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Les musées d'ethnographie aujourd'hui Martine jaoul Musées d'ethnographie, musées d'art po- pulaire, musées régionaux ou locaux, éco- musées, musées de folklore ... La difficul- té même à nommer et à regrouper toutes ces institutions, qui pourtant se recon- naissent une identité commune, est bien significative des mouvements qui agitent actuellement les nombreux (( cousins )) des musées de plein air. En 1991, à Mulhouse, lors d'une ré- union nationale des responsables de ce type de collections, le terme général de (( musées de société )) a été proposé pour les désigner en France. En sera-t-il de même dans d'autres pays ? Cette affaire de dénomination ne serait-elle pas révéla- trice des problèmes qui se posent en ce moment àl'ensemble de ces institutions ? En effet, dans les articles qui vont suivre, on trouvera presque toujours, comme fil conducteur, sous les aspects les plus va- riés, le thème de la relation complexe de ces (( musées de société )) à (( leur société v. D'entrée de jeu, Jean-Claude Duclos et Jean-Yves Veillard ouvrent le débat : un musée d'ethnographie, c'est aussi un lieu de discours, donc de politique ; ils évo- quent les difficultés qu'éprouvent les conservateurs à rester indépendants et objectifs face aux enjeux d'une région. Dans leur sillage, Hartmut Prasch réflé- chit sur les moyens d'organiser de faGon harmonieuse les politiques des musées lo- caux et du musée régional. Pouvoir local, pouvoir régional, socié- tés dominantes et groupes minoritaires : dans la série de ces préoccupations très actuelles, Liliane Kleiber-Schwartz s'in- terroge à propos de l'action culturelle du Musée des arts africains et océaniens, à Paris : les immigrés ont-ils (( leur )) musée ? Enfin, il faut replacer les musées d'ethno- graphie dans le contexte plus général de l'étude scientifique et de la pratique du terrain. C'est la préoccupation de Marie- Odile Marion à travers l'expérience qu'elle a menée au Mexique sur la mu- séographie des techniques. Ce débat autour des musées de socié- té prend une couleur très particulière pour l'Europe au moment se mettent en place ses structures économiques et politiques. C'est pourquoi le Musée na- tional des arts et traditions populaires prépare, avec le Comité français de l'ICOM, les Premières Rencontres euro- péennes des musées d'ethnographie, qui se tiendront, à Paris, en février 1993. Ces rencontres accorderont à la ré- flexion sur les fonctions, les rôles et l'ave- nir du musée d'ethnographie dans l'Eu- rope des régions une place centrale. Elles ont, entre autres, l'ambition de créer un réseau européen des musées de société pour toute l'Europe, dans ses limites géo- graphiques. Elles se dérouleront dans le cadre d'un ensemble de manifestations consacrées à l'ethnographie de l'Europe et à ses mu- sées. Les lecteurs de ce numéro de Mu- m semi y seront les bienvenus. 128 Museum (Paris, UNESCO), no 175 (vol. XLW, no 3, 1992)

Les musées d'ethnographie aujourd'hui

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Les musées d'ethnographie aujourd'hui Martine jaoul

Musées d'ethnographie, musées d'art po- pulaire, musées régionaux ou locaux, éco- musées, musées de folklore ... La difficul- té même à nommer et à regrouper toutes ces institutions, qui pourtant se recon- naissent une identité commune, est bien significative des mouvements qui agitent actuellement les nombreux (( cousins ))

des musées de plein air. En 1991, à Mulhouse, lors d'une ré-

union nationale des responsables de ce type de collections, le terme général de (( musées de société )) a été proposé pour les désigner en France. En sera-t-il de même dans d'autres pays ? Cette affaire de dénomination ne serait-elle pas révéla- trice des problèmes qui se posent en ce moment àl'ensemble de ces institutions ? En effet, dans les articles qui vont suivre, on trouvera presque toujours, comme fil conducteur, sous les aspects les plus va- riés, le thème de la relation complexe de ces (( musées de société )) à (( leur société v .

D'entrée de jeu, Jean-Claude Duclos et Jean-Yves Veillard ouvrent le débat : un musée d'ethnographie, c'est aussi un lieu de discours, donc de politique ; ils évo- quent les difficultés qu'éprouvent les conservateurs à rester indépendants et objectifs face aux enjeux d'une région. Dans leur sillage, Hartmut Prasch réflé- chit sur les moyens d'organiser de faGon harmonieuse les politiques des musées lo- caux et du musée régional.

Pouvoir local, pouvoir régional, socié- tés dominantes et groupes minoritaires : dans la série de ces préoccupations très actuelles, Liliane Kleiber-Schwartz s'in- terroge à propos de l'action culturelle du Musée des arts africains et océaniens, à Paris : les immigrés ont-ils (( leur )) musée ? Enfin, il faut replacer les musées d'ethno- graphie dans le contexte plus général de l'étude scientifique et de la pratique du terrain. C'est la préoccupation de Marie- Odile Marion à travers l'expérience

qu'elle a menée au Mexique sur la mu- séographie des techniques.

Ce débat autour des musées de socié- té prend une couleur très particulière pour l'Europe au moment où se mettent en place ses structures économiques et politiques. C'est pourquoi le Musée na- tional des arts et traditions populaires prépare, avec le Comité français de l'ICOM, les Premières Rencontres euro- péennes des musées d'ethnographie, qui se tiendront, à Paris, en février 1993.

Ces rencontres accorderont à la ré- flexion sur les fonctions, les rôles et l'ave- nir du musée d'ethnographie dans l'Eu- rope des régions une place centrale. Elles ont, entre autres, l'ambition de créer un réseau européen des musées de société pour toute l'Europe, dans ses limites géo- graphiques.

Elles se dérouleront dans le cadre d'un ensemble de manifestations consacrées à l'ethnographie de l'Europe et à ses mu- sées. Les lecteurs de ce numéro de Mu-

m s e m i y seront les bienvenus.

128 Museum (Paris, UNESCO), no 175 (vol. XLW, no 3, 1992)