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LES PASSEURS
DE MÉMOIRE
ASSOCIATION HISTOIRE & TRADITIONS DE MARTHOD
la mémoire n’est pas nostalgie elle nous aide seulement à mieux choisir le chemin où aller.
AUTEUR ROGER LOYET
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Celivreapourbutd’entretenirlamémoire.Mémoirequedeshommes,desfemmes,jeunesetplusâgés,membresdel’association«Histoire&Traditions»deMarthod,ontsutransmettreaucoursdesquatredernièresdécennies.C’estàeuxquejem’adresse.Ilssont:
Cefutunebelleaventurehumaine,riched’amitiéetdepartagepourtousces«passeursdemémoire»quiontsu,aufildesannées,traduirefidèlementlesmots,lesgestes,lesregardsdeviessimplesetgénéreusesd’hommesetdefemmessisavantsdeschosesdelanatureetdel’exis-tence.Ilsl’ontfaitautraversdenosfêtesduterroir,despiècesdethéâtre,dessonsetlumières,desfilms,commeunelecturevivantedel’évolutiondumonderural,autantderepèrestransmisauxgénérationsdece21èmesiècle. PourquoicetteAssociationetcetouvrage?L’espritpasséistenefutpaslemoteurdenotreaction.Non,carlamémoiren’estpasnostalgie,elle nous aide seulement à mieux choisir le chemin où aller.Cet ouvrage, comme un albumdephotos, rendhommageàcescompagnonsderouteparcourant lessentiersde lamémoire.Hommes,femmesetenfants,ilsontapportéunevraiechaleurhumaine,faited’amitié,dupoidsdeleurvécu,deleurconnaissancedel’histoire,toujoursavecpassionetunegrandedisponibilitéauservicedesdifférentsprojets.Certainsnousontdéjàquittés,maisrestentprésentsdansnospensées.
Cespasseursdelapremièreheure,quisont-ils?MarieCarcey,CélineFabry,JulietteBergerat,VirginieBrun,EdmondHémery,LouisMarin-Matho-laz.Tousnésdanslepremierquartdu20èmesiècle,ilsn’ontrienoublié.Ilsparlentdutempsdeleurjeunessecommesic’étaithier.Ilsécriventetracontentavecpassionlavierude,maiscalmeetsereine,quel’onmenaitalorsdansleurvillage.Plusd’unecentainede«Passeursdemémoire»viendrontlesrejoindreàleurtour.Enfait,c’esttoutunvillagequiportesonhistoire.
Etc’estàvoustous,présentsdanscerecueiletdansmapropremémoire,quejevoudraisoffrirletémoignagedemonamitiéaveclestextesetlesphotosquivontsuivre.
AVANT-PROPOS
LESPASSEURS
DE MÉMOIRE
Mille ans d’histoire Lesfamillesseigneurialesetlesoccupationsétrangères page10Lesfléaux:peste,inondations,incendies page11Lesfortifications page12Uneéconomieagropastoraleetunemigrationnécessaire page12
La vie sociale à Marthod, au début du 20ème siècleLacommune page15Lareligionetletempsdesprocessions page16Lemariage page17Lapremièreenfancedanslesannées1920 page18Lafemme,saviedepaysanne page18Laguerrede1914/1918 page19L’école page20L’industrialisation page22L’habitat page24
L’hiverJusteavantl’hiver page29Letempsdesveillées page34Lescochonnailles page36Les«gourres» page38Lepaindelaterre page40Leslavandières page42Al’étableenhiver page43
Le printemps est làLasortiedestroupeaux page45Latontedesmoutons page46Lasaisond’alpage page47
Des semailles aux récoltesLessemailles page51Lafenaison page52Lamoisson page54
L’automneRetourdestroupeaux page57Foiresd’automne page58Lesvendanges page60Duvergeraupressoir page61L’alambic page63Lepatrimoineforestier page64Lataillanderie page66Marthod,porteouvertesurdemain page69
Vivre là-haut après la guerre de 1939/1945Deschangementss’annoncent page73Uneévolutionportéeparlajeunesse page73Unenouvellemanièredevivre page75
La modernisation en marcheLapluriactivité page76Lepremieroutilàmoteur page77
Une structure foncière inadaptéeLeremembrement page79Modernisationdel’élevageetdel’agriculture page80Créationd’unestationdeski page81
Quel avenir pour l’agriculture de montagneLagestiondufoncier page82L’installationdesjeunesagriculteurs page83Deschoixpourlasurviedel’agricultureenmontagne page83
Ceux de là-hautScènedeviedansunvillagedemontagne page87Êtreinstituteurenmontagne page89Uneinvasiondedoryphores page90Lavied’uncurédemontagneen1950 page91Les«emprises» page91LeCharivari page92LeConseilderévisionetlafêtedesconscrits page93
Vivre là-hautL’arrivéeduformica page95Lesjeunesfilles page96LeshistoiresdeSimon page96Lescontrebandiersetlegarde-forestier page97Lecochon page98Lefacteur page99Lafind’uneviedepaysanetledépartdufils page100
Il faut sauver les EnversFaireunestationdeski page103Quelleplacepourl’agriculturededemain? page105Letempsdessouvenirs page107IlfautsauverlesEnvers page108Lesjournalistes page110LecafédelaJustine page112L’épiceriechezlescélibataires page114Lesourcieretlerebouteux page116
Les chemins du 20ème siècleFaireleremembrement page119Letempsd’unevie page121
SOMMAIRE
DES RACINES ET DES REPÈRES
VIVRE LA TERREENTRE 1900
ET1930ChRONIqUE D’UN
PETIT VILLAgE DE MONTAgNE
LA PAROLEDONNÉE
AUX ACTEURS
Hommage et remerciements à tous les passeurs de mémoire page122
26 708 84
VIVRE LA TERRE
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DES RACINES ET DES REPÈRES
CHAPITRE 1 MARTHOD
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DES RACINESET DES REPÈRES
DES RACINESET DES REPÈRES
DES RACINES
Marthodestunecommunedemoyennemontagne,situéeentreAlbertvilleetUgine.Al’entréedelavallée,
elleapparaîtcommeleportierduHautVal-d’Arly.Sapopulation,de1305habitantsen1868,chutaà808en1906
maissemaintintauxenvironsdecechiffrejusqu’en1968,avantderemonterà1414en2012.
D’unesuperficiede1478hectares,elles’étendsurlesdeuxversants,departetd’autredel’Arly.Surlarivegauche,lecoteaudesRatelières
s’étirejusqu’ausommetdeCornillon,à1000mètresd’altitude.Au-dessousdelaforêtdumêmenom,serépartissenttroishameaux:
lesPotons,lesPéguetsetlesGaudins.Àl’opposé,leversantduchef-lieus’élèveenquatreplateauxsuccessifs
jusqu’aupiedduMassifdel’Alpettaz(1440mètres)etdelaDentdeCons(2064mètres).
Sonhabitatdispersécomptesixhameaux:LesBalmes,Duines,Bulles,LeBois,lesDufourgs,leVillard.
Enfonddevallée,laplaineestparcourueparlarivièredel’Arly.LecanalLallier(1)etlaR.D.1212sontletraitd’unionentrelesdeuxversants.
Audébutdu20èmesiècle,unevoieferréefutinstalléepouralimenterl’usined’Ugineenmatièrespremières.Ellepermit,jusqu’en1952,detransporter
aussilepersonneldesaciériesentreAlbertvilleetUgine.
(1)CanalLallier:AménagementdutorrentdelaChaisesituéesurleterritoired’Ugine.
20 21
L’ÉCOLE
ÀMarthod, lapremièreécoledegarçons installéeaupremierétageduclocher,datede1811,celledesfillesfutcrééeen1839danslecouventdesSœursdeSaint-Joseph.LaloiFerryde1882proclameraleprincipedel’écoleprimaire,obligatoire,gratuiteetlaïque.Ceseraalorsunevéritablerévolutionquis’ouvriraversuneéducationpourtouteslesclassesdelasociété:«L’écolepourtous».Lesinstituteurssontformésdansdesécolesspéciales,ditesEcolesNormales,etreçoivent,autermedeleurformation,undiplômequicertifieleurscapaci-tés;c’estlefameuxCAP.Ilssontnommésparl’EtatquiorganiseleMinistèredel’EducationNationaleetsesrouages.Lescommunesontenchargel’édificationdesécolesprimaires,l’achatduma-térielscolaire,l’entretienetlesréparationsdesbâtiments.Ellesdoiventaussifournirunlogementauxinstituteurs,oupayeruneindemnitécorrespondantedanslecascontraire.Cesontdelourdsinvestissementspourlescommunesquiconstruisentd’aborddesécolesdanslechef-lieu;pourleshameauxéloignés,lesclassesseferontlongtempsencoredansunepiècecontiguëàuneferme,voiredansuncoindel’étable.
En1865,unnouveaubâtimentestconstruitpour installer lamairieetdeuxclassesquipermettrontdescolariserl’ensembledesélèves.En1907,uneclassefutcrééedanslevillagedesBois,dansunlocalappartenantàJosephMichel-Boex,enattendantlaconstruction,en1912,d’uneécoleneuvedanscehameau.Oncommencel’écoleélémentaireàl’âgede6ans.Larentréesefaitsysté-matiquement le 1er octobre ; les grandes vacances se prennent en août etseptembre.Bienentendu,onserendàl’écoleàpiedetengaloches(sabots)avec, sur le dos, le cartable de bois fabriqué par le papa.A midi, ceux quiviennentdeloinsonthébergéspourquelquessousdansunefamilleprochedel’école,quileurservirauneassiettedesoupe.Les grands assurent le «service» : balayage, époussetage, remplissage des
encriers, alignementdes tables, ils alimentent lepoêle àboisouà charbonenhiver. L’enseignementcomprend lecture, écriture, calcul,histoire, géogra-phie,orthographe,morale,instructioncivique,leçonsd’hygièneet,encomplé-ment,destravauxpratiquespourfillesetgarçons.Lorsquelesenfantsarriventàl’écoleàsixans,lemaîtrerencontreparfoisdesdifficultésdecompréhensioncar certainsneparlentbienque lepatoisetpeu le français. Sous l’autoritédes maîtres, la classe est disciplinée et studieuse. L’objectif de l’enseignantestd’amener lesélèvesenfindescolarité,à12ans,àréussir leurCertificatd’études.C’estunerécompenseetunesolideréférencecarl’élèvequiréussitleCertificatsaitécriresansfauted’orthographe,oupresque,résoudredespro-blèmesdecalculquiluipermettrontdesedébrouillerdanslavie.
Après l’école, pour certains, en principe les plus débrouillards, c’est ledépart pour Paris : les ressources familiales modestes, les trop nombreusesbouchesànourrir,l’exigent.Danslacapitale,lesSavoyardsformaientunecolo-nie importanteetsolidairequicasait lesnouveauxarrivants : leshommesàl’HôteldesVentes,oucommecochersdefiacre,porteursdepianosoucireursdeparquet, ramoneurspour lesplus jeunes. Les femmeset lesfillesétaientsouventplacéesdanslesmaisonsbourgeoises.Certainsferontleurvieloindupays,créeront leurentreprise,d’autres reviendrontauvillage,pousséspar lemaldupays.Ceuxquinesontpaspartis restentsous le toit familial, s’em-ployantautravaildelaterreetdelaferme.
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Lecertificatd’étude,undiplômeimportant«d’entréedanslavie»professionnelled’adulte.
Desmaîtrescraintsetrespectés,desécolesrudimentaires,uneassiduitéperturbéeparletravaildelaterre,maisdesrésultatsprobants.
Voiciuntémoignagedecetteépoque
«Ah!Le«certif»!Onlepas-saità12anset,sionlepréparaitdurant lesannéesdeprimaire,onle peaufinait à partir de Pâques.L’institutrice nous gardait uneheure après l’école pour faire lesrévisions : calcul des intérêts delaCaisse d’Epargne, des nombressexagésimaux : heures, minutes,secondes, dictées et questionsd’analyse logique, grammaticale,explicationsdemots.Après l’exa-mendu«certif», nousnous réu-nissionspouracheter lescadeauxpourlamaîtresse,c’étaitlamarqued’une immense reconnaissancepourlesbasessolidesqu’ellenousavait données, à nous et à biend’autresgénérationsavantnous !Lesmaîtresavaientuneplacepré-pondérante dans le village. Curéet enseignants étaient considéréscomme des notables capables derépondre à de nombreuses ques-tions. C’était l’instituteur qui, leplussouvent,tenaitlafonctiondesecrétairedemairie».
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VIVRE LA TERRE ENTRE 1900
ET 1930CHAPITRE 2 MARTHOD
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En1978,leshabitantsduvillageréalisentunfilm
«Marthodmonvillageen1900»Voicilesquatresaisonsdupaysan:
l’hiver-
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encore autre chose. Ces discussionsmettent en évidence l’importancequ’acettenourriture,essentiellepourlafamille.
Après le lard, c’est la fricassée :mélange de viande prélevée dans lecou de l’animal et de pommes deterre, le tout cuit dans un jus mijo-téàfeudouxsur lepoêleàbois,unrégal.Vientensuitelefromage:beau-fortettomme,suividudessertavecles bugnes accompagnées de crèmefouettée maison, café, eau de vie.Maisau fait !Et lecholestérol?Onneconnaissaitpascemotàl’époque,iln’étaitpasencoreàlamode,peut-êtrelesanciensn’enavaient-ilspas?Unebellefêtequiseterminevers16ou 17 heures, il faut bien aller fairele«ménage»,c’est-à-diresoignerlesbêtes.
DÈS LE LENDEMAIN, LE PAySAN DEVIENT ChARCUTIER «Danslecochon,toutestbon»,dit-on.Lachairesthachée,parfoisàla machine, souvent à la main pourêtre transformée en chapelets desaucisses, langeules(17), pormoniersdebettesetdechou.Onfaitaussileboudin,lepâtéetles«roulettes»depoitrine. La graisse est fondue pour
fairelesaindouxquiserviraàlacuis-son des aliments. Les jambons sontmis au séchoir, alors que le lard etcertainsmorceauxdeviandeirontausaloir. L’assaisonnement est impor-tant,chacunasapetiterecettequ’ilnedévoilequ’avecréticence.Àcetteoccasion,lesfamillesoffrirontquelquessaucissesouunmorceaudeviandeàMonsieurlecuré,maisaussiàl’instituteurduvillage,c’estlacou-tume!
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LES COChONNAILLES
Detouslesanimauxdelaferme,lecochon,quel’onachètetoutpetità la foire d’automne, est certaine-mentlepluschoyédelaferme.Ilsenourrit essentiellement de petit lait,de pommes de terre et betteravescuites.Souvent,ilmonteauxalpagesen même temps que les vaches.Il s’alimente alors de récuite(16) etd’herbage De retour à la ferme,l’automne suivant, il subit une cured’engraissement à base de farine demaïs,pommesdeterreetchâtaignes.Lorsqu’une famille reçoit des visites,les hommes ne manquent pas defairelatraditionnellevisitedel’étableens’attardantsurleoulesporcs,carcertaines familles en ont deux. Onobserveleniveaud’engraissementetlataillequisemesureennombredetoursdepoitrine.Untourreprésente10 centimètres. Un beau porc peutatteindre 120 centimètres et peserenviron180à200kg,vidé.
VersNoël,parunejournéefroide,ontuelecochon,parfoisdeux.C’est«lafête du cochon» qui rassemble lesfamilles;nonseulementleshommespour l’opération d’abattage, maisaussifemmesetenfantspourletra-ditionnel«repasducochon»quisuit.
UN AUTRE REgARD : LES COChONNAILLES à LONgEfOy EN TARENTAISE
Unefoislesporcsvidésetpendusau grenier, le matériel rangé, l’heureestau festin.Aumenu : entréeavecsaucissonet jambonsecsde l’annéeprécédente, puis c’est le traditionnelmorceaude lardprélevésur l’animaltuélematin,unbeaumorceaudelarddehuitàdixcentimètresd’épaisseur,sanslemoindrefiletdevianderouge;toutblanc,biensûr,cen’estpasdelagraisse commeonen trouvedenos
jours,maisquelquechosedeconsis-tant et de craquant (malgré cela,j’avouenepasenêtretrèsfriand).Lelard fait débat, on discute, on com-pare :«Vousavezvu,c’estunebellebête,dixcentimètresdelard,190kgvidée, il y a longtemps que l’on n’apaseulemême!»Ensuite,onfaitletourdeceuxquiontdéjàsacrifiélesleurs, chez les uns, il était plus longou plus court, chez les autres, c’est
Unefoismort,l’animalestébouillantépourensuiteéliminerlessoiespargrattage,avantdelelaveretledécouper.Untravailminutieuxaccompliavecrespectpourcetanimalquifutchoyé.
Ci-dessus:Assaisonner,malaxerlachair,goûterpourapprécierlasalaisonavantdefairelessaucisses,uneopérationdélicate.
(16)Récuite:liquideverdâtreobtenuaprèsavoirfaitlesérac,obtenului-mêmeàpartirdupetitlait,résiduissudelafabricationdufromage.
(17)Saucissesfaitesaveclesboyauxdel’animal.
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ChRONIqUE D’UN PETIT VILLAgE DE MONTAgNE
CHAPITRE 3 LONGEFOY SUR AIME
ChRONIChCh
QuittonsMarthod,laquiétuded’unvillagedemoyennemontagnepouralleràladécouvertedeshautesvalléesdeTarentaise.
Enregardantpar-dessuslesmontagnes,nousdécouvronsd’autreshorizons,d’autresversants,d’autresvies,cellesde«ceuxdelà-haut».
Là-haut,en1950,lepaysann’aquesafauxancestrale,sacharrue,sonmuletetsoncouragepourtravailleruneterrerudeetpentue.
Maisleschangementsquis’annoncentferontdeluil’artisand’unemutationsansprécédent.
S’ouvrantautourisme,ilferadelamontagneuneterred’avenir,devieetd’accueil.
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LA PAROLE DONNÉE AUX
ACTEURSCHAPITRE 4 MARTHOD
«Letalentdelamémoire,sourced’avenir»,titraientlesjournaux.«Unthéâtreduvivantaucœurdelamémoire,del’actualité
etdel’avenird’unemontagnequisedéfend».
«Iln’apasfallumoinsde5piècesdethéâtre,72représentationsàguichetferméettoutletalentdesacteurs,techniciens,assistants,pourfairerevivrel’histoire
d’unvillagedemontagne.Là-haut,jusqu’aumilieudu20èmesiècle,leshabitantssonttouspaysansettravaillentdansderudesconditions.Ilsvontconnaîtrelesgrandsbouleversementséconomiques,humains
etsociauxquiontmarquécetteépoque.»
LadernièreveilléeCeuxdelà-haut
Vivrelà-hautIlfautsauverlesEnvers
Lescheminsdu20èmesiècle
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IL fAUT SAUVER LES ENVERS
2002/2003 16 SéANCES
Simon (le maire) : Bonsoiràtous,jevousprésenteMonsieurDujardin,c’est,commeondit,unpromoteuretMonsieurDumont,quiestconseillerenagriculture.Ilsontdespropositionsintéressantesàfaire.
Dujardin : BonsoirMesdames,bonsoirMessieurs.J’aigrandplaisiràmetrouverparmivous.
Gène : Ehbiennous,aveccequ’onaappris,cen’estpasdutoutaveclemêmeplaisirquenousvousvoyons!Etcommencezpasànouspasserdelapommadepourmieuxnousentortiller!
Henri : DisPère,laisse-leparlertoutdemême!
Dujardin : Merci.Jeconnaisbienlasituationdifficiledescommunesrurales;aujourd’hui,jevaisvousdonnerunechancedevousensortiretdegardervosenfantsprèsdevous.
Ernest : J’ycomprendsrien,ysonttousvenuspournousdonnerunechance,çadoitcacherquelquechose.
Dujardin : Oui,votrechance,c’estletourisme.Lesgensdesvillesétouffentchezeux,ilsontbesoindugrandair,dusoleil,desfleurs,delaneige….Ouidelaneige,l’orblancdedemain;àlapellejevousledonne.
Justin : «Orblanc,Orblanc»,moi,delaneige,j’enaipellé,maisdel’or…jamaisvu.
Dujardin : Lapratiqueduskisedéveloppedeplusenplusetceladepuislesannées1930etmêmeavant.Desstationsdeskiexistentdepuislongtempsdéjà;plusieurscommunessepréparentàfairelamêmechose.Cesoir,jevousproposedevouslanceraussidanscetteaventure.
Simon : Ilfautbienréfléchircar,pournous,çapourraitêtreunmoyendesurvie.
Gène : DisSimon,est-cequetuterendscomptedecequivaarriver?Ilfaudrafairedesroutesavecdesparkings,destéléskisetdestéléphériquespourmonterlestouristesjusqu’enhautdelamontagne,parcequ’ilsontlaflemmed’yalleràpied.Cesgenslà,pourqu’ilsaimentlamontagne,ilfautqu’ellesoitaménagéecommeunjardinpublic.Etpuis,tuprendrasoùlessouspourfairetoutça?C’estaveclescontributionsquetuvast’ensortir?
Joseph : Nouslamontagne,onl’aimecommeelleest;ellesegagne,ellenes’offrepasencadeau.Moi,j’aiappristoutseulàfaireduski,avecunebouillesurledos.J’peuxvousdirequecen’étaitpastoujoursduplaisir.Çaabienfaitquandmême.
Sophie : Ehbienalors,qu’ilnousdiseoùilveutfairelastation.
Dujardin : Jepenseàvosalpages,orientésauNord,bienenneigés.
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C’est en 1960 que l’on voit apparaître une éclosion de
stations de ski. Pour l’agriculture de montagne, c’est une bouée de
sauvetage : mais il faut faire des choix si l’on ne veut pas mourir.
Ce soir, le maire a invité la population pour en parler.
ACTE 3
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Bernard (Il s’adresse à Arsène):Vousêtessourcier?vousavezundonpourça?Commentfaites-vous?
Arsène : Jemesersd’unebaguettedecoudrierfourchuequibaissequandjeressensl’influencedel’eau.Alors,labaguettepiquedunez,etçamarcheàtouslescoups.
Madeleine : Pourtantdel’eau,c’estpastonfort,t’enboispasunegoutte.
Arsène : Onm’aconseillédeboireduvinpourprotégermesdons.L’autrejour,leJules,ymedit:«yaquelquechosequinevapasàl’écurie,lesbêtessontnerveuses,ellesboitent,yfautquetuviennes».Ehbien,crois-moi,crois-moipas,yavaituncourantd’eauquipassaitsousleplancherdesvaches.
Henri : Hier,jet’aivurentrerchezlaLouiseavectabaguette.
Arsène : Ben,c’estqu’ellem’aappelé.«Viensvoir,ydoityavoirquelquechosedanslachambre.J’peuxpasdormir,jesuistoutenerveuse.J’aitoujoursfroidauxpieds».Alorsj’ysuisalléavecmabaguette,ah!çaapasmanquéelleabaisséleneztoutdesuite.
Henri : Çadoitêtredrôlementvexant.
Arsène : Jeluidis:essaiedechangerlelitdecôté,metslatêteauNordaulieudel’avoirdanslesnuages,moi,j’peuxrienfairedemieux.
André : Bonsoir,jecherchemonsieurJustin?Onm’aditqu’ilestrebouteuxetquejepeuxletrouverici.J’aimal,jemesuistordulacheville,quelleguigne!
Justin : C’estquemoi,jene«rabille»quelesmuletsetlesvaches.Detempsentemps,jefaisundirecteurdestation,maisc’estdéjàplusdélicat.(unrebouteuxditqu’il«rabille»).
Ernest : Nous,onestlàpourletenir(àAndré).Avant,vousallezboireunboncoupdevipérine,çavousferapasdemal,duveninvousenavezdéjàetpuisçavousdonneraducourage.
André : Ahnon,toutmaispaslavipérine!
Madeleine : Arrêtez!Troisverresyenaassez,çapourraittuerunbœuf.
Justin : Voilà,c’estfait,j’aibienentenducraquer,c’estbonsigne,pourvoir,onvalemettredebout.
(Justin demande à Madeleine de lui faire une ordonnance, qu’il dicte) : Infusiondeprêletouslesdeuxjourspendant2mois,çac’estbonpourlesos;ilenabesoin,ondiraitdéjàqu’iln’enapoint.Marqueaussideuxsangsuespourtirerlesang,àmettrelàoùc’estnoir,disqu’ilfautmettreduselpourlesdécoller,sinonauboutde8jours,iln’auraplusdesang.
LE SOURCIER LE REBOUTEUX
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ACTE 3 ACTE 3
Voici Arsène, l’ancien facteur qui est également sourcier
C’est l’arrivée d’André, le directeur de la station,
il boite et s’est probablement fait une entorse.
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A TOUS LES PASSEURS DE
MEMOIRECHAPITRE 5 MARTHOD
Pasdeprojetssanspassion,nideréalisationsansuneéquipesolidaireetefficaceUnepassion!Jelaporteenmoidepuismapremièrejeunesse.Passionpourlaterre,
lamontagne,pourlespaysans,gardiensd’unespacequ’ilsfaçonnentdepuisdessiècles.Toutnaturellement,l’idéem’estvenuedefairerevivreleurhistoireparlethéâtre,
lesspectacles,lesfilms,l’écrit,afinquenuln’oublie.
Maissansuneéquipe,rienn’estpossible.Alors,toutunvillages’estinvesti.Animépar«l’espritassociatif»,ilssontvenusnombreux,parfoisdescommunesvoisines,
chacunapportantsonexpérience,sonsavoir-faire,sadifférence,aveclavolontésansfaillederéaliseruneactioncollectivedansleplaisiretl’amitié.
Cetouvragemedonnel’opportunitédeleurdiretoutemareconnaissance,etdeleuradressermesremerciements,ainsiqu’auxdifférentsPrésidentsquisesontsuccédéauseindel’Association«HistoireetTraditions».Chacundanssonrôleaura
étéunepiècemaîtresseindispensableàlaréussitedenosprojets.
Merciàtouslesbénévoles:lesacteursetlesfigurantsqui,surscène,ontfaitvibrerlepublic;larégie:techniciens,
créateursd’effetsspéciaux,éclairagistes,concepteursdedécors;lesindispensablessouffleuses;lesremarquablescouturières:plusde150costumesontétéréalisés,couvranttouteslesépoquesdenotrehistoire;leshabilescoiffeuseschargéesd’adaptercoiffuresetperruquesàtouteslessituations;lesdynamiquespréparateursdesalle;lesprofessionnels,
réalisateursdufilm,leconcepteurdesprogrammesetaffichesdenosspectacles;leslecteursetcorrecteursdestextes;lesagriculteursréceptifsànosbesoinsqui,
àchaquedemande,ontmisleurterrainànotredisposition.
Enfin,maillonessentielàlabonnehumeurdecettechaîneactive:l’intendance,chargéedelarestaurationdetouslesintervenants!Présentepartoutsurnotreroute,avecefficacitéetdévouement,cetteéquipeasuavecbonheurcréerlesliensdu«bienvivreensemble».
Grâceàtantdedévouement,depassion,desavoir-faire,d’expérienceetd’efficacité,vousavezpermislaréussitedetousnosprojets.
Aunomdel’histoireetdenotrepatrimoinecommun.Merci.
LES PASSEURS DE
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AdrianoAndréAdrianoCamilleAdrianoFlorianArcherGuillaumeBattentierChristopheBenzonelliDavidBerbouchaChristineBochetMaloryBoudghèneM.HélèneBourgeois-RomainGeorgesCarceyMarieChevallierElodieChevallierGeorgesChevallierAnnickCombetDolaneCombetFrancineConstantinMadeleineCornuFernandCruchonChristopheDarzaJonathanDeville-CavellinElianeDokoutchaefMadeleineDucrouxSébastien
DucrouxSoniaDunand-PallazAdrienDunand-PallazMélanieEtiéventMichelFéchoz-ChristopheChristianFéchoz-ChristopheMartineFrétyBéatriceGardetMilèneGarryPascalineGayMatthieuGirardJean-FrançoisGregorisMarcelGrenierGilbertGuexChristianGuzzoJulienHarbineWladimirJacquetYvetteKarpi-LejeuneIsabelleLachenalPauletteLavoineBertrandLavoineElodieLavoineSophieLoyetRoger
MaitreLauretteMaitreRenéMessinSolangeMorais-PereiraLuciePépinGastonPépinLudovicPépinMichelPépinMoniquePépinNicolePépinSuzannePépin-DonatMarcelPerrinGeorgesPerrinSolangePeylinChristianPeylinVéroniquePeylinFlorianPignard-MarthodMauricePilletNicolasPlantierMichelPlantierNathaliePoëncinJanineRabiouxAngelineRabiouxCharlotte
RabiouxPatrickReyLouisRigaudFlorianRoulinAngéliqueRoulinPatrickRoulinSylvianeSantacatterinaClaudetteSerra-InacioDavidSoulardMarie-OdileTétazAnnickTétazElianeTétazSergeTétazSimoneTétazThérèseTétazJeanneThiébautAntoineThiébautArthurThiébautIsabelleThiébautVincentThifinauAnneThifinauDidierViguet-PoupellozBéatriceViguet-PoupellozDaniel
LES ChEMINS DU 20 ÈME SIÈCLE
AdrianoAdrianoAdrianoArcherBattentierBenzonelliBerbouchaBochetBoudghèneBourgeois-RomainCarceyChevallierChevallierChevallierCombetCombetConstantinCornuCruchonDarza JonathanDeville-CavellinDokoutchaefDucroux
LTHEATRE 2005-06
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Unedernièrepaged’histoirepourrevisiterl’arrivéedelahouilleblanche,l’industrialisationetsesconséquencespositivespournosvallées,lagrandeguerrequimarqueuntournantdansl’histoirepaysanne,lesgrèvesde1936etlescongéspayés.1944,lasecondeguerremondiale,letempsdesrestrictions,l’actiondesmaquisardsetleparachutagedesSaisies,enfin,lalibertéenmarche.
1968asoufflécommeunouragandanslesespritsetlescompor-tements:libertédesmœursetmodernismeentrentdanslesfoyersparlagrandeporte!Toutundébat…
Transmettrelamémoirepourqu’ellefécondelefutur.Ysommes-nousparvenusàtraversnospiècesdethéâtre?
Laréponseestouicarlefutur,c’estdéjàlajeunesse,trèsprésentedanstousnosspectacles,yprenanttoutesaplace.Souvenons-nous,en1950,c’estdéjàellequibousculalesmen-talitéspourassurerleschangementspropicesàl’entréedanslemodernisme.
Ellenousentraînedanssonsillage,lesplusanciensjouantlejeu,n’hésitentpasàchanteraveceuxle«RAP»,cechantdestempsmodernes.
1-Les jeunesVousnousavezracontévot’vie,maintenantyenamarre.Yapasquedubonj’tedis!yenraslabarreL’tempsdesramoneurs,c’estfiniJuju.R’monterlaterre,tirerlacharrue,t’enpeuxplus.Nouvellegénération,ànousd’ouvrirnotresillonAnousdesemeretd’inventerettoilaissebéton.
2-JujuJ’vaist’apprendreàparlercommeilfaut,gamin!Labourertoutunsièclequetudis,tuveuxmamain?Faudrachangerlechevaletpasoublierl’avoine.Situveuxpasteretrouverplusraséqu’unecouenne.
3-Les jeunesDesusinesvousenavezfaitpartout.Dutravailyenapluspournous.Desalpagessansberger,nibergèreaupré,ladraguefautplusenparler!Descabanesàl’abandonyenapartoutsurlevallonUnsièclechargéd’histoirequ’vousdites,maisquellehistoire.Deuxguerres,çasuffit,j’tedisy’enamarre.
4-JujuArrêtedetelajouer,p’titenfoiré.Sit’eslibreetpei-nard,c’estpasunhasard.
5-Les jeunesPeinardonsera,quandontravaillerapluscommedesbagnards.Quandtousleshommesaurontdupainetsedon-nerontlamain.Lahaineyenamarre,lapaixpourdemain,del’amourpleinlesmainsTucomprendspépé?Nontucomprendspas,t’espasbranché!
6-JujuMoi,pasbranché!j’suispourtantaucourant,maisavectoionestpasfauché.
7-Les jeunesPourt’enracinert’asvoulugrappillerdesarpentsNous,ons’enfout,desracinesonenapas,tucomprendsOnsaitpasd’oùonvient,onsaitpasoùonva!Etpourtant,onvarefairelemondeJustin,unmondeànotremain.
8-JujuJ’voudraisbienvoirça!Faudravousremueretçavoussavezpas!
9-Les jeunesTunousregarderasd’enhaut,duparadisoudel’enfer.C’estcequevousnousavezlaissésurterre,maisnous,onchangeralemillénaire.SiàlaSaintGlinglinonestdanslepétrin,alorsonprieraSaintJustin.
LE ChANT DU RAP Justin l’ancien et les jeunes
SIÈCLE