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Mise au point Les paralysies du plexus brachial de l’adulte par lésions radiculaires, conception générale, orientations thérapeutiques et résultats Brachial plexus palsy in the adult: a systematic approach to root lesions C. Oberlin Service d’orthopédie et de traumatologie, hôpital Bichat, 46, rue Henri-Huchard, 75877 Paris cedex 18, France Résumé Dans les paralysies traumatiques du plexus brachial de l’adulte, les réparations précoces font appel à la chirurgie nerveuse en associant le plus grand nombre de réparations possibles, par greffes et transferts nerveux. Dans les paralysies totales, les réparations à partir d’un moignon de racine plexique s’ajoutent aux transferts de nerfs intercostaux, d’une partie de la racine C7 controlatérale, et du nerf spinal accessoire distal, permettant trois fois sur quatre d’obtenir une flexion du coude, une extension du coude, une fois sur deux une abduction ou une rotation externe de l’épaule. Dans les paralysies plexiques supérieures, le transfert ulnaire–biceps est utilisé dans tous les cas. Les autres réparations ou transferts sont branchés sur l’épaule. Dans la paralysie C5 C6 C7, l’extension des doigts et du poignet est confiée à des transferts tendineux. Dans les paralysies anciennes, la flexion et l’extension du coude sont traitées par transferts musculaires libres (grand-dorsal ou gracilis) réinnervés par les nerfs intercostaux ou le nerf spinal accessoire prolongé d’une greffe. La chirurgie secondaire est régulièrement nécessaire, dès lors que le patient a récupéré une flexion du coude : pour l’épaule, dérotation humérale ou arthrodèse, pour la main arthrodèse esthétique du poignet en pronation, ou transferts tendineux en cas de récupération musculaire. Pour la main plexique, souvent pauvre, est développée une grille fonctionnelle hiérarchique qui facilite la pose des indications opératoires. © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract In post-traumatic brachial plexus lesions in adults, early repair will necessitate a variety of nerve grafting and nerve transfer procedures. In complete palsies, a graft is performed from a radicular stump, using intercostal nerve transfers, partial cross C7 transfer, and the distal spinal accessory nerve. This will provide elbow flexion and extension in 75% of cases, and shoulder abduction or rotation in 50% of cases. In the upper type palsies, ulnar-biceps transfer is the standard procedure. Grafting from a ruptured cervical root, when available, is performed to reanimate the shoulder. In C5 C6 and C7 palsies, extension of the wrist and fingers is provided by tendon transfers. In chronic palsies, elbow flexion and extension loss is treated by means of free muscle transfers, (latissimus dorsi or gracilis) combined with nerve transfers (intercostals or spinal accessory). Secondary procedures are routinely necessary following recovery of elbow flexion. For the shoulder–humeral shaft osteotomy or fusion, for the hand-cosmetic fusion of the wrist and distal radio–ulnar joint in the prone position, or palliative treatment in case of partial recovery. For such weak “plexic hands”, we have developed a specific hierarchical functional scale, useful for surgical decisions. © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Plexus brachial ; Greffe nerveuse ; Transfert nerveux ; Transfert tendineux Keywords: Brachial plexus; Nerve graft; Nerve transfer; Tendon transfer 1. Introduction Secondaires dans la très grande majorité des cas à des accidents de moto, les paralysies du plexus brachial de l’adulte correspondent le plus souvent à des lésions radicu- laires, ou sus-claviculaires. Leur mécanisme est un abaisse- ment brutal du moignon de l’épaule, entraînant une traction dans l’axe des racines, source de rupture dans la région scalénique ou d’arrachement médullaire (« avulsion »). Ces lésions hautes seront les seules envisagées ici. Elles représen- Adresse e-mail : [email protected] (C. Oberlin). Chirurgie de la main 22 (2003) 273–284 www.elsevier.com/locate/chimai © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.main.2003.09.008

Les paralysies du plexus brachial de l’adulte par lésions

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Page 1: Les paralysies du plexus brachial de l’adulte par lésions

Mise au point

Les paralysies du plexus brachial de l’adulte par lésions radiculaires,conception générale, orientations thérapeutiques et résultats

Brachial plexus palsy in the adult: a systematic approach to root lesions

C. Oberlin

Service d’orthopédie et de traumatologie, hôpital Bichat, 46, rue Henri-Huchard, 75877 Paris cedex 18, France

Résumé

Dans les paralysies traumatiques du plexus brachial de l’adulte, les réparations précoces font appel à la chirurgie nerveuse en associant leplus grand nombre de réparations possibles, par greffes et transferts nerveux. Dans les paralysies totales, les réparations à partir d’un moignonde racine plexique s’ajoutent aux transferts de nerfs intercostaux, d’une partie de la racine C7 controlatérale, et du nerf spinal accessoire distal,permettant trois fois sur quatre d’obtenir une flexion du coude, une extension du coude, une fois sur deux une abduction ou une rotation externede l’épaule. Dans les paralysies plexiques supérieures, le transfert ulnaire–biceps est utilisé dans tous les cas. Les autres réparations outransferts sont branchés sur l’épaule. Dans la paralysie C5 C6 C7, l’extension des doigts et du poignet est confiée à des transferts tendineux.Dans les paralysies anciennes, la flexion et l’extension du coude sont traitées par transferts musculaires libres (grand-dorsal ou gracilis)réinnervés par les nerfs intercostaux ou le nerf spinal accessoire prolongé d’une greffe. La chirurgie secondaire est régulièrement nécessaire,dès lors que le patient a récupéré une flexion du coude : pour l’épaule, dérotation humérale ou arthrodèse, pour la main arthrodèse esthétiquedu poignet en pronation, ou transferts tendineux en cas de récupération musculaire. Pour la main plexique, souvent pauvre, est développée unegrille fonctionnelle hiérarchique qui facilite la pose des indications opératoires.

© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract

In post-traumatic brachial plexus lesions in adults, early repair will necessitate a variety of nerve grafting and nerve transfer procedures. Incomplete palsies, a graft is performed from a radicular stump, using intercostal nerve transfers, partial cross C7 transfer, and the distal spinalaccessory nerve. This will provide elbow flexion and extension in 75% of cases, and shoulder abduction or rotation in 50% of cases. In theupper type palsies, ulnar-biceps transfer is the standard procedure. Grafting from a ruptured cervical root, when available, is performed toreanimate the shoulder. In C5 C6 and C7 palsies, extension of the wrist and fingers is provided by tendon transfers. In chronic palsies, elbowflexion and extension loss is treated by means of free muscle transfers, (latissimus dorsi or gracilis) combined with nerve transfers (intercostalsor spinal accessory). Secondary procedures are routinely necessary following recovery of elbow flexion. For the shoulder–humeral shaftosteotomy or fusion, for the hand-cosmetic fusion of the wrist and distal radio–ulnar joint in the prone position, or palliative treatment in caseof partial recovery. For such weak “plexic hands”, we have developed a specific hierarchical functional scale, useful for surgical decisions.

© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Plexus brachial ; Greffe nerveuse ; Transfert nerveux ; Transfert tendineux

Keywords: Brachial plexus; Nerve graft; Nerve transfer; Tendon transfer

1. Introduction

Secondaires dans la très grande majorité des cas à desaccidents de moto, les paralysies du plexus brachial de

l’adulte correspondent le plus souvent à des lésions radicu-laires, ou sus-claviculaires. Leur mécanisme est un abaisse-ment brutal du moignon de l’épaule, entraînant une tractiondans l’axe des racines, source de rupture dans la régionscalénique ou d’arrachement médullaire (« avulsion »). Ceslésions hautes seront les seules envisagées ici. Elles représen-Adresse e-mail : [email protected] (C. Oberlin).

Chirurgie de la main 22 (2003) 273–284

www.elsevier.com/locate/chimai

© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.main.2003.09.008

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tent la très grande majorité des paralysies du plexus brachialde l’adulte. Les lésions tronculaires, les lésions directes pararme à feu, les lésions par traumatisme obstétrical, consti-tuent des sujets différents dont nous ne parlerons pas.

Nous traiterons ici dans un premier temps des réparationsprécoces, en séparant les paralysies totales des paralysiespartielles. Puis seront envisagées les réparations tardives,qu’elles soient réalisées après échec ou en complément d’uneréparation primaire.

Globalement si, le pronostic fonctionnel des lésions par-tielles ou totales est radicalement différent, l’importanced’une récupération, même minime, est telle que la chirurgiedoit être envisagée dans pratiquement tous les cas.

2. Les réparations précoces

2.1. Réparation précoce en cas de paralysie totale parlésion radiculaire

2.1.1. Conception généraleL’examen clinique constate la paralysie totale. Il doit

ensuite rechercher des signes de gravité, qui permettent depréciser d’emblée au patient et à son entourage le pronosticglobal :

• un syndrome de Claude-Bernard-Horner signant uneatteinte du sympathique cervical, et, dans le cas particu-lier, une avulsion médullaire des racines C8 et T1 ;

• une paralysie diaphragmatique, traduisant une atteintede C4, souvent associée à une avulsion médullaire to-tale.

La recherche du pouls radial est systématique. Celui-cin’est pas trouvé dans près de 40 % des cas, signant une lésionhaute de l’axe axillo-sub-clavier, en règle sans ischémie dumembre supérieur. Seuls les traumatismes avec impaction dumoignon de l’épaule et hématome gravissime imposent unabord vasculaire en urgence et le rétablissement de la conti-nuité artérielle et veineuse si nécessaire. Une réparation ana-tomique est en règle préférable, utilisant une greffe veineuseautologue. Les pontages extrafocaux gênent la chirurgie se-condaire, et se thrombosent souvent. Quant aux greffes arti-ficielles, elles rendent également la chirurgie secondaire dif-ficile.

L’examen préopératoire doit également rechercher deslésions osseuses fréquemment associées au niveau du mem-bre supérieur : une fracture de la clavicule ou de l’omoplate,parfois dans le cadre d’une impaction de l’épaule, une frac-ture de la diaphyse humérale. Celle-ci n’est pas rare, et doitêtre le plus souvent ostéosynthésée. Cette synthèse évitera lapseudarthrose, fréquente sur des membres paralytiques. Ellepermettra surtout d’éviter une immobilisation, et d’intervenirprécocement sur les nerfs. Enfin, la synthèse d’une fracturede la diaphyse humérale doit être impérativement menée parune voie externe, à l’aide d’une plaque vissée, pour troisraisons :

• l’exploration du nerf radial est utile, l’un des gestes de lachirurgie nerveuse pouvant consister à tenter de réinner-ver le tronc radio-axillaire ;

• il s’agit de membre paralytique, et les ostéosynthèsestant passées par l’épaule que les broches introduites prèsdu coude, sont très volontiers enraidissantes ;

• enfin, il faut absolument éviter un cal vicieux en rotationinterne, particulièrement préjudiciable chez un patientqui aura du mal à récupérer une rotation externe activede l’épaule.

À l’issue de ce premier examen, l’essentiel du pronosticest connu et doit être expliqué au patient et à son entourage.Une date opératoire, aussi précoce que possible, est fixée.

Il est inutile de faire un électromyogramme pendant lestrois premières semaines suivant la lésion nerveuse, carcelui-ci n’est pas contributif. De toute façon, l’absence derécupération débutante après trois semaines, signe des lé-sions graves : des ruptures ou avulsions radiculaires sontcertaines, et un bilan iconographique est nécessaire.

Il s’agit en règle d’une myélographie couplée à un scan-ner. Celle-ci permet, par l’existence de méningocèles, demettre en évidence les niveaux d’avulsion médullaire évi-dents. L’absence de visualisation des radicelles antérieuresou postérieures a la même signification. Les coupes scannersont particulièrement utiles aux niveaux où il n’existe pas deméningocèle, afin de juger de l’état des radicelles. L’exis-tence de radicelles visibles et normales à un niveau donné netraduit bien entendu qu’une continuité au niveau radiculomé-dullaire, et ne présume pas d’une éventuelle rupture dans letrou de conjugaison ou la région scalénique.

Les IRM de dernière génération fournissent les mêmesimages sans les risques de la myélographie.

L’utilisation de potentiels évoqués somesthésiques en pré-opératoire a été abandonnée par toutes les équipes, du fait deson manque de fiabilité.

Au terme de ce bilan, devant une paralysie radiculairetotale, on différenciera ainsi les patients chez lesquels peu-vent être potentiellement réparées par greffe zéro, une, deuxvoire exceptionnellement trois racines. D’une façon géné-rale, lorsqu’après myélographie, deux racines apparaissentsatisfaisantes, une seule est réparable par greffe ; et, malheu-reusement, lorsqu’une racine apparaît greffable, l’explora-tion opératoire montre qu’il n’y en a souvent aucune. Eneffet, la racine peut parfaitement être rompue au niveau dutrou de conjugaison, tandis que les deux groupes radicellairesantérieur et postérieur apparaissent intacts sur les coupesscannographiques. Ce n’est réellement que lorsque deuxétages apparaissent bons au niveau radiculomédullaire qu’unmoignon radiculaire sera suffisamment long dans la régionscalénique pour être certainement greffable en zone suffi-samment saine.

2.1.2. Orientations thérapeutiquesLorsqu’aucune racine n’est greffable, il faut alors faire

appel à des transferts nerveux ou neurotisations extra-anatomiques (Fig. 1).

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Le nerf spinal accessoire [1,2,6,14] dans sa portion bassesus-claviculaire, au-delà des premières branches destinées autrapèze supérieur, fournit environ 1700 à 2000 fibres myéli-nisées. Ce nerf est branché sur le nerf musculocutané parl’intermédiaire d’une greffe surale d’une dizaine de centimè-tres.

Les nerfs intercostaux [5,8,18–22] peuvent être utilisés,en règle les 3e, 4e et 5e nerfs intercostaux, abordés par unelongue incision sous-pectorale. Les nerfs sont abordés parvoie sous-périostée [5], c’est-à-dire après rugination des cô-tes (Fig. 2). Cela permet un abord de l’espace intercostal parsa face profonde, par simple incision du périoste décollé, etévite ainsi la fastidieuse et hémorragique section des musclesintercostaux. On peut s’aider d’un neurostimulateur. La dis-

section prolongée des nerfs jusqu’aux cartilages costaux,donne suffisament de longueur pour pouvoir faire une suturedirecte de trois nerfs intercostaux au nerf musculocutané, ouà la branche du nerf radial destinée au muscle long triceps.

D’autres nerfs peuvent être utilisés, pour rétablir la flexiondu coude : certaines branches destinées au muscle serratus(grand-dentelé) peuvent être identifiées dans la région cervi-cale à l’aide d’un stimulateur. D’autres branches musculairesprovenant du plexus cervical profond et de C3 C4 peuventconstituer également des nerfs donneurs d’axone.

Enfin, une partie de la racine C7 controlatérale peut êtreutilisée [9,12,13,25,29] sans provoquer de déficit sur le mem-bre donneur. L’un des problèmes posés dans cette éventua-

Fig. 1. Exemples de transferts nerveux dans les paralysies du plexus brachial.a : partie terminale du nerf spinal accessoire sur le nerf suprascapulaireb : fascicules moteurs de la racine C7 controlatéralec : nerfs intercostaux suturés directement au nerf musculocutané ou au nerf du long triceps.

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lité, est celui de la longueur des greffes nécessaires, eu égardaux sites de greffons utilisables. Deux options sont possi-bles :

• utiliser un nerf ulnaire vascularisé pédiculé pour neuro-tiser C7 controlatérale, les autres greffons étant utiliséspour les greffes conventionnelles du côté de la lésion ;

• faire les greffes du côté lésionnel avec un nerf ulnairevascularisé pédiculé, et utiliser les deux nerfs surauxpour la neurotisation à partir de C7 controlatérale.

En cas de paralysie avec avulsion complète, ces différen-tes neurotisations peuvent être associées afin d’essayerd’améliorer encore le taux de succès sur la flexion du coude,et de rétablir d’autres fonctions.

Lorsqu’une racine est greffable : une réparation par greffeest faite avec deux possibilités.

Si la recoupe radiculaire apparaît bonne, chez un sujetjeune, on peut espérer obtenir en plus de la flexion du coudeune pince latérothoracique. La greffe est alors branchée sur lecontingent antérieur du premier tronc primaire, en amont del’anse des pectoraux repérées.

À l’inverse, s’il s’agit d’un sujet de plus de 40 ans, ou si laqualité de la recoupe proximale n’apparaît pas très satisfai-sante, tout doit être branché sur le nerf musculocutané afind’essayer de rétablir en premier la flexion du coude. Dans cesdeux premiers cas de figure, le nerf spinal peut être branchésur le nerf suprascapulaire pour essayer de redonner abduc-tion et rotation externe à l’épaule. Il faut néanmoins signaler,malgré la qualité du nerf donneur, la fréquence des échecs

(près de 50 %) correspondant vraisemblablement à des lé-sions à un 2e niveau du nerf suprascapulaire, dans l’échan-crure coracoïdienne ou au-delà.

Lorsque deux racines sont greffables : la racine de moinsbonne qualité est branchée en règle sur le contingent posté-rieur du premier tronc primaire afin d’essayer de redonner,outre un triceps, une extension du poignet, voire des doigts.Cela aboutit néanmoins parfois à des cocontractions desmuscles biceps et triceps, nécessitant secondairement untransfert du triceps brachial sur le biceps. Mais la survenue deces cocontractions n’est pas inévitable et, si la force de laflexion du coude est bonne, une séparation des commandesest parfaitement possible.

Bien d’autres possibilités sont en fait offertes lorsque deuxracines sont greffables : essayer de redonner une meilleuremotricité à la main, en greffant le contingent interne du nerfmédian, améliorer la stabilisation proximale du membre engreffant le nerf axillaire etc. On peut également ajouter desneurotisations, notamment par les intercostaux, à des greffesanatomiques. Et l’on s’oriente donc vers des réparationsmultiples, réalisées au mieux par plusieurs équipes chirurgi-cales travaillant simultanément.

2.1.3. Résultats

Nous n’envisagerons que les résultats des réparations àpartir de C5, ainsi que ceux des transferts nerveux que nousestimons raisonnables de proposer. Les transferts du nerfphrénique [11] ou du nerf hypoglosse [27] ne seront pasdiscutés : il s’agit de sections complètes de nerfs terminaux,et les séquelles de prélèvement prévisibles nous apparaissenttrop importantes [31].

2.1.3.1. Résultats des greffes à partir d’un moignon de ra-cine C5. Dans notre dernière revue [4], les greffes de C5 surle nerf musculocutané ont toujours (7/7) donné une flexiondu coude contre pesanteur, ou grade 4. En revanche, lorsquele branchement a été fait sur la partie antérieure du premiertronc primaire, le taux a chuté à 63 % (10/16). La qualité de larecoupe proximale n’était donc pas telle que l’on pouvaitdans tous les cas ajouter à la restauration de la flexion ducoude un autre objectif.

2.1.3.2. Résultats des transferts du nerf spinal accessoire.Ce transfert est entré dans la pratique courante depuis sadescription en 1972 par Kotani [14], et son introduction enFrance par Allieu [1,2].

Dans notre dernière revue [4], le transfert du nerf spinalaccessoire sur le nerf musculocutané, par l’intermédiaired’une greffe a donné 75 % (9 sur 12) de flexions du coudegrade 3 ou 4. Birch [7] a obtenu les mêmes résultats (9/11).Pour Samardzic [26], le transfert du nerf spinal accessoire adonné 63 % de bons résultats en cas de branchement sur lenerf musculocutané et 75 % en cas de branchement sur ledeltoïde.

Fig. 2. Technique de prélèvement sous-périosté des nerfs intercostaux (des-sin de H. Asfazadourian).Le périoste est incisé sur toute la longueur de la côte. La face profonde de lacôte est ensuite ruginée jusqu’au bord supérieur sur toute son étendue. Onincise ensuite, au bistouri léger le périoste par sa face profonde. On pénètreainsi dans l’espace intercostal sans effraction musculaire, et donc sanshémorragie. Le nerf est soulevé et manipulé exclusivement par l’intermé-diaire d’un lac en silicone.

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Songcharoen [28], auteur thaïlandais dont l’expérience estconsidérable, sur 216 greffes du nerf spinal accessoire sur lenerf musculocutané, a obtenu, lui-aussi, 75 % de résultatssatisfaisants. De plus, Songcharoen a noté très précisémentl’effet péjoratif de l’allongement du délai préopératoire : lesmauvais résultats passent de 25 à 62 % lorsque la chirurgieest effectuée au-delà de neuf mois après l’accident.

2.1.3.3. Résultats des transferts des nerfs intercostaux. Cesnerfs ont été transférés depuis 1934 (Chiasserini) pour es-sayer de mobiliser les paraplégiques, et depuis 1963 (Seddonet Yeoman) dans les paralysies du plexus brachial.

Birch a obtenu 24 bons résultats sur 63 cas de transfertssur le nerf musculocutané ou le tronc latéral [7]. Ses résultatssur le nerf du long triceps semblent meilleurs (4/11).

Le transfert de nerfs intercostaux a donné 50 % de flexionsdu coude pour Samardzic [26], lorsque les nerfs étaientbranchés sur le nerf musculocutané. Pour cet auteur, le résul-tat sur le deltoïde était meilleur (63 %). On voit en tout casque, pour cet auteur, le transfert du nerf spinal accessoire esttoujours apparu significativement supérieur à celui des nerfsintercostaux.

Pour notre part, le transfert des nerfs intercostaux estsurtout réservé à la réanimation du long triceps, pour plu-sieurs raisons : nous préférons utiliser un transfert plus fiable,lorsqu’il existe, pour la flexion du coude. La situation anato-mique du nerf du long triceps permet une suture directe aiséeaux nerfs intercostaux, alors que la suture au nerf musculo-cutané est incongruente, avec, en outre, le risque de placer lestransferts sur des fascicules sensitifs. La récupération d’untriceps actif est loin d’être inutile. Enfin, en cas de récupéra-tion insuffisante de la flexion du coude, le recours à untransfert du triceps de récupération reste éventuellement pos-sible, à titre de rattrapage.

2.1.3.4. Résultats des transferts de la racine C7 controlaté-rale. Cette technique a été initiée par Gu Yu Dong. Sa pre-mière expérience a été rapportée en 1992 (49 cas), puis uneplus large série (82 cas en 1998). Parmi les autres auteurs dela littérature, seul Chuang [9] et Sungpet [30] ont présentédes séries importantes.

La littérature s’intéresse surtout à l’éventuel déficit auniveau du site donneur [9,25,30], très peu aux résultats [12].

En particulier Gu, malgré un grand nombre de cas opérés,ne rapporte malheureusement les résultats que sur 20 cas.Dans sa série, il a utilisé 18 fois une greffe vascularisée par lenerf ulnaire, avec une technique de greffe en deux temps, lasuture distale étant effectuée huit à 20 mois après la première.Le branchement distal a été fait six fois sur le nerf musculo-cutané (4 succès), huit fois sur le nerf médian (5 succès),quatre fois sur le nerf radial (2 succès), deux fois sur le nerfthoracodorsal (1 succès). Au total, cet auteur ne rapporte que12 résultats satisfaisants sur 20 cas. Nous ne discuterons pascomplètement ici cette série. Disons toutefois que l’absencede sélection de fascicules moteurs en proximal, l’utilisationde greffes vascularisées, de fort calibre, en deux temps,

constitue peut-être une série de facteurs techniques péjora-tifs. Comment, autrement, expliquer des résultats pauvresavec une racine saine, de gros calibre, prélevée en totalité ?

Série personnelle. Entre 1998 et 2001, 20 patients ont étéopérés pour une atteinte complète du plexus brachial et onteu entre autres une neurotisation par la racine C7controlatérale.

Pour les 16 patients qui avaient une avulsion de toutes lesracines, la racine C7 controlatérale (n = 16) a été utilisée septfois pour la neurotisation du nerf musculocutané (Fig. 3),cinq fois pour le tronc latéral, deux fois pour le contingentmédial du nerf médian, une fois pour le contingent latéral dunerf médian, une fois pour le tronc médial en amont du nerfpectoral inférieur.

Au recul de plus de deux ans (10 cas), la neurotisation parC7 controlatéral a donné au niveau des muscles réanimés unecontraction à quatre chez cinq patients, à trois chez deuxpatients, à deux chez trois patients. Nous n’avons enregistréaucun échec total.

2.2. Paralysie partielle par lésion radiculaire

2.2.1. Paralysie C5 C6

2.2.1.1. Conception générale. Seule l’épaule et la flexion ducoude sont paralytiques. Pour atteindre le premier objectif,qui est la flexion du coude, de très nombreux moyens sontthéoriquement à disposition. On peut faire appel à des trans-ferts tendineux [3], comme le petit pectoral selon Pol LeCœur, ou un transfert proximal des muscles épicondyliensmédiaux selon Steindler.

Une réparation nerveuse anatomique peut parfois êtrefaite, à partir d’un moignon de racine C5 qui est greffé sur lapartie antérieure du premier tronc primaire. On peut aussi,plus simplement, transférer un fascicule moteur du nerf ul-naire sur le nerf du muscle biceps [10,15–17,23,24,29](Fig. 4).

2.2.1.2. Orientations thérapeutiques. Après bilan myélos-canner, une racine peut apparaître greffable, et, si l’explora-tion chirurgicale le confirme, une réparation anatomique peutêtre faite en privilégiant le nerf musculocutané, le nerf su-prascapulaire, et le nerf axillaire. En pratique, concernant laflexion du coude, le délai et les résultats sont bien inférieurs àceux du transfert de fascicule du nerf ulnaire. La plupart desauteurs réalisent systématiquement le transfert ulnaire–bi-ceps, utilisant alors l’éventuel moignon de C5 sur l’épaule(nerf axillaire ou nerf suprascapulaire). Le nerf spinal acces-soire peut aussi renforcer l’épaule, en association, toutcomme les nerfs intercostaux (Fig. 5).

2.2.1.3. Résultats. Le transfert ulnaire–biceps donne environ90 % de résultats satisfaisants [7,10,15–17,23,24,29].

Les éventuels traitements palliatifs ne seront indiqués quesecondairement, en cas d’échec ou de résultat partiel.

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2.2.2. Paralysie C5 C6 C7La chirurgie nerveuse va privilégier la flexion du coude

puis l’épaule, le plan postérieur de l’avant-bras paralytiqueétant réanimé par des transferts tendineux à partir de la logeantérieure.

Lorsqu’aucune racine n’est greffable, dans les cas où laforce de la prise globale de la main paraît relativement bonne,c’est-à-dire de 15 à 20 kg, poignet stabilisé par l’examina-teur, une neurotisation par le nerf ulnaire du muscle bicepsest possible [16,24]. Le long triceps peut être réinnervé parles nerfs intercostaux (Fig. 6).

Dans les rares cas où la force de la main est très faible, uneneurotisation du nerf musculocutané par les nerfs intercos-taux ou le nerf spinal accessoire pourra être décidée.

Et le plan postérieur de l’avant-bras sera réanimé par despalliatifs simples type ténodèse.

2.2.3. Paralysie C8–T1Il s’agit de paralysies exceptionnelles, habituellement par

avulsion des racines C8 et T1 avec une continuité des racinessupérieures (1 à 2 % des paralysies de plexus brachial, unevingtaine de cas dans notre pratique). Ces paralysies réalisentun tableau clinique proche de celui des mains tétraplégiques.Les doigts sont entièrement paralytiques, tandis que l’exten-sion du poignet, le fléchisseur radial du carpe et le rond

pronateur fonctionnent. Le traitement est essentiellementpalliatif : transfert du long extenseur radial du carpe sur lesfléchisseurs profonds et du brachioradial sur le fléchisseur dupouce. La colonne du pouce est stabilisée par diverses arthro-dèses.

Une neurotisation dénervant partiellement la région anti-brachiale peut être tentée afin de redonner une petite sensibi-lité au bord ulnaire de la main.

3. Les réparations tardives

3.1. Les paralysies totales non opérées, ou les échecsde la chirurgie nerveuse primaire

Le seul but fixé est la restauration de la flexion du coude. Ilfaut faire appel à un muscle sain, en pratique un transfertmusculaire libre. Ce muscle sera réinnervé par un transfertnerveux, transfert qui sera choisi en fonction des sites restantdisponibles après une éventuelle chirurgie primaire.

3.1.1. Le choix du muscle pour restaurer la flexion ducoude

Les séries rapportées dans la littérature concernent essen-tiellement deux muscles : le gracilis et le grand dorsal.

Fig. 3. Résultat d’une greffe d’une partie de la racine C7 droite sur le tronc secondaire latéral gauche, pour avulsion médullaire des cinq racines gauches.Patient de 43 ans. Recul de deux ans.a : Pour fléchir son coude gauche, le patient contracte son muscle pectoral droit, et son triceps droit.b : Cette cocontraction peut être exploitée dans certains gestes bimanuels

278 C. Oberlin / Chirurgie de la main 22 (2003) 273–284

Page 7: Les paralysies du plexus brachial de l’adulte par lésions

Reprenant neuf articles sur ce sujet, publiés entre 1985 et1995, nous avons noté que le muscle grand dorsal a été utilisé34 fois (par 6 auteurs), tandis que le muscle gracilis l’a été50 fois (par 2 auteurs). On reproche au premier sa fixation

distale difficile, la séquelle un peu inesthétique du prélève-ment. Le gracilis est peut-être techniquement plus difficile, laforce plus faible, tandis que la morbidité sur le site donneurest incontestablement moindre.

Fig. 4. Technique de transfert de fascicules du nerf ulnaire au nerf du muscle biceps.a : incision cutanée.Celle-ci est brachiale antéromédiale, de 8 à 10 cm, en descendant à partir du bord inférieur du tendon grand pectoral.b : abord du nerf du muscle biceps.On incise le fascia du muscle biceps, puis on récline le biceps en dehors. Le nerf musculocutané apparaît en dedans, avec sa branche bicipitale. En cas de tronccommun médian-musculocutané, le nerf du biceps naît au même niveau de ce qui apparaît comme un gros nerf médian (dans le canal brachial). Le nerf du bicepsest clivé facilement, sous microscope, du nerf musculocutané, sur un ou deux centimètres. Le pédicule vasculaire du biceps, non représenté ici, a généralementune direction transversale, et ne gêne donc pas la dissection de l’origine du nerf.c : Le transfert nerveux sous microscope.Le nerf du biceps sectionné est basculé vers le nerf ulnaire. L’épinèvre du nerf ulnaire est incisée. Le stimulateur permet d’identifier un fascicule moteur d’uncalibre égal ou légèrement supérieur. Dans la mesure du possible, on choisira plutôt un fascicule qui répond dans les fléchisseurs extrinsèques que dans lesmuscles intrinsèques de la main.d : Le transfert nerveux terminé. La suture est faite en général à l’aide de trois points 11/0 associés à de la colle de fibrine.

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3.1.2. Le choix du transfert nerveuxLà aussi, deux techniques sont rapportées dans la littéra-

ture : l’utilisation du nerf spinal accessoire et celle de nerfsintercostaux. Le même auteur (Doi), a réalisé une série dedoubles transferts libres, faisant appel au spinal pour lepremier transfert, et aux nerfs intercostaux pour le deuxième.Il conclut, là encore, à la supériorité du nerf spinal accessoire.

Notre série, de 12 cas de transfert du muscle grand dorsalréinnervé par le nerf spinal acessoire (Fig. 7), retrouve envi-ron deux tiers de résultats satisfaisants (Fig. 8).

3.2. La chirurgie complémentaire

Il s’agit ici d’améliorer le résultat final par un geste quinécessite d’attendre celui de la chirurgie nerveuse primaire.Ce geste concerne en règle l’épaule et la main, puisque larécupération de la flexion est considérée comme acquise.

3.2.1. Chirurgie complémentaire à l’épauleCelle-ci est très souvent nécessaire. En effet, sur le plan

strictement anatomique, comme le rappellent Allieu et Bon-nel [1], près de la moitié des fibres nerveuses du plexusbrachial sont destinées à l’épaule. Dans ces conditions, iln’est pas étonnant que les réparations nerveuses ou les trans-ferts nerveux en direction de l’épaule demeurent souventdécevants. Même le transfert, apparement simple, du nerfspinal accessoire sur le nerf suprascapulaire donne un faible

pourcentage de résultats satisfaisants (inférieurs à 50 %). Letransfert du même nerf sur le nerf musculocutané donneenviron 75 % de résultats favorables dans les différentesséries. Ceci évoque donc un problème particulier pour laréinnervation du nerf suprascapulaire : celui-ci pourrait êtrelésé à un deuxième niveau, l’échancrure suprascapulaire,comme nous l’avons mentionné plus haut. La chirurgie deréinnnervation du nerf suprascapulaire devrait s’acompa-gner, dans l’avenir, d’un contrôle systématique de l’échan-crure suprascapulaire.

Divers gestes peuvent être proposés si la rotation externede l’épaule n’a pas été retrouvée :

• l’ostéotomie de dérotation humérale, médiodiaphysaire,de 45° environ, apporte un gain spectaculaire au prixd’un geste très simple. Montée par une plaque externe àhuit vis, elle ne nécessite pas d’immobilisation complé-mentaire ;

• en cas de rotation externe passive complète, le transfertdu muscle élévateur de la scapula sur le tendon infra-épineux constitue une possibilité que nous avons réali-sée dans quelques cas. Le muscle élévateur de la scapulaest faible, et ce transfert est contre-indiqué lorsque lesmuscles pectoraux sont puissants ;

• l’arthrodèse d’épaule reste sans doute la meilleure opé-ration si la demande du sujet est une demande fonction-nelle, l’aspect esthétique étant secondaire. L’élévation

Fig. 5. Avulsion C5C6. Résultat des transferts nerveux (fascicule ulnaire surle biceps, spinal accessoire sur le suprascapulaire, intercostaux sur le nerfaxillaire).a : notez le volume du biceps et la rotation externe active de l’épaule.b : notez la participation du deltoïde à l’élévation de l’épaule.

Fig. 6. Résultat d’un transfert de trois nerfs intercostaux sur le nerf du longtriceps dans une (exceptionnelle) avulsion des racines C6C7C8T1.

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Fig. 7. Technique de transfert libre du muscle grand dorsal pour réanimer la flexion du coude.a : Incisions cutanées.L’incision est deltopectorale, poursuivie à la face antérieure du bras, sans dépasser le pli du coude. Une contrincision antibrachiale postérieure permettra lafixation d’une partie du muscle transféré sur la crête ulnaire.Le nerf spinal accessoire est abordé par une incision séparée sus-claviculaire.b : Détail des branchements proximaux :

• le tendon grand dorsal est fixé au processus coracoïde ;• une greffe nerveuse est interposée entre le nerf spinal accessoire et le nerf du grand dorsal ;• le branchement artériel est fait sur l’origine d’une artère circonflexe, ou en latéral sur l’artère axillaire ;• le branchement veineux peut être terminal sur la veine céphalique ou latéral sur la veine axillaire.

Mais deux branchements vasculaires latéraux sur le paquet brachial juste sous le tendon grand pectoral, sont également possibles.c : Aspect après transfert.La fixation distale est double : suture latérale au tendon et à la partie terminale du biceps d’une part, passage sous-cutané et fixation transosseuse à la crête ulnaired’autre part.Notez la palette cutanée, plus large en distal qu’en proximal, qui réalise la plastie d’agrandissement nécessaire pour accueillir un muscle volumineux.

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obtenue peut atteindre 70°, et surtout les rotations obte-nues par glissement de la scapula sur le grill thoraciqueproduisent régulièrement 60° de mobilité par rapport auplan sagittal (Fig. 9). L’inconvénient de l’arthrodèsereste la difficulté de la fixation primaire, permettantdifficilement de se passer d’immobilisation complémen-taire, et le taux parfois élevé de non consolidation. Sur-tout, l’arthrodèse d’épaule ne peut donner un résultatvalable que si le muscle dentelé est actif. S’il est paraly-tique, l’arthrodèse est contre-indiquée. L’état du dentelédoit donc être évalué cliniquement, voire électromyo-graphiquement en pré-opératoire.

3.2.2. Chirurgie complémentaire à la main

Dans les paralysies radiculaires totales, la main a long-temps été négligée. La récupération sensitive n’a pratique-ment pas fait l’objet de publication précise. La récupérationd’une mobilité digitale, rare, était simplement jugée « acadé-mique » et non fonctionnelle. Les éventuels muscles récupé-rés à l’avant-bras étaient jugés « non transférables », en vertud’une règle stipulant qu’un muscle transféré perdait systéma-tiquement un point de force du fait même de ce transfert.

La réalité du traitement palliatif après paralysie du plexusbrachial est qu’il faut un raisonnement adapté à ces récupé-rations faibles, des indications spécifiques, surtout des butsclairement identifiés, limités. L’idée étant que la récupération

Fig. 8. Avulsion complète du plexus brachial. Une première chirurgie nerveuse, un transfert du nerf spinal accessoire sur le nerf musculocutané, s’est soldée parun échec. Résultat d’un transfert libre du muscle grand dorsal réinnervé par une nouvelle greffe branchée plus haut sur le même nerf spinal.

Fig. 9. Transfert d’un muscle grand dorsal réinnervé par le nerf spinalaccessoire.Résultat obtenu sur les rotations par une arthrodèse secondaire de l’épaule.

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d’une force faible, quelques centaines de grammes par exem-ple, doit pouvoir être utilisée au mieux pour permettre lesgestes, fréquents dans l’usage courant de la main, qui nenécessitent que quelques centaines de grammes. Et, au mini-mum, il faut rendre la main la plus esthétique possible : « à lamain, l’esthétique, c’est déjà la fonction » disait à juste titreRaymond Vilain.

Nous avons ainsi élaboré une classification hiérarchiquedes mouvements des doigts longs et du pouce. Quatre ni-veaux fonctionnels ont été définis pour le pouce d’une part,les doigts longs d’autre part. La cotation d’une main à unniveau donné suggère d’essayer d’atteindre le niveau immé-diatement supérieur, en utilisant les moyens à disposition(arthrodèses, ténodèses, transferts tendineux).

D’une façon générale, la fonction des doigts longs doitêtre privilégiée, le pouce étant plutôt destiné à constituer unbutoir stable face à des doigts longs munis d’une flexionactive.

3.2.2.1. Classification fonctionnelle des doigts longs. Elleest la suivante :

• F0 : paralysie complète ;• F1 : flexion interphalangienne ;• F2 : extension métacarpophalangienne ;• F3 : fonction intrinsèque.En cas de paralysie complète des doigts (F0), le premier

but est de restaurer celle-ci (F1). Si elle est présente, oncherchera à restaurer l’extension des doigts (F2), et ainsi desuite.

D’une façon générale dans les paralysies initialement to-tales, une récupération, même faible de quelques muscles àl’avant-bras, permettra de restaurer la fonction F1, ens’aidant de quelques arthrodèses, y compris celle du poignet.

Et c’est plutôt dans les paralysies initialement incomplè-tes que la restauration des niveaux supérieurs sera envisagée.Mais tous les tableaux peuvent être rencontrés, et cette clas-sification simple peut ainsi constituer une aide au raisonne-ment.

3.2.2.2. Classification fonctionnelle du pouce. Elle est ana-logue :

• t0 : paralysie complète : pouce butoir ;• t1 : adduction (key pinch) ;• t2 : abduction (ouverture de la première commissure) ;• t3 : opposition vraie.On voit ici également que t1 est plus importante que t2,

elle-même que t3.D’une façon générale, dans les paralysies initialement

totales le pouce paralytique est destiné à être un pouce butoir,par différents procédés. Il ne faut pas « perdre » un transfertpour le pouce, qui aurait pu être plus utile à restaurer lafonction des doigts longs.

Au total, il est bien rare qu’il n’y ait pas de chirurgiesecondaire à faire à la main, ne serait-ce qu’une arthrodèse

esthétique du poignet en pronation (la supination automati-que par le biceps n’est pas toujours bien ressentie, et elle estgênante quand le triceps fonctionne, en empêchant d’ap-puyer la paume à plat sur un plan dur).

Traitement de la douleur dans les paralysies du plexusbrachial. Les lésions radiculomédullaires donnent en règledes douleurs très invalidantes dans un premier temps. Laplupart des patients sont mis sous un traitement associantRivotryl et Anafranil à doses croissantes. Après quelquesmois et notamment après les débuts de la repousse liée à laréparation nerveuse, les douleurs diminuent de 70 à 80 %permettant l’arrêt progressif du traitement. Mais un certainpourcentage de patients, continuent à souffrir de façon ma-jeure. Parmi ces patients, les avulsions médullaires complè-tes semblent plus fréquentes.

Il s’agit alors là d’indications de chirurgie de la douleurpar neurochirurgie : laminectomie cervicale postérieure, ex-position médullaire, et chauffage par électrodes des racinespostérieures de la moelle au niveau du sillon collatéral pos-térieur (intervention de DREZ : Dorsal Root Entry Zone).Une électrode est implantée successivement tous les 2 mmsur toute la hauteur de l’avulsion radicellaire, à une profon-deur d’1 mm. Cette électrode est chauffée une trentaine deseconde à 70°.

La sédation douloureuse est généralement immédiate et, àlong terme, le taux de succès est très favorable (80 à 90 %).

Cette chirurgie de la douleur plexique, de plus en pluslargement utilisée, constitue sûrement l’un des progrès ma-jeurs de ces dernières années (Allieu).

4. Conclusions

Les lésions du plexus brachial traumatique, malgré lalimitation de vitesse, demeurent un véritable problème desanté publique, non pas au sens de l’Organisation mondialede la santé, puisque les cas intéressent moins d’une personnesur 10 000 dans notre pays, mais par la gravité des séquellessur des patients jeunes, contraints le plus souvent à uneréinsertion professionnelle.

Dans les paralysies totales, les résultats actuels contri-buent en tout cas de façon essentielle à une certaine réinser-tion sociale. Une épaule stable, une flexion extension ducoude, et une main esthétique sans douleurs, sont les objec-tifs que l’on doit se fixer, et atteindre le plus souvent possible,c’est-à-dire à chaque fois que les patients sont référés auchirurgien spécialisé dans des délais raisonnables. Le délai leplus court est le meilleur, permettant de programmer la chi-rurgie nerveuse dans les trois mois suivant l’accident.

Dans les paralysies plexiques supérieures, la neurotisationdirecte ulnaire–biceps donne les meilleurs résultats, de sorteque les greffes à partir de moignons radiculaires, ou les autrestransferts nerveux peuvent être dirigés sur d’autres cibles.

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