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JEAN-MICHEL ROESSLI LES « ORACLES SIBYLLINS » Tour à tour une et multiple, païenne, juive et chrétienne, la Sibylle, ou les sibylles, de même que les oracles associés à leur nom, intéressent aussi bien les religions grecque et romaine que le judaïsme et le christianisme ancien et médié- val. Elles se sont faites porte-parole des polythéismes aussi bien que des monothéismes. Par leur présence au carrefour des mutations religieuses de lAntiquité, elles sont devenues les interprètes privilégiées des croyances religieuses et des revendications identitaires de plusieurs groupes humains. Alors que la Sibylle grecque se caractérise par sa nature inspirée et que ses oracles, en grande partie perdus aujour- dhui 1 , concernent avant tout la sphère privée, sa sœur romaine prête son nom à une forme de divination toute différente, puisque ses arrêts, enregistrés dans des Libri Sibyllini dont la consultation est rigoureusement contrôlée, sont soumis à linterprétation de pontifes qui ont pour charge den dégager la signication et les conséquences pour les affaires de lÉtat. Leur consultation, dont lanna- listique romaine a gardé le souvenir, a donné lieu à lin- troduction de nouveaux cultes, à la construction de temples et à bien dautres décisions ofcielles de la part du pouvoir en place. Très tôt, les Juifs de la diaspora ont compris lintérêt apologétique représenté par la Sibylle et ils nont pas hésité 1. Ceux qui nous restent ont été réunis par C. Alexandre, vol. 2, pars 2, p. 118-147. Dautres sont cités par G. CRÖNERT Oraculorum Sibyllino- rum Fragmentum Osloense », Symbolae Osloenses 6, 1928, p. 57-59. Voir H. W. P ARKE, Sibyls and Sibylline Prophecy in Classical Antiquity , Londres - New York, 1988, Paperback, 1992 (avec bibliographie des travaux anté- rieurs). histoire_litterature_grecque_2_UNICODE_12194 - 16.10.2012 - 12:00:52 - page 591

Les Oracles Sibyllins

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JEAN-MICHEL ROESSLI

LES «ORACLES SIBYLLINS »

Tour à tour une et multiple, païenne, juive et chrétienne,la Sibylle, ou les sibylles, de même que les oracles associésà leur nom, intéressent aussi bien les religions grecque etromaine que le judaïsme et le christianisme ancien et médié-val. Elles se sont faites porte-parole des polythéismes aussibien que des monothéismes. Par leur présence au carrefourdes mutations religieuses de l’Antiquité, elles sont devenuesles interprètes privilégiées des croyances religieuses et desrevendications identitaires de plusieurs groupes humains.Alors que la Sibylle grecque se caractérise par sa natureinspirée et que ses oracles, en grande partie perdus aujour-d’hui 1, concernent avant tout la sphère privée, sa sœurromaine prête son nom à une forme de divination toutedifférente, puisque ses arrêts, enregistrés dans des LibriSibyllini dont la consultation est rigoureusement contrôlée,sont soumis à l’interprétation de pontifes qui ont pourcharge d’en dégager la signification et les conséquencespour les affaires de l’État. Leur consultation, dont l’anna-listique romaine a gardé le souvenir, a donné lieu à l’in-troduction de nouveaux cultes, à la construction de templeset à bien d’autres décisions officielles de la part du pouvoiren place.

Très tôt, les Juifs de la diaspora ont compris l’intérêtapologétique représenté par la Sibylle et ils n’ont pas hésité

1. Ceux qui nous restent ont été réunis par C. Alexandre, vol. 2, pars 2,p. 118-147. D’autres sont cités par G. CRÖNERT, «Oraculorum Sibyllino-rum Fragmentum Osloense », Symbolae Osloenses 6, 1928, p. 57-59. VoirH. W. PARKE, Sibyls and Sibylline Prophecy in Classical Antiquity, Londres- New York, 1988, Paperback, 1992 (avec bibliographie des travaux anté-rieurs).

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à recourir à son autorité pour propager leurs croyances enimitant les Gentils sur leur propre terrain. C’est ainsi qu’ilsont composé de nouveaux recueils d’oracles et ont inséré dansles modèles païens dont ils disposaient des éléments de leurpropre composition qui présentent des événements du passé,le plus souvent catastrophiques, comme des prophéties àvenir, exprimées par le recours au temps futur de la conju-gaison. C’est ce que l’on appelle des uaticinia ex euentu.Le troisième livre des Oracula Sibyllina en est le premierexemple connu. Sa rédaction pourrait remonter au IIe siècle ouau Ier siècle av. J.-C. et c’est lui qui a servi de modèle auxautres livres du corpus parvenu jusqu’à nous.

L’existence d’une sibylle juive est attestée pour la premièrefois par Alexandre Polyhistor, entre 80 et 40 av. J.-C. 1. AuIIe siècle de notre ère, Pausanias mentionne, dans sa Périé-gèse, une sibylle nommée Sabbè chez les Hébreux de Pales-tine ; certains la disaient babylonienne, d’autres égyptienne 2.Dans le troisième livre des Oracles sibyllins, la Sibylle se ditfille de Noé ou sa parente 3, et c’est en compagnie de cedernier qu’elle apparaît sur quelques monnaies romaines duIIIe siècle.

Pour des motifs de propagande analogues, les chrétiens sesont mis, eux aussi, à composer et à utiliser des recueilsd’Oracles sibyllins. Cette pratique pourrait bien avoir com-mencé dès le IIe siècle de notre ère, puisque Celse en dénoncel’exploitation par les chrétiens 4. Elle se prolongera jusqu’à lafin de l’Antiquité, comme en témoigne la Théosophie deTübingen, épitomé d’une collection de témoignages païens,parmi lesquels une sélection d’oracles de la Sibylle, destinés à

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1. EUSÈBE, Chronicon, Berlin, GCS 20, 1992, p. 12, l. 10 (= FGrH 680T 7).

2. PAUSANIAS, Périégèse, 10, 12, 9. Voir aussi PS.-JUSTIN, Coh. 37, 1 etMOÏSE DE KHORÈNE, Histoire de l’Arménie, 1, 6.

3.Or. sibyl. 3, 827 ; voir aussi Or. sibyl. 1, 289-290 et prologue, ligne 33(éd. Geffcken). Voir également I. CHIRASSI COLOMBO, « La bru de Noé »,dans M. BOUQUET et F. MORZADEC (éd.), La Sibylle. Parole et représenta-tion, Rennes, PUR, 2004, p. 131-149 ; art. « Sibyllae », LIMC, t. VII, p. 30-33 ; J.-M. ROESSLI, « Les sibylles, des figures pérennes au travers desmutations religieuses », dans La Divination dans le monde romain, Bâle,2005, p. 104.

4. ORIGÈNE, Cels. 7, 53, 17-20. Voir aussi 5, 61, 34-37, à propos de laprétendue secte des sibyllistes. La première attestation du nom de la Sibylledans un écrit chrétien se lit dans Le Pasteur d’Hermas.

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démontrer la vérité du christianisme et dont la compositiondate de la fin du Ve siècle ou du début du VIe siècle 1.

LA COLLECTION DES «ORACLES SIBYLLINS»

Aucun manuscrit connu ne contient la totalité des Oraclessibyllins, tels que nous pouvons les lire aujourd’hui dans leséditions critiques imprimées. Celles-ci procèdent de la réu-nion de tous les textes retrouvés dans les manuscrits parvenusjusqu’à nous. La collection qui en résulte est un recueil dont lacomposition s’étend sur plus de sept siècles, puisque la partiela plus ancienne de la collection – le livre 3 – remonte auIIe siècle ou au Ier siècle av. J.-C., alors que la section la plusrécente – le livre 14 – date du VIIe siècle de l’ère courante, dumoins dans sa forme finale. Tel qu’il nous est parvenu et prisdans sa totalité, ce recueil compte plus de 4 200 vers écrits enhexamètres grecs et répartis dans douze livres de longueurinégale, numérotés de 1 à 14 en raison d’une tradition manus-crite incertaine et flottante (les livres 9 et 10 n’existent pas ;pour une explication, voir ci-dessous la présentation dulivre 8).

Ces textes oraculaires nous ont été transmis dans troisfamilles de manuscrits, dont les archétypes remontent à desépoques différentes et résultent de choix divers et contrastésde la part des compilateurs qui en sont à l’origine. Les deuxpremières familles de manuscrits (Φ et Ψ) présentent denombreux traits communs et sont donc manifestement pro-ches l’une de l’autre, au point que la deuxième famille (Ψ) estparfois considérée comme une forme abâtardie de la première(Φ). Elles nous donnent toutes deux accès à une premièrecollection d’Oracles sibyllins (= collection A), probablementconstituée au cours ou à la fin du Ve siècle de notre ère etdivisée en huit livres, numérotés de 1 à 8 dans nos éditionsmodernes, depuis l’editio princeps de 1545 jusqu’aux édi-tions de référence du XXe siècle (voir bibliographie).

Les manuscrits de la première classe (Φ), au nombre decinq et tous postérieurs à 1450 – comme la plupart des

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1. Voir P. F. BEATRICE, Anonymi Monophysitae Theosophia. An Attemptat Reconstruction, Leyde - Boston - Cologne, 2001.

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manuscrits parvenus jusqu’à nous –, commencent avec lelivre 1 des éditions modernes, qui contient un récit de lacréation combiné au mythe hésiodique des cinq âges del’humanité, tandis que les quatre manuscrits de la deuxièmeclasse (Ψ) débutent avec le livre 8 de nos éditions, dontla teneur est historico-politique dans sa première partie(v. 1-216), christologico-eschatologique dans la deuxième(v. 217-500). Bien qu’il soit difficile de tirer toutes les consé-quences de ces différences dans l’organisation du recueil,elles révèlent probablement deux options distinctes de la partdes scribes qui ont réuni ou copié ces textes et dont nousignorons, hélas ! à peu près tout. Le premier voulait peut-êtresurtout mettre l’accent sur l’accord (symphonia) ou la coïn-cidence entre Hésiode, les oracles de la Sibylle et la Révé-lation de l’Ancien Testament, alors que le second s’attachaitpeut-être davantage à privilégier les prophéties relatives àRome et au Christ 1.

Deux des manuscrits de la première classe 2 comportent enoutre un prologue, absent des autres manuscrits, dans lequel lecompilateur expose son but et sa démarche. Il explique qu’il avoulu rassembler en un texte continu des oracles sibyllinsjusque-là dispersés et de lecture incertaine, de manière àfaciliter leur interprétation et à promouvoir la diffusion desavantages spirituels que l’on peut tirer de leur lecture, avan-tages bien supérieurs, selon lui, à ceux, pourtant importants,que l’on peut acquérir d’une étude laborieuse de la littératuregrecque classique. Il précise que ces oracles sont profitablesau lecteur, parce qu’ils présentent un exposé clair de toute lathéologie chrétienne et rapportent aussi ce qui figure dans leslivres de Moïse et des Prophètes sur la création du monde et

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1. On ne peut évidemment exclure qu’il y ait eu, de la part du scribe,simple interversion entre le livre 1 et le livre 8. Quoi qu’il en soit, l’ordredans lequel les Oracles sibyllins nous ont été transmis a été fixé par uncompilateur d’époque tardive et ne correspond pas à la chronologie de sacomposition. Selon Geffcken, les livres actuels se sont succédé dans l’ordresuivant : 3 à 8, puis 1 et 2, 12, 13, 11 et 14. À l’instar de O. Waßmuth,j’incline à penser que le double livre 1-2 est antérieur aux livres 7 et 8, etpeut-être même au livre 6. J’estime par ailleurs que le livre 11 précède leslivres 12, 13 et 14.

2. Le Vindobonensis hist. graec. XCVI 6 (sigle A) et le Scorialensis II Σ7 (sigle S), qui ne contiennent tous deux que les huit premiers livres ducorpus, le dernier jusqu’au vers 485.

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de l’homme. Enfin, le préfacier-compilateur, qui ne connaîtmanifestement que les huit premiers livres de la collection(Or. sibyl. 1-8, 485), assure que ces oracles parlent aussi biende l’histoire passée que de l’avenir de l’humanité. Inutile doncde chercher l’exactitude philologique et la cohérence chro-nologique dans le travail de compilation du rédacteur, qui aprobablement pour but principal de rassembler des textes quilui semblent utiles à l’édification du lecteur.

La partie du prologue qui comporte une étymologie dunom de la Sibylle, le catalogue varronien des dix prophétesseset le récit de l’arrivée à Rome des Libri Sibyllini, avec lacitation empruntée à Lactance, provient très vraisemblable-ment d’une compilation de la fin du Ve siècle ou du début duVIe siècle, la Théosophie de Tübingen, dont P. F. Beatrice situele Sitz im Leben dans un milieu monophysite proche d’Antio-che, peut-être même de Sévère d’Antioche.

D’autres manuscrits des Oracles sibyllins ont été décou-verts ou, plus précisément, redécouverts au début duXIXe siècle par le cardinal Angelo Mai à la bibliothèqueAmbrosienne de Milan et à la Vaticane. Ces manuscritscontiennent, d’une part, des oracles déjà connus, commeles livres 4 ; 6 ; 7, 1 et une partie du livre 8 (v. 218-428) 1,et, d’autre part, des oracles encore inédits, qui forment leslivres 11 à 14 des éditions modernes. Ces nouveaux témoins,tous également tardifs (XIVe-XVe s.), constituent la troisièmefamille de manuscrits (Ω), laquelle nous donne accès à unedeuxième collection d’Oracles sibyllins (= collection B), dontla mise en forme finale est à situer au VIIe siècle de notre ère, àl’époque de la conquête arabe d’Alexandrie (646).

À ces 4 230 hexamètres du corpus il faut ajouter huitfragments transmis par divers auteurs paléochrétiens. Théo-phile d’Antioche († c. 180) cite, dans les Trois livres à Auto-lykos 2, 36, deux longs fragments de 35 et 49 vers chacun, et,un peu plus tôt dans le même ouvrage (ibid., 2, 3, 2), un autrefragment de trois vers que nous connaissons par ce seul

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1. Dans cette famille de manuscrits, ces livres portent les numérossuivants : IX (= livres 6 + 7, 1 + 8, 218-428), X = livre 4 et XV =livre 8, 1-9 (ce dernier dans un seul manuscrit). Ce sont les leçons decette famille de manuscrits qui se retrouvent le plus souvent dans lescitations patristiques, ce qui incite à dater son archétype entre le IIe et leIVe siècle de notre ère.

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apologète 1. Lactance rapporte, lui aussi, en plus de vers isolésdes deux longs fragments cités par Théophile 2, quelquesoracles qui ne figurent pas dans les manuscrits d’époquebyzantine (Inst. div. 7, 24, 2 ; 2, 11, 18 ; 7, 19, 2 ; 1, 7, 13,enregistrés comme fragments 4 à 7 dans l’édition de Geff-cken). Un dernier fragment, en prose, est rapporté dans leDiscours de Constantin à l’assemblée des saints, § 21. LaThésophie de Tübingen, qui dépend sur ce point très large-ment de Lactance, cite, en plus de nombreux vers que l’ontrouve chez le précepteur de Crispe, quelques oracles sibyllinsinconnus par ailleurs. C’est le cas de cinq hexamètres quidevaient manifestement prendre place au début de la sectionchrétienne du premier livre des Oracles sibyllins, lesvers 323a-e, cités avant les vers 324-335 et que les manuscritsd’époque byzantine n’ont pas conservés 3.

Comme tant de pseudépigraphes de l’Antiquité, lesOracles sibyllins n’ont laissé aucune trace dans la littératurerabbinique et ne doivent leur transmission qu’à des auteurschrétiens, qui, les ayant jugés dignes d’être copiés et imités,en ont fait des ouvrages chrétiens à part entière 4. Il n’endemeure pas moins que c’est dans les milieux du judaïsmehellénisé qu’ils ont vu le jour, avant que des chrétiens ne

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1. Les numéros 1 et 3 dans les éditions de Rzach et de Geffcken ;Minucius Félix (Octavius, 23, 3-4) fait aussi une allusion au fragment 2.Théophile cite encore, en 2, 31, un passage réunissant des vers de l’actuellivre 3 et un vers isolé du livre 8 (Or. sibyl. 3, 97-103.105 et Or. sibyl. 8, 5).Clément d’Alexandrie cite, en Protr. 2, 27 ; 6, 71 et 8, 77 et Strom. 3, 3, 14 ;5, 14, 109, plusieurs vers des deux longs fragments connus de Théophile.Le Ps.-Hippolyte de l’Elenchos cite un vers du fragment 3, le Ps.-Justin,Coh. 16, 1, les vers 7 à 9 du fragment 1, Eusèbe, Praep. ev. XIII, 13, lesvers 10 à 13 du fragment 1.

2. LACTANCE, Div. Inst. 1, 6, 15 (frg. 3, 3-5 = Prologue, l. 95-97) ; 2, 11,18 (frg. 5 = Prologue, l. 98-100) ; 2, 12, 19 (frg. 3, 46-48) ; 4, 6, 5 (frg. 1, 5-6) ; Ir. 22, 7 (frg. 3, 17-19).

3. Sur ces vers, voir notamment J.-B. BAUER, «Oracula Sibyllina I323ab », Zeitschrift für die neutestamentliche Wissenschaft 47, 1956,p. 284-285 et J. L. LIGHTFOOT, The Sibylline Oracles. With Introduction,Translation, and Commentary on the First and Second Books, Oxford,2008, p. 421-423.

4. Sur ce sujet, voir les réflexions de R. A. KRAFT, « The MultiformJewish Heritage of Early Christianity », dans J. NEUSNER, Christianity,Judaism and Other Greco-Roman Cults, Leyde, 1975, Part III : « JudaismBefore 70 », p. 174-199 et, de J. R. DAVILA, The Provenance of thePseudepigrapha : Jewish, Christian, or Other ?, Leyde, 2005.

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prennent l’initiative d’en composer à leur tour. Contrairementà l’impression que pourrait donner l’idée de corpus souventattachée aux douze livres réunis dans les éditions modernes,ces derniers sont loin de former une unité de composition, destyle et de contenu. Ils se présentent en fait comme unensemble hétérogène de morceaux disparates et d’originesmultiples : païenne, juive et chrétienne, sans qu’un ordreapparent puisse être clairement dégagé. Selon un témoignagede Varron, rapporté dans la Souda (Xe s.), c’était déjà le casdes oracles sibyllins païens. Selon l’auteur latin, la responsa-bilité n’en incombe pas aux prophétesses elles-mêmes, maisaux tachygraphes, incapables de noter avec précision lesoracles que ces dernières proféraient en état de transe 1. Uncertain ordre géographique dans les oracles contre les nationset la récurrence de certains thèmes, notamment historiques,sont néanmoins perceptibles. Dégagés du reste, ils permettentde dessiner quelques grandes articulations 2.

La collection parvenue jusqu’à nous contient : (1) des frag-ments d’oracles de datation inconnue pouvant remonter à uneAntiquité plus ou moins haute (par ex. Or. sibyl. 8, 361-362cités par HÉRODOTE, Enquêtes 1, 47, 12-13 et attribués par lui àla Pythie de Delphes, ou Or. sibyl. 4, 97-98 cités deux fois parSTRABON, Géographie, 1, 3, 7 et 12, 2, 4) ; (2) des oracles juifscomposés entre le IIe ou le Ier siècle av. J.-C. et le IIe siècle denotre ère, certains relatant, sous forme de uaticina ex euentu,l’histoire récente ou contemporaine, en y mêlant, d’une part,des préoccupations propagandistes et didactiques, d’autre part,des spéculations eschatologiques dont on sait la place qu’ellesoccupaient dans la pensée religieuse de cette époque, d’autresaffirmant l’unicité de Dieu et exhortant le lecteur à renoncer auculte idolâtrique ; et (3) des compositions chrétiennes, tantôtsous forme de brèves interpolations insérées dans des oraclesjuifs et/ou païens, tantôt sous forme de morceaux indépen-dants, plus ou moins longs, consacrés pour l’essentiel auChrist et à son ministère terrestre et dans lesquels les préoc-cupations eschatologiques ne sont jamais éloignées.

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1. Souda, s. v. Sibylla, cité notamment par A. RZACH, col. 2121, etA.-M. DENIS (éd.), Introduction à la littérature religieuse judéo-hellénis-tique, t. II, Turnhout, 2000, p. 947.

2. Voir A.-M. DENIS (éd.), Introduction à la littérature religieuse judéo-hellénistique, t. II, p. 947-948.

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Du point de vue littéraire, les Oracles sibyllins sont le plussouvent rapprochés du genre apocalyptique. Dans cettefamille littéraire, ils ressortissent plus spécialement au groupedes apocalypses historiques qui révèlent les secrets réservésde l’histoire du monde. Mais il ne faudrait pas s’imaginerpour autant que tous les Oracles sibyllins parvenus jusqu’ànous sont apocalyptiques.

LES LIVRES DE LA COLLECTION

Les livres 1-2, 6, 7 et 8.

Dans les manuscrits des Oracula Sibyllina, les deux pre-miers livres de nos éditions ne sont séparés que par une courteintroduction en prose (colophon) et doivent donc être traitéscomme un seul ouvrage. De fait, les manuscrits le font pré-céder de la mention « ἐκ τοῦ πρώτου λόγου », laissant enten-dre que seuls des extraits du livre sont donnés et non latotalité. De plus, les derniers vers du livre 1 et le début dece que les éditions modernes désignent comme livre 2 ne sontséparés que par une brève formule d’introduction. Une cer-taine unité de style et de contenu, de même qu’une continuitéthématique évidente, confirment que ces deux livres consti-tuent en fait un seul écrit. L’essentiel de l’ouvrage relatel’histoire du monde selon le schéma des dix générations, encommençant par la création du monde et de l’homme et ens’achevant avec le récit de la fin du monde et du Jugementdernier. Les sept premières générations de ce schéma pro-viennent, pour une part, de la Genèse et des traditions qui endécoulent, pour une autre, d’une adaptation du mythe desâges de l’humanité, tel que rapporté dans Les Travaux et lesJours d’Hésiode 1. À la septième génération, la Sibylle s’in-terrompt brusquement pour annoncer l’avènement du Christ,l’époque apostolique et la chute de Jérusalem (à partir duv. 324 jusqu’à la fin du premier livre, où toute périodisation del’histoire disparaît). Le livre 2 s’ouvre sur une description deshorreurs du dixième âge, qui culmine dans l’établissement du

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1. Voir J. L. LIGHTFOOT, The Sibylline Oracles, passim (avec biblio-graphie des études antérieures).

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Royaume de Dieu sur terre (2, 27-33). Vient ensuite uneséquence en deux parties décrivant la lutte chrétienne desvertus en vue de récompenses célestes (v. 34-55 + v. 149-153). Entre les deux s’insèrent les sentences du Pseudo-Pho-cylide (v. 56-148), connues également par d’autres sources 1.Le livre 2 se poursuit avec un récit des fins dernières qui n’apas d’équivalent ailleurs dans le corpus. La Sibylle y décrit lechaos eschatologique survenant au cours de la dernière géné-ration (2, 154-195), elle y relate la destruction du monde, larésurrection et le Jugement dernier, de même que le destin despécheurs dans l’au-delà. De nombreux éléments de cettesection s’apparentent à l’Apocalypse de Pierre, mais la ques-tion de savoir si l’auteur des livres 1 et 2 s’en est vraimentinspiré est encore débattue (Richard Baukham et JaneL. Lightfoot en sont convaincus, Olaf Waßmuth en doute).Le livre 2 s’achève par une invocation de la Sibylle (v. 339-347), dont on trouve un parallèle, que d’aucuns jugent anté-rieur 2, à la fin du livre 7.

L’origine juive ou chrétienne de ce double livre est égale-ment débattue parmi les spécialistes, mais la majorité d’entreeux s’accorde pour reconnaître aujourd’hui un substratjuif dans les sections 1, 1-318/323 et 2, 1-33 ; 2, 154-176,et considérer qu’il se compose de deux grandes strates : (1) unpseudépigraphe juif produit en Phrygie au tournant de notreère et (2) une refonte chrétienne de l’ouvrage primitif, faite aucourant du IIe siècle quelque part en Asie Mineure. On ne peutcependant exclure qu’un auteur chrétien soit à l’origine dela composition tout entière 3. Ce qui est certain, c’est que lasection finale du livre 1 (v. 324-400, auxquels on ajoutera lesvers 323a-e provenant de la Théosophie de Tübingen) ne peutêtre l’œuvre que d’un auteur chrétien. Elle traite en effet del’avènement de Jean-Baptiste et du Christ. Il est en revancheplus difficile de déterminer avec exactitude jusqu’où s’étendle travail de remaniement chrétien. Dans son étude des deux

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1. Pour une présentation récente du dossier, voir A.-M. DENIS (éd.),Introduction à la littérature religieuse judéo-hellénistique, t. II, p. 1035-1061.

2. A. KURFESS, «Die Sibylle über sich selbst (Or. Sibyl. 2, 339-345 ; 7,151-162) », Mnemosyne 9, 1941, p. 195-198.

3. C’était le point de vue de C. Alexandre, vol. 2/2, p. 389-401. C’estaussi l’opinion à laquelle tendent J. L. Lightfoot et G. Watley.

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premiers livres de la collection, J. L. Lightfoot propose devoir dans ces deux livres – comme d’autres l’avaient fait avantelle – une forme de réécriture (chrétienne) du livre 3, le plusancien de la collection. Il est indéniable que cet ouvrage aservi de source et de modèle aux autres livres du corpus et quenombre de ses oracles se retrouvent dans les livres 1-2 sousforme de développements ou de réécritures.

La datation de ce double livre est tout aussi disputée queson origine, certains privilégiant le milieu du IIe siècle (Fried-lieb, Collins, Waßmuth), d’autres le IIIe siècle (Alexandre,Geffcken, Harnack) et quelques-uns, même, le Ve siècle denotre ère (Bleek, Goodman, Watley). Je pense pour mapart que la datation du substrat juif de l’ouvrage semblepouvoir osciller entre la seconde moitié du Ier siècle av.J.-C. (après la bataille d’Actium en 31) et 70 de l’ère chré-tienne (destruction du Temple de Jérusalem). Quant au rema-niement chrétien, il semble pouvoir être fixé vers 150 del’ère courante 1.

Le sixième livre des Oracles sibyllins est le seul dontl’origine chrétienne ne fait pas de doute. Avec ses vingt-huit vers, il est aussi le plus court du corpus. Il se présentecomme une hymne au Fils de l’Immortel, sous le nom duquelil n’est pas difficile de reconnaître le Christ, même si ce« titre » n’apparaît nulle part dans le poème. On a parfoisdouté du caractère oraculaire de cette hymne et interrogéson rattachement aux oracles de la Sibylle, mais quelques-uns de ses vers étant cités par Lactance et par lui explicitementattribués à la Sibylle, il n’y a aucune raison de mettre en doutel’identité pseudépigraphique de la voix qui s’y exprime. Deplus, l’hymne fait un recours massif au temps futur de laconjugaison, qui constitue l’une des caractéristiques litté-raires principales du genre oraculaire 2. On pourra donc pro-poser de qualifier ce texte d’hymne oraculaire 3 au Fils de

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1. Pour une étude récente de ce double livre, voir J. L. LIGHTFOOT,O. WAßMUTH, T. BEECH et G. WATLEY. Voir aussi E. SUÁREZ DE LATORRE,p. 334-335.

2. Voir E. REUSS, « Les sibylles chrétiennes », Nouvelle revue de théo-logie 7, 1861, p. 235 ; O. WAßMUTH.

3. Comme le suggérait déjà M. D. USHER, « The Sixth Sibylline Oracleas a Literary Hymn »,Greek, Roman and Byzantine Studies 36, 1995, p. 26.

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l’Immortel. Les vingt-huit hexamètres qui le composent re-latent brièvement les temps forts de la vie céleste et terrestrede Jésus, sans que le nom de celui-ci soit jamais exprimé.Il s’achève par une invocation adressée au bois de la croix.En raison de l’association, qui se lit aux vers 5 et 6, entre lefeu et le baptême, on a souvent taxé cette hymne d’hérétiqueet rapproché sa théologie de celle des ébionites, mais cetteinterprétation s’appuie sur une lecture fautive du fragmentébionite incriminé (cité par ÉPIPHANE, Pan. 30, 13, 7), où iln’est pas question de feu mais d’une grande lumière sur leJourdain. La composition de l’hymne ne peut être postérieureà Lactance, puisque celui-ci en cite plusieurs vers au débutdu IVe siècle dans le quatrième livre de ses Institutions di-vines 1. Les strates les plus anciennes du poème – celles quiont trait à la théologie baptismale par exemple – pourraientremonter au (milieu du) IIe siècle, mais le travail de rédac-tion finale est sans doute plus tardif. L’enracinement géogra-phique de ce texte est difficile à situer avec certitude, mais onpenche généralement pour la Syrie ou le nord de la Palestine.La parenté entre la théologie baptismale de notre hymne etcelle du Roman pseudo-clémentin, dont l’origine syriennesemble avérée, pourrait confirmer cet enracinement géogra-phique 2.

Le septième livre de la collection est plus difficile à carac-tériser. Une transmission textuelle peu fiable et l’absencequasi totale de citations patristiques 3 susceptibles de répondreaux incertitudes rendent sa lecture, de même que sa datation etla détermination de son Sitz im Leben, parfois hasardeuses.Les 162 vers qui le composent se présentent comme unensemble assez hétérogène d’oracles contre les nations etles cités païennes, alternant avec des prophéties à caractère

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1. Ce sont les vers 8a en 13, 21 ; 13-15 en 15, 25 ; et 22-24 en 18, 20.2. Pour une traduction française de ce livre, voir J.-M. ROESSLI, « Les

Oracles sibyllins : Livres 6, 7 et 8 (v. 217-428) », dans P. GEOLTRAIN etJ.-D. KAESTLI (éd.), Écrits apocryphes chrétiens, t. II, Paris, 2005, p. 1057-1060. Pour une étude approfondie, voir M. D. USHER, « The Sixth SibyllineOracle as a Literary Hymn » ; J.-M. ROESSLI, « Le VIe livre des Oraclessibyllins », dans J. PIGEAUD (éd.), Les Sibylles. Actes des VIIIe Entretiens deLa Garenne Lemot (Nantes, 18-20 octobre 2001), Nantes, 2005, p. 203-230.

3. Vers 123 rapporté par LACTANCE, Div. Inst., 7, 16, 13.

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moins politique et plus théologique. À l’exception du premiervers – placé à la fin du sixième livre dans les manuscrits de lafamille Ω –, seules deux des trois familles de manuscrits nousen transmettent le texte (Φ et Ψ). Comme celles-ci ne se sontpas toujours révélées fiables pour les autres livres de la col-lection, on devine qu’une partie des difficultés provient decette médiocre transmission textuelle. Quelques parallèlesavec les livres 1-2, 6 et 8 permettent toutefois de lever cer-taines incertitudes. Ainsi, tel qu’il nous est parvenu, c’est-à-dire de façon incomplète 1, le septième livre des Oraclessibyllins semble dénué de toute organisation déterminée, fai-sant supposer qu’il résulte d’une compilation de fragmentsisolés. L’ensemble est encadré par des imprécations contredes îles (v. 1-6) et une confession de la sibylle (v. 151-162).Dans les parties intermédiaires, des oracles se succèdent sansque la logique les liant entre eux soit parfaitement transpa-rente. On a voulu y voir un signe distinctif du genre oraculairesibyllin, mais ce passage brutal et sans transition d’une idée àune autre (Gedankensprung) pourrait n’être finalement que laconséquence d’une piètre transmission textuelle et non unecaractéristique littéraire en soi. Dans les parties intermédiairesse lit tout d’abord un morceau, visiblement fragmentaire, surle déluge (v. 7-11), qui a son pendant plus complet dans lelivre 1 (v. 183-282), duquel il pourrait donc dépendre, en toutcas sur ce point, à moins que les deux livres ne puisent à unesource commune inconnue 2. Des oracles politiques contre lespeuples et les nations alternent ensuite avec des oracles àcaractère théologique, comme on le voit dans la séquencedes vers 12 à 39, où des imprécations contre la Phrygie, lesÉthiopiens, l’Égypte et Laodicée (v. 12-23) précèdent unevision apocalyptique ou eschatologique (v. 24-39), au texteincertain et obscur. Une nouvelle série d’oracles contre lesnations (v. 40-63) précède une brève évocation du baptêmedans le Jourdain (v. 64-70), quatre vers énigmatiques sur les

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1. Comme l’indiquerait le titre figurant dans les manuscrits, « ἐκ τοῦἑβδόμου λόγου ».

2. Un oracle contre la Phrygie aux vers 12 à 15 rapproche encore lelivre 7 du livre 1 (v. 196-198). Il est peu probable que la dépendance puissese faire dans le sens inverse – soit du livre 1 au livre 7 – (comme lepensaient J. Geffcken et A. Kurfess), car l’épisode du déluge y est tropfragmentaire.

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tours célestes et les mères de Dieu (v. 71-75), des prescrip-tions à caractère rituel (v. 76-84), ainsi que des recommanda-tions de type moral sur l’accueil de l’indigent (v. 85-95). Onretrouve ensuite la litanie habituelle des imprécations contreles nations (v. 96-117), qui prend place avant un tableaubrossant la conflagration des éléments (v. 118-131), desvers sur les faux prophètes (v. 132-138) et une descriptionde la restauration du monde à venir (v. 139-149). Le touts’achève sur la longue confession de la Sibylle (v. 150-162)déjà mentionnée et dont on trouve un parallèle dans le livre 2(v. 339-347). Cet ouvrage est souvent attribué à des cerclesjudéo-chrétiens et placé sous l’influence du gnosticisme, maisles passages incriminés (v. 71-73 et 140 en particulier)contiennent des traits communs à d’autres mouvements chré-tiens et ne sont pas l’exclusivité de ces groupes religieux.L’indice de datation le plus probant se lit aux vers 41 etsuivants, qui pourraient faire allusion à la fondation de ladynastie des Sassanides en 226 de l’ère chrétienne. Maisd’autres oracles pourraient être antérieurs 1.

Le huitième livre de la collection compte 500 hexamètres etpourrait résulter, si l’on se fie à la tradition manuscrite, de laréunion de trois parties distinctes. En effet, si la plupart desmanuscrits des familles Φ et Ψ le contiennent dans sa totalité,il n’en est pas de même de la familleΩ, qui connaît seulementles vers 218 à 4282. Cette différence pourrait expliquer, selonCharles Alexandre et quelques éditeurs ultérieurs, le flotte-ment qui plane sur l’existence des livres 9 et 10, ceux-cipouvant éventuellement correspondre aux deuxième(v. 217-428) et troisième parties (v. 429-500) de l’actuellivre 8, la première étant constituée des vers 1 à 216. Quoiqu’il faille penser de cette hypothèse, cet ouvrage se composeau moins de deux parties nettement distinctes. Les 216 pre-

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1. Pour une traduction française de ce livre, voir J.-M. ROESSLI, « LesOracles sibyllins : Livres 6, 7 et 8 (v. 217-428) », p. 1060-1071. Pour uneétude approfondie, voir J. G. GAGER, « Some Attempts to Label the Ora-cula Sibyllina, Book 7 », Harvard Theological Review 65, 1972, p. 91-97 ;J.-M. ROESSLI, Les Oracles sibyllins : origines païennes et appropriationschrétiennes (Prologue, Livres I, 324-400, VI, VII, VIII, 217-500), Turnhout,CCSA, à paraître.

2. L’absence du vers 217 – premier vers du célèbre acrostiche – nesemble devoir être due qu’à l’inattention du copiste.

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miers vers sont des prophéties à caractère politique, princi-palement dirigées contre l’oppresseur romain (v. 37-49 ; 73-130) et dans lesquelles se retrouve la légende du retour deNéron (Nero redivivus ou Nero rediturus, v. 139 s. ; voir ci-dessous livres 3 et 4). Leur origine est généralement consi-dérée comme juive, mais on peut hésiter sur certains passages(v. 131-138 et 194-216). La seconde moitié du livre (v. 217-500) a une teneur plus spécifiquement théologique. Elle com-mence par le célèbre acrostiche formé des initiales JésusChrist, Fils de Dieu, Sauveur, Croix (ΙΧΘΥΣΣ) v. 217-250), dont les mots figurent comme titre dans deux destrois familles de manuscrits (Φ et Ψ). Ce poème bien connuannonce la parousie du Christ et les signes avant-coureurs duJugement dernier. On en trouve une version à peine différentedans le Discours à l’assemblée des saints de l’empereurConstantin (§ 18), et Augustin en livre, dans la Cité deDieu, XVIII, 23, 1, une traduction latine de 27 vers, amputéedes sept derniers vers 1. Dans le livre 8 des Oracula Sibyllina,cet acrostiche est suivi d’un long poème sur le Christ et sapassion (v. 251-336), qui se prolonge par un tableau desdivers bouleversements accompagnant la fin des temps(v. 337-358) et un discours de Dieu contre l’idolâtrie(v. 359-428). La fin du livre 8 comporte une hymne à la gloirede Dieu (v. 429-455), un poème sur l’Incarnation (v. 456-479)et des exhortations à caractère éthique et rituel (v. 480-500).Cette deuxième partie du livre 8 est manifestement de com-position chrétienne.

Il est intéressant de noter que le papyrus de Berlin 20915,connu aussi sous le titre de Livre copte, contient quelques versdu livre 8, traduits en copte. Ce sont les vers 259 à 268 et 439à 455, qui appartiennent tous à la deuxième partie, chrétienne,de l’ouvrage. Si elle était assurée, la datation de l’original grecdu papyrus pourrait fournir un terminus ad quem, mais elle nefait malheureusement pas l’unanimité parmi les spécialistes,

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1. Voir P. F. BEATRICE, « The Sibylline Oracles », dansA. D. FITZGERALD (éd.), Augustine through the Ages. An Encyclopedia,Grand Rapids, 1999, p. 792-793 ; voir aussi J.-M. ROESSLI, « Augustin, lessibylles et les Oracles sibyllins », dans P.-Y. FUX, J.-M. ROESSLI etO. WERMELINGER (éd.), Augustinus afer. Saint Augustin : Africanité etuniversalité. Actes du colloque international (Alger-Annaba, 1-7 avril2001), Fribourg, 2003, p. 263-286.

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qui hésitent entre le IIe et le IIIe siècle 1. Cela correspond à ladatation envisagée pour le livre 8. Certains indices historiquesincitent en effet à situer la composition de la première partiedu livre 8 vers la fin du IIe siècle de notre ère. Il est en revancheplus difficile de se prononcer sur la datation de la secondepartie de l’ouvrage. Le terminus ad quem est une fois de plusfixé par Lactance, qui le cite abondamment. Geffcken consi-dère que la similitude de style entre les deux parties du livreplaide en faveur d’une composition rapprochée des deuxsections. D’autres pensent au contraire que la seconde partiede l’ouvrage ne peut être antérieure au IIIe siècle 2.

Les livres 3, 4 et 5.

Les autres livres de la collection sont très vraisemblable-ment de composition juive, mais plusieurs d’entre eux ont étépartiellement remaniés ou interpolés par des chrétiens. Leslivres 3, 4 et 5, considérés comme le noyau juif de la collec-tion, sont ceux qui ont donné lieu au plus grand nombred’études. Ils étaient tous trois connus, sous une forme ouune autre, de Clément d’Alexandrie à la fin du IIe siècleou début du IIIe siècle.

De l’avis de la plupart des spécialistes depuis le XIXe siècle,le troisième livre desOracles sibyllins constitue le morceau leplus ancien du corpus. C’est probablement lui qui a servi demodèle aux autres livres de la collection. Avec ses 829 vers, ilest aussi le plus long. Reconnu comme étant de composition

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1. G. SCHENKE ROBINSON, Das Berliner «Koptische Buch » (P 20915).Eine wiederhergestellte frühchristlich-theologische Abhandlung, Louvain,2004, p. 144 ; A. VAN DEN HOEK, «Papyrus Berolinensis 20915 in theContext of other Early Christian Writings from Egypt », dans L. PERRONE(éd.), Origeniana Octava, Louvain, 2002, p. 75-92.

2. Pour une traduction française de la partie chrétienne de ce livre, voirJ.-M. ROESSLI, « Les Oracles sibyllins : Livres 6, 7 et 8 (v. 217-428) »,p. 1071-1083. Pour une étude approfondie, voir J.-M. ROESSLI, « ThePassion Narrative in the Sibylline Oracles », dans T. NICKLAS,A. MERKT et J. VERHEYDEN (éd.), Gelitten – Gestorben – Auferstanden.Passions- und Ostertraditionen im antiken Christentum, Tübingen, MohrSiebeck, 2010, p. 299-327 ; Les Oracles sibyllins : origines païennes etappropriations chrétiennes.

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juive depuis Friedrich Bleek au début du XIXe siècle 1, le livrepeut être décomposé grosso modo comme suit :

1) Proème : v. 1-96 ;2) De l’époque fabuleuse à l’Empire romain : v. 97-294 ;3) Oracles contre les nations : v. 295-488 ;4) Oracles eschatologiques : v. 489-829.Le noyau le plus ancien se compose des vers 97 à 349 et

489 à 829, datés généralement entre 163 et 145 av. J.-C. Lesvers 97 à 104 sont cités comme oracles d’une sibylle juive parAlexandre Polyhistor, actif à Rome dans les années 40-30av. J.-C. Un noyau plus récent serait composé des vers 350 à488, datable vers 37 av. J.-C. (en raison de la présence deMarc Antoine), en tout cas à l’époque de Cléopâtre. D’autrepart, si l’on se fie à la tradition manuscrite et à son contenu, leproème (v. 1-96), qui semble faire double emploi par rapportaux thématiques présentes dans le livre 3, pourrait bien avoirappartenu à un autre livre, peut-être au second, dont il auraitconstitué la conclusion. Il doit manifestement être postérieuraux autres parties de l’ouvrage, la mention des Sebastenoi auvers 63 impliquant qu’Octavianus-Octave ait déjà pris le titred’Auguste, ce qui ne fut fait qu’en 27 av. J.-C. 2. Le milieud’origine du troisième livre ne fait pas davantage l’unanimitéparmi les spécialistes. La majorité d’entre eux privilégienttoutefois l’Égypte, plus spécialement Alexandrie, en raisonde la place prépondérante que celle-ci occupe dans certainesparties de l’ouvrage 3. Cette origine serait confirmée par laparenté thématique et idéologique du troisième livre avecd’autres écrits supposément issus du milieu juif alexandrin,à l’instar du Testament de Salomon, de l’Oracle du Potier oude l’Apocalypse d’Élie. Cette origine a néanmoins été mise endoute, notamment par F.Millar, qui suggérait la Palestine 4, et,

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1. F. BLEEK, «Über die Entstehung und Zusammensetzung der uns in 8Büchern erhaltenen Sammlung Sibyllinischer Orakel ; eine kritische Unter-suchung mit besonderer Rücksicht auf Thorlacius », Theologische Zeits-chrift 1, 1819, p. 202-240.

2. E. Suárez de La Torre (p. 343) va même jusqu’à penser qu’il pourraitêtre postérieur à Néron.

3. Références aux Ptolémées aux vers 192-193, 314-318 et 608-610 ;l’Égypte mentionnée en début et en fin de liste d’empires qui se succèdentaux vers 159-161.

4. F. MILLAR, compte rendu de V. NIKIPROWETZKY, dans JThS 23, 1972,p. 223-224.

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plus récemment, par R. Buitenwerf, qui situe la compositionde l’ouvrage tout entier en Asie Mineure entre 80 et 40 avantJ.-C. 1, comme l’avait envisagé Collins en 1974, mais seule-ment pour les vers 400 à 488, et Bauckham en 1993, pourles vers 350 à 3802.

Composé de 192 vers, le quatrième livre des Oracles sibyl-lins présente une structure cohérente et homogène. Après unepartie introductive (v. 1-48), dans laquelle la Sibylle injecteson venin contre les païens, intervient une section centrale(v. 49-101), jugée plus ancienne 3, dans laquelle prend place lethème de la succession des empires (Assyrie, Médie, Perse,Macédoine), cher à la littérature oraculaire de l’époque hellé-nistique 4. Le livre s’achève (v. 152-192) par l’annonce duJugement dernier et de la résurrection des morts. La prédiction,sous forme de uaticina ex euentu, de l’incendie du Temple deJérusalem en 70 (v. 125-126), du tremblement de terre qui afrappé l’île de Chypre en 71 (v. 129.143-144) et de l’éruptiondu Vésuve (v. 130-136) en 79, ainsi que l’allusion à la légende

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1. R. BUITENWERF, Book III of the Sibylline Oracles and Its SocialSetting, Leyde - Boston, 2003, p. 130-133.

2. R. BAUCKHAM, The Climax of Prophecy : Studies in the Book ofRevelation, Édimbourg, 1993, p. 380. Le troisième livre des Oraclessibyllins est celui qui a suscité le plus grand nombre de commentairesaux XIXe et XXe siècles ; voir R. BUITENWERF (avec bibliographie destravaux antérieurs) et compte rendu critique de J. J. COLLINS, « TheThird Sibyl Revisited » dans E. G. CHAZON, D. SATRAN etR. A. CLEMENTS (éd.), Things Revealed. Studies in Early Jewish andChristian Literature in Honor of Michael E. Stone, Leyde - Boston,2004, p. 3-19, et J. L. LIGHTFOOT, The Sibylline Oracles, passim.

3. J. J. COLLINS, « The Place of the Fourth Sibyl in the Development ofthe Jewish Sibyllina », Journal of Jewish Studies 25, 1974, p. 365-380 ;« The Sibylline Oracles », dans The Old Testament Pseudepigrapha, t. I :Apocalyptic Literature and Testaments, éd. J. H. CHARLESWORTH, Londres,1983, p. 317-472, ici p. 381-383 ; « The Sibylline Oracles », dansM. STONE(éd.), Jewish Writings of the Second Temple Period, Assen - Philadelphie,1984, p. 363-365 estime que le livre 4 est l’adaptation juive d’un noyauprimitif (v. 49-101) remontant à l’époque hellénistique et que, dans saforme finale, Rome a pris la place réservée à la Macédoine dans l’oracleinitial. À cet égard, il est intéressant de noter que Strabon cite à deuxreprises (en 1, 3, 7 et 12, 2, 4) l’oracle des vers 97-98 sur le Pyrame.

4. Sur ce sujet, voir D. FLUSSER, « The Four Empires in the Fourth Sibyland in the Book of Daniel », Israel Oriental Studies 2, 1972, p. 148-175 ;A. MOMIGLIANO, «Daniele e la teoria greca della successione degli impe-rii », dans Settimo Contributo, Rome, 1984, p. 297-304.

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du « retour de Néron » (Nero redivivus ou Nero rediturus, v.137-139), fournissent un terminus post quem autour de 801.Quant aux exhortations à caractère éthique et rituel qui selisent dans la partie eschatologique de l’ouvrage (v. 152-192), elles incitent à rapprocher celui-ci des milieux baptistesactifs dans la vallée du Jourdain au début de notre ère. Long-temps tenu pour un ouvrage de composition chrétienne, plusgrand monde aujourd’hui ne doute de son origine juive. Sateneur religieuse se caractérise par 1) le rejet des temples et dessanctuaires, 2) la condamnation des sacrifices, 3) la croyanceen l’imminence du Jugement dernier, lequel doit être suivi durègne du juste sur la terre, et 4) l’insistance sur la nécessité desablutions rituelles. Il est frappant de noter qu’il ne contientaucune allusion à une figure ou espérance messianique etqu’on ne trouve dans ce livre aucune référence à un templefutur. Plusieurs vers de ce livre sont cités par Clément d’Ale-xandrie, le Pseudo-Justin, Lactance, Jean le Lydien et dans lesConstitutions apostoliques 2.

Le cinquième livre des Oracles sibyllins, composé de531 vers, peut être daté avec sécurité entre 80 et 130 del’ère chrétienne. Le début du livre (v. 1-51) fait effectivementallusion aux empereurs qui se sont succédé à Rome de Césaraux Antonins et dont l’identité est cryptée selon une méthodearithmologique, dans laquelle l’initiale de chaque nom reçoitune valeur numérique précise. Selon Suárez de La Torre, levers 51, qui se rapporte à Marc Aurèle, doit être considérécomme une interpolation ultérieure permettant de fixer lamise en forme finale de ce livre entre 161 et 180. L’absenced’allusion à la deuxième guerre juive incite à considérertoutefois que le cœur de l’ouvrage est antérieur à la révoltede Bar Kokhba (132-135). L’ouvrage se poursuit avec uneautoproclamation de la Sibylle, la prédiction des désastres quidoivent s’abattre sur l’humanité (en particulier sur l’Égypte,v. 54-98 / 179-181, et sur Rome, mentionnée sous le nom de

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1. Sh. A. REDMOND, « The Date of the Fourth Sibylline Oracle », TheSecond Century 7, 1989-1990, p. 129-149 défendait une datation plusbasse, à la fin du IIe siècle de notre ère.

2. Sur le quatrième livre, voir A.-M. DENIS (éd.), Introduction à lalittérature religieuse judéo-hellénistique, t. II, p. 950, 980-982 et 988(avec bibliographie des travaux antérieurs).

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Babylone, v. 155-178 ; voir Ap 8, 10 ; 9, 1 et 18, 7) etl’annonce du retour de Néron (v. 139-154), déjà rencontréedans le livre précédent. Vient ensuite une prophétie sur l’An-tichrist (v. 214-245) – combinée au thème du retour de Néron(v. 215-224) – et sur le rôle des Juifs comme peuple élu(v. 249-285). La Sibylle prononce ensuite des oracles contreles nations, des prophéties eschatologiques et la condamna-tion des cultes païens, tout spécialement du culte d’Isis. Lelivre s’achève en apothéose par la description d’une guerredes étoiles et de la destruction des éléments du Zodiaque(v. 512-531). La place prépondérante de l’Égypte et le rôleparticulier assigné aux cultes isiaques incitent à situer lacomposition de cet ouvrage à Alexandrie et à voir en sonauteur un Juif antichrétien 1.

Les quatre derniers livres de la collection.

À la différence des huit premiers livres, dont le contenu varieconsidérablement de l’un à l’autre, les quatre derniers livres dela collection, édités au XIXe siècle seulement, présentent unecertaine homogénéité et forment pour ainsi dire une petitecollection en soi, dans lamesure où les préoccupations éthiqueset eschatologiques cèdent la place à des oracles historico-poli-tiques mettant en scène la succession des dynasties et desempereurs romains, probablement à des fins de propagande.Ces oracles empruntent peut-être à des traditions populairesrépandues dans les provinces orientales de l’empire. Si l’onexcepte quelques brefs passages d’origine chrétienne, ils n’ontrien qui puisse les identifier avec certitude comme juifs ouchrétiens, mais on incline généralement à leur supposer uneorigine juive 2, voire païenne pour le livre 13. Aucun auteurancien ne les cite et le préfacier de la première collection (A=ΦetΨ) ne semble pas les avoir connus. Mais cela n’implique pasnécessairement qu’ils lui fussent tous postérieurs.

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1. Voir V. NIKIPROWETZKY, « Réflexions sur quelques problèmes duquatrième et du cinquième livre des Oracles sibyllins » ; CAPELLI,p. 487-535 ; A.-M. DENIS (éd.), Introduction à la littérature religieusejudéo-hellénistique, t. II, p. 951, 982-983 et 988-991.

2. A. KURFESS, «Ad Oracula Sibyllina XI (IX) – XIV (XII) nichtchristlich, sondern jüdisch », Zeitschrift für Religions- und Geistesge-schichte 7, 1955, p. 270-272.

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De structure équilibrée, le livre 11 des Oracula Sibyllinasemble être l’œuvre d’un auteur cultivé et épris d’idéologieaugustéenne. Le livre comporte deux sections consacrées àRome, la seconde de caractère encomiastique (v. 109-171 et261-314). La datation de l’ouvrage ne fait pas l’unanimité, lesuns estimant qu’il remonte au Ier siècle de notre ère, les autrespensant que les vers 144 à 162 plaident en faveur d’unerédaction plus tardive, au début du IIe siècle. Geffcken etRzach allaient même jusqu’à situer la composition de celivre après 226 1. Suárez de La Torre estime que les verssusceptibles de cette datation plus tardive (v. 160-161) pour-raient avoir été interpolés et que le livre lui-même doit avoirété composé au Ier siècle déjà. Il n’est pas facile de trancher, carles allusions à des événements historiques indiscutables fontdéfaut. L’auteur semble avoir été un juif alexandrin hostile àl’Égypte, lecteur d’Homère, Lycophron et Virgile (évoqué auv. 171), et informé des collections oraculaires attribuées à laSibylle érythréenne. Pour le reste, l’ouvrage contient l’énu-mération habituelle des empires et opère un chassé-croiséentre l’histoire biblique (la tour de Babel), la guerre deTroie et l’histoire hellénistique et romaine. Le livre s’achèvesur une prière, dans laquelle la Sibylle implore Dieu de luiaccorder un répit dans son activité prophétique (v. 315-325) 2.

Le douzième livre des Oracles sibyllins inaugure la sériedes livres consacrés à la « chronique » impériale et se présente,tout au moins en son début, comme une imitation du livre 5,puisqu’il offre une brève histoire des empereurs romains,depuis le principat d’Auguste jusqu’à Sévère Alexandre(v. 1-288), dont les noms sont indiqués par la valeur numé-rique de leurs initiales. On note toutefois quelques inexactitu-des dans ce tableau historique, dans lequel Caligula est ditavoir été mis à mort à la suite d’une émeute provoquée parl’exécution d’une vestale vierge et Vespasien assassiné. L’ora-cle s’achève par l’annonce de catastrophes imminentes et la

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1. J. GEFFCKEN, p. 66 ; A. RZACH, col. 2155.2. H. DECHENT, Über das 1., 2. und 11. Buch der Sibyllinischen Weis-

sagungen, Francfort-sur-le-Main, 1873, p. 49-88 ; « Charakter undGeschichte der altchristlichen Sibyllenschriften », Zeitschrift für Kirchen-geschichte 2, 1878, p. 485-487 ; J. GEFFCKEN, p. 64-66 ; A. RZACH,col. 2152-2155.

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demande par la Sibylle d’une pause dans son activité prophé-tique. D’origine sans doute juive, ce livre comporte quelquestraces d’interpolations chrétiennes (v. 30-34 et 232 sur l’in-carnation du Christ et v. 196 sq. sur la légion foudroyante). Ilpeut être daté sans gros problème entre la fin du IIe siècle et ledébut du IIIe siècle, le règne du dernier empereur mentionné– Sévère Alexandre (222-235 ap. J.-C.) – pouvant constituerun terminus post quem. Le lieu de composition est difficile àidentifier ; on hésite généralement entre l’Égypte et la Syrie. Ilest probable que ce livre ne se détachait pas du suivant 1.

Le livre 13 est sans doute la suite du précédent et devrait doncdater des dernières années de la vie deGallien (267-268). DavidPotter 2, qui en a fait l’étude la plus approfondie, a identifié deuxauteurs et attribué au second la composition des dix-neuf der-niers vers, d’origine syriaque, de l’ouvrage, comme le démontrel’admiration pour Odénat de Palmyre. Le livre commence parun prologue de la Sibylle et se poursuit avec l’histoire desempereurs romains depuis Sévère Alexandre (jusqu’à Tacite,c. 275 ?), selon une séquence moins bien agencée que dans lelivre précédent. Le chant de la Sibylle s’achève par la demandetraditionnelle d’un répit dans son activité prophétique.

En raison de l’obscurité des allusions historiques qu’ilcontient, le livre 14 est des plus difficiles à dater et à inter-préter. On peut néanmoins y distinguer deux grandes sections :une première, qui s’étend jusqu’au vers 283, dans laquelle sonténumérés des empereurs qu’il est difficile de rattacher à desépisodes connus et avérés de l’histoire, et une seconde partie,consacrée à Alexandrie et au peuple juif. Tout se passe commesi l’on avait affaire à une compilation d’oracles d’originesdiverses. La datation la plus probable est la conquête arabed’Alexandrie, survenue en 646, même si l’auteur fait mani-festement usage de matériaux plus anciens 3.

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1. Voir D. S. POTTER, Prophecy and History in the Crisis of the RomanEmpire, p. 141-157 ; E. SUÁREZ DE LA TORRE, « Oráculos sibilinos »,p. 352-363.

2. Dans l’ouvrage cité à la note précédente.3. Cet ouvrage n’a pas fait l’objet d’étude récente ; il faut donc se référer

aux articles, déjà anciens, de H. EWALD, «Über den geschichtlichen Sinn desXIVten Sibyllischen Buches », Abhandlungen der königlichen Gesellschaft

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LES «ORACLES SIBYLLINS»CHEZ LES APOLOGISTES ET LES PÈRES DE L’ÉGLISE

Si la collection même des Oracles sibyllins nous est connueseulement par des manuscrits tardifs et de transmission parfoismédiocre, les auteurs chrétiens des premiers siècles confir-ment, quant à eux, l’existence d’oracles transmis sous lenom de la Sibylle au cours des premiers siècles de l’ère chré-tienne et fournissent des témoignages aussi importants queprécieux pour l’établissement du texte. Comme par ailleursun grand nombre des Oracles qu’ils citent se retrouvent, avecdes variantes plus oumoins significatives selon les cas, dans lesmanuscrits d’époque byzantine, c’est la garantie que ceux-ci nesont pas, comme on l’a cru parfois, des forgeries de l’époquemoderne ou prémoderne, mais des témoins authentiques d’unetransmission séculaire. D’autre part, comme certains auteurschrétiens, à l’instar de Théophile d’Antioche par exemple,citent desOracles que l’on ne retrouve pas dans les manuscritsd’époque byzantine, c’est le signe que ces derniers n’ontconservé qu’une partie des Oracles qui étaient en circulationau cours des premiers siècles de l’ère chrétienne.

Les apologistes et Pères de l’Église ont fait un abondantusage des Oracles sibyllins dans leurs œuvres. Les chiffressuffisent à le démontrer. On dénombre en effet près de huitcents vers attribués à la Sibylle dans vingt-deux écrits patris-tiques. Lactance est indéniablement celui qui en fait l’usage leplus massif. Il cite la Sibylle ou y fait référence au moinscinquante et une fois dans sesœuvres. Quarante-quatre de cesemplois se lisent en grec dans les seules Institutions divines,alors que certains oracles sont traduits en latin dans l’Épitomé,œuvres dont la composition est à situer au début du IVe siècle.La Théosophie de Tübingen, à la fin du Ve siècle ou au débutdu VIe siècle, s’en inspirera largement 1.

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