque CETEHOR – Musée du Temps ((1996), Normand et Larceneux (199) et Tissot et Perret (2000).

    34 Nous refusons bien sûr d’entrer dans la « gé-guerre » de « qui éta i t le premie r ».

  • 20

    On voit donc en France, à lire les documents des différents protagonistes régionaux tout au moins, une véritable stratégie industrielle, centrée autour des microtechniques et avec des activités collatérales de valeur par rapport à cette filière 35 de référence36. Des efforts convergents au plan organisationnel et communicationnel se mettent en place dès 2004-2005, et touchent à tous les niveaux du système de formation supérieure ou professionnelle37. On sent ainsi émerger une démarche à la fois stratégique et identitaire.

    Rien de tel en Suisse, la FSRM est une petite structure faisant l’intermédiaire pour plusieu rs plateformes de travail technologiques, « la » microtechnique n’étant que l’une d’elle, même si elle est encore au cœur de son nom, la FSRM (mais qu’on ne prononce plus guère dans son ensemble, bien trop long). MicroCity, le nouvel édifice de l’EPFL à Neuchâtel, et depuis bien des années déjà, le CSEM, peuvent donner l’impression contraire ; mais en fait, ces initiatives ou activités sont quelques-unes parmi de nombreuses autres38, comportant d’autres finalités et métiers de base que les seules microtechniques, d’autres formes d’association territoriale et d’autres centres d’attention, qu’il s’agisse d’investissements industriels préférentiels ou de communication. Ce décalage reviendra plus d’une fois dans la discussion que nous allons mener.

    2. On sent en effet déjà, dans la façon dont les choses se sont organisées, des différences France/Suisse importantes. Nous aurons l’occasion de les examiner plus en détail dans les chapitres suivants. Mais dans la mise en place des institutions et programmes ou proje ts porteurs de l’idée et surtout du label « microtechnique », on constate assez rapidement que les deux versants de la chaîne du Jura ne se comportent pas de façon symétrique. La culture industrielle est différente, la possibilité en France de définir une politique publique en la matière et de mener une stratégie en accord avec cette politique pour la faire exister, n’a pas vraiment d’équivalent en Suisse. Les acteurs suisses, dans cette perspective, ont à la fois une marge de manœuvre intrinsèque peut-être plus élevée (pas de diktat « d’en haut »), mais aussi des visées plus indisciplinés (ou multi-disciplinés), dans une culture où peuvent coexister plusieurs géométries, plusieurs manières de s’affilier, plusieurs raisons sociales et bien souvent aussi une concurrence interne sans ménagement. Ces différences touchent également à l’usage d’un terme comme « microtechniques », plus opportuniste que stratégique du côté suisse.

    35 « Fi l ière », voici un concept qui semble aller de soi mais qui n’est guère uti l i sé en Suisse, a lors qu’i l joue un rôle

    classificateur de premier plan dans les politiques industrielles françaises . Pour le lecteur non « franco-français », « fi l ière », dans le cadre industriel, désigne une chaîne d'activités et en économie, le regroupement cohérent, d'un point de vue technico-économique, des opérateurs et des activités concourant à la production de biens ou de services identiques ou proches. C’est assez clair. En revanche, le fait que le terme soit fortement utilisé en France et très peu

    ou pas du tout en Suisse n’est pas qu’un problème langagier, plutôt l’expression de la manière dont sont organisées les activi tés industriel les et surtout de la concep tion de cette organisation.

    36 Les deux organismes qui donnent le ton, dans cette démarche, sont le Pôle (dont on sent aussi l ’influence « entre les

    l ignes », dans l’article « Microtechniques » de Wikipedia (http://fr.wikipedia.org/wiki/Microtechnique ) et l ’ARD, qui l ’un et l ’autre promotionnent l ’idée microtechnique sur leur site web et dans des plaquettes. L’ARD, en particul ier a

    publié deux plaquettes de type « manifeste » : « Franche-Comté, Territoire microtechnique », et « Invest in Franche-Comté, Terri toire microtechnique », toutes deux comportant une démarche promotionnelle claire et dense, ainsi que des cartes très détaillées sur les implantations d’entreprises microtechniques. Mentionnons aussi, comme convergent

    avec cet effort de communication, le rôle de l’ARIST (http://www.micro-nano-event.eu/s i te/?Ti tre=Home&Cle=50). 37 On a même crée un bacca lauréat « Pro » microtechniques : http://www.onisep.fr/Ressources/Univers -

    Formation/Formations/Lycees/Bac-pro-Microtechniques . 38

    L’EPFL notamment compte une douzaine au moins de priori tés s tratégiques de ce niveau.

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Microtechniquehttp://www.micro-nano-event.eu/site/?Titre=Home&Cle=50http://www.onisep.fr/Ressources/Univers-Formation/Formations/Lycees/Bac-pro-Microtechniqueshttp://www.onisep.fr/Ressources/Univers-Formation/Formations/Lycees/Bac-pro-Microtechniques

  • 21

    2.3 Une période enchantée

    Tentons ici une hypothèse que nul ne pourra confirmer ou infirmer, mais qui veut éclairer le présent propos d’une manière nouvelle : la volonté de mettre les microtechniques en avant, comme levier d’excellence et de prospérité souhaitable n’aurait probablement pas vu connaître l’attention qu’ il a eu sans la crise horlogère des années soixante-dix à quatre-vingts. Durant cette époque, le pays horloger, en Suisse et en France, pour des raisons variées qu’on a trop souvent réduit à la seule apparition perturbante de la montre électronique, a été ravagé. La Suisse a pe rdu jusqu’à deux tiers de sa main d’oeuvre, la France ses plus beaux fleurons.

    C’était la crise, la vraie. Dans ce contexte particulier, beaucoup de choses ont été essayées, parfois avec succès, mais une des opérations majeures qui ont marqué cette phase délicate de l’histoire de l’Arc jurassien a été de se demander si l’on ne possédait pas d’autres capacités, associées aux talents de faire des montres, que l’on puisse mettre en avant de manière plus large et ouverte, en pointant résolument vers d’autres marchés possibles. Dans ce marasme dont il fallait à tout prix sortir, dans le flux d’idées qui a émergé pour fabriquer des lendemains plus prometteurs est survenu un mot magique : microtechnique (ou microtechniques). Le concept existait déjà, on l’a vu, ma is dans ce contexte déprimé, il tombait à pic. Il laissait en effet entendre un rebond potentiellement favorable, un élargissement en profondeur des possibilités de valoriser les compétences indiscutées de la région, un plus grand dénominateur commun qu’il ne fallait même pas expliquer tant il s’inscrivait dans la continuité des jours heureux désormais passés ; mais davantage encore, il était porteur d’un discours de modernité, de progrès. Des instituts ont ainsi été créés, des spécialistes formés, des marchés nouveaux explorés, renforçant à chaque fois l’idée que l’on avait sans doute pas tout perdu.

    C’est ainsi que peu à peu les entreprises de la région vont pouvoir disposer d’ingénieurs qualifiés, au fait des dernières technologies et que des partenariats entre hautes écoles et entreprises vont fleurir pour contribuer conjointement à faire émerger une compétence collective en matière de microtechniques39.

    Dans le même temps, Ô miracle, à la faveur de certains remaniements financiers et structurels, de l’entrepreneurship et de l’inventivité de quelques-uns, l’industrie horlogère suisse se redresse, permettant aux microtechniques de progresser gentiment, sans avoir à assumer toutes seules le revenu régional. Les microtechniques ont pu peu à peu trouver leurs marques et se développer, maîtriser l’art de manufacturer des composants nouveaux et des sous-systèmes qui l’étaient tout autant, de trouver dans les medtechs et les télécoms, l’automobile ou l’aéronautique des marchés secondaires de plus en plus importants, et pour la partie française de se trouver de nouveaux talents sans pour autant perdre le fil des liaisons « horlogères » avec la Suisse.

    Dans cette évolution, les cantons les moins au centre du dispositif horloger, comme le canton de Vaud et plus particulièrement sa partie lémanique, ont pu aller encore plus loin que les autres. Il est vrai que dans ce canton, par moindre besoin de se référer à l’horlogerie, on n’a pas forcément dû non plus se réclamer du label « microtechniques » pour faire… des microtechniques.

    Les années 80 et 90 ont donc été la période enchantée des microtechniques où elles ont pu progresser sans avoir à jouer un rôle central dans la prospérité générale40, du moins en Suisse et que

    39

    Pour une aperçu des transformations qui se sont opérées durant toute cette période, cf. Crevoisier (2007). 40

    Témoignages de ces analyses motivantes du début de la phase de croissance, de part et d’autre de la frontière : pour la Suisse, cf. Németi (1997), et pour la Franche -Comté, cf. Normand et Larceneux (2000). Ce ne sont là que deux exemples parmi d’autres , mais assez affi rmés d’une industrie en phase de recompos ition innovante.

  • 22

    déjà on pouvait sentir qu’avec les medtechs et surtout les biotechs un nouveau paradigme était en train d’émerger, sans grande connexion avec le passé horloger.

    Durant cette période enchantée, où la Franche-Comté et l’Arc jurassien suisse redécouvre leurs valeurs, les scientifiques ont également apporté leur contribution. En France, les contributions de Sophie Carel sont plus tardives, et l’on voit déjà dans ses travaux des problèmes survenir. Nous y reviendrons. Mais durant la période 1992-2002, ce sont surtout les travaux de l’équipe de Denis Maillat et de ses collaborateurs à l’Université de Neuchâtel qui attirent l’attention . Ceux-ci sont le plus souvent très positifs, soulignant la formidable vitalité des milieux innovateurs à se recomposer et notamment leur capacité à recréer des liens de réseau innovants et à porter les changements industriels dans le terreau de l’Arc jurassien, comme avec le virage électronique dans les années 80 et la production flexible (ou Computer integrated manufacturing-CIM) dans les années 9041. Pour mesurer le degré d’enchantement amené par le concept de microtechniques, deux informations issues de ces travaux méritent l’attention (on pourrai naturellement en mentionner d’autres : en 1992,Németi et Pfister annoncent (selon les sources de leur propre institut), pl us de 100'000 emplois dans les microtechniques en Suisse, en cumulant tous les secteurs qui touchent de près ou de loin à cette activité, probablement ; 10 ans plus tard, Grosjean (2002) démontre que ce secteur d’activité a acquis son autonomie. Il faut prendre ces affirmations au deuxième degré, comme allant dans le sens du poil par rapport aux espoirs placés dans les microtechniques à l’époque.

    On peut ensuite plus facilement envisager la période de 2000 à 2010 comme une phase de renforcement, de réaffirmation des fondamentaux (les microtechniques?), mais aussi de diversification micro et nano, avec les micro-systèmes, les solutions intelligentes, les industries porteuses comme les medtechs, biotechs et télécoms, correspondant en gros aux évolutions des techno-marchés à l’échelle globale. Dans ce processus, on voit que la Suisse construit une ligne de travail plurielle, avec au sein de celle-ci, les microtechniques ; tandis qu’en France, on exprime plus nettement la volonté de maintenir les microtechniques au centre de la stratégie régionale. Mais, jusqu’en 2006-2008, le concept de microtechnique garde sa force motivante et fait partie du paysage compétitif de l’Arc jurassien franco-suisse, dans son ensemble et de manière indiscutable.

    Tout ce qui précède constitue le verre à moitié plein du problème que nous avons examiné. Avant de faire un bilan permettant ensuite d’envisager des futurs possibles, il nous faut maintenant aussi examiner le verre à moitié vide.

    2.4 Les microtechniques, qu’est-ce que c’est au fond ?

    Le Think Tank de Minnovarc s’est posé cette question telle qu’elle; d’abord pour crée en son sein une culture commune, ensuite pour se constituer si possible en une autorité en la matière (on allait enfin pouvoir créer une définition de référence). Les deux premières sessions de travail du Think Tank ont été consacrées à cette question. On s’est très rapidement aperçu que cela n’irait pas de soi.

    Nous avons commencé par le commencement. Il y a avait dans le Think Tank deux directeurs de deux des plus importantes institutions en matière de microtechniques, celui du Pôle des microtechniques

    41

    Cf. pour cette période où les microtechniques sont théorisées au sein du concept de « mi lieux innovateurs », révision de la notion marshallienne de « District industriel », avec un accent plus important mis sur l’innovation et la cul ture

    technique, Maillat, Németi, Pfi s ter et Siviero (1992, 1993), Németi et Pfis ter (1994), Németi (1997), et Gros jean (2002).

  • 23

    de Besançon pour la France, celui de la Fondation suisse de recherche en microtechnique (FSRM) pour la Suisse42. Ces deux institutions ont des définitions des microtechniques sur leur site.

    Une des premières définitions que nous avons trouvées est celle proposée dans l’étude 2001 du Conseil économique et social de Franche-Comté43 ; ses experts, bien conscients de la difficulté à laquelle ils se confrontaient, suggéraient de voir les choses ainsi : « Pour qu’un composant soit microtechnique, il faut : - soit tenir compte de sa taille et parler de micro-pièce, métallique ou non, si son volume est de

    l’ordre du mm3, voire plus petit, - soit tenir compte de sa fonction et parler de microsystème : on entend ainsi l’assemblage de

    plusieurs pièces parmi lesquelles certaines peuvent être grandes et d’autres très petites. Ces microsystèmes incluent forcément un faible développement ou transfert d’énergie, quelle qu’en soit la source (électrique, pneumatique, hydraulique...), qui serait de l’ordre du microwatt. »

    Pour le Pôle, les microtechniques sont tout ce qui relève des technique s du petit, précis et intelligent, et il y en a dans tout (« Inside everything »). On trouve aussi une indication de taille, mais qui à l’évidence ne suffit pas à caractériser le domaine : « l'échelle des microtechniques commence au micromètre (µm, soit 10-6 mètre) pour finir au millimètre ». De manière plus développée, on trouvera sur le site du pôle cette présentation :

    « Le passé récent est marqué par le développement de produits miniaturisés combinant en leur sein une pluralité de fonctions et mettant en œuvre une grande variété de disciplines scientifiques et de technologies. La miniaturisation est un objectif constant de nombreux secteurs industriels, à la fois pour accroître le confort pour les utilisateurs, réduire le poids et l’encombrement des objets, permettre plus de flexibilité dans les usages par le caractère portable et la possibilité de combinaison des objets entre eux, ou encore réduire les coûts de production par les économies de matière, le développement de nouveaux usages et la plus grande diffusion des produits. Le développement de tels objets ‘intelligents’ est aujourd’hui un enjeu majeur, devant permettre le développement d’applications tant pour le grand public que pour les professionnels. »

    Pour la FSRM, sur le site de Micronarc, on trouve :

    « Les micro- et nano-technologies regroupent un ensemble de techniques de fabrication permettant de réaliser des objets de très petites dimensions et/ou avec une très grande précision. Il est courant de parler de microtechniques pour des procédés qui permettent de travailler avec des précisions de l'ordre du micromètre et de nanotechnologies dès que l'on descend au-dessous de 100 nanomètres. Toutefois, la frontière entre micro et nanotechnologies reste assez floue. Les microtechniques englobent la mécanique de précision, les technologies de la microélectronique, en particulier les procédés d'usinage par photolithographie et toutes les technologies MEMS (Micro Electro Mechanical Systems) qui en découlent, mais aussi

    42

    On trouvera sur le s ite de Minnovarc, dans la partie consacrée à la 1ère session du Think Tank, une interview de ces deux personnes sur ce problème (de la définition), confirmant les propos et points de vue exprimés dans ce chapitre.

    43 http://www.cese.franche -comte.fr/uploads/tx_dkl ikpubl ications/microtechniques2001.pdf

  • 24

    la micro injection de plastiques, l'usinage par laser, par micro-sablage ou par électroérosion. »

    On trouve dans ces deux définitions-présentations à la fois beaucoup d’informations et aussi les ingrédients des problèmes qui sont apparus par la suite : très grande hétérogénéité du concept, relevant de nombreux métiers pré-existants ou en cours de développement, une caractéristique du reste confirmée par la forte fragmentation territoriale des implantations et des réseaux d’entreprises, pas de frontières claires internes et externe, et une difficulté de savoir :

    1. si l’on se réfère plutôt à des processus ou à des produits (ou aux deux, mais c’est rare, le plus souvent, dans des cas concrets, il s’agit plutôt de l’un ou de l’autre) ;

    2. si l’on se situe strictement au niveau des composants qui s’intègrent dans des objets qui finiront en produits pour des marchés (actuateurs, capteurs, poutres, etc.), au niveau de ces objets eux-mêmes (téléphones portables, tableaux de bord pour automobile, thermomètres médicaux, etc.) ou encore au niveau de ces marchés eux-mêmes (cleantechs, medtechs, télecoms, etc.), toutes formes de réalités qui requièrent des compétences différentes et des dimensions technologiques et commerciales également différentes.

    Est-ce que le concept de microtechniques est justement le terme qui adéquatement englobe tout cela, tout en en traversant chacune de ces dimensions internes de manière pertinente et mieux qu’aucun autre terme ? Voilà la première question que l’on s’est posée. On retrouve du reste cette difficulté liée à l’agrégation des niveaux, étapes, ou encore secteurs et métiers dans la définition de microtechniques telle qu’elle figure sur Wikipedia (avec l’influence déjà évoquée du Pôle des microtechniques de Besançon), où on trouve mentionnées des techniques ne couvrant pas moins de 14 domaines technologiques-métiers-marchés, donnant une idée de l’étendue des activités de ce que sont les microtechniques44.

    En fait, même cela s’est avéré être une opération très astucieuse, la promotion du concept de microtechniques ne doit pas nous cacher la vérité : les microtechniques sont un collage technologique.

    Pour construire, il faut parfois d’abord déconstruire, c’est ce que nous avons fait, tout en ayant à l’esprit une idée de synthèse nécessaire et de finalité englobante (plutôt qu’un moyenne des opinions). Dans cette première étape, nous étions convaincus que nous pourrions renforcer le concept et en faire un instrument promotionnel de premier plan.

    Le travail a consisté à se réunir tout d’abord en petits groupes (il est parfois difficile de discuter efficacement à 25) et de construire dans chacun d’eux une cartographie des microtechniques (avec ce qu’elles étaient et ce qu’elles comprenaient) au moyen d’une part , d’une matrice pré-établie, et d’autre part, de la méthode japonaise KJ (sur la base de consignes communes, chacun inscrit ses idées sur de petits bouts de papier, qu’il s’agit ensuite de placer collectivement sur une grande feuille). Sur celle-ci figure la matrice opposant dans l’axe vertical micro-mécanique et micro-

    44

    Dans ce chapitre consacré aux définitions, nous ne pouvons résister à évoquer la très s timulante prés entation de Chol let (2010), associée à L’Université de Franche.-Comté, au LEA-microtechniques et au FEMTO-ST, qui défini t les microtechniques comme « tout ce qui a besoin de micro/nano-fabrication » (i l y a bien sûr tautologie, mais c’est

    original !), cf. http://esplab.epfl.ch/files/content/sites/esplab/files/microtechniques-mais-jusqu-ou-s-arreteront-elles-F-CHOLLET.pdf

  • 25

    électronique et dans l’axe horizontal , les procédés d’un côté et les produits-marchés de l’autre45. Puis, une fois ce travail fait, le staff de Minnovarc s’est livré à une première synthèse, qui a été discutée, puis retravaillée pour la session suivante. Les résultats sont très intéressants en ce sens qu’ils font apparaître une quantité d’idées, venant de plus de vingt-cinq personnes très au fait de ce que peuvent être les microtechniques ; du moins était-ce l’hypothèse de départ. Le but, il est vrai, était multiple, l’objectif de définition n’étant que l’un d’eux. Il y avait aussi l’idée de forcer chacun à devoir faire des choix (priorités dans la rareté des options à disposition, associées à la rapidité de positionnement de ces choix), de faire apparaître des principes, anomalies, tendances et paradoxes, et d’initier une démarche de type « intelligence collective » en tirant parti de nos différences. On trouvera en annexe la présentation de ces quatre cartographies

    Le résultat synthétique de ce travail cartographique collectif est le suivant:

    • Peu d’horlogerie dans les microtechniques! C’est en tous cas la perception collective des membres du Think Tank, ce qui est peut-être surprenant, mais traduit probablement la tendance du groupe de travail constitué pour le Think Tank de Minnovarc à rassembler des profils professionnels d’entrée de jeu orientés « mirotechniques ».

    • Des relais sont indispensables entre les processus et les marchés (chaîne de valeur, avec modularité, alliances et partenariats, liens formations et entreprises)

    • Dans les mots-clés et les opinions, on trouve un cœur de préoccupations avec l’importance de «l’humain» pour faire sens et activer toutes ces dimensions (cf. plus loin la discussion sur les compétences profondes de la région)

    • On observe un certain équilibre mécanique/électronique, avec quelques articulations intéressantes

    • On constate une légère prédominance des termes «marchés» sur les termes «processus» • On voit émerger de nouvelles tendances: technologies composites, «solid state», luxe, etc. • On souligne l’importance de la culture entrepreneuriale • L’importance des services et des aspects non techniques est également relevée • La consigne était aussi de noter des mots exprimant des compétences, mais cela s’est avéré

    difficile, beaucoup témoignant surtout de l’envie de parler des microtechniques, soit en termes de compétences spécifiques, soit en termes de compétences génériques.

    Dans cette logique, nous avons tenté de situer les qualités humaines qui devaient incarner ces compétences ; même si l’on lit le quadrilatère formé par les quatre points ci - dessous comme une version abstraite de la matrice de l’exercice KJ rapporté à la page précédente, force est de constater que lorsqu’il s’est agi de positionner ces qualités et ces rôles humains sur notre cartographie, nous ne sommes pas arrivés à définir un concept très spécifique :

    45

    I l est parfaitement clair que cette matrice consti tue en soi un bia is orientant les suggestions et surtout leur classement. Pourtant, cette phase s ’est révélée tellement porteuses d’avis différents qu’au final, l’aspect contraignant de la matrice est devenu secondaire. De toute façon, i l faut retenir que nous ne sommes pas arrivés à une défini tion

    mei lleure que ce que nos partenaires avaient amené dans leur bagage et que ce qui a importé, en fin de compte, ce sont les questions que cela a permis de poser.

  • 26

    Un autre problème est l’aspect statique de notre cartographie, et surtout non systémique (quelles sont les relations de rétroaction construisant les axes forts du domaine ?). Formalisant cette nouvelle question ou série de questions, nous sommes arrivés au schéma suivant :

    Une petite étude interne, menée par un des membres du Think Tank, Alain Sandoz, a abouti à évaluer les forces et faiblesses d’une représentation des microtechniques (les quatre pôles de nos quatre « cartes » et le facteur humain qui émerge au centre, mais « au-dessus » ou en relief par rapport aux autres références), sous la forme d’un tétrahèdre.

    A ce stade, nous découvrons que nous avons un problème fondamental :

    - soit nous concevons que les questions de définitions ne sont pas si importantes et nous nous engageons dans la voie souple de nous ouvrir à des alliances et à des objectifs amples, un

    II n’y a pas d’emplacement « naturel » pour les compétences à forte composante « humaine » (contrairement, peut-être, aux compétences que l’on peut plus facilement attribuer aux entreprises ou liées à des processus techniques requérant des habiletés particulières)

    La place de l’humain

    Compétences, qualités individuelles

    Leadership

    Compétences organisationnelles métiers

    Le facteur humain?

    Statique > dynamique

    Certains groupes ont jugé bon de placer des mots