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2/02 LES NOUVELLES DU GRIP Lettre d'information du Groupe de recherche et d'information sur la paix et la sécurité (GRIP) Trimestriel n° 24 – 2e trimestre 2002 GRIP - Rue Van Hoorde, 33 B - 1030 Bruxelles Tél.: (32.2) 241.84.20 Fax: (32.2) 245.19.33 E-mail: [email protected] Website: www.grip.org. Ed. resp.: Bernard Adam (Dépôt 1030 Bruxelles 3) Le GRIP est une organisation d'éducation permanente, reconnue – et soutenue – par la Communauté française. Au-delà des divergences euro-américaines L'OTAN survivra-t-elle en devenant une organisation paneuropéenne de sécurité ? A (suite page 7) près le 11 septembre, le secrétaire général de l’OTAN, En novembre prochain, lors du sommet atlantique de Prague, les candidatures d’une dizaine de nouveaux pays de l’Est seront présentées suite à un chan- gement de la politique américaine au début de 2002. En échange, la Russie vient d’entrer un peu plus dans l’OTAN, avec la création à Rome du Conseil OTAN-Russie. Cette dernière, bien que non-membre de l’organisation, pourra y discuter sur pied d’égalité avec ses partenaires dans huit domai- nes, dont la lutte contre le terrorisme et la gestion des crises qui sont bien les principaux thèmes qui mobilisent l’OTAN. L’Alliance atlantique pourrait ainsi devenir un peu plus politique et un peu moins militaire, en la transformant en une institution politico-militaire. Un consensus de façade D’autant plus que l’autre élément majeur est, malgré les discours d’ap- parence consensuelle, la persistance des divergences entre Européens et Américains sur la manière de lutter contre le terrorisme. Avant Rome, lors du passage de George Bush en France le 27 mai, le président Chirac a par- faitement résumé la position de nom- breux Européens: « Les Etats-Unis et l’Europe doivent s’engager ensemble, en partenaires, dans l’éradication des fléaux qui forment le terreau des guerres et des haines. Car, ne nous y trompons pas, nos ennemis d’aujour- d’hui sont aussi la misère et l’oppres- sion, les conflits enkystés. C’est aussi le scandale du sida ou les atteintes graves portées au patrimoine écologi- que de notre planète. Voilà pourquoi nos armes aujourd’hui ont aussi pour nom le progrès économique et la soli- George Robertson s’était démené pour faire accepter, pour la première fois dans l’histoire de l’Alliance, l’invo- cation de l’article 5 du Traité de l’At- lantique Nord: les Européens exprimè- rent leur volonté de défense mutuelle avec les Américains. Mais ceux-ci n’étaient pas demandeurs et l’OTAN n’a en aucun moment été associée à l’action militaire en Afghanistan. Après ce couac monumental d’un Secrétaire général trop zélé, l’Alliance a vécu des moments difficiles puisque certains posaient explicitement la ques- tion du sens de son existence. Plus politique, moins militaire Après plusieurs mois de flottement, le sommet du 28 mai dernier à Rome semble avoir donné un nouveau souf- fle à l’OTAN. Mais son rôle devient de moins en moins militaire et sa réelle mise en œuvre opérationnelle pourrait se réduire de plus en plus. Les artisans de cette transformation sont notam- ment les Etats-Unis. Forts de leur puis- sance militaire quasi hégémonique, ils ont montré qu’ils peuvent parfaitement se passer de l’Alliance atlantique. En revanche, celle-ci reste pour eux un formidable outil d’influence politique au sein duquel ils comptent bien gar- der le leadership . Les deux éléments qui déterminent cette évolution sont la perspective du nouvel élargissement et l’après 11-sep- tembre. Lors du premier élargissement à la Pologne, la République tchèque et la Hongrie, décidé en 1997, la Russie avait obtenu en contrepartie la créa- tion du Conseil conjoint OTAN-Russie.

LES NOUVELLES DU GRIP...2/02 LES NOUVELLES DU GRIP Lettre d'information du Groupe de recherche et d'information sur la paix et la sécurité (GRIP) Trimestriel n 24 – 2e trimestre

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2/02

LES NOUVELLES DU GRIPLettre d'informationdu Groupe de rechercheet d'information sur la paixet la sécurité (GRIP)

Trimestriel n° 24 – 2e trimestre 2002GRIP - Rue Van Hoorde, 33B - 1030 BruxellesTél.: (32.2) 241.84.20Fax: (32.2) 245.19.33E-mail: [email protected]: www.grip.org.Ed. resp.: Bernard Adam(Dépôt 1030 Bruxelles 3)

Le GRIP est une organisationd'éducation permanente,reconnue – et soutenue – parla Communauté française.

Au-delà des divergences euro-américaines

L'OTAN survivra-t-elle en devenantune organisation paneuropéenne

de sécurité ?

A

(suite page 7)

près le 11 septembre, lesecrétaire général de l’OTAN,

En novembre prochain, lors du sommetatlantique de Prague, les candidaturesd’une dizaine de nouveaux pays del’Est seront présentées suite à un chan-gement de la politique américaine audébut de 2002. En échange, la Russievient d’entrer un peu plus dans l’OTAN,avec la création à Rome du ConseilOTAN-Russie. Cette dernière, bienque non-membre de l’organisation,pourra y discuter sur pied d’égalitéavec ses partenaires dans huit domai-nes, dont la lutte contre le terrorismeet la gestion des crises qui sont bienles principaux thèmes qui mobilisentl’OTAN.

L’Alliance atlantique pourrait ainsidevenir un peu plus politique et un peumoins militaire, en la transformant enune institution politico-militaire.

Un consensus de façadeD’autant plus que l’autre élément

majeur est, malgré les discours d’ap-parence consensuelle, la persistancedes divergences entre Européens etAméricains sur la manière de luttercontre le terrorisme. Avant Rome, lorsdu passage de George Bush en Francele 27 mai, le président Chirac a par-faitement résumé la position de nom-breux Européens : « Les Etats-Unis etl’Europe doivent s’engager ensemble,en partenaires, dans l’éradication desfléaux qui forment le terreau desguerres et des haines. Car, ne nous ytrompons pas, nos ennemis d’aujour-d’hui sont aussi la misère et l’oppres-sion, les conflits enkystés. C’est aussile scandale du sida ou les atteintesgraves portées au patrimoine écologi-que de notre planète. Voilà pourquoinos armes aujourd’hui ont aussi pournom le progrès économique et la soli-

George Robertson s’était démenépour faire accepter, pour la premièrefois dans l’histoire de l’Alliance, l’invo-cation de l’article 5 du Traité de l’At-lantique Nord : les Européens exprimè-rent leur volonté de défense mutuelleavec les Américains. Mais ceux-cin’étaient pas demandeurs et l’OTANn’a en aucun moment été associée àl’action militaire en Afghanistan.

Après ce couac monumental d’unSecrétaire général trop zélé, l’Alliancea vécu des moments difficiles puisquecertains posaient explicitement la ques-tion du sens de son existence.

Plus politique, moins militaireAprès plusieurs mois de flottement,

le sommet du 28 mai dernier à Romesemble avoir donné un nouveau souf-fle à l’OTAN. Mais son rôle devient demoins en moins militaire et sa réellemise en œuvre opérationnelle pourraitse réduire de plus en plus. Les artisansde cette transformation sont notam-ment les Etats-Unis. Forts de leur puis-sance militaire quasi hégémonique, ilsont montré qu’ils peuvent parfaitementse passer de l’Alliance atlantique. Enrevanche, celle-ci reste pour eux unformidable outil d’influence politiqueau sein duquel ils comptent bien gar-der le leadership.

Les deux éléments qui déterminentcette évolution sont la perspective dunouvel élargissement et l’après 11-sep-tembre.

Lors du premier élargissement à laPologne, la République tchèque et laHongrie, décidé en 1997, la Russieavait obtenu en contrepartie la créa-tion du Conseil conjoint OTAN-Russie.

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Livres reçus

(suite page 4)

Landmine Monitor Repor t 2001Toward a Mine-Free WorldInternational Campaign to Ban Landmines,Human Rights Watch, New York, et Handi-cap International - Belgique, Bruxelles,2001, 1.175 p.Le rapport de la coalition de la Campagneinternationale pour l’interdiction des minesantipersonnel fait le point, pays par pays,de l’évolution de cette interdiction. Pourrappel, ni les Etats-Unis, ni la Chine, ni laRussie ne sont partie au traité.

L’Afrique des Grands LacsAnnuaire 2000-2001S. Maryse et F. Reyntjens (ss la dir.), Centred’étude de la région des Grands Lacs d’Afri-que-Anvers, L’Harmattan-Paris, 2001, 437 p.La région des Grands Lacs demeureinstable ; le présent annuaire offre des clésde lecture concernant son évolution durantl’année 2000 et au cours du premiertrimestre de 2001. Que ce soit pour l’estdu Congo ou le Rwanda et le Burundi, cetouvrage nous présente un excellent panelinternational de spécialistes.

Les stratégies du terrorismeGérard Chaliand (ss la dir.), nouvelleédition (2e), Desclée de Brouwer, Paris,2002, 251 p.Les événements du 11 septembre ont remisle terrorisme au coeur de la réalité interna-tionale. Depuis une trentaine d’années, leterrorisme sert le plus souvent de substitut àla guérilla ; c’est une forme de guerrepsychologique. Dans ce livre, des tentativesde définition du terrorisme sont élaborées ;loin de l’idée romantique de « peuplesdésespérés », les réseaux, les pensées et lesméthodes sont analysés, des prospectivessont mêmes esquissées.

Le choc des barbariesTerrorismes et désordre mondialGilbert Achcar, Complexe, Bruxelles, coll.Enjeux du XXIe siècle, 2002, 166 p.Le cycle infernal de la terreur mondiale netémoigne-t-il pas du désordre de l’après-Guerre froide ? Assistons-nous à un chocdes civilisations ou à un choc des barba-ries ? Le titre donne déjà la réponse del’auteur. Celui-ci, très critique vis-à-vis dela politique américaine, n’épargne pas nonplus l’allié saoudien. G. Achcar est peut-être un peu nostalgique des arcanes d’unmonde bipolaire ; en tout cas, il en appelleà un autre ordre mondial, plus équilibré.

Histoire de l’OTANCharles Zorgbibe, Complexe, Bruxelles,coll. Questions à l’Histoire, 2002, 283 p.Drôle d’histoire que celle de cette Allianceatlantique depuis 1949 : après la fin del’URSS, elle commence une seconde vie,plus « belliqueuse » en ex-Yougoslavie,bras séculier puis concurrente de l’ONU…Ch. Zorgbibe peint un portrait très complet,assez psychologique, de cette machine deguerre aux diverses facettes. Il y décrit

Etats-Unis – Irak :chronique d'une guerre annoncée

Au lendemain des attaques terro-ristes du 11 septembre et dix

ans après la guerre du Golfe, les Etats-Unis réitèrent leurs menaces contre lerégime de Saddam Hussein, qu’ilsestiment faire partie de l’ « axe dumal » défini par Washington1. L’Irakest aujourd’hui soupçonné de terro-risme et de posséder des armes dedestruction massive dont il voudraitfaire usage contre l’Occident.

Mais depuis le retrait irakien duKoweït, les affrontements entre troupesalliées et irakiennes n’ont jamais véri-tablement cessé. En 1998, notamment,les Américains, soutenus par les Bri-tanniques, lançaient une offensived’envergure, jugeant insuffisant lerapport de l’UNSCOM sur le désarme-ment. Depuis cette opération baptiséeRenard du désert au cours de laquellele territoire irakien a été sévèrementbombardé, les avions américains etanglais pilonnent régulièrement et demanière ciblée les deux zones d’ex-clusion aérienne au nord et au sud dupays.

Depuis 1991, et parallèlement aurégime des sanctions qui frappe deplein fouet le peuple irakien, c’est doncà une véritable guerre d’usure contrele potentiel militaire irakien que nousassistons.

Qui menace qui ?Cet acharnement américain contre

l’Irak sur base d’une hypothétiquereconstruction de l’arsenal irakien dé-fie les analyses de la plupart des spé-cialistes de la région, qu’elles émanentd’instituts de recherche indépendants,du département d’Etat américain oumême de la CIA2.

En effet, selon la plupart des ex-perts, la campagne massive de bom-bardements contre l’Irak au cours dela guerre du Golfe en 1991 et lesattaques de décembre 1998 ont dé-truit en grande partie la capacitéconventionnelle de l’Irak. Par ailleurs,l’UNSCOM et l’AIEA ont totalementdémantelé sa capacité en matièred’armes de destruction massive. Ainsi,en 1998, l’UNSCOM concluait quel’Irak était exempt d’armes et de missi-les nucléaires et pratiquement exempt

d’armes chimiques. Seule la questiondes armes biologiques restait en sus-pens. On peut donc légitimement enconclure que l’Irak n’est aujourd’huiune menace ni pour les Etats-Unis nipour ses voisins.

La paix par la forceFace à cet imbroglio en suspens

depuis dix ans, les Etats-Unis, fidèlesà leur credo de « paix par la force » etsoutenus par une Administration où seretrouvent bon nombre de protagonis-tes de la guerre du Golfe menée parGeorge Bush père, ne proposent pasde solution pacifique.

Aucun incitant n’est proposé àBagdad dans le cadre du régime dessanctions et la composante régionalede la maîtrise des armements, quiinclut le processus de paix israélo-pa-lestinien, est non seulement totalementignorée mais réduite à néant parWashington qui demeure le fournis-seur principal d’armements de toutessortes vers cette région déjà saturée.Cette politique belliqueuse mine donctout progrès significatif en matière dedésarmement.

Plus grave encore, les Etats-Unissapent les efforts onusiens de parvenirà un désarmement complet de l’Irakde manière pacifique. Ainsi, le 22avril 2002, les Américains parvenaientà faire limoger le Brésilien José Bous-tani, directeur de l’Organisation pourl’interdiction des armes chimiques(OIAC), instance internationale devérification, alors qu’il avait été réélu,à l’unanimité et pour quatre ans, enmai 20013. Washington lui reprochaitson excès de souplesse dans les ins-pections des sites chimiques en Irak.En fait, M. Boustani proposait dessolutions à un problème que les Etats-Unis ne veulent pas résoudre, ou entout cas, pas de cette manière.

Les réticences des « alliés »européens et arabes

L’extension de la lutte contre leterrorisme à l’Irak laisse les pays euro-péens perplexes et rencontre des réser-ves arabes exprimées fermement dansles résolutions du Sommet de Beyrouthde mars 2002. Les Européens s’en

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Ce que les médiasen ont dit...

« Commissioneuropéenne,

GRIP,UNICEF,

Amnesty,Croix-

Rouge...Avec de

tels par-rains,

ce livres'annonceau mieux comme un

estimable rapport. Il est bien plusque cela, car au-delà de la froideur

des chiffres (...), il permet d'imaginerla catastrophe personnelle, la tragé-

die humaine singulière que constituechacun de ces 300.000 cas. (...)

Les derniers chapitres du livre évo-quent les stratégies mises en oeuvre

pour tenter de conjurer la tragédiedes enfants-soldats, pour obtenir leur

démobilisation, pour assurer leurréinsertion. Rien n'a pu enrayer jus-

qu'à présent un phénomène en pleineexpansion. L'exploit de ce livre, c'est

de donner envie de participer àce combat de Sisyphe. »

Humanitaire

« Certes, ce livre est dur et peutlaisser indifférent tant le sujet est

délicat (...), mais il est avant tout unouvrage “scientifique” dans le sens

où il pose des faits, s'appuie surdes analyses précises et propose

des solutions concrètes. »Revue des questions humanitaires

3

« Ce livren'est pasun ouvra-ge théo-rique.C'estuneboîte

à outils, unguide pratique à l'usage

de tous ceux qui par tent dans leszones de tempête et auront pourtâche de participer à la reconstr uctionde la paix : travailleurs humanitaires,membres d'ONG de développement,journalistes, médiateurs d'organisa-tions internationales ou observateursdes droits de l'homme. Une sommeremarquable... »

Vivant Univers

Sud-Kivu : la réconciliationau bout du fusil ?

E

La rébellion de Masunzu est porteused'espoir (...) : elle a déjà remisen question bon nombre de préjugés« anti-banyamulenge » de lapopulation congolaise de souche...

remettent à la procédure onusienne etrechignent à adhérer à l’option mili-taire pour arriver à un changement derégime à Bagdad.

Quant à l’Irak, il négocie avecl’ONU un éventuel retour des inspec-teurs et vient de conclure avec le Ko-weït un accord d’assainissement desrelations.

Le contentieux américano-irakiencontinue donc de se développer dansun contexte politique agressif où lesEtats-Unis se réservent une hégémoniesans partage sur le monde. Les événe-ments tragiques du 11 septembre n’ontfinalement que renforcé cette politiqueunilatéraliste, maintenue par la haussedes budgets de la Défense, le déve-loppement des doctrines militaires, no-tamment nucléaires, et l’influence gran-

dissante du lobby de l’industrie desarmements.

Dans ce contexte, il est à craindreque les Américains se retrouvent pié-gés dans leur guerre globale contre leterrorisme et, en absence d’alternativecrédible quant à leur politique auMoyen-Orient, suivent finalement lesrevendications des militaires et deséléments les plus conservateurs ausein de l’Administration.

Caroline Pailhe

1. Discours de George W. Bush, le 29janvier 2002.

2. Voir l’interview de Robert Baer, ancienspécialiste de l’Irak de la CIA, par TheObserver, repris par le Courrier international,n° 593, 14 au 20 mars 2002.

3. The Guardian, 16 et 23 avril 2002.

n février dernier, le commandantMasunzu, officier de l’armée de la

faction rebelle du Rassemblementcongolais pour la démocratie (RCD),se soulevait contre les autorités rwan-daises et leurs acolytes congolais. Avecun millier d’hommes, il créait un nou-veau mouvement armé sur les plateauxautour de Fizi, au Sud-Kivu.

Cette initiative, a priori banale auCongo, est pour-tant remarquablepar l’origine eth-nique de Masun-zu et de seshommes. Ils sontBanyamulenge,donc des Tutsiétablis au Kivu.C’est avec la collaboration de cetteethnie que le Rwanda avait pu conso-lider son pouvoir au Congo, garnissantl’armée et l’administration du RCD decadres banyamulenge. Cette politiquea creusé un profond fossé avec les au-tres Congolais qui les accusent d’êtredes « collabos » ou des « étrangers auservice du Rwanda », à quoi se greffele problème de la nationalité congo-laise que la plupart des Banyamulengene possèdent pas.

La rébellion de Masunzu est moti-vée par le sentiment d’être manipulé

par Kigali et la crainte d’un « no future »au Congo, une fois les Rwandais par-tis. Réaffirmant son identité congolaise,il a lancé des offres de collaborationaux milices Maï-Maï, du moins cellesqui n’ont pas fait du banditisme leuractivité principale. Masunzu auraitdéserté en emportant bon nombred’armes des forces rwandaises et saprincipale faiblesse résiderait dans le

petit nombre deses partisans,d’où l’intérêt des’unir aux Maï-Maï, nombreux,mais mal armés etmal organisés.

A l’exceptionde ceux incrustés

dans la hiérarchie du RCD, les Banya-mulenge sympathisent avec Masunzuet sont devenus la cible de l’arméerwandaise qui s’est lancée dans unenouvelle vague d’assassinats d’intel-lectuels, de viols et de destructions devillages, à l’encontre de leurs « frèrestutsi », cette fois-ci. Avec les massacresde Kisangani, Kigali et ses collabora-teurs locaux semblent choisir une san-glante fuite en avant pour pallier à leurisolement croissant depuis l’accordd’avril entre le gouvernement de JosephKabila et le Mouvement de libération

(suite page 4)

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Livres reçusl’exception de la France, le réarmement del’Allemagne ou la perversion des réseauxdits « Gladio ». L’OTAN est mise en pers-pective par l’initiative européenne de sécu-rité et de défense et bien sûr par l’élargis-sement vers l’Europe centrale et orientale.On attend la suite, le partenariat russe, etc.

Asie centraleLe nouveau grand jeuPatrick Karam, L’Harmattan, Paris, 2002,322 p.La zone, riche en gaz et en pétrole, a denouveau une importance géostratégiquemajeure, et constitue un enjeu pour les puis-sances. Le livre, illustré de quelques cartesfort utiles, aborde la situation de chaqueEtat, le rôle de l’islam et celui des interve-nants extérieurs.

Théories des relations internationalesDe « l’idéalisme » à la « grandestratégie »Jean Barrea, nouvelle édition (2e), éd.Eras-me, Namur, 2002, 325 p.Cet ouvrage magistral présente les princi-pales théories des relations internationales.Il propose en outre une théorie généralede la sécurité, y compris de la « sécuritécollective ». Dans sa conclusion générale,il propose une explication de la fin de laGuerre froide et de l’environnement poli-tique actuel. Référencé, ordonné, argu-menté, c’est un manuel à garder sur vosétagères !

La politique extérieurede la BelgiqueRik Coolsaet, préface de Louis Michel,traduit du néerlandais par Serge Govaert,De Boeck Université, coll. Pol-His, Bruxelles,2002, 385 p.Cet ouvrage retrace l’histoire d’un petitgroupe de personnes qui ont défini la poli-tique étrangère du pays ; le récit rassem-ble les ressorts économiques, politiques etidéologiques. Deux thèmes centraux sontmis en avant : la politique africaine, essen-tiellement au Congo, et bien sûr la cons-truction européenne. Une attention touteparticulière est consacrée aux années 1989à 1991, qualifiées de celles du basculementdu monde. La synthèse de R. Coolsaet estbrillante, car elle va chercher loin dans l’his-toire les prémisses et les causes des événe-ments tout en approfondissant les motiva-tions des acteurs et leurs conséquences.

Le ressentimentPierre Ansart (ss la dir.), Bruylant, coll. Droits,Territoires, Cultures, Bruxelles, 2002, 294 p.C’est un recueil de textes de personnalitésacadémiques assez variées, autour duthème assez abstrait du ressentiment, Ceconcept est plus fort que la frustration etmoins fort que le désir de revanche ; onregrettera que cette initiative, originale etde qualité, ne soit pas plus structurée versune définition dans le champ du politique.

Alain Reisenfeld

du Congo, le second grand mouve-ment rebelle dirigé par Jean-PierreBemba. Cet isolement est d’autant plusmanifeste que l’accord a reçu l’assen-timent de la majorité des acteurs de la« communauté internationale », Etats-Unis exceptés.

Si elle n’aura probablement pasd’incidence militaire majeure, dansune région qui a déjà vu naître lesmaquis de Pierre Mulele et d’un certainLaurent-Désiré Kabila, la rébellion de

Masunzu est porteuse d’espoir sur unautre plan : elle a déjà remis en ques-tion bon nombre de préjugés « anti-banyamulenge » de la population con-golaise de souche, surtout bantoue, etlaisse la porte ouverte à une réconci-liation entre ces deux grands groupesde populations, dont les affrontementssanglants dans les Grands Lacs sont entrain de contaminer toute l’Afriquecentrale.

Georges Berghezan

La Convention européenneface à la politique étrangère

L'Union européenne est connue au-delà de ses frontières, pour sa

puissance économique et sa faiblessepolitique. Les raisons qui expliquentcette contradiction sont tout aussi con-nues : si le Vieux continent est intégrééconomiquement, il ne l’est pas politi-quement. Cela donne comme résultatune force économique qui pèse lourddans le monde et beaucoup de petitespolitiques étrangères qui ne font pas lepoids.

L’Europe, sous un angle politique,est-elle un poids mort lorsqu’elle sortde ses frontières ? Cette affirmation estpeut-être trop sévère, mais pourrait de-venir pertinente si l’élargissement n’estpas accompagné d’une vraie réformed’intégration de la politique étrangère.

La Convention européenne, insti-tuée pour proposer des amendementsaux traités, devra se pencher aussi surce problème. Plus précisément, elledevra se pencher sur ce qui est appelédans le jargon communautaire « leproblème de la cohérence ». Pour com-prendre de quoi il s’agit, il suffit de dé-crire l’architecture actuelle de l’actionextérieure de l’UE.

Une architecture complexeAujourd’hui, les acteurs de la poli-

tique extérieure européenne sont ...huit !Tout d’abord il faut considérer les com-pétences du 1er pilier gérées par laCommission, qui a conféré à six direc-tions différentes ses interventions àl’étranger : la DG RELEX (relations éco-nomiques avec tous les pays à l’excep-tion des ACP et coopération politiqueavec tous les pays du monde), la DG

DEV (coopération économique avecles ACP seulement), la DG TRADE (com-merce), la DG ENLARG (élargissement),EUROPAID (gestion des programmesd’aide extérieure, à l’exception de l’ai-de humanitaire), et enfin ECHO (aidehumanitaire).

Théoriquement, la Commission de-vrait être considérée comme une seuleinstitution. Pourtant, sa nature collégia-le fait de chaque Commissaire uneautorité quasi indépendante, qui finitpresque par répondre plus à son paysd’origine qu’au président Prodi.

Ensuite vient la PESC (Politiqueeuropéenne de sécurité et de défensecommune, le 2e pilier) et sa dimensionintergouvernementale, qui sort doncdu domaine des compétences de laCommission bien que celle-ci y soitassociée. La PESC, contrôlée par leConseil (c’est-à-dire par les Etats mem-bres), comprend un volet militaire,mais aussi des volets politiques et civilsconcernant la gestion des crises, lesmédiateurs européens, etc. La distinc-tion avec le 1er pilier n’est pas toujoursévidente. Un exemple : la politiqueconcernant la lutte contre les minesantipersonnel est du ressort de la Com-mission, mais tout ce qui concerne lesarmes légères est géré par la PESC.

Enfin, il ne faut pas oublier lesprésidences rotatives des Conseilseuropéens, car elles doivent représen-ter l’UE dans le monde au même titreque la PESC. La représentation de l’UEà l’étranger est effectivement bien ga-rantie : pour s’en rendre compte il suf-fit d’imaginer ce que doit penser unchef de gouvernement africain, par

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5(suite page 7)

La mondialisa-tion fait couler

beaucoupd’encre. On

en parle, ony réfléchit,on réagit.Jusqu'à

présent,peu

d’ouvra-ges ont fait le lien

entre la compréhensionet l’action.

La grille proposée ici s’appuie surl’analyse des cycles économiques

longs, dits de Kondratiev, parcequ’ils prennent en compte la

dimension historique. Les auteursmettent ainsi en lumière la natured'un phénomène intrinsèquement

lié à l'histoire du capitalisme.Cette nouvelle phase, intimement

liée au développement desnouvelles technologies et de

l’industrie de l’armement, est aussicaractérisée au niveau international

par l’hégémonie militaire etculturelle de la puissance améri-

caine et par l'émergence du « droitd'ingérence ».

Les réactions à la globalisation, trèssouvent émotionnelles, n’ont pas

toujours convergé. Aujourd’hui, lesalternatives à la déferlante néo-

libérale – responsable de tantd'inégalités – s’ébauchent, et les

résistances commencent às’organiser.

Cet ouvrage propose donc nonseulement une clé d’analyse multi-disciplinaire, mais aussi la mise en

perspective des points de vued’acteurs sociaux ou de représen-

tants de mouvements qu’on appelledésormais « alter-mondialistes ».

Accessible à tout esprit curieux, ilse veut un instrument d'aide à laréflexion ainsi qu'un outil pour la

formation ... et l’action.

Avec des contributions de SamirAmin, Olivier Cor ten, Jacques

Defourny, François Dubuisson,Susan George, François Houtart,

Jean Lapeyre, Luc Mampaey,Jacques Nagels, Anne Peeters,

Claude Serfati, Jean Sloover, DenisStokkink et Gérard Valenduc.

Un ouvrage de 208 pages –14,95 euros.

(ISBN 2-87027-836-5)

Parution récente

exemple le président R. Mugabé duZimbabwe, lorsque, suite à une crisepolitique, il voit défiler à Harare ChrisPatten (RELEX), Poul Nielson (DEV),Javier Solana (PESC) et le Présidenttemporaire du Conseil européen.

Réformes indispensablesLe problème de la cohérence est issu

de ce cadre fragmenté, auquel s’ajoutemaintenant la question de l’élargisse-ment. En réalité, cette architecture tor-tueuse et apparemment absurde doitêtre respectée, car elle est le fruit d’undifficile compromis entre 15 Etats na-tionaux qui existent depuis des siècleset qui longtemps se sont fait la guerre.

Toutefois, le processus d’intégrationest arrivé aujourd’hui à un stade pro-che du marasme. Sans une intégrationqualitative majeure, l’élargissement del’UE risque d’aboutir à un monstre bu-reaucratique impuissant et inefficace.En effet, le problème de la cohérenceest indissociable de celui de l’intégra-tion : ils coïncident en tout. L’énièmecompromis acrobatique provoqueraitle gaspillage de beaucoup d’argentpublic pour des actions confuses et in-cohérentes. Les Le Pen d’Europe et au-tres « europhobes » seraient les seuls ày gagner.

Federico Santopinto

Le NEPAD peut-il mettre l'Afriquesur la voie du développement ?

A près de multiples projets de dé-veloppement qui ont tous échoué

Buts poursuivisLes objectifs généraux du NEPAD

sont de mettre fin au sous-développe-ment qui reste un véritable fardeau, etd’intégrer le continent au processusde la mondialisation. Pour ce faire, ilétait impératif d’une part d’élaborer denouvelles stratégies de développementet d’autre part, de resserrer les liensentre l’Afrique et le reste du monde.

En ce qui concerne le premier be-soin, le NEPAD a réalisé un program-me d’actions concrètes à mettre enplace à l’échelle des régions (Afriquecentrale, Afrique de l’Est, Afrique del’Ouest, Afrique australe, Afrique duNord), pour les mener sur la voie d’unvéritable développement durable. Cesactions, au nombre de dix, représen-tent les domaines à traiter en prioritépour le bon développement de l’Afri-que :

- la bonne gouvernance politique ;- la bonne gouvernance de l’écono-mie privée ;

- les infrastructures ;- l’éducation/le développement hu-main ;

- la santé ;- les Nouvelles technologies de l’in-formation-communication (NTIC) ;

- l’agriculture ;- l’environnement ;- l’énergie ;- l’accès aux marchés des pays dé-veloppés.

pour diverses raisons, le NEPAD – Nou-veau partenariat pour le développementde l’Afrique – se présente aujourd’huicomme la première initiative élaboréepar des dirigeants africains proposantdes solutions aux problèmes del’Afrique.

La naissance du NEPADLes origines de ce nouveau parte-

nariat sont multiples. Tout commenceen 2000 lorsque les présidents T. Mbe-ki (Afrique du Sud), A. Bouteflika (Al-gérie) et O. Obasanjo (Nigeria)présentent le Plan africain pour le mil-lénaire (MAP) et que, parallèlement,le président A. Wade (Sénégal) pré-sente en 2001 son Plan Oméga. Cesdeux initiatives pour le développementde l’Afrique vont fusionner en juillet2001 à Lusaka pour donner naissanceà la Nouvelle initiative africaine (NIA).Cette dernière change de nom enoctobre 2001 au Sommet d’Abouja etdevient finalement le Nouveau parte-nariat pour le développement del’Afrique.

D’après les dirigeants africains, lecontexte actuel est favorable au déve-loppement du continent et à la reprisede la croissance : la démocratie s’étendet les gouvernements ont de nouveauxdésirs de coopération et d’intégrationéconomiques.

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epuis les débats houleux etpassionnés qui ont suivi l’inter-

Méfions-nous des apparences !

Dvention militaro-humanitaire au Ko-sovo, on a l’impression que tout s’estlentement calmé. Bien sûr, le débatsur les limites du rôle humanitaire desmilitaires ne sera jamais épuisé, maisil semble (re)devenir petit à petit cequ’il était à ses débuts : une querelled’experts.

Pourtant, les quelques largagesd’aide alimentaire réalisés par l’arméeaméricaine au tout début de l’inter-vention en Afghanistan ont bien failliréveiller les vieux démons. Plusieursgrandes organisations humanitairesont immédiatement dénoncé le dan-ger d’amalgame entre objectifs mili-taires et humanitaires et le dangerque cela pouvait faire courir à lapopulation et indirectement aux tra-vailleurs humanitaires. Bien vite pour-tant, avec l’intensification des combatset les premières victoires de la coali-tion, les humanitaires ont pu se dé-ployer et travailler dans une relativequiétude. Les militaires, eux, sont bientrop occupés par leur chasse aux ter-roristes.

Méfions-nous cependant des ap-parences car rien n’est résolu en Af-ghanistan. Bien sûr les taliban ne sontplus au pouvoir à Kaboul ni dans au-cune grande ville mais la lutte contre« les dernières poches de résistance »dure étrangement longtemps. Et laplupart des hauts responsables d’Al-Qaida courent toujours. La sécuritén’est assurée qu’à Kaboul et les institu-tions issues de la Lloya Girga devrontfaire leurs preuves. En attendant, lasécheresse frappe durement le paysalors que l’argent promis par lesdonateurs tarde à venir. En attendant,des centaines de milliers de réfugiésafghans reviennent au pays, aggra-vant de façon imprévue les problèmesalimentaires.

Que se passera-t-il si le pouvoircentral, très faible jusqu’à présent,n’arrive pas à s’imposer aux chefs deguerre locaux ? On pourrait alors trèsvite se retrouver dans un scénario in-contrôlable à la somalienne. Militaireset humanitaires, pris au piège desluttes de clans dans un pays complexequ’il connaissent mal, commettront-ilsles mêmes erreurs ?

Les milices à la rescousseC’est tout le mérite du dernier livre

du GRIP intitulé « Militaires-Humani-taires : à chacun son rôle » que de fairele point sur la question à tête reposéeet d’exposer les résultats de la réflexiondes uns et des autres sur base desexemples du passé récent. Ainsi, par-mi beaucoup d’autres expériences, undes auteurs revient sur la question trèscontroversée de la sécurité humanitai-re et des escortes armées.

Que faire enfin pour assurer la sé-curité des organisations humanitaireslorsqu’aucune autorité de maintien dela paix n’est disponible ou n’est prêteà remplir cette mission ? En Somalie etau Libéria, certaines ONG n’ont pashésité à recourir aux milices locales !Parfois même, cette volonté de travail-ler à tout prix à mené à des situationscontraires au droit international : dansle courant des années 90, les stocksde MSF à Ganta, dans le nord duLibéria, ont été gardés par des smallboys, des enfants-soldats endoctrinéspar les milices de Charles Taylor.

Mais très vite, les organismes quiont eu recours à ce type de protectionen ont perçu toutes les dérives. Lesgardes locaux sont partie prenante auconflit, ce qui porte atteinte aux prin-cipes de neutralité et d’impartialité.L’organisme humanitaire devient deplus en plus dépendant de ses gar-diens qui en viennent petit à petit àimposer la politique d’embauche. Leurrémunération (souvent très élevée) neva pas aux populations qui en ont leplus besoin et une partie peut notam-ment servir à acheter des armes.

Des lignes de conduitenon contraignantes

La question de la sécurité desconvois humanitaires est rapidementdevenue si controversée qu’à la de-mande du Secrétaire général adjointdes Nations unies Sergio Vieira deMello, le Bureau de la coordinationdes affaires humanitaires (BCAH) arécemment préparé des lignes de con-duite sur l’utilisation des escortes ar-mées.

Ce document1 non contraignant afait l’objet de plusieurs mois de discus-sion avec les ONG et les agences onu-siennes qui l’ont finalement adopté.

Jean-Christophe Rufinà propos des rapports militaires-humanitaires

(extraits de l'ouvrage « Militaires-Humanitaires : à chacun son rôle »)

GRIP : A votre avis, qu’est-ce quipousse les Etats à transformer les ar-mées en agents humanitaires ?Jean-Christophe Rufin : Il y a d’abordune question d’opportunité. Dans lapériode de l’après-Guerre froide,les armées se sont senties un peumenacées, elles ont eu l’impressionqu’on allait leur couper les vivres. Etc’est vrai que les missions humani-taires étaient pour elles la manièrede se donner un nouvel élan et doncune nouvelle crédibilité. En ce quiconcerne les forces européennes, jepense que l’humanitaire est davan-tage le plus petit commun dénomina -teur de ce que l’on peut faire ensem-ble (...).

Certaines ONG considèrent que lesarmées risquent de devenir de vraisconcurrents sur le marché humani-taire. Qu’en pensez-vous ?Ce n’est pas tellement une questionde concurrence en termes financiersparce que leurs ressources ne pro-viennent pas du tout des mêmes ori-gines. Les armées par définition dis-posent des ressources de l’Etat, alorsque les ONG comptent en grandepartie sur des ressources privées.Ce qui pose le plus de problèmes,c’est surtout la différence de mandatet de tradition. Les ONG ont desmandats liés à la neutralité et à l’in-dépendance et c’est grâce à cette in-dépendance, qu’elles peuvent agir,qu’elles peuvent atteindre les victimes.Les armées, elles, ne peuvent pas pré -tendre à la même indépendance.

Durant votre carrière, vous avez étésuccessivement président de MSFet collaborateur d’un ministre.Avez-vous ressenti une différenced’approche de l’humanitaire entrele monde des ONG et l’Etat ?Oui, c’est considérable. Cela n’arien à voir. Les ONG en général ontune approche qui est centrée sur lavictime et sur les moyens pour attein -dre la victime. Il est vrai que, quellesque soient les illusions que l’on peutavoir sur une diplomatie « morale »,les Etats sont quand même d’abordet avant tout des machines politiques,c’est-à-dire soumises à la logiquedes intérêts nationaux. Quand on avu la France, la Grande-Bretagne,les Etats-Unis et même le Japon inter -venir récemment, c’est en généraldans des zones où ils ont des inté-rêts. (...)

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Les conclusions sont sans appel :« En règle générale, les convoishumanitaires n’utiliseront pas d’es-corte militaire ou armée. » Des excep-tions peuvent être envisagées en der-nier recours et seulement si une sériede conditions sont remplies et desprocédures respectées. Ces conditionssont les suivantes :

a. Les autorités effectives ne peu-vent ou ne veulent fournir un environ-nement sécurisé qui permette de sepasser d’escortes armées.

b. Le niveau des besoins humani-taires est tel que l’absence d’aide con-duirait à des souffrances humainesinacceptables.

c. L’escorte militaire ou armée pro-duirait un effet dissuasif de nature àaugmenter considérablement la sécu-rité du personnel humanitaire et sacapacité à acheminer l’aide sans com-promettre la sécurité des bénéficiaireset des autres populations locales.

d. Le recours à une escorte militaire

ou armée ne compromettrait pas la ca-pacité à long terme de l’organisationhumanitaire à remplir effectivementson mandat en toute sécurité.

On le voit, ces quatre élémentsplacent la barre tellement haut qu’ilsemble désormais très improbableque des humanitaires puissent faireappel à des escortes tout en respec-tant l’ensemble des critères qui l’auto-risent. Dès lors, quand les risques enmatière de sécurité deviennent tropgrands, il ne reste plus aux expatriés,comme ce fut le cas en octobre 2001en Afghanistan, qu’à se retirer tempo-rairement dans l’espoir que le person-nel local pourra continuer le travail.

Espérons que l’histoire ne se répé-tera pas.

Xavier Zeebroek

1. « Use of military or armed escorts forhumanitarian convoys », Discussion Paperand Non-Binding Guidelines, OCHA, NewYork/Genève, 14 septembre 2001, 15 p.

(suite de la page 1)

darité internationale, l’éducation et lasanté pour tous (…), l’affirmation par-tout du droit international et le choixdu dialogue. »1 En clair, exactementl’inverse de l’actuelle politique améri-caine.

Elargissement, rapprochementavec la Russie, divergences euro-amé-ricaines pourraient amener progressi-vement l’OTAN à devenir une institu-tion paneuropéenne de sécurité. Une

L'OTAN survivra-t-elle en devenantune organisation paneuropéennede sécurité ?

sorte de « bras armé » de l’Organisa-tion pour la sécurité et la coopérationen Europe (OSCE). Les Européenspourraient peser de tout leur poidspour que ce scénario puisse se réa-liser. Ceci figurera vraisemblablementà l’ordre du jour du renforcement desmoyens de la PESC lors des travauxde la Convention sur la réforme del’Europe.

Bernard Adam,Directeur du GRIP.

1. Le Monde, 29 mai 2002.

Les Etats fondateurs sont alors char-gés de coordonner les programmesqui ont trait aux différentes prioritésdu nouveau partenariat. En ce quiconcerne le second besoin, le NEPADsouhaite instaurer de nouvelles rela-tions de partenariat entre l’Afrique etla communauté internationale, pourcombler le fossé qui sépare le continentdes pays fortement industrialisés.

Le NEPAD est un véritable engage-ment des dirigeants africains enversles peuples du continent. Cette initiative

Le NEPAD peut-il mettre l'Afriquesur la voie du développement ?

(suite de la page 5)

a d’ores et déjà été bien accueillie parles acteurs de la scène mondiale telsque le G8, l’UE, les chefs d’Etat d’Euro-pe et d’Asie et récemment par les minis-tres des pays de l’OCDE.

Toutefois, le NEPAD doit encoreévoluer afin de trouver une structuredéfinitive et c’est dans ce but que lesdirigeants africains se sont rendus les26 et 27 juin 2002 au Sommet du G8à Kananaskis (Canada). Autre dateimportante à retenir, en septembre,l’Afrique accueillera le Sommet mondialsur le développement durable.

Amandine Girard

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MILITAIRES - HUMANITAIRESÀ CHACUN SON RÔLE

« Mais pour qui se prennent-ils ? Pour lesnouveaux Chevaliers de l’Hôpital ? D’une mainl’épée, le stéthoscope de l’autre ! » Voilà ensubstance la réaction ulcérée de la communautéhumanitaire, après les largages de colisalimentaires par l’armée américaine au-dessusde l’Afghanistan – entre deux bombardements.Déjà, lors de la « première guerre humanitaire »menée par l'OTAN au Kosovo (1999), elle avaitressenti un réel sentiment de révolte.

Face à ces critiques, les militaires plaident non coupables. S’ilsrevendiquent bien le droit de mener des actions humanitaires, ils se défendent

de le faire au détriment de ceux dont c’est la tâche essentielle. Leurs initiatives se veulentcomplémentaires ou purement logistiques. Pour beaucoup d’ONG humanitaires, il y aconfusion des rôles à des fins politiques et médiatiques. Tout est une question deprincipe : l’action humanitaire part d’une intention (sauver des vies humaines) qu’on neretrouve que fugitivement chez les militaires et les Etats qui les guident. Or, l’actionhumanitaire doit rester une démarche en soi...

Cet ouvrage, résultat d’un partenariat entre le GRIP et Médecins sans frontières, nedonne pas la parole qu’aux spécialistes, qu’ils soient juristes, journalistes ou politologues.Il s’ouvre aussi aux nombreux témoignages d’humanitaires et de militaires qui ont exercédes responsabilités sur le terrain, ainsi qu’à Javier Solana, monsieur PESC, et à Jean-Christophe Rufin, prix Goncourt et ancien vice-président de MSF - France.

Ont contribué à cet ouvrage : Bernard Adam, Jean-Marc Biquet, Olivier Cor ten, Eric David,Eric De Reu, François Dubuisson, Tine Dusauchoit, Istvan Felkaï, Vincent Janssens, Jean-MarieJockin, Michel Liégeois, Luc Mampaey, Jean-Paul Marthoz, Valérie Peclow, Jean-Philippe Renaud,André Riche, Jean-Christophe Rufin, Federico Santopinto, Javier Solana, Christopher Stokes,Katia Van Egmont et Xavier Zeebroek.

Un ouvrage de 288 pages – 19,90 euros.(ISBN 2-87027-929-9)

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PARUTION RÉCENTE

L'UNION EUROPÉENNEET LA PRÉVENTION DES CONFLITS

CONCEPTS ET INSTRUMENTS D'UN NOUVEL ACTEUR

La prévention des conflits s’inscr it désormais de manière claire surl’agenda de l’Union européenne. Et les principaux instruments dont

dispose celle-ci – diplomatie traditionnelle, de coopération audéveloppement, de gestion civile et militaire des cr ises ... –

se verraient mis au service de la prévention.Il n’en reste pas moins que les différents mo yens de gestion descrises actuellement mis en place , et la prédominance aussi bienpolitique que financière accordée aux instr uments militaires, ne

facilitent pas une vision claire des objectifs et des mandats . L’idéemême d’une prévention des conflits reste floue et confuse ...

Une étude de Félix Nkundabagenzi, Caroline Pailhe et Valérie Peclow (chargés de rechercheau GRIP), Rapport 2002/2, 72 pages , 13 euros.