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1 Les opérations en Catalogne en 1808 à janvier 1810 et les limites de la stratégie napoléonienne Colonel Thierry Noulens Cadre-professeur à l’école de Guerre Après Tilsit, qui « avait causé en France une joie profonde » 1 , Napoléon cru que la guerre sur terre était terminée et que le conflit qui ne l’opposait plus guère qu’à l’Angleterre, ne trouverait d’issue que sur mer. Comme il ne pouvait pas affronter la marine de guerre britannique, il décida d’appauvrir ce pays en coupant toutes ses relations commerciales avec le continent européen et de répondre au blocus maritime par un blocus continental. Il était maître de l’Europe dont il avait soumis tous les souverains à l’exception de celui d’Espagne, qui était son allié, et du Prince Régent portugais qui était toujours inféodé à l’Angleterre malgré sa défaite de 1801. La stratégie de Napoléon se trouva dominée par la servitude économique. Or si l’armée impériale avait pu lui permettre de dominer l’Europe militairement, la France n’était pas en mesure de la dominer économiquement car les routes maritimes échappaient à son contrôle. Vouloir bloquer le commerce britannique supposait donc de lui interdire tout accès à l’Europe continentale et donc d’en contrôler militairement les côtes. Pour accomplir un tel tour de force, Napoléon, parce qu’il était persuadé que la phase terrestre de la guerre était terminée crut qu’il pouvait réarticuler ses armées sans compromettre pour autant leur efficacité opérationnelle. Il pensait pouvoir former des troupes d’une valeur suffisante pour contrôler la péninsule Ibérique sans dégarnir son dispositif d’occupation de l’Allemagne. Pourtant, l’échec de Junot au Portugal et de Dupont en Espagne, semble bien montrer que cette nouvelle armée créée au début de 1808, malgré ses effectifs importants, n’était pas un outil adapté à la guerre économique qu’il voulait conduire. Et que d’autre part, en dispersant ses efforts, il ne pouvait pas faire face très longtemps à la guerre terrestre qui allait reprendre à partir de 1809. 1 THIERS M.A., Histoire du Consulat et de l’Empire, Paris, Paulin, 1849, t. 8, 687 p., p. 3.

Les opérations en Catalogne en 1808 à janvier 1810 et les ......de nombreux documents, mais il semble bien que ce ne fut qu’en novembre 1807 que Napoléon décida de mettre ce

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Les opérations en Catalogne en 1808 à janvier 1810 et les

limites de la stratégie napoléonienne

Colonel Thierry Noulens

Cadre-professeur à l’école de Guerre

Après Tilsit, qui « avait causé en France une joie profonde »1, Napoléon cru que la

guerre sur terre était terminée et que le conflit qui ne l’opposait plus guère qu’à l’Angleterre,

ne trouverait d’issue que sur mer. Comme il ne pouvait pas affronter la marine de guerre

britannique, il décida d’appauvrir ce pays en coupant toutes ses relations commerciales avec

le continent européen et de répondre au blocus maritime par un blocus continental. Il était

maître de l’Europe dont il avait soumis tous les souverains à l’exception de celui d’Espagne,

qui était son allié, et du Prince Régent portugais qui était toujours inféodé à l’Angleterre

malgré sa défaite de 1801.

La stratégie de Napoléon se trouva dominée par la servitude économique. Or si

l’armée impériale avait pu lui permettre de dominer l’Europe militairement, la France n’était

pas en mesure de la dominer économiquement car les routes maritimes échappaient à son

contrôle. Vouloir bloquer le commerce britannique supposait donc de lui interdire tout accès à

l’Europe continentale et donc d’en contrôler militairement les côtes. Pour accomplir un tel

tour de force, Napoléon, parce qu’il était persuadé que la phase terrestre de la guerre était

terminée crut qu’il pouvait réarticuler ses armées sans compromettre pour autant leur

efficacité opérationnelle. Il pensait pouvoir former des troupes d’une valeur suffisante pour

contrôler la péninsule Ibérique sans dégarnir son dispositif d’occupation de l’Allemagne.

Pourtant, l’échec de Junot au Portugal et de Dupont en Espagne, semble bien montrer

que cette nouvelle armée créée au début de 1808, malgré ses effectifs importants, n’était pas

un outil adapté à la guerre économique qu’il voulait conduire. Et que d’autre part, en

dispersant ses efforts, il ne pouvait pas faire face très longtemps à la guerre terrestre qui allait

reprendre à partir de 1809.

1 THIERS M.A., Histoire du Consulat et de l’Empire, Paris, Paulin, 1849, t. 8, 687 p., p. 3.

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Le général Philibert-Guillaume Duhesme (1766 – 1815)

Les troupes envoyées en Catalogne en 1808, commandées par Duhesme2, avaient été

mises sur pied au moment de cette période charnière. Leur constitution, leur organisation et

leur emploi montrent bien que la stratégie napoléonienne avait atteint ses limites et que le

système militaire qu’il avait mis au point n’était pas adapté au nouveau type de conflit qu’il

devait mener dans un milieu géographique et humain inconnu jusqu’alors. Plus qu’au

caractère irréaliste et flou de sa mission, la division d’observation des Pyrénées orientales ne

2 Duhesme, (Philibert-Guillaume, comte), né à Bourgueneuf-Val-d’Or (Saône et Loire) le 7 juillet 1766, mort des suites de ses blessures à Ways près Genappe (Belgique) le 20 juin 1815) : Commanda la garde nationale de son canton en 1789 ; capitaine au 2e bataillon de volontaires de Saône-et-Loire le 29 septembre 1791.Capitaine d’une compagnie franche levée par lui l’année suivante. Servit à l’armée du Nord. Lieutenant-colonel en 1792. Blessé en 1793, il fut nommé général de brigade à titre provisoire la même année. Confirmé dans son grade en 1794. Combattit en Belgique sous Kléber. Il se signala à Fleurus le 26 juin 1794. Passa à l’armée de Sambre-et-Meuse. Général de division le 8 novembre 1794. Envoyé à l’armée des côtes de Brest avec 12 000 hommes en janvier 1795. Retourna en Allemagne en décembre. Arrêté pour lâcheté en août 1796 puis innocenté. Servit sous Desaix, se distingua à Khel en avril 1797, où blessé à la main à la main, il battit le tambour avec le pommeau de son épée. En Italie en 1798-1799 sous Championnet puis sous Grenier. Commandant le corps de réserve de l’armée d’Italie sous Masséna en juillet 1800. Combattit sous Augereau en Allemagne à partir de septembre. Repassa à l’armée d’Italie en septembre 1805, combattit sous Masséna. Chargé d’occuper l’Istrie en décembre. Commandant le IIIe corps d’armée de Naples en février 1806. Rentra en France en septembre 1807. Nommé à la tête de la division des Pyrénées orientales le 27 janvier 1807. Commandant en chef du 1er février au 31 décembre. Occupa la citadelle de Barcelone le 29 février. Vainqueur sur le Llobrégat le 10 juin, échoua devant Girone le 20, vainqueur sur le pont d’El Rey sur le Llobérgat, le 30. Gouverneur de Barcelone le 7 septembre, il fut bloqué dans la ville par Vivès puis délivré par Gouvion Saint-Cyr. Arrêté pour malversation et abus de pouvoir, il se rendit à Montpellier en février 1810 puis se retira à Bourgneuf. Commandant supérieur de Khel le 2 décembre 1813, il participa à la campagne de France de 1814. Il servit Louis XVIII et fut nommé Pair de France. Blessé mortellement à Waterloo, il mourut dans une auberge.

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doit-elle pas son échec final à son organisation vicieuse qui en fit un outil inadapté à ses

conditions d’engagement ?

La péninsule Ibérique et le blocus continental

Ruiner le commerce de l’Angleterre signifiait également ruiner l’économie des pays

de la péninsule Ibérique qui ne vivaient essentiellement que grâce aux relations commerciales

qu’ils entretenaient ce pays. L’Espagne n’était de ce fait pas un allié sûr, comme le démontra

les clauses du traité de Badajoz qui mit fin à la guerre des Oranges en 1801 : cette campagne

éclair ne profita en fait qu’à l’Espagne. Par la suite l’attitude ambiguë de Godoy à la veille de

la campagne de 1806, montra à Napoléon que l’Espagne était prête à rejoindre le camp

anglais en cas de défaite française.

Cette attitude ambiguë de l’Espagne était d’autant plus préoccupante que ce pays

connaissait une crise politique grave qui le rendait instable. Or Napoléon avait absolument

besoin de l’alliance sans faille de ce pays, d’une part pour en interdire les côtes au commerce

anglais et d’autre part pour s’emparer du Portugal dont le Prince Régent avait toujours su

préserver ses liaisons commerciales avec l’Angleterre.

L’idée de répondre à un blocus maritime par un blocus continental, semblait réaliste

à Napoléon car il dominait toute l’Europe à l’exception du Portugal qui lui semblait facile à

conquérir militairement. Mais, grisé par les succès que son outil militaire d’une efficacité sans

précédent lui avait apporté, il semblait plus animé par ses passions que par son réalisme : « Il

y a dans les choses humaines un terme qu’il ne faut pas dépasser, et, d’après un sentiment

alors général, Napoléon touchait à ce terme, que l’esprit discerne plus facilement que les

passions ne l’accepte. »3

L’immense confiance que Napoléon avait en lui semblait être venue à bout des

réticences qu’il avait eu auparavant quant à un engagement militaire dans une presqu’île alors

que l’ennemi avait la supériorité maritime. Il avait rédigé en 1794 une note adressée à

Robespierre dans laquelle il condamnait avec la plus grande fermeté l’idée de s’engager en

Espagne : « Si les armées qui sont sur les frontières d’Espagne embrassaient le système

offensif, elles entreprendraient une guerre qui serait à elle seule une guerre séparée.

L’Autriche et les puissances d’Allemagne n’en ressentiraient rien… Cette guerre absolument

isolée n’obligerait la coalition à aucune diversion. L’Espagne est un grand Etat ; la mollesse

3 Ibid., p. 4.

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et l’ineptie de la cour de Madrid, l’avilissement du peuple la rendent peu redoutable dans ses

attaques. Mais le caractère patient de cette nation, l’orgueil et la superstition qui y

prédominent, les ressources que donne une grande masse, la rendront redoutable lorsqu’elle

sera pressée chez elle. L’Espagne est une presqu’île ; elle aura de grandes ressources dans la

supériorité de la coalition sur mer… (…) Frapper l’Allemagne, jamais l’Espagne. »4

Mais l’idée de mettre un prince français sur le trône d’Espagne, semblait être assez

ancienne chez Napoléon. Il en était question dans des conversations et des écrits rapportés par

de nombreux documents, mais il semble bien que ce ne fut qu’en novembre 1807 que

Napoléon décida de mettre ce projet à exécution5.

Francisco Goya (1746–1828), La familia de Carlos IV, 1800-1801. Museo del Prado, Madrid

Sur ce tableau de Goya, qui s’est représenté en haut à gauche, toute la famille royale espagnole est représentée. De la gauche vers la droite : l’infant Carlos María Isidro, le futur Fernand VII alors prince des Asturies, la sœur du roi María Josefa, la fiancée de Fernand María Antonieta, l’infante María Isabel, la reine María Luisa, l’infant

4 COLIN (capitaine), L’Éducation militaire de Napoléon, Chapelot, 1900, pièce justificative n° 12. Cité par CASTEX Raoul (amiral), Théories stratégiques, Paris, Economica, 1997, t. V, 651 p., p. 227 et 239. 5 CASTEX, op. cit., p. 230.

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Francisco de Paula, le roi Charles IV, le frère du roi Gabriel Antonio, la sœur du roi Carlota Joaquina, le duc Parme Luis (futur roi d’Etrurie) et son fils Carlos Luis dans les bras de sa femme l’infante María Luisa.

Jusqu’à cette période, Napoléon semblait sincèrement ne vouloir s’emparer que du

Portugal. Il considérait toujours l’Espagne comme un allié dont le concours lui était

indispensable pour mener à bien ses projets. L’arrestation du prince des Asturies lui fit

prendre conscience que les intrigues incessantes de la cour d’Espagne et l’instabilité politique

chronique de son allié pouvaient compromettre la réalisation de son blocus continental. Ce fut

sans doute la raison qui le poussa à trahir son allié espagnol malgré les traités de San

Ildefonse (1796 et 1800) et surtout celui de Fontainebleau qui venait à peine d’être signé (29

octobre 1807). Il pensait sans doute pouvoir se rendre facilement maître de l’Espagne comme

il l’avait fait pour les autres pays européens grâce à ses armées. Mais le nombre de kilomètres

de côte à interdire au commerce anglais dont l’Espagne avait un besoin vital et le contrôle de

la soumission du pays allait nécessiter un nombre incroyablement élevé de troupes. En outre

les armées françaises dont la supériorité se manifestait dans les guerres offensives, étaient peu

adaptées à ce genre de mission. En fait, Napoléon « va offrir soudain à la puissance de la mer

[l’Angleterre], de lui-même, un terrain où elle pourra mener contre la terre une attaque

parfaite, à haut rendement, infiniment plus fructueuse que toutes les caricatures d’offensives

auxquelles elle s’est livrée jusque là. Ce terrain sera la péninsule Ibérique. »6

L’Espagne, théâtre éloigné du centre de gravité des armées napoléonienne était un

pays aux caractéristiques géographiques et humaines très différentes de celles des autres pays

d’Europe qui avaient été jusqu’alors le théâtre des guerres. Le terrain y était montagneux et

d’autant plus difficile à parcourir que les routes y étaient rares et mal entretenues. Le climat

continental rendait l’hiver glacial et l’été torride. Les troupes napoléoniennes, dont la force

reposait, contre un ennemi classique, sur la mobilité et la concentration des efforts, allaient

donc être particulièrement peu adaptées à ce pays dans lequel elles durent faire face à une

insurrection d’une ampleur jamais égalée jusqu’alors.

L’armée napoléonienne, un outil militaire d’une efficacité sans précédent…

L’armée de Napoléon avait été imaginée et conçue par lui pour remporter rapidement

une bataille décisive contre son ennemi. La mise au point de son système était le fruit d’un

double héritage qu’il avait su mettre à profit pour constituer une armée d’une efficacité sans

6 Ibid., p. 227.

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précédent. Napoléon a tout d’abord hérité des réformes et des innovations de la fin de la

Monarchie : l’adoption système divisionnaire, l’adoption du système d’artillerie Gribeauval

et, pour la tactique de l’infanterie, l’adoption du règlement d’emploi de 1791.

Le système divisionnaire qui apparut à la fin de la Guerre de Sept Ans, fut mis au

point par le Maréchal de Broglie en 1759. Les armées, avant cette date marchaient sur un seul

axe ce qui, d’une part épuisait le pays et d’autre part demandait énormément de délais pour le

déploiement en ordre de bataille. La capacité de manœuvre s’en trouvait considérablement

amoindrie. La bataille décisive était donc impossible à obtenir et les guerres traînaient en

longueur.

Le maréchal de Broglie décida de diviser sa colonne en unités interarmes et de les

faire marcher sur des axes différents relativement proches de façon à pouvoir les regrouper au

moment de la bataille. Chaque division comportait de l’infanterie, de la cavalerie et de

l’artillerie. En 1770 Guibert, conceptualisa le système divisionnaire qui fut adopté par

l’ordonnance de 1788. Les armées de la Révolution allaient, pour la première fois employer

ce système en campagne.

La deuxième amélioration, permettant une meilleure mobilité opérationnelle était

d’ordre technique. La tactique était bloquée sous l’Ancien Régime en partie parce que

l’artillerie ne pouvait pas accompagner l’infanterie. Les pièces du système Vallières de 1732

étaient d’un poids bien trop élevé pour pouvoir le faire. En outre, le système d’attelage « à

limon », c’est à dire avec les chevaux les uns derrière les autres, ne permettait de manœuvrer

ni au galop, ni même au trot. Lors d’une bataille, une fois que l’artillerie était en place, elle ne

bougeait pratiquement plus.

Le système mis au point par Gribeauval (1715 – 1789) permit de pallier ces

inconvénients. L’allègement des pièces et l’adoption d’un système d’attelage « au timon »

avec des chevaux deux par deux, permirent des déplacements au cours d’une bataille et une

mise en batterie au galop. L’artillerie pouvait désormais accompagner non seulement

l’infanterie mais également la cavalerie. La poursuite et l’anéantissement de l’ennemi étaient

rendus possibles.

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Comparaison technique des systèmes Vallières et Gribeauval

Calibre Vallières 1732 Gribeauval 1765

12 livres

121 mm

1,6 t. 12 chx

pas

0,88 t. 6 chx

trot

8 livres

100 mm

1,05 t. 8 chx

pas

0,580 t. 4 chx

Galop

4 livres

84 mm

0,525 t. 4 chx 0,290 t. 4 chx

galop

Bricole à

pied

Obusier

6 pouces

166 mm

néant 0,330 t. 4 chx

galop

Pièce de 4 du système Gribeauval

La dernière amélioration apportée sous la Monarchie concernait le niveau tactique.

Les fusils à silex, adoptés au début du XVIIe s., n’étaient réellement efficaces qu’au tir par

salves. C’est pourquoi il fallait que la première ligne fût la plus étendue possible. Aussi, au

XVIII e s. un bataillon d’infanterie était-il disposé sur un front de 80 hommes alignés sur trois

rangs. Non seulement les dispositifs étaient très long à mettre en place, car il fallait passer de

la colonne à la ligne, mais en plus, une fois la ligne formée, elle était très difficile à

commander et à faire manœuvrer, ce qui empêchait la poursuite et l’exploitation en cas de

retraite de l’ennemi. En France, certains, comme le chevalier de Folard ou son disciple Meslin

Durand, pensaient qu’il ne fallait pas se mettre en ligne mais combattre en colonne. D’autres

étaient les partisans inconditionnels de la ligne, c’est ce qui est resté dans l’histoire sous le

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nom de « la querelle de l’ordre mince et de l’ordre profond ». Frédéric II de Prusse pensa

avoir trouvé la solution avec le fameux « ordre oblique » mais la bataille de Künersdorf où il

fut battu par les Russes en 1759 montra que ce système atteignait rapidement ses limites.

Guibert eu alors l’idée de diviser les compagnies d’infanterie en deux pelotons. La

manœuvre se fit alors à ce niveau ce qui permit de passer très rapidement de la colonne à la

ligne et de pouvoir tout aussi rapidement disposer un bataillon en carré contre une charge de

cavalerie. Ces dispositions furent entérinées par le règlement d’infanterie de 1791.

Ces innovations organiques, tactiques et techniques allaient permettre le retour à la

manœuvre des armées sur les théâtres d’opérations et sur les champs de bataille. Les armées

de la Révolution surent en tirer profit en y apportant des modifications qui accrurent encore

l’efficacité des armées.

Sous l’Ancien Régime, la troupe était constituée en grande partie par le rebus de la

société. Les hommes coûtaient chers et combattaient plus pour celui qui les soldait que pour

leur Patrie. La Révolution bouleversa les rapports entre l’armée et la nation. Avec la

conscription, les soldats devinrent une ressource bon marché et quasiment inépuisable. Les

chefs militaires n’hésitèrent donc plus à les engager en rase campagne dans des batailles

meurtrières. La substitution du soldat-citoyen au soldat-mercenaire allait en outre changer

l’esprit des combattants et surtout de l’ensemble de la nation qui fut dès lors impliquée dans la

guerre.

Avec le décret d’août 1793, « tous les Français sont en réquisition permanente pour

le service des armées » pour défendre la Patrie, qui était en danger, et pour détrôner les

« tyrans » qui opprimaient les peuples européens. La guerre devint idéologique. C’est en

partie pour conserver les frontières héritées de la Révolution que Napoléon refusa tout

compromis avec l’Angleterre.

Ce soldat-citoyen, contrairement au soldat-mercenaire, devait vivre sur le pays qu’il

traversait. La rusticité était son lot quotidien. Cela permit d’alléger considérablement la

logistique : les hommes ne dormaient plus dans des camps de tentes, qui étaient très longs à

installer, mais chez l’habitant ou, tout simplement autours de feux de camp. Cet allégement de

la logistique permit de rendre les armées encore plus manœuvrières. Cependant il présentait le

fâcheux inconvénient qu’une troupe qui devait traverser des régions désertes se retrouvait

sans rien à manger parfois pendant des jours et surtout il poussait les soldats affamés à piller

l’habitant, ce qui rendit les armées françaises extrêmement impopulaires en Europe.

L’organisation divisionnaire fut grandement améliorée avec la création des corps

d’armée. L’organisation d’une armée en divisions interarmes identiques rendait impossible la

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concentration des efforts car chaque division avait tendance à combattre de façon

pratiquement autonome. C’est pourquoi elles furent regroupées dans de plus grandes unités,

tout d’abord de façon provisoire puis de façon organique en 1803 quand elles prirent

l’appellation de corps d’armée. Les corps d’armée, qui étaient généralement commandés par

les maréchaux, étaient les unités de manœuvre de l’armée impériale au niveau opératif. Ce fut

cette articulation qui fit la force de l’armée française à cette époque. La manœuvre

napoléonienne n’était réellement efficace que lorsque l’Empereur pouvait mettre en œuvre

plusieurs corps d’armée afin d’obtenir un effet de surprise et une concentration des efforts sur

un champ de bataille choisi par lui et contre un ennemi qui lui était numériquement inférieur.

De même le schéma tactique appliqué par lui lors de bataille était fondé sur une manœuvre de

déception sur une aile qui contraignait l’ennemi à affaiblir une partie de son front pour faire

face à cette nouvelle menace. Napoléon lançait alors ses réserves à l’endroit du front que

l’ennemi avait dégarni. Mais pour que cette tactique fût efficace, il fallait un « coup d’œil » et

un sens de la bataille que seul Napoléon possédait.

Une autre force de l’armée napoléonienne tenait au fait qu’elle était commandée par

un seul homme qui s’appuyait sur un état-major très bien organisé dont le chef était Berthier.

Cet état-major menait des études et collectait le renseignement en vue des opérations futures.

Après que Berthier les avait mis en forme, il transmettait les ordres de l’Empereur. Mais cet

état-major ne s’occupait pas des unités engagées sur les autres théâtres. Napoléon les dirigeait

personnellement et comptait sur les états-majors de ses subordonnées pour concevoir et mettre

en œuvre la manœuvre opérative sur place. Si Napoléon était très directif au niveau

stratégique et avait même tendance à s’immiscer dans le commandement opératif de ses

subordonnés, il était en réalité peu au fait de la situation réelle des théâtres d’opérations

éloignés dont il n’avait les comptes-rendus qu’avec retard.

Ce système de commandement permettait à Napoléon de donner une très grande

cohérence à toutes les opérations qu’il menait en Europe au niveau stratégique mais avait

comme principal inconvénient de semer la confusion sur les théâtres éloignés dont les chefs

étaient en fait livrés à eux même pour exécuter des ordres envoyés à distance par l’Empereur.

Les chefs d’armée ou de corps d’armée étaient paralysés dans l’attente d’une décision

impériale qui arrivait généralement trop tard lorsque la situation avait changé.

Ce qui faisait la force principale des armées impériale était son infanterie. Elle

représentait environ 65 % des effectifs. En décembre1806, elle comptait 89 régiments de ligne

et 26 d’infanterie légère. Le régiment comprenait trois bataillons : deux de guerre et un de

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dépôt (instruction)7. Un bataillon de guerre comptait 9 compagnies (une de grenadiers, une de

voltigeurs et 7 de fusiliers)8. D’un effectif théorique de 123, une compagnie en campagne

n’alignait, le plus souvent qu’environ 80 hommes.

Mais qui ne peut plus répondre aux ambitions stratégiques démesurées de Napoléon

Avec l’ampleur que prirent les opérations militaires, et étant donné la surface de

terrain de plus en plus élevé qui devait être tenue par les armées de l’Empire, Napoléon fit de

plus en plus appel à des soldats étrangers. En 1805, il disposait de 4 régiments suisses à 4

bataillons, chacun de 10 compagnies, de la Légion irlandaise, à 2 bataillons, du régiment

étranger de la Tour d’Auvergne, à 2 bataillons, de la Légion hanovrienne, à 2 bataillons9, de la

Légion du Midi, régiment de ligne à 2 bataillons d’origine piémontaise, des tirailleurs du Pô,

également piémontais, régiment d’infanterie légère à 2 bataillons, généralement associé au

bataillon léger des Tirailleurs Corses. A ces soldats de nationalité étrangère s’ajoutaient les

conscrits recrutés dans les territoires annexés. Ils avaient la nationalité française mais chez

eux le sentiment d’appartenance à la nation française était beaucoup moins forts que chez les

recrues issues de la France des frontières de 1789.

En 1808 ce système commença à être mis à mal. Le blocus continental nécessitait

non seulement des effectifs importants pour pouvoir garder toutes les côtes européennes mais

également une organisation militaire qui pût permettre de former rapidement des divisions

pour intervenir là où le besoin se faisait sentir sans pour autant dégarnir les dispositifs déjà en

place. Il s’agissait de pouvoir rapidement concentrer ses efforts. C’est pourquoi Napoléon se

lança dans une grande réforme militaire au début de 1808.

7 Une vingtaine de régiments comptaient trois bataillons de guerre. 8 Les grenadiers et les voltigeurs étaient des soldats d’élite. Dans l’infanterie légère les fusiliers étaient appelés « chasseurs » et les grenadiers « carabiniers ». 9 Constituée à l’origine lors de l’invasion du Hanovre par l’armée française en 1803, cette troupe servira plus tard en Espagne dans le VIe Corps,

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L’Europe et le blocus continental 1807 -1812

Atlas historique, Paris, Stock, 1976.

Pour augmenter ses effectifs, Napoléon, après avoir demandé au printemps 1807

l’appel de classe 1808, fit appel en janvier 1808 à celle de 1809. Regnaud de Saint Jean

d’Angély, auteur du rapport présenté au Sénat, affirma que si la conscription 1808 avait été le

signal et le moyen de la paix continentale, la conscription 1809 serait le signal de la paix

maritime10. Cette classe permit d’augmenter les effectifs sous les armes de 80 000 hommes.

L’armée française atteignit 900 000 hommes, ce qui, ajouté aux 100 000 hommes de armées

alliées, portait l’effectif total des armées napoléoniennes à un million d’hommes. Avec de tels

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effectifs, jamais atteints dans l’histoire, Napoléon se sentit invincible. Ce fut sur cette

puissance militaire extraordinaire qu’il s’appuya pour mener sa politique étrangère.

Mais pour faire face sur tous les fronts Napoléon voulut une organisation militaire

que l’on qualifierait de « modulaire » de nos jours : les régiments, et surtout les bataillons de

dépôt ne devinrent que des « réservoirs de force » dans lequel il pourrait puiser les effectifs

nécessaires à la constitution de forces envoyées en opérations là où le besoin se ferait sentir. A

cet effet il voulut convertir ces 120 régiments en 60 légions composées de 8 bataillons. Il

voulait des bataillons de 700 à 800 hommes car avec les moyens de commandement de

l’époque, c’était l’effectif maximum que pouvait commander un seul homme sur le terrain. Il

voulait mettre à la tête de chacune des légions un général de brigade assisté de deux colonels

et d’un major (lieutenant-colonel). Chaque légion n’aurait qu’un bataillon de dépôt, ce qui en

diminuerait le nombre. Mais cette organisation aurait trop dénaturé le régiment sur lequel

l’organisation de l’infanterie reposait. Face aux objections de Lacuée et de Clarke, son

ministre de la Guerre, Napoléon se contenta d’un projet moyen. Le décret signé le 18 février

1808 fixa à cinq le nombre de bataillons par régiment : quatre de guerre et un de dépôt. Le

nombre de compagnies pour les bataillons de guerre fut ramené à six dont une de grenadiers

et une de voltigeurs. Les compagnies devaient être à 140 hommes. Les bataillons de dépôt,

commandés par les majors, furent à quatre compagnies. Chaque régiment devait compter 3

970 hommes dont 108 officiers. Le régiment devenait un simple échelon administratif, il

pouvait avoir son dépôt sur le Rhin, deux bataillons en Espagne, un en Normandie et un en

Allemagne par exemple. Cette réforme, qui répondait à un besoin stratégique, affaiblissait

donc l’esprit de corps des régiments en en dispersant les unités au quatre coins de l’Europe.

Les autres armes furent moins touchées par cette réforme. La cavalerie (25 % des

effectifs) conservait son organisation régimentaire. En 1807, on comptait cinq subdivisions

dans cette arme : cuirassiers, carabiniers, dragons, chasseurs à cheval et hussards. Les

régiments de cavalerie étaient organisés à 4 escadrons de guerre de 2 compagnies,

généralement à 80 sabres et un escadron de dépôt (5e escadron). Les armes d’appui étaient

également organisées de façon être employées le plus souplement possible. Dans l’artillerie,

le régiment n’était qu’une unité administrative qui mettait ses batteries (unités élémentaires du

niveau de la compagnie) à la disposition des corps d’armée ou des divisions d’infanterie. Les

attelages des pièces étaient armés par des soldats des bataillons du train d’artillerie. Les

bataillons du train des équipages fournissaient, quant à eux, les moyens de transport

10 THIERS, op. cit., p. 398.

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logistique. Les unités du génie étaient regroupées également en bataillons de sapeurs ou en

compagnies de mineurs. Ces unités, comme celles de l’artillerie étaient réparties dans les

corps d’armée en fonction des besoins. En fait en voulant appliquer les règles de gestion des

armes d’appui à son infanterie, Napoléon va la rendre moins efficace en amoindrissant sa

supériorité morale.

D’autre part la manœuvre napoléonienne n’était adaptée qu’à une guerre classique.

Elle reposait sur deux grands schémas : la manœuvre sur les derrières, qui consistait à couper

son adversaire de ses bases en tombant sur ses arrières (Ulm 1805, par exemple) et la

manœuvre en position centrale qui permettait de battre alternativement deux armées coalisées

en se positionnant entre elles (comme en Italie en 1796). Dans un conflit où l’ennemi était

partout et où le terrain était très compartimenté, ces deux manœuvres ne lui furent d’aucune

aide.

Napoléon avait donc su tirer un grand profit de l’héritage militaire qu’il avait reçu de

la Monarchie et de la Révolution. Mais cet outil militaire, très efficace dans une campagne

classique, allait être dénaturé pour les besoins du blocus continental. La mise en œuvre de

celui-ci poussa en effet Napoléon à disperser ses efforts non seulement au niveau stratégique

mais également au niveau opératif en ce qui concerne le théâtre de guerre ibérique. Une fois

Madrid prise, l’armée française ne fut pas en mesure de contrôler le pays, car la capitale de

l’Espagne, contrairement à d’autres pays européens n’en représentait pas le centre de gravité.

Un plan de campagne classique dont les objectifs sont la destruction de l’armée

adversaire et la conquête du terrain

Ce fut pendant le voyage qu’il effectua en Italie du 21 novembre 1807 au 1er janvier

1808 que Napoléon donna ses ordres pour organiser l’armée d’Espagne. Le plan de campagne

qu’il imagina pour conquérir l’Espagne, s’apparentait à une manœuvre sur les derrières.

C’était Madrid qui constituait son objectif principal. A cet effet, Napoléon avait préparé deux

corps qui feignant d’aller porter secours à Junot au Portugal devaient se rabattre sur la capitale

espagnole et s’en emparer.

Le 2e corps d’observation de la Gironde fut créé et mis sous les ordres du général

Dupont par décision du 16 octobre 1807. Sa mission était de soutenir Junot. Fort de 23 à

24 000 hommes, il comprenait les bataillons issus des cinq « légions de réserve » (6 bataillons

de 8 compagnies chacune), de 2 bataillons de la Garde Municipale de Paris, de 5 bataillons

d’infanterie légère et de 4 bataillons suisses. La majorité des hommes appartenait à la classe

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de 1808. Leurs cadres laissaient beaucoup à désirer. Napoléon, qui semblait vouloir attirer les

Anglais au Portugal, pensait que pour affronter l’infanterie britannique et, plus encore les

armées méridionales, cela suffirait amplement.

Le corps d’observation des côtes de l’Océan sous Moncey fut créé à son tour le 5

novembre. Formé initialement pour assurer les liaisons de Junot et de Dupont avec la France,

il devait compter 34 000 hommes. Il fut créé à partir de la « division provisoire de réserve »

composée avec les dépôts de divers régiments d’Allemagne. Les effectifs furent complétés par

des troupes du camp de Boulogne et des troupes étrangères (Irlandais et Westphaliens).

Dupont se mit en marche, sur l’ordre de Napoléon et pénétra en Espagne le 22

novembre 1807. La frontière espagnole « était considérée comme une démarcation abolie. »11

La première division de Dupont était à Vitoria avant que Beauharnais12 eût donné avis de ce

mouvement au cabinet de Madrid. La ville était en pleine agitation après le pardon accordé

par Charles IV à son fils. Dans ce conflit qui les opposait, Napoléon se posait de plus en plus

en arbitre. Charles IV lui écrivit dans ce sens, mais la décision d’envahir l’Espagne et d’y

détrôner les Bourbons était déjà prise. Napoléon prit prétexte de son voyage en Italie pour

gagner du temps. Il fit dire au roi que les affaires de l’Italie l’accaparaient entièrement et qu’il

ne pouvait pas lui répondre avant son retour en France. En fait il pensait plus que jamais à

l’Espagne. Il donna des ordres pour compléter son dispositif d’invasion. Moncey suivit

Dupont le 9 janvier 1808. Mais ces deux corps d’armée ne semblèrent pas suffire à Napoléon.

Ils devaient se diriger par la route de Burgos et de Valladolid pour feindre un déplacement

vers le Portugal. « Cette expédition ayant été concertée avec le gouvernement espagnol, il

était plausible de masser dans les Basses-Pyrénées, avec l’assentiment de la Cour de Madrid,

de grandes ressources en hommes et en approvisionnements, puisque c’était par les Basses-

Pyrénées que passait la route plus directe du Portugal. »13 En plus de tromper les Espagnols

sur ses intentions réelles, cette route offrait de nombreux avantages à Napoléon. Elle lui

permettait de rabattre facilement ces corps vers Madrid et, de plus, elle était la route la plus

commode pour atteindre cette ville : faire passer sa masse principale par la Catalogne ne lui

aurait permis de l’atteindre qu’au prix d’efforts extraordinaires.

11 THIERS, op. cit., p. 347. 12 François de Beauharnais, oncle paternel d’Eugène. 13 GRASSET Alphonse-Louis (capitaine), La Guerre d’Espagne, Paris, Berger-Levrault, 1914, t. 1, 487 p., p. 292.

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Duhesme en Catalogne, une expédition préparée négligemment avec des objectifs mal

définis

Cependant, Napoléon ne pouvait pas se permettre d’engager au cœur de l’Espagne

tous ses moyens sans s’être assuré de la sûreté de ses arrières. C’est pourquoi il lui fallait se

rendre maître de Pampelune et de Barcelone pour disposer ainsi de deux bases solides pour

s’avancer vers Madrid. Deux nouvelles divisions furent donc créées pour remplir ces

missions. Il était prévu que leur volume devait augmenter progressivement pour atteindre

celui d’un corps d’armée. Le corps d’observation des Pyrénées occidentales fut créé le 6

décembre à Saint-Jean-Pied-de-Port sous Mouton puis Merle. Constitué initialement avec cinq

bataillons tirés des dépôts de Junot14 et un bataillon suisse. Sa mission était de s’emparer de

Pampelune.

Pour s’emparer de Barcelone et contrôler la Catalogne, Napoléon décida de créer une

autre division appelée à devenir le corps d’observation des Pyrénées orientales. Il choisit de la

14 Ces bataillons appartenaient aux 15e, 47e, 70e et 86e régiments de ligne.

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former de régiments italiens et napolitains, qui étaient organisés comme les régiments français

mais dont les hommes avaient peu d’expérience de la guerre.

Napoléon avait pour la Catalogne un intérêt particulier. Il caressait depuis longtemps

l’idée de faire de la Catalogne une « marche d’Espagne ». Dans ses conversations avec

Talleyrand il avait émis l’idée d’occuper cette province, « la moins espagnole de l’Espagne »,

au moins jusqu’à la paix avec l’Angleterre, et peut-être définitivement, en donnant une partie

du Portugal en compensation à la Cour de Madrid15. Napoléon avait bien conscience que la

Catalogne avait un esprit qui aurait pu la détacher de l’Espagne. Mais cette province ne vivait

que grâce à son commerce avec l’Angleterre, aussi le blocus continental en l’appauvrissant y

créa-t-il un fort sentiment anti-français.

Pour permettre à une expédition militaire française de s’emparer facilement de

Barcelone, le secret des préparatifs de l’invasion devait être bien gardé. La préservation de ce

secret et le souci de ne pas dégarnir ses garnisons en Allemagne, poussa Napoléon à

demander à Eugène, vice-roi d’Italie, de commencer à concentrer des troupes d’Italie,

françaises et italiennes, dans le nord du pays et dans le sud de la France, sans lui dévoiler ses

intentions. Il lui prescrivit le 29 octobre de tenir prêtes à Gênes, six compagnies du 3e

bataillon du 67e de ligne, et six autres du 16e à Toulon. Le 2 novembre, il lui demanda de faire

venir à Novare un bataillon du 5e régiment de ligne italien et d’y concentrer une division

italienne de 5 à 6 000 hommes, par la même lettre il lui demanda aussi de ramener à Milan la

division italienne de Stralsund16. Le 11 novembre, Clarke reçut l’ordre de hâter la marche

d’une division traversant le mont Cenis et de la diriger vers Avignon et de faire préparer 200

000 rations de biscuits à Perpignan. Napoléon lui recommanda le secret le plus absolu quant à

la destination de ces troupes, secret qui devait être gardé au moins jusqu’au 25 novembre. A

cette date, Dupont devait rentrer en Espagne et Napoléon pensait que la concentration d’une

division dans le Roussillon devrait passer inaperçue. Pour l’heure, les approvisionnements

envoyés sur la frontière espagnole étaient officiellement destinés aux troupes de Dupont.

La concentration des troupes se fit en Avignon à partir de novembre 1807. Le 24 de

ce mois, le général Lechi17 fut chargé de sa montée en puissance. Quatre bataillons italiens, 3

15 TALLEYRAND, Mémoires, t. 1, p. 329, cité par GRASSET op. cit., t. 1 p. 293. 16 Ville de Poméranie. 17 Lechi (Joseph) (1767 – 1836) : Général italien. Il avait d’abord servi dans l’armée autrichienne puis il s’occupa de la levée de la légion cisalpine de 1796 à 1797. Général de brigade au service de la France et chargé de réunir la légion italique à Dijon en 1799. Il se fit remarquer à Marengo et fut nommé général de division le 24 juin 1800. Membre du corps législatif italien le 26 janvier 1802. Il servit en Italie sous Gouvion-Saint-Cyr en 1803, puis sous Duhesmes en 1806. Il servit en Espagne de 1808 à 1809. Il fut arrêté en 1810 pour concussion et abus de pouvoir en Catalogne et écroué. Il fut renvoyé à la frontière de Naples en 1813 à la demande de Murat et

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de Turin et un de Gênes et un régiment napolitain qui était à Grenoble pour s’aguerrir y furent

envoyés. Quatre compagnies et un escadron napolitains, formant 6 à 700 chevaux ainsi que la

11e compagnie d’artillerie à pied italienne les y rejoignirent. Cinq régiments français de

chasseurs à cheval18 et quatre de cuirassiers19 avaient été transportés en Pologne l’hiver

précédent mais avaient conservé leur dépôt en Piémont, bien fournis en hommes et en

chevaux. Napoléon en tira le volume d’une brigade de cavalerie à 1 400 chevaux qu’il réunit à

Turin sous Bessières20, avant de les diriger sur la France. Le 7 novembre, Napoléon ordonna

qu’un bataillon de 1 200 hommes, tirés des 3e et 4e bataillons du 2e régiment suisse partent de

Marseille pour Perpignan. Comme on ne put rassembler que 26 officiers et 430 sous-officiers

et soldats, Clarke décida qu’il serait complété à 1 200 plus tard. En fait le bataillon entra en

Catalogne avec 23 officiers et 320 soldats seulement. Ce bataillon se rendit directement à

Perpignan où il arriva le 7 décembre 1807, précédant de deux jours le 3e bataillon du 16e de

ligne (9 officiers et 847 sous-officiers et soldats)21.

Grenadiers des Vélites de la garde royale italienne L’uniforme est blanc à parements verts

repris du service dans l’armée du royaume des Deux Siciles. Il combattit contre la France en 1814 puis contre l’Autriche en 1815. Il rentra dans ses foyers après la convention de Casalanza le 20 mai 1815. 18 Il s’agissait des 14e, 15e, 19e, 23e et 24e régiments de chasseurs à cheval. 19 Il s’agissait des 4e, 6e, 7e et 8e régiments de cuirassiers. 20 Bessières (Bertrand) (1773 –1854) : général de cavalerie, frère du maréchal. 21 SHD/Terre : C8 351.

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Le 6 décembre, le général Lechi fut nommé commandant provisoirement la division

d’observation des Pyrénées orientales et la division fut créée officiellement par décret le 23

décembre. Le même jour Napoléon écrivit à Clarke deux lettres. Dans la première il lui donna

la composition de la division : « la 1re brigade, formée des bataillons des 2e, 4e et 5e régiments

d’infanterie italienne, et du bataillon des vélites [de la garde royale italienne] ; la 2e brigade,

du bataillon suisse, du bataillon français du 16e [régiment d’infanterie de ligne] et du 1er

régiment d’infanterie napolitain. » Il lui demanda « de nommer, pour commander cette

brigade, un des généraux de brigade de la Grande armée. (…) La cavalerie serait composée

d’un régiment provisoire de chasseurs qui se [réunissait] à Milan, d’un régiment provisoire

de cavalerie italienne, auquel sera joint un escadron napolitain, et d’un régiment provisoire

de chasseurs et de cuirassiers que commande le général Bessières. » En ce qui concerne

l’artillerie il lui prescrivit de procurer à cette division douze pièces d’artillerie à pied et six

d’artillerie à cheval, avec la compagnie du train italien (de la garde royale) et la 6e compagnie

du 7e bataillon bis22 du train pour ses attelages. Dans la seconde lettre, il lui donna des ordres

pour Dupont, Moncey et Mouton, et ordonna que la division du général Lechi se réunisse à

Perpignan pour le 1er janvier avec trois généraux de brigade pour la commander. Il supposait

que la division était forte de 8 à 10 000 hommes.

Le général Joseph Lechi (1767 – 1836)

22 Napoléon se trompait, en fait il voulait parler du 6e bataillon bis du train, l’erreur fut rectifiée par Clarke.

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Le 29 décembre, les 200 000 rations de biscuits furent transportés de Perpignan à

Bellegarde et, le 1er janvier 1808, les troupes entamèrent leur mouvement d’Avignon vers

Perpignan où elles commencèrent à arriver à partir du 17 janvier.

En fait la montée en puissance de la division Lechi rencontrait des problèmes que

l’Empereur ne soupçonnait pas. Le 9 janvier, le commandant de la 6e compagnie du 6e

bataillon bis du train quitta Avignon pour Perpignan avant d’avoir reçu ses chevaux qu’il

devait y recevoir à la fin du mois. Le 21 janvier le ministre fit part de son étonnement au

commandant du bataillon en lui écrivant : « Vous auriez dû observer que les compagnies du

train ne peuvent être employées qu’avec leurs chevaux. » Il fallut envoyer une autre

compagnie percevoir les chevaux à Avignon et les accompagner jusqu’à Narbonne où ils

devaient être perçus par la 6e compagnie, ce qui fit perdre un temps précieux23. En outre

Napoléon n’avait désigné qu’une compagnie d’artillerie à pied et aucune à cheval, or il avait

ordonné qu’il y ait à la division 12 bouches à feu servies par l’artillerie à pied et 6 par

l’artillerie à cheval. Les 18 canons étaient disponibles à Perpignan le 6 février avec leurs

attelages mais il n’y avait que la compagnie d’artillerie à pied italienne pour les servir.

Pourtant dès le 1er janvier Clarke avait proposé de désigner la 7e compagnie du 2e régiment

d’artillerie à cheval, qui tenait garnison à Valence (France), et une compagnie d’artillerie à

pied tenant garnison dans l’île d’Aix pour rejoindre la division. Cette proposition étant restée

sans réponse, il ne la renouvela que le 28 janvier. Ce ne fut que le 31 janvier que l’ordre fut

donner à la 7e compagnie de se rendre à Perpignan où elle devait être le 20 février, après

l’entrée en Catalogne de la division. Enfin, un escadron napolitain arrivant à pied de Mantoue

n’arriva à Avignon pour y être remonté que le 2 février. Il dut quitter cette ville aussitôt avec

ses jeunes chevaux pour rejoindre Perpignan où il était attendu le 15.

La division ne fut réunie à Perpignan que le 20 janvier et comptait à cette date 7 400

hommes et 1 750 chevaux. Le tableau d’effectifs du 9 février montre que les bataillons étaient

loin d’être à 1 000 hommes comme Napoléon l’avait souhaité. Entre outre ces troupes avaient

été formées à la hâte, les bataillons manquaient d’autant plus de cohérence qu’ils étaient

formés pour la plupart de jeunes conscrits qui n’avaient que 4 à 6 mois de service. Ils étaient

médiocrement équipés, l’artillerie italienne n’avaient pas de quoi entretenir ses matériels.

L’aspect général peu redoutable des conscrits aura des répercutions fâcheuses pour le prestige

militaire français vis-à-vis des populations espagnoles. Lechi était inquiet également de l’état

des chevaux qui étaient jeunes. Il dut les loger à l’extérieur de la ville car il avait peur qu’ils

23 SHD/Terre : C8 3.

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dépérissent dans l’emplacement de l’église et des arcades où il était prévu initialement de les

loger.

Beaucoup laisser à désirer dans l’organisation opérationnelle de la division. A la fin

du mois de janvier deux généraux de brigade seulement avaient rejoint : Bessières et le

général italien Andrea Millossevitz. La structure de commandement de la division n’était

qu’ébauchée. Elle n’avait pas d’état-major, pas de commandant de l’artillerie ni du génie,

dont elle n’avait aucune unité. La division pêchait également dans le domaine de la logistique

(elle n’avait aucun moyen de transport) et de l’administration. Les services généraux

n’existaient pas, la division n’avait ni payeur, ni ordonnateur. Seul le commissaire des guerres

Gini faisait fonction de sous-inspecteur. Le général Dejean, ministre directeur de

l'administration de la guerre ne savait même pas si la division de troupes italiennes

actuellement en France devait être à la charge de la France. Napoléon lui répondit qu’elle

devait être à la charge de l’Italie jusqu’à son entrée dans un pays étranger où elle ne sera plus

à la charge ni de la France ni de l’Italie24. Cependant, comme l’Espagne était un pays allié, la

division ne pouvait pas vivre au frais de ce pays.

Mais Napoléon était pressé. Le 28 janvier il écrivit à Champigny, son ministre des

Relations extérieures de faire « connaître au sieur de Beauharnais qu’il est nécessaire que

des ordres soient donnés par la cour d’Espagne pour qu’une division de 15 000 hommes, qui

est à Perpignan soit reçue à Barcelone. »25 Officiellement la destination de cette division était

Cadix et elle devait attendre à Barcelone la décision de la cour de Madrid. Le même jour il

écrivit au général Clarke pour qu’il transmette à Duhesme l’ordre de se rendre à Perpignan où

il devra être le 4 février pour prendre le commandement de la division. Il devra rentreR en

Espagne le 9 du mois pour se rendre à Barcelone. L’Empereur insista sur le fait qu’il lui fallait

à tout prix ne pas s’aliéner la population : « Il fera fusiller le premier Italien qui manquerait à

la discipline, et la fera observer rigoureusement. »26 Dans le même temps, il mit en route

Moncey vers Burgos et Darmagnac, de la division Mouton, vers Pampelune.

Le même jour Clarke envoyait à Duhesme ses instructions personnelles et secrètes. Il

insista encore sur le fait que « la politique [était] d’accord sur ce point avec la nécessité de

bien vivre avec les Espagnols qu’il ne [fallait] point alarmer. »27 Clarke désigna le général

Pacthod pour prendre le commandement de la 2e brigade mais il fut aussitôt remplacer par le

24 GRASSET, op. cit., p. 297 et correspondance de Napoléon (t. XVI, n° 13501). 25 Correspondance de Napoléon, t. XVI, n° 13495. 26 Ibid. n° 13 496. 27 SHD/Terre : C8 3.

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général Goullus28. Le ministre recommanda à Duhesme de bien renseigner l’Empereur sur la

Catalogne et sur l’état d’esprit de ses habitants, et de rester en liaison avec Moncey. Il termina

sa lettre en le mettant en garde contre les soldats italiens qu’il jugeait « en général (…)

inexacts dans les situations qu’ils envoient », il lui conseilla de ne « leur permettre d’y

employer que ceux qui doivent y être portés. »29

Arrivé à Perpignan, Duhesme s’empressa de faire une proclamation, datée du 6

février, par laquelle il mettait ses hommes en garde sur les manquements à la discipline :

« Toutes les fois qu’un délit parviendra à la connaissance d’un général de division ou d’un

général de brigade, ils feront de suite former et rassembler une commission (…) qui entendra

les témoins, interrogera le prévenu, le condamnera s’il y a lieu à la peine encourue suivant

les lois militaires ou l’absoudra. »30 Déjà, deux jours plus tard, un soldat napolitain fut fusillé

pour coup de couteau. Pour éviter le pillage il s’assura que tous les hommes soient soldés pour

la première quinzaine de février, et que les officiers aient perçu leur solde de janvier. Il fit

faire une avance aux corps italiens pour leurs réparations urgentes et le ferrage des chevaux de

l’escadron napolitain car cet escadron n’avait encore rien reçu.

La revue qu’il passa de ses troupes le 8 février lui donna satisfaction, il trouva les

soldats bien tenus, bien habillés et manœuvrant avec « assez de rectitude ». Il regretta que le

bataillon de vélites et le bataillon suisse fussent d’un effectif aussi faible. Il proposa de

compléter ce dernier avec 200 hommes qui étaient à Marseille, ce qui lui fut accordé alors

qu’il était déjà à Barcelone. Il constata que le bataillon français du 16e de ligne n’était pas

complètement habillé, il lui manquait 300 habits mais tous les soldats avaient une capote. Le

régiment se mit en route ainsi, et ne reçut son complément d’habillement qu’en Espagne.

Duhesme confia le commandement de toutes les troupes italiennes au général Lechi

qu’il relevait afin de le consoler de la perte du commandement de la division. Lechi devait

continuer à correspondre avec le ministre de la Guerre du royaume d’Italie.

Duhesme nomma son aide de camp, le chef d’escadron Ordenneau, chef d’état-

major, puis il rendit compte au ministre en appelant son attention sur le fait qu’il lui fallait

rapidement trouver un payeur afin de continuer à solder la troupe qui aura tout dépenser à son

28 Goullus, François (1758 – 1814) : engagé en 1778 au régiment de la Couronne, il fut nommé sous-lieutenant puis lieutenant le même jour en 1791. Lieutenant-colonel l’année suivante, il combattit en Belgique. Il fut nommé général de brigade en 1797 et servit en Allemagne. Blessés de nombreuses fois, il fut mis en non-activité de 1801 à 1805. Il combattit ensuite en Italie sous Duhesme. Il était employé à la 10e division militaire depuis le 29 mai 1807 quand il fut nommé à la division des Pyrénées orientales. Il combattit en Catalogne jusqu’en 1808. Il fut mis à la retraite en 1814 peu avant sa mort. 29 SHD/Terre : C8 3. 30 Id.

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arrivée à Barcelone31. L’absence de fonds allait obliger les Français à dépendre de la bonne

volonté des Espagnols pour survenir à leurs besoins32. Duhesme réclama également des

moyens de transport et un officier pour commander son artillerie. Enfin il informa Clarke

qu’il emmenait avec lui un officier du génie de la place de Perpignan en attendant que lui en

soit désigné un.

Une méconnaissance de la Catalogne qui compromet le succès de l’entreprise

Le 6 février, les troupes de Lechi quittèrent Perpignan, sous prétexte de soulager la

ville encombrée de troupes, elles bivouaquèrent à Boulon. Lechi emmenait avec lui les six

pièces d’artillerie qui constituaient toute l’artillerie de Duhesme33. Les brigades Bessières et

Goullus34 lui emboîtèrent le pas le 8. Le lendemain la frontière fut franchie. Duhesme, du fait

de son manque de moyens de transport, avait choisi de marcher en deux colonnes l’une

derrière l’autre en direction de Barcelone à un jour d’intervalle. La division italienne se

dirigea sur Figuières et la brigade franco-napolitaine sur Junquera.

L’accueil de la population fut cordial, le gouverneur de Figuières, surpris par

l’arrivée d’un détachement français fit son possible pour survenir à ses besoins. Partout

Duhesme constata que la Catalogne n’était pas en mesure d’assurer sa défense. On y trouvait

que très peu de troupes et, entre la France et Barcelone, les seuls forts à avoir une valeur

militaire était ceux de Figuières et de Rosas, mais ils ne comptaient que peu de pièces

d’artillerie montées sur affût et avaient une garnison très faible. Duhesme se félicitait des

bonnes dispositions de la population, mais le bon accueil réservé aux Français par les Catalans

était trompeur. Lui et ses troupes allaient rapidement se retrouver isolés au milieu de

l’hostilité générale. Pour l’heure, sa marche en Catalogne ressemblait à une promenade

31 Ce ne fut que le 20 février que Napoléon donna l’ordre à Mollien, ministre du trésor public, de nommer un payeur particulier pour la division des Pyrénées orientales étant donné son isolement. En attendant son arrivée, ce fut le payeur de la 10e division militaire qui continua à solder les troupes de Duhesme. (Correspondance de Napoléon, t. XVI, n° 13585.) 32 Après avoir écrit le 14 février une lettre suppliant Clarke de lui envoyer un payeur, Duhesme dut se résoudre à emprunter l’argent nécessaire à ses dépenses à la ville de Barcelone. 33 La sixième compagnie du 7e bataillon bis du train n’était pas revenue avec ses chevaux et, de toute façon, il n’y avait toujours pas de canonniers pour servir les pièces restées à Perpignan. Comme aucune autre compagnie à pied ne fut désignée, les pièces furent partagées par la suite entre la compagnie à pied italienne (9 pièces) et la compagnie française à cheval (9 pièces). 34 Le général Goullus n’arriva à Barcelone que le 14 février. Pendant la marche, sa brigade était commandée par un colonel.

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militaire et, malgré quelques réticences du comte de Ezpeleta, capitaine général de Catalogne,

il entra à Barcelone le 13 février35.

Plan de la ville de Barcelone, ca. 1725

La ville est encadrée au sud-ouest par le fort de Montjuih et eu nord-est par la citadelle.

L’attitude de la population vis-à-vis des Français devint progressivement hostile,

Ezpelata engageait Duhesme à reprendre sa route vers Cadix le plus rapidement possible pour

éviter une émeute36. Le but réellement poursuivi par les Français commença à être dévoilé

lorsque, le 29 février37, Duhesme s’empara facilement par ruse de la citadelle de Barcelone.

Mais la prise du fort de Montjuih commandé par le brigadier A. Mariano Alvarez, faillit

échouer à cause de la fermeté dont il fit preuve. Le général Milossewitz, qui commandait les

800 hommes chargés de l’opération se vit refuser l’accès à la forteresse. Une foule immense

armée de poignards et de bâtons, furieuse de la prise de la citadelle, se porta en masse vers

35 Le 12 février le comte de Ezpeleta avait écrit à Duhesme pour lui demander d’arrêter sa progression en attendant des instructions de Madrid. Duhesme n’en tint aucun compte. (SHD/Terre : C8 3) 36 Ezpeleta ne dissimulait plus son inquiétude mais les consignes qu’il recevait de Godoy était ambiguës. Ce dernier, tout en le poussant à la fermeté, lui demandait de ménager les Français.

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Montjuih ce qui mit Milossewitz dans une situation extrêmement délicate. Duhesme arriva

avec des renforts et somma Alvarez de rendre la place sous peine d’assaut. Finalement, en fin

de journée, Ezpeleta qui voulait éviter à tout prix une grande effusion de sang consentit à

ordonner à Alvarez de rendre la place38.

Le général espagnol Mariano Alvarez de Castro (1749 - 1810)

Dans les semaines qui suivirent, les unités de Duhesme ne cessèrent de se renforcer.

Le corps d’observation des Pyrénées orientales acheva sa montée en puissance le 19 avril. A

cette date il était fort de 13 000 hommes répartis en deux divisions d’infanterie39 et deux

brigades de cavalerie. Mais malgré l’importance de ses effectifs, Duhesme échoua dans sa

mission de contrôler la Catalogne et se retrouva enfermé dans Barcelone par Vivés.

Alors que Napoléon était persuadé que la Catalogne était en son pouvoir, la position

de Duhesme était de plus en plus délicate : ses troupes devaient vivre au milieu de 160 000

Catalans qui, appelés à la révolte par le clergé notamment, devenaient de plus en plus hostiles.

La principale cause d’inquiétude des Catalans était que l’invasion française allait ruiner leur

commerce avec l’Angleterre. Napoléon, dans un premier temps, ne tint aucun compte des

37 Napoléon écrivait à Clarke le 20 février : « Je suppose qu’il est maître des forts et de la citadelle. » (Correspondance de Napoléon, t. XVI, n° 13586), mais Duhesme n’en reçut l’ordre que le 29 au matin. 38 Duhesme ne rendit pas justice à l’attitude ferme et honorable d’Alvarez en écrivant à Murat : « Montjuih avait fermé ses portes et le vieux soudard de brigadier espagnol qui le commandait ne voulait absolument pas entendre raison… », GRASSET, op. cit., t. 1, p. 407. 39 La division Chabran fut constituée à Barcelone le 8 avril. Elle fut formée de deux brigades, celle de Goullus qui passa aux ordre du général Nicolas (Goullus devint chef d’état-major) et une nouvelle sous les ordres du général Viala formée de bataillons de régiments français stationnés en Italie : les 1er et 2e bataillons du 7e de ligne et le 3e bataillon (6 compagnies de grenadiers et de voltigeurs) du 37e qui avait quitté Turin le 27 février, et 3e bataillon du 2e ligne, 4e bataillon du 56e de ligne et 3e bataillon du 93e qui avait quitté Alexandrie le 29.

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avertissements de Duhesme qu’il traita de « commère » dans une lettre adressée à Murat le 7

mars40.

Pourtant il fallut rapidement se rendre à l’évidence que la Catalogne n’avait pas

l’intention de se voir dicter ses lois par les Français. Napoléon, tout en considérant

l’occupation de la Catalogne comme secondaire par rapport à celle de Madrid et de sa région,

ordonna une série de mesures destinées à prévenir un soulèvement, ou au moins à en limiter

les effets, il autorisa notamment l’importation du blé. Il hâta l’arriver des renforts tout en

incitant Duhesme à ne pas ménager ses efforts pour gagner le clergé à la cause française.

Cependant, Duhesme se sentait de plus en plus isolé. En outre, Murat, dont il était très

éloigné, ne lui donnait aucun ordre. Voulant conserver ses troupes concentrées, il renonça à

garder les côtes pour enrayer la contrebande qui continua à être très active.

Quand la division Chabran arriva à Barcelone le 8 avril, la ville était calme, malgré

quelques rixes surtout entre les Italiens et les Espagnols. Le même jour, on apprit à Barcelone

que Napoléon ne reconnaissait pas l’abdication de Charles IV et que Murat se refusait à traiter

avec Ferdinand. Une rixe sanglante éclata entre des soldats espagnols et des vélites italiens, et

Ezpeleta fut l’objet d’insultes et de menaces.

Début mai, un incident montra à quel point les Espagnols se sentaient de moins en

moins les alliés des Français. Un bâtiment marchand français poursuivi par la croisière

anglaise vint se réfugier sous les feux de la place de Rosas, mais la garnison espagnole

n’intervint pas pour la protéger41.

Trompé par le calme avec lequel la population de Barcelone reçut les nouvelles de

l’insurrection du 2 mai, Murat voulut se concilier les Catalans en les autorisant à s’armer,

privilège qui avait été aboli par Philippe IV. Mais le 24, quand la population apprit la

renonciation de Charles IV et de la famille royale à la couronne, de violentes bagarres

éclatèrent à Barcelone. Le 28 mai, faisant suite aux soulèvements populaires de Valence et de

Saragosse, une nouvelle émeute fit quelques morts parmi les Espagnols et les soldats français.

Les principaux meneurs quittèrent la ville pour semer le trouble dans les localités voisines.

Les soldats espagnols commencèrent à déserter en masse, imités par quelques Italiens et

quelques Suisses attirés par la solde que leur promettaient les insurgés, mais se furent surtout

les Napolitains qui furent touchés par ce phénomène comme le constata Duhesme avec

inquiétude : « Les Napolitains désertent par huit à dix avec armes et bagages. Je fais prendre

40 GRASSET, ibid., p. 409.

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quelques embaucheurs, j’en ferai un exemple. » Le 4 juin trois paysans sont passés par les

armes mais cette sévérité n’eut comme effet que d’entraîner un exode plus grand des habitants

de Barcelone. On estime à 30 000 le nombre des habitants qui quittèrent la ville entre le 1er et

le 5 juin42. Duhesme, malgré ses déclarations rassurantes pour les « honnêtes gens », échoua

dans sa tentative de gagner la population. Dans toute la Catalogne l’autorisation de s’armer

avait été interprétait comme un appel aux armes et la population n’attendait plus que le signal

de l’insurrection43.

Des opérations hasardeuses au dessus des moyens de Duhesme

Dans la première semaine de juin, des foyers d’insurrection commencèrent à éclater

dans toute la province, partout s’organisèrent des juntes insurrectionnelles qui appelaient aux

armes. Ce fut à cette période que Duhesme se mit en campagne. Conformément aux ordres

reçus de Napoléon, il fait partir le 4 juin deux colonnes, l'une sous Chabran qui devait

marcher sur Tarragone puis sur Valence, et l’autre sous Schwartz (trois bataillons et un

escadron) qui devait fouiller le monastère de Montserrat, où existait un dépôt d’armes et de

munitions, puis continuer sa route sur Manresa en détruisant les moulin à poudre qui s’y

trouvaient.

Chabran arriva le 8 à Tarragone dont il reçut la soumission et où il incorpora le

régiment suisse de Wimpfen dont les officiers lui jurèrent de servir l’Empereur malgré la

réticence de la troupe qui voulait passer à l’insurrection.

Pour Schwartz, tout alla bien jusqu’au pied du Montserrat. Mais dans les défilés qui

devaient le mener à Bruch, il fut assailli par des masses de paysans qui avaient été appelés au

Somatén par les cloches des églises. Sous le nombre, craignant d’être attaqué par des troupes

régulières et coupé de sa ligne d’opération, abandonnant une de ses pièces d’artillerie tombée

dans un ravin44, il battit en retraite le 6 juin en évitant les villages. Il fut de retour le 8 à

Barcelone poursuivi par les insurgés qui se répandirent dans la banlieue de la ville. Ce recul

marqua fortement les esprits des Catalans qui voyaient les soldats français fuir devant eux.

41 Pour éviter de disperser les forces de Duhesme, Napoléon ordonna de ne pas occuper le fort de Rosas dont la garnison espagnole fut maintenue. Cependant sur les conseils du général Marescot, Chabran laissa un de ses bataillons en garnison dans la citadelle de Figueras lors de sa route sur Barcelone. 42 CONARD, op. cit., p. 74. 43 LAFAILLE, op. cit., p. 23 et sq.

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Le monastère de Montserrat

La vallée du Llobregat vue depuis le massif de Montserrat

C’est dans ce terrain très accidenté que durent opérer les troupes françaises à la poursuite des insurgés. Ni leur organisation, ni leur instruction ne les avaient préparées à ce type de combat.

44 Un pont saboté s’était effondré sous le poids de ce canon lors de son passage.

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Chabran, lors de son retour fut assailli à son tour le 9. Il eut beaucoup de mal à se

faire jour jusqu’au Llobregat au milieu d’assaillants qui avaient été rejoints par des Suisses et

un bataillon espagnol. A Abros, il fut attaqué par toute la population du village, il dut

combattre encore à Villafranca. Duhesme, pour faciliter sa rentrée à Barcelone, dut passer à

l’offensive avec les troupes de Schwartz, puis de Lechi, qui, excédées par les insurgés

commirent des pires exactions, ce qui fit dire à l’agent Champagny : « Si cette guerre devait

durer sous les auspices sous lesquelles elle a commencé, elle deviendrait bientôt un

enchaînement d’horreur et de forfaits particuliers. »45 Toute la Catalogne était aux mains des

insurgés à l’exception de la Cerdagne, de Figueras et de Barcelone. Duhesme était coupé de la

France et de Madrid.

Duhesme tenta de se dégager : le 14, Chabran attaqua la position de Bruch, mais il

renonça au premier contact, malgré son succès, et se retira en arrière de Molino del Rey. Ce

deuxième échec face au couvent de Montserrat eut une influence prodigieuse sur le moral des

insurgés qui y gagnèrent un grand prestige auprès de la population.

Avant de pouvoir entreprendre une action sur Girone, Duhesme devait « se donner de

l’air » dans la région de Barcelone où les insurgés, grisés par leur succès, voulaient

l’enfermer. Le 17, il fit attaquer la position de Mongat, dont il prit le fort et Moncada. Les

insurgés se retirèrent sur Mataro d’où ils furent chassés. Le 18, le défilé de Saint-Pol fut forcé

et, le 20, les Français arrivèrent devant Girone dont ils voulurent s’emparer immédiatement.

L’assaut, qui eut lieu dans le plus grand désordre, échoua46. Le 25, Duhesme rentra à

Barcelone d’où il dégagea la ligne du Llobregat le 30.

Son intention était de renouveler sa tentative sur Girone. Les quinze premiers jours

de juillet furent consacrés à la préparation de l’entreprise. Le 22 juillet, Girone fut investi.

Duhesme y reçut le renfort des 5 000 hommes de la division Reille qui arriva de Figueras le

24.

Le 9 août, en même temps que des renforts en artillerie venus de Perpignan,

Duhesme reçut l’ordre de rentrer à Barcelone que Napoléon croyait menacé à cause de

l’impact qu’avaient eu la défaite de Baylen et l’évacuation de Madrid sur le moral des

Espagnols. Duhesme voulut quand même tenter sa chance à Girone dont les travaux de siège

étaient très avancés et avait coûté un gros effort à ses troupes. Mais il savait qu’il ne pouvait

pas se permettre de rester très longtemps éloigné de Barcelone.

45 Cité par CONARD, op. cit., p. 79.

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Or, malgré des succès initiaux, le siège devenait difficile à mener, non seulement

l’artillerie de siège se révéla peu efficace, mais en plus, les convois en provenance de

Barcelone subissaient les assauts des insurgés ce qui distrayait du siège un important effectif

d’hommes. Le 14 août, Duhesme décida de renoncer et commença à évacuer son artillerie. Il

estimait que Girone ne pourrait pas être pris suffisamment rapidement avec ses moyens et

qu’il risquait d’y user ses troupes alors que Barcelone était menacé par les insurgés et des

troupes régulières espagnoles47.

Les rangs de ces dernières ne cessaient de grossir avec l’arrivée des garnisons des

Baléares qui formèrent un noyau d’armée régulière sous le marquis del Palacio. Désirant

dégager Girone, le 16 août, il lança le comte de Caldaguès (officier émigré français) à

l’attaque sur le point faible du dispositif français. Ce succès espagnol poussa Duhesme à lever

le siège sans tarder. Reille rentra à Figueras et Duhesme à Barcelone. La retraite de Duhesme

s’effectua sur 80 kilomètres à travers les montagnes dans des conditions extrêmement

difficiles. Harcelé par les insurgés, parfois sous le feu de la flotte anglaise, il se résolut à

brûler ses voitures et à jeter ses canons dans des puits. Le 20 août il était à Barcelone. Dans

les mois suivants, il réussit à tenir en échec les insurgés et les troupes de lignes espagnoles en

leur interdisant de s’emparer de Barcelone dont il ne pouvait plus s’éloigner sans le secours de

renforts venus de France. Vivés, nommé le 28 octobre capitaine-général de Catalogne,

renforça les lignes des assiégeants, et en novembre le blocus devint un véritable siège.

La situation de Duhesme était d’autant plus préoccupante que dans le reste de

l’Espagne, après la défaite de Baylen et le départ de Madrid de Joseph, les affaires des

Français étaient au plus mal. Désireux de rétablir la situation, Napoléon entra en Espagne le 4

novembre à la tête de 120 000 hommes de renfort.

L’arrivée de Gouvion Saint-Cyr, des succès tactiques mais une situation générale qui se

détériore

Pour secourir Duhesme, deux divisions avaient été formées à Perpignan sitôt après

Baylen sous Souham (Français) et Pino (Italiens, Napolitains et Toscans) et envoyées au

secours de Reille. Le 17 août, Gouvion Saint-Cyr fut nommé à la tête de l’armée de Catalogne

46 Duhesme voulait prendre la ville d’assaut rapidement car il n’avait pas les moyens de mener un long siège, notamment en artillerie (certains affûts d’obusier qui avaient été stockés à Perpignan depuis 1794, se disloquèrent après quelques coups).

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(devenue le 5e corps de l’armée d’Espagne en Catalogne le 7 septembre, puis 7e corps le 2

octobre). Avec les troupes de Duhesme, de Reille et de Morio, qui rejoignit en mai 1809 à la

tête de 6 000 Westphaliens, l’effectif du 7e corps d’armée fut porté à prés de 40 000 qui fut le

volume des forces présentes en Catalogne pendant toute l’année 1809.

Le général Gouvion Saint-Cyr (1764 - 1830), maréchal en 1812

Ces troupes n’étaient pas de très grande qualité, elles avaient été formées avec des

hommes tirés des dépôts du sud-est, de gendarmes, de gardes nationaux (qui désertèrent en

masse), de Suisses, de Valaisans, d’Italiens, de Napolitains et de Toscans. Par la suite, en

1809, on vit arriver des Allemands du grand-duché de Berg, de Westphalie et des pays de la

confédération de Rhin. Ils étaient généralement peu désireux de se battre pour Napoléon alors

que leur propre nation souffrait sous son joug. Ils désertèrent en masse sous Girone et

passèrent aux insurgés pour plus de 600 d’entre eux. Durant toute la campagne, leur moral

resta au plus bas et leur esprit fut très peu combatif. Mais les troupes napolitaines, composées

de la lie de la société, étaient sans doute les plus médiocres et les moins disciplinées. Parmi

47 Duhesme voulut quand même tenter sa chance à Girone dont les travaux de siège étaient très avancés et avait coûté un gros effort à ses troupes. Mais il savait qu’il ne pouvait pas se permettre de rester très longtemps éloigné de Barcelone.

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elles, on comptait énormément de pillards qui ravagèrent la Catalogne. Napoléon demanda

par la suite à Murat de prendre plus de soin dans le recrutement des Soldats napolitains dont

Augereau continua à se plaindre : « J’aurais préféré deux cents Français aux deux régiments

de cette nation que vous m’envoyez, car j’ai plus de peine avec ces sortes de gens qu’avec les

brigands que je bats journellement. »48

En fait, Gouvion Saint-Cyr manquait de tout, son « 7e corps [qui] étaient composé

en grande partie de soldats médiocres, pillards, brutaux et infidèles »49 était mal organisé,

mal payé et mal nourri. A partir de décembre 1808 Gouvion Saint-Cyr, qui ne recevait aucun

approvisionnement de France, dut vivre sur le pays en ruinant les plaines où il passait sans

que ses troupes ne fussent bien nourries, car la Catalogne étant un pays d’huile, de vins et de

fruits, les céréales et le bétail y faisaient cruellement défaut. Les réquisitions augmentaient

encore l’animosité des populations contre les soldats napoléoniens qui se procuraient leur

nourriture à coups de baïonnette. Le moral des officiers et des soldats, qui se sentaient livrés à

eux même, était au plus bas, et la discorde ne tarda pas à s’installer entre les généraux qui

menaient une guerre difficile loin des yeux de l’Empereur, sans aucune chance de gloire ou de

promotion.

Du fait de l’isolement de la Catalogne, les opérations qui y furent menées furent

déconnectées de celles qui se déroulèrent en Espagne en 1808 et en 1809. Gouvion Saint-Cyr

reçut de Napoléon les ordres suivants : « Votre direction générale doit avoir pour principes

les dispositions suivantes :

1. secourir le général Duhesme.

2. Faire à Figuierès des magasins considérables aux dépends de l’ennemi.

3. Soumettre les vallées et faire porter à l’ennemi tout le poids de la guerre. »50

Gouvion Saint-Cyr agit avec beaucoup de méthode. Il commença par s’emparer de

Rosas dont il prépara le siège pendant deux mois. Dès que la place capitula, le 6 décembre, il

se dépêcha de porter secours à Duhesme, qui lui avait fait savoir que ses réserves de vivre ne

lui permettraient de tenir que jusque fin décembre.51 Laissant Reille en observation devant

Girone, il partit vers Barcelone sans bagages ni artillerie afin d’éviter de passer devant

l’Hostalrich et Girone. Surpris par cette marche rapide, Vivés fut bousculé à Cardédeu le 16

et, le 17, Gouvion Saint-Cyr débloquait Barcelone. Napoléon pensa qu’il était à nouveau

48 Augereau à Clarke, Fornells le 12 janvier 1810, cité par CONARD, op. cit., p. 89. 49 CONARD, op, cit., p. 90. 50 Berhier à Gouvion Saint-Cyr, le 2 octobre 1808, SHD/Terre C8 15. 51 GOUVION SAINT-CYR, op. cit., p. 359.

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maître de la Catalogne, mais les soldats du 7e corps n’occupaient de la Catalogne que le sol

qui était sous leurs pieds.

Gouvion Saint-Cyr battit Vivès à Molino del Rey le 21 décembre, mais plutôt que de

se porter vers Tarragone, il voulut assurer ses arrières et perdit deux mois à battre les vallées

de l’Llobregat pour y trouver des vivres. Pendant ce temps, Reille était harcelé par les troupes

espagnoles réunies à Girone qui se réorganisaient sous le commandement de Reding52. Malgré

ses succès sans lendemain à Igualda et à Valls (18 et 25 février 1809) contre Reding, Gouvion

Saint-Cyr dut renoncer à prendre Tarragone après l’avoir bloqué pendant un mois. Il gagna la

plaine de Vich pour refaire ses forces puis, ayant rejoint Reille et laissé Duhesme avec la

division Chabran à Barcelone53. Il mit le siège devant Girone que le général Verdier,

remplaçant Reille, investit la 4 juin.

La place était défendue par Alvarez de Castro qui tint les Français en échec pendant

six mois en fixant le gros de leurs forces. Le général Sanson dirigea les travaux du siège et fit

ouvrir la tranchée devant le fort de Montjuich. Un premier assaut de ce fort mené par 4 000

Français et Allemands échoua le 7 juillet. Pris sous un bombardement intense, les Espagnols

l’abandonnèrent un mois plus tard. Le 19 septembre un assaut général fut donné mais il fut

repoussé par la population qui tenait les remparts. Gouvion Saint-Cyr décida alors de

transformer le siège en blocus pensant que la maladie et la famine auraient raison de la

résistance. Blake envoya des convois pour secourir la place. Le premier d’entre eux, profitant

du brouillard, réussit à amener 4 000 hommes et quelques vivres aux assiégés le 1er

septembre. Mais le 26 septembre, un deuxième convoi tomba entièrement aux mains des

Français. La situation d’Alvarez devint de plus en plus critique : le typhus, la famine, le

scorbut et la dysenterie faisaient des ravages, certains de ses hommes désertèrent malgré les

menaces de mort d’Alvarez.

52 Pour avoir été battu, Vives fut jeté en prison et remplacé par Reding, officier d’origine suisse. 53 De juin 1809 à janvier 1810, Duhesme, disposant de peu de troupes se trouva encore bloqué dans Barcelone mais moins étroitement toutefois qu’en 1808.

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Le général espagnol Joaquín Blake y Joyes (1759 – 1827)

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Entre temps, le 1er juin, Napoléon, mécontent de Gouvion Saint-Cyr qui, conscient de

sa faiblesse se refusait à exécuter l’ordre irréalisable de Berthier d’assiéger simultanément

Gérone, Tarragone et Tortosa, l’avait remplacé par Augereau. Le 28 septembre, Gouvion

Saint-Cyr quitta son commandement sans attendre l’arrivée de ce dernier qui était bloqué par

une crise de sciatique à Perpignan et n’avait toujours pas rejoint54.

Augereau finit par arriver devant Girone le 11 octobre. Le 9 décembre, Alvarez atteint

par le mal qui l’emporta en janvier, donna le commandement au général Bolivar qui livra la

ville à Augereau le lendemain.

Ramon Martí Alsina (1826–1894), El Gran dia de Girona, 1863 Musée d’art de Girone

La chute de Girone jeta la discorde parmi les insurgés. Blake dut abandonner la

Catalogne, pour ne pas partager le sort de Vives55. Le général Portazgo, nommé par la junte

pour le remplacer, ne fut pas reconnu par les Catalans qui lui préférèrent O’Donnel qui s’était

distingué lors du siège de Girone.

Après la prise de cette ville, Augereau resta inactif pendant plus d’un mois. A la fin du

mois de janvier, il réussit à approvisionner Barcelone et obtint le départ de Duhesme avec

lequel il ne s’entendait pas et qu’il accusa de malversation.

54 Pour avoir abandonné son poste, Gouvion Saint-Cyr fut suspendu de ses fonctions et ne fut réintégré qu’en 1811. 55 LAFAILLE, op. cit., p. 240.

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Au début de 1810, la situation des Français en Espagne semblait plutôt bonne, Joseph

avait retrouvé son trône à Madrid et contrôlait la majorité du pays. Partout en Catalogne, où

son autorité ne se faisait que très peu sentir, les armées françaises avaient pris le dessus sur les

insurgés et contrôlaient une partie de plus en plus grande de la province. Mais la population

avait en grande partie déserté les villages pour se réfugier dans les montagnes. Le sentiment

anti-français déjà très élevé, allait en se renforçant à cause des exactions et des vols perpétués

par les troupes impériales abandonnées à elles-mêmes pour subvenir à leurs besoins.

La composition des troupes qui pénétrèrent les premières en Catalogne en 1808 étaient

typique des unités formées à cet époque par Napoléon. Ces unités provisoires et

multinationales manquaient de cohésion. Elles n’avaient plus du tout l’esprit offensif qui fit la

force des armées de la Révolution et du début de l’Empire. De nation agressée, la France était

devenu l’agresseur. La stratégie irréaliste du blocus continental de Napoléon l’avait poussé à

disperser ses efforts à sacrifier la cohésion de ses armées. Il pensait que les troupes engagées

en Espagne n’auraient pratiquement pas à combattre. La facilité avec laquelle Duhesme

s’empara de Barcelone semblait lui donner raison. Mais, une fois la ville prise, il fallait

gouverner la province ce que Duhesme n’avait ni le talent, ni les moyens de faire. A la tête de

ses troupes il se présenta rapidement comme un occupant et non comme un allié venu aider le

peuple catalan face à la grave crise politique que l’Espagne connaissait.

Duhesme avait échoué dans sa tâche de rallier la Catalogne à la cause du roi Joseph.

Engagé en Catalogne, sans argent ni ligne logistique, à la tête de troupes constituées à la hâte,

peu instruites et manquant cruellement de cohésion56, il ne put que se trouver bloqué, loin de

ses bases, une fois l’insurrection générale déclenchée. Mais au moins avait-il tenté de mettre

en place une administration, soin que n’eurent ni Gouvion Saint-Cyr, ni Augereau, absorbés

par les opérations et s’intéressant peu au sort de la population d’une province pauvre et semi-

désertique dont ils n’auraient pu pas tirer grand-chose. Délaissant l’administration aux

fonctionnaires de Joseph, ils ne s’occupèrent pas du contrôle de la population par une

administration judicieuse, ce qui pourtant était sans doute la clef principale du succès en

Catalogne.

Si Napoléon réglait les moindres détails de la constitution des troupes, sa pensée

générale concernant l’Espagne était floue et, partant, mal comprise par ses subordonnés. Il

56 Arrivés en Espagne, certains conscrits italiens et même français désertèrent pour s’engager dans des régiments au service de l’Espagne. Ce phénomène fut suffisamment important pour Duhesme en informe le ministre de la Guerre et réclame aux autorités espagnoles la restitution de ces hommes.

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attendait sans doute des initiatives de ces derniers qui auraient éclairé la situation et lui aurait

montré la marche à suivre57. Il agissait selon sa formule célèbre : « s’engager et voir ».

Duhesme puis Gouvion Saint-Cyr en ont sans doute été les principales victimes.

Carte du théâtre des opérations de Catalogne

BOURDEAU E. (colonel), Campagnes modernes, Atlas.

57 GRASSET, op. cit., p. 306.

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COMPOSITION DE LA DIVISION D’OBSERVATION DES PYRENE ES ORIENTALE

SITUATION DU 9 FEVRIER 1808 (SHD/Terre : C8 4)

Général de division DUHESME. ORDONNEAU, chef d’escadron, aide de camp faisant fonction de chef d’état-major Général de division LECCHI (sic.). LAFRRANCHY, chef d’escadron, aide de camp Généraux de brigade MILLOSSEVVITZ (sic.). ZORZETTO, capitaine idem BESSIERES, commandant la brigade de cuirassiers et chasseurs Adjudant commandant LECCHI58 Commissaire des guerres GINI, faisant fonctions de sous-inspecteur

TROUPES Soldats sous les armes Vélites royaux 1 bataillon 15 officiers / 387 2e de ligne italien IIe bataillon 29 / 589 4e - id. - IIIe bataillon 13 / 480

1re brigade

5e - id - IIe bataillon 27 / 681 16e de ligne français IIIe bataillon 12 / 708 2e régiment suisse IIIe bataillon 23 / 320

2e brigade

1er de ligne napolitain 2 bataillons 65 / 1 688

5 037 hommes d’infanterie

4e régiment de cuirassiers 1 cie du 5e escadron 6e régiment de cuirassiers 1 cie du 5e escadron 7e régiment de cuirassiers 1 cie du 5e escadron

Régiment provisoire de cuirassiers59

8e régiment de cuirassiers 1 cie du 5e escadron

12 /405/ 431 chevaux

14e régiment de chasseurs à ch. 1 cie du 4e escadron 15e régiment de chasseurs à ch. 1 cie du 4e escadron 19e régiment de chasseurs à ch. 1 cie du 4e escadron 23e régiment de chasseurs à ch. 1 cie du 4e escadron

Régiment provisoire de chasseurs60

24e régiment de chasseurs à ch. 1 cie du 4e escadron

12 /473/ 500 chevaux

Chasseurs royaux napolitains 1 compagnie Dragons de la Reine (italiens) 1 compagnie Dragons Napoléon (italiens) 1 compagnie

Régiment provisoire de troupes à cheval italiennes et napolitaines

2e rgt de chasseurs napolitains Ier escadron61

25/525/562 chevaux

1452 h. / 1493 ch. de cavalerie

58 Frère du général Lechi. 59 Prend l’appellation de 3e régiment provisoire de grosse cavalerie le 23 janvier 1808. 60 Prend l’appellation de 3e régiment provisoire de chasseurs le 23 janvier 1808.

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Artillerie – 12 bouches à feu Artillerie à pied italienne 11e compagnie 3 officiers / 70 Train Train de la garde italienne 2 off. / 57 / 104 chevaux 6e bataillon bis du train 6e compagnie 1 off. / 64 / 150

197 h. / 254 chx d’artillerie

TOTAL PREVU SOUS LES ARMES

6 686 hommes 1747 chevaux

Restés dans les hôpitaux

445

Le 2e escadron du 2e régiment de chasseurs napolitains devait arriver à Perpignan le 15 février avec 250 hommes montés62. Une partie du parc d’artillerie français était restée à Perpignan attendu que les chevaux n’étaient point encore arrivés de Narbonne. Note de l’auteur : En février 1808 la division était articulée de la façon suivante : Le général Lechi avait sous ses ordres la « division italienne » : - brigade italienne (général Millossevitz), - le régiment provisoire de troupes à cheval italiennes et napolitaines - la 11e compagnie d’artillerie à pied italienne (6 pièces). Le général Bessières commandait la brigade de cavalerie française Le général Goullus commanda la 2e brigade à son arrivée à Barcelone le 14 février 1808.

61 I.e. deux compagnies. 62 En fait cet escadron n’arriva à Perpignan que le 22 mars, il n’entra en Espagne que le 1er avril avec les renforts d’infanterie.

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SITUATION DU CORPS D’OBSERVATION DES PYRENEES-ORIENTALES AU 30 AVRIL 1808 : 13 335 h., 2 035 chx. Général Duhesme, commandant en chef Général Goullus, chef d’état-major 1re division : général Chabran, nommé le 19 mars, à Barcelone, 6 466 hommes, 211 chevaux - 1re brigade : général Nicolas, nommé le 19 mars, à Barcelone

- 7e RI : 1er et 2e bataillons à Barcelone, 1 919 hommes - 16e RI : 3e bataillon à Barcelonnette, 814 hommes - 2e R suisse : 3e bataillon à Barcelonnette, 606 hommes

- 2e brigade : général Viala, nommé le 19 mars, à Mataro

- 2e RI : 3e bataillon à Figueras, 617 hommes - 37e RI : 3e bataillon à Mataro, 705 hommes - 56e RI : 4e bataillon à Mataro, 822 hommes - 93e RI : 3e bataillon à Mataro, 760 hommes

- Artillerie (9 canons) : - 2e RAC : 7e compagnie à Barcelone, 125 hommes, 92 chevaux - 6e bataillon bis du train : 6e compagnie à Barcelone, 90 hommes, 119 chevaux

2e division : général Lechi à Barcelone, 5 002 hommes, 104 chevaux - 1re brigade : général Millossevitz à Barcelone

- 1er RI napolitain : 1er et 2e bataillons dans la citadelle de Barcelone, 2 098 hommes - Vélites royaux italiens : 1er bataillon à Barcelone, 484 hommes - 2e RI italien : 2e bataillon à Barcelone, 775 hommes - 4e RI italien : 3e bataillon à Barcelone, 611 hommes - 5e RI italien : 2e bataillon à Barcelone, 880 hommes

- Artillerie italienne (9 canons) : Adjudant-commandant Lechi à Barcelone - 11e compagnie à pied italienne, à Barcelone, 76 hommes - Train de la garde royale italienne, à Barcelone, 68 hommes, 104 chevaux

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1re brigade de cavalerie (française) : général Bessières à Barcelone, 947 hommes, 921 chevaux - 3e régiment provisoire de cuirassiers (composition sans changement), à Barcelone, 423 hommes, 435 chevaux - 3e régiment provisoire de chasseurs (composition sans changement), à Barcelone, 483 hommes, 486 chevaux - Détachement du 6e régiment de cuirassiers à Perpignan, 40 hommes, sans chevaux

2e brigade de cavalerie (italienne et napolitaine) : général Schwarz, nommé le 19 mars 1808, à Barcelone, 903 hommes, 799 chevaux

- Régiment de cavalerie du Prince royal, à l’Hospitalet - Chasseurs royaux italiens : une compagnie, 181 hommes, 155 chevaux - Dragons de la Reine : une compagnie, 166 hommes, 151 chevaux - Dragons Napoléon : une compagnie, 164 hommes, 145 chevaux

- 2e régiment de chasseurs napolitains : 1er et 2e escadrons à l’Hospitalet, 391 hommes, 348 chevaux

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BIBLIOGRAPHIE ET SOURCES

Sources Service historique de la défense / département de l’armée de Terre : Archives de l’armée d’Espagne série C8 LAFAILLE G. (colonel du génie), Mémoire sur le corps d’armée des Pyrénées orientales

commandé par le général Duhesme (…), Paris, Ancelin,1826, 344 p. Publications BOURDEAU E. (colonel), Campagnes modernes, Paris, Charles Lavauzelle, s.d., t. II :

L’Epopée impériale (1804 – 1815), Ire partie, 585 p. CASTEX Raoul (amiral), Théories stratégiques, Paris, Economica,1997, t. V, 651 p., p. 227. CONARD Pierre, Napoléon et la Catalogne (1808 –1814) (…), Paris, F. Alcan, 1910, 473 p. GRASSET Alphonse-Louis (capitaine), La guerre d’Espagne, Paris, Berger-Levrault, 1914, t.

1, 487 p. THIERS M.A., Histoire du Consulat et de l’Empire, Paris, Paulin, 1849, t.8, 687 p. SIX Georges, Dictionnaire biographique des généraux et amiraux de la Révolution et de

l’Empire (1792 – 1814), Paris, Ed. Georges Jaffroy, 1934, 2 tomes.