13
LES PASSEURS DE MÉMOIRE ASSOCIATION HISTOIRE & TRADITIONS DE MARTHOD LA MÉMOIRE N’EST PAS NOSTALGIE ELLE NOUS AIDE SEULEMENT À MIEUX CHOISIR LE CHEMIN OÙ ALLER. AUTEUR ROGER LOYET ASSOCIATION HISTOIRE & TRADITIONS DE MARTHOD

LES PASSEURS DE MÉMOIRE - …T_Livre_2013.pdf · Ce fut une belle aventure humaine, riche d’amitié et de partage pour tous ces « passeurs de mémoire » qui ont su, au fil des

  • Upload
    hatruc

  • View
    214

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

LES PASSEURS

DE MÉMOIRE

ASSOCIATION HISTOIRE & TRADITIONS DE MARTHOD

la mémoire n’est pas nostalgie elle nous aide seulement à mieux choisir le chemin où aller.

AUTEUR ROGER LOYET

ass

oc

iat

ion

his

to

ire

& t

ra

dit

ion

s d

e m

ar

th

od

Celivreapourbutd’entretenirlamémoire.Mémoirequedeshommes,desfemmes,jeunesetplusâgés,membresdel’association«Histoire&Traditions»deMarthod,ontsutransmettreaucoursdesquatredernièresdécennies.C’estàeuxquejem’adresse.Ilssont:

Cefutunebelleaventurehumaine,riched’amitiéetdepartagepourtousces«passeursdemémoire»quiontsu,aufildesannées,traduirefidèlementlesmots,lesgestes,lesregardsdeviessimplesetgénéreusesd’hommesetdefemmessisavantsdeschosesdelanatureetdel’exis-tence.Ilsl’ontfaitautraversdenosfêtesduterroir,despiècesdethéâtre,dessonsetlumières,desfilms,commeunelecturevivantedel’évolutiondumonderural,autantderepèrestransmisauxgénérationsdece21èmesiècle. PourquoicetteAssociationetcetouvrage?L’espritpasséistenefutpaslemoteurdenotreaction.Non,carlamémoiren’estpasnostalgie,elle nous aide seulement à mieux choisir le chemin où aller.Cet ouvrage, comme un albumdephotos, rendhommageàcescompagnonsderouteparcourant lessentiersde lamémoire.Hommes,femmesetenfants,ilsontapportéunevraiechaleurhumaine,faited’amitié,dupoidsdeleurvécu,deleurconnaissancedel’histoire,toujoursavecpassionetunegrandedisponibilitéauservicedesdifférentsprojets.Certainsnousontdéjàquittés,maisrestentprésentsdansnospensées.

Cespasseursdelapremièreheure,quisont-ils?MarieCarcey,CélineFabry,JulietteBergerat,VirginieBrun,EdmondHémery,LouisMarin-Matho-laz.Tousnésdanslepremierquartdu20èmesiècle,ilsn’ontrienoublié.Ilsparlentdutempsdeleurjeunessecommesic’étaithier.Ilsécriventetracontentavecpassionlavierude,maiscalmeetsereine,quel’onmenaitalorsdansleurvillage.Plusd’unecentainede«Passeursdemémoire»viendrontlesrejoindreàleurtour.Enfait,c’esttoutunvillagequiportesonhistoire.

Etc’estàvoustous,présentsdanscerecueiletdansmapropremémoire,quejevoudraisoffrirletémoignagedemonamitiéaveclestextesetlesphotosquivontsuivre.

AVANT-PROPOS

LESPASSEURS

DE MÉMOIRE

Mille ans d’histoire Lesfamillesseigneurialesetlesoccupationsétrangères page10Lesfléaux:peste,inondations,incendies page11Lesfortifications page12Uneéconomieagropastoraleetunemigrationnécessaire page12

La vie sociale à Marthod, au début du 20ème siècleLacommune page15Lareligionetletempsdesprocessions page16Lemariage page17Lapremièreenfancedanslesannées1920 page18Lafemme,saviedepaysanne page18Laguerrede1914/1918 page19L’école page20L’industrialisation page22L’habitat page24

L’hiverJusteavantl’hiver page29Letempsdesveillées page34Lescochonnailles page36Les«gourres» page38Lepaindelaterre page40Leslavandières page42Al’étableenhiver page43

Le printemps est làLasortiedestroupeaux page45Latontedesmoutons page46Lasaisond’alpage page47

Des semailles aux récoltesLessemailles page51Lafenaison page52Lamoisson page54

L’automneRetourdestroupeaux page57Foiresd’automne page58Lesvendanges page60Duvergeraupressoir page61L’alambic page63Lepatrimoineforestier page64Lataillanderie page66Marthod,porteouvertesurdemain page69

Vivre là-haut après la guerre de 1939/1945Deschangementss’annoncent page73Uneévolutionportéeparlajeunesse page73Unenouvellemanièredevivre page75

La modernisation en marcheLapluriactivité page76Lepremieroutilàmoteur page77

Une structure foncière inadaptéeLeremembrement page79Modernisationdel’élevageetdel’agriculture page80Créationd’unestationdeski page81

Quel avenir pour l’agriculture de montagneLagestiondufoncier page82L’installationdesjeunesagriculteurs page83Deschoixpourlasurviedel’agricultureenmontagne page83

Ceux de là-hautScènedeviedansunvillagedemontagne page87Êtreinstituteurenmontagne page89Uneinvasiondedoryphores page90Lavied’uncurédemontagneen1950 page91Les«emprises» page91LeCharivari page92LeConseilderévisionetlafêtedesconscrits page93

Vivre là-hautL’arrivéeduformica page95Lesjeunesfilles page96LeshistoiresdeSimon page96Lescontrebandiersetlegarde-forestier page97Lecochon page98Lefacteur page99Lafind’uneviedepaysanetledépartdufils page100

Il faut sauver les EnversFaireunestationdeski page103Quelleplacepourl’agriculturededemain? page105Letempsdessouvenirs page107IlfautsauverlesEnvers page108Lesjournalistes page110LecafédelaJustine page112L’épiceriechezlescélibataires page114Lesourcieretlerebouteux page116

Les chemins du 20ème siècleFaireleremembrement page119Letempsd’unevie page121

SOMMAIRE

DES RACINES ET DES REPÈRES

VIVRE LA TERREENTRE 1900

ET1930ChRONIqUE D’UN

PETIT VILLAgE DE MONTAgNE

LA PAROLEDONNÉE

AUX ACTEURS

Hommage et remerciements à tous les passeurs de mémoire page122

26 708 84

VIVRE LA TERRE

98

DES RACINES ET DES REPÈRES

CHAPITRE 1 MARTHOD

DE

S R

AC

INE

S E

T D

ES

RE

RE

S

DE

S R

AC

INE

S E

T D

ES

RE

RE

S

9

DE

S R

AC

INE

S E

T D

ES

RE

RE

S

DE

S R

AC

INE

S E

T D

ES

RE

RE

S

DES RACINESET DES REPÈRES

DES RACINESET DES REPÈRES

DES RACINES

Marthodestunecommunedemoyennemontagne,situéeentreAlbertvilleetUgine.Al’entréedelavallée,

elleapparaîtcommeleportierduHautVal-d’Arly.Sapopulation,de1305habitantsen1868,chutaà808en1906

maissemaintintauxenvironsdecechiffrejusqu’en1968,avantderemonterà1414en2012.

D’unesuperficiede1478hectares,elles’étendsurlesdeuxversants,departetd’autredel’Arly.Surlarivegauche,lecoteaudesRatelières

s’étirejusqu’ausommetdeCornillon,à1000mètresd’altitude.Au-dessousdelaforêtdumêmenom,serépartissenttroishameaux:

lesPotons,lesPéguetsetlesGaudins.Àl’opposé,leversantduchef-lieus’élèveenquatreplateauxsuccessifs

jusqu’aupiedduMassifdel’Alpettaz(1440mètres)etdelaDentdeCons(2064mètres).

Sonhabitatdispersécomptesixhameaux:LesBalmes,Duines,Bulles,LeBois,lesDufourgs,leVillard.

Enfonddevallée,laplaineestparcourueparlarivièredel’Arly.LecanalLallier(1)etlaR.D.1212sontletraitd’unionentrelesdeuxversants.

Audébutdu20èmesiècle,unevoieferréefutinstalléepouralimenterl’usined’Ugineenmatièrespremières.Ellepermit,jusqu’en1952,detransporter

aussilepersonneldesaciériesentreAlbertvilleetUgine.

(1)CanalLallier:AménagementdutorrentdelaChaisesituéesurleterritoired’Ugine.

20 21

L’ÉCOLE

ÀMarthod, lapremièreécoledegarçons installéeaupremierétageduclocher,datede1811,celledesfillesfutcrééeen1839danslecouventdesSœursdeSaint-Joseph.LaloiFerryde1882proclameraleprincipedel’écoleprimaire,obligatoire,gratuiteetlaïque.Ceseraalorsunevéritablerévolutionquis’ouvriraversuneéducationpourtouteslesclassesdelasociété:«L’écolepourtous».Lesinstituteurssontformésdansdesécolesspéciales,ditesEcolesNormales,etreçoivent,autermedeleurformation,undiplômequicertifieleurscapaci-tés;c’estlefameuxCAP.Ilssontnommésparl’EtatquiorganiseleMinistèredel’EducationNationaleetsesrouages.Lescommunesontenchargel’édificationdesécolesprimaires,l’achatduma-térielscolaire,l’entretienetlesréparationsdesbâtiments.Ellesdoiventaussifournirunlogementauxinstituteurs,oupayeruneindemnitécorrespondantedanslecascontraire.Cesontdelourdsinvestissementspourlescommunesquiconstruisentd’aborddesécolesdanslechef-lieu;pourleshameauxéloignés,lesclassesseferontlongtempsencoredansunepiècecontiguëàuneferme,voiredansuncoindel’étable.

En1865,unnouveaubâtimentestconstruitpour installer lamairieetdeuxclassesquipermettrontdescolariserl’ensembledesélèves.En1907,uneclassefutcrééedanslevillagedesBois,dansunlocalappartenantàJosephMichel-Boex,enattendantlaconstruction,en1912,d’uneécoleneuvedanscehameau.Oncommencel’écoleélémentaireàl’âgede6ans.Larentréesefaitsysté-matiquement le 1er octobre ; les grandes vacances se prennent en août etseptembre.Bienentendu,onserendàl’écoleàpiedetengaloches(sabots)avec, sur le dos, le cartable de bois fabriqué par le papa.A midi, ceux quiviennentdeloinsonthébergéspourquelquessousdansunefamilleprochedel’école,quileurservirauneassiettedesoupe.Les grands assurent le «service» : balayage, époussetage, remplissage des

encriers, alignementdes tables, ils alimentent lepoêle àboisouà charbonenhiver. L’enseignementcomprend lecture, écriture, calcul,histoire, géogra-phie,orthographe,morale,instructioncivique,leçonsd’hygièneet,encomplé-ment,destravauxpratiquespourfillesetgarçons.Lorsquelesenfantsarriventàl’écoleàsixans,lemaîtrerencontreparfoisdesdifficultésdecompréhensioncar certainsneparlentbienque lepatoisetpeu le français. Sous l’autoritédes maîtres, la classe est disciplinée et studieuse. L’objectif de l’enseignantestd’amener lesélèvesenfindescolarité,à12ans,àréussir leurCertificatd’études.C’estunerécompenseetunesolideréférencecarl’élèvequiréussitleCertificatsaitécriresansfauted’orthographe,oupresque,résoudredespro-blèmesdecalculquiluipermettrontdesedébrouillerdanslavie.

Après l’école, pour certains, en principe les plus débrouillards, c’est ledépart pour Paris : les ressources familiales modestes, les trop nombreusesbouchesànourrir,l’exigent.Danslacapitale,lesSavoyardsformaientunecolo-nie importanteetsolidairequicasait lesnouveauxarrivants : leshommesàl’HôteldesVentes,oucommecochersdefiacre,porteursdepianosoucireursdeparquet, ramoneurspour lesplus jeunes. Les femmeset lesfillesétaientsouventplacéesdanslesmaisonsbourgeoises.Certainsferontleurvieloindupays,créeront leurentreprise,d’autres reviendrontauvillage,pousséspar lemaldupays.Ceuxquinesontpaspartis restentsous le toit familial, s’em-ployantautravaildelaterreetdelaferme.

DE

S R

AC

INE

S E

T D

ES

RE

RE

S

DE

S R

AC

INE

S E

T D

ES

RE

RE

S

Lecertificatd’étude,undiplômeimportant«d’entréedanslavie»professionnelled’adulte.

Desmaîtrescraintsetrespectés,desécolesrudimentaires,uneassiduitéperturbéeparletravaildelaterre,maisdesrésultatsprobants.

Voiciuntémoignagedecetteépoque

«Ah!Le«certif»!Onlepas-saità12anset,sionlepréparaitdurant lesannéesdeprimaire,onle peaufinait à partir de Pâques.L’institutrice nous gardait uneheure après l’école pour faire lesrévisions : calcul des intérêts delaCaisse d’Epargne, des nombressexagésimaux : heures, minutes,secondes, dictées et questionsd’analyse logique, grammaticale,explicationsdemots.Après l’exa-mendu«certif», nousnous réu-nissionspouracheter lescadeauxpourlamaîtresse,c’étaitlamarqued’une immense reconnaissancepourlesbasessolidesqu’ellenousavait données, à nous et à biend’autresgénérationsavantnous !Lesmaîtresavaientuneplacepré-pondérante dans le village. Curéet enseignants étaient considéréscomme des notables capables derépondre à de nombreuses ques-tions. C’était l’instituteur qui, leplussouvent,tenaitlafonctiondesecrétairedemairie».

2726

VIVRE LA TERRE ENTRE 1900

ET 1930CHAPITRE 2 MARTHOD

VV

En1978,leshabitantsduvillageréalisentunfilm

«Marthodmonvillageen1900»Voicilesquatresaisonsdupaysan:

l’hiver-

leprintempsestlà-

dessemaillesauxrécoltes-

l’automne

VIV

RE

LA

TE

RR

E

VIV

RE

LA

TE

RR

E

3736

encore autre chose. Ces discussionsmettent en évidence l’importancequ’acettenourriture,essentiellepourlafamille.

Après le lard, c’est la fricassée :mélange de viande prélevée dans lecou de l’animal et de pommes deterre, le tout cuit dans un jus mijo-téàfeudouxsur lepoêleàbois,unrégal.Vientensuitelefromage:beau-fortettomme,suividudessertavecles bugnes accompagnées de crèmefouettée maison, café, eau de vie.Maisau fait !Et lecholestérol?Onneconnaissaitpascemotàl’époque,iln’étaitpasencoreàlamode,peut-êtrelesanciensn’enavaient-ilspas?Unebellefêtequiseterminevers16ou 17 heures, il faut bien aller fairele«ménage»,c’est-à-diresoignerlesbêtes.

DÈS LE LENDEMAIN, LE PAySAN DEVIENT ChARCUTIER «Danslecochon,toutestbon»,dit-on.Lachairesthachée,parfoisàla machine, souvent à la main pourêtre transformée en chapelets desaucisses, langeules(17), pormoniersdebettesetdechou.Onfaitaussileboudin,lepâtéetles«roulettes»depoitrine. La graisse est fondue pour

fairelesaindouxquiserviraàlacuis-son des aliments. Les jambons sontmis au séchoir, alors que le lard etcertainsmorceauxdeviandeirontausaloir. L’assaisonnement est impor-tant,chacunasapetiterecettequ’ilnedévoilequ’avecréticence.Àcetteoccasion,lesfamillesoffrirontquelquessaucissesouunmorceaudeviandeàMonsieurlecuré,maisaussiàl’instituteurduvillage,c’estlacou-tume!

VIV

RE

LA

TE

RR

E

VIV

RE

LA

TE

RR

E

LES COChONNAILLES

Detouslesanimauxdelaferme,lecochon,quel’onachètetoutpetità la foire d’automne, est certaine-mentlepluschoyédelaferme.Ilsenourrit essentiellement de petit lait,de pommes de terre et betteravescuites.Souvent,ilmonteauxalpagesen même temps que les vaches.Il s’alimente alors de récuite(16) etd’herbage De retour à la ferme,l’automne suivant, il subit une cured’engraissement à base de farine demaïs,pommesdeterreetchâtaignes.Lorsqu’une famille reçoit des visites,les hommes ne manquent pas defairelatraditionnellevisitedel’étableens’attardantsurleoulesporcs,carcertaines familles en ont deux. Onobserveleniveaud’engraissementetlataillequisemesureennombredetoursdepoitrine.Untourreprésente10 centimètres. Un beau porc peutatteindre 120 centimètres et peserenviron180à200kg,vidé.

VersNoël,parunejournéefroide,ontuelecochon,parfoisdeux.C’est«lafête du cochon» qui rassemble lesfamilles;nonseulementleshommespour l’opération d’abattage, maisaussifemmesetenfantspourletra-ditionnel«repasducochon»quisuit.

UN AUTRE REgARD : LES COChONNAILLES à LONgEfOy EN TARENTAISE

Unefoislesporcsvidésetpendusau grenier, le matériel rangé, l’heureestau festin.Aumenu : entréeavecsaucissonet jambonsecsde l’annéeprécédente, puis c’est le traditionnelmorceaude lardprélevésur l’animaltuélematin,unbeaumorceaudelarddehuitàdixcentimètresd’épaisseur,sanslemoindrefiletdevianderouge;toutblanc,biensûr,cen’estpasdelagraisse commeonen trouvedenos

jours,maisquelquechosedeconsis-tant et de craquant (malgré cela,j’avouenepasenêtretrèsfriand).Lelard fait débat, on discute, on com-pare :«Vousavezvu,c’estunebellebête,dixcentimètresdelard,190kgvidée, il y a longtemps que l’on n’apaseulemême!»Ensuite,onfaitletourdeceuxquiontdéjàsacrifiélesleurs, chez les uns, il était plus longou plus court, chez les autres, c’est

Unefoismort,l’animalestébouillantépourensuiteéliminerlessoiespargrattage,avantdelelaveretledécouper.Untravailminutieuxaccompliavecrespectpourcetanimalquifutchoyé.

Ci-dessus:Assaisonner,malaxerlachair,goûterpourapprécierlasalaisonavantdefairelessaucisses,uneopérationdélicate.

(16)Récuite:liquideverdâtreobtenuaprèsavoirfaitlesérac,obtenului-mêmeàpartirdupetitlait,résiduissudelafabricationdufromage.

(17)Saucissesfaitesaveclesboyauxdel’animal.

7170

ChRONIqUE D’UN PETIT VILLAgE DE MONTAgNE

CHAPITRE 3 LONGEFOY SUR AIME

ChRONIChCh

QuittonsMarthod,laquiétuded’unvillagedemoyennemontagnepouralleràladécouvertedeshautesvalléesdeTarentaise.

Enregardantpar-dessuslesmontagnes,nousdécouvronsd’autreshorizons,d’autresversants,d’autresvies,cellesde«ceuxdelà-haut».

Là-haut,en1950,lepaysann’aquesafauxancestrale,sacharrue,sonmuletetsoncouragepourtravailleruneterrerudeetpentue.

Maisleschangementsquis’annoncentferontdeluil’artisand’unemutationsansprécédent.

S’ouvrantautourisme,ilferadelamontagneuneterred’avenir,devieetd’accueil.

CH

RO

NIQ

UE

D’U

N P

ET

IT V

ILL

AG

E D

E M

ON

TA

GN

E

CH

RO

NIQ

UE

D’U

N P

ET

IT V

ILL

AG

E D

E M

ON

TA

GN

EC

HR

ON

IQU

E D

’UN

PE

TIT

VIL

LA

GE

DE

MO

NT

AG

NE

8584

LA PAROLE DONNÉE AUX

ACTEURSCHAPITRE 4 MARTHOD

«Letalentdelamémoire,sourced’avenir»,titraientlesjournaux.«Unthéâtreduvivantaucœurdelamémoire,del’actualité

etdel’avenird’unemontagnequisedéfend».

«Iln’apasfallumoinsde5piècesdethéâtre,72représentationsàguichetferméettoutletalentdesacteurs,techniciens,assistants,pourfairerevivrel’histoire

d’unvillagedemontagne.Là-haut,jusqu’aumilieudu20èmesiècle,leshabitantssonttouspaysansettravaillentdansderudesconditions.Ilsvontconnaîtrelesgrandsbouleversementséconomiques,humains

etsociauxquiontmarquécetteépoque.»

LadernièreveilléeCeuxdelà-haut

Vivrelà-hautIlfautsauverlesEnvers

Lescheminsdu20èmesiècle

«

LA

PA

RO

LE

DO

NN

ÉE

AU

X A

CT

EU

RS

LA

PA

RO

LE

DO

NN

ÉE

AU

X A

CT

EU

RS

LA

PA

RO

LE

DO

NN

ÉE

AU

X A

CT

EU

RS

102 103

IL fAUT SAUVER LES ENVERS

2002/2003 16 SéANCES

Simon (le maire) : Bonsoiràtous,jevousprésenteMonsieurDujardin,c’est,commeondit,unpromoteuretMonsieurDumont,quiestconseillerenagriculture.Ilsontdespropositionsintéressantesàfaire.

Dujardin : BonsoirMesdames,bonsoirMessieurs.J’aigrandplaisiràmetrouverparmivous.

Gène : Ehbiennous,aveccequ’onaappris,cen’estpasdutoutaveclemêmeplaisirquenousvousvoyons!Etcommencezpasànouspasserdelapommadepourmieuxnousentortiller!

Henri : DisPère,laisse-leparlertoutdemême!

Dujardin : Merci.Jeconnaisbienlasituationdifficiledescommunesrurales;aujourd’hui,jevaisvousdonnerunechancedevousensortiretdegardervosenfantsprèsdevous.

Ernest : J’ycomprendsrien,ysonttousvenuspournousdonnerunechance,çadoitcacherquelquechose.

Dujardin : Oui,votrechance,c’estletourisme.Lesgensdesvillesétouffentchezeux,ilsontbesoindugrandair,dusoleil,desfleurs,delaneige….Ouidelaneige,l’orblancdedemain;àlapellejevousledonne.

Justin : «Orblanc,Orblanc»,moi,delaneige,j’enaipellé,maisdel’or…jamaisvu.

Dujardin : Lapratiqueduskisedéveloppedeplusenplusetceladepuislesannées1930etmêmeavant.Desstationsdeskiexistentdepuislongtempsdéjà;plusieurscommunessepréparentàfairelamêmechose.Cesoir,jevousproposedevouslanceraussidanscetteaventure.

Simon : Ilfautbienréfléchircar,pournous,çapourraitêtreunmoyendesurvie.

Gène : DisSimon,est-cequetuterendscomptedecequivaarriver?Ilfaudrafairedesroutesavecdesparkings,destéléskisetdestéléphériquespourmonterlestouristesjusqu’enhautdelamontagne,parcequ’ilsontlaflemmed’yalleràpied.Cesgenslà,pourqu’ilsaimentlamontagne,ilfautqu’ellesoitaménagéecommeunjardinpublic.Etpuis,tuprendrasoùlessouspourfairetoutça?C’estaveclescontributionsquetuvast’ensortir?

Joseph : Nouslamontagne,onl’aimecommeelleest;ellesegagne,ellenes’offrepasencadeau.Moi,j’aiappristoutseulàfaireduski,avecunebouillesurledos.J’peuxvousdirequecen’étaitpastoujoursduplaisir.Çaabienfaitquandmême.

Sophie : Ehbienalors,qu’ilnousdiseoùilveutfairelastation.

Dujardin : Jepenseàvosalpages,orientésauNord,bienenneigés.

fAIRE UNE STATION DE SkI

LA

PA

RO

LE

DO

NN

ÉE

AU

X A

CT

EU

RS

C’est en 1960 que l’on voit apparaître une éclosion de

stations de ski. Pour l’agriculture de montagne, c’est une bouée de

sauvetage : mais il faut faire des choix si l’on ne veut pas mourir.

Ce soir, le maire a invité la population pour en parler.

ACTE 3

116 117

Bernard (Il s’adresse à Arsène):Vousêtessourcier?vousavezundonpourça?Commentfaites-vous?

Arsène : Jemesersd’unebaguettedecoudrierfourchuequibaissequandjeressensl’influencedel’eau.Alors,labaguettepiquedunez,etçamarcheàtouslescoups.

Madeleine : Pourtantdel’eau,c’estpastonfort,t’enboispasunegoutte.

Arsène : Onm’aconseillédeboireduvinpourprotégermesdons.L’autrejour,leJules,ymedit:«yaquelquechosequinevapasàl’écurie,lesbêtessontnerveuses,ellesboitent,yfautquetuviennes».Ehbien,crois-moi,crois-moipas,yavaituncourantd’eauquipassaitsousleplancherdesvaches.

Henri : Hier,jet’aivurentrerchezlaLouiseavectabaguette.

Arsène : Ben,c’estqu’ellem’aappelé.«Viensvoir,ydoityavoirquelquechosedanslachambre.J’peuxpasdormir,jesuistoutenerveuse.J’aitoujoursfroidauxpieds».Alorsj’ysuisalléavecmabaguette,ah!çaapasmanquéelleabaisséleneztoutdesuite.

Henri : Çadoitêtredrôlementvexant.

Arsène : Jeluidis:essaiedechangerlelitdecôté,metslatêteauNordaulieudel’avoirdanslesnuages,moi,j’peuxrienfairedemieux.

André : Bonsoir,jecherchemonsieurJustin?Onm’aditqu’ilestrebouteuxetquejepeuxletrouverici.J’aimal,jemesuistordulacheville,quelleguigne!

Justin : C’estquemoi,jene«rabille»quelesmuletsetlesvaches.Detempsentemps,jefaisundirecteurdestation,maisc’estdéjàplusdélicat.(unrebouteuxditqu’il«rabille»).

Ernest : Nous,onestlàpourletenir(àAndré).Avant,vousallezboireunboncoupdevipérine,çavousferapasdemal,duveninvousenavezdéjàetpuisçavousdonneraducourage.

André : Ahnon,toutmaispaslavipérine!

Madeleine : Arrêtez!Troisverresyenaassez,çapourraittuerunbœuf.

Justin : Voilà,c’estfait,j’aibienentenducraquer,c’estbonsigne,pourvoir,onvalemettredebout.

(Justin demande à Madeleine de lui faire une ordonnance, qu’il dicte) : Infusiondeprêletouslesdeuxjourspendant2mois,çac’estbonpourlesos;ilenabesoin,ondiraitdéjàqu’iln’enapoint.Marqueaussideuxsangsuespourtirerlesang,àmettrelàoùc’estnoir,disqu’ilfautmettreduselpourlesdécoller,sinonauboutde8jours,iln’auraplusdesang.

LE SOURCIER LE REBOUTEUX

LA

PA

RO

LE

DO

NN

ÉE

AU

X A

CT

EU

RS

LA

PA

RO

LE

DO

NN

ÉE

AU

X A

CT

EU

RS

ACTE 3 ACTE 3

Voici Arsène, l’ancien facteur qui est également sourcier

C’est l’arrivée d’André, le directeur de la station,

il boite et s’est probablement fait une entorse.

123122

A TOUS LES PASSEURS DE

MEMOIRECHAPITRE 5 MARTHOD

Pasdeprojetssanspassion,nideréalisationsansuneéquipesolidaireetefficaceUnepassion!Jelaporteenmoidepuismapremièrejeunesse.Passionpourlaterre,

lamontagne,pourlespaysans,gardiensd’unespacequ’ilsfaçonnentdepuisdessiècles.Toutnaturellement,l’idéem’estvenuedefairerevivreleurhistoireparlethéâtre,

lesspectacles,lesfilms,l’écrit,afinquenuln’oublie.

Maissansuneéquipe,rienn’estpossible.Alors,toutunvillages’estinvesti.Animépar«l’espritassociatif»,ilssontvenusnombreux,parfoisdescommunesvoisines,

chacunapportantsonexpérience,sonsavoir-faire,sadifférence,aveclavolontésansfaillederéaliseruneactioncollectivedansleplaisiretl’amitié.

Cetouvragemedonnel’opportunitédeleurdiretoutemareconnaissance,etdeleuradressermesremerciements,ainsiqu’auxdifférentsPrésidentsquisesontsuccédéauseindel’Association«HistoireetTraditions».Chacundanssonrôleaura

étéunepiècemaîtresseindispensableàlaréussitedenosprojets.

Merciàtouslesbénévoles:lesacteursetlesfigurantsqui,surscène,ontfaitvibrerlepublic;larégie:techniciens,

créateursd’effetsspéciaux,éclairagistes,concepteursdedécors;lesindispensablessouffleuses;lesremarquablescouturières:plusde150costumesontétéréalisés,couvranttouteslesépoquesdenotrehistoire;leshabilescoiffeuseschargéesd’adaptercoiffuresetperruquesàtouteslessituations;lesdynamiquespréparateursdesalle;lesprofessionnels,

réalisateursdufilm,leconcepteurdesprogrammesetaffichesdenosspectacles;leslecteursetcorrecteursdestextes;lesagriculteursréceptifsànosbesoinsqui,

àchaquedemande,ontmisleurterrainànotredisposition.

Enfin,maillonessentielàlabonnehumeurdecettechaîneactive:l’intendance,chargéedelarestaurationdetouslesintervenants!Présentepartoutsurnotreroute,avecefficacitéetdévouement,cetteéquipeasuavecbonheurcréerlesliensdu«bienvivreensemble».

Grâceàtantdedévouement,depassion,desavoir-faire,d’expérienceetd’efficacité,vousavezpermislaréussitedetousnosprojets.

Aunomdel’histoireetdenotrepatrimoinecommun.Merci.

LES PASSEURS DE

HO

MM

AG

E E

T R

EM

ER

CIE

ME

NT

S

HO

MM

AG

E E

T R

EM

ER

CIE

ME

NT

S

129

HO

MM

AG

E E

T R

EM

ER

CIE

ME

NT

S

AdrianoAndréAdrianoCamilleAdrianoFlorianArcherGuillaumeBattentierChristopheBenzonelliDavidBerbouchaChristineBochetMaloryBoudghèneM.HélèneBourgeois-RomainGeorgesCarceyMarieChevallierElodieChevallierGeorgesChevallierAnnickCombetDolaneCombetFrancineConstantinMadeleineCornuFernandCruchonChristopheDarzaJonathanDeville-CavellinElianeDokoutchaefMadeleineDucrouxSébastien

DucrouxSoniaDunand-PallazAdrienDunand-PallazMélanieEtiéventMichelFéchoz-ChristopheChristianFéchoz-ChristopheMartineFrétyBéatriceGardetMilèneGarryPascalineGayMatthieuGirardJean-FrançoisGregorisMarcelGrenierGilbertGuexChristianGuzzoJulienHarbineWladimirJacquetYvetteKarpi-LejeuneIsabelleLachenalPauletteLavoineBertrandLavoineElodieLavoineSophieLoyetRoger

MaitreLauretteMaitreRenéMessinSolangeMorais-PereiraLuciePépinGastonPépinLudovicPépinMichelPépinMoniquePépinNicolePépinSuzannePépin-DonatMarcelPerrinGeorgesPerrinSolangePeylinChristianPeylinVéroniquePeylinFlorianPignard-MarthodMauricePilletNicolasPlantierMichelPlantierNathaliePoëncinJanineRabiouxAngelineRabiouxCharlotte

RabiouxPatrickReyLouisRigaudFlorianRoulinAngéliqueRoulinPatrickRoulinSylvianeSantacatterinaClaudetteSerra-InacioDavidSoulardMarie-OdileTétazAnnickTétazElianeTétazSergeTétazSimoneTétazThérèseTétazJeanneThiébautAntoineThiébautArthurThiébautIsabelleThiébautVincentThifinauAnneThifinauDidierViguet-PoupellozBéatriceViguet-PoupellozDaniel

LES ChEMINS DU 20 ÈME SIÈCLE

AdrianoAdrianoAdrianoArcherBattentierBenzonelliBerbouchaBochetBoudghèneBourgeois-RomainCarceyChevallierChevallierChevallierCombetCombetConstantinCornuCruchonDarza JonathanDeville-CavellinDokoutchaefDucroux

LTHEATRE 2005-06

128

HO

MM

AG

E E

T R

EM

ER

CIE

ME

NT

S

Unedernièrepaged’histoirepourrevisiterl’arrivéedelahouilleblanche,l’industrialisationetsesconséquencespositivespournosvallées,lagrandeguerrequimarqueuntournantdansl’histoirepaysanne,lesgrèvesde1936etlescongéspayés.1944,lasecondeguerremondiale,letempsdesrestrictions,l’actiondesmaquisardsetleparachutagedesSaisies,enfin,lalibertéenmarche.

1968asoufflécommeunouragandanslesespritsetlescompor-tements:libertédesmœursetmodernismeentrentdanslesfoyersparlagrandeporte!Toutundébat…

Transmettrelamémoirepourqu’ellefécondelefutur.Ysommes-nousparvenusàtraversnospiècesdethéâtre?

Laréponseestouicarlefutur,c’estdéjàlajeunesse,trèsprésentedanstousnosspectacles,yprenanttoutesaplace.Souvenons-nous,en1950,c’estdéjàellequibousculalesmen-talitéspourassurerleschangementspropicesàl’entréedanslemodernisme.

Ellenousentraînedanssonsillage,lesplusanciensjouantlejeu,n’hésitentpasàchanteraveceuxle«RAP»,cechantdestempsmodernes.

1-Les jeunesVousnousavezracontévot’vie,maintenantyenamarre.Yapasquedubonj’tedis!yenraslabarreL’tempsdesramoneurs,c’estfiniJuju.R’monterlaterre,tirerlacharrue,t’enpeuxplus.Nouvellegénération,ànousd’ouvrirnotresillonAnousdesemeretd’inventerettoilaissebéton.

2-JujuJ’vaist’apprendreàparlercommeilfaut,gamin!Labourertoutunsièclequetudis,tuveuxmamain?Faudrachangerlechevaletpasoublierl’avoine.Situveuxpasteretrouverplusraséqu’unecouenne.

3-Les jeunesDesusinesvousenavezfaitpartout.Dutravailyenapluspournous.Desalpagessansberger,nibergèreaupré,ladraguefautplusenparler!Descabanesàl’abandonyenapartoutsurlevallonUnsièclechargéd’histoirequ’vousdites,maisquellehistoire.Deuxguerres,çasuffit,j’tedisy’enamarre.

4-JujuArrêtedetelajouer,p’titenfoiré.Sit’eslibreetpei-nard,c’estpasunhasard.

5-Les jeunesPeinardonsera,quandontravaillerapluscommedesbagnards.Quandtousleshommesaurontdupainetsedon-nerontlamain.Lahaineyenamarre,lapaixpourdemain,del’amourpleinlesmainsTucomprendspépé?Nontucomprendspas,t’espasbranché!

6-JujuMoi,pasbranché!j’suispourtantaucourant,maisavectoionestpasfauché.

7-Les jeunesPourt’enracinert’asvoulugrappillerdesarpentsNous,ons’enfout,desracinesonenapas,tucomprendsOnsaitpasd’oùonvient,onsaitpasoùonva!Etpourtant,onvarefairelemondeJustin,unmondeànotremain.

8-JujuJ’voudraisbienvoirça!Faudravousremueretçavoussavezpas!

9-Les jeunesTunousregarderasd’enhaut,duparadisoudel’enfer.C’estcequevousnousavezlaissésurterre,maisnous,onchangeralemillénaire.SiàlaSaintGlinglinonestdanslepétrin,alorsonprieraSaintJustin.

LE ChANT DU RAP Justin l’ancien et les jeunes

SIÈCLE