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Les nouvelles technologies du Lien Social

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Nous vivons une époque fascinante. Avec Internet,révolutions technologique et sociétale se croisent etse répondent. Des lames de fond sont en marche.Et, pour la première fois dans l’histoire, l’humanitélaisse une empreinte à la fois sensible et factuellede sa marche vers l’avenir sur un média participatif,et non hiérarchisé. Le futur s’écrit à livre ouvert.D’où la nécessité de tenter d’interpréter micro etmacro-tendances pour décrypter la matrice de cemonde qui s’invente, sous nos yeux, en temps réel.

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N° 6 - juin-juillet 2009

ThèmeLes nouvelles technologies du lien social

Sommaire

Revue publiée par l’Association des Ingénieurs de l’Ecole Centrale Marseille

38 rue Joliot CurieTechnopôle de Château-Gombert

13013 MARSEILLE Tél : 04 91 05 45 48 - Fax : 04 91 05 45 49

[email protected]://centraliens-marseille.fr

Comité de rédaction :Olivier SAUVAGELuc BRETONESJulien LAGIER

Raoul MOREL A L’HUISSIERSecrétaire de la rédaction :

Valérie KENSEY

Commission Paritaire 1108G88559ISSN : 1959 - 0458

Publicité : SEFE1, voie Félix Eboué

94000 CRETEILTél : 01 48 98 16 73 - Fax : 01 48 98 38 70

[email protected]

Impression : HORIZONParc d’Activités de la Plaine de Jouques

200, avenue de Coulin13420 GEMENOS

Tél : 04 42 32 75 32 - Fax : 04 42 32 07 19

Mise en page : OPTION+450, chemin des Lavandes

Les Bastides34190 LAROQUE

Tél/Fax : 04 67 73 42 [email protected]

Création pages Groupe Centrale : Stoof - Graphiste Freelance

[email protected]

Nous remercions David Bourgeois (96), Guillaume Brocail (97), Philippe Germanaz (02),Damien Letexier (06), Vianney Meunier (02), Emmanuel Naudin (04), Michel Reignier (96),Eric Vandewalle (96) qui nous ont aidé à la réalisation de ce numéro.

Le prochain numéro de la revue aura pour thème : La chimie face aux défis du siècle.

Rejoignez l’équipe organisatrice auprès du [email protected]

� Groupe Centrale actualités 2

��� Editorial� Par Pierre MOSCOVICI 4

� Remerciements 4

��� Dossier : Les nouvelles technologiesdu lien social

I- Une transformation sociétale irréversible� Le nouveau pouvoir des conversations

Luc Bretones et Stéphane Dieutre 5� Les influences entre Internet et la société

David Fayon 6� Si je n’engage pas de conversations, je n’existe pas !

Corinne Denis 8� Connectez-vous à la grande conversation du Web !

Philippe Pinault 9� Le Web, créateur de lien social

Vianney Meunier 10II- La fin de l’adolescence du web et de la petite enfance du mobile� L'avenir de la technologie, c'est "pas de technologie" !

Christophe Agnus 12� Vidéo n’est plus synonyme de télévision !

Martin Rogard 14� Rich-media et web-TV se généralisent

Jean-Louis Bénard 16� Web 2.0, Génération Y et Entreprise 2.0 : une révolution

des usagesFrédéric Cavazza 17

� Internet devient la normePierre Kosciusko-Morizet 18

III- Un monde d'ubiquité et de connexion permanente � Le Web 2.0, c’est dépassé !

Rafi Haladjian 20IV- La France dans la course � Internet est une chance pour la France

Giuseppe de Martino 22� Le plan France Numérique 2012 : les élus doivent

prendre des initiatives ! - Franck Suplisson 24

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Le politique s'est longtemps désintéressé des nouvelles technologies,à la fois pour des raisons sociologiques – les élus, pas toujours très aufait des dernières innovations techniques, préférant souvent les relationsinterpersonnelles, le contact direct et traditionnel avec les militants et lesadministrés – et logistiques, les appareils administratifs des partis ayantmis un certain temps à adopter les nouveaux outils de communication déjàrépandus dans le monde du travail.

Mais cette attitude apparaît de plus en plus injustifiée, et surtout inte-nable. Les exemples qui soulignent à la fois l’intérêt réel des citoyens pourles nouvelles technologies, et la puissance de ces outils, se multiplient.En France, la loi « hadopi » a marqué l’irruption du monde du net dansl’agenda politique. A l’occasion d’une émission relativement confidentielle,« Parlons net » , j’ai évoqué, au détour d’une phrase, la possible, proba-ble, entrée de Claude Allègre au gouvernement. Ce qui avait été men-tionné de manière informelle, presque comme une boutade, a dans lesheures qui ont suivi pris une ampleur médiatique surprenante et déclen-ché un « buzz » relativement inattendu

Cet évènement s’inscrit dans la continuité d’un processus qui, depuisquelques années, bouleverse les cadres de la politique, en modifiant larelation du citoyen à l’homme politique et l’élu. On est ainsi passé d’unerelation principalement « descendante » (dont le Général Charles deGaulle est l’archétype) à une relation bijective (expérimentée notam-ment par Ségolène Royal), voire triangulaire (portée notamment parBarack Obama).

Rien ne serait moins opportun que de sous-estimer le changement quis’opère dans la relation entre le politique et les nouvelles technologies.L’homme politique n’est plus dans une tour de verre, sa parole, sonexpression ne sont plus sacralisées. Pendant longtemps, l’objectif de com-munication d’un grand élu était de publier une tribune dans Le Monde ;aujourd’hui Barack Obama multiplie les vidéos courtes (5 minutes),mises en ligne sur YouTube – la « weekly address » qu’il a expérimentéedès janvier 2009 – pour privilégier une plus grande réactivité, une plusgrande proximité aussi avec le citoyen, quitte à perdre en solennité.

Dans ce domaine, dans d’autres aussi, nous avons beaucoup à appren-dre de l’approche des nouvelles technologies élaborée par le Présidentaméricain. Je retiens à titre personnel du parcours exceptionnel duPrésident américain deux éléments :

- Tout d’abord, nous avons probablement en France une leçon à rete-nir en matière de maîtrise de la communication politique. En mettantsur pied le premier réseau social « politique » (mybarackobama.com), ila démontré qu’il comprenait parfaitement les mécanismes d’appropria-tion / diffusion / viralité qui sont au cœur même d’Internet. Dans un paysde près de 10 millions de km2, qu’il est pratiquement impossible desillonner en personne, il a su créer une relation quasi directe avec desmillions de citoyens. C’est un succès majeur, dont nous devons nous inspi-rer ici.

- Plus globalement, il a compris ce qu’Internet changeait en termes degouvernance. Le Président américain ne se contente pas d’utiliserInternet, il intègre véritablement les nouvelles technologies à ses poli-tiques publiques. Dans son schéma « d’empowerment » du citoyen, le

citoyen change de rôle : il n’est plus seulement « consulté », selon lesprocédures de « démocratie participative » traditionnelles, il est car-rément « missionné » pour participer à la rénovation et à l’innovation.Retenons trois initiatives :

- Le site Data.gov tout d’abord, réunit sur un même site Internet l'ensem-ble des informations et des bases de données aujourd’hui éclatées etdispersées dans les différents départements, agences et bureaux dugouvernement fédéral. On y trouve par exemple – au hasard – une basede données mise à jour chaque mois depuis 1987 par le « Bureau ofTransportation Statistics » décrivant les causes de retards des volsaériens intérieurs, les aéroports et les compagnies concernés. Le site pré-cise qu’il revient aux citoyens de suggérer les applications et les usa-ges qui peuvent être faits de la masse d’informations ainsi rassemblées.

- « Open Government Dialogue » est un site Internet qui organise uneconsultation publique en trois étapes sur la modernisation de l'adminis-tration – un des thèmes phares de la campagne du Président américain: foire aux idées, discussion sur le fond, et dernière étape, en mode wiki,qui doit aboutir à la corédaction du mode opératoire d'application desidées retenues et validées.

- Le Département d'Etat enfin, a invité en mai les citoyens à jouer lesambassadeurs pour le compte des Etats-Unis, via une réflexion sur la"public diplomacy 2.0". Les "citoyens ambassadeurs" sont appelés àprendre part aux efforts diplomatiques de l'Amérique là où ils se trou-vent dans le monde ou sur le web, comme jadis on dépêchait les missidominici aux marges de l’empire. Cette démarche témoigne de la prisede conscience par un département pas toujours réactif du rôle straté-gique que joue l'espace public numérique dans l’information et la cris-tallisation d’une partie de l’opinion publique internationale.

Je n’ai pas la prétention de me compter parmi les pionniers politiques desnouvelles technologies. J’ai pu être auparavant réticent ; j’en suis aujour-d’hui un partisan convaincu. Pour le politique, les nouvelles technologiesreprésentent une opportunité formidable tout à la fois pour comprendre,convaincre et travailler.

Reste qu’il ne faut pas confondre le fond et la forme, et que le net neremplace pas la politique. Donner la parole et une forme de pouvoir dedécision aux citoyens – le fameux thème de l’ « empowerment » si cherà Obama – n’exonère pas l’homme politique de ses responsabilités. Sonrôle peut évoluer, subir une inflexion, se réorienter ; mais sa mission fon-damentale demeure de proposer une orientation politique et stratégiqueglobale. Soyons lucides sur la puissance, les potentialités, mais aussi lesdangers inhérents à cette ouverture du net : le web est aussi le lieu detoutes les rumeurs, de tous les fantasmes, de toutes les dérives et tou-tes les calomnies, dues au manque de références, de contrôle des sour-ces, à la plasticité des usages et du langage. Barack Obama a su prou-ver, de manière éclatante, qu’Internet est un outil fantastique pour mieuxcomprendre, mieux expliquer, mieux organiser, et rapprocher le politiquedu citoyen. Encore faut-il en comprendre les codes et les limites. �

Pierre Moscovici(Juin 2009)

Les Cahiers de Centrale Marseille Alumni

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ThèmeÉditorial

Enjeux et usages des nouvelles technologies dans la vie publique

RemerciementsBernard Vittrant a décidé cette année de ne pas se représenter à la tête de notre Association. Comme cela aété fait au Conseil d’Administration du 25 avril 2009, le nouveau Président Julien Lagier tient à remercierBernard Vittrant pour les actions qu’il a conduites depuis cinq ans, tant au Comex où il a œuvré avec efficacitépour la création de Centrale Marseille Alumni que pour son action depuis deux ans en tant que Président.

Tous les administrateurs, dont Jacques Dorne, s’associent aux remerciements faits à Bernard Vittrant pour sonaction passée, notamment lors de la création de Centrale Marseille, ayant abouti en un temps record au rayon-nement de l’AIECM dans la communauté centralienne. Bernard Vittrant reste administrateur et pourra nous appor-ter tous les conseils qu’il souhaitera sur les nombreux dossiers que nous avons et aurons à traiter.�

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ThèmeLes nouvelles technologies du lien social

Le nouveau pouvoir des conversationsNous vivons une époque fascinante. Avec Internet,révolutions technologique et sociétale se croisent etse répondent. Des lames de fond sont en marche.

Et, pour la première fois dans l’histoire, l’humanitélaisse une empreinte à la fois sensible et factuellede sa marche vers l’avenir sur un média participa-tif, et non hiérarchisé. Le futur s’écrit à livre ouvert.D’où la nécessité de tenter d’interpréter micro etmacro-tendances pour décrypter la matrice de cemonde qui s’invente, sous nos yeux, en temps réel.

Alors que notre société connaît des ruptures sans précé-dent, son miroir technologique géant agit comme un brasde levier phénoménal. Et l’émergence du nouveau pou-voir des conversations est sans doute l’un des constatsles plus importants à faire.

Chaque « connecté » peut aujourd’hui éprouver le vertigede pouvoir dire son mot sur tout, comme de connaître lepoint de vue de chacun. Sur Internet, les contributeurssont à égalité : un blog personnel peut égaler en influenceun puissant site institutionnel d’entreprise.

Renouant avec les idéaux démocratiques, ce nouveau para-digme rassemble aussi bien individualistes libertaires enconflit avec l’autorité, que promoteurs de nouvelles solida-rités ou encore libéraux soucieux de transparence desinstitutions et des marchés, unis dans le projet d’unerévolution internet au service des individus, des initiativescollectives et des libertés.

Or, dans le même temps, de nouvelles dynamiques socio-logiques s’affirment qui s’emparent de cette nouvelle pos-sibilité de converser : montée en puissance des commu-nautés, défiance à l’égard des médias, des pouvoirs publics,des entreprises et des marques, critique des excès ducapitalisme financier, défense du pouvoir d’achat et dudéveloppement durable.

Les nouvelles pratiques citoyennes des internautes trou-vent écho dans la vie politique. L’initiative populaire – uti-lisée en Suisse et dans certains Etats des Etats-Unis et per-mettant à un groupe de citoyens d’obtenir par pétitionl’organisation d’un vote au parlement ou un référendum surun projet de loi, une révision constitutionnelle ou unedemande d’abrogation de loi – progresse et est inscritedans l’article 11 de la Constitution française depuis le 23juillet 2008. Un projet européen prévoyait qu’une pétitionsignée par un million de citoyens européens pourrait êtreprésentée devant la Commission Européenne.

Nous assistons simultanément au développement rapided’un troc planétaire qui fait une bonne place à la conver-sation : les échanges C2C (customer to customer), ventesdirectes entre particuliers, à prix fixe ou aux enchères.

Comme l’a mis en évidence le cabinet Think-Out, noussommes entrés dans le troisième âge conversationnel,celui des conversations numériques.

Pendant des millénaires, l’humanité a fondé son dévelop-pement sur les conversations, les échanges directs entreêtres humains au sein de petits groupes. Les conversationsétaient à diffusion lente. Ouvrant une nouvelle ère, le« broadcast » des mass media a monopolisé la parole ets’est imposé par sa verticalité. Le diktat du journal de 20heures et de la publicité en ont été les purs produits.L’émergence de nouveaux leaders d’opinion (entraînantdes communautés ou mobilisant sur des causes un réseaumondial plat et maillé), de médias participatifs et de gigan-tesques espaces de dialogues communautaires, est lacaractéristique du nouvel âge conversationnel.

En 1999 déjà, Rick Levine, Christopher Locke, Doc Searlset David Weinberger écrivaient dans “The CluetrainManifesto” : « les marchés sont désormais des réseauxd'individus connectés les uns aux autres, rendus ainsi plusintelligents, et profondément unis dans un dialogue. Lesmarchés sont des conversations ! ».

Cette vision nous éblouissait à l’époque ; elle est devenueréalité : bientôt 200 millions de blogs dont une estimationà plus de 70 millions pour la Chine uniquement, des forumset wikis sur tous les sujets, 4 milliards d’articles sur l’en-cyclopédie participative Wikipedia, un partage fluide desphotos, vidéos (1 milliard de vidéos vues par jour surYouTube) et autres supports multimédia, avec fonctionsde géolocalisation et commentaires, des réseaux sociauxprofessionnels, d’amis (50 milliards de pages vues parmois sur MySpace), généralistes, verticaux, des chats,twitts et autres messageries instantanées permettant uneconnexion permanente à ses réseaux, des univers virtuelset de jeux en forte progression.

On le voit, les outils d’expression individuelle et de mobi-lisation collective sont là. Le contexte socioculturel estfavorable. Les nouvelles générations sont « digital natives »et adeptes de la multi-consommation médiatique (multi-tasking). La presse quotidienne nationale payante s’effon-dre, la télé ne fait plus son « show collectif live » que surle sport (coupe du monde de rugby) et un débat « Sarkozy– Royal ». Les chiffres Audimat du 20 heures s’effritent.

A contrario, un blogueur seul peut aujourd’hui interpellersérieusement une marque, une personnalité, un média. JeffJarvis, ancien critique TV et blogueur reconnu, s’estexprimé en lettre ouverte pendant plusieurs mois sur leservice consommateur, déplorable selon lui, de la firmeDell avant d’obtenir une réponse et un dialogue direct avecle CEO, Mickaël Dell. L’affaire a terni l’image de marque dela société. Dans un autre genre, une vidéo postée surInternet montrant comment ouvrir un antivol Kensingtonen quelques secondes avec un simple rouleau de papier toi-lette, rappelle cruellement que la marque ne vit que par sesconsommateurs.

Chacun peut faire cette expérience au quotidien : 30% des100 premières réponses obtenues en cherchant unemarque sur Google sont des messages émis par desconsommateurs. Les « consommacteurs » ont pris lesclefs, et ils ne sont pas prêts de les rendre !

I- Une transformation sociétale irréversible I

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L’individualisation de notre société et la primautéde l’ego cohabitent avec une intelligence collecti-ve et collaborative permise avec Internet où cha-cun consacre du temps - ou du moins est sensible- à des causes qui concernent un grand nombred’individus (par exemple le développement dura-ble).

Avec Internet, il devient nécessaire de maîtriser letemps, l’espace, les contenus, les supports, lamémoire, les liens et les parcours. Plus globale-ment, la maîtrise de l’information devient crucia-

le. Internet et plus généralement les NTIC ont desimpacts considérables sur la société. Mondes phy-sique et virtuel s’interpénètrent et des habitudesobservées dans le monde virtuel ont des impactsdans le monde physique et vice versa.

Les changements qu’Internet apporte à la sociétéInternet redistribue les pouvoirs et plus particulièrementavec le Web 2.0 où les relations deviennent de m à n per-sonnes sur les différents outils (blogs, wikis, réseauxsociaux, etc.). Le principe d’égal à égal que l’on connaîtdans les réseaux P2P se retrouve dans la société avec la

Les marques ne peuvent donc plus ignorer les conversa-tions en cours sous peine de réactions trop lentes ou trop« corporate ». Les mouvements communautaires sontrapides, le bouche-à-oreille marche à fond, et l’agilité estde mise. Ce n’est plus seulement un sujet de communica-tion mais aussi de marketing. Les entreprises qui écoutent,ou donnent la parole, gagnent en temps, en acceptation eten efficacité.

Plusieurs approches peuvent être utilisées pour écouter,participer ou organiser ces conversations et aller au-delàdes services web 2.0 – jeux, vidéos, cours en ligne, conseilsvidéo – déjà proposés par exemples par des marquescomme Pampers, Nestlé, Blédina ou Nivea sur la cibledes jeunes mères, ou Honda qui a revu la conception de sesmini-vans en y associant des mères de famille.

Ainsi, les premières plateformes de conversations d’entre-prises exploitent le potentiel de bonnes idées et de rebondsdes écosystèmes business. Que ce soit en mode intranetdans un ministère, dans le cadre de la préparation d’unforum économique pour le premier assureur espagnolVida Caixa1 ou encore dans une démarche de co-innovationet feedback avec ses clients à la SNCF2, l’instinct de conver-sation est mis à contribution d’une démarche de progrèscollective. Selon Olivier Ricard, concepteur du serviceTalkSpirit, « les conversations offrent aux entreprises denouvelles opportunités puissantes d’associer leurs clientsà leurs réflexions pour mieux développer leur business ».

Mais le modèle de fédération des commentaires spéci-fiques à un produit, un service ou une marque sur un ter-rain neutre fonctionne également très bien. Tripadvisorest un exemple vertical réussi dans le secteur des presta-tions de voyage. Getsatisfaction, généraliste, propose mêmeen marque blanche un service web de self care par laconversation pouvant si besoin intégrer les échanges trou-vés sur Twitter.

Bien sûr, écouter ne suffit pas. La création « disruptive »sera toujours nécessaire. Ce n’est pas Steve Jobs qui nouscontredira. Et dans ce cas, le buzz de l’innovation vaut tou-tes les campagnes marketing. Mais comme nous le mon-tre le site Eyeka, les internautes savent aussi produire desidées pour les marques.

Finalement, rien n’arrête les conversations. Elles se flui-difient, s’agrègent, font progresser la pertinence, l’intelli-gence et réchauffent un média technologique froid. La pré-

cision de ces interactions en chaîne, leur force, sont étu-diées de plus en plus finement. Le système « who’s hot »– widget d’Alenty.com – permet par exemple aux blogueursde gagner en notoriété, de découvrir l'audience de leur bloget de faire connaissance avec leurs visiteurs. Chaquecontenu est mesuré en audience au millimètre – une ban-nière de pub vue à moitié quelques secondes ne sera pascomptée de la même manière que si elle est en plein écran– et l’on peut imaginer un web qui fasse ressortir avecprécision – police de texte proportionnelle à la notoriété parexemple – les éléments les plus consultés. D’autres sys-tèmes tels que Digg (vote sur la qualité des contenus) oudel.icio.us (social bookmarking) contribuent à qualifier l’in-formation pour que le meilleur émerge. C’est dire l’ex-traordinaire capacité d’intelligence collective qu’offrentdéjà ces réseaux de conversation.

La mesure du retour sur investissements est d’autant plusimportante que ces derniers explosent. La marque Coca-Cola voit par exemple son budget média multiplié par 2,5sur Internet en un an à 25%, avec notamment HappinessFactory 2, sa fameuse campagne événementielle 2007.

Mais on ne contrôle pas une conversation, on y participe !Et l’on peut se dire que si un réseau humain se renforce autravers d’une marque, elle se différenciera de façon déci-sive.

Ce type d’enjeu est nouveau, difficile à appréhender etdemande assurément une stratégie et des acteurs spéci-fiques au sein de l’entreprise. Quels sont les lieux deconversation ? Faut-il en créer d’autres, des spécifiques ?Où sont les benchmarks et que font-ils ? Enfin, quelles sontles postures à adopter ? Et pour quel résultat ?

Autant de questions qui finiront par faire passer lesmarques de la grande consommation à la grande conver-sation ! �

Les Cahiers de Centrale Marseille Alumni

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ThèmeLes nouvelles technologies du lien social

1 - http://www.forocomisionescontrol.net/2 - http://www.tgvlab.com

Luc BRETONES (96)

Représentant Institut G9+ et co-animateur Essec Business & Technologie

et Centrale Marseille IT,

Stéphane DIEUTRE

Directeur Associé de Think-Out (études marketing et consulting)

Les influences entre Internet et la société

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ThèmeLes nouvelles technologies du lien socialtendance à l’aplatissement et au décloisonnement desstructures hiérarchiques, au travail en mode projet dansl’entreprise. Des communautés d’intérêts au sein desentreprises et organisations avec des buts communs appa-raissent. Les approches descendante et hiérarchique sonttoujours valables mais les effets se combinent avec la cul-ture projet.

Des rencontres virtuelles faites sur les réseaux sociauxpeuvent déboucher sur des rencontres dans le monde phy-sique. Les réseaux sociaux développent l’envie de faire dunetworking et de maintenir un lien avec ses relations. Parexemple, dire ce que l’on est en train de faire, afficher desinformations sur son Wall sur Facebook. Les réseauxsociaux et les moteurs de recherche peuvent aussi permet-tre de retrouver des personnes perdues de vue dans lemonde physique.

Des comportements constatés sur le Web ont des impactssur la façon d’agir en société. Les outils génèrent desréflexes conditionnés. On constate les syndromes du « T’esoù ? » avec les téléphones portables et du « Qu’est-ce quetu fais ? » avec le micro-blogging, Twitter et certainsréseaux sociaux. Le copier-coller (Word) et le double-clic(souris) modifient également nos comportements ensociété avec la réutilisation de travaux précédents et la véri-fication/validation de certaines actions.

La recommandation est importante dans l’acte d’achat,qui plus est si elle émane non d’un canal publicitaire maisd’un internaute consommateur. Des études estiment qu’uninternaute sur deux est influencé dans les commentairesqu’il peut lire (TripAdvisor pour les voyages ou Amazonpour les produits culturels par exemple). Les achats peu-vent aussi bien se matérialiser sur Internet que dans uneenseigne physique après collecte d’informations sur leWeb. Avec la longue traîne, l’ensemble des titres devientaccessible et l’internaute peut trouver exactement ce qu’ilcherche ou presque. Il peut même aller jusqu’à fabriquerles objets qu’il souhaite à la demande (Myfab) ou les créer(CrowdSpirit) ou donner vie à des idées (Ponoko) grâce àla communauté des internautes. Il s’agit d’un nouveaumarketing collaboratif où il est possible de commerciali-ser des services rêvés. Plus généralement, les outils sontutilisés selon les besoins et il en va de même avec leslogiciels avec l’essor du SaaS1 en devenir.

À partir d’articles publiés sur le Web, le journal Vendredi,disponible en kiosque, est réalisé.

La société évolue avec InternetLes médias traditionnels sont en perte de vitesse. La pressedécline ses titres sur Internet et on y voit apparaître uneforme de journalisme citoyen. Toutefois, parmi les blo-gueurs, on retrouve des journalistes. Notons que, sur lessujets de société, l’agenda reste déterminé par les médias.Et les internautes (par exemple sur Agoravox ou rue89) sepositionnent généralement sur les sujets définis par l’a-genda médiatique.

L’influence sur le Web a remplacé l’autorité ce qui néces-site de faire du buzz et de le maîtriser. Dans la société, cecise retrouve en politique où les discours de fond sont habi-lement supplantés par ce que les citoyens préfèrent enten-dre. Surveiller ce qui se dit (blogs, forums) peut permet-

tre à certains politiques de collecter des informations uti-les pour leur action (de même pour le top management enentreprise sur les intranets et outils 2.0 qui se développentencore timidement). Déceler des signaux faibles peut serévéler un précieux allié pour anticiper les tendancesémergentes et influer la prise de décision.

Le cycle de la version bêta perpétuelle (par exempleWikipédia ou Google) pousse certains cadres à sans cesseaméliorer leurs rapports. Les entreprises sont de plustentées de faire appel, grâce à Internet, à des contributionsextérieures avec le crowdsourcing2.

Des forums des utilisateurs voient le jour avec des problè-mes exprimés par les clients et la communauté des utili-sateurs y répond. Free avec www.aduf.org ou Apple se sontainsi adaptés aux nouvelles pratiques autour de l’échangede leurs clients qui s’expriment pour canaliser les problè-mes et éviter que leur mécontentement soit incontrôlable.Des économies sur le SAV de l’enseigne en découlent.

Les services autour du Web 2.0 évoluent très vite. Si uneentreprise ne prend pas le virage suffisamment tôt, elle estvite éclipsée. La génération Y, en particulier, est une clien-tèle infidèle, adepte du zapping. Des mouvements de massesont rapides. Et un outil peut vite être délaissé pour unautre (par exemple MySpace devenu « has-been »). Lacommunication est abrégée et va à l’essentiel (emploimassif des abréviations notamment pour l'écriture desSMS et des méls) et les dictionnaires traduisent ces évo-lutions avec l’intégration de nouveaux mots de geeks3 dansleurs nouvelles éditions.

ConclusionLes frontières entre la vie professionnelle et la vie person-nelle ainsi qu’entre le monde physique et le monde virtuels’estompent.

Il devient nécessaire d’avoir une culture générale numé-rique et des méthodes et outils pour maîtriser l’informa-tion dénichée sur le Web et ainsi avoir un jugement critiquesur l’information trouvée dans le flot informationnel queconstitue le Web et ce d’autant plus que les résultats quiarrivent en premières positions de Google ne sont pas for-cément les plus pertinents mais les plus populaires. Dansce contexte, il est capital de garder un bon équilibre entrevie physique et vie virtuelle pour ne pas devenir cyberdé-pendant ni rester en marge des évolutions numériques denotre société.�

1 - Le Software as a Service (SaaS) est une technologie consistant à fournir des services ou des logiciels informatiques par le biais du Web et non plus dans lecadre d'une application de bureau ou client-serveur. Ce concept, apparu au début des années 2000, prend la suite de celui d'application service provider (ASP).

2 - Néologisme conçu en 2006 par Jeff Howe et Mark Robinson, rédacteurs à Wired magazine, le crowdsourcing consiste à utiliser la créativité, l'intelligence et lesavoir-faire d'un grand nombre d'internautes, et ce, au moindre coût.

3 - Geeks ou nerd : termes anglosaxons désignant des passionnés de technologies de l’information au sens technique du terme.

David FAYON

(ENST, ENSPTT, IAE de Paris)

est expert NTIC. Il s'attache à la révolu-tion numérique sous ses trois compo-santes interdépendantes : technique,organisationnelle et humaine. Membre

de Renaissance numérique et d'ISOC France, il est auteurde "Clés pour Internet" et "Web 2.0 et au-delà",Economica.

Son blog : http://livres-internet-web.over-blog.comSon site : http://david.fayon.free.fr

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Les Cahiers de Centrale Marseille Alumni

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ThèmeLes nouvelles technologies du lien social

AIECM – Le Web révolutionne le monde de l’information.Quelle réponse les groupes de presse préparent-ilspour continuer d’exister ?La première version du site de l’Express a été créée en 1994sur Compuserve, une plateforme payante. C’était le pre-mier site d’information français ! Les sites des divers grou-pes de presse, comme celui de l’Expansion, ont fusionné aufur et à mesure de leur entrée dans le groupe l’Express.

Les groupes de presse vivent actuellement une véritablemutation. Pour la réussir, outre votre capacité à convain-cre et embarquer dans votre vision ceux qui font du papier,il vous faut le soutien des marques.

L’activité Internet doit être originale, ne pas se réduire àmettre en ligne les articles de la presse papier. Nos lecteursnous formulent des demandes spécifiques sur le web. Ilsveulent de l’actu chaude, une mise en ligne immédiate del’information, mais aussi des débats, du recul, de l’analyseet du décryptage de l’actualité. Les internautes attendentde nos portails Internet une véritable différenciation.

Nous avons développé une marque à part entière sur cenouveau support. Nous nous servons de l’information pro-duite par le groupe. Mais pas uniquement. Nous produisonsnotre propre information à l’aide d’une équipe de journa-listes et des internautes. Nous organisons des conversa-tions, créant ainsi de la proximité avec nos lecteurs enleur donnant la parole. Enfin, nous avons créé des servicesdédiés, comme l’aide à la création d’entreprise, la mise enrelation avec des experts…

AIECM – Comment organisez-vous les conversationssur vos portails ?Si je n’engage pas de conversations, je suis un simple sitecompagnon, pas un site Internet et je n’existe pas !

Hier, notre activité se résumait à créer puis à diffuser del’information, de l’expertise que les gens achetaient enkiosque. Aujourd’hui, nous travaillons avec la blogosphère.Nous donnons la parole aux blogueurs qui deviennent devéritables éditeurs de contenu, suivant une charte de bonneconduite édictée par mes services. Telle Géraldine Dormoy,animatrice du blog Café Mode sur la plateforme l’ExpressStyles, très influente sur sa communauté.

Les journalistes doivent comprendre qu’ils ne sont plus uni-quement des diffuseurs d’information. Ils deviennent desanimateurs, des débatteurs d’actualités. Ils doivent porterleur communauté, la faire vivre. Ainsi, ils lisent les com-mentaires suscités par leurs articles et participent à laconversation en prolongeant le débat. Ils peuvent égale-ment inciter les internautes les plus pertinents à s’inscriresur l’Express Styles pour y ouvrir un blog, un peu à l’ima -ge de la plateforme Mediapart fondée par Edwy Plenel.

L’Express est très actif dans l’animation des conversa-tions. En ce moment, nous construisons une nouvelle com-munauté autour de la Culture. Les internautes peuvents’inscrire sur notre plateforme, échanger un peu commesur Facebook, et publier des notes et des commentaires.Ils peuvent même décider de virer l’animateur ! Enfin, lesinternautes peuvent également acquérir des droits d’ani-mation sur des domaines secondaires.

AIECM – Que pensez-vous des réseaux sociaux ? Lesutilisez-vous dans votre vie professionnelle ?Les journalistes aiment beaucoup ces outils. ChristopheBarbier2 anime un groupe Facebook. Je suis présente surFacebook, LinkedIn et Viadeo.

Les réseaux sociaux sont des outils formidables pour récu-pérer de l’information, mener un début d’enquête. Carmalgré tous les efforts que nous pouvons déployer, pluspersonne ne maîtrise son image numérique !

Les journalistes entretiennent une veille permanente surces outils. Ils twittent3 l’actualité en temps réel, utilisentles réseaux sociaux pour garder le contact avec leursconfrères ou encore s’en servent comme d’un CV pourtrouver des piges.

AIECM – Et la vidéo ?Nous produisons environ 60 vidéos par mois. On pourraiten produire beaucoup plus, mais ça coûte très cher ! Il vousfaut des équipes de tournage, de montage, du matériel…La rentabilité est très difficile à atteindre sur ce support.C’est pourquoi nous développons actuellement des tech-niques de production de vidéos low cost. Nous avons éga-lement développé un partenariat avec DailyMotion. �

Interview réalisée par David BOURGEOIS (96)

Si je n’engage pas de conversations,je n’existe pas !

1 - L’Express Roularta édite des magazines, des journaux de petites annonces et des journaux gratuits, possède des chaînes de télévision et de radio, organise dessalons et distribue des produits dérivés.

2 - Directeur de la rédaction de LExpress.fr3 - Usage d'un outil de réseau social et de microblogage qui permet à l'utilisateur de signaler à son réseau « ce qu'il est en train de faire ».

Corinne DENIS

Directrice des éditions numériquesGroupe Express-Roularta

Le groupe multimedia belge l’ExpressRoularta1 est composé de plusieurspôles : déco (Côté Sud, Est-Ouest,

Maisons de France…), news (L’Express…), Eco(l’Expansion, l’Entreprise, Mieux vivre votre argent…),Culture (Classica, Lire, Studio Ciné Live…), Féminin-peo-ple (Point de vue…), Etudiants (l’Etudiant, Transfac).

Corinne DENIS dirige la Business Unit activités numé-riques de la filiale française du groupe. Cette entité, quiregroupe 45 personnes, gère à la fois les sites desmarques papier et un portail Internet dédié aux activitésnumériques. Ce portail est décomposé en 3 pôles : News-Culture, Economie et Femmes.

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N° 6 - juin-juillet 2009

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ThèmeLes nouvelles technologies du lien social

AIECM - Quel est le modèle économique de blogSpirit ?Nous avons démarré blogSpirit avec un capital de 16 000 €en 2004. Bénéficiaire depuis sa création, la société estautofinancée.

Aujourd’hui, blogSpirit réalise près de deux millions d’eu-ros de chiffre d’affaires, grâce à la vente de licences, sousforme d’abonnement en mode SaaS5, et de services d’in-tégration clé en main.

AIECM - Pouvez-vous nous décrire votre vision del’Internet ?En 1999, The ClueTrain Manifesto6 décrivait déjà le Webcomme une immense conversation. Il aura toutefois falludix ans pour en arriver là ! Souvenez-vous des premiers

sites Internet. L’interactivité était assez limitée. Pour enarriver à la prédiction des auteurs de la référence du Web,nous sommes passés en dix ans par quatre étapes dematuration.

1 - Entre 1999 et 2003, c’est l’ignorance. Personne ne croiten cette thèse.

2 - En 2004, le NON fait place à la curiosité. Les premiersblogs apparaissent, répondant à un enjeu sociétal pourl’internaute qui a besoin d’exister et de maintenir le contactavec son réseau. Ce nouveau mode de communicationprend comme un feu de paille. Les ados se l’approprientpour faire de leur journal intime leur vitrine sur la toile.Skyblog surfe sur la vague et devient très populaire auprèsde cette tranche de population.

3 - En 2006, l’intérêt gagne. On ne peut plus ignorer cequ’on dit de nous sur Internet. Cette mode des blogs trans-formée en véritable lame de fond mérite qu’on s’y intéresse.Tout le monde veut comprendre. De grandes études sontconfiées aux agences de communication et de publicité. L’e-réputation7 est née ! Les marques veulent savoir ce qui sedit sur elles, qui parle ; elles veulent tracer toutes lesconversations, positives et négatives.

4 - 2009 est l’année de l’action. L’accélération des change-ments de mentalité se fait sentir depuis le début de cetteannée. Tout le monde veut se connecter à la grande conver-sation du Web.

Cette accélération récente appelle deux stratégies. Vouspouvez décider d’aller là où sont les communautés, c’est-à-dire sur les plateformes de réseaux sociaux. Et menerune campagne de Relations Publiques en ligne, faire dubuzz-marketing8… Seul hic : le Web est un véritable chaos,totalement déstructuré. Si vous souhaitez repérer les dixbloggers qui comptent pour votre marque, je vous conseillede les attirer chez vous et de vous impliquer. Choisissez uneplateforme que vous animez, donnez des outils à vosambassadeurs pour qu’ils vous représentent, qu’ils parlentde votre marque. Offrez aux internautes la possibilité denoter les billets publiés. Préférez enfin une plateformedisposant d’un back-office solide vous offrant maîtrise,compréhension et animation.

AIECM - Que sera le Web dans dix ans ?En 2015, l’actuelle génération Y9 arrivera aux responsabi-lités. Une génération sensible à ces sujets, qui a grandi avecles réseaux sociaux Facebook et autres Twitter10 ouSeesmic11. Une génération qui fera du Web une immenseconversation globale.�

Interview réalisée par David BOURGEOIS (96)

Connectez-vous à la grande conversation du Web !

Philippe PINAULT

Président-Fondateur de blogSpirit

Philippe est un serial entrepreneur. Cetrentenaire pressé et décidé fourmilled’idées. Ce qui lui manque le plus ? Dutemps pour les développer toutes !

Philippe crée sa première société en 1999, alors qu’il estencore étudiant en seconde année aux Mines d’Alès.Malheureusement, le marché encore balbutiant du com-merce en ligne, la visibilité réduite et les coûts importantsconduiront cette première aventure BtoC1 à l’échec.

Qu’importe ! Philippe, en bon entrepreneur, ne se résignepas. Entré en Mastère entrepreneur à HEC, il fonde en2001 sa seconde société, Mandarina. A la conquête cettefois du marché BtoB2, il se spécialise dans la vente delogiciels de commerce électronique (boutiques en ligne)et le développement d’outils de gestion de back-office surmesure dans des domaines aussi divers que lesRessources Humaines (gestion de CV) ou encore la GED3.Il mène en parallèle une évangélisation du Web dans lesécoles de commerce françaises.

En 2004, il effectue un benchmark international de cequi émerge. Trois services retiennent son attention : lesréseaux sociaux, les blogs et le partage de vidéos. Ildécide de reprendre HautetFort et crée en octobre 2004,avec son associé Olivier Ricard, la plateforme de blogs enmarque blanche blogSpirit.

Fort de son back-office de gestion de la plateforme conçusur mesure pour les community mana-gers4, blogSpirit a convaincu une soixan-taine de clients prestigieux.

1 - BtoC = Business to Customer, activité à destination des particuliers2 - BtoB = Business to Business, activité à destination des professionnels3 - GED = Gestion Electronique de Documents4 - community manager = gestionnaire de communauté5 - Le Software as a Service (SaaS) est une technologie consistant à fournir

des services ou des logiciels informatiques par le biais du Web et nonplus dans le cadre d'une application de bureau ou client-serveur. Ceconcept, apparu au début des années 2000, prend la suite de celui d'ap-plication service provider (ASP).

6 - Manifeste regroupant 95 thèses, écrit par Rick Levine, Christopher

Locke, Doc Searls, et David Weinberger.7 - E-réputation = réputation en ligne, sur Internet8 - Buzz-marketing : Le buzz (anglicisme de bourdonnement) est une tech-

nique marketing consistant, comme son nom l'indique, à faire du bruitautour d'un nouveau produit ou d'une offre. Proche du marketing viral, ilen diffère par la maîtrise du contenu (message publicitaire).

9 - Les Anglo-Saxons l’appellent Youth Generation, c’est-à-dire les jeunesactifs de moins de 30 ans.

10 - Service de réseau social et de microblogging.11 - Service de blogs vidéos lancé par Loïc Le Meur en 2007.

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ThèmeLes nouvelles technologies du lien social

De nos jours, quand on parle de Web 2.0, la pre-mière idée qui surgit est celle des réseaux sociauxà usage personnel ou professionnel. Toutefois, lapalette s’étend lorsqu’on imagine l’ensemble desservices offerts par Internet et orientés utilisa-teur. Voici la présentation de deux de ces sitespourvoyeurs de lien social et qui ont innové sur labase de services préalables au Web tout en se ser-vant des outils mis à leur disposition par les nou-velles technologies.

Depuis Edison et la RTF, la radio a bien évolué. Les moyensd’écouter de la musique chez soi ou en nomade ont changé.On parle aujourd’hui beaucoup du streaming et les radiosweb se sont multipliées, offrant une myriade de choix auxutilisateurs. Mais qu’il s’agisse de la radio traditionnelle oudes radios web, les choix de programmation sont toujourslaissés à des équipes qui les déterminent sur la base de cri-tères forcément subjectifs : popularité d’un titre ou d’unartiste, politique musicale de la station, accords avec cer-tains labels… On est toujours dans une logique de diffusionunivoque, où un petit nombre de personnes décide de lamusique qui sera écoutée par un grand nombre d’audi-teurs. Ces dernières années, un nouveau type de radio a faitson apparition, il s’agit des services de radio personnali-sables et communautaires. Le site last.fm en fait partie.

Avec last.fm, on aborde un niveau de personnalisation trèsfin puisqu’il n’existe plus une radio mais autant de radiosque d’auditeurs. Fondée par Felix Miller et Martin Stikselau début des années 2000, la radio innove véritablementlorsqu’elle incorpore la technologie de l’audioscrobblinginventée par Richard Jones dans sa chambre d’étudiant auxEtats-Unis. Cette technologie repose sur une reconnais-sance d’un flux musical écouté, que ce soit sur la versionflash du site last.fm ou dans le logiciel client installé chezl’auditeur ou même, et c’est là tout son intérêt, dans lebaladeur numérique ou le lecteur multimédia de son choix.Chaque morceau écouté pendant suffisamment de tempsest « scrobblé », c’est-à-dire que les informations le concer-nant (Artiste, Titre, Album, Pochette…) et celles concernantl’utilisateur enregistré sur last.fm sont récupérées par le

serveur pour établir un profil d’écoute musical. A mesureque l’auditeur écoute des morceaux sur son ordinateur etque son profil s’étoffe, un algorithme d’intelligence collec-tive permet de proposer à cet auditeur des morceaux cor-respondants à ses goûts musicaux lui permettant ainsi dedécouvrir des artistes méconnus car peu médiatisés ou destitres inconnus d’un artiste qu’il apprécie.

Mais la dimension sociale de cette radio d’un genre nou-veau prend tout son sens avec la création de communau-tés : chacun peut entrer en contact avec des voisins défi-nis comme « des auditeurs ayant des goûts musicauxsimilaires aux siens », ou de faire partager à ses « amis »choisis, certaines découvertes musicales.

L’interactivité est massivement utilisée sur last.fm puisqueles utilisateurs peuvent commenter les morceaux, se lesrecommander entre eux, annoncer leur participation à desconcerts dans une ville où l’artiste se produit et écrire lesbiographies d’artistes grâce à la méthode collaborativedu Wiki, popularisée par Wikipedia. La communautédépasse sa dimension virtuelle lorsque des groupes devoisins se retrouvent pour un concert dans la vraie vie,faisant connaissance, pouvant devenir vrais amis, prolon-geant les conversations qu’ils ont pu avoir en ligne. C’estainsi que, partant d’un site de radio web, les liens sociauxentre les individus se développent autour de goûts musi-caux et d’intérêts communs.

Voici donc un exemple de service communautaire totale-ment personnalisable qui permet, à la fois aux passionnésde musique de découvrir de nouveaux artistes et aux sim-ples auditeurs curieux, de faire de nouvelles connaissan-ces.

Dans le même esprit, un site internet de partage d’héber-gement a vu le jour à la fin des années 90. Veit Kühne, uninternaute allemand engagé, a vu l’intérêt que pourraienttirer d’Internet des voyageurs répartis à travers le monde.Il s’agissait « de mettre en relation des personnes avidesde rencontres et de découvertes » pour trouver des héber-gements gratuits et il a fondé le site Hospitality Club. Leconcept de ce site est simple : je planifie un voyage auVietnam. Je vais donc rechercher ceux qui, parmi les uti-lisateurs inscrits dans ce pays, sont susceptibles de m’ac-cueillir et je vais leur adresser un message en leur deman-dant s’ils peuvent m’offrir un toit pour la périodeconsidérée. En retour, lorsque des voyageurs visiterontma ville, je leur offrirai le même service. L’idée de récipro-cité est simple mais encore fallait-il la mettre en œuvre. Lesite est donc formé d’une grande communauté d’utilisa-teurs enregistrés dans différents pays qui utilisent la mes-sagerie, le chat, les forums pour échanger et se contacterlorsqu’ils ont besoin d’être hébergés quelque part dans lemonde.

Outre son intérêt économique manifeste pour les voya-geurs à petit budget, ce site permet surtout de rencontrerdes personnes de cultures et d’environnements extrême-ment variés et de partager l’espace de quelques jours desconversations passionnées et des points de vue sur lemonde.

Le Web qui crée du lien social : lesexemples de Last.fm et Hospitality Club

� Felix Miller, Martin Stiksel et Richard Jones, fondateurs deLast.fm.

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ThèmeLes nouvelles technologies du lien socialCe concept s’étant développé par le bouche-à-oreille, lacommunauté des membres d’Hospitality Club organiserégulièrement des rassemblements dans certaines villesafin qu’accueillants et accueillis se rencontrent et échan-gent sur les pays visités.

Pour ses fondateurs, le concept de confiance était fonda-mental à l’origine. Il s’agit d’accueillir quelqu’un dont onignore tout au départ. Pour cela, un système de recomman-dations a été mis en place afin de permettre aux membresd’indiquer s’ils font confiance à telle personne, s’ils ont étéson hôte ou son invité et de laisser un commentaire. Ainsi,lors d’une nouvelle demande, un hôte peut aller vérifier lesérieux d’une personne sur le site.

Nous avons également posé la question à Jean-LouisPagès, co-auteur avec Jean-Yves Hégron d’un ouvrage surles nouvelles formes de voyage : Voyager presque gratuit. Ils’est penché sur les sites comme Hospitality Club ou CouchSurfing. Selon lui, « ces sites ne sont que la continuité d’unecinquantaine d’autres et ont tous pour but de mettre en rela-tion des voyageurs. On peut citer Pasporta Servo qui réunit lesEspérantistes du monde entier ou encore WAYN, acronyme de« Where are you now ? », qui regroupe quelque 15 millions demembres et dont un Marseillais, Jérôme Touzé, est à l’ori-gine ». Cependant, pour Jean-Louis Pagès, le passage dupapier à l’internet « s’est accompagné d’une perte en ligneidéologique au cours du temps. Les communautés qui exis-taient avant l’arrivée de ces sites étaient basées sur desconvictions idéologiques fortes : pacifistes, écologistes et leterme de «communauté» prenait vraiment son sens : Cercledes cyclistes, communauté homosexuelle… Tous avaient despoints communs entre eux avant le goût du voyage ». Le siteServas France, par exemple, abrite notamment une com-munauté de pacifistes. « Aujourd’hui, des gens qui sont atti-rés par un site comme Couch Surfing (CS) recherchent plusune solution d’hébergement économique. Et si CS connaîtdu succès aujourd’hui, c’est grâce à son côté très corporateà l’instar des grandes entreprises américaines » nousindique-t-il.

Bien entendu, Hospitality Club fait un usage important descontenus utilisateurs : profils des membres, groupes,forum, commentaires sur les autres membres, la com-munauté s’enrichit de ses membres chaque jour un peuplus et fonctionne finalement bien. Couch Surfing attein-dra 1 million de membres en mars 2009. « Mais ces sitesrestent très ancrés dans une technologie 1.0. Ils n’ont pasfranchi de cap majeur » nous rappelle Jean-Louis Pagès.Des sites comme WAYN ou le récent site brésilien Yowtripsont plus avancés sur ce point. WAYN n’offre d’ailleurspas que l’hospitalité mais également un réseau social deplusieurs millions de membres.

Pour Jean-Louis Pagès, « le Web 2.0 marque une véritablerévolution sociétale dans la façon de voyager. Dans un avenirproche, on peut imaginer qu’il n’y aura plus besoin de prépa-rer autant son voyage en amont pour trouver un hôte. Via lesterminaux portables, le voyageur sera géo-localisable etpourra trouver dans un rayon de quelques kilomètres où qu’ilse trouve, les hôtes disposant d’une place disponible et lesprévenir directement ».

Aujourd’hui, Hospitality Club et autres émules n’ont pas debut lucratif. Des volontaires animent donc la communauté.Chez Hospitality Club, chacun est responsable d’un aspectdu site en particulier et de ses relations avec l’extérieur. Onpeut s’interroger sur la pérennité de sites qui n’offrentpas de business models pour durer. Couch surfing quidemande une donation pour accéder à certaines fonction-nalités et être un membre « vérifié » a fait montre d’unmodèle économique plus entrepreneurial. Et ceci fonc-tionne. D’après Jean-Louis Pagès, « ces sites ont encore deschances d’exister s’ils développent des technologies perfor-mantes et novatrices. L’idéologie n’a pas besoin d’être leciment de ces communautés. En revanche, pour les sitesdont le but premier n’est pas la recherche de voyages à bascoût mais de permettre aux gens de se retrouver autour d’au-tres centres d’intérêt, ces sites-là n’ont pas vocation à dispa-raître. L’important est d’avoir de la biodiversité dans unréseau conclut-il et on a parfois plus de diversité dans unréseau d’une centaine de membres que dans un hub de 15millions. C’est cette biodiversité qui va subsister ».

Finalement, l’expérience Hospitality Club nous montrequ’après plusieurs années, la communauté continue d’exis-ter et croît même régulièrement. Ceci pose donc la ques-tion de la viabilité de communautés qui ne sont pas guidéespar le profit mais par une expérience humaine de partageet de solidarité. Les contours du web social sont dès lorsbien définis.�

Vianney MEUNIER (02)

Vice-Président DéveloppementInternational de l'AI ECM

Project manager à Air Liquide

[email protected]� Jean-Louis Pages, co-auteur du livre « Voyager presque gratuit ».

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Les Cahiers de Centrale Marseille Alumni

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ThèmeLes nouvelles technologies du lien social

AIECM - Pouvez-vous nous décrire votre découverted’internet, l’époque pourtant récente à laquelle lessceptiques étaient légion ?Je me souviens très bien des années 1992-94. A cettepériode, j’accédais au réseau en mode shell – en code -pour faire du goffer, du ftp ; c’était avant Mozaïc. On payait100 francs l’heure de connexion par crédit de 10 heures !J’ai encore en tête mon retour des USA en 91 avec unmodem à 2400 bauds dans mes bagages ! Deux fois plusrapide que le minitel.

Pensez, pour l’anecdote, que j’ai été l’un des 5 premiersabonnés français à Internet grand public, via FranceNet àl’époque. C’était le 12 juin 1994. La photo des cinq premiersabonnés est passée récemment dans Paris Match, quandils ont fait un dossier sur les 20 dernières années.FranceNet s’est lancée avec un kit à 1440 bauds. Les socié-tés WorldNet, Oléane et Imaginet se sont lancées au mêmemoment.

J’ai créé « Transfert », un magazine en ligne qui traitait del’évolution de la société par le prisme des nouvelles tech-nologies. La page d’accueil du site ne devait pas dépasser70Ko. Tous nos contenus étaient « pesés » en regard desdébits accessibles par les internautes (débit de 56k).

En 1994, Internet était perçu comme un truc de nerds1,d’Américains, et la plupart des observateurs disaient « celane viendra jamais chez nous... ».

En 1995-96, les premières vraies propositions d’e-com-merce sont apparues sur Internet. Les gens ont juré pen-dant longtemps que jamais ils n’achèteraient sur le net.

En 1995, alors que j’étais reporter pour L’Express, nousavions obtenu 30 abonnements Compuserve gratuits pourles journalistes. Nous n’étions arrivés à en distribuer que12 ! Cela n’intéressait pas grand monde. Le terme« JAMAIS », je l’entendais en permanence, et dès que quel-qu’un le prononçait, je répondais : « notez bien ce qu’il vientde dire » !

Concernant Internet, on ne dit pas « jamais » mais plutôt« pas aujourd’hui, mais demain je ne sais pas... ».

En 1999-2000, les investissements dans Amazon étaientjugés comme pure folie. Le fait qu’une société aussi inno-vante reste 4 ans sans générer de bénéfice créait l’émoi.Mais combien savent qu’une célèbre marque de maga-sins, Le Printemps, a mis 11 ans pour son ROI2?

Il fallait donc y croire contre tout le monde dans les années90. Rafi Haladjian, Patrick Robin et Xavier Niel ont fait del’argent dans les services minitel et ce sont ces entrepre-neurs qui ont financé le lancement des premières offresInternet grand public.

AIECM - Comment analysez-vous l’évolution du rapportdes marques à l’Internet ?Je prendrai un exemple significatif qui illustre le boulever-sement qu’Internet a provoqué dans ce domaine : Nikeinvestissait dans les années 90 20% de son budget depromo dans la création et 80% dans la diffusion. Aujour -d’hui, c’est l’inverse. Ils lancent leur film et laissent les gensle diffuser par viralité. Ils ont radicalement changé leurstructure de coûts et testent largement les films.

Je l’ai appliqué une fois à mon magazine de mer« Nautilus ». Ce sont les internautes qui ont choisi la cou-verture entre 5 propositions mises en ligne.

Il n’y a pas une grande marque qui n’utilise aujourd’hui laviralité, les réseaux sociaux. Il n’y a plus de certitude, plusde « pape de la communication ». Les labos sont partout !

Avant, les communicants mettaient des sommes énormesdans des campagnes, puis allumaient un cierge en espé-rant que cela marche. Nous vivons actuellement en fluxtendu avec une analyse permanente de la performance.Second Life est à ce titre un bon labo d’essai pour voir cequi a du succès avant de généraliser.

Mais la plupart des entreprises et des marques utilisentmal le potentiel d’Internet. Si vous allez jusqu’au bout dela logique web2, vous acceptez les critiques, et donc pasforcément celles qui sont positives...

Cela demande du courage et de l’implication. C’est la rai-son pour laquelle les marques choisissent souvent desdispositifs qui ne permettent pas une véritable conversa-tion et des réponses ouvertes. Certaines au contraire, déci-dent de le faire et l’assument. Ces dernières sont encoreminoritaires.

En effet, la nature des sociétés commerciales n’est pas des’exposer mais de s’imposer !

Un exemple : on a ainsi vu fleurir le conceptd’« Evénement », décliné en « livre événement », « disqueévénement », « film événement ». Ces lancements sontappuyés par des financements très importants. Et toutobstacle à leurs succès est farouchement combattu. Lorsde la sortie du film Germinal de Claude Berry, GérardLefort, journaliste à Libération, a sorti un papier qui disait

L'avenir de la technologie, c'est "pas de technologie" !

II- La fin de l’adolescence du web et de la petite enfance du mobile

Christophe AGNUSFondateur, CEO de Nautilus Medias,

entreprise plurimédia.

Rédacteur en chef du magazineNautilus. Ancien fondateur, Président,CEO de Transfert SA, rédacteur en chefdu magazine Transfert et Transfert.net(Best French Media Web Site Award in

2000 and 2001), ancien rédacteur principal pour le maga-zine L'Express, co-fondateur de l'édition en ligne deL'Express en 1995.

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ThèmeLes nouvelles technologies du lien socialen substance « on n’a pas aimé le film ». Claude Berry, trèsen colère, a menacé de procès.

Un exemple contraire me semble être celui d’EdouardLeclerc qui accepte l’échange car il a confiance dans sa dia-lectique personnelle. Il est très fort car il y arrive. Ce n’estpas la majorité.

Enfin, j’ajouterai que l’anonymat de l’Internet est violent ;une violence démesurée par rapport à la vie réelle. Lescommentaires écrits dépassent souvent les pensées. C’est,je pense, la raison principale qui amène les marques àmodérer largement leurs conversations. 95% des sitesd’entreprises sont modérés a priori. Le web2 ne devrait pasl’être.

AIECM - Parlez-nous de votre vision du futur des servi-ces web.Nous vivons actuellement l’adolescence du web et la petiteenfance du mobile. L’essentiel est à venir. Nous enten-dons d’ailleurs les mêmes arguments contre le mobileque contre Internet par le passé. Je considère le mobilecomme l’ « ultimate device ». Et en la matière, l’I-phone ena révolutionné l’usage.

Quand un utilisateur de téléphone va une fois sur Googlemobile, un utilisateur de Smartphone y va trois fois et unutilisateur d’I-phone cent fois !

L’I-phone n’est pas un téléphone. C’est le prolongement depoche de son environnement virtuel.

Je fais tout avec mon I-phone : des photos, mon réveil, monagenda, la reconnaissance des musiques que j’aime avecle petit programme « shazam3 » , la lecture de livres, dejournaux, la consultation des vélibs libres, etc. C’est moncouteau suisse électronique. Le week-end dernier, mafemme me demande de chercher un niveau pour mesurerla pose rectiligne d’un tableau au mur... bien sûr, je sorsmon I-phone et l’utilise comme un niveau au centième dedegré près avec le programme correspondant. Dans l’avion

qui me posait à Roissy, une dame voulait savoir si ellearriverait à rejoindre Orly en 45 minutes : j’ai consultéSytadin, le réseau routier était au vert alors je lui ai dit queoui contrairement au jugement de nos voisins. Avec l’I-phone, je n’ai pas l’impression d’aller sur le net. L’avenir dela technologie, c’est « pas de technologie » !

AIECM - Le mobile va t-il tout balayer ?Non. Nous disposons de trois écrans : Télévision,Ordinateur et Mobile. Selon notre position, nous utilisonsl’outil le plus pratique. Le plus de l’I-phone et les raisonsde la révolution qu’il préfigure sont la simplicité et larichesse d’usage. Dit autrement, le style d’usage de l’I-phone marque le début d’une nouvelle ère.

Beaucoup essaient de le reproduire. Le Nokia 95, par exem-ple, disposait des mêmes fonctionnalités mais rien n’étaitintuitif. L’I-phone est moins efficace, moins performant,mais orienté usage ; « il fait tout mal, mais il fait tout, etc’est très simple ! ».

L’âge adulte des services web et des technologies relatives(dont les terminaux) sera marqué par la simplicité de l’in-teraction, l’absence de problèmes technologiques à l’inter -action.

Lorsque vous utilisez votre réfrigérateur, votre four àmicro-ondes, vous n’avez pas l’impression de faire un actetechnologique.

L’ordinateur de bord du film « 2001, l’Odyssée de l’espace »parle. Un rêve, porté notamment par Nathan Myhrvoldquand il dirigeait la recherche de Microsoft, consiste àsupprimer le clavier qui est tout sauf naturel. Dans ce typede vision, la technologie disparaît derrière l’usage. Imaginezdire « courriel pour telle personne » pour envoyer un mes-sage avant de le dicter. L’âge IT adulte sera celui de la flui-dité.�

Interview réalisée par Luc BRETONES (96)& Emmanuel NAUDIN (04)

1 - Nerds ou geeks : termes anglosaxons désignant des passionnés de technologies de l’information au sens technique du terme.2 - ROI, retour sur investissement3 - Shazam reconnaît les morceaux de musique dont j’enregistre un extrait lorsque je l’entends.

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ThèmeLes nouvelles technologies du lien social

AIECM – Le parcours de Martin RogardMartin fait partie de la génération Y1. Rien dans son appa-rence ne permet de l’identifier comme le patron. Il nousreçoit dans son bureau, dans lequel trône, comme aban-donnée, une veste de costume prête à l’emploi en cas derendez-vous impromptu.

Ce talentueux dirigeant, né en 1980, a démarré sa car-rière à 19 ans comme directeur créatif de la société Vibes2

et son célèbre jeu persistant massivement multi-joueursMankind. Il y fait ses armes de manager. En 2003, il rejointle Ministère de la Culture, devenant le responsable du por-tail du pôle Culture et Education.

Au cabinet du Ministre Renaud Donnedieu de Vabres, iltravaille sur les sujets concernant la création numérique,met en place les chantiers numériques, portail Internetd’accès aux ressources patrimoniales de la base de don-nées du Ministère de la Culture et des musées.

Il participe également à la mise en place de la loi DADVSIde 2006 sur les droits d’auteur, libérant les fameux DRM3

et permettant l’interopérabilité.

Il rejoint Dailymotion en juillet 2007, d’abord commeDirecteur des Contenus. Il est nommé Directeur France le1er janvier 2008.

AIECM – Quelle est la stratégie actuelle de Dailymotion ?Nous souhaitons ajouter de la valeur aux contenus quenous diffusons. Autrement dit, nous passons d’un servicequi permet de transformer un fichier vidéo en flash, à unmédia qui offre à ses utilisateurs et partenaires des outilset moyens humains de mise en valeur. Vous remarquerezque Youtube et Dailymotion ont été créés à 15 jours d’in-tervalle, suite à la sortie de la dernière technologie deFlash. Par ailleurs, Youtube appartient à Google. Notreréponse ne peut donc pas être seulement technique. Lasimple recherche parmi des millions de contenus n’estpas suffisante.

Nous cherchons des partenaires pour nous alimenter envidéo et co-construire des mises en page thématiques(musique, sport, actus…). Dailymotion reste ouvert auxcontributions, mais aussi aux notes, aux commentaires.Nous mettons en avant les meilleures vidéos en page d’ac-cueil de chaque thème. Nous fidélisons une forte com-munauté de partenaires, les motion makers, en leur four-nissant des outils. Ils mettent leurs contenus en ligne etgardent la main en permanence dessus (ils peuvent les

enlever à tout moment). Ce qui compte, c’est l’engage-ment des utilisateurs.

Cette stratégie porte ses fruits puisque près d’un blogfrançais sur deux dispose du player4 Dailymotion ! Si onaccumule les visiteurs du site www.dailymotion.com et lesvidéos intégrées aux blogs via notre player, nous totalisonsplus de 900 millions de vidéos vues chaque mois.

AIECM – Quels types de contenus diffusez-vous sur vospages thématiques ?Nous suivons la théorie de destruction créatrice deSchumpeter5. Nous agrégeons une partie des contenusnon diffusés à la télévision. Savez-vous que 97% de la pro-duction audio-visuelle professionnelle n’est pas retrans-mise ? On peut résumer la télévision à une centaine dechaînes qui émettent 24h/24. Cette capacité est très insuf-fisante pour diffuser l’ensemble des courts métrages, lesclips, les productions d’entreprise, de colloques, etc…

Dans ce contexte, nous nous attachons à préserver la légi-timité du partenaire en diffusant leurs contenus, les chaî-nes de télé des fédérations sportives s’adressent directe-ment à leur réseau de licenciés. Nous avons conclu despartenariats avec la Fédération Française de Voile, ouencore la Fédération Française de Basketball. Ces fédéra-tions diffusent les vidéos de toutes les ligues à l’aide denotre technologie de production à bas coût. Nous répon-dons à une quête de sens : aller directement du producteurde contenu au consommateur, avec si possible, une logiqued’espaces verticaux thématiques pour améliorer la perfor-mance publicitaire.

Quand des groupes média non vidéos comme France Inter,le groupe Prisma Presse ou encore Télé Loisirs, passentsur Dailymotion, nous élargissons notre audience. Uneapplication directe des principes de la loi de Metcalfe6.Puis, nous nous efforçons d’attirer les internautes versnos autres chaînes thématiques.

AIECM – Quel est le modèle économique de Dailymotion ?Notre modèle est 100% gratuit pour l’utilisateur. Nousfinançons nos besoins de développement grâce à la pub,placée à côté (pavés classiques), à l’intérieur (pre-roll7,

Notre objectif : fournir à l’utilisateur unedemi-heure de vidéo intéressante par jour

Martin ROGARDDirecteur France de Dailymotion

Martin a démarré sa carrière à 19 ans comme directeurcréatif de la société Vibes.

En 2003, il devient le responsable du portail du pôleCulture et Education du Ministère de la Culture et met enplace les chantiers numériques.

Il prend la direction France de Dailymotion début 2008.

� De gauche à droite : Emmanuel Naudin (04), MartinRogard, Luc Bretones (96), Eric Vandewalle (96)

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ThèmeLes nouvelles technologies du lien social

instream8) des vidéos que nous diffusons, ou via l’insertionde logos sur lesquels les internautes peuvent être invitésà cliquer pour visiter le site web associé ou entrer leurscoordonnées. Nous valorisons ainsi l’engagement de nospartenaires auprès des annonceurs.

Nous avons signé 1098 contrats de partenariats en 2008,sur lesquels nous partageons les revenus de publicité surla base d’un calcul factuel et précis.

Notre modèle est pérenne. En effet, 90% de la croissancedu marché de la pub des 5 prochaines années aura lieu surInternet. Et au sein de ce marché, la vidéo est de loin le sec-teur qui connaît la croissance la plus forte. Toutefois, lesattentes de nos annonceurs évoluent. Ils n’achètent plusdes utilisateurs uniques ou un nombre de pages vues,mais des engagements. En 2009, nous valoriserons letemps d’exposition des internautes, à la minute près, grâceà la technologie d’Alenty qui chronomètre la durée d’affi-chage de la pub sur chaque page vue. Ainsi, les bandeauxde bas de page ne sont comptabilisés que lorsque l’inter-naute fait défiler sa page jusqu’à l’affichage complet dubandeau.

Nous recevons environ 15 000 vidéos par jour, mais plusque la quantité, ce que nous visons est de fournir 30 minu-tes de vidéos intéressantes par jour à nos utilisateurs. Cetélément mesuré grâce à des outils comme ceux de Nielsenreprésente un message très porteur pour les annonceurs.

AIECM – Quels outils avez-vous mis en place pourcontrôler les vidéos que vous diffusez ?Dailymotion opère sous le régime juridique, maintenantreconnu par tous, de la Loi de Confiance dans l’EconomieNumérique (LCEN). Cette loi précise notre responsabilitéd’hébergeur. Les internautes nous signalent grâce au bou-ton figurant sous chaque vidéo celles avec un contenuqu’ils considèrent comme illicite ou contraire à nos condi-tions générales d’utilisation (pornographie, incitation à lahaine raciale ou violence…). Ces signalements sont traitéspar une équipe dédiée 24h/24, 7 j/7, et les contenus mani-festement illicites sont retirés de notre plateforme, décou-rageant ainsi leurs auteurs de renouveler l’expérience.

La question des droits d’auteurs est plus délicate. Lesinternautes ne déclarent pas les contenus soumis auxdroits d’auteurs car le partage fait partie de leur culture etne les choque pas. Cependant, nous avons décidé de met-tre en place de façon volontaire des technologies efficacesde reconnaissance de contenus. Les équipes Dailymotionréalisent ainsi un fingerprint9 des contenus mis en ligne parles internautes et les motion makers, puis les comparentaux empreintes déposées par les ayant-droits des conte-nus protégés par des droits d’auteur dans la base« Signature » de l’INA10 ou dans celle de la société AudibleMagic11. Si la comparaison est positive, Dailymotion empê-che la mise en ligne de la vidéo correspondante.

Dailymotion établit également des contrats de diffusiondirectement avec les ayant-droits, les éditeurs ou les socié-tés de production propriétaires des contenus, ou encore laSACEM12, la SACD13 ou la SCAM14.

Grâce à cette organisation, Dailymotion connaît de moinsen moins de procès. Par ailleurs, tous les procès ontconfirmé la qualité d’hébergeur du site Dailymotion, un sta-tut particulier qui n’impose pas de vérifier la mise en lignea priori des contenus mais demande aux hébergeurs deretirer promptement toute œuvre protégée signalée.

AIECM – Dailymotion est un acteur de poids du web 2.0.Mais utilisez-vous les technologies propres au réseaumondial interactif au sein de Dailymotion ?Nous pratiquons à la fois le Top-Down et le Bottom-Up.Nous animons la communauté des motion makers, qui par-ticipent à la création de contenus. Nous avons égalementdéployé un wiki en interne pour établir les spécificationsdes nouvelles fonctionnalités, et donner accès à l’informa-tion à tous nos collaborateurs en même temps.

Dans le monde 2.0, l’expertise est recentrée sur l’individu,qui s’inscrit dans un graphe social et véhicule l’informationen l’enrichissant. Le Web 2.0 apporte une dimension sup-plémentaire aux contenus que nous publions sur la toile :la qualification par des acteurs de notre réseau social.Nous parlons alors de recommandation et de réputation.Lorsque vous diffusez une vidéo de façon anonyme surDailymotion, vous avez peu de chance d’attirer du monde.Mais lorsque vous publiez une vidéo dans Facebook, vousla recommandez à vos amis. On ajoute de la valeur en dis-tribuant un contenu avec un avis à certaines branches deson réseau social.

AIECM – Quelles sont les tendances lourdes du Web 2.0 ?J’en vois deux. La première concerne l’UGC15. Nous allonsvers un dialogue entre les contenus professionnels et ama-teurs, vers l’agrégation et la syndication de contenus.

La seconde tendance concerne le DRM. Tous les appareilsfonctionneront bientôt en IP16. Les internautes consomme-ront l’Internet à la demande, via leur téléphone mobile ouvia la télévision connectée en WiFi au réseau mondial.Nous devrions assister à l’explosion du streaming. Nokia,qui anticipe largement ce mouvement, est d’ailleurs lasociété qui prend le plus d’accréditations au MIDEM17 ! LeDRM, contrôle du passage d’un fichier sur un lecteur, serabientôt devenu totalement obsolète. En effet, pourquoiposséder un fichier quand je peux l’écouter ou le voir quandje veux et gratuitement en streaming sur le Net ? �

Interview réalisée par David Bourgeois (96), Luc Bretones (96), Emmanuel Naudin (04)

et Eric Vandewalle (96)

1 - Les Anglo-Saxons l’appellent Youth Generation, c’est-à-dire les jeunesactifs de moins de 30 ans.

2 - Le studio Vibes a été racheté en 2002 par O2OE (Hong Kong), qui assureencore aujourd'hui l'exploitation du jeu.

3 - DRM = Digital Rights Management, Gestion des Droits d’Auteur en fran-çais.

4 - Player = lecteur intégré aux pages du blog ou du site Web.5 - Economiste austro-hongrois de la fin du XIXe siècle qui liait la disparition

de sociétés anciennes avec l’arrivée de nouveaux acteurs innovants etplus performants.

6 - La loi dit que plus il y a d'utilisateurs dans un réseau, plus ce réseauaura de la valeur.

7 - Pre-roll = message de 10 à 20 secondes avant la vidéo.

8 - Stream = flux vidéo.9 - Fingerprint = empreinte électronique unique, sous forme de fichier de

petite taille.10 - INA = Institut National de l’Audiovisuel.11 - La société Audible Magic propose des outils de marquage des bandes

son.12 - SACEM = Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique.13 - SACD = Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques.14 - SCAM = Société Civile des Auteurs Multimedia.15 - UGC = User Generated Content ou le contenu généré par les utilisateurs

d’un site.16 - IP = Internet Protocol.17 - MIDEM = Marché International du Disque et de l’Edition Musicale.

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ThèmeLes nouvelles technologies du lien social

AI ECM : Présentez-nous Brainsonic, son businessmodel et ses activités.Brainsonic emploie actuellement 80 personnes à Paris etune cinquantaine de sous-traitants en Europe, en Algérie,et en Tunisie.

En 2003, malgré la forte vague du marché B2C de la vidéoen ligne, le business model restait difficile à appréhender.En effet, c’est un modèle risqué et l’idée de perdre de l’ar-gent ne plaît pas du tout à Jean-Louis Bénard. Depuisl’origine Brainsonic s’oriente donc vers les marchés B2B/ B2B2C.

A ce jour, la société est toujours rentable avec une fortecroissance. En 2008, elle a réalisé des opérations de crois-sance externe pour renforcer sa position en achetantnotamment Slideo (plateforme UGC1 2.0), Kalitic (moteurde recherche vidéo) et OnePoint TV (video marketing).

Brainsonic se concentre autour de deux activités : la pro-duction de contenus rich-media2 et l’édition de logiciels enmode SAAS3. Jean-Louis Bénard a finalement appliquéune philosophie de production industrialisée à ce domaine,ce qui lui permet de valoriser les coûts de diffusion et unedes raisons de la rentabilité de son entreprise.

Brainsonic produit 700 vidéos par mois, 1000 avec OnePointTV. L’organisation de leur production est très industrielle,ce qui leur a permis de faire baisser les coûts unitaires.Cette capacité unique en Europe de production les amèneà couvrir, par exemple, les Tech Days de Microsoft.

Leur activité d’édition est focalisée sur une plateformeweb-TV de gestion de contenus vidéos. Ils ont à la fois uneapproche dite « top-down » de publication de contenus,comme la TV du RC Lens ; mais aussi une approche « bot-tom-up » de partage de contenus vidéo, slides, photos.Ainsi, Brainsonic aide l’un des leaders de la grande distri-bution dans la construction de ses rayons par le partage dephotos entre chefs de rayon mais également un construc-teur automobile sur des projets de force de vente par le par-tage de connaissance. Un autre exemple, ce sont les com-mentaires partagés entre cinéphiles sur la plateformeUGC ou encore la webtv du Téléthon.

AI ECM : Quelle est votre vision du web 2.0 et de son mar-ché ?

JLB : Le web 2.0 est constitué d’un aspect technologique,les interfaces riches, et d’un aspect social de partage.

Néanmoins, j’aperçois plus de consommateurs de conte-nus que de vrai partage de publications originales. Celas’explique facilement par le coût de la production vidéo.On a fait croire aux gens que c’était gratuit et simple, eton les a habitués à cette idée. Ce faisant, on a tué la pos-sibilité d’offres payantes pour encore quelques années.La gratuité actuelle est assurée par les liquidités offertespar les fonds d’investissement. Pour combien de tempsencore ? You Tube n’est pas encore rentable !

La crise économique actuelle montre que la réalité éco-nomique de ce marché n’est pas toujours proche des pro-pos de certains « influenceurs » et remet en cause cer-taines promesses du web 2.0. Ce n’est peut-être pas l’El-dorado que l’on espérait ! Il faut savoir que le marché dela vidéo sur Internet est de l’ordre de 70 millions d’euros.Bref un marché en forte croissance, mais encore petit.

AI ECM : Comment Brainsonic se différencie de sesconcurrents ?JLB : Notre capacité de production à des coûts profitabless’explique par de forts investissements dans notre systè-me d’information et par une organisation très agile ettrès adaptable aux évolutions du marché.

Le nerf de la guerre, c’est le système d’information et lenôtre est en appui de notre métier en fluidifiant leséchanges. Il est composé d’applications de CRM, de pla-nification de production, de reporting et monitoring quinous aident à avoir une approche industrielle tout enintégrant de nouvelles acquisitions.

Chez Brainsonic, la hiérarchie est minimale, le manage-ment est à plat et nous sommes organisés en mode pro-jet. C’est finalement une pyramide inversée qui laisse laplace à l’initiative individuelle.�

Pour pouvoir approfondir cet entretien sachez que :

Jean-Louis Bénard est co-auteur de l’Extrem Programming.Il est aussi Professeur à Centrale Paris.

Rich-media et web-TV se généralisent

Jean-Louis BÉNARD (ECP 94)

Président-Fondateur de Brainsonic

Jean-Louis Bénard est un entrepreneur-né. Dès sa sortie de Centrale Paris, sapassion pour les services Internet l’a-mène à fonder une société de servicenommée FRA, avec deux camarades. A

cette époque, l’Internet était essentiellement résumé à dutexte et l’apparition de l’image était marquante. Commele dit Jean-Louis Bénard : « j’ai démarré tôt, trop tôtd’une certaine manière ». Finalement, il considère quec’est cette arrivée de l’image qui a accéléré le succèsd’Internet. En revanche, le manque de formation businessà Centrale Paris lui fait rencontrer quelques difficultés surle démarrage. Entre 1997 et 2000, FRA connaît une crois-sance importante, passant de 4 personnes à 100 per-sonnes. Il revend sa société à Business interactif (dé -sormais intégrée au groupe Publicis) en 2001, dont ildevient le CTO (Directeur Technique).

En 2003, la passion de l’entreprenariat le rattrape,Internet se transforme toujours plus vite avec l’appari-tion de la vidéo et des contenus, il crée Brainsonic,convaincu de la convergence image-vidéo.

1 - Contenus mêlant de la video et des slides avec une interaction des individus.2 - User Generated Content.3 - Software as a Service.

Interview réalisée par Luc Bretones (96), Emmanuel Naudin (04) et Eric Vandewalle (96)

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ThèmeLes nouvelles technologies du lien social

AIECM : Frédéric, en quelques mots, pourriez-vousnous préciser votre parcours ?

FC : J’exerce depuis douze ans de manière profession-nelle dans le monde de l’internet, que ce soit au travers d’a-gences ou maintenant en tant que consultant indépendantauprès d’entreprises. Mon background est plutôt fonction-nel et marketing que technique ; je m’intéresse avant toutaux usages que l’on peut faire d’Internet et moins à latechnologie en tant que telle.

AIECM : Pourriez-vous nous dire en quoi se caractérisele web 2.0 et ce qu’il a apporté ?

FC : Tout d’abord, je suis contre l’idée d’opposer le web etle web 2.0. Pour moi, il ne s’agit que d’une continuité dudéveloppement et de la croissance de l’Internet. Il y a plusde dix ans que je partage de l’information avec une com-munauté de gens sur Internet. A l’époque, il s’agissait deSixDegrees, un outil qui a précédé les LinkedIn et Facebookde 1997 à 2001. Il a été vendu par son fondateur en 2000avec ses plus de 1 million d’utilisateurs pour 125 millionsde dollars et a disparu avec l'explosion de la bulle Internet.Les outils étaient peut-être différents mais l’usage était lemême : développer son réseau, échanger, lire et partagerfacilement de l’information en utilisant un simple naviga-teur Internet.

AIECM : Je suis d’accord avec vous. Encore un peu plustôt, quand j’étais étudiant à l’école, nous utilisions eneffet déjà le réseau universitaire pour échanger de l’in-formation et partager avec une communauté de gens,avec des techniques qui paraissent maintenant rudi-mentaires. Mais peut-être peut-on parler d’une accélé-ration récente grâce à l’émergence de nouveaux outils ?

FC : En effet, on peut parler d’une accélération avec ledéveloppement d’outils comme les blogs ou Facebook, quiont rapidement su toucher un large public grâce à leur sim-plicité d’utilisation, qui ont fait passer la publication decontenu sur Internet des mains des experts aux mains dugrand public. Ils ont également mis l’accent sur le dévelop-pement de fonctions communautaires. Ce phénomène a étélargement amplifié lorsque les médias grand public sesont intéressés au sujet et ont relayé la notion de web 2.0.

AIECM : Comment voyez-vous cette évolution ?

FC : L’évolution est avant tout dans les attentes. Si unjeune, dit de la génération Y, achète aujourd’hui un ordina-teur, il va vouloir faire du blog, de la messagerie instanta-née avec ses amis, échanger des photos et des vidéos.

Autant de choses qu’on n’attendait pas, il n’y a pas si long-temps, de l’usage qu’on pouvait faire d’un ordinateur engénéral et de l’Internet en particulier.

AIECM : Que peuvent tirer les entreprises comme ensei-gnement de ces nouveaux comportements, en particu-lier dans la mise en place d’outils collaboratifs pour cesnouveaux ou futurs employés ?FC : Il faut, je crois, comprendre que ces jeunes de lagénération Y n’ont pas la culture de la « grande informa-tique », de l’ordinateur et de la technique sous-jacente. Parcontre, ils compensent énormément par la pratique.Regardez la plate-forme MySpace par exemple : ce n’estpas très ergonomique ni facile à utiliser et, pourtant, les uti-lisateurs de la plate-forme ont appris à compenser cesdéfauts pour en faire le meilleur usage.

En revanche, même si certains maîtrisent ces outils etces pratiques, ils ne sont malheureusement pas directe-ment transposables dans le monde de l’entreprise.

Aujourd’hui, dans une entreprise, la résistance au change-ment n’est pas forcément là où on l’attend. Il n’y a pas -comme on pourrait le penser - une différenciation marquéedes comportements en fonction de l’âge. En effet, les sala-riés les plus anciens ont pour la plupart connu l’arrivée del’ordinateur. Ils ont vécu les difficultés générées par cesnouveaux outils dans l’entreprise et dans les faits. Force estde constater qu’ils sont plutôt ouverts à leur utilisation.

Cette résistance au changement se ressent moins auniveau des utilisateurs qu’au niveau des DSI1. Essen -tiellement parce que la gestion d’un système d’informationd’entreprise est lourde et coûteuse. Et l’attitude qui primeaujourd’hui est plutôt celle qui consiste à dire : « J’ai unemessagerie et un système de fichiers partagés qui fonction-nent, pourquoi en changer ? ».

Il faut également tenir compte des organisations et descomportements dans l’entreprise qui ne sont pas homogè-nes. Par exemple, l’usage des outils collaboratifs n’estpas du tout le même si on s’adresse aux commerciaux ousi on demande l’avis du service juridique.

L’enjeu est donc de développer et de reconnaître la capa-cité à trouver et à utiliser l’information plutôt que de pos-séder de l’information en tant que telle ; mais cela revientà faire évoluer la culture, ce qui est bien plus complexe fina-lement que faire évoluer le système d’information versdes outils collaboratifs ou web 2.0.

Autrement dit, l’entreprise 2.0 ne se résume pas à uninventaire d’outils web 2.0. Il faut également envisagersérieusement le changement culturel et organisationnelqui va avec. Entreprise 2.0 = Collaborateurs 2.0 = RH 2.0 �

Pour en savoir plus,lisez le blog de Frédéric sur l’entreprise 2.0 :http://www.entreprise20.fr/

Interview réalisée par Michel REIGNIER (96)

Web 2.0, Génération Y et Entreprise 2.0 :une révolution des usages

Frédéric CAVAZZA

Consultantet auteur de :

http://www.fredcavazza.net et http://www.entreprise20.fr/

1 - Directions des Systèmes d'Information

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ThèmeLes nouvelles technologies du lien social

Pierre crée sa première société à 21 ans. Avec un père dansl’administration et une mère professeur, il ne disposaitpourtant d’aucune empreinte génétique le prédestinant àcette carrière de bâtisseur d’entreprises à succès. Ce goûtpour l’entreprenariat lui est venu lors d’un stage effectuéau Vietnam, entre la seconde et la troisième année de soncursus HEC.

Après son admission à la majeure HEC entrepreneur en1998, une de ses missions d’étudiant fut de créer uneentreprise. 6 semaines plus tard, il fonde sa premièreboîte… pour de vrai ! La société s’appelle Visualis, elle dis-tribue des boîtiers de comptage de clients dans les maga-sins et les centres commerciaux pour estimer le nombrede caisses à implanter. Un problème d’approvisionnementle contraindra à fermer cette jeune société au bout de 9mois.

Qu’importe, ce jeune créateur s’expatrie aux Etats-Unis. Iltravaille une année durant au développement de l’activitéInternet d’une banque américaine spécialisée dans le cré-dit à la consommation.

Il revient en France en 2000, pour y créer PriceMinister,s’inspirant d’un site américain, half.com. Pourquoi enFrance ? Pour des raisons culturelles, tout simplement ! Etpourtant, trouver des investisseurs pour monter un projetdans l’Internet ne fut pas chose facile. Les fonds françaisne croyaient pas du tout aux sociétés Internet à l’époque.

AI ECM - Parlez-nous de PriceMinister, ses chiffres, sastratégie.

PriceMinister emploie actuellement 200 personnes, dont70 ingénieurs. C’est un savant mélange entre geeks etnon geeks. Nos collaborateurs sont orientés tantôt utilisa-teurs, tantôt marques, ou encore business et parfoistechno. Cette diversité donne un site convivial et équilibré.

Le groupe PriceMinister, c’est également 3 autres sites,rachetés en 2007 :

• A Vendre / A Louer

• Planetanoo.com

• Voyager moins cher

• Et aussi un site automobile : PriceMinister Auto

PriceMinister se développe rapidement. Nous sommesaujourd’hui le deuxième site de e-commerce en Francederrière eBay. Nous serons premier en 2010 !

AI ECM - Quel est le business model de PriceMinister ?La mise en vente est gratuite, nous prenons une commis-sion de l’ordre de 10% à la vente de l’objet. Nous offronsà nos clients une assurance client qui les assure de ne pasêtre floués lors d’une transaction. Une autre source derevenus est pour nous la publicité qui est possible grâce ànos 2 millions de visites par jour en France.

Notre métier d’intermédiaire, sans logistique ni entrepôt,nous permet de limiter nos coûts. La rentabilité est doncbonne.

AI ECM - Comment avez-vous découvert l’Internet ?J’ai commencé avec Internet au Vietnam pour rester encontact avec la famille, puis aux Etats-Unis au momentmême de la bulle Internet à la fin des années 90. A l’époquej’ai trouvé aisément et rapidement mon appartement ainsique ma voiture sur la toile. A cette période, les USA étaientun vrai laboratoire de la lame de fond qui allait s’abattre surle monde entier.

Ce que fait Internet, c’est de mettre les gens en relation.Yahoo ! à ses débuts était centré sur cet objectif d’aider lesgens à trouver ce qu’ils cherchaient sur la toile. Les sitesd’achat/vente, de rencontres, de réseaux sociaux… sonttous au service de la mise en relation. C’est la beautéd’Internet.

Mais attention, je ne suis pas un geek, un fou de l’Internet.La preuve, j’ai utilisé le même Palm Pilot entre 2000 et2007 ! Je lis mes emails sur mon téléphone seulementdepuis peu !

AI ECM - Que pensez-vous des sites de réseaux sociaux ?Que vous apportent-ils sur le plan professionnel ?Les réseaux sociaux mélangent vie professionnelle et viepersonnelle. Le problème avec ces sites, c’est qu’une foisinscrit, vous ne maîtrisez plus votre image. Je n’ai pastrès envie que mes photos personnelles se retrouvent surInternet. Je préfère de loin les réseaux sociaux réels auxréseaux sociaux virtuels !

Je suis totalement absent de Facebook et de Viadeo.LinkedIn ne m’apporte guère que des contacts de gensqui veulent me vendre des produits. MySpace est un peu dif-férent. C’est un réseau à part, qui regroupe pas mal d’in-terprètes et de compositeurs. Il se trouve que j’ai une vraiepassion pour la musique et MySpace est très ancré dans cedomaine.

AI ECM - Comment imaginez-vous le web de demain ?La France compte plus de la moitié de ses foyers connec-tés depuis 2008. La bascule vient d’être franchie.Aujourd’hui ne pas être connecté est minoritaire! Internetdevient donc un média de masse avec une caractéristiquenouvelle : c’est la permanence. On peut se connecter quandon le souhaite. La machine est en route et n’est pas prèsde s’arrêter. Si l’on suit les principes de la loi de Metcalfe1,

Internet devient la norme

Pierre KOSCIUSKO-MORIZET

Président-Fondateur de PriceMinister

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ThèmeLes nouvelles technologies du lien sociall’expansion devrait continuer en s’accélérant. Le marchéInternet, hier marginal, attire de plus en plus d’acteurs ducommerce traditionnel, drainant toujours plus d’acheteursvers le e-commerce. Petit à petit, Internet devient la norme.

D’un autre côté, on tend à être connecté partout et tout letemps. En Wifi, en 3G, au bureau et même en vacances. Lessites web 2.0 vont grossir plus vite que les autres grâce àl’effet de réseau2.

PriceMinister grossit plus vite que les autres grâce à sonsystème de recommandation des produits ainsi que des

acheteurs/vendeurs. Le succès de PriceMinister résidedans l’achat-vente à un tiers de confiance. L’acheteur a lagarantie d’acheter un bon produit et le vendeur est sûr d’ê-tre payé.

AI ECM - Vous êtes également co-président fondateurde l’ASIC3. Parlez-nous de cette association

L’ASIC regroupe les acteurs du web 2.0 et vise à promou-voir le "nouvel" Internet par du lobbying auprès des poli-tiques. Elle a été lancée en décembre 2007 par AOL,Dailymotion, Google, PriceMinister et Yahoo ! MySpace,Facebook, Microsoft, SkyRock et Wikipedia ont rejoint lemouvement. D’autres suivront bientôt. Nous nous considé-rons comme un lobby du Web 2.0 dans le sens où nousintervenons publiquement et auprès des parlementaireslorsque certaines lois nous semblent ne pas aller dans lebon sens de notre point de vue.

Notre premier dossier fut la loi visant à taxer les servicesInternet. Nous avons réussi à bloquer le projet de loi visantà taxer la publicité sur Internet. En effet, une telle taxeaurait simplement convaincu ce business à se délocaliserau Luxembourg. Heureusement, nous avons réussi àdémontrer que cette loi aurait été une erreur.�

Interview réalisée par David Bourgeois (96), Luc Bretones (96), Emmanuel Naudin (04)

et Eric Vandewalle (96)

� De gauche à droite : David Bourgeois, EmmanuelNaudin, Pierre Kosciusko-Morizet, Eric Vandewalle.

1 - La loi dit que plus il y a d'utilisateurs dans un réseau, plus ce réseau aura de la valeur.2 - Les sites web 2.0 se distinguent des sites traditionnels par leur dimension sociale. Les utilisateurs connectés peuvent recommander un produit et/ou un tiers

acheteur/vendeur.3 - Association des Services Internet Communautaires http://www.lasic.fr/

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ThèmeLes nouvelles technologies du lien social

AIECM – Parlez-nous des objets interactifs que vousavez créés

L’Internet ne se réduit pas au Web. Il fournit une connexionà un réseau. Un réseau qui peut servir à plein de choses,un peu à l’image de l’énergie électrique qui a d’abord per-mis de fournir la lumière, puis d’utiliser le chauffage, le ferà repasser, la machine à laver, la télévision !

Je fais du Web depuis 1994, avec Olivier2. L’Internet a beau-coup évolué depuis ses débuts, le Web 1.0, puis le Web 2.0qui rend l’utilisateur acteur du Web. La prochaine étape,c’est d’amener Internet dans les objets qui nous entourent.Se passer de l’écran. Car il y a une vie après le PC !

Nous avons créé nabaztag (lapin en arménien, ndlr) dans cetesprit. Nabaztag est destiné aux personnes qui veulentinteragir sans écran. Simplement à l’aide de la parole et dugeste. Donnez un ordre à nabaztag, il l’exécutera !

La prochaine étape sera franchie avec l’aide de la techno-logie RFID. Nous pourrons alors créer des interactionstangibles avec d’autres objets pour prolonger les actionsvers des services Web, comme par exemple ouvrir un livrepour le faire parler !

AIECM – Quel est le business model de Violet ?Violet développe 2 business :

• Une activité de retailer : la fabrication et la vented’objets communicants, comme nabaztag:tag,mir:ror3 ou encore dal:dal4. Une activité BtoC per-mettant aux acheteurs de s’ouvrir vers le monde.

• Et une activité BtoB vente de services. Nous déve-loppons des solutions technologiques et d’infras-tructures pour rendre les produits communicants,en partenariat avec des industriels ou des agencesen relation avec le client final, comme par exempleles machines à café, les sèche-cheveux connectésvia bluetooth ou wifi ou encore d’autres objets, iner-tes5 ceux-là, connectés via RFID.

Notre business model repose sur notre activité d’opérateurd’objets communicants, vivant 24h/24, se comportant demanière spontanée. Les objets n’étant pas dotés de capa-cités de calcul comme les ordinateurs, nous facturons à nosclients une redevance selon le nombre d’objets intercon-nectés.

AIECM – Utilisez-vous personnellement et/ou profes-sionnellement les réseaux sociaux ?J’étais accro à Facebook jusque l’an dernier. Puis ça m’apassé. Je collectionne les contacts sur les réseaux sociaux(Facebook et LinkedIn) mais cela ne m’a rien apporté surun plan professionnel !

Lorsque je veux communiquer, je m’adresse aux médiastraditionnels. La télévision touche des milliards de gens, lesjournaux sont lus par des millions de lecteurs tous lesjours. La notoriété de Violet et de ses objets communicantss’est faite sans les réseaux sociaux.

Le Web 2.0, c’est dépassé ! Place àl’Internet dans les objets communicants

III- Un monde d'ubiquité et de connexion permanente

Rafi HALADJIAN

Créateur de FranceNet en 1994, premier opérateur internet en France,

puis d’Ozone et Violet.

Après avoir créé plus d’une dizaine d’en-treprises dans le domaine des servicestélématiques dès l’époque des premiers

balbutiements du Minitel en 1983, Rafi Haladjian a fondéen juin 1994, FranceNet, tout premier opérateur Interneten France. Son intuition d’alors était que l’Internet, réseauencore confidentiel à l’époque, allait « dans le sens del’histoire ». FranceNet devint Fluxus en 2000 et fut cédéà BT (British Telecom) en 2001. Rafi Haladjian a quitté l’en-treprise en avril 2003. Quelques semaines plus tard, enjuin de la même année, il crée Ozone et Violet, étape sui-vante de la grande aventure de la connectivité qu’il pour-suit depuis vingt ans. Ozone, premier opérateur duRéseau Pervasif1 déploie notamment à Paris et dansd’autres villes d’Europe un réseau basé sur la technolo-gie sans fil. OzoneParis propose un accès à l’Internetsans fil aux particuliers comme aux entreprises. Cetaccès utilisable de façon fixe comme en situation demobilité permet d’exploiter l’ensemble des ressources del’Internet. Ozone a été vendu à Neuf Cegetel en juin 2007,afin que Rafi Haladjian puisse se consacrer pleinement audéveloppement à l’international de Violet.

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ThèmeLes nouvelles technologies du lien socialEt je préfère les relations physiques aux discussions virtuel-les. Je vais vous conter une anecdote vécue il y a quelquetemps. Dans un bus de l’aéroport de Roissy CDG, j’étaisassis à côté d’une personne plongée dans le manuel denabaztag. Nous avons engagé la conversation. Cet homme,qui travaille chez Dreamworks, m’a ouvert les portes de sasociété !

AIECM – Comment les objets créés par Violet interagis-sent-ils avec les réseaux sociaux ?En mettant à jour votre profil sur Facebook ou Twitter,vous produisez en temps réel des informations peu intéres-santes, mais qui font plaisir à ceux qui les reçoivent. Ce quele Web 2.0 a apporté à nabaztag, c’est le côté « snackmédia », le média qui se consomme !

Nos objets vous permettent une synchronisation perma-nente avec votre tribu à l’aide de la parole ou de gestes,sans interrompre la tâche à laquelle vous êtes affairé.Vous êtes connecté en permanence sans vous en rendrecompte. Avec nos objets, Internet fait partie de votre vie !

AIECM – Que proposeriez-vous si vous étiez invité à desassises NTIC ?

Je suggérerais de travailler sur l’utilisation d’Internet autravers d’objets car c’est une technologie émergente. LeWeb 2.0, c’est déjà has-been.�

Interview réalisée par David Bourgeois (96)

1 - Néologisme technologique du monde de l'informatique en réseau d'objets, le terme réseau pervasif est une traduction littérale de pervasive network, c’est-à-dire un réseau pénétrant ou infiltrant (notion de perméabilité).

2 - Olivier Mével, cofondateur de la société Violet avec Rafi Haladjian et co-fondateur en 1995 de l’agence web BaBeL3 - mir:ror = miroir connecté à Internet pour nous faciliter la vie.4 - dal:dal = lampe connectée à Internet et qui, par son code couleur, indique différents états.5 - inertes signifie non alimentés en courant.

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ThèmeLes nouvelles technologies du lien social

AIECM – Parlez-nous de la composition et des objectifsde l’ASICA l’origine, l’ASIC est composée de Dailymotion, PriceMinister et Google. Nous avons été rejoints ensuite parYahoo, AOL et nous sommes une quinzaine de membresaujourd’hui. eBay devrait nous rejoindre rapidement.

L’élément déclencheur de cette association fut l’histoireNeuf-Cegetel qui a bloqué la diffusion du site Dailymotion.Pour cela, nous (Dailymotion) avons mis un message surle site, indiquant d’appeler la hotline de Neuf-Cegetel quisauta rapidement sous le nombre d’appels. Ce fut unepremière publique en Europe.

L’ASIC est basée sur le principe de la Net Neutrality quirejoint le principe d’Internet ouvert mis en avant par Google.

Les fournisseurs de « tuyaux » ont pour mission de don-ner la meilleure qualité de service pour les fournisseurs decontenu.

Didier Lombard a dit un jour : « Pourquoi les Cadillac rou-lent-elles sur les autoroutes françaises ? »

Je pense qu’Internet est une véritable chance pour laFrance.

Nous sommes au service des intérêts des communautés.

AIECM – Parlez-nous de l’évolution des comportementsavec le Web 2.0Tout d’abord, il y a un changement de comportement de l’in-ternaute qui devient actif. L’utilisateur a une liberté d’agiret on constate un éparpillement de l’audience. CommeMartin4 vous l’a dit, 5 millions de vidéos sont vues sur les10 millions en ligne chez Dailymotion.

Et ensuite, on aperçoit une évolution des modes et destendances, amplifiée par la facilité d’échanger avec desinternautes. Par exemple, sur Dailymotion, nous avons vunaître des phénomènes comme la Tektonic, le BootyShaking ou le concours de la descente de Pastis. On n’ima-ginait pas que nos services permettraient de tels usages !Dans ce cas, le Web 2.0 met à disposition des technologiespour développer la créativité sans notion de création devaleur. Pour certaines, ces évolutions sont de vraies révo-lutions d’usage du service. En politique, Dailymotion est uti-lisé pour des débats entre partis.

Enfin, plus qu’un rôle de producteur ou prescripteur, le Web2.0 est un agrégateur, il permet de rassembler les niches.La multitude des contenus et interactions proposés del’offre produit du volume donc le succès. La multitude estla part de rêve et l’offre est la force. On peut facilementcomparer ces offres du Web 2.0 à celle de Canal Satellitequi fédère de nombreuses niches d’utilisateurs autourd’une offre à large choix.

Pour information, sur Dailymotion, toutes les catégories :les hommes et les femmes, les jeunes et les vieux, … sontdes utilisateurs ; par contre, les producteurs sont en majo-rité les jeunes hommes.

AIECM – Quelle est la position de l’ASIC sur la législa-tion des services Web 2.0 ?Nous faisons face à deux syndromes en France.

Premièrement, nous avons le syndrome d’Astérix : on veutimposer nos solutions françaises (locales) comme globa-les. Contrairement à de nombreux pays, l’état français a lavolonté de maîtriser le Web. Par exemple, l’ASIC combat leprojet de taxation des services Internet et la régulationdes programmes avec le CA. L’ASIC n’existe qu’en Francecar c’est le seul pays où le besoin de défense des servicesInternet s’est fait ressentir !

Deuxièmement, nous avons le syndrome de Poulidor : onn’aime pas le succès et on met des bâtons dans les rouesde ceux qui réussissent. Devant le succès de Price Minister

On n’imaginait pas que nos services permettraient de tels usages !

Internet est une chance pour la France

IV- La France dans la course

Giuseppe DE MARTINO

Directeur juridique et réglementairechez Dailymotion,

Président de l'ASIC.Formation de juriste

en propriété intellectuelle.

A travaillé à la direction juridiqued’AOL France sur la « règle de droit ».

Président de l’AFA1 de 2004 à 2007.

D’origine italienne, Giuseppe De Martino reçoit une for-mation de juriste en propriété intellectuelle à Assas et àla Sorbonne et débute sa carrière à Rome dans un cabi-net d’avocats sur la chaîne des droits (cinéma). Ensuite,il va vivre une expérience intellectuelle unique à traversSkyrock puis Arte en 1994 en tant que responsable de laproduction et de l’édition vidéo et papier dans un premiertemps puis internet en 1995.

En 1999, Giuseppe De Martino est appelé à la directionjuridique d’AOL France où il travaille sur la « règle dedroit ». En effet, la nouvelle génération de médias bous-cule le carcan de règles définies dans l’univers du cinéma,de la radio et de la télévision. Internet n’est pas une zonede non-droit mais une zone soumise à de nombreusesrègles ; la problématique est de savoir choisir la bonne.Par ailleurs, Giuseppe De Martino est président de l’AFAde 2004 à 2007 et travaille par exemple sur la protectionde l’enfance et des données ; il a mis en place un méca-nisme d’« approche graduée » avec l’industrie du cinéma.

Suite à la fusion AOL et Time Warner, la stratégie dugroupe Time Warner Inc. devient opaque et Giuseppe DeMartino décide de quitter AOL en 2007 pour rejoindreDailymotion qui a besoin d’un nouveau management ; iloccupe le poste de Directeur juridique et réglementaire.

L'Acsel défend les intérêts des marchands, le Geste ceuxdes éditeurs et l'AFA ceux des FAI. Afin de défendre lesintérêts des acteurs pure players2 de l’internet, il créel’ASIC3 en 2007 et la co-préside avec Pierre Kosciusko-Morizet, PDG de Price Minister.

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ThèmeLes nouvelles technologies du lien socialet Dailymotion, l’ASIC combat ce syndrome et montreencore une fois l’Internet comme une chance de dévelop-pement pour la France. Malheureusement, ce n’est pas unepriorité pour le gouvernement. Pas d’aides publiques ni deremerciements mais que des taxations ! On demande àl’Internet de financer la télévision publique !

Pour se rendre compte de la différence d’intérêt, nousvoyons les Etats-Unis avec Barack Obama qui diffuse denombreuses propositions sur Internet, et la France avecDevedjian propose une mesure, celle d’équiper les TGV deWiFi…

AIECM – Quelles sont les actions de l’ASIC dans cecontexte ?

Nous faisons de la pédagogie, nous expliquons le numé-rique.

L’argument du gouvernement pour justifier sa volonté decontrôle et de taxation est que l’arrêt de la publicité sur latélévision provoque une migration des investisseurs publi-citaires vers l’Internet. C’est faux, les investisseurs écono-misent !

L’ASIC représente 3 000 salariés, c’est peu à l’échelle de laFrance mais certains chantages sont écoutés. Par exem-ple, nous avons menacé de déménager à l’étranger. Legouvernement a été sensible à l’image que cela renverrait,celle d’un frein au développement.

Néanmoins, l’ASIC a d’excellents rapports avec certainsélus, notamment avec Eric Besson, et nous sommes tristesde son départ du Secrétariat d’Etat au développementnumérique. L’ASIC a même proposé quelques noms à ceposte, comme Bruno Retaillau, mais de Villiers a refusé.Nathalie Kosciusko-Morizet fut choisie par défaut à ceministère.

AIECM – Qui, en politique, souhaiteriez-vous voir pour ledéveloppement du numérique ? Et quelles mesuressouhaiteriez-vous voir prises ?

Nous verrions bien Thierry Solère (Maire-adjoint UMP deBoulogne-Billancourt) qui a une grande maîtrise du sujetdes nouvelles technologies. Egalement, Emmanuel Gabladu CSA.

L’ASIC est en réactif plus qu’en prospective. Nous poursui-vons sur la position d’Eric Besson au niveau du gouverne-ment et du Président de la République. Le Premier Ministreest très intéressé par ce sujet (ndlr : loi Fillon) mais il n’aplus le temps de s’y investir.

Encore une fois, Internet ne doit pas être vu comme unevache à lait mais comme une chance, le gouvernementdoit la saisir ! Aux Etats-Unis, Barack Obama l’a compriset voit Internet comme un vrai relais de croissance.�

Interview réalisée par Emmanuel Naudin (04) et Eric Vandewalle (96)

1 - Association des Fournisseurs d'Accès Internet.2 - Acteurs de l'internet qui utilisent les infrastructures pour diffuser des contenus et interagir avec les internautes.3 - Association des Services Internet Communautaires4 - Martin Rogard : Directeur France de Dailymotion

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ThèmeLes nouvelles technologies du lien social

AIECM – Vous avez participé au Dividende Numérique.Pouvez-vous nous en détailler les apports ?Historiquement, les fréquences ont été attribuées au fur età mesure des besoins. Ainsi, Radio Londres a bénéficiéd’une fréquence très basse. La télévision analogique, puisles télécoms se sont vu attribuer des fréquences toujoursplus élevées. Malheureusement, les fréquences les plusélevées sont aussi les plus mauvaises en qualité (mauvaisepénétration des murs). Les télécoms, arrivées en dernier,se sont vu attribuer les fréquences les plus hautes alorsqu’ils en font un usage très dynamique, voire intensif !Ainsi, la technologie qui demande le plus de qualité avaitles fréquences les plus mauvaises.

Tout est parti d’un constat simple lors de la ConférenceMondiale des Radiocommunications de Genève en novem-bre 2007 : l’usage des mobiles augmente de près de 40%chaque année. Ils sont très consommateurs de nouvellesbandes de fréquences, pour la voix, la data, la 2G, la 3G, laTélévision Mobile Personnelle... De son côté, l’audiovisuelanalogique par broadcasting va disparaître en 2011. LeDividende Numérique, rétablit une logique d’efficacité enréattribuant les basses fréquences, les meilleures, auxtélécoms.

La France et la Suède ont été les premiers pays euro-péens à adopter ce plan. Logique pour ces deux Etats à l’in-dustrie télécom puissante, Alcatel en France et Ericsson enSuède.

AIECM – Force est de constater que les élus français ontpris beaucoup de retard dans la mise en place de servi-ces Internet en faveur de leurs administrés. Quelle enest la raison d’après vous ?La France est en retard sur la question des usages del’Internet. Les Français se passionnent pour les infras-tructures. Ils s’intéressent très peu aux services. Souvenez-vous du succès médiatique du Pont de Millau !

Les dirigeants politiques de notre pays n’ont pas mesurél’impact d’Internet, qui s’est développé de façon considé-rable ces dix dernières années. 43% des foyers françaisétaient connectés en haut débit en 2007 (source Eurostat).

Internet est devenu un media à part entière grâce à sonaudience. La publicité sur Internet a d’ores et déjà dépasséen volume le hors media et la radio. Eric Besson l’a trèsrapidement compris lors de sa prise de fonction. Déjà en2008, lorsqu’il voulait communiquer, il faisait du « bruit »sur Internet.

Ce n’est pas le cas des Maires de nos 36 000 communes,dont l’âge moyen atteint 63 ans. Je vous laisse compter lenombre d’entre eux qui n’ont pas grandi avec cet outil…

AIECM – Que proposerait l’élu régional que vous êtespour améliorer le quotidien des usagers ?

Les élus doivent prendre des initiatives !

Le Plan Numérique 2012 propose plus de 150 actions,allant du déploiement de la fibre optique au soutien dessociétés innovantes du domaine. La Région doit mettreses moyens en œuvre pour coordonner les démarcheslocales, à l’image de ce qui se fait dans le département desHauts de Seine . La Région doit agir pour généraliser cegenre d’opération aux autres départements de la région,dans le but de réduire toujours plus la fracture numé-rique.

Les sites Internet des régions doivent également devenirinteractifs. Ils devraient intégrer de nouveaux services telsle covoiturage ou l’achat de titres de transport régionaux,le maintien à domicile, l’assistance médicale… Le champdes possibles est immense.

Savez-vous que voyages-sncf.com, le premier site de e-commerce en France, est né d’une initiative publique ? LaRégion doit favoriser ce type d’action qui permettra à laFrance de devenir une nation leader dans le domaine dunumérique ! Tous les métiers peuvent être traités, de la for-mation professionnelle à la santé.

Je vous livre deux exemples concrets.

Une société des Alpes Maritimes a mis au point un procédéde contact rapide sur les problèmes de santé des person-nes âgées. En cas de problème, elles appuient sur un bou-ton de la commande de la télévision et entrent en contactavec une infirmière spécialement formée, à l’aide d’unewebcam installée sur le poste de télévision. En fonction dudegré d’urgence de la maladie, l’infirmière oriente lapatiente vers le service adéquat, le médecin local, l’hôpi-tal, le SAMU ou les pompiers. Une manière simple et effi-cace pour répondre à l’engorgement des urgences deshôpitaux !

Dans un tout autre domaine, les transports, surtout enrégion parisienne, sont un souci quotidien. Chaque matin,l’automobiliste parisien se pose la question s’il doit pren-dre le périphérique ou un autre chemin. On pourrait ima-giner un réseau de webcams installées aux points névral-giques du périphérique, diffusant des images que chacunpourrait consulter sur son téléphone portable.�

Interview réalisée par David Bourgeois (96) et Eric Vandewalle (96).

Le plan France Numérique 2012 : les élus doivent prendre des initiatives !

Franck SUPPLISSON

Père du plan France Numérique 2012Elu au Conseil Régional du Centre.

Polytechnicien, énarque et inspecteur des finances.

Des débuts au Ministère des Financesdirigé par Nicolas Sarkozy, conseiller au

pôle Industrie dans le cabinet de Patrick Devedjian, ilparticipe aux négociations de l’OMC sur les télécoms,l’audiovisuel et l’Internet (Accord Général sur leCommerce et les Services), rejoint Eric Besson, au secré-tariat d’Etat chargé du développement de l'économienumérique. Le 15 janvier 2009, il suit Eric Besson dans sesnouvelles fonctions de Ministre de l'Immigration, del'Intégration, de l'Identité nationale et du Développementsolidaire en tant que directeur de cabinet adjoint.

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