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Les nouvelles technologies bouleversent le conseil en innovation technologique L e nouveau paradigme de l’innovation ouverte, qui repo- se sur de vieilles idées, se développe fortement aujour- d’hui car il s’appuie sur internet et sur les réseaux sociaux. Les consultants en technologie et en innovation doivent donc s’adapter à ce développement, voire l’anticiper. Il est ainsi nécessaire à ces spécialistes de connaître et maîtriser de nouveaux outils de recueil d’idées, de veille technologique, de sour- cing d’experts ou encore de crowdsourcing. Ces outils numériques et sociaux, véritables leviers de l’innovation, doivent toutefois trouver leur place à côté des approches plus classiques du conseil en innovation et en technologie, et ne doi- vent pas s’y substituer. La stratégie d’une entre- prise en RID (recherche, innovation et développe- ment) doit faire la part des choses entre l’innovation inter- ne et l’innovation ouverte, et une entreprise peut légitime- ment attendre d’un consultant qu’il la guide sur ce terrain complexe. L’innovation devient ouverte Traditionnellement, les entreprises innovent technologi- quement en s’appuyant très majoritairement, si ce n’est totalement, sur leurs ressources internes. Leurs personnels R&D ont souvent l’habitude de ne communiquer qu’avec des partenaires internes à l’entreprise (production et marke- ting essentiellement). Le flux d’informations provenant de l’extérieur repose essentiellement sur une activité de veille technologique et d’intelligence industrielle, par nature dis- crète, et le flux d’information vers l’extérieur est générale- ment réduit au maximum au travers de l’information tech- nique nécessairement due aux clients, ainsi qu’à l’obligation légale de publication technique lors de dépôts de brevets. Cette conception «fermée» de l’innovation a ses vertus : confidentialité maximale, maîtrise du savoir technique en interne, gestion simple de la propriété industrielle, indé- pendance technologique, création de valeur ajoutée. Toutefois, elle est remise en question depuis quelques années par des universitaires comme Henry Chesbrough, professeur à Berkeley et auteur de Open Innovation : The New Imperative for Creating and Profiting from Technology (HBS Press, 2003), ainsi que par des sociétés comme Procter&Gamble (à travers leur programme «Connect&Develop» visant depuis 1999 à valoriser des développements internes quitte à les vendre à d’autres entreprises), Philips (qui a ouvert en 2003 un High-Tech Campus, centre de R&D ouvert à d’autres entreprises) ou encore Lego (par leur offre Design byME, proposée entre 2005 et 2012, permettant à leurs clients de créer leurs propres modèles Lego). Stéphane GASSER Stéphane GASSER Polytechnicien et docteur en sciences des matériaux, Stéphane Gasser a développé depuis 2000 une méthodolo- gie originale d’innovation ouverte, la médiation technique, par son expérience industrielle dans les secteurs de l’aéro- nautique, du nucléaire et de la fabrication de matériaux. Il a fondé en 2010 la société Prométhée, spécialisée en média- tion technique. Un nouveau paradigme d’innovation dite «ouverte» (ou Open Innovation) se dégage donc depuis une bonne dizaine d’années. Une entreprise peut innover technologiquement grâce à des partenaires extérieurs : entreprises, laboratoires académiques, ou même particuliers. De nouveaux outils L’innovation ouverte est favorisée par l’émergence successive de l’informatique, d’Internet et des réseaux sociaux. En effet, de nouveaux outils informatiques permettent à l’entreprise d’accéder plus facilement à ces nouveaux partenaires. Dossier LE CONSEIL Mines Revue des Ingénieurs • Septembre/Octobre 2012 • # 463 1

Les nouvelles technologies bouleversent le conseil en ... · Les nouvelles technologies bouleversent le conseil en innovation technologique Le nouveau paradigme de l’innovation

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Les nouvelles technologies bouleversent le conseilen innovation technologique

Le nouveau paradigme de l’innovation ouverte, qui repo-se sur de vieilles idées, se développe fortement aujour-

d’hui car il s’appuie sur internet et sur les réseaux sociaux.Les consultants en technologie et en innovationdoivent donc s’adapter à ce développement, voirel’anticiper. Il est ainsi nécessaire à ces spécialistesde connaître et maîtriser de nouveaux outils derecueil d’idées, de veille technologique, de sour-cing d’experts ou encore de crowdsourcing.Ces outils numériques et sociaux, véritablesleviers de l’innovation, doivent toutefois trouverleur place à côté des approches plus classiques duconseil en innovation et en technologie, et ne doi-vent pas s’y substituer. La stratégie d’une entre-prise en RID (recherche, innovation et développe-ment) doit faire la part des choses entre l’innovation inter-ne et l’innovation ouverte, et une entreprise peut légitime-ment attendre d’un consultant qu’il la guide sur ce terraincomplexe.

L’innovation devient ouverte

Traditionnellement, les entreprises innovent technologi-quement en s’appuyant très majoritairement, si ce n’esttotalement, sur leurs ressources internes. Leurs personnelsR&D ont souvent l’habitude de ne communiquer qu’avecdes partenaires internes à l’entreprise (production et marke-ting essentiellement). Le flux d’informations provenant del’extérieur repose essentiellement sur une activité de veilletechnologique et d’intelligence industrielle, par nature dis-crète, et le flux d’information vers l’extérieur est générale-ment réduit au maximum au travers de l’information tech-nique nécessairement due aux clients, ainsi qu’à l’obligationlégale de publication technique lors de dépôts de brevets.

Cette conception «fermée» de l’innovation a ses vertus :confidentialité maximale, maîtrise du savoir technique en

interne, gestion simple de la propriété industrielle, indé-pendance technologique, création de valeur ajoutée.

Toutefois, elle est remise en question depuisquelques années par des universitaires commeHenry Chesbrough, professeur à Berkeley etauteur de Open Innovation : The NewImperative for Creating and Profiting fromTechnology (HBS Press, 2003), ainsi que par dessociétés comme Procter&Gamble (à travers leurprogramme «Connect&Develop» visant depuis1999 à valoriser des développements internesquitte à les vendre à d’autres entreprises), Philips(qui a ouvert en 2003 un High-Tech Campus,centre de R&D ouvert à d’autres entreprises) ou

encore Lego (par leur offre Design byME, proposée entre2005 et 2012, permettant à leurs clients de créer leurspropres modèles Lego).

Stéphane GASSER

Stéphane GASSER

Polytechnicien et docteur en sciences des matériaux,Stéphane Gasser a développé depuis 2000 une méthodolo-gie originale d’innovation ouverte, la médiation technique,par son expérience industrielle dans les secteurs de l’aéro-nautique, du nucléaire et de la fabrication de matériaux. Il afondé en 2010 la société Prométhée, spécialisée en média-tion technique.

Un nouveau paradigme d’innovation dite «ouverte» (ouOpen Innovation) se dégage donc depuis une bonne dizained’années. Une entreprise peut innover technologiquementgrâce à des partenaires extérieurs : entreprises, laboratoiresacadémiques, ou même particuliers.

De nouveaux outils

L’innovation ouverte est favorisée par l’émergence successivede l’informatique, d’Internet et des réseaux sociaux. En effet,de nouveaux outils informatiques permettent à l’entreprised’accéder plus facilement à ces nouveaux partenaires.

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Passons en revue, de manière non exhaustive, quelquestypes d’outils, en citant quelques noms de sociétés propo-sant ces outils.

Recueil d’idéesL’idéation est la première phase d’une démarche d’innova-tion. Deux outils classiques, la boîte à idées et le brainstor-ming, peuvent bénéficier des nouvelles technologies.La classique boîte à idées, souvent peu satisfaisante, a laisséplace à des outils informatiques plus performants, et per-mettant surtout une gestion des idées plus facile : stockage,partage, commentaire, évaluation, dérivation d’autres idées,etc. Plusieurs acteurs proposent de tels outils : Spigit,Bright Idea, ou encore le français Innovation Partagée. Latendance est d’évoluer vers les réseaux sociaux d’entreprise,la mobilité, le cloud.Concernant le brainstorming, qui intéresse directement leconsultant en innovation, c’est essentiellement par l’arrivéede logiciels de cartographie heuristique (ou Mind Mapping)que la pratique se renouvelle. Le paper board est remplacé parun logiciel qui permet de manipuler les concepts plus faci-lement que les grandes feuilles de papier qu’il faut souventsaisir informatiquement a posteriori. Des logiciels gratuitscomme FreeMind sont facilement disponibles, et des solu-tions en ligne comme Bubbl.us permettent de faire desbrainstormings à distance ou de manière asynchrone.

Veille technologique et état de l’artL’autre outil classique de l’innovation est la veille technolo-gique. La lecture régulière des brevets est facilitée depuislongtemps par des logiciels d’alertes basées sur des motsclés, et les méthodes de recherche d’antériorité permettentdéjà d’établir un état de l’art. Toutefois, cette tâche est fastidieuse et il est plus efficace des’appuyer sur des outils de Data Mining, analysant algo-rithmiquement des bases de données, comme des bases debrevets mais aussi des publications scientifiques, afin d’ex-traire des technologies-clés, des acteurs scientifiques ouindustriels impliqués, et d’éventuelles relations entre cer-tains acteurs. On pourra citer les français Knowmade etTecKnowMetrix parmi les entreprises offrant de tels ser-vices.Enfin, citons également Twitter, qui devient un outil deveille incontournable pour les publications en ligne : pardes choix bien ciblés, Twitter permet d’obtenir sans effortdes liens vers des articles (de journaux, de revues scienti-fiques ou techniques, mais aussi de blogs d’experts) et versdes sites d’entreprises (start-ups, concurrents, etc.) qui peu-vent s’avérer pertinents, simplement en laissant travaillerles gens inscrits sur Twitter.

Sourcing d’expertsLorsqu’on est arrivé à identifier un axe d’innovation, il sepeut que l’on ne dispose pas en interne de toute l’expertise

nécessaire, et l’on peut avoir besoin d’un expert ou d’uneentreprise partenaire. La technique usuelle de l’entrepreneurest de s’adresser à son carnet d’adresse, qui malheureuse-ment est souvent inutile en cas d’innovation technologiqueimportante, car le savoir-faire recherché, s’il existe, n’estprobablement disponible qu’en dehors de son secteur d’ac-tivité, voire dans un laboratoire. Les réseaux sociaux profes-sionnels comme Viadeo ou Linkedin sont une premièresolution pour étendre son réseau.Lorsqu’il s’agit d’un problème à caractère scientifique, oubien d’un problème vraisemblablement à la limite de l’étatde l’art, il peut être utile de s’adresser à des sociétés de sour-cing d’experts scientifiques. De telles sociétés s’appuient surdes méthodes de Data Mining pour rechercher, au travers deleurs publications scientifiques, les chercheurs et les labora-toires les plus pertinents. C’est notamment la spécialité dufrançais Expernova.Notons que cette solution impose vraisemblablement untravail de recherche ou au moins de développement impor-tant. Lorsqu’on cherche au contraire une entreprise ou unexpert capable immédiatement d’apporter une solutiontechnique éprouvée, il vaut mieux s’adresser à une société demédiation technique comme Prométhée (l’entreprise del’auteur).

CrowdsourcingEnfin, lorsque la solution à un problème n’est pas évidente,ou bien qu’on veut des idées originales, il peut être utile des’adresser virtuellement à tout le monde. C’est ce que per-mettent les plateformes Internet de crowdsourcing.

Principe du crowdsourcing. L’entreprise soumet sa question à la plateforme et propose unerécompense, et la plateforme soumet la question aux candidats. Les candidats soumettentalors leurs solutions, que la plateforme renvoie.

Le principe du crowdsourcing est le suivant : une entrepri-se ayant une problématique à résoudre la publie (anonyme-ment le plus fréquemment) sur une telle plateforme et offreune récompense à la meilleure proposition (typiquement10 000 euros). Des candidats, inscrits gratuitement sur la

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plateforme, peuvent alors soumettre leurs idées. À l’issue dela période de soumission, les idées sont lues et évaluées, etl’auteur de la meilleure proposition est récompensé.De nombreuses entreprises proposent de tels services, à telpoint qu’on finit parfois par confondre prestataire en inno-vation ouverte et plateforme de crowdsourcing. Citons parexemple Innocentive, NineSigma, Hypios, Innoget, ainsique les français Presans et Innovation Partagée.

Évolution du rôle du consultant

Le consultant en innovation technologique bénéficie pour sapropre activité de certains des outils cités : cartes heuris-tiques, twitter, réseaux sociaux professionnels. Mais lamutation principale que lui imposent les nouvelles techno-logies est bien dans l’orientation de la demande vers l’inno-vation ouverte, car son rôle évolue.

En effet, on attend de plus en plus du consultant qu’il puis-

se guider une entreprise dans son évolution vers une pra-tique plus ouverte de l’innovation. Or, d’une part, l’innova-tion 100 % ouverte est déraisonnable car la technologie ducœur de métier est stratégique, et d’autre part les outils del’innovation ouverte doivent être utilisés à bon escient.

Ainsi, l’on attend du consultant en innovation qu’il puissepréciser dans quels cas faire appel à du crowdsourcing.L’expérience montre en effet que le crowdsourcing fonctionnemieux si le temps passé par un candidat à proposer une solu-tion est relativement faible (quelques heures), sous peine dedécourager trop vite les candidats n’ayant pas été récom-pensés. On privilégiera l’appel au crowdsourcing pour l’idéa-tion ou l’appel à des grands principes de solution, et ons’orientera plutôt vers du sourcing d’experts ou de la média-tion technique pour rechercher des solutions plus détaillées.

Le rôle du consultant en innovation technologique est donc,plus que jamais, un métier de conseil avant tout. ●

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Nouveaux marchés, nouveaux outils

Introduction

Les “nouvelles technologies”, terme qu’il faut définir oudont on doit au moins donner des exemples pré-cis, ont un double impact sur le métier du conseil.D’une part, elles créent un nouveau marché, carles clients n’ont ni le temps ni les moyens d’éva-luer chacun l’opportunité de déployer ces innova-tions dans leur entreprise. Encore faut-il veiller àapporter une vraie valeur ajoutée aux masses decritiques et d’évaluation disponibles sur la toile.D’autre part, elles fournissent au consultant denouvelles manières d’exercer son métier, en parti-culier des outils plus pointus, disponibles dans lecloud, y compris des outils de communication etde collaboration qui doivent conférer un niveau d’agilitélaissant les concurrents moins habiles dans le sillage des lea-ders. Malgré ces avantages, il faut continuer de veiller àmettre la technologie au service des procédés et des per-sonnes, et non le contraire.

L’évolution des technologies, et des outils informatiques enparticulier, peut être vue sous plusieurs angles. Avant mêmede penser à leur impact sur le métier du consultant, il fautd’abord se demander comment cette évolution modifie lefond de notre travail, et pas seulement sa forme (Table 1) :

Il faudrait aussi se mettre d’accord sur ce que sont les «nou-velles technologies» dont nous parlons ici. Au lieu d’essayerde définir ce terme d’emblée, ce qui est difficile parce que

ce qui est nouveau aujourd’hui ne le sera pas dansdeux ans, nous avons choisi de donner desexemples le moment venu.

Nouveaux marchés

L’émergence de nouvelles technologies, et mêmela prévision de ces changements, représente unedemande de prestations auprès de clients dont lesaffaires dépendent de ces évolutions, mais quin’ont pas les moyens d’effectuer en interne laveille technologique ou les évaluations requises.

Ce besoin concerne évidemment des entreprises de taillemoyenne, qui n’ont pas de CTO (Chief Technology Officer)ni d’équivalent, et dont le service informatique, s’il existe,n’a qu’une mission tactique (installation et maintenance dematériel, réseaux, sécurité, et applications). Mais on le trou-ve de plus en plus dans de grandes entreprises, qui autrefoisassuraient leur propre veille technologique :• Pour certaines, les réductions d’effectifs dues à la criserécente ont touché en premier les postes considérés lesmoins indispensables, ceux dont l’impact sur l’entrepriseest à long terme. Le personnel restant peut assurer le fonc-tionnement et l’évolution normale des moyens, mais pasl’innovation.

• Pour d’autres, la vague d’externalisation des années 1990a été menée par des responsables qui ont négligé deconserver en interne certaines fonctions-clés : gouvernan-ce, architecture, standards, et innovation.

• Enfin, pour d’autres, les compétences nécessaires sontabsentes simplement parce que l’apparition de plus enplus rapide de nouvelles technologies met en porte-à-fauxles experts des technologies précédentes qui n’ont pas letemps ou la volonté de se mettre à jour.

On peut résumer ces situations dans la grille page suivante.

Le rôle du consultant peut être crucial pour se substituer àce manque de compétences, suivant les indications de lafigure page suivante.

Voyons des exemples de missions qui n’auraient pas eud’objet il y a dix ans, voire cinq, et pour lesquelles les

Claude BAUDOIN (X 70)

Claude BAUDOIN

Claude Baudoin (X 1970, MS Stanford) est consultant enstratégie informatique et en gestion des connaissances, baséà Austin (Texas). Il a passé 35 ans dans de grandes entre-prises (Sema, National Semiconductor, Schlumberger) en tantque directeur de développement logiciel, directeur informa-tique, et conseiller de la DSI. Il est co-auteur de deux livres etauteur de nombreux articles et rapports.

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Impact sur le fond Apport de nouveaux marchés,extinction d’anciens

Impact sur la forme

Informatique etcommunication

Table -- Le fond et la forme

Autrestechnologies

Nouveaux outils,processus modifiés

Variable / faible

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clients peuventtrès bien vou-loir s’adresser àdes consultantsi n d i v i d u e l sayant un savoirpointu sur lesujet :❶ Le cloud. Lebesoin spéci-fique du clients’accommode-t-il d’une solution «dans le cloud» ? Quelsen sont les avantages et les risques ? Qui sont les fournis-seurs fiables ? Quid de la protection des données indivi-duelles, de la territorialité des données en général ?Quelles garanties contractuelles de niveaux de servicepeut-on obtenir ?

❷ La collaboration. Quels sont les nouveaux modes de col-laboration dans l’entreprise, mais aussi entre l’entrepriseet ses partenaires, qui permettent d’exécuter les processusplus rapidement et plus fiablement ? Quels sont les bonsoutils, et comment les intégrer avec l’existant (ou migrerdepuis l’existant) en résolvant les problèmes de résistanceau changement ?

❸ Les réseaux sociaux. Comment les intégrer aux diffé-rentes fonctions de l’entreprise qu’ils peuvent modifier(marketing, ressources humaines, recherche et développe-ment, vente, service après-vente) ? Que font les concur-rents ? Quelles sont les études de cas similaires ? Quelssont les bons outils ? Comment les intégrer aux outils decollaboration de l’entreprise ?

❹ La modélisation des processus. Quels résultats enattendre ? Faut-il seulement modéliser, ou aller jusqu’à lasimulation et l’exécution ? Quels sont les bons outils ?Par quels processus commencer ? Comment conduirel’identification et la modélisation ? Comment construireune bibliothèque de processus ?

Arrêtons-nous dans cette énumération, mais constatonsqu’il s’agit là d’opportunités présentant des caractéristiquescommunes :• Elles n’auraient pas existé, ou sous une forme très diffé-rente, avant l’arrivée des technologies correspondantes.Par exemple, bien que Salesforce.com existe depuis 1999,on n’aurait pas pensé à étudier d’autres solutions«Software as a Service» (SaaS) avant au minimum 2007.

• Ces sujets sont constamment traités par des sociétéscomme Gartner, Forrester, ou Ovum. Or ces cabinetss’adressent essentiellement aux grandes directions infor-matiques, auxquelles elles demandent des prix élevés (50 000à 500 000 euros par an) pour les abonner à un flot de rap-ports qui dépassent souvent la capacité d’absorption duclient, ne lui sont pas spécifiques, et sont écrits par des«analystes de bureau» qui ne pratiquent pas ce qu’ils prê-

chent. Il y a donc un marché pour des «consultants clini-ciens» plus petits, qui appuient leur connaissance du sujetsur une pratique en entreprise.

• Les études nécessaires demandent des compétences spéci-fiques, et une méthode, que n’ont pas la plupart desclients. On peut tout savoir sur SAP et avoir travaillé avecdepuis 20 ans, cela ne donne pas pour autant les élémentsnécessaires pour déterminer s’il existe une solution ERPviable dans le cloud, et quelles doivent être les étapesd’enquête, d’évaluation, de pilotage, de négociation et demigration requises.

• Dans tous ces domaines, on peut servir un client au coursdes différentes phases d’introduction d’une nouvelle tech-nologie, et formuler une offre adaptée à chacune desphases (figure ci-dessous) :

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ÉvaluationRecueil des besoinsRecherche de casÉtude des solutions

Projet-piloteGestion de projetFormationRelation avec lefournisseur

DéploiementGestion de projetGestion du changementFormationEnquête de satisfactionÉtude étape suivante

Phases d'introduction et apport du consultant

Besoins de conseil selon l’équipe du client

Nouveaux outils

L’impact des nouvelles technologies sur notre métier estégalement important, bien qu’il vaille mieux décrocher unnouveau contrat et l’exécuter avec des méthodes moinsmodernes que d’appliquer les derniers outils à une offre quine corresponde plus à l’attente du client.Cet impact se manifeste tout au long du processus, depuisl’indentification d’un prospect jusqu’au suivi du clientaprès la fin d’une mission, et l’inventaire (page suivante enhaut) n’est certainement que partiel.

De plus, le consultant doit assurer des fonctions perma-nentes de marketing et de relations avec sa clientèle, indé-pendamment des missions en cours (page suivante en bas).

Les deux tables ci-contre peuvent bien entendu omettre cer-taines utilisations, en particulier dans des marchés spéci-fiques demandant des outils spécialisés.

Intersection et conclusion

Les impacts des nouvelles technologies sur le fond et sur laforme des activités de conseil ont été vus séparément, maisil est important de prendre en compte l’intersection de cesdeux aspects. Un client qui demande une action de conseilsur l’utilisation des réseaux sociaux, ou sur les vertus deSalesforce.com par rapport à Oracle CRM (alias Siebel), auraplus confiance en un consultant qui utilise lui-même cestechnologies. Si le client demande au consultant, «Et vous,qu’utilisez-vous pour votre fichier de clientèle ?» et que leconsultant répond «Euh… Excel», il y a un problème de

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Utilisation de nouvelles technologies pour les fonctions permanentes d'une société de conseil

Utilisation de nouvelles technologies dans le cadre d’une mission

Phase

Promotion

Identification de clients prospectifs

Communication avec le client

Recherche de solutions

Recherche de partenaires

Rédaction de proposition

Exécution de la mission

Technologie

Forums de discussion (LinkedIn, Twitter, Google+)Blogs (Wordpress, etc.)

Réseaux professionnels (LinkedIn, Viadeo)

Réseaux professionnels

Téléphonie virtuelle et présence (Skype, GoogleVoice, etc.)

Téléconférence, visioconférence(NetMeeting, Freeconference, Google Hangout)

Forums de collaboration inter-entreprise (Yammer,LinkedIn, etc.)

Réseaux professionnels (LinkedIn, Viadeo)

Gestion documentaire dans le cloud (Google Docs,etc.)

Téléphonie virtuelle, présence

Calendrier dans le cloud (Google Calendar)

Réseau professionnel interne du client (Yammer,Drupal, Jive, etc.)

Forums de discussion

Blogs

Gestion documentaire

Wikis

Utilisation

Annonces promotionnelles(nouvelles offres, publications)

Positionnement comme expert, image de marque

Recherche de personnes ayant des profils promet-teurs ; envoi de messages par une relation com-mune

Etude du C.V. du client avant rencontre

Amélioration de la disponibilité pendant les dépla-cements

Présentations et démonstrations à distance avecpartage d’écrans

Interrogation d’autres experts, souvent à titre defaveurs entre collègues

Recherche de personnes ayant les bonnes compé-tences pour compléter une équipe pendant unedurée déterminée

Rédaction partagée d’une proposition

Coordination de l’équipe

Echanges entre participants(avec archive des discussions)

Journal du projet

Rédaction partagée des documents livrables

Liste de bugs ou de demandes de modifications

Activité

Promotion

Gestion du fichier de clientèle

Lettres d’information

Suivi du client

Technologie

Forums de discussion (LinkedIn, Twitter, Google+)

Blogs (Wordpress, etc.)

Outils de gestion des relations clients dans le cloud(Salesforce, Sugar CRM, Outlook Business ContactManager, etc.)

Outils de marketing et de mailing (ConstantContact,Salesforce)

Wikis

Utilisation

Annonces promotionnelles (nouvelles offres, publi-cations)

Positionnement comme expert

Répertoire des clients (compagnies et leursemployés)Suivi des affaires faites avec chaque client

Formatage et distribution de lettres d’informationpériodiques

Echange entre le consultant et les employés duclient pour un contrat contenant un suivi

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crédibilité ! Le cordonnier ne peut pas se permettre d’être leplus mal chaussé.Il importe donc aux consultants, individuels comme socié-tés de conseil, d’évaluer et d’adopter un nombre raison-nable de ces technologies avant qu’elles ne deviennentbanales. Ainsi, ils pourront prouver à leurs clients :• qu’ils savent réfléchir à ces opportunités, et peuvent donc

fournir une assistance à d’autres dans le même cas,• qu’ils utilisent ces technologies pour fournir un meilleurrésultat ou travailler avec une plus grande efficacité, et ense dotant des ressources les plus compétentes. Et indé-pendamment de l’image donnée au client, le gain d’agi-lité apporté par ces outils, et souvent la réduction de coûtqu’ils permettent, sont réels. ●

Mines Revue des Ingénieurs • Septembre/Octobre 2012 • # 4637

L’informatique au service du consensus

L’acceptation sociale

L’acceptation sociale des projets industriels et d’infrastruc-ture est aujourd’hui un enjeu crucial.Qu’il s’agisse des technologies de l’in-formation qui fournissent un accèsfacilité aux médias ou de leviers juri-diques, les individus disposent demoyens de plus en plus nombreux etsophistiqués pour agir, avec des consé-quences économiques directes pour lesporteurs de projet lorsque des mouve-ments d’opposition se créent. Le coûtdes retards pris par les projets en est un bon exemple : péna-lités directes, coûts indirects, mobilisation inutile d’équipe-ments, manques à gagner liés aux retards de productionviennent s’ajouter aux frais juridiques et de communica-tion/relations publiques. On ne compte plus les projetsretardés ou purement et simplement annulés pour caused’opposition publique, quels que soient le lieu ou secteur.

Les exemples vont des installations de méthanisation (plu-sieurs exemples en France) ou d’incinération aux barrageshydroélectriques (exemple de Belo Monte au Brésil), en pas-sant par les mines (exemple de l’aluminium de Vedantadans l’état d’Orissa en Inde), les papèteries (Qidong enChine), les champs d’éoliennes offshore (exemple du projetdes «deux côtes» en Haute-Normandie), ou des cas plusextrêmes qui concernent des secteurs entiers comme les gaz

de schiste (exemple de la France et de la Roumanie) ou lafilière du captage et stockage du CO2 en Europe.

Des enquêtes publiques sont mises enplace pour permettre aux parties pre-nantes concernées par un projet de serenseigner sur ses impacts et d’expri-mer leur opinion le concernant. EnFrance, ces enquêtes publiques, obli-gatoires pour les grands projets, sontencadrées par les dispositions duGrenelle II (article L.123-1 du code del’environnement). En amont de l’en-

quête publique, l’enjeu est de prendre en compte de maniè-re transparente les perceptions des différentes parties pre-nantes concernées par le projet, puis de les accompagnerdans la construction d’un consensus : une réalité qu’ellesseront toutes prêtes à accepter. Or ces perceptions sontinfluencées par des intérêts, des préoccupations, des niveauxd’information qui diffèrent pour chacune des parties pre-nantes. De plus, les éléments sur lesquels sont fondées lesperceptions sont le plus souvent non-exprimés. Les méca-nismes de dialogue classiques atteignent dès lors leurslimites pour apporter les bonnes réponses à chaque interlo-cuteur, difficultés auxquelles vient s’ajouter un manquecroissant de confiance entre les différentes parties prenanteset le porteur du projet.

C’est dans le but de comprendre l’ensemble des perceptionsdes parties prenantes, et de déterminer si, et sous quellesconditions, elles vont s’accorder autour d’un même projet,que l’outil «Guide» a été développé. C’est un outil infor-matique destiné à objectiver les débats, apporter un cadrede transparence, de neutralité et d’exhaustivité tout en maî-trisant les périmètres des débats et le respect d’un calen-drier.

Quels bénéfices attendre d’un outil d’analysede la perception ?

Dans le déroulement de la concertation tout d’abord. Ilest essentiel, pour aboutir à une décision partagée et consen-suelle, que tous les arguments soient exprimés, qu’ils soienten faveur ou non du projet. Les arguments positifs sont par-fois plus difficiles à faire remonter (on intervient plus dansle débat pour se «plaindre» que pour partager sa satisfac-

Louis-MarieJACQUELIN

DavidMERCEREAU

David MERCEREAU

David Mercereau est chef de projet au sein du pôle perfor-mance environnementale et sociale d’ENEA Consulting.Après Centrale Paris, il a conduit des études technico-écono-miques dans le domaine du gaz naturel. Il met maintenant saconnaissance des projets énergétiques au service de projetsd’acceptabilité sociale dans le secteur énergétique.

Louis-Marie JACQUELIN

Louis-Marie Jacquelin (X04) est directeur du développementde l’activité Innovation chez ENEA Consulting depuis 2012,après l’École Polytechnique et un master Energie à Stanford.Il rejoint le cabinet et a notamment réalisé des missions éco-nomiques et stratégiques sur les secteurs du captage-stockagede CO2 et du stockage d’énergie.

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aussi bien pour le porteur de projet que pour les différentsgroupes d’opinions présents.

En plus de la confiance que génère un processus transparent,on observe le report des échanges bilatéraux entre l’opposi-tion et le porteur du projet vers un échange multilatéral desparties prenantes entre elles. Cette redistribution des rôleset des attentes se matérialise à travers des tables rondes etdes groupes de travail organisés entre les différentes sessionsde vote qui ont lieu au cours de la journée de concertation,dont l’objectif est de compléter le processus positif en allantchercher des solutions qui seront proposées pour améliorerles différents scénarios de projets. Le résultat obtenu est laco-construction itérative de solutions d’acceptabilité crois-sante, en travaillant conjointement et systématiquement surle traitement des «bruits» résiduels.

Dans l’analyse des résultats ensuite : pour gérer partiesprenantes autour de projets industriels complexes, lesapproches statistiques sont insuffisantes. Il est aujourd’huinotable que des groupes d’opposition largement minori-taires sont capables de bloquer un projet, même dans les casoù une majorité s’est prononcée en sa faveur. Une démarched’acceptabilité sociale efficace doit donc être à mêmed’identifier ces groupes minoritaires, puis de répondre defaçon ciblée à leurs arguments spécifiques. C’est en ce sensqu’on parle de construction de consensus : le projet qui serafinalement décidé doit susciter l’adhésion de l’ensemble desminorités ayant capacité de blocage. Grâce à l’analyse desprofils des répondants et des schémas qui vont apparaîtresur chacun des critères (l’impact visuel, par exemple, qui est

tion) et pourtant essentiels si l’on cherche un débatconstructif et traduisant la complète réalité du projet.L’interface informatique permet de recueillir la perceptionde chacune des personnes présentes en lui redonnant sonjuste poids : les voix fortes sont positionnées par rapport àla majorité habituellement silencieuse, ce qui permet defaire émerger les vrais enjeux des débats. Une décomposi-tion du projet en différents scénarios permet de présentertoutes les options possibles, en incluant si possible le scéna-rio «statu quo» qui implique de ne rien changer à la situa-tion actuelle. Ce dernier point, l’une des bonnes pratiquesde réunions de concertations qui ont été incluses dans lelogiciel, est intéressant pour engager les personnes présentesdans une dynamique positive. Elle peut se révéler égale-ment stratégique dans la mesure où elle peut valider un scé-nario peut-être imparfait, mais supérieur à la situation exis-tante, et donne aux porteurs de projets une légitimité direc-tement liée à la dynamique de co-construction. Chaque scé-nario est noté selon une batterie de critères de satisfactionprédéterminés puis affinés avec les parties prenantes. Cetteapproche permet de décomposer la problématique selon lesens et la valeur que chacun porte à l’ensemble des caracté-ristiques du projet en cause, évitant l’amalgame d’argu-ments hétérogènes. Au cours de ce processus, la transparen-ce des débats est assurée d’une part par l’animation de la ses-sion par un organisme tiers (C3, avec ENEA Consultingdans le cas des projets énergétiques), et d’autre part par l’af-fichage permanent et en temps réel des résultats. Via unevidéo-projection directe dans la salle de concertation, cha-cun peut visualiser le poids relatif de son opinion par rap-port à celui de l’ensemble des parties prenantes. Ceci est vrai

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prépondérant pour les riverains du site prévu), la présenceou l’absence de groupes homogènes est détectée. Le logicielne vise donc pas à définir LE meilleur scénario (option irréa-liste dans la très grande majorité des cas), mais un ensembled’initiatives à mettre en place afin de rencontrer les condi-tions minimales d’acceptabilité : information/communica-tion, négociation/compensations ou le consensus direct.

L’outil décrit ici est bien complémentaire aux démarchesclassiques. Il s’intègre dans les processus de concertationexistants et permet un pilotage fin de l’acceptation de pro-jets. Par exemple, il se révèle très pertinent lors de la miseen place d’actions de communication (en amont ou aval dela concertation), puisque chaque « bruit » détecté par lelogiciel peut être directement corrélé avec un profil type departies prenantes, permettant ainsi d’optimiser la stratégiede communication en dialoguant de façon ciblée.

Grâce à cet outil et les méthodes qui ont été développéespour en optimiser l’utilisation, les prestations de conseil engestion des parties prenantes et concertation ne sont plusfondées uniquement sur des démarches de communicationmais bien des approches pragmatiques pour les porteurs deprojets. La logique d’objectivation, de transparence et de co-construction d’un dialogue sur lequel se fonde l’outil évitel’écueil trop classique d’une communication «du haut versle bas» qui nivelle les attentes, intérêts, niveaux de connais-sance et systèmes de représentations variés des parties pre-nantes pour les prendre au contraire comme une donnéed’entrée. L’utilisation de cet outil a d’ailleurs démontré quela transparence n’est plus un risque mais fait partie de lasolution pour une stratégie de concertation gagnante.

C’est un changement d’approche radical. D’une logique demoyens (communication), l’utilisation de ce support logi-ciel permet d’entrer dans une logique de résultat (le consen-sus). Pour le porteur de projet, c’est un moyen d’aborder cepan de son projet de manière pragmatique, avec le cadrefinancier et temporel nécessaire à la gestion d’un projetindustriel en lieu et place de l’incertitude sur ces deux plansgénérée par des approches fondées sur une communicationtrop générale. ●

Notes«Guide» est un outil développé par C3 Consensus dont ENEA Consulting ala licence exclusive pour le secteur énergétique en Europe. Plus d’informationsur www.c3consensus.com et www.enea-consulting.comPour aller plus loin sur les questions d’acceptation sociale des grands projets : http://www.enea-consulting.com/publications/publication-sur-lacceptabilite-sociale-des-projets-industriels/

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Dans la pérennité du consensus enfin. En enregistrantles réponses et les étapes qui ont conduit au consensus final,un rapport complet des échanges est délivré à toutes les par-ties prenantes en fin de séance. C’est une base solide surlaquelle le porteur de projet s’appuie, mais aussi à laquellechacune des parties prenantes peut se rapporter en cas dedoute sur la teneur des arguments et des résultats issus de laréunion de concertation. Là encore, c’est bien la consolida-tion informatique des données qui permet de dépasser uneimperfection souvent remarquée dans les séances de concer-tations pour lesquelles seules les minutes des échanges sontdisponibles.

Dans le même objectif de maintenir le consensus dans letemps, d’autres séances de concertation peuvent être réali-sées ensuite, par exemple à certaines phases-clefs du projet(démarrage des travaux, début des opérations, etc.). Les évo-lutions des perceptions en fonction des impacts des diffé-rentes phases du projet sont ainsi suivies, et des cristallisa-tions d’opposition peuvent être anticipées.

Conseil et nouvelles technologies

Difficile d’imaginer le métier du conseil sansPowerpoint ni Blackberry. Pourtant, ces technologies

ont moins de 25 ans. À l’époque, ces «nouvelles» technolo-gies ont profondément changé nosmodes de travail. Et le phénomène sepoursuit, voire s’accélère. Les nouvellestechnologies recouvrent aussi bien destechniques que des outils. Elles ont desrépercussions importantes sur nosmodes de travail, nos modes d’interac-tion et nos relations client. Autantd’éléments indispensables à l’évolutionde notre activité.

Mieux travailler et plus vite

Dans un métier où la valeur de la prestation est estimée autemps, mieux travailler dans le conseil signifie produire untravail de qualité équivalente en un temps plus court. Toutl’enjeu est donc d’utiliser les technologies à notre disposi-tion pour gagner du temps. Un temps à gagner sur les acti-vités les plus chronophages, parmi lesquelles la recherched’informations.

Il fût un temps où la valeur du conseil résidait dans la facul-té à dénicher des informations rares. Aujourd’hui, à moins

de faire un audit d’acquisition (due diligence) d’une entre-prise spécialisée dans les sacs à main en peau de lapin deRoumanie (sic), le web regorge d’informations. Les moteurs

de recherche, Google en tête, sontdésormais incontournables. Et ce,même sans utiliser les fonctionnalitésavancées de recherche. La productiondes résultats s’améliore sans cesse : onne parle plus d’un simple filtrage,mais d’une hiérarchisation et mêmeune personnalisation de la recherche.

Trouver l’information que l’onrecherche a beaucoup de valeur. Obtenir le premier uneinformation que tout le monde recherche encore plus.À moins d’être connecté en permanence à tous les sites, ilest humainement impossible de suivre toute l’actualité desentreprises. On peut raisonnablement visiter de temps entemps quelques sites reconnus pour leur crédibilité, mais ilest plus pratique de recevoir sur un seul espace les donnéesagrégées issues de ces sites. C’est ce qu’apporte la mise enplace de flux RSS. Par exemple le portail mis à la disposi-tion des consultants de Bain, c’est-à-dire la page d’accueilpar défaut du navigateur connecté au réseau interne, fournitun tel espace. Les flux RSS de Factiva, un moteur derecherche d’actualités, permettent notamment de recevoirtous les articles mentionnant le nom d’une entreprise, clientactuel ou prospect.

Sur les exemples de la recherche d’informations et de laveille active, nous avons vu comment les moteurs derecherche et les agrégateurs de flux RSS transforment nosmodes de travail. D’autres technologies bouleversent égale-ment nos modes d’interaction en tant qu’individu, en tantque membre d’une équipe et en tant que consultant.

Travailler partout et tout le temps ?

Qui n’a pas remarqué le lien fort voire pathologique quiexiste aujourd’hui entre un consultant et son BlackBerry.Un outil indispensable pour être joignable partout, recevoirses emails, consulter ses applications pros et naviguer sur leweb. Autre outil bien utile en déplacement : la clé 3G qui per-met de pallier l’absence de wifi et de se connecter via son PCen tout lieu ou presque. Une fois connecté, la communica-

John HAZAN (P84) Caroline SAID (P06)

Caroline SAID (P06)

Caroline Said (P06) et promotion 2010 d’HEC-Entrepreneurs. Consultante chez Bain & Company, Carolinea mené plusieurs missions de stratégie groupe et filiales et dedue diligence principalement dans l’industrie pharmaceutiqueet l’énergie. Elle est également en charge du «TechMentorship Program» (programme mondial de mentorat surle thème des nouvelles technologies, mentorat «inversé» oùles plus jeunes générations coachent les moins jeunesemployés de Bain) au bureau parisien de Bain.

John HAZAN (P84)

John Hazan (P84) et promotion 98 de la London School ofEconomics. Associé au sein du bureau parisien de Bain, Johnest spécialisé dans la conduite de projets de transformationet en ingénierie sociale. Il a notamment supervisé de nom-breux projets de réorganisation et d’intégration en milieuindustriel et dans les services. Il cumule cette fonction avec laresponsabilité des ressources humaines au sein du bureauparisien de Bain.

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tion sur IP permet de transmettre la voix et l’image. Uneapplication pratique consiste, lorsqu’une équipe de consul-tants se retrouve dispersée géographiquement, à organiserune réunion à distance et à partager une présentation avecl’ensemble des participants grâce à un logiciel de partaged’écran tel que Webex.

Tous ces outils garan-tissent la proximité deséquipes de consultants,la fluidité des échangeset évitent bien souventdes déplacementssuperflus. Ils permet-tent également de

repenser l’organisation du temps de travail : rédiger uncompte-rendu dans le train en rentrant d’une visite clientplutôt que chez soi le soir, alléger sa journée du vendrediquitte à reprendre son travail le dimanche en fin de journée,etc. Une flexibilité qu’apprécient bon nombre de consul-tants mais qui connaît d’importantes variations d’un pays àl’autre, notamment entre les Etats-Unis - où le remote work(travail à distance) est très développé - et la France - plusconservatrice à ce titre -.La contrepartie d’un tel avantage est l’immixtion des outilsde travail dans la sphère privée. On en vient ainsi à suppo-ser une disponibilité permanente des consultants. Ceci créeréciproquement certaines formes de dépendance. La véri-table dépendance au Blackberry par exemple qualifiée decrackberry addiction se caractérise par le fait de consulter sesemails et bien souvent d’y répondre jour et nuit, week-endset jours de congés inclus. On mesure à quel point un desenjeux du métier consiste à s’imposer des temps de «décon-nexion» pour son bien-être, celui de son entourage et enfinsa propre productivité.

Sur le plan collaboratif, outre le partage d’écran mentionnéplus haut, il existe plusieurs outils facilitant le travail enéquipe. Quand plusieurs consultants d’une équipe tra-vaillent sur un même document, il est indispensable de pas-ser d’un mode de travail en local - fichier stocké sur chaquePC - à un mode de travail en réseau - fichier stocké sur unespace sécurisé accessible à tous les consultants d’un projetdonné. Cette transition a déjà eu lieu mais elle peut aller plus loingrâce au cloud computing. Pour simplifier, le cloud est unréseau partagé entre plusieurs serveurs mutualisés. Les ser-vices construits sur le cloud ont pour avantages de fournirun espace de stockage virtuellement infini et une capacitéde calcul très importante. Ils permettent notamment l’édi-tion simultanée d’un document par plusieurs utilisateurs etle stockage des versions successives d’un document pour uneconsultation ultérieure. Un tel service existe déjà – on penseà Dropbox – mais celui-ci ne semble pas apporter de garan-

tie suffisante à l’enjeu de protection des données confiden-tielles. Pour répondre à cet enjeu, certains cabinets dévelop-pent leurs propres solutions.

Enfin, à l’échelle d’un cabinet, un réseau social d’entreprisepermet de tisser des liens entre les consultants. Dans lecadre d’un projet, ce réseau permet d’identifier un consul-tant détenant une expertise particulière sur un sujet donné.Au-delà du cadre strict du projet, il s’avère particulièrementpuissant pour créer des initiatives collectives pour unepopulation de consultants donnée ou sur un thème donné.

Il n’y aurait pas de consultants sans clients. Les nouvellestechnologies sont un formidable atout pour construire,nourrir et entretenir nos relations clients.

Etre plus proche des clients

Les cabinets de conseil comptent certains de leurs clientsparmi leurs alumni, c’est-à-dire d’anciens consultants ducabinet, ayant fait carrière dans de grandes entreprises oudans des fonds d’investissement. On perçoit donc l’intérêtde garder contact avec eux. Les réseaux sociaux profession-nels jouent pour cela un rôle-clé. Tenir à jour les coordon-nées des alumni est un véritable défi. La création d’un grou-

pe d’alumni surLinkedin par exemple,donne la possibilité decontacter tous les alum-ni ayant rejoint cegroupe. Deux intérêtspour le cabinet : ce sontles alumni qui mettent

à jour leurs coordonnées, redirigeant les publications surl’adresse email qu’ils consultent régulièrement, et ce sonteux qui demandent à rejoindre le groupe. Ils sont doncvolontaires pour recevoir des informations de la part de leurancien employeur : actualités, articles de fond, etc. Il s’agitainsi d’un canal privilégié pour garder contact avec lesalumni, à des fins de développement commercial notam-ment.

Plus largement, les réseaux sociaux professionnels permet-tent aux associés d’engager une démarche commerciale avecnon seulement leurs propres contacts, mais aussi lescontacts de leurs contacts. Ils fournissent des informationsprécieuses sur leurs membres et lèvent certaines restrictionscomme le fait de pouvoir contacter un membre sans lienparticulier avec un compte payant. On peut par exemple ensavoir plus sur un prospect, sur son poste, son parcours, sesrelations, afin d’engager la discussion sur tel ou tel sujetsusceptible de susciter son intérêt. Une intelligence com-merciale qui serait plus compliquée et plus longue àconstruire sans l’aide d’un réseau social virtuel. Ce canal,

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que les cabinets de recrutement utilisent intensivement, estde mieux en mieux utilisé par les cabinets de conseil, quiont veillé à clarifier les règles de représentation du cabinetpar ses consultants.

Enfin, alors que notre métier évolue de plus en plus vers dela co-construction, les cabinets de conseil se dotent de solu-tions de gestion collaborative tournée vers les clientscomme une plateforme sécurisée de partage de documentset de calendrier commun. On conçoit aisément l’intérêtd’un tel outil : collaboration étroite entre les équipes clientet les équipes de consultants, désengorgement des boîtesemails, disparition des limitations de taille, visibilité surl’avancée du projet, sur le recueil de données, sur les pré-sentations, etc. Plus qu’un outil, la plateforme collaborati-ve constitue un argument commercial et un moyen de fidé-lisation.

Le métier du conseil semble s’être approprié à un bon ryth-

me les nouvelles technologies, aussi bien pour son fonction-nement interne que pour son développement commercial.On peut cependant noter une hétérogénéité entre généra-tions de consultants : même en reconnaissant leur curiositénaturelle à tous les niveaux de séniorité, les jeunes consul-tants ont généralement une facilité et une appétence plusforte que les consultants les plus seniors. Bain a ainsi eul’idée de mettre en place une démarche de mentoring inver-sé dans laquelle les jeunes consultants partagent leursconnaissances avec les associés du cabinet. Le «TechMentorship Program», lancé dans une vingtaine debureaux à travers le monde dont le bureau de Paris, a susci-té une forte adhésion immédiate. Une vingtaine de binômesassocié-consultant junior se sont crées et se rencontrentmensuellement pour évoquer ces sujets. Ce type d’initiativeest un bon indicateur de notre capacité à faire évoluer lesusages de notre métier et à en faire bénéficier les consultantscomme les clients. ●

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La transformation digital du métier du conseil

Dans le cadre de son partenariat avec le MIT Center forDigital Business, Capgemini Consulting a défini un

cadre d’analyse pour aider les entreprises à orchestrer leurtransformation digital. Deux élémentsclés constituent la fondation de toutetransformation numérique : le typed’activités lancées comme par exemplel’automatisation de certains processusou la création de nouveaux produitsnumériques et la manière de gérer latransformation, c’est-à-dire l’existenced’une vision numérique ambitieuse, lamobilisation des ressources de l’entre-prise autour du numérique et enfin lepilotage et la coordination des initia-tives digital au sein de l’entreprise.

Malgré l’importance des enjeux du numérique, seulementun tiers des entreprises a lancé une véritable transformationdigital. Ces entreprises font face à de nombreux défis : 77%d’entre elles considèrent qu’elles n’ont pas les bonnes com-

pétences pour mener à bien leur transformation numériqueet 50% estiment que leur système informatique ne permetpas de mettre en œuvre leurs ambitions digital. 55% recon-

naissent qu’un changement de cultureest nécessaire.

La transformation digital créede nouvelles opportunités pourles sociétés de conseil

Grâce au digital, de nouvelles opportu-nités d’engager les clients dans leursprojets de transformation apparaissentet impactent le contenu des missionsdu consultant et le portefeuilled’offres. Les clients consultent sur trois

grands types de projets :• L’expérience client : nombre d’entreprises s’interrogentpar exemple sur la meilleure stratégie à adopter sur lesréseaux sociaux.

• Les processus opérationnels : les clients optimisent leurefficacité opérationnelle en améliorant la collaboration ausein de l’entreprise via les technologies digital, en auto-matisant, par exemple, les processus-clés.

• Le modèle économique : les clients développent de nou-veaux produits et offres de services ou bien analysent l’im-pact du numérique sur leur rentabilité.

Afin d’apporter une réponse aux demandes de leurs clients,les sociétés de conseil ont ou vont développer, et continuel-lement améliorer, un portefeuille d’offres digital commeillustré sur la figure 1. Mais pour être crédibles vis-à-vis deleurs clients, ces mêmes sociétés de conseil doivent déve-lopper leur propre culture digital et tout mettre en placepour faciliter l’adoption des nouvelles technologies par lesconsultants.

Patrick STELMASZYK

Chief Technology OfficerCapgemini Consulting

Jérôme BUVAT

Directeur DigitalResearch Institute

Capgemini Consulting

Jérôme BUVAT

Jérôme Buvat a 15 ans d’expérience dans le conseil en stra-tégie (service public, finance et télécoms) et en recherchestratégique. Il a publié de nombreuses études et articles surl’impact du digital sur les différentes fonctions de l’entreprise.

Patrick STELMASZYK

Patrick Stelmaszyk est le Global CTO (Chief TechnologyOfficer) de Capgemini Consulting et dirige les activitésconseil en Inde. Titulaire d’un Doctorat et d’un ExecutiveMBA il a occupé différentes fonctions de management enFrance, Europe de l’Est et Asie où il a vécu pendant cinq ans.

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Les nouvelles technologies, dont l’évolution s’accélère, transforment le monde de l’entreprise que ce soit dans la manière de

communiquer, de produire et de vendre ou dans les attentes des collaborateurs. Les activités de conseil n’échappent pas à

cette tendance et doivent s’approprier les dernières innovations digital. La transformation digital dans le métier du

conseil, tout comme d’ailleurs dans les autres secteurs, dépend bien sûr du point de départ et de la maturité digital de l’en-

vironnement compétitif mais elle est devenue un impératif pour tous les dirigeants. Cette transformation touche l’en-

semble des domaines de l’entreprise, à savoir l’interaction avec les clients, les processus opérationnels ainsi que le modèle

économique.

haite ramener dans le cadre interne de l’entreprise les appli-cations qu’il utilise à titre personnel. Ces mêmes employésrechignent désormais à utiliser des logiciels développés surdes progiciels qui font autorité et demandent des applica-tions plus conviviales, plus intuitives.

Le taux d’accroissement des données numériques dépasse les40% sur une base annuelle. Ainsi de plus en plus de don-nées sont stockées et disponibles, c’est le phénomène bigdata. La forte disponibilité de données fait émerger de nou-veaux besoins : intégration des données structurées et nonstructurées, développement de modèles prédictifs pour anti-ciper les tendances, représentation sophistiquée des donnéesvia des modèles interactifs, etc. Ainsi, les missions deconseils reposent aujourd’hui sur des analyses détaillées dedonnées qui appartiennent à l’entreprise et qui doivent s’en-richir de données externes.

Le consultant hyper-connecté dispose d’ores etdéjà d’outils performants pour gérer ses projets etses réseaux

Les sociétés de conseil sont en train d’effectuer leur muta-tion d’un environnement digital relativement traditionnelvers un environnement beaucoup plus communiquant, plussocial, plus collaboratif qui amènera les consultants à fairepreuve de plus de créativité, de plus de productivité et sur-tout de plus de valeur pour le client. Par définition, leconsultant est l’archétype de l’employé hyper-connecté(selon une définition du World Economic Forum) qui esttoujours en ligne, facilement accessible, qui manipule aisé-ment les données sur le web et autres média sociaux.

Les entreprises du conseil du XXIème siècle ont déjà intégrécette hyper-connexion du consultant et ont commencé àdéployer de nombreuses solutions pour communiquer, col-laborer et co-créer détruisant les barrières géographiques ettemporelles et faisant émerger de nouveaux modes de travailet comportements.

Communication : le téléphone de bureau, qui est en trainde vivre ses derniers jours, a déjà été remplacé par les appa-reils portables (ordinateurs, smartphones, tablettes) quitous intègrent les caméras et applications nécessaires pourmettre en place la vidéoconférence, le partage d’écran etl’échange de fichiers. L’évolution vers des forfaits illimitésest en train d’accélérer cet usage mobile qui rend le consul-tant encore plus nomade et capable de travailler presquen’importe où et n’importe quand.

Collaboration : dans un environnent en évolution rapide etde pénurie de talents, la collaboration s’impose commecomportement stabilisateur de l’entreprise. Les techniquesclassiques de knowledge management, c’est-à-dire structurées

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L’informatique ne peut plus ignorer les demandesde ses consultants

Pendant très longtemps, les directions informatique, sur-tout dans les grands groupes, se contentaient de fournir àleurs employés les outils (ordinateur, téléphone, logiciels,etc.) leur permettant de communiquer, de partager et d’ac-céder aux données de l’entreprise. Le phénomène de consu-merization, du cloud et du big data ont amené ces mêmesdirecteurs informatique à réagir de manière d’autant plusrapide qu’ils n’avaient pas anticipé ces changements.

La consumerization indique la volonté des collaborateurs àutiliser, dans le cadre de leur activité professionnelle, lesoutils qu’ils utilisent à titre personnel. En effet, si l’entre-prise a pu freiner l’utilisation des premiers smartphonesarguant de problèmes de sécurité et de compatibilité, ellen’a pas pu ni su s’opposer à l’introduction des tablettes,celles-ci étant acquises en priorité par les cadres dirigeants(selon Forester, 70% des iPads utilisés dans l’entreprise ontété achetés par les salariés) qui ont su forcer les résistancesinternes et imposer l’interopérabilité des bijoux technolo-giques qu’ils voulaient utiliser. La tendance s’inscrit désor-mais dans le Bring Your Own Device que revendiquent lesemployés qui veulent avoir le choix d’utiliser le terminalqu’ils souhaitent et non plus subir celui imposé par l’entre-prise. Entre 2010 et 2011, la proportion des ordinateursportables et des smartphones dans l’entreprise est passée de30 à 40% (source IDC) et le phénomène n’a aucune chancede s’inverser.

Dans le même temps, de nouveaux acteurs profitant destechnologies du cloud ont inondé les entreprises et les par-ticuliers avec des solutions simples, peu coûteuses et trèsconviviales. Finies les interfaces austères, les navigationscomplexes, les formations lourdes pour comprendre com-ment utiliser les applications. Place à l’intuitivité, au plai-sir d’apprendre, à l’immédiat. Certains utilisent le termeoutside in car il illustre bien la volonté de l’employé qui sou-

Figure 1 : exemples d’offres digital de société de conseil, cas de Capgemini Consulting

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avec taxonomies souvent rigides, sont délaissées au profit duréseau social d’entreprise. L’extrême réactivité que demandece métier ne peut plus se contenter des rythmes classiquesde la gestion documentaire. À la place, le réseau social per-met de solliciter toute l’entreprise, s’affranchissant des bar-rières tant hiérarchiques que géographiques, pour récupérerdans l’immédiat, les informations dont on a besoin, mêmesi celles-ci sont incomplètes et pas toujours bien formali-sées, ou joindre l’expert tellement pointu qu’il n’est guèreconnu que de quelques trop rares professionnels.

Les bases de données sont remplacées par des systèmes destockage sur le cloud, qui permettent au consultant d’accé-der à ses fichiers, ses données à partir de ses nombreux ter-minaux. Et au-delà du stockage, c’est tout le poste du tra-vail qui se trouve sur le cloud avec les solutions de virtuali-zed desktop qui permettront au consultant d’être complète-ment indépendant d’une solution matérielle. Il pourra dis-poser du même environnement de travail (son bureau, sesapplications, ses données, etc.) qu’il se connecte à partir deson ordinateur au bureau, à la maison, sur sa tablette ousmartphone. Demain, le consultant voyagera léger !

Le consultant doit donc assimiler un nombre de plus en pluscroissant de données qui sont stockées sur de nombreuxsupports, tant en interne à l’entreprise que sur des supportsexterne. La googelisation s’impose et nécessite la mise enplace de moteurs de recherche propres à l’entreprise afin derécupérer les données de l’entreprise de manière fiable etsécurisée.

Co-création avec les clients : si les aspects communicationet collaboration permettent au consultant de travailler demanière plus efficace et plus rapide, la co-création permetde mettre en place de nouvelles techniques de travail baséessur des environnements digital qui, lorsqu’elles sont inté-grées dans des processus métiers, présentent des avantagescompétitifs pérennes. Prenons quelques exemples récentsdéveloppés sur les missions de Capgemini Consulting :• Modélisation de processus : nous utilisons de grands tableauxblancs interactifs interconnectés entre différents pays,pour modéliser les processus métiers de nos clients. Plusbesoin de papier, tout se fait avec la main en temps réel eten engageant de manière interactive les meilleurs experts.Les avantages d’une telle approche se situent au niveau desdéplacements (plus besoin de se déplacer pour uneréunion d’une demi-journée) et surtout de la capacité àtravailler sur les modèles de façon synchrone (tousensemble à une date convenue) ou asynchrone (quand jepeux, avec qui je veux).

• Simulation interactive : afin d’exploiter intelligemment lestonnes de données capitalisées les années précédentes,nous créons des applications sur des tablettes numériques

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qui permettent au client de réfléchir avec nos consultantssur les meilleures options visant à réorganiser ses opéra-tions Il peut ainsi se comparer à chaque instant avec lesbest in class et profiter de l’expertise acquise par nosexperts.

• Séminaires collaboratifs : pour mobiliser nos clients, nous lesfaisons réagir en temps réel via des applications web dis-ponibles sur leurs smartphones ou tablettes pendant lessessions de travail. Ils peuvent ainsi poser n’importe quel-le question de manière anonyme ou pas et répondre auxsondages, qu’ils soient dans la salle ou qu’ils soient restéssur le lieu de travail.

Dans un tel contexte d’hyper-connectivité, le consultantdoit s’adapter en permanence aux évolutions des technolo-gies et maîtriser un ensemble de plus en plus large d’appli-catifs qu’il sera amené à utiliser lors de ces missions.

La figure ci-après donne un aperçu non exhaustif des solu-tions de type «social» actuellement disponibles sur la mar-ché et souligne la nécessité du consultant de bien com-prendre l’évolution de la technologie et de se former en per-manence pour être en mesure d’apporter les solutions lesmieux adaptées à ses clients.

En parallèle, les directions informatique des sociétés deconseil devront continuer d’innover. Elles proposerontdemain des services encore plus performants tels que com-mande vocale, poste de travail virtuel et intelligent, gestionsimplifiée des accès aux données sensibles, etc. Le consul-tant du futur sera donc digital et hyper-connecté… ou nesera pas. ●

Figure 2 : catalogue des outils de type «social» à la disposition du consultant

Du recours au Bring Your Own Deviceau sein des cabinets de conseil

Le Bring Your Own Device (BYOD) consiste pour lesentreprises à autoriser leurs employés à utiliser leur

équipement personnel dans un contexte professionnel, qu’ils’agisse d’un smartphone, d’une tabletteou encore d’un ultraportable. Porté parla «consumérisation» croissante de l’IT(l’utilisation par l’entreprise de solu-tions matérielles ou logicielles initiale-ment conçues pour le grand public), ilconnaît une véritable montée en puis-sance ; selon l’analyste Gartner, d’ici à2014 90% des entreprises l’aurontadopté d’une façon ou d’une autre. Aucœur de cette tendance, les métiers duconseil voient plusieurs facteurs enfavoriser le déploiement.

Le BYOD : une réponse aux besoins descabinets de conseil et des consultants ?

Premièrement, le consultant doit pouvoir travailler entoutes circonstances et sur plusieurs projets en parallèle,vivant ainsi une ubiquité professionnelle poussée à sonparoxysme. Au siège de son cabinet, dans les locaux de sonclient, dans un taxi ou une chambre d’hôtel, il a besoin d’unéquipement parfaitement mobile et connectable en perma-

nence, afin de pouvoir accéder à sa messagerie, ses docu-ments de travail, les bases de connaissance de son cabinet oudes sources d’information extérieures. Il doit de plus pou-

voir travailler à distance avec son équi-pe ou ses interlocuteurs clients, à l’ai-de d’outils collaboratifs fiables lui per-mettant par exemple de partager unfichier en temps réel et de l’éditer ensimultané, ou encore consulter unagenda partagé. L’équipement noma-de, support de l’information et de lacommunication, devient source de lienentre consultants. Ces besoins s’appli-quent à l’ensemble de la pyramide desconsultants et pas seulement à

quelques populations bien identifiées (commerciaux, mana-gers mobiles, etc.) comme dans d’autres secteurs d’activités.

Par ailleurs, la sociologie des consultants en fait une popula-tion particulièrement sensible aux problématiques duBYOD : relativement jeunes (moins de 30 ans pour la majo-rité de la pyramide), largement issus de la Génération Y1

pour qui la technologie est un acquis, ils sont très équipés(smartphone, tablette, etc.) et rompus à titre personnel àl’utilisation d’applications de gestion du temps (Toodledo),de visioconférence (Skype), de partage de fichiers (Scribd,SkyDrive, etc.). Ainsi, Il n’est pas rare de voir un consultantutiliser son smartphone pour récupérer un fichier stocké surGoogle Docs ou prendre des notes sur Evernote, synchroniserses agendas professionnel et personnel sur son propre mobileou encore utiliser une messagerie instantanée personnellepour échanger avec un collègue sur le contenu d’un livrable.Dans un métier où la productivité est clé, les consultants,notamment les plus jeunes, se sentent souvent plus à l’aise etefficaces sur des outils choisis et paramétrés par leurs soins.

L’équipement (ordinateur, téléphone, outils logiciels asso-ciés) est ainsi essentiel au consultant puisqu’il constitue sonoutil de production quasiment exclusif. À ce titre, il occupeune part non négligeable de la structure de coûts d’un cabi-net, représentant quelques milliers d’euros de Total Cost ofOwnership annuel par employé. Dans cette optique, la miseen place d’une politique BYOD offre des perspectives d’éco-nomies, avec des promesses de réduction des CAPEX maisaussi des coûts de support informatique (assistance, gestionde la flotte, etc.).

Jean PUJOL(N00)

Manager Kurt Salmon

Rebecca KRIEF(ENSTA 2010)

Consultante Kurt Salmon

Rebecca KRIEF (ENSTA 2010)

Consultante au sein de l’entité CIO Advisory de Kurt Salmon.Ingénieur ENSTA ParisTech et titulaire d’un Master 2 en Éco-nomie de Paris I - La Sorbonne, elle a rejoint Kurt Salmon en2010.Elle intervient sur des problématiques de transformation desfonctions marketing, relation client, vente et gestion multica-nal. Ses clients incluent des entreprises du secteur des trans-ports, des médias ou de l’assurance. Issue de la GénérationY, elle a développé une grande sensibilité aux probléma-tiques liées à la technologie, la mobilité et au Web 2.0.

Jean PUJOL (N00)

Manager CIO Advisory au sein du cabinet de conseil enmanagement Kurt Salmon, qu’il a rejoint en 2005 après undébut de carrière dans l’industrie de défense.Il intervient dans de nombreux secteurs d’activités (e-business,high-tech, distribution, défense, automobile) sur des problé-matiques liées au management de l’innovation technologiqueet au développement produit.

Dossier LE CONSEIL

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Cette perspective économique est d’autant plus importanteque les systèmes d’information d’entreprise ont une maturi-té variable, y compris dans le secteur du conseil.

Pour des raisons de structure, il est difficile pour les plusgros cabinets disposant d’une DSI corporate de proposerrapidement des matériels à l’état de l’art, profitant des der-nières innovations. Du fait des contraintes de gestion d’unematrice informatique et de la mobilité des consultants, ledéploiement d’un nouveau parc matériel est plus long etcomplexe et le choix de matériel doit respecter les critèresspécifiques au secteur : il est par exemple soumis à de fortescontraintes (usure, casse, perte, vol, etc.), ce qui n’est passans impact sur son amortissement. A fortiori, un consultantde ce type de cabinet aura donc un équipement personnelplus adapté et à jour que celui fourni, car à titre individuelsa réactivité est bien plus importante que celle d’une DSIface aux nouveautés technologiques, matérielles et logi-cielles.

En revanche c’est une rupture que l’on observera moins dansles petits cabinets ne disposant pas d’une DSI et pour les-quels le BYOD est un moyen naturel de réduire les coûts destructure. Ce sont le plus souvent ces consultants qui sontamenés à travailler sur des matériels moins conventionnels(MacBook, suite OpenOffice, inDesign, etc.), la structurede leur cabinet leur offrant une grande réactivité et une sou-plesse plus importante.

Des écueils managériaux et techniques à éviter

Aujourd’hui, des cabinets de toutes tailles n’hésitent doncplus à laisser leurs employés travailler avec leurs appareilspersonnels. Pourtant, ils doivent faire preuve de vigilance etéviter des écueils pour bénéficier pleinement des apports del’électronique grand public.

Premièrement, des problématiques non spécifiques auconseil mais revêtant un aspect particulier dans notre métierdoivent être adressées. L’interopérabilité des équipementspersonnels avec les systèmes et applications fournis par lecabinet, mais également avec ceux utilisés par les clients(contributeurs indispensables et destinataires finaux du tra-vail du consultant), doit être assurée. Ceci est absolumentnécessaire sous peine d’obérer l’accès aux informations,d’entraîner du rework et de nuire ainsi à la productivité. Lasécurité des informations confidentielles sur les appareilspersonnels doit aussi être respectée : • Celles du cabinet de conseil (méthodologies, benchmarks,supports commerciaux, réponses à appels d’offres,livrables, etc.), en y incluant les données issues de sourcesextérieures (analystes comme Gartner, Xerfi, Forrester,etc.) dont la propriété intellectuelle est protégée.

• Celles des différents clients du consultant, potentielle-ment plusieurs en parallèle, avec lesquels sont signés desNon Disclosure Agreements, et pour lesquels le cloisonne-ment des données est crucial.

Cette problématique de confidentialité est accrue par le tur-nover important du secteur du conseil : les départs sont àgérer avec une fréquence assez élevée, en faisant attention àce qu’aucune information professionnelle ne soit conservée,y compris sur les équipements personnels, lorsqu’un consul-tant quitte l’entreprise.

Par ailleurs, le consultant est ambassadeur de son cabinetauprès de ses différents clients mais également vis-à-vis dela concurrence. L’image véhiculée par les équipements estdonc capitale et la DSI doit éviter que la flotte matériellen’ait un aspect trop hétéroclite. Certains personnalisent leurmatériel, par exemple avec une coque de protection ou unfond d’écran peu professionnel, risquant de dégrader l’ima-ge renvoyée. Il faudra donc trouver un terrain d’entente, parexemple en orientant le consultant vers certains matériels eten l’invitant à respecter certaines limites dans la personna-lisation.

Enfin, l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnel-le, déjà fragile dans le monde du conseil en raison descharges de travail induites, peut être menacé par le BYOD.En effet, la progression de l’équipement en appareilsnomades dans l’entreprise favorise d’une façon généralel’empiètement de la sphère professionnelle sur la vie privéedes salariés, avec une utilisation qui s’étend le week-end, ensoirée, en vacances ou au petit-déjeuner. Le BYOD, parcequ’il favorise l’utilisation d’appareils personnels au travail,constitue un facteur aggravant d’augmentation de ce télé-travail caché. Rien n’oblige un consultant à répondre depuisson smartphone aux emails «urgents» reçus de son client ou

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de son manager le weekend, mais les alertes visuelles ousonores qui s’accumulent sont autant de rappels à sondevoir. Depuis sa tablette tactile, c’est encore plus rapide, etpresque ludique : la tentation est forte de jeter un œil, à ladernière version du support de COPIL pendant la coupurepublicitaire du film du soir ou entre deux parties d’AngryBirds.

Pour une approche raisonnée du BYODau sein des cabinets de conseil

Si le conseil peut être l’un des fers de lance du phénomèneBYOD, les cabinets doivent montrer l’exemple, en dévelop-pant une démarche d’ensemble cohérente d’encadrement etd’accompagnement de la tendance.

Celle-ci passe en premier lieu par la définition claire dupérimètre de mise en œuvre du BYOD : matériels éligibles(types de plateformes mobiles, marques, systèmes d’exploi-tation) au siège et en clientèle, restrictions éventuelles etmoyens d’accès aux applications d’entreprise en local ou àdistance, services couverts par le helpdesk informatique (et

SLA associés). Des mesures d’incitation pour les consultantspeuvent être prises, par exemple sous forme de subventiond’équipement, afin d’orienter vers un nombre limité d’ap-pareils (même s’il est illusoire et contre-productif de cher-cher à imposer ces appareils) et ainsi faciliter la gestion dela flotte par la DSI. La mise en œuvre de moyens collabora-tifs (FAQ, forum, etc.) accessibles à distance permet l’échan-ge de bonnes pratiques entre consultants sur les différentstypes d’équipements personnels présents dans l’entreprise.

Il s’agit également de sécuriser l’accès aux informations sen-sibles du cabinet et de ses clients, à la fois par des moyenstechniques (chiffrage des données, remise à zéro à distance,virtualisation du poste de travail, réseau Wi-Fi séparé, revuepériodique des vulnérabilités, etc.) mais aussi par une adap-tation des moyens de contrôle : charte informatique tenantcompte de la ségrégation des données personnelles et pro-fessionnelles, circuit de départ des consultants intégrantleurs équipements privés, etc. ceci en sensibilisant à l’im-portance de la sécurité et en évitant un excès d’intrusivité,naturellement mal vécu.

Enfin, pour promouvoir des pratiques managériales saines,éviter une sur-sollicitation des consultants et respecter ledroit du travail, un cadre d’usage raisonnable du BYODdoit être défini. La formalisation d’une charte partagée parle management, les consultants et la DRH, peut être utile àcette fin. Il est également nécessaire de sensibiliser et d’ac-compagner le changement auprès de tous les étages de lapyramide hiérarchique afin que des limites acceptablessoient posées, mais aussi appliquées de façon homogènedans les différentes business units et missions du cabinet. ●

1 Également appelée «Génération Internet», la «Génération Y» désigne les personnesnées dans les années 1980-90, immergées dès l’enfance dans les technologies de l’infor-mation, et qui depuis plusieurs années arrivent en masse sur le marché du travail.

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